République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Charles Beer, David Hiler, Isabel Rochat et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Eric Bertinat, Beatriz de Candolle, Mathilde Chaix, René Desbaillets, Marie-Thérèse Engelberts, Guy Mettan et Francis Walpen, députés.

Annonces et dépôts

Le président. La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:

Pétition : Non au transfert d'élèves rive droite-rive gauche, Oui aux solutions d'urgence proposées par le DIP (P-1828)

Pétition 1828

Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes:

Pétition pour une revalorisation des sciences expérimentales au Cycle d'orientation (P-1825)

à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport;

Pétition pour des bonnes prestations sociales envers les personnes handicapées : pour une meilleure définition de la nature de la mission des Etablissements Publics pour l'Intégration ; contre la déqualification et la dénaturation des missions des Etablissements Publics pour l'Intégration (P-1826)

à la commission des affaires sociales.

IN 147-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 147 « Stop au retour des congés-ventes. Halte à la spéculation ! (Renforcement de la LDTR) »

Débat

Le président. Nous sommes aux points fixes de notre ordre du jour et traitons le point 42. Le débat est ouvert et je donne la parole au rapporteur de majorité, M. le député Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Nous parlons ici de l'initiative 147, intitulée: «Stop au retour des congés-ventes. Halte à la spéculation !» En préambule, je souligne que nous sommes ici pour parler uniquement de la recevabilité de ce texte, non pas du fond. J'espère que le président, dans sa grande sagesse, saura maîtriser le débat pour ne pas que cela dérape sur les questions de fond. (L'orateur est interpellé par M. Alain Charbonnier.) Je peux l'appeler à faire quelque chose, Monsieur Charbonnier !

Tout d'abord, j'aimerais rendre hommage à plusieurs personnes. En premier lieu, j'aimerais rendre hommage aux juristes de la couronne, à savoir les juristes de la chancellerie, qui ont effectué un travail remarquable dans l'analyse du cadre juridique; ils ont donné des réponses fouillées et détaillées, qui ressortent du rapport du Conseil d'Etat, et je tiens à les remercier ici. En second lieu, mes remerciements et mes hommages vont à Mme Loly Bolay, rapporteure de minorité. En effet, Mme Bolay est courageuse, parce qu'elle se retrouve seule contre tous, et je dis bien «tous», mais tous ! Et même les initiants ont mis en doute la recevabilité de leur initiative. Lors de sa brillante audition, M. Grobet - qui nous a quittés après une demi-heure de diatribe, sans répondre à nos questions, prétextant qu'il avait un train à prendre - a déclaré lui-même qu'il était «prêt à dresser une liste - je cite la page 14 du rapport IN 147-B - des dispositions qui posent problème.» Les initiants eux-mêmes ne croient pas en la recevabilité de leur initiative.

Revenons au texte même de l'initiative. L'exposé des motifs évoque dix mesures concrètes; mais, si l'on fait l'inventaire, ce sont vingt-trois mesures, au minimum. Souhaitez-vous, après le dîner, que je vous les énumère ? (Commentaires.) Dites-moi non, parce qu'autrement on y est jusqu'à minuit ! Donc, je vais vous épargner ce supplice et me concentrer sur les domaines généraux touchés par cette initiative.

Cette initiative touche le droit des constructions, le contrôle des loyers, le droit de la propriété, le subventionnement étatique, la rénovation pour des motifs énergétiques et la qualité pour recourir devant les juridictions administratives. Dire que l'on ne perçoit pas l'unité de la matière, c'est un euphémisme ! Dans ces innombrables mesures, la seule chose que l'on décèle est un programme politique qui n'a rien à faire dans une initiative. D'ailleurs, ce fatras indigeste a conduit la commission législative à décider que l'unité de la matière n'était pas respectée et que ce texte n'était pas conforme au droit supérieur. Par ailleurs, la commission, à laquelle je peux aussi adresser mes hommages, a fait un travail très sérieux d'audition et d'analyse. Et pour la commission, après réflexion, ce fouillis inextricable rend indispensable une invalidation complète et rend impossible une invalidation partielle !

Là, je dois dire que les initiants, représentés par M. Grobet, ont fait preuve d'une arrogance et d'un mépris intolérables des institutions, puisque M. Grobet nous a dit, en résumé: «Je suis conscient que bon nombre de ces mesures ne sont pas conformes au droit supérieur ou sont irrecevables, mais il appartient au Grand Conseil d'effectuer le travail que les initiants n'ont pas réalisé, et de faire le tri dans ces différentes mesures.» La commission a refusé de se plier à ce diktat et a considéré, à juste titre, que l'initiative dans son ensemble n'était pas recevable. Par ailleurs, compte tenu de cet inventaire à la Prévert, incompréhensible, la majorité de la commission a aussi estimé que cette initiative n'était pas applicable.

Pour finir, je m'attarderai sur une audition particulière et citerai ce que l'on peut appeler un témoignage, qui résume bien l'esprit de la majorité: «[...] se dit indigné par la rédaction de cette initiative. Il ajoute n'avoir jamais été confronté à des textes aussi compliqués, contradictoires, mal rédigés et impossibles à insérer dans la systématique légale. Il indique que les initiatives ne permettent pas de comprendre clairement les conséquences juridiques et effectives générées par l'application de celles-ci. Il considère que l'irrecevabilité des deux initiatives est évidente. Il indique que les citoyens ont été trompés. Il explique que ces initiatives s'inscrivent dans le cadre de la pénurie de logements et considère que ces initiatives risquent - même - de péjorer la situation [...]. Il explique que les citoyens ont été trompés parce que le catalogue de mesures présenté par l'IN 147 est supposé améliorer la situation alors que ses conséquences vont à fin inverse. Il pense que la production de logements en sera affectée.» C'est là que la forme rejoint le fond: par son caractère manifestement irrecevable et par ses mesures inapplicables, cette initiative va à l'encontre de la production de logements. Je vous invite à suivre l'avis de l'immense majorité de la commission, et je laisse Mme Bolay à sa dure solitude. (Commentaires.)

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Tout d'abord, je dirai au rapporteur de majorité que j'étais peut-être seule comme minorité en commission, mais j'ai mon groupe entier derrière moi...

M. Edouard Cuendet. Ce n'est pas une référence !

Mme Loly Bolay. ...pour soutenir cette initiative 147 ! (Applaudissements.) Ensuite, M. Grobet n'a jamais affirmé qu'il y avait toute une liste des dispositions qui pourraient être contraires au droit supérieur. Il en a cité une, mais pas toute une liste. Enfin, M. Grobet a peut-être des défauts, mais il a une qualité, Monsieur le rapporteur de majorité: il respecte les institutions, il les a toujours respectées.

Je reviens maintenant à l'initiative 147. D'abord, Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que l'initiative 147 a recueilli 14 100 signatures, à peu près. C'est dire que l'immense majorité des Genevois sont préoccupés par cette problématique. Ensuite, ces deux initiatives trouvent leur raison d'être dans le contexte de pénurie de logements à Genève et surtout dans le renoncement de l'ancien président du DCTI à honorer l'accord historique dans lequel il s'était engagé à construire 2500 appartements par année. Aujourd'hui, les chiffres nous le montrent, on est loin, extrêmement loin, des engagements pris alors.

Sur la recevabilité, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative 147... (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Mme Loly Bolay. ...relève explicitement ceci à la page 8: «Toutes les mesures proposées ont certes un lien avec la construction de logements et l'utilisation des bâtiments pour le logement, mais le nombre de modifications proposées est très important.» J'aimerais quand même relever que beaucoup d'initiatives ont été déposées à Genève, de plus en plus d'ailleurs, et qu'il y a des jurisprudences du Tribunal fédéral, notamment en cette matière. La jurisprudence du Tribunal fédéral indique: «Une initiative populaire peut mettre en oeuvre des moyens variés, pour autant que ceux-ci soient rattachés sans artifice à l'idée centrale défendue par les initiants.» C'est le rapport de connexité ou intrinsèque mentionné dans l'article 66 de notre constitution genevoise.

Le rapporteur de majorité nous cite comme exemple une initiative, l'IN 140, qui a été frappée d'invalidation par le Tribunal fédéral. Mais je rappelle quand même que l'initiative 140, il y a déjà quelque temps, était une initiative constitutionnelle, c'est-à-dire qu'elle touchait la constitution. Or l'initiative 147 est une initiative législative, dans laquelle la marge de manoeuvre est beaucoup plus grande. D'ailleurs, j'aimerais vous rappeler ce que l'initiative 147 propose: maintenir le parc immobilier locatif existant, garantir que les surélévations des immeubles ne soient pas destinées à des logements de luxe et renforcer la protection contre les congés-ventes. C'est-à-dire que toutes les propositions contenues dans l'initiative 147 sont concrétisées - elles se trouvent déjà dans la LDTR. J'aimerais rappeler que la LDTR et la LGL, dont les dispositions se trouvent dans cette initiative, émanent de deux initiatives distinctes, dans les années 1993-1994 - deux initiatives non formulées - et que ces deux initiatives ont été votées tant par ce plénum que par les citoyens.

J'ai été choquée, parce que, tout au long de nos débats, la majorité a soutenu que les personnes qui avaient signé ces initiatives avaient été trompées. Mesdames et Messieurs les députés - je m'adresse là notamment à la majorité de droite - on voit que vous n'avez pas l'habitude d'être dans la rue pour récolter des signatures ! (Commentaires.) Non, vous n'avez pas l'habitude ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Vous savez très bien que les gens ne signent pas n'importe quoi et que, avant d'inscrire leur nom, leur adresse et leur signature, ils demandent bien ce qu'ils signent ! Je m'inscris en faux contre ce que vous dites, parce que ce que vous alléguez est extrêmement grave: cela signifie que les initiants ont trompé les citoyens. Ce n'est pas acceptable.

Je suis d'accord avec vous, en revanche, sur un élément. Vous évoquez la complexité de ces dispositions. Oui, ces dispositions sont complexes ! Mais la matière elle-même est complexe ! Dites-moi, vous avez voté la loi sur l'énergie, proposée par le Conseil d'Etat, dans laquelle il y avait des dispositions sur la loi sur l'énergie et sur la LDTR... Vous l'avez tous votée ! Il y avait un mélange des dispositions, mais il y avait cette connexité, ces buts qui se rejoignaient, et vous les avez votées ! Vous n'avez pas trouvé que cette loi était complexe et qu'on ne pouvait pas la comprendre !

Eh bien, Mesdames et Messieurs, on est dans la même catégorie ! On est dans des initiatives qui font des propositions face - je le répète - à une pénurie de logements ! Aujourd'hui, quand on construit, on ne réalise que des PPE et des appartements de luxe... Mais la grande majorité des Genevois n'arrivent plus à se loger ! Aujourd'hui, on donne le congé à des gens, afin de pouvoir doubler les loyers ! Voilà ce qui est important: cette pénurie de logements ! Et ces mesures visent justement à recadrer et à faire prendre conscience au Conseil d'Etat qu'il convient d'honorer les engagements qu'il avait pris à l'époque - le Conseil d'Etat et l'ancien président du DCTI - de construire 2500 logements par année à Genève. C'est loin d'être le cas.

Alors oui, d'accord, des dispositions pourront éventuellement être revues ! Mais c'est le Tribunal fédéral qui va faire ce travail. (Remarque.) Le Tribunal fédéral verra bien s'il y a des dispositions qui, effectivement, sont contraires au droit supérieur. En attendant, nous sommes seuls dans cette enceinte. Oui, nous sommes très seuls, mais nous assumons ce choix, celui de dire: «Cela suffit, maintenant ! Il faut construire des logements.» Certes, Monsieur Aumeunier, vous n'aimez pas cela, je sais, vous défendez une autre catégorie de gens. Nous, nous défendons ceux qui ont besoin aujourd'hui de trouver un appartement ! C'est la raison pour laquelle le parti socialiste, seul contre tous, votera la recevabilité de l'initiative 147, ne vous en déplaise ! (Applaudissements.)

Mme Emilie Flamand (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, mon intervention concerne à la fois l'initiative 147 et l'initiative 148. Comme les problèmes sont similaires, je ne vais pas intervenir deux fois.

Ce n'est pas de gaîté de coeur que les Verts invalident une initiative. Il est d'ailleurs très rare qu'ils le fassent. C'est donc après mûre réflexion que nous avons fait ce choix. Il faut dire que les initiatives qui nous sont soumises ce soir posent manifestement des problèmes au niveau de l'unité de la matière et au niveau de la clarté. Elles comprennent des dispositions très diverses et modifient de nombreuses lois. Or, contrairement à ce que disait la rapporteure de minorité, l'unité de matière s'applique pour les initiatives, puisqu'il est important que le citoyen puisse se former une opinion facilement, mais l'unité de matière ne s'applique pas aux débats du Grand Conseil - et heureusement, sinon nous aurions bien de la peine à faire des réformes législatives. Ces initiatives présentent ainsi une grande complexité et, donc, une difficulté, précisément, pour les citoyens à se former une opinion. Même des personnes qui sont juristes, parmi celles que nous avons auditionnées, nous ont confié qu'elles n'étaient pas sûres d'avoir tout compris, après avoir étudié le texte pendant un long moment. D'ailleurs, je rappelle que la dernière initiative du même groupement, l'initiative 140, posait le même type de problème et que son invalidation avait été confirmée par le Tribunal fédéral - devant lequel, certainement, ces initiatives se retrouveront à nouveau, ce que l'on ne peut que regretter.

Ce type d'initiatives, à tiroirs, fait du tort aux droits populaires, en réalité. En effet, sous un titre accrocheur, on fait signer un texte extrêmement complexe aux citoyens; le texte est ensuite invalidé, ce qui donne aux gens l'impression que l'on se moque de leur avis. Nous condamnons ce type de pratique, qui fait véritablement du tort à la démocratie. Car, pour avoir une certaine expérience dans la récolte de signatures, je peux dire que les gens lisent rarement tout le texte qu'on leur soumet. Ils écoutent les explications qu'on leur donne, c'est une chose, mais je doute que les personnes de l'ASLOCA qui faisaient signer ce texte aient pris le temps d'expliquer les douze ou quinze dispositions dans les détails. C'est simplement impossible.

Voilà pourquoi nous vous recommandons de suivre la majorité de la commission et d'invalider ces deux initiatives. (Applaudissements.)

M. Serge Dal Busco (PDC). Monsieur le président, chers collègues, tout d'abord, je remercie le rapporteur de majorité de l'excellence de son rapport écrit, ainsi que de son rapport oral de ce soir. Mes félicitations vont aussi à Mme Bolay, qui s'attelle à essayer de nous expliquer l'inexplicable.

Voici ce que je voudrais dire. Evidemment, on serait tenté de débattre un peu sur le fond. Mme la rapporteuse de la minorité a essayé d'aborder ce sujet, parce que c'est le seul sur lequel on peut dire quelque chose en tant que minoritaires dans la commission. Mais je peux vous garantir que ce n'est pas l'apanage du parti socialiste, au travers de la défense de cette initiative, que de défendre, précisément, le logement à Genève. Je crois que l'on a pris - celui qui vous parle et le groupe qu'il représente - à maintes et répétées reprises la parole, pour dire combien cette question du logement à Genève est lancinante et doit trouver une solution. Mais ce n'est certainement pas dans des textes aussi fourre-tout, si vous me pardonnez l'expression, que l'on trouvera notre salut en matière de logement ! Je rejoindrai alors pleinement ce que vient de dire ma collègue, Mme Flamand, sur le caractère perturbateur, pour ne pas dire néfaste, de ce genre de texte auprès de la population, qui signe des initiatives en toute bonne foi, en croyant avoir compris toutes les subtilités; et quand on essaie d'y mettre son nez, si vous me pardonnez encore une fois cette expression, on n'y comprend rien du tout !

Vous avez évoqué le texte de la loi sur l'énergie. Je me suis livré à l'exercice - n'étant pas membre de ce parlement lors de l'examen du vote de cette loi - pour savoir si cette loi sur l'énergie était effectivement du même acabit. Je peux vous dire que l'impression que m'en a laissée cette lecture n'est pas du tout la même que ces dispositions que prévoit l'initiative dont nous examinons la validité ce soir, mais alors pas du tout ! Donc comparaison, dans le cas d'espèce, n'est absolument pas raison, et nous rejoignons - je rejoins, au nom du groupe démocrate-chrétien - les conclusions de la majorité, exprimées par M. Cuendet. Cette initiative, par manque d'unité de matière, par manque de clarté et de respect du droit supérieur, doit être invalidée. C'est vraiment regrettable, parce que nous ne doutons pas de la bonne foi des initiants de tenter de trouver des solutions en matière de logement. Je crois que l'on y oeuvre tous. Mais, de toute évidence, la voie suivie est totalement inappropriée. Donc je vous recommande, au nom du groupe démocrate-chrétien, de suivre les conclusions de la majorité et de déclarer totalement invalide l'initiative 147. (Applaudissements.)

Mme Irène Buche (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas parce que le texte proposé dans l'initiative est complexe qu'il n'y a pas d'unité de la matière. La LDTR est une loi complexe. Comme l'a dit Mme Bolay, c'est un texte qui a été construit au fil des ans, suite à des initiatives populaires. En fait, ce qui est proposé aujourd'hui dans cette initiative, ce ne sont que des modifications de la LDTR, avec deux petits changements à la loi sur l'énergie et à la LCI, qui sont connexes à la LDTR. On ne peut pas dire que ce soit incompréhensible, compliqué au point que les citoyens ne puissent pas comprendre ce qu'ils ont signé; les citoyens connaissent les problèmes qui sont posés ! Ils connaissent le problème des congés-ventes, des hausses de loyers abusives et de la spéculation. En signant un tel texte, ils ont donc parfaitement compris ce dont il s'agissait, même s'ils n'ont peut-être pas compris le texte à la virgule près.

Maintenant, comme d'habitude, c'est faire un mauvais procès que de dire qu'il n'y a pas d'unité de la matière. Cela arrive tout le temps avec ce genre d'initiative, et quand on n'aime pas le contenu, on s'attaque à la forme... Mais je peux vous dire que le peuple aura le dernier mot dans cette affaire.

Je voudrais revenir au contenu de l'initiative elle-même, à ses objectifs. Justement, contrairement à ce que vous dites, il y a une unité de la matière, puisque les objectifs principaux sont de renforcer les règles actuelles concernant la vente d'appartements - et lutter ainsi contre les congés-ventes sous toutes leurs formes; de préserver des logements à loyer modéré en limitant strictement les autorisations de démolir; et de maintenir des loyers correspondant aux besoins prépondérants de la population. Ce sont les objectifs principaux ! Alors s'il faut de nombreuses modifications pour arriver à ce but, cela ne pose aucun problème.

Donc, je vous demande de revenir sur votre position et de voter la recevabilité de cette initiative.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vous dire que l'UDC n'était pas un peu empruntée lorsque nous avons dû aborder ce problème serait vous mentir. Vous mentir, car, tout comme l'a relevé Mme Bolay, nous ne pensons pas que les personnes ayant signé cette initiative ont été trompées, nous estimons qu'elles l'ont fait de bonne volonté. Notre opprobre est plutôt dirigé contre les initiants, à savoir ceux qui ont rédigé ce texte. Parce que, manifestement, ce sont eux qui, en proposant un texte trop fouillé, trop détaillé, ont menti aux personnes qui leur ont fait confiance. Nous tenons à remercier le rapporteur de majorité, car, dans cette tâche ardue - et j'ajoute, comme il l'a déclaré au début, que nous nous exprimons sur la forme, le fond étant un tout autre problème - il est vrai que nous avons quelque souci actuellement.

Je me souviens qu'en commission, lorsque nous avons reçu les initiants, j'ai demandé, en examinant cette initiative, pourquoi un projet de loi n'avait pas directement été rédigé. Si un projet de loi avait été soumis à notre parlement, il aurait pu être débattu en commission - du reste, vous-même, Madame la rapporteuse de minorité, avez indiqué qu'il y avait des choses à discuter - et cela, peut-être, davantage que dans une initiative qui fixe tout et vise, du moins dans ses textes, tellement de buts différents qu'il est difficile de séparer le bon grain de l'ivraie. Il est certain qu'un mélange des droits fondamentaux est fait. En ce qui concerne l'Union démocratique du centre, nous ne pouvons pas accepter un tel mélange, et je dirai que notre opinion n'aurait pas eu grande valeur si elle n'avait été quand même appuyée par bien des avis de droit, par bien des juristes et par bien des personnes qui ont démontré, non pas que le fond de cette initiative était faux, mais que la forme était irrecevable.

C'est la raison pour laquelle, bien d'autres choses ayant été dites, le groupe de l'Union démocratique du centre vous demandera de suivre le rapport de majorité et de déclarer cette initiative invalide.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on assiste, depuis une trentaine de minutes, à ce que Genève fait depuis des décennies. Nous avons deux blocs: un bloc de gauche, qui prétend défendre les locataires, et un bloc de droite, qui prétend défendre les propriétaires. Et chacun se complait dans la situation actuelle de Genève, c'est-à-dire que l'on ne construit pas assez de logements. (Remarque.) Alors on a une machine électorale, qui s'appelle l'ASLOCA, et on a une autre machine électorale, de l'autre côté, qui est une association pour la défense des propriétaires.

Finalement, je vous demande ceci, Mesdames et Messieurs: cette initiative va-t-elle dans le bon sens ? Non ! Parce que si l'on ne construit plus de logements, que l'on ne fabrique pas de richesses, vous n'aurez plus rien à dépenser, les socialistes, pour le social ! La grande différence qu'il y a entre vous et nous, c'est que vous ne voulez plus de riches et que nous ne voulons plus de pauvres ! Vous l'avez entendu il n'y a pas longtemps. C'est tellement vrai, Mesdames et Messieurs ! C'est là qu'il faut intervenir avec intelligence... (Sonnerie de téléphone portable.) Excusez-moi, mon téléphone sonne. Voilà, ça m'arrive. (Exclamations.) Désolé, j'ai oublié de couper la sonnerie !

Mesdames et Messieurs les députés, une fois encore - vous l'avez tous bien compris, ainsi que la population - dès qu'on touche aux locataires, il est prétendu: «Il ne faut pas faire cela, parce que cela va augmenter les loyers», etc. Ce n'est pas le vrai problème ! Si aujourd'hui les locataires - et ceux qui me regardent à la télévision - pouvaient acquérir leur logement, ils paieraient moins cher leur habitation ! Cela, tout le monde le sait ! sauf que les majorités des groupes ici représentés, qui sont à Berne aussi, ne font rien pour faciliter l'acquisition ! Nous sommes, à Genève, un canton de locataires, nous ne sommes pas un canton de propriétaires !

Et puis, il y a quelques moutons noirs dans les partis... Je vais vous en citer un - je ne sais pas si les caméras pourront le voir. (L'orateur montre à l'assemblée un document sur tablette tactile.) Voici la liste de la chancellerie d'Etat. Je lis: «Pierre Maudet, Ensemble avec les locataires». C'est extraordinaire, quand même ! J'ai failli croire que c'était le représentant du parti socialiste ! (Commentaires.) Mais j'ai dû me tromper ! (Remarque.) J'ai dû me tromper. Donc, «Ensemble avec les locataires»... Nous avons un PLR qui défend les propriétaires et un candidat PLR qui, lui, défend les locataires ! Voilà la soupe, Mesdames et Messieurs, que vous servez au Genevois depuis bien trop longtemps ! C'est la raison pour laquelle vous ne comprenez pas pourquoi le Mouvement Citoyens Genevois continue à grimper à chaque élection ! C'est justement parce que vous êtes dans deux blocs qui se combattent par nature.

Alors, Mesdames et Messieurs, pour en revenir à l'initiative... (L'orateur est interpellé par Mme Loly Bolay.) Oui, je sais que ces discours vous énervent, Madame Bolay ! (Remarque.) Mais oui, mais c'est tellement vrai ! Vous défendez, prétendument, les locataires, alors qu'il faudrait en faire des propriétaires, afin qu'ils paient bien moins cher leur logement ! Car, avec les loyers qu'ils paient aux propriétaires, ces derniers ne perdent pas d'argent à la fin du mois ! Ils en gagnent, sinon ils ne loueraient pas ! C'est tellement logique. Il faut donc tout faire...

Le président. Monsieur le député, vous venez d'annoncer que vous alliez vous exprimer sur la recevabilité. Je vous demande de bien vouloir y venir.

M. Eric Stauffer. C'est ce que je suis en train de faire !

Le président. Non, je vous demande d'y venir !

M. Eric Stauffer. Mais bien sûr ! Encore une fois, la population m'est témoin... Mesdames et Messieurs, le groupe MCG déclarera invalide cette initiative.

M. Christophe Aumeunier (L). Au fond, nous assistons ce soir à la suite d'un très long épisode. En 1962 déjà, il y avait la naissance de restrictions quant à la démolition et à l'affectation d'immeubles de logements. En 1983 naissait la LDTR et, en 1989, on la durcissait drastiquement, tandis que, sous l'égide d'un Conseil d'Etat bienveillant, entre 1995 et 1997, nous vivions une accalmie, une diminution des restrictions, une possibilité de rénover les immeubles. Citation: «Aujourd'hui, à Genève, sous l'égide de la nouvelle LDTR, version 1999, qui a été votée par 49 voix contre 49 dans ce parlement - M. Spielmann, représentant de l'Alliance de gauche, ayant fait la différence comme président - ont été drastiquement durcies les conditions dans lesquelles nous pouvons rénover les immeubles.» Nous pourrions éventuellement démolir pour ne pas rester avec des immeubles qui sont des passoires énergétiques.

Au fond, aujourd'hui, suite au rapport de la commission d'évaluation des politiques publiques de 2005 qui donnait neuf préoccupations ou neuf solutions d'assouplissement de la LDTR, considérant que celle-ci était trop rigide, nous nous demandons pourquoi il y a vingt-trois propositions - vingt-trois ! - de renforcement de cette loi totalement hétéroclites. L'on nous dit que c'est parce qu'il y aurait une multiplication des congés-ventes à Genève: faux. Il n'y a pas d'augmentation des statistiques judiciaires qui nous montrerait que cela soit vrai. C'est faux; c'est un mensonge. En définitive, ce n'est autre qu'un programme politique d'un parti qui est à la dérive. C'est grave, parce que ces vingt-trois nouvelles propositions sont incohérentes, ont des contradictions internes, et elles sont conçues en des textes incompréhensibles. Il y a donc là - cela a été relevé tout à l'heure - une tromperie, une tromperie d'une majorité de la population éventuellement, une tromperie des locataires en tout cas. Peut-être ne me croirez-vous pas ! Donc je vous propose une chose extrêmement simple.

Je m'arrête à l'article 1, alinéa 3, de cette initiative: «La démolition d'un bâtiment d'habitation est exceptionnelle, en raison de la qualité de vie, de la préservation des logements bon marché, de la construction de surélévations au lieu de démolitions et du maintien des bâtiments qui ont 75 ans d'âge, tout en évitant les délogements de locataires.» Qui comprend ? Qui peut comprendre ? Mme Bolay m'a dit, et a dit tout à l'heure, que nous considérions, nous, que nous faisions preuve de mensonge en indiquant que la population ne pouvait pas comprendre cela. Madame Bolay, vous allez m'expliquer cette disposition. C'est l'article 1 de cette initiative, alinéa 3. Ce n'est qu'un exemple; 75 ans d'âge, cela nous mène à 1936, s'agissant de protéger les immeubles. Alors on protège tous les immeubles de 1936, pas avant 1936, pas après 1936 ! 1936, c'est quoi, l'âge du capitaine ?! Non, ce n'est pas l'âge du capitaine; M. Grobet est né en 1941, à ma connaissance. Donc je ne m'y retrouve pas; j'essaie d'interpréter, et je comprends qu'il ne faut pas démolir mais peut-être surélever.

Alors j'essaie de surélever; je vais à l'article 9A, où je lis ceci, Mesdames et Messieurs les députés: «1 Afin de permettre la construction de logements supplémentaires, le département peut autoriser une augmentation de la hauteur du gabarit d'un immeuble [...] à condition que celle-ci s'aligne aux hauteurs des façades proches, en respectant l'harmonie urbanistique de la rue et celle des gabarits des immeubles voisins [...]. 2 Cette autorisation n'est délivrée qu'avec l'accord du Conseil administratif de la Ville de Genève [...]». Ah, voyez-vous ! La Ville de Genève, lorsqu'on surélève sur sa commune, a effectivement à donner un accord sur les surélévations. Bien ! Je continue: «3 La surélévation des gabarits doit être identique à celle des immeubles contigus [...]». Encore une condition, parfait ! J'ai cru comprendre, mais non, je n'ai pas compris; puisqu'il s'agit de dispositions multiples, à tiroirs, je dois encore me référer au minimum - mais pas seulement - à l'article 9, alinéa 2, lettre d).

Alors je passe à l'article 9, alinéa 2, lettre d), et lis ceci: «le volume de l'appartement ne dépasse pas 6 pièces, ni 20 m2 par pièce; ni une surface totale de plancher de 120 m2 [...]». Tous les locataires genevois doivent savoir que l'association qui les représente propose que leur appartement soit limité dans les surfaces. Très bien ! Ai-je tout compris et ai-je été au bout de ma démarche ? Non, pas du tout. Je dois encore m'en référer au contrôle des loyers de l'article 12.

Mesdames et Messieurs les députés, je vous passe ici l'exercice. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Ce ne sont pas moins de 8 dispositions différentes qui sont applicables, incompréhensibles et pour lesquelles des avocats spécialisés et des avocats du Rassemblement n'ont pas été capables de nous indiquer ce qu'il fallait comprendre. Nous ne pouvons pas le comprendre ni savoir ce dont il s'agit. En conséquence de cela, nous disons, de manière fondée, que les signataires de cette initiative ont été trompés.

J'en viens aux auditions, pour souligner, enfin, et de manière extrêmement concise, que la Communauté genevoise d'action syndicale est très inquiète, parce que, relève-t-elle, les rénovations et l'emploi genevois seront affectés par cette initiative.

Quant aux conditions formelles de validation, vous l'aurez compris, avec vingt-trois dispositions hétéroclites, nous ne pouvons pas considérer qu'il y a unité de la matière. Faut-il scinder ? En effet, nous sommes sérieux; nous cherchons, en vain, quels pourraient être les objectifs, quelle pourrait être l'idée générale - on nous a parlé tout à l'heure d'idée générale. Eh bien, laquelle est-elle ? Laquelle est-elle quand on veut contrôler les loyers, interdire au locataire d'acheter son propre appartement, interdire la démolition et les surélévations, et contrôler les tailles de pièces ? Quelle est l'idée générale suivie ? Nous ne l'avons pas trouvée, en commission, et nous disons donc que cette initiative ne peut être scindée.

Quant à la conformité au droit supérieur, je crois l'avoir démontré - peut-être n'est-ce pas le cas ? - nous avons un problème de clarté. Nous n'y comprenons rien ! La clarté est effectivement un critère de conformité au droit supérieur, parce que notre démocratie est belle. Mais voilà que l'on souhaite la bafouer, avec des textes qui ne sont pas conformes à ce que nous avons souhaité dans la démocratie suisse, à savoir confiance et clarté. Or ce n'est pas du tout cela que l'on nous propose. L'on nous dit, précisément: «Mais faites confiance ! Faites confiance aux représentants des locataires. Faites-leur confiance.» Oui ! Mais vont-ils nous expliquer ? Madame Bolay, expliquez-nous l'article 1 de cette initiative.

Le président. Vous voudrez bien vous adresser au Bureau, Monsieur le député.

M. Christophe Aumeunier. Volontiers ! Vous transmettrez, Monsieur le président. La commission s'est également arrêtée sur l'exécutabilité. A la différence du Conseil d'Etat, nous avons considéré que cette initiative est totalement inexécutable, parce que, vous l'aurez saisi, n'y comprenant rien, nous ne pourrons pas l'exécuter, le département ne pourra pas exécuter. Au fond, il s'agit de déclarer cette initiative totalement irrecevable, et nous vous proposons ainsi de suivre la majorité de la commission. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, après ce qui vient d'être dit, je serai bref, puisque le MCG abonde dans les explications que vous venez d'entendre. Ces deux lois ne sont pas exécutables, par manque de clarté. Mais l'une d'entre elles en tout cas est une imposture, celle qui vise prétendument à lutter contre les congés-ventes. Evidemment, si vous demandez dans la rue à des locataires s'ils sont prêts à lutter contre les congés-ventes, en leur faisant craindre le risque de recevoir un jour leur congé, avec l'obligation de quitter leur appartement parce que leur propriétaire veut tout simplement faire un bénéfice sur ce dernier, bien sûr que ces personnes vont signer l'initiative que vous leur présentez.

Mais l'interdiction de faire ce que vous dénoncez existe déjà dans la législation actuelle. Vous ne pouvez pas dire à un locataire: «Achetez votre appartement, sinon je résilie votre bail.» C'est punissable pénalement, et vous le savez très bien. Alors vous faites croire que cette loi introduit ce qui existe déjà et vous essayez de qualifier de congé-vente tout simplement le désir, qui peut être légitime, d'un propriétaire de vendre son bien. Aujourd'hui, déjà, pour vendre un bien loué, un propriétaire doit remplir un nombre incalculable de conditions. Vous voudriez tout simplement rendre impossible cette vente, ce qui veut dire qu'un appartement loué serait définitivement voué à la location, avec l'effet pervers que vous connaissez mais que vous voulez évidemment dissimuler, d'empêcher les personnes qui souhaiteraient devenir propriétaires de l'appartement qu'elles occupent de franchir cette étape et de faire le pas.

Non, en fait, vous voulez tout simplement interdire la vente des appartements loués, et par là même dissuader tout propriétaire d'appartement d'y mettre un locataire. C'est en effet ce que la gauche fait depuis des décennies dans ce canton: outiller l'arsenal législatif de dispositions qui n'ont pour effet, sinon pour objectif, que de dissuader les propriétaires d'investir dans la construction de logements. Nous avons une pénurie inqualifiable de logements dans notre canton, alors que la droite puis la gauche se sont succédé au département qui serait censé régler le problème, parce que nous sommes dans un carcan législatif qui dissuade qui que ce soit de vouloir investir son argent dans un appartement ! Et si un jour vous avez un appartement, vous allez vous efforcer de n'y mettre personne aussi longtemps que vous le pouvez, parce que, le jour où vous y mettrez quelqu'un, vous êtes sûr de ne plus pouvoir le faire partir, ou, pire, si l'on accepte la loi que l'on nous propose ici, de ne plus pouvoir le vendre, définitivement.

Alors votre but est compréhensible: maintenir votre électorat, ces locataires - que nous sommes en grande partie ici - qui ont peur de perdre leur appartement. Mais vous le faites, je l'ai dit, par une imposture, en arrivant exactement à l'effet inverse de celui que vous essayez de nous faire croire, c'est-à-dire de dissuader qui que ce soit d'investir dans le logement. Ou alors vous voudriez faire de l'Etat le seul et unique investisseur dans le domaine du logement, et faire uniquement des appartements d'utilité publique dont l'Etat serait propriétaire. C'est ce que nous ne voulons pas et ne pouvons pas faire. Nous devons continuer à promouvoir l'initiative privée et les investissements privés dans le domaine du logement. Cette initiative est donc contraire au droit fédéral, en empêchant tout simplement la vente d'un bien immobilier.

La deuxième initiative l'est tout autant, pour les motifs qui vous ont été rappelés par mon collègue, M. Aumeunier. Elle vise finalement, ni plus ni moins, en dérogation au droit fédéral, qu'à obliger le déclassement de terrains agricoles pour la construction de logements. C'est évidemment là aussi qu'il faut aller chercher les terrains pour la construction, mais pas seulement là, vous le savez tous.

Ces lois sont effectivement tellement complexes qu'elles ne visent qu'à renforcer ce que j'appelais il y a un instant un carcan législatif qui nous menotte et qui, précisément, est à l'origine de la pénurie très importante que nous vivons à Genève dans ce domaine. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gabriel Barrillier, premier vice-président du Grand Conseil.

M. Gabriel Barrillier (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai hésité à m'exprimer, mais, en tant que président de la commission législative, je peux dire que nous sommes saisis depuis quelques mois de plusieurs initiatives dont nous devons examiner la recevabilité. Je souligne: la recevabilité. Or ce n'est pas la première fois que, en examinant cette problématique de la recevabilité, au regard des critères que vous connaissez, on passe de la forme au fond. Même le rapporteur de minorité s'exprime sur la LDTR en oubliant de dire que la LDTR - par exemple, ça c'est du fond - fait que, à Genève, on rénove deux fois moins vite qu'en Suisse. (Remarque.) Mais c'est le fond, Madame ! C'est le fond ! Je reviens à l'exercice auquel nous nous livrons aujourd'hui pour la ixième fois, en sachant pertinemment que cela va finir au Tribunal fédéral. Or, en ce qui concerne les recours, en matière de recevabilité, Genève est le champion suisse au Tribunal fédéral; sauf erreur, huit recours sur dix proviennent du canton de Genève.

Alors, chers collègues, on doit se poser la question ! A quel exercice nous livrons-nous ? Je vous rappelle très simplement que l'initiative populaire, qu'elle soit législative ou constitutionnelle, doit par sa rédaction permettre au citoyen - j'allais ajouter «lambda» - d'exprimer librement et avec certitude sa volonté, et que, pour cette raison, le but de l'initiative doit être clair et en rapport étroit avec les différentes parties de celles-ci. Vous pouvez m'expliquer comment, avec dix mesures ou objectifs, en fait vingt-trois mesures - cela a été rappelé par l'excellent rapporteur de majorité - le citoyen lambda peut se prononcer ? Dans certains cas, on place une table dans la rue ou devant certains syndicats, et le citoyen peut signer sans explication, il a devant lui un texte composé d'une quarantaine d'articles... Donc, on ne va pas me dire qu'il signe en connaissance de cause.

Dès lors, je pense - et je ne sais pas si les solutions trouvées par la Constituante seront les bonnes - eh bien, je pense qu'à l'avenir il faudrait quand même trouver une solution concernant la recevabilité ! Telle qu'elle est traitée, par exemple, sur le plan fédéral, où les initiatives fédérales sont d'abord soumises à la Chancellerie fédérale pour un examen rapide, afin de savoir si elles ne sont pas complètement farfelues. Je pense qu'il faut que l'on modifie d'urgence cette procédure, parce que, encore une fois, on passe des heures en commission législative, ensuite en plénière, sur des textes qui finissent au Tribunal fédéral ! Dès lors, je vous invite à refuser la recevabilité de ces deux initiatives.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si cette initiative, nous l'espérons, sera considérée tout à l'heure comme irrecevable, cela a été dit, c'est pour de multiples raisons. Mais l'une de ces raisons est son manque d'unité de matière. Or si cette initiative manque d'unité de matière, c'est parce que les initiants ont cherché à régler de nombreux problèmes en même temps, et surtout à revenir en quelque sorte sur une volonté populaire récemment affichée, c'est-à-dire l'adoption de la loi sur l'énergie. Il y a, dans le texte de cette initiative, la volonté de revenir par la bande sur des acquis importants, volonté affirmée récemment par la population, sur la nécessité dans ce canton d'aller enfin dans le sens de l'assainissement énergétique des bâtiments. Eh bien, on revient sur la répercussion, très modérée, que la loi sur l'énergie permet sur les loyers au niveau des assainissements énergétiques.

Mesdames et Messieurs les députés, ce manque d'unité de matière est aussi lié, en quelque sorte, à cet état d'esprit de mauvais perdant, je dirai, que nous avons ressenti depuis un certain temps de la part des milieux de défense des locataires. Aujourd'hui, nous refusons d'emmener la population dans cette volonté de régler des comptes dans des domaines très différents, à travers une initiative qui, effectivement, part dans tous les sens. Donc nous vous incitons et vous demandons de refuser la recevabilité de cette initiative.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais maintenant donner la parole aux deux rapporteurs, puis à M. le conseiller d'Etat. La parole est à Mme le rapporteur de minorité Loly Bolay.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je dois dire que j'étais très étonnée des propos de M. le vice-président du parlement, parce qu'il m'a reproché d'avoir parlé sur le fond. Pourtant, il y a ici deux personnes qui n'ont absolument rien dit sur la recevabilité. Si j'ai parlé ainsi, Monsieur le vice-président - Monsieur le président, vous transmettrez, il est côté de vous - c'est que, justement, les initiatives, les dispositions des initiatives, touchent, je l'ai dit tout à l'heure, la LDTR, la loi sur le logement et la loi générale sur les zones de développement. Cela touche directement la recevabilité des initiatives, et de loin pas le fond.

Maintenant, j'aimerais quand même répéter - vous transmettrez, Monsieur le président, à M. Gillet - que même le Conseil d'Etat dit ceci à la page 8 de son rapport: «Toutes les mesures proposées - dans l'initiative - ont certes un lien avec la construction de logements et l'utilisation des bâtiments pour le logement, mais le nombre de modifications proposées est très important.» Le nombre de modifications peut être important, on ne le conteste pas ! Je l'ai dit tout à l'heure, oui, beaucoup de dispositions sont touchées. Mais l'important est que les dispositions touchées aient un lien intrinsèque entre elles ! C'est la jurisprudence du Tribunal fédéral qui vous l'indique, ce n'est pas moi.

C'est donc la raison pour laquelle, Monsieur le président, le groupe socialiste persiste et signe pour dire que l'initiative 147 est parfaitement recevable. De toute manière, comme quelqu'un d'autre l'a relevé ici, il y aura des recours au Tribunal fédéral, une ou deux dispositions seront peut-être invalidées, mais certainement pas le tout !

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Il me semble que le groupe socialiste aurait d'abord dû se mettre d'accord avec les initiants, parce qu'il y a quand même pas mal de contradictions entre les propos d'un côté et de l'autre. Je persiste et signe: M. Grobet, représentant des initiants, a clairement dit qu'il était «prêt à dresser une liste des dispositions qui posent problème» - c'est à la page 14 du rapport - donc il est lui-même conscient des problèmes soulevés par ce texte. Vous voyez, page 15, que M. Grobet a également expliqué, tout à fait clairement «que ce n'est pas aux initiants de faire l'examen de la validité.» Donc il s'en lave les mains.

En dernier lieu, on nous dit ici que les signataires savent parfaitement, pertinemment, ce qu'ils signent et qu'ils comprennent le texte... Mais, des déclarations même des initiants, c'est le cadet des soucis des initiants; en effet, M. Grobet nous a dit que cela lui importait peu que les gens comprennent. Je relève encore ceci à la page 15: «Il ajoute que si les gens signent c'est parce qu'ils ont confiance.» Mais vous connaissez «Le Livre de la jungle», avec le serpent Kaa, «Fais confiance... Fais confiance...». On est à ce niveau-là ! Les gens n'ont certainement pas lu la première ligne de ce texte, mais ils font simplement confiance à l'ASLOCA. Or là, la confiance a été mal placée, parce que ce texte est trompeur.

Je vais m'attarder sur trois points principaux qui ont été particulièrement choquants et qui méritent d'être cités ici. Le premier concerne la garantie des droits fondamentaux, notamment la garantie de la propriété. Je me réfère notamment à mon excellent collègue - je ne sais pas s'il est ici - Sandro Pistis, membre du MCG, qui, lors de plusieurs auditions, s'est montré interloqué à juste titre par le fait que l'initiative 148 prévoit expressément une expropriation des terrains agricoles au profit de l'Etat. Je cite l'initiant Alberto Velasco, bien connu de nos services... (Rires.) Je précise que M. Grobet était parti entre-temps parce qu'il avait mieux à faire. Je lis ceci à la page 14 du rapport IN 148-B: «M. Velasco réplique que ces terrains ont été vendus à des prix excessivement bas et ajoute que, conformément au principe de l'intérêt général, l'Etat est en droit d'exproprier.» Oui, cette initiative vise l'expropriation pure et simple des terrains agricoles à destination de l'Etat, parce que les propriétaires de terrains agricoles ne pourront vendre qu'à l'Etat ! C'est une violation crasse du droit de la propriété, et je partage l'avis de mon collègue Sandro Pistis sur le côté inacceptable de cette mesure tout à fait contraire à l'intérêt du développement ou de la zone agricole et des droits des agriculteurs propriétaires.

Par rapport à la surface de 120 m2 imposée par le projet de loi, je dirai ceci. Le parti socialiste aurait aussi pu se coordonner avec les milieux syndicaux, dont il est très proche, puisque les milieux syndicaux se sont montrés très choqués par cette mesure. En effet, selon les pages 17 et 18 du rapport IN 148-B, M. Doret, de la CGAS - donc on ne peut pas dire que ce sont des milieux proches de la droite - considère que la limitation est dangereuse, la limitation de la surface, notamment pour les familles recomposées, qui sont de plus en plus nombreuses. Il pense que rendre plus rare la catégorie des logements de plus de 120 m2 n'est pas un moyen de lutter contre la pénurie de logements. Je lis encore ceci: «Il relève ainsi que la cohérence par rapport au but et au titre de l'initiative semble compromise.» C'est une façon polie de dire que les signataires ont été trompés en imaginant que limiter à 120 m2 la surface des logements permettra de réduire la pénurie de logements.

M. Doret, qui est un personnage sage, a aussi souligné que cela mettait en péril la liberté d'entreprendre, parce que cette volonté de limiter la surface de plancher entraîne de grands risques pour les logements, donc pour l'emploi, car il voit bien qu'il en résulterait un déséquilibre pour l'emploi à Genève dans le domaine de la construction. Donc c'est aussi un point qu'il faut prendre en compte. Les syndicats sont farouchement hostiles à cette initiative. C'est l'une des premières fois, je crois, dans ma brève vie parlementaire, que les syndicats sont farouchement opposés à une initiative et voient des risques sur le fond. Les syndicats ont été tout à fait clairs sur ce point.

Mais alors, là où la contradiction est complète, c'est que le parti socialiste, lors des auditions, a même contredit l'une de ses camarades, Mme Carole-Anne Kast, secrétaire générale du Rassemblement pour une politique sociale du logement, le célèbre RSPL. En effet, une députée socialiste a dit que l'article 39 de la LDTR, selon l'initiative, supprimerait toute possibilité pour le locataire en place d'acquérir son propre logement; c'est le point soulevé par Me Poggia. Donc cette initiative interdit la possibilité pour le locataire en place d'acquérir son propre logement. Mme Kast a répondu - c'est à la page 19 du rapport IN 147-B - que cette disposition est probablement contraire à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Je cite: «Elle ajoute que cette disposition porte atteinte à la liberté du commerce ainsi qu'à la garantie de la propriété [...]». Si même la plus grande passionaria de la protection des locataires à Genève avoue que cette disposition est contraire, franchement, on atteint l'absurde.

Donc ces trois exemples montrent que ces initiatives sont non seulement anticonstitutionnelles, mais dangereuses. Il y a ces trois éléments: la limitation des surfaces de plancher à 120 m2, qui est anticonstitutionnelle et dangereuse pour l'emploi; l'expropriation des propriétaires agricoles; l'interdiction absolue aux locataires d'acheter leur logement. Pour ces trois raisons, ne seraient-ce que celles-là, je vous invite à reconnaître l'irrecevabilité totale de ces deux initiatives.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Madame le rapporteur de minorité, pour votre troisième et dernière intervention, vous avez la parole.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Je n'aime pas trop l'ironie du rapporteur de majorité... Vous êtes un peu ironique. Or vous savez ce que l'on dit de l'ironie: qu'elle est la politesse du désespoir.

Une voix. Vous êtes seule contre tous.

Mme Loly Bolay. Cela dit, concernant la surface, c'est vrai, il y a eu des questions. Sans me nommer, vous m'avez citée. Par ailleurs, oui, Mme Kast «a dit cela», mais elle a aussi - voyez la page 19 du rapport IN 147-B - répondu ceci: «[...] cette mesure doit être analysée par le Tribunal Fédéral, notamment pour savoir si elle est proportionnée et subsidiaire.» On en est donc parfaitement conscient. Et, parmi les mesures proposées, la disposition relative aux mètres carrés est valable tant que la pénurie de logement perdure. Je crois que c'est très clair. Aujourd'hui, il y a une pénurie de logements et il faut prendre des mesures adéquates.

C'est la raison pour laquelle, contrairement à ce que vous indiquez, je me réjouis - et je vais conclure par là, Monsieur le président - de voir ce que décidera le Tribunal fédéral. L'article 39 de la LDTR, comme vous l'avez dit, sera peut-être invalidé... Mais je me réjouis de voir ce que fera le Tribunal fédéral. Il pourra invalider cet article-là, mais, encore une fois, c'est à voir.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il est curieux, dans une assemblée parlementaire, que nous soyons réduits à ne pas faire de la politique et à devoir faire du droit. C'est ainsi que les procédures sont faites, puisqu'il vous revient la responsabilité de déterminer si une initiative qui a obtenu le nombre de signatures nécessaires est conforme au droit supérieur et aux principes constitutionnels.

Le Conseil d'Etat, qui vous fait rapport sur les différentes initiatives, a toujours été extrêmement respectueux des droits populaires, encore tout récemment, vous vous en souvenez, avec l'initiative sur le salaire minimum. En effet, alors même que l'on pouvait se poser de légitimes questions sur la validité de cette initiative, le Conseil d'Etat a considéré qu'il fallait avoir une application restrictive du droit et qu'il fallait en toute matière faire en sorte que le peuple, lorsqu'il y avait doute, puisse s'exprimer. Le doute doit profiter au peuple. C'est ainsi que nos institutions sont construites.

Dans le cas précis, et c'est assez rare, le Conseil d'Etat vous a dit de manière absolument formelle que cette initiative était clairement contraire à un certain nombre de principes constitutionnels et que, pour cette seule raison, cette initiative ne pouvait pas être soumise au peuple de cette manière. Ces initiatives ne respectent d'évidence pas l'unité de matière. C'est un principe important. L'unité de matière interdit de mêler, dans un même texte, plusieurs propositions différentes, qui peuvent être contradictoires les unes par rapport aux autres, pour ne pas amener le citoyen dans la situation d'être d'accord avec quelques-unes des propositions et de ne pas être d'accord avec d'autres. Il doit y avoir une indication nette, dans une initiative, de l'intention qui est suivie par celle-ci et une détermination du peuple qui doit être claire. Chaque citoyen doit être en mesure de pouvoir clairement exprimer son opinion par rapport à une initiative.

L'unité de matière n'est clairement pas respectée dans ce cas. Le rapport du Conseil d'Etat était catégorique, et je crois m'imaginer que les majorités politiques qui ont été celles de la commission législative, et qui sont très larges - il a été relevé, Madame, que votre parti est le seul à avoir pris ces positions - laissent à montrer qu'il ne s'agit pas d'une question sur le fond, mais bien d'une question de principes qu'il s'agissait de défendre.

Ensuite, il y a d'autres principes constitutionnels qu'il s'agit de respecter, et notamment de principes constitutionnels fédéraux. Que cela plaise ou ne plaise pas, la garantie de la propriété est un droit constitutionnel supérieur et fédéral; or il y a d'évidence un certain nombre, et pas des moindres, de dispositions de ces initiatives qui sont contraires aux droits les plus élémentaires de propriété. Cela a été dit ici ou là, on ne peut clairement pas imaginer qu'une limitation du nombre de pièces dans les appartements construits ne soit pas, d'une certaine manière, une violation de la garantie de propriété. Mais il y a d'autres principes.

C'est ce qui nous a amenés, malgré les succès de cette initiative en termes de signatures, à rappeler que les principes constitutionnels, institutionnels et démocratiques doivent prévaloir sur les opinions que l'on peut avoir sur le fond. Du reste, je me garde bien de vous dire ici quelles sont les opinions nécessaires, puisque nous sommes, je l'ai dit, par la curiosité de nos procédures, dans un débat juridique. Cette affaire se terminera, comme c'est l'usage, comme c'est la règle, devant les tribunaux, devant le Tribunal fédéral, qui aura certainement l'occasion - il l'a d'ailleurs fait sur des initiatives parfaitement similaires - très vraisemblablement et sans préjuger de sa décision, de considérer, tout comme le Conseil d'Etat, que cette initiative est contraire à l'unité de matière, contraire à certains principes constitutionnels, et qu'elle ne peut donc pas être soumise au peuple dans ces conditions.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes maintenant en procédure de vote.

Mme Lydia Schneider Hausser. Vote nominal !

Le président. Etes-vous suivie ? (Appuyé.) Il y aura une série de votes; lesquels votre demande concerne-t-elle ? Tous ? (Remarque.) Il y aura huit votes. (Commentaires.) Alors vous demandez le vote nominal uniquement pour le vote final, je vous remercie, Madame la députée.

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 147 est adoptée par 86 oui contre 1 non.

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 147 est adoptée par 86 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 147 est rejetée par 72 non contre 13 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la proposition de scinder l'initiative 147 est rejetée par 71 non contre 14 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 147 est rejetée par 72 non contre 14 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, l'invalidation partielle de l'initiative 147 est rejetée par 71 non contre 14 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 147 est rejetée par 57 non contre 29 oui et 1 abstention.

Mise aux voix à l'appel nominal, l'invalidation totale de l'initiative 147 est adoptée par 71 oui contre 14 non et 1 abstention. (Exclamations. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Appel nominal

L'initiative 147 est donc déclarée totalement invalide.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 147-A.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 147-B.

IN 148-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 148 « Bureaux et logements de luxe, ça suffit! Construisons des logements locatifs et bon marché »

Débat

Le président. Nous sommes au point 43 de notre ordre du jour. La parole est à M. le rapporteur de majorité Edouard Cuendet.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ces deux initiatives, la 147 et la 148, ont été traitées en parallèle, en commission législative. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

M. Edouard Cuendet. Toutes les auditions ont été faites en parallèle, de sorte qu'il a évidemment fallu faire deux rapports mais que le fond, en termes de recevabilité, a été traité de manière similaire.

De nouveau, on se retrouve ici face à un véritable programme politique. Sous le titre «Bureaux et logements de luxe, ça suffit ! Construisons des logements locatifs et bon marché», on ne trouve pas moins d'une vingtaine de mesures qui n'ont rien à voir avec le sujet. Donc ici aussi, les signataires ont été trompés par un titre accrocheur. On peut dire que l'institution de l'initiative a été dévoyée par ce titre racoleur. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) De nouveau, on trouve ici des mesures qui touchent la propriété des collectivités publiques, l'aménagement du territoire, le droit de la construction, le contrôle des loyers, le droit de la propriété privée, les finances publiques par le biais des prestations financières LGL, le concept énergétique - allons-y - et la publication des transactions immobilières.

De nouveau, on se trouve face à un immense fourre-tout qui manque totalement de cohérence, qui est incompréhensible et qui est présenté sous forme de paquet. C'est là aussi un point qu'il faut souligner ici, cette notion de paquet, puisque cela ne permet pas au citoyen de pouvoir tout à fait comprendre ce qu'il vote. Cette notion de paquet ficelé ne lui donne pas le choix entre les différentes mesures proposées. Quelles sont-elles ? Il y a, comme je l'ai dit tout à l'heure, la limitation des surfaces des appartements à 120 m2. Un signataire peut être d'accord. En revanche, il n'est peut-être pas d'accord avec la suppression de l'exigence d'un concept énergétique dans un plan localisé de quartier; pourtant, c'est ce qu'on lui propose. Et il n'est peut-être pas d'accord avec l'interdiction désormais instaurée pour les collectivités publiques d'échanger des terrains avec des privés. Le signataire a donc de nouveau été trompé, puisqu'il se trouve face à une multitude de mesures qui n'ont pas de lien entre elles.

C'est pour cela que la majorité, de nouveau écrasante, de la commission législative a estimé que l'unité de la matière n'était pas respectée, que l'initiative ne pouvait pas être scindée en différentes mesures et qu'elle n'était pas conforme au droit supérieur, pour des raisons que j'ai évoquées tout à l'heure, notamment en lien avec le droit de la propriété, qui, c'est vrai, est abhorré par le parti socialiste. Elle n'est pas, non plus, compatible avec la liberté économique. Donc l'invalidation partielle, ici aussi, a été rejetée. L'exécutabilité a été rejetée, puisque le caractère incompréhensible, complexe, sans cohérence de l'ensemble, rend le tout, en bonne logique, inexécutable. Pour finir, la commission, dans sa grande sagesse et dans son immense majorité, a conclu à ce que l'initiative soit déclarée totalement irrecevable.

Je ne vais pas entrer dans les détails, mais, si vous y tenez vraiment, je peux cette fois vous faire la liste complète des mesures, avec la définition des articles concernés qui se trouvent aux pages 4 et 5 de mon rapport. Mais je pense que l'on a déjà démontré par A plus B le caractère incohérent de cette initiative. Je n'irai donc pas plus loin, et je vous remercie de suivre l'avis de la majorité de la commission législative.

Présidence de M. Gabriel Barrillier, premier vice-président

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole est à Mme Loly Bolay, rapporteure de minorité. Je demanderai au trio, à ma droite, de bien vouloir aller discuter aux Pas-Perdus: Messieurs Bertschy, Florey et Cerutti, s'il vous plaît ! Vous avez la parole, Madame la députée.

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Que propose l'initiative 148 ? M. le rapporteur de majorité vient vous dire: «C'est un véritable florilège, un véritable programme politique.» Eh bien, je vais vous dire ce que propose cette initiative: la lutte contre la pénurie de logements, la construction de logements qui répondent aux besoins du plus grand nombre - des appartements d'utilité publique - et la lutte contre la spéculation foncière. Qui conteste à Genève que, dans notre canton, il y a de la spéculation foncière et immobilière ? Je crois que, à par M. Aumeunier, tout le monde est d'accord avec le constat selon lequel, à Genève, aujourd'hui, il y a véritablement une spéculation massive, foncière et immobilière.

Le Conseil d'Etat, dans son rapport, admet que toutes les mesures proposées dans l'initiative 148 ont pour but de favoriser de nouveaux logements en donnant la priorité aux logements locatifs. Le Conseil d'Etat reconnaît donc la connexité des mesures proposées.

Par rapport à ce que M. le conseiller d'Etat François Longchamp a dit tout à l'heure, j'aimerais quand même rappeler les principes et la jurisprudence du Tribunal fédéral sur la conformité au droit supérieur. Le Tribunal fédéral dit, concernant le droit supérieur, que «la violation du droit supérieur doit être manifeste faute de quoi la demande populaire doit être exposée au peuple, selon le principe "in dubio pro populo".» J'ai noté cela dans mon rapport, page 80. C'est probablement ce qui va arriver à cette initiative, du moins je l'espère. Nous verrons bien, Mesdames et Messieurs les députés, si les personnes ayant signé ces initiatives - 14 100 personnes pour l'IN 147 et 14 200 pour l'IN 148 - n'ont effectivement rien compris et si la population genevoise, aujourd'hui, n'a pas conscience qu'il y a véritablement une spéculation terrible dans notre canton et qu'il est urgent de prendre des mesures concrètes, telles que le proposent l'initiative 147 - nous nous sommes prononcés à son sujet - et l'initiative 148, que je vous demande de déclarer recevable.

Le président. Merci, Madame le rapporteur de minorité. La parole est à Mme la députée Lydia Schneider Hausser. (Remarque.) C'est une erreur. Monsieur le député Serge Dal Busco, vous avez la parole.

M. Serge Dal Busco (PDC). Monsieur le président, chers collègues, cette initiative est l'initiative jumelle de celle que l'on a traitée tout à l'heure. Elle concerne les nouvelles constructions, en quelque sorte, alors que la précédente concernait les anciennes. Mais les buts, et surtout les conséquences de cette initiative, sont tout à fait semblables. J'exprimerai simplement quelques mots sur la forme. Ce que j'ai indiqué tout à l'heure, et ce que de nombreuses personnes dans cette enceinte ont dit, est parfaitement reproductible pour cette initiative. L'unité de matière n'est absolument pas garantie, tout comme la conformité au droit supérieur et la clarté.

Je voudrais tout de même, parce que Mme la rapporteuse de minorité a évoqué des éléments de fond, dire une chose - sur le fond. Si une telle initiative était reconnue comme recevable puis acceptée par le peuple, on irait alors vraiment, sur celle-là encore plus que sur la précédente, à l'encontre des buts visés. J'ose à peine imaginer ce que des zones de développement telles qu'on les imagine aujourd'hui, avec la nouvelle politique du logement, c'est-à-dire avec un certain équilibre entre les catégories de logements, et donc entre la population, deviendraient avec les propositions figurant dans cette initiative ! On aurait tout simplement des ghettos - je n'hésite pas à dire ce mot - vraiment des ghettos. C'est absolument insensé.

Alors, s'il y a aujourd'hui plus de trente communes qui ont exprimé des avis défavorables - c'est parfois un euphémisme - s'agissant du projet de plan directeur cantonal, je peux vous garantir que même celles qui sont prêtes à faire l'effort qui convient en matière de logement, en particulier une que je connais bien, rejoindraient le camp des opposantes ! Je peux vous garantir que cette bonne volonté serait vraiment tuée dans l'oeuf, en quelque sorte ! Car il est impossible qu'une telle initiative ou de telles dispositions puissent être acceptées par les communes; tout simplement parce qu'il en irait vraiment de l'équilibre, de l'équilibre social, dans ces nouveaux quartiers.

Donc, pour cette raison aussi - mais c'est une raison de fond, restons-en à la forme - cette initiative doit être déclarée irrecevable.

M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteuses de minorité l'a indiqué, ces deux initiatives partent d'un constat. Le premier constat a été rappelé: une forte spéculation immobilière est portée sur le parc immobilier bâti. La seconde initiative, celle dont nous débattons maintenant, porte sur les terrains déclassés, qui font l'objet d'une spéculation que, je pense, nous pouvons qualifier de délirante, et qui, d'autre part, sont gaspillés de manière inacceptable en construisant avec des densités de 0,6, par exemple.

Je pense que cette initiative doit être acceptée pour une raison assez simple. C'est qu'elle vise à assurer que les nouvelles constructions, qui seront bâties sur les terrains que nous déclasserons, bénéficient en priorité aux classes moyennes et aux personnes à faible revenu.

Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais tout de même faire une remarque sur le débat que nous avons ce soir. Alors que bon nombre de nos concitoyens ont des difficultés énormes à payer leur loyer, les loyers que vous, en grande partie, leur demandez - les membres de la Chambre genevoise immobilière, dont nous avons un éminent représentant ici - eh bien, ces personnes ont soutenu cette initiative et entendent, je pense, avec beaucoup de difficulté les arguties juridiques que vous leur lancez ! Mais comme nous sommes dans un débat sur la recevabilité, je vais quand même y répondre, je vais répondre à cette question ! D'un point de vue, à mon sens, malhonnête, vous refusez de répondre.

L'unité entre les dispositions de cette initiative 148, Mesdames et Messieurs les députés, consiste en la concrétisation d'une notion figurant dans notre ordre juridique: le logement, qui répond au besoin prépondérant de la population. Cette notion, je pense qu'il faut le rappeler, est l'un des piliers de la politique du logement, qui est contenue dans différentes lois d'aménagement du territoire et de protection des locataires. Je m'amuse ici à rafraîchir votre mémoire, parce que cette notion est effectivement le fruit du travail qui a été effectué par certains magistrats radicaux et que M. Muller a tenté, durant les cinq années où il a siégé, de mettre à mal.

Cette notion, Mesdames et Messieurs les députés, a été examinée à plusieurs reprises par le Tribunal fédéral et les tribunaux cantonaux, qui ont à chaque fois répondu que cette notion-là permettait à l'Etat d'examiner si les bâtiments qui étaient construits répondaient aux besoins de la population selon leur taille, leur prix et leur typologie - leur typologie consistant à savoir s'il s'agit de logements destinés à la location ou à la propriété par étage. L'initiative dont on débat ce soir, l'IN 148, a pour unique objectif de préciser dans la loi ce qu'il faut construire pour répondre à la demande de l'écrasante majorité de la population, pour répondre en fait au besoin prépondérant de la population genevoise.

J'aimerais préciser, Mesdames et Messieurs les députés, que l'écrasante majorité des personnes qui ont signé cette initiative, contrairement à ce que vous pensez, ont parfaitement saisi de quoi il retournait. La population genevoise se scandalise jour après jour lorsqu'elle apprend, par exemple - j'aimerais là citer une affaire qui avait fait grand bruit dans la presse, en avril de cette année - eh bien, lorsqu'elle apprend que l'Etat a autorisé la construction de lofts, en duplex, qui oscillent entre 140 m2 et 300 m2 et qui se vendaient à 10 000 F le mètre carré... C'est quelque chose d'absolument scandaleux. Je pense qu'il faut rappeler, pour M. Cuendet, que la moyenne des appartements à Genève est de 83 m2. Dans un loft que le département a autorisé en zone de développement, il serait donc possible de construire en tout cas trois logements pour les familles. C'est un exemple... Je pourrais en donner d'autres, mais je ne souhaite pas rallonger le débat.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, ce contre quoi cette initiative se bat et pourquoi chacun des deux textes a obtenu 14 000 signatures. C'est la raison pour laquelle je vous invite à accepter que le peuple se prononce sur ce texte, parce que c'est de cela que nous parlons. Il faut que le peuple puisse se prononcer sur ce texte, dans la mesure où ce dernier répond à une problématique politique et sociale absolument essentielle. (Applaudissements.)

Présidence de M. Pierre Losio, président

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Christophe Aumeunier. Nous passerons ensuite au vote.

M. Christophe Aumeunier (L). Merci, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est là aussi la suite d'une histoire. L'initiative 120 a été partiellement invalidée par le Tribunal fédéral; l'initiative 140 a été très largement invalidée par le Tribunal fédéral. Aujourd'hui, les initiants reviennent avec, si vous me permettez cette expression, le même menu. C'est le même menu que l'on nous ressert, après deux tentatives infructueuses, qui ont été sanctionnées par le Tribunal fédéral. On essaie à nouveau de nous proposer un programme politique. Ce programme politique est touffu et empli de différentes mesures, pas loin de vingt mesures concrètes. En définitive, on ne saisit pas le sens de l'initiative.

On nous parle de spéculation. Mais qu'est-ce que la spéculation ? La spéculation est, à mon sens, le fait d'acheter et de revendre extrêmement rapidement des biens, par hypothèse des biens immobiliers, et pour faire du bénéfice. Aujourd'hui, à Genève, Mesdames et Messieurs, c'est tout le contraire. Il n'y a pas de spéculation; il n'y a pas de liquidité de marché ni de transaction dans le marché immobilier genevois, et c'est une appréhension extrêmement fausse que d'imaginer qu'il y ait spéculation. Ce qu'il y a, c'est pénurie. Oui, il y a pénurie. Or j'ai dit plusieurs fois ceci aux représentants de l'ASLOCA: cessez de faire des oppositions aux autorisations de construire, cessez de vous opposer à la construction de logements, et ainsi vous nous aiderez peut-être à construire des logements. Nous ne demandons qu'à construire des logements à Genève, et c'est ce qu'il faut faire pour sortir de cette situation.

Lorsqu'on nous propose plus de vingt mesures, sur le contrôle du prix de terrains, sur la taille d'appartements, sur les gabarits d'immeubles - qui devraient faire de quatre à dix étages, et pas plus, et pas moins... - et sur le contrôle des prix pour vingt ans, on souhaite figer, on souhaite renforcer le carcan qui nous a menés dans cette situation, laquelle a perduré pendant plus de vingt ans sous les ères Grobet et Moutinot. Nous n'en voulons plus. C'est véritablement ce à quoi il faut mettre un terme, parce que cela nous mène dans le mur. Lorsqu'on nous dit qu'il faut favoriser les plans localisés de quartier en interdisant les concours et ne pas favoriser le concours, c'est favoriser ce type d'urbanisation, planifié dans une loi: ce sont les barres d'immeubles qui ne font pas moins de quatre étages mais pas plus de dix ! On va là vers un aménagement du territoire qui ne correspond pas aux besoins de la population, contrairement à ce que l'on veut bien vous dire.

Je maintiens ici, comme une très large majorité de la commission, ceci: je crois qu'il y a un problème de tromperie, de clarté. Parce que l'on ne peut pas promettre aux Genevois qu'il y aura plus de logements avec pareil texte. Au contraire ! On va à fin contraire, et cela bloquera l'ensemble de la production de logements. Alors y a-t-il unité de la matière ? Evidemment pas. Peut-on scinder ? Je vous l'ai dit, on ne perçoit pas d'idée force et l'on ne peut pas scinder.

Il faut aussi relever que cette initiative est encore bien plus perfide que la première, parce qu'elle a des buts cachés. Lorsqu'on analyse l'article 9 de cette initiative - je relève au passage que l'on ne m'a toujours pas expliqué ce que signifiait l'article 1 de l'initiative précédente - eh bien, d'après les auditions, pour certains, l'initiative vise une expropriation immédiate des terrains agricoles déclassés, puisque seul l'Etat peut les acquérir; pour d'autres, il y a une emption de l'Etat, mais qui n'est pas applicable car contraire au droit supérieur, notamment s'agissant de la loi sur droit foncier rural.

Je relève encore que la Communauté genevoise d'action syndicale est opposée à cette initiative parce qu'elle est extrêmement réticente par rapport à la proportion d'activités, qui serait drastiquement diminuée dans les périmètres. On diminuerait l'emploi par cette initiative, notamment en interdisant des activités qui ne génèrent pas des nuisances dans la zone villas. Aujourd'hui, on sait que, dans la zone villas, il y a pas mal d'indépendants qui ne génèrent aucune nuisance et qui ont des activités lucratives. Une fois encore, le parti socialiste est le parti qui, au fond, souhaite tuer l'économie. C'est particulièrement grave par les temps qui courent.

Je terminerai en vous disant qu'il faut, Mesdames et Messieurs les députés, soutenir la majorité de la commission et déclarer cette initiative totalement irrecevable. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne encore la parole à M. le Christian Dandrès, puis aux deux rapporteurs, après quoi la liste est close et nous passerons aux votes.

M. Christian Dandrès (S). Merci, Monsieur le président, je serai assez bref. M. Aumeunier a mis en cause le travail de l'ASLOCA. Il l'avait fait il y a un mois environ; j'avais dû le corriger à l'époque. Je le referai ce soir, et avec un certain plaisir, en rappelant ici à ceux qui nous écoutent que les recours de l'ASLOCA portent sur des ventes d'appartements et que ces recours ont été gagnés. M. Aumeunier ne dit pas que le Tribunal fédéral a condamné en juillet 2011 le département dirigé par M. Muller, qu'il l'a condamné à quatre reprises, en exprimant qu'il était temps que le Conseil d'Etat respecte la loi votée par le parlement et soutenue par la population.

J'aimerais aussi renouveler l'invitation que j'ai faite il y a un mois aux personnes qui nous entendent, ainsi qu'aux députés de cette assemblée: nos bureaux sont ouverts; s'ils veulent venir vérifier mes propos, je les invite avec grand plaisir. (Applaudissements.)

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. J'interviens très brièvement. Tout à l'heure, j'ai oublié de dire ceci à M. le rapporteur de majorité - vous lui transmettrez, Monsieur le président. Il a dit que les syndicats étaient contre les deux initiatives: Monsieur le rapporteur, c'est totalement faux.

Maintenant, concernant M. Aumeunier, je préciserai ceci, Monsieur le président. M. Aumeunier nous a parlé des initiatives 120 et 140. Oui, Monsieur Aumeunier ! Mais ces deux initiatives, vous devez le savoir, visaient une révision totale ou partielle de la constitution ! Et le Tribunal fédéral est très clair ! Le Tribunal fédéral a toujours dit, cela figure dans sa jurisprudence, que des initiatives de rang législatif - c'est le cas de l'IN 147 et de l'IN 148 - ont une marge de manoeuvre beaucoup plus grande que les initiatives de rang constitutionnel ! Vous devriez le savoir - vous êtes juriste, moi pas - et vous devez lire les jurisprudences du Tribunal fédéral. Vous verrez que c'est très intéressant à lire et que j'ai raison. Je peux même vous envoyer cela par e-mail, si vous le désirez, et vous verrez les jurisprudences du Tribunal fédéral.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Il y avait une unité de vue, pour une fois, entre la rapporteure de minorité et le représentant de l'ASLOCA, qui soutiennent tous deux que l'initiative 148 contribuerait à la lutte contre la pénurie de logements. Eh bien, je persiste ! Dans leur audition, les syndicats se sont exprimés par la voix de M. Doret, notamment, qui est une personne très respectée dans le domaine. Et, pour les syndicats - la CGAS - l'initiative 148 n'est absolument pas apte à résorber la pénurie de logements: au contraire, elle contribuera à l'aggraver.

En revanche, selon les syndicats toujours, cette initiative contribuera à la pénurie d'emplois ! Et l'on sait tous que le parti socialiste est hostile aux cols blancs - cela fait partie de leur programme politique - mais on pensait encore que le parti socialiste était favorable aux cols bleus ! Notamment dans le domaine de la construction. Et leur soutien à cette initiative inepte montre qu'ils sont aussi hostiles aux cols bleus; ils sont hostiles à toute l'économie et à toutes les entreprises. C'est pour cela aussi qu'il faut lutter contre ces deux initiatives.

Une voix. Bravo ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons aux votes...

Une voix. Vote nominal !

Le président. Vous formulez une demande concernant le vote final ? Votre demande est-elle suivie ? (Appuyé.) Je vous le demande pour la forme... (Remarque.) Non, j'ai déclaré que la liste était close.

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 148 est adoptée par 86 oui (unanimité des votants).

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 148 est adoptée par 84 oui contre 2 non.

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 148 est rejetée par 72 non contre 14 oui et 1 abstention. (Brouhaha pendant la procédure de vote.)

Mise aux voix, la proposition de scinder l'initiative 148 est rejetée par 70 non contre 14 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 148 est rejetée par 70 non contre 13 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, l'invalidation partielle de l'initiative 148 est rejetée par 72 non contre 14 oui et 1 abstention.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 148 est rejetée par 57 non contre 29 oui.

Mise aux voix à l'appel nominal, l'invalidation totale de l'initiative 148 est adoptée par 68 oui contre 15 non et 3 abstentions. (Commentaires durant la procédure de vote. Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)

Appel nominal

L'initiative 148 est donc déclarée totalement invalide.

Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat IN 148-A (sur la validité et la prise en considération de l'initiative).

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 148-B.

Le président. Nous traitons maintenant les urgences demandées par le Bureau... (Remarque.) Non, pardon ! Il y a d'abord le traitement du point 61: IN 149-A.

IN 149-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 149 « Pas de cadeaux aux millionnaires : Initiative pour la suppression des forfaits fiscaux »

Le président. En application de l'article 119 de la LRGC, ce rapport est renvoyé à la commission législative.

Le rapport du Conseil d'Etat sur l'initiative 149 est renvoyé à la commission législative.

R 692
Proposition de résolution de Mmes et MM. Philippe Morel, Ivan Slatkine, Charles Selleger, Guillaume Barazzone, Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Fabiano Forte, Nathalie Fontanet, Jacques Jeannerat, Christina Meissner, Christophe Aumeunier, Michel Ducret, Fabienne Gautier, Jean Romain, Frédéric Hohl, Patrick Saudan, Daniel Zaugg, Francis Walpen, Vincent Maitre, François Gillet, Bernhard Riedweg, Serge Dal Busco, Christiane Favre, Guy Mettan, Nathalie Schneuwly, Anne Marie von Arx-Vernon, Pierre Conne : Merck Serono : apporter des réponses immédiates et promouvoir le développement des jeunes entreprises innovantes

Débat

Le président. Nous sommes maintenant aux urgences. Celle-ci est traitée en catégorie II: trente minutes. La parole est à M. le premier motionnaire, le député Philippe Morel.

M. Philippe Morel (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes solidaires des 1250 employés touchés par la fermeture programmée du site de Merck Serono de Genève. Ce Grand Conseil est totalement et unanimement solidaire de ces employés, sans aucun clivage de partis ni d'opinions politiques. Nous sommes tous affectés par cette décision de fermeture, aux plans humain, politique, économique et, bien sûr, au plan social. C'est un véritable coup de tonnerre dans le ciel genevois, et les répercussions de cette fermeture se feront sentir au-delà des malheureux 1250 employés, dans le cercle des biotechs de Genève au plan scientifique, dans le cercle des entreprises de services de notre canton, ainsi que dans différentes autres activités économiques qui étaient liées à la présence de cette entreprise.

Nous ne pouvons pas accepter, nous parlement, le départ de cette entreprise sans exprimer clairement, non seulement les regrets, qui ne servent à rien, mais aussi les remarques, les commentaires et - pourquoi pas ? - les reproches, pour en arriver, nous l'espérons, à des propositions concrètes visant à préserver autant d'emplois que possible.

La discussion avec la direction de Merck Serono doit se poursuivre. Elle doit être appuyée par une volonté ferme de notre Grand Conseil pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être et - pourquoi pas ? - espérer un possible redimensionnement de cette fermeture brutale. Nous devons également prendre leçon de cette situation et continuer de mettre en place des conditions qui permettent de limiter le risque de voir de tels scénarios se répéter à Genève dans les années qui viennent. Cette affaire n'est, du reste, pas que genevoise; elle est fédérale, et nous voulons dans cette situation bénéficier de l'appui, de l'influence et de la détermination de notre Conseil fédéral.

Dans un monde économique chancelant, dirigé par des autorités politiques souvent remises en question, et tenant compte de l'émergence de pays puissants pouvant nous menacer, nous devons adopter une attitude combative, empreinte de réflexion, d'esprit d'initiative débouchant sur des solutions concrètes, et par-dessus tout d'union politique pour la défense de notre canton. Cette proposition de résolution se veut être dans l'esprit de cette union politique pour la défense des intérêts de notre canton, de ses habitants et de ses travailleurs. Je vous remercie donc de soutenir le renvoi au Conseil d'Etat de cette résolution, pour lui exprimer notre soutien dans les démarches qu'il a déjà entreprises et l'inciter à poursuivre son effort. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Il y a des jours où l'on n'a pas envie de se lever, quand on entend les nouvelles. Le jour où l'on a fermé Merck Serono et mis quelque 1200 personnes à la porte - en effet, quelque 1200 personnes sont mises à la porte - est l'une de ces journées où l'on a envie de se dire que l'on a rêvé, que l'on est en train de faire un cauchemar.

Je suis un peu déçu de voir - dans une heure aussi grave, où le parlement doit discuter du plus grand licenciement, probablement, qui survient dans le canton de Genève - un licenciement qui mettra probablement à mal l'économie genevoise. Je dois le dire, je suis étonné de voir un seul conseiller d'Etat ici présent. Je m'attendais à la présence des six conseillers d'Etat, pour montrer le soutien du Conseil d'Etat aux employés de Merck Serono; il n'y a qu'un seul conseiller d'Etat, et je trouve cela scandaleux. Je remercie M. Unger d'être là, mais j'aurais bien voulu que les autres le soient aussi, parce que ce n'est pas souvent qu'il arrive des choses pareilles à Genève.

On ne peut accepter. On ne peut pas être fatalistes, et on ne veut pas accepter. On doit tout faire maintenant, pour pourrir la vie de cette entreprise, pour exiger d'elle qu'elle paie son départ... Elle veut partir ? D'accord ! Mais c'est tant ! Ce n'est que comme ça, lors de questions de ce genre, que l'on peut dialoguer avec ces entreprises. C'est en leur disant: «Vous voulez partir ? C'est tant de millions.» Ou: «Vous voulez partir ? C'est l'immeuble, que vous nous donnez.» Ou encore: «Vous voulez partir ? Mais on peut sauver des emplois.» Car on ne peut pas accepter ceci. Même le PDC, qui est un parti qui croit en la négociation et au consensus, ainsi qu'à l'économie libérale, eh bien, même le PDC ne peut pas accepter ce genre de licenciements.

Nous demandons donc que vous souteniez notre proposition de résolution et que vous la renvoyiez au Conseil d'Etat. Car il est inadmissible que des choses pareilles se passent à Genève.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Guillaume Barazzone, à qui il reste une minute et quinze secondes.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Merci, Monsieur le président. J'aimerais simplement insister sur l'une des invites de cette proposition de résolution. Aujourd'hui, on a une société, Merck Serono, qui est devenue une multinationale et qui, on en a parlé, licencie du monde. C'est regrettable. Mais, si l'on veut se concentrer sur le futur, il faut se souvenir que Merck Serono, avant d'avoir été une multinationale, était une PME qui a innové. C'est donc sur ces PME qui innovent qu'il faut se concentrer.

Vous savez que notre parlement, sous l'impulsion d'un projet d'ailleurs signé par plusieurs d'entre vous, a adopté un nouveau statut concernant les sociétés «JEDI», les jeunes entreprises développant des innovations. Le problème de ces sociétés, c'est qu'elles ont besoin d'argent pour avancer, pour faire leurs recherches. Or il est très difficile aujourd'hui de trouver des fonds dans notre canton, voire en Suisse. L'une des invites prévoit de favoriser les investissements par des privés, des contribuables personnes physiques, dans ces sociétés. Nous espérons que le Conseil d'Etat, sur le modèle jurassien, pourra examiner les solutions nécessaires au dépôt d'un projet de loi pour favoriser l'innovation, en particulier les PME, dans notre canton.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés, une entreprise fait plus de 12 milliards de chiffre d'affaires et un bénéfice de 745 millions, verse 272 millions de dividendes à des actionnaires, et puis, quelques jours avant l'annonce de fermeture du site genevois, voilà qu'on annonce encore de manière indécente que le pourcentage versé aux actionnaires va encore augmenter... Donc, cela a été dit dans ce parlement, c'est scandaleux, inadmissible, et nous devons agir.

Ce que je regrette, c'est que l'on n'ait pas pu avoir un débat global sur l'ensemble des propositions de résolutions ! Parce qu'on a commencé, Mesdames et Messieurs de l'Entente, par la fin ! Vous commencez avec une proposition de résolution qui est, au fond, assez défaitiste, puisque vous partez du principe qu'il n'y a plus rien à faire, et vous nous dites qu'il faut sauver la crèche: je suis entièrement d'accord ! Il faut sauver le bâtiment: je suis entièrement d'accord avec vous ! Il faut créer des entreprises dans la biotech, etc., les encourager à innover, etc.: je suis tout à fait d'accord ! (Commentaires.) Mais que faites-vous des 1250 emplois existants à Merck Serono ? Sans oublier tous les intérimaires, toutes les personnes ayant un contrat à durée déterminée, c'est-à-dire en définitive près de 1800 personnes qui vont perdre leur emploi ? Ce que je regrette, c'est que l'on n'ait pas pu discuter d'abord de l'autre résolution, dont je parlerai ensuite.

Pour revenir à celle que vous proposez, elle peut nous convenir, moyennant les bémols que je viens d'évoquer, si ce n'est qu'il y a quand même la quatrième invite - dont vient de parler M. Barazzone - qui nous pose un certain nombre de questions. En effet, vous intervenez là au niveau fiscal. Vous nous dites qu'il faut des exonérations fiscales pour des entreprises qui innovent: soit ! Mais en réalité, souvent, ce dont ont besoin de jeunes entreprises qui démarrent, ce n'est pas forcément d'exonérations - parce qu'elles n'ont pas beaucoup de rentrées ou de recettes, justement - ce sont plutôt des carnets de commandes bien remplis.

Pour ces différentes raison, nous vous proposons de renvoyer votre proposition de résolution en commission, de façon à examiner cette quatrième invite. Et si vous souhaitez qu'elle soit votée ce soir, alors nous vous proposons un amendement pour supprimer juste cette invite, qui est un sujet à part, qui n'a rien à voir avec Merck Serono, mais qui concerne la fiscalité des entreprises de biotechs ou des nouvelles entreprises à Genève. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L). Je ne veux pas intervenir sur le fond, d'autres députés PLR s'en chargeront. Je voudrais simplement dire, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, que chacun, ici, dans ce Grand Conseil, a un souci qu'il va exprimer sur le sort de cette entreprise et de ses collaborateurs.

Le drame que vivent de nombreux foyers à Genève nous tient à coeur - nous, chaque parti, à sa façon, avec sa sensibilité, avec sa sincérité - eh bien, ce drame que vivent à Genève de nombreux foyers dont un membre travaille dans l'entreprise Merck Serono nous tient à coeur, et le sort de cette entreprise aussi.

Mais je voudrais également vous dire que je regrette l'instrumentalisation qui a été faite ce soir, quand nous sommes sortis de ce Grand Conseil, du drame de Serono, par un syndicat qui en est venu à huer les députés, préjugeant de leur position, préjugeant des discussions que nous aurons, préjugeant de l'union que nous essayons d'établir, préjugeant de notre volonté de rechercher le bien commun ! Et de nous huer, au risque de nous dégoûter d'agir pour ce bien commun ! Mesdames et Messieurs les députés, je peux vous dire, en mon nom personnel et au nom de tout mon groupe, que nous ne nous laisserons pas divertir par ces syndicats qui nous ont hués ce soir ! Nous rechercherons, avec tous ceux qui sont présents dans cette salle, la meilleure solution possible ! Il y a des choses qui sont inacceptables, il y a des choses qui sont indécentes ! Il y a une gauche qui s'est conduite ce soir de façon inacceptable ! Nous ne serons pas de ce côté-là, nous ne nous laisserons pas influencer, et nous rechercherons la meilleure solution pour Merck Serono ! (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (UDC). J'avais préparé un autre texte, mais les mots de mon préopinant m'ont profondément touchée. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Mme Christina Meissner. J'ai aussi entendu les cris - oui, les sifflements - ce soir, devant notre Grand Conseil. Mais je les ai interprétés autrement. (Remarque.) Je les ai interprétés comme venant d'employés qui ne sont pas des syndiqués, qui ne sont pas des syndicalistes, et qui, à un moment donné, se sont retrouvés face à leur sort sans savoir que faire. Je vais remercier - oui ! - le syndicat Unia, qui a été le premier à leur montrer une voie, à leur dire ce qu'ils pouvaient faire à Genève - en effet, ils ne savaient pas, ils n'osaient pas - et j'ai assisté - oui, ce vendredi - le premier vendredi, à la première réunion. (Remarque.) Il s'est comporté tout à fait correctement !

M. Pierre Weiss. Et ce soir ?

Mme Christina Meissner. Je parle du vendredi, où les premiers 450 employés de Serono ont eu le courage d'aller et d'écouter Unia, parce qu'ils étaient en plein désarroi. (Brouhaha.)

Une voix. Chut !

Mme Christina Meissner. Depuis lors, le temps a passé, et quelles réponses ont-ils reçues de la part de leur entreprise ? Aucune. Alors je suis reconnaissante aux partis qui se sont se sont demandé comment aider les employés, parce que cette catastrophe est là, et ces gens n'ont pas le temps avec eux.

Je reconnais le problème posé par l'invite de la proposition de résolution PDC pour alléger fiscalement les jeunes entreprises; on pense sans doute que les employés actuels pourront être tentés de créer une entreprise, mais là n'est pas leur premier souci. Voici leur premier souci: nous devons leur donner le temps ! Celui de pouvoir - à un moment donné, justement - réfléchir à leur avenir et trouver des pistes. Autant le PDC et les socialistes que l'UDC nous avons essayé, avec nos moyens, de trouver ces pistes.

J'aimerais ce soir que nous fassions preuve de solidarité envers ces employés, que nous montrions que nous nous soucions d'eux. Il s'agit surtout ne pas renvoyer de textes en commission - pour que nous les traitions pendant dieu sait combien de semaines... Je vous rappelle le délai du 16 mai ! Aujourd'hui, ces employés n'ont pas encore eu la prolongation de cette durée de procédure de consultation.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Christina Meissner. Alors nous voudrions montrer une solidarité en renvoyant tous ces textes au Conseil d'Etat, afin que ce dernier agisse. Voilà notre signal aujourd'hui. C'est au Conseil d'Etat d'agir; c'est lui qui a les cartes en main, pas nous. Je reviendrai sur la question lorsque nous examinerons les deux autres propositions, de résolution et de motion. (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'histoire de Merck Serono, c'est l'histoire d'un échec dans la pharma et d'un pari raté. Je crois qu'il faut rappeler certains faits. En 2006, le groupe Merck, une grande entreprise pharmaceutique, qui cherchait des molécules innovantes, a jeté son dévolu sur l'entreprise Serono, une entreprise de la biotech genevoise. Cette entreprise était florissante, mais elle avait un grave défaut: elle reposait sur une monoculture, à savoir le traitement d'une maladie neurologique grave qui s'appelle la sclérose en plaques, qui touche un habitant sur 1500, qui touche des jeunes et qui est invalidante. Qu'est-ce que Merck a acheté à l'époque ? Merck a acheté le Rebif, ce fameux Rebif que vous avez entendu clamer dans la rue: une molécule que l'on doit s'injecter trois fois par semaine, qui a des effets secondaires et qui avait une efficacité très modérée. Mais, à l'époque, c'était le meilleur traitement que l'on avait. Cela représentait un chiffre d'affaires conséquent de plus d'un milliard de dollars par année.

Merck a aussi acheté une promesse, un autre médicament, qui devait s'administrer par la bouche, qui s'appelle la Cladribine. Cette Cladribine a eu quelques essais prometteurs mais, en 2011, n'a pas été homologuée par la FDA aux Etats-Unis. Cela a été l'arrêt de mort pour Serono, il faut le dire. Car, entre-temps, que s'est passé ? Alors qu'il n'y a eu aucun progrès thérapeutique dans la sclérose en plaques pendant des décennies, dans les trois dernières années, il y a eu une floraison de nouvelles molécules - que l'on peut administrer par la bouche ou en intraveineuse une fois par an - lesquelles ont été déposées soit cette année ou qui vont l'être dans la suivante.

Alors oui, c'est vrai, le parti socialiste et les syndicats mettent en parallèle le chiffre d'affaires de Merck Serono - et le chiffre d'affaires du Rebif est encore d'à peu près un milliard par an - mais les perspectives pour le Rebif sont nulles dans les années à venir ! On sait que le chiffre d'affaires va chuter drastiquement. Voilà pourquoi Merck a décidé de se séparer de son siège genevois. C'est une situation tragique, un drame pour l'économie genevoise.

Alors, que pouvons-nous faire, nous ? Nous pouvons assurer le meilleur cadre législatif pour permettre à de nouvelles boîtes de biotechs ou de pharma, ou à des multinationales - même si cela déplaît à certaines personnes sur les bancs d'en face - de s'installer à Genève ou de prospérer à Genève. C'est pour cela que la résolution multipartis doit être renvoyée au Conseil d'Etat, et je vous demande de la soutenir.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on peut écrire tous les textes parlementaires que nous voulons, nous pouvons faire toutes les gesticulations que nous voulons, la loi, c'est la loi. Nous savons tous, autant que nous sommes ici, que nous ne pourrons rien faire du point de vue légal. La seule chose que nous pouvons faire, c'est demander à notre gouvernement d'essayer de négocier avec Merck. Mais, légalement, nous ne pouvons rien faire. Et je suis choqué de voir certains partis faire de la démagogie avec un sujet aussi important ! J'entends le PDC, qui vient dire: «Il faut les faire payer !»... Mais sur quelle base légale, Mesdames et Messieurs ? Avez-vous une tendance communiste ? Expliquez-moi ! Voulez-vous maintenant nationaliser les entreprises privées ? Quel est le message que vous donnez au secteur économique ? Rappelez-vous que, sans une économie forte, il n'y a pas de social efficace ! Vous êtes là en train de tomber à l'envers de ce que vous prônez à longueur d'année !

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, oui, il faut soutenir notre Conseil d'Etat pour essayer de trouver des solutions et négocier, déjà en disant merci à l'entreprise Serono, merci à Merck d'avoir donné des emplois pendant aussi longtemps à Genève ! Il faut le dire ! Il faut être reconnaissant de cela !

Maintenant, il y a quand même un carton rouge à distribuer. Lorsque Bertarelli a vendu Serono, la clause de cinq ans de non-licenciement était connue du gouvernement ! Qu'a fait le gouvernement pour prévoir cela et mettre en place un environnement favorable au développement des biotechnologies ? Pas assez, visiblement, puisque c'est aujourd'hui un pan de l'économie qui tombe.

Encore une fois, Mesdames et Messieurs, vous pouvez tous dire: «Mon Dieu, c'est scandaleux !»... Et ça l'est ! Une société qui vient afficher 750 millions de bénéfice et qui, trois semaines plus tard, ferme une unité en mettant 1250 personnes au chômage, oui, c'est scandaleux ! Mais cela s'appelle l'économie de marché ! Il nous appartient, au pouvoir législatif, de donner les bases à un environnement favorable pour que se développent certaines branches professionnelles ! Et ça, c'est la mission du ministre de l'économie ! Alors vous pouvez tous, les uns après les autres, venir dire: «Il faut qu'ils vendent le bâtiment pour 1 F»... Le PDC, c'est ce que vous vouliez faire. Vous vous êtes ravisés et avez enlevé le franc symbolique. Comme si l'on pouvait obliger une entreprise privée à céder pour 1 F un bâtiment qui vaut peut-être 40 ou 50 millions ! Mais on est où, là ? On croit rêver ! C'est un parlement, ici, ou une cour de récréation ? Non, Mesdames et Messieurs, il ne faut pas mentir à ces gens ! Nous allons tout faire pour qu'ils retrouvent...

Le président. Il vous faut conclure !

M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président. Nous allons tout faire et nous nous engagerons, le MCG, pour qu'ils retrouvent un travail au plus vite !

Et j'aimerais quand même souligner la contradiction des socialistes. Votre magistrate en Ville de Genève, Mme Salerno, les traitait de cols blancs - «Je ne m'inquiète pas pour ces cols blancs, ils retrouveront facilement du travail»... Ça, c'est un manque de respect vis-à-vis de ces travailleurs. Mais nous, au MCG, nous voulons être réalistes, avec des solutions pragmatiques ! Il faudra tout faire pour qu'ils retrouvent un emploi et pour faciliter l'arrivée de nouvelles sociétés de biotechnologies. Mais votre proposition de résolution, Mesdames et Messieurs du PDC, c'est de la démagogie pure... (Brouhaha.) ...et, franchement, elle ne mérite qu'un classement vertical ! Le MCG soutiendra en revanche la proposition de résolution des socialistes.

Le président. Vous avez terminé, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. J'ai conclu.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'informe les personnes qui sont à la tribune qu'il est formellement interdit d'enregistrer les débats ou d'en prendre des photographies. Je vous prie de bien vouloir vous conformer à cette injonction, qui émane de notre loi portant règlement du Grand Conseil. Je vous en remercie. La parole est maintenant à Mme la députée Esther Hartmann.

Mme Esther Hartmann (Ve). Merci, Monsieur le président. Dans neuf à dix mois, environ 2000 personnes seront touchées par la fermeture de Merck Serono. Quelques-unes accepteront peut-être d'aller en Chine ou à Boston. Mais, en fait, la majorité va se retrouver en train d'aller - ce que l'on disait - timbrer à l'office cantonal de l'emploi. Ce soir, on ne peut pas se permettre d'avoir des discours démagogiques ni de proposer des mesures sur le long terme alors que la situation est urgente. Proposer, comme vous le faites dans la résolution, chers collègues PDC, des mesurettes par rapport à de nouvelles petites entreprises, c'est un peu se moquer des 2000 personnes, qui ne vont pas toutes avoir les ressources pour construire une entreprise. Proposer une mesure qui s'inspire des pratiques du canton du Jura, quand on sait que le tissu économique du canton du Jura est totalement différent, c'est un peu se moquer des personnes qui se trouvent à la tribune, mais surtout des personnes qui vont aller timbrer.

Par respect pour le travail que vous avez entrepris concernant cette résolution, de même que pour les autres invites, qui peuvent effectivement nous correspondre, nous allons proposer le renvoi de cet objet à la commission de l'économie, afin que nous puissions faire un travail sérieux.

Je voudrais rappeler à mes chers collègues que, il y a quelques mois, nous avons déjà traité de la situation des jeunes entreprises, les «JEDI», et que nous étions assez unanimes par rapport aux mesures à prendre. Pourquoi profiter d'une situation catastrophique pour exercer une influence sur la fiscalité ? Je trouve cela déloyal, or je serai d'accord, et je pense que mon groupe sera d'accord, d'étudier quand même, par souci d'honnêteté intellectuelle, cet objet en commission de l'économie. C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Renaud Gautier. Il vous reste une minute et vingt secondes, Monsieur le député.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est le printemps et c'est une période d'élection, raisons probablement pour lesquelles on voit un florilège de propositions sur une situation qui est objectivement catastrophique. Mais lorsque ma préopinante vient dire tout le mal qu'elle pense de cette proposition de résolution, qu'elle vient dire que c'est totalement inefficace, qu'il faut faire quelque chose maintenant... et qu'elle demande le renvoi à la commission de l'économie ! Eh bien, ça, c'est se ficher, effectivement, des gens qui sont là-haut ! Parce que, Madame, vous le savez très bien, les débats qui se tiendront en commission de l'économie déboucheront sur un texte probablement au début de l'année prochaine... Ce qui va certainement effectivement beaucoup aider les gens qui sont à la tribune.

J'aimerais ajouter ceci. Au lieu de nous bassiner avec des textes dont la plupart sont totalement inacceptables et en dehors de la réalité, j'aurais aimé que ce parlement demande au Conseil d'Etat: «Que peut-on faire, avec vous ?», plutôt que de dire, a priori: «Vous n'avez pas fait ceci, vous n'avez pas fait cela; vous devriez faire ceci, vous devriez faire cela»... Qui d'entre vous, qui parmi les cent députés - y compris parmi les candidats - à un moment donné, est venu dire ici: «Il faut se méfier de cette situation» ? Personne ! Moi le premier. Alors, au lieu de rédiger des textes inconsistants et à côté de la plaque, il faudrait plutôt poser au Conseil d'Etat la question de savoir comment ce parlement peut aider à résoudre la situation, avant que de passer en commission ou d'y renvoyer ces textes, qui n'en ressortiront qu'une fois que l'affaire sera définitivement morte ! Mesdames et Messieurs, si vous êtes cohérents, renvoyez ce texte au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs, nous allons nous prononcer sur cette proposition de résolution, à commencer sur son renvoi en commission. Si ce dernier n'est pas accepté, il y aura un amendement du groupe socialiste.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 692 à la commission de l'économie est rejeté par 60 non contre 27 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous nous prononçons maintenant sur l'amendement socialiste, qui prévoit d'abroger la quatrième invite.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 59 non contre 29 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la résolution 692 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 45 oui contre 18 non et 26 abstentions.

Résolution 692

R 693
Proposition de résolution de Mmes et MM. Anne Emery-Torracinta, Marie Salima Moyard, Christine Serdaly Morgan, Brigitte Schneider-Bidaux, Lydia Schneider Hausser, Prunella Carrard, Jean-Louis Fazio, François Lefort, Roger Deneys, Mathilde Captyn, Anne Mahrer, Olivier Norer, Esther Hartmann, Emilie Flamand, Roberto Broggini, Morgane Odier-Gauthier, Sophie Forster Carbonnier, Miguel Limpo, Jacqueline Roiz, Bernhard Riedweg, Christian Dandrès : Merck Serono : un nouveau cas d'école !

Débat

Le président. Nous avons encore le temps de traiter la proposition de résolution 693, en catégorie II: trente minutes. Je vous donne la parole, Madame la première signataire.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. On va revenir un peu en arrière. Avant de s'occuper des nouvelles entreprises qui pourraient être créées sur le site de l'actuel bâtiment de Serono, on va peut-être se préoccuper des personnes qui y travaillent.

Je vous invite tous à faire comme le personnel et à dire: «Aujourd'hui, la classe politique se rebiffe.» Elle se rebiffe contre la décision de la direction générale de Merck Serono. Elle se rebiffe pour soutenir le Conseil d'Etat dans ses démarches auprès de la direction générale, à Darmstadt; pour demander au Conseil fédéral d'intervenir; et pour demander aussi le soutien de nos voisins français, puisque, je vous le rappelle, plusieurs centaines d'employés, peut-être faute de logements dans notre canton, logent en France voisine et vont donc dépendre du chômage en France voisine. Aujourd'hui, c'est donc unanimement que la classe politique doit dire: «Nous souhaitons maintenir ces emplois à Genève.» Voilà la seule chose que je souhaitais ajouter par rapport à ce que je vous avais dit tout à l'heure. Je vous remercie de voter ce texte - à l'unanimité, je l'espère. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai dit préalablement, le groupe MCG va soutenir la proposition de résolution socialiste - qui nous paraissait la plus cohérente - dans un élan de solidarité et de respect pour les 1250 personnes licenciées.

En revanche, je dois dire que je fais miens les propos du député Weiss. Pourtant, vous savez combien nos relations sont un peu «humides» ces temps ! (Rires.) Mais je dois dire, Mesdames et Messieurs, que la récupération politique que vous avez faite au travers d'un syndicat de gauche, qui vient conspuer la majorité de ce parlement, n'est pas respectueuse du pouvoir législatif et ne sert en tout cas pas la cause des employés de Merck Serono.

Alors je vous le dis, Mesdames et Messieurs, et je vous le répète, nous ne sommes plus dans une cour d'école, nous ne sommes plus dans des jeux anodins: nous parlons ici avec des multinationales qui pèsent des milliards. Nous sommes dans une économie de marché. Vous devez respecter ce qui a fait la grandeur et la qualité de vie que nous avons en Suisse. Maintenant, demander à notre gouvernement d'essayer de plaider la cause de la biotechnologie, pour garder ce pôle d'excellence à Genève, oui, c'est une bonne idée ! Et, oui, nous la soutiendrons. Mais, de grâce, ne faites pas de récupération politique avec des textes parlementaires qui sont plus démagogiques que réalistes.

Mme Christina Meissner (UDC). Monsieur le président, comme Mme Emery-Torracinta le répétait, on remonte le temps avec ce texte. Je me plais à rappeler que, oui, il y a dans ce parlement des personnes qui ont essayé de dire: «Attention, gouverner, c'est prévoir.» (Brouhaha. Le président agite la cloche.) En novembre de l'année passée, les socialistes - mais le groupe UDC aussi - ont voté deux résolutions pour dire: «Attention, ce qui se passe avec Novartis risque de nous arriver ici.» Nous avons demandé et renvoyé ces résolutions UDC et socialiste au Conseil d'Etat, pour qu'il agisse, qu'il établisse un plan d'action, et que la Confédération le fasse aussi. Que s'est-il passé ? Rien. Aujourd'hui, le mal est fait.

Les PDC se préoccupaient plus de promouvoir de nouvelles entreprises, des start-up, avec l'espoir - j'espère que c'est vrai - que, un jour, les chercheurs qui, aujourd'hui, sont bientôt des ex-employés et futurs chômeurs, puissent retrouver une place digne dans la recherche. Il s'agit surtout de trouver des idées dans cette recherche, parce que chercher c'est bien, mais trouver c'est mieux.

Mme Emery-Torracinta, ainsi que tout son groupe socialiste, a bien raison aussi de se préoccuper des droits des travailleurs. C'est aussi important aujourd'hui de leur donner le temps, le temps de la réflexion, afin qu'ils trouvent d'autres voies dans la vie. Donnons-leur ce temps et arrêtons, par pitié, de nous quereller sur un groupe ou l'autre. Aujourd'hui - je le répéterai trois fois - c'est au Conseil d'Etat d'agir. Nous ne pouvons que donner un signal ! Que ce Conseil d'Etat agisse, lui qui connaît les enjeux, qui a les cartes en mains et qui est notre exécutif ! Qu'il agisse aux niveaux cantonal, interrégional - pourquoi pas au niveau de la France voisine ? - et surtout fédéral !

En ce qui nous concerne, nous remercions une fois de plus tous les groupes qui se sont préoccupés du sort de ces employés, chacun à sa manière. Nous renverrons sans attendre ce texte au Conseil d'Etat.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe PLR accepte également de renvoyer cette proposition de résolution au Conseil d'Etat. Mais je crois que, si l'on doit un respect aux employés de Merck Serono, c'est d'avoir quand même des textes législatifs qui se tiennent et qui disent la vérité.

Par rapport à vos invites, Madame Emery-Torracinta, je relèverai ceci. Le Conseil d'Etat, heureusement, n'a pas attendu ce texte pour les réaliser, puisqu'il s'est sacrément démené. Même le Conseil fédéral est intervenu auprès de Merck Serono. Quant à votre exposé des motifs, Madame Emery-Torracinta, je suis désolé: cet exposé des motifs est trompeur ! Vous affirmez que, sur le plan mondial, Merck Serono se porte bien... C'est faux. C'est faux ! La pharma est quelque chose de très particulier ! Parce que c'est la seule industrie dont on peut prévoir les échecs ou les succès dans les années qui viennent, puisque les pharmas sont obligées de mettre des médicaments dans des essais cliniques. Donc, on est au courant de la situation !

Je vous ai parlé de Merck, qui a raté son pari avec Serono. Mais, de l'autre côté, vous avez Sanofi, qui a racheté Genzyme, et, il y a quatre jours, le Lemtrada, médicament contre la sclérose en plaques qui va être homologué. Ce sont deux injections par année; c'est deux fois plus efficace que le Rebif. Alors vous nous demandez de nous rebiffer, mais le Rebif va disparaître dans cinq ans de notre pharmacopée ! Même si, maintenant, c'est toujours en première ligne, il faut reconnaître que le sort de Serono comme compagnie de biotechnologies dans le marché de la sclérose en plaques, c'est foutu ! Or cela représentait 95% de son chiffre d'affaires.

Il faut donc regarder la réalité en face. Nous faisons confiance au Conseil d'Etat, qui s'est bougé au maximum pour essayer de sauver ce qui peut l'être. Il est vrai qu'il faut créer les meilleures conditions-cadres pour continuer dans cette voie du développement de la biotechnologie, parce que nous avons un terreau extrêmement fertile entre Genève et Lausanne, avec de Hautes écoles. C'est pour cela que, par rapport à l'esprit de votre proposition de résolution, nous pouvons la renvoyer au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Merci, Monsieur le président. Effectivement, Merck Serono a envoyé, le 24 avril, une lettre à tout son personnel, ne lui annonçant pas seulement 1250 licenciements, mais bien 1980, plus 180 dans une autre institution, à savoir Ares Trading SA. Tous ces licenciements sont sur Genève, sans parler de tous ceux qui ne sont pas comptés sur le canton de Vaud... On ne nous dit qu'une partie des choses, pas toute la vérité. C'est fort dommage, parce que cela représente plus de 2000 personnes qui font l'objet d'un licenciement. Il s'agit, pour un certain nombre d'entre elles, de familles qui n'auront plus du tout de revenus. C'est le cas si travaillent à Merck Serono soit les deux membres du couple, soit - pour une autre grande partie - des mères célibataires, qui se retrouvent strictement sans aucun revenu. On leur propose un mois de salaire par année de travail dans l'entreprise, ce qui signifie, pour certains employés, neuf mois de salaire, peut-être au maximum une année. Que faites-vous avec cela ? Eh bien, effectivement, vous allez pointer au chômage; vous n'avez aucune autre possibilité, sauf si vous retrouvez un emploi, ce qui est, dans certaines professions, fort difficile, puisqu'il n'y a pas forcément d'entreprises pouvant engager les personnes en question sur le canton de Genève. Donc la solution est de quitter. Quitter quoi ? Quitter Genève, avec des enfants, des adolescents qui ont peut-être passé toute leur vie ici. Voilà tout ce que cela implique. Par conséquent, la seule chose que nous avons à faire est effectivement de nous mettre tous ensemble derrière une résolution pour soutenir le gouvernement, tout comme l'a fait le parlement du canton de Vaud quand il s'est agi de la fermeture de Novartis à Prangins. A Prangins cela a marché, parce que le personnel s'est «Rebif-é» et que le canton, le parlement, tout le monde est venu défendre les employés de Novartis. La seule chose que nous avons à faire est de tous nous unir derrière les employés de Merck Serono pour les soutenir, et donc d'appuyer cette résolution.

M. Ivan Slatkine (L). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être très bref, car mon collègue Patrick Saudan a dit l'essentiel. Je m'interroge simplement, dans ce parlement, parce que, tous les jours, il y a des PME qui ferment; tous les jours, il y a des licenciements. Or je n'entends jamais le PS réagir... (Exclamations.) ...à ce genre de licenciements. Jamais ! Mais là, parce qu'il y a un effet de masse, on vient; on est en période électorale, cela peut servir. D'ailleurs, on a vu la manipulation que vous faites des syndicats, et je le déplore, parce que les syndicats sont là pour le partenariat social et non pour qu'on les politise comme vous le faites. Je pose juste une question, et le PS en fera ce qu'il veut. Mais, en attaquant les multinationales comme vous le faites, régulièrement, depuis de nombreuses années, il ne faut pas vous étonner des conséquences telles qu'elles arrivent aujourd'hui.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Qu'est-ce que l'on n'entend pas dans ce parlement ?! Vous parlez de récupération. Si vous regardez bien le titre de cette proposition de résolution, vous lisez: «Merck Serono: un nouveau cas d'école !» Pourquoi ? Parce que, il y a quelques mois, j'avais déposé - ce parlement l'avait acceptée à l'unanimité, Mme Meissner l'a rappelé - une proposition de résolution, la R 681, qui s'appelait: «Novartis: un cas d'école !» Pourquoi est-ce un cas d'école ? Précisément parce que le canton de Vaud nous a montré - alors que personne... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...même si la situation n'est pas comparable, personne n'imaginait, au départ, que la direction de Novartis allait plier. Eh bien, le canton de Vaud nous a montré que la volonté du personnel, des syndicats et de la classe politique vaudoise, unanime, a cependant permis de trouver des solutions. Ce n'est pas seulement moi qui le dis, c'est un éminent membre du PLR - conseiller d'Etat, de surcroît - dans un canton voisin; il a même été président du Conseil d'Etat, c'est M. Broulis. A «Infrarouge», que nous disait M. Broulis ? «Je ne peux que féliciter les employés de se fédérer.»

Mesdames et Messieurs les députés, ce que j'aimerais dire aujourd'hui ne consiste pas à condamner le Conseil d'Etat. Si vous lisez cette proposition de résolution, vous voyez qu'il n'y a aucun mot - aucun mot - qui dit quoi que ce soit par rapport à l'attitude du gouvernement. Mais elle dit simplement que le seul moyen d'essayer de sauver ce qui peut éventuellement l'être, c'est de rester unanimes et de soutenir nos autorités.

Voici ma dernière remarque, par rapport aux manipulations dont vous dites qu'elles ont été faites à propos des syndicats. S'il n'y avait pas eu les syndicats - notamment le syndicat Unia - qui s'étaient mobilisés, la loi prévoyait que se produise une procédure de consultation par mail, Mesdames et Messieurs les députés ! Autant dire que rien ne pourrait sortir de cette consultation-là. C'est pourquoi j'insiste aussi sur l'une des invites, que le PDC avait d'ailleurs reprise dans sa résolution, soit de demander - c'est important aussi - que la procédure de consultation soit prolongée au-delà de mercredi prochain, au-delà du 16 mai prochain.

Ainsi, cette proposition de résolution n'est rien d'autre qu'une volonté de montrer que la classe politique, unanime - je l'ai dit - se rebiffe, se rebiffe face à quelque chose que l'on peut considérer comme étant inadmissible, compte tenu de la situation particulière de cette entreprise. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, c'est très favorablement que nous - en tout cas moi et la majorité des membres du groupe PLR - accueillons la proposition de résolution du groupe socialiste. Cela pour plusieurs raisons. D'abord, il ne s'agit pas seulement des 1250 emplois perdus dont on a parlé; il y a aussi toutes les personnes engagées temporairement, mais encore tous les gens qui gravitent autour, à savoir les fournisseurs et, pourquoi pas, les employés que certains de ces employés peuvent avoir eux-mêmes; il y a également les restaurants et les hôtels qui vivaient de tout ce que Merck Serono pouvait apporter.

Nous trouvons que c'est un événement dramatique qui arrive ici, qui arrive au canton de Genève; c'est probablement l'un des pires événements de ce genre qui va devoir être supporté par le canton. Il faut savoir que ces chômeurs en paieront un prix qui est dramatique, sans compter l'effet sur leur famille, sur les enfants et sur les gens qui vivent cela au quotidien. On sait que le travail, si cela représente bien évidemment le salaire, c'est aussi l'intégration et la possibilité d'avoir une vie, d'exister, de se faire féliciter et d'avoir du plaisir à passer la journée quelque part. Pour tous ces motifs, nous, membres du PLR, nous étions tout à fait favorables à cette proposition de résolution, et le sommes toujours, nonobstant ce que je vais dire maintenant.

Dès le départ, on a été extrêmement surpris d'une chose, et peut-être pas de l'attitude des syndicats. En effet, heureusement qu'ils ont été là, qu'ils ont travaillé de façon à fédérer ces employés et qu'ils se sont rendus immédiatement sur place, pour faire en sorte que ces gens sachent qu'ils ont des droits et que, si l'on ne peut effectivement pas racheter pour 1 F l'établissement de Merck Serono, on peut en tout cas se battre pour que leurs droits soient respectés. On peut se battre pour que des pressions soient faites, au niveau tant du Conseil fédéral que de notre Conseil d'Etat.

En revanche, il n'est pas admissible que, pour certains, le PLR ou d'autres partis ne puissent pas, à un moment donné, se trouver du côté des travailleurs. J'aimerais rappeler ici que ce n'est pas le PLR qui a fait des remarques sur les cols blancs, mais que c'est l'un - l'une - de vos représentants, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face ! Pour nous, tout travailleur - qu'il soit en col blanc, qu'il soit formé, qu'il soit non formé - lorsqu'il se trouve dans des situations pareilles, a besoin de l'appui des syndicats. Les syndicats l'ont reconnu: ils défendent l'ensemble des travailleurs. Et il est encore plus inadmissible que, ce soir, lorsque nous sortons du parlement et que nous, la plupart d'entre nous, signons la pétition de Merck Serono - parce que, Mesdames et Messieurs, nous avons fait la différence...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Nathalie Fontanet. ...entre la grève des fonctionnaires et la situation des employés de Merck Serono - eh bien, il est inadmissible que nous soyons hués ! A titre personnel ! Comme cela a été le cas ce soir ! C'est proprement inadmissible !

Nonobstant tout cela, nous renverrons votre proposition de résolution au Conseil d'Etat, parce que nous sommes honnêtes ! Et parce que nous souhaitons défendre les travailleurs de Merck Serono ! Et nous battre à vos côtés, que vous nous vouliez ou non, pour faire en sorte que leurs droits soient respectés !

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Philippe Morel (PDC). Je trouve indécents, profondément choquants, les sous-entendus de certains membres de ce parlement concernant l'intérêt que nous aurions, ou plutôt que nous n'aurions pas, vis-à-vis de ceux qui sont de futurs chômeurs de Merck Serono. Penser que l'on ne s'occupe pas d'eux et que, dans le fond, nous avons d'autres préoccupations, c'est faux ! Je trouve également indécente cette récupération politique par l'intermédiaire des syndicats. Elle est opportune, bien sûr, dans les circonstances actuelles ! Elle est inadéquate ! Et si j'étais à la tribune ce soir, je serais affligé de voir que certains membres de ce parlement s'occupent plus de politique qu'ils ne s'occupent réellement des problèmes de Merck Serono et des futurs 1250 chômeurs !

Qu'avons-nous fait pour eux jusqu'à maintenant ? Des invites du groupe socialiste qui sont simplement irréalistes ! Mon préopinant du groupe MCG l'a bien dit. Irréalistes, parce que l'économie a sa propre loi et que la loi ne peut influencer celle de l'économie ! Alors, la seule chose que nous pouvons faire de constructif ce soir, c'est essayer de sauver ce qui peut encore l'être, sans démagogie et sans politique, et prévoir pour l'avenir ! Or prévoir pour l'avenir, c'est développer l'avenir, c'est prévoir des problèmes et des situations fiscales différentes, et c'est prévoir d'accueillir des entreprises dans notre canton, au lieu de les faire fuir comme cela a été fait !

Oui, nous nous préoccupons des travailleurs de Merck Serono et de leur futur problème de chômage ! Et pour cette raison-là - uniquement pour cette raison-là - nous allons voter cette proposition de résolution en leur faveur, pour leur avenir ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute et vingt secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, vous transmettrez au député Morel que je suis parfaitement d'accord avec ce qu'il vient de dire. (Commentaires.) Vous voyez ! Comme quoi, tout arrive ! Finalement, les grands esprits se rencontrent. (Commentaires.)

Mesdames et Messieurs, j'aimerais encore, avant que nous concluions ce débat et que nous renvoyions cette résolution au Conseil d'Etat, rappeler quelques petites vérités, simplement pour rétablir un certain équilibre. Déjà ceci - vous transmettrez à Mme Emery-Torracinta, Monsieur le président - lorsqu'il s'est agi de faire pression sur Novartis, nous parlions d'une société suisse qui touche des centaines de millions en subventions pour la recherche dans le domaine pharmaceutique. Evidemment, il était beaucoup plus aisé pour les instances politiques, et notamment fédérales, de faire pression sur une entreprise suisse ! Ce qui n'est pas le cas avec une entreprise allemande.

J'aimerais quand même vous dire une chose... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... concernant la question selon laquelle le parlement genevois voudrait demander une prorogation du délai. N'oubliez pas, Mesdames et Messieurs, que vous vous adressez à un groupe qui réalise plusieurs milliards de chiffre d'affaires ! Bien au-delà - bien au-delà ! - du budget genevois ! Alors j'aimerais quand même que l'on ne se méprenne pas sur notre action, ce soir, en tant que pouvoir législatif de la République et canton de Genève. Encore une fois, j'ai été le seul ici à dire merci à Merck Serono d'avoir donné des emplois pendant autant d'années à Genève. Ils ont fait un pari, ils l'ont loupé; d'accord, ça c'est la loi du marché, c'est un marché d'économie. Mais, de grâce, ne tombez pas dans les travers inverses, qui pourraient décourager d'autres entreprises à venir à Genève, tant la réaction de ce parlement pourrait être disproportionnée par rapport à une économie de marché !

En conclusion, nous confirmons que nous renvoyons cette résolution au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. M. Claude Jeanneret, vous n'avez plus de temps de parole, votre groupe l'a épuisé. Il reste cinquante secondes à Mme Prunella Carrard, avant que nous passions au vote et au traitement de la dernière proposition de motion.

Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Je n'en aurai pas pour plus longtemps. J'aimerais juste mentionner que j'ai grandi à Nyon; j'ai donc suivi d'assez près, parce que mes parents résident toujours à Nyon, la question et le cas Novartis. Ce que je sais, c'est que l'implication politique, l'implication de la classe politique, aux côtés des syndicats a eu son poids dans la discussion et dans l'aboutissement d'une solution finale possible, acceptable pour les travailleurs. (Brouhaha.) C'est la raison pour laquelle, même si cela ne semble pas vraiment vous intéresser, puisque vous êtes tous en train de causer... (Brouhaha.)

Une voix. Chut ! (Le président agite la cloche.)

Mme Prunella Carrard. C'est la raison pour laquelle je pense que nous avons le pouvoir de faire quelque chose. Il s'agit de donner des messages politiques; nous n'avons pas à nous référer qu'aux lois, mais à faire de la politique.

Je finirai en disant ceci: vraiment, je trouve inadmissible d'entendre qu'il y a de la récupération des syndicats de cette thématique... (Commentaires. Brouhaha.) Les syndicats, pour le coup, Mesdames et Messieurs... (Brouhaha.) Les syndicats défendent les travailleurs, et c'est cela que nous devons retenir ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Sans les syndicats, les travailleurs ne sont pas représentés dans les commissions tripartites...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Prunella Carrard. ...et c'est cela que nous devons retenir. Merci à eux !

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la proposition de résolution du groupe socialiste.

Mise aux voix, la résolution 693 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui et 13 abstentions.

Résolution 693

M 2085
Proposition de motion de Mme et MM. Christina Meissner, Bernhard Riedweg, Stéphane Florey, Christo Ivanov pour un pôle de recherche en biotechnologies

Débat

Le président. Nous traitons maintenant le dernier texte relatif à Merck Serono. Vous avez la parole, Madame la première signataire.

Mme Christina Meissner (UDC). Merci, Monsieur le président. Vu l'heure tardive, je ne voudrais pas répéter tout ce qui a été dit. Nous nous sommes occupés de préserver les droits des travailleurs et d'essayer de donner de meilleures conditions-cadres aux futures entreprises. Reste à préserver et à retrouver des possibilités d'emploi pour toutes ces personnes qui se trouvent être des ex-employés, en leur donnant un avenir dans des entreprises qui sont dans notre région ou au-delà de nos frontières. Pour cela, il faut interpeller aussi, outre notre gouvernement, la Confédération, afin qu'elle nous aide pour ces emplois-là. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

D'un autre côté, je voudrais rappeler que le site de Merck Serono, ici, n'était pas un site de production, mais de recherche. Alors, hélas - beaucoup l'on dit - de nombreux chercheurs cherchent et ne trouvent pas. Mais on n'a jamais dit que la recherche devait être une entreprise rentable. Merck Serono le savait. Les chercheurs qui sont là sont des chercheurs qui, même parfois étrangers, sont ancrés dans notre région depuis très longtemps. J'en connais certains depuis plus de vingt-cinq ans, pour avoir travaillé avec eux. Ces gens-là ont besoin de retrouver une place dans la recherche. Ils ne deviendront pas, du jour au lendemain, managers de start-up, ils ont besoin de temps.

Leur offrir du temps c'est, d'une certaine façon, ce que nous demandons en proposant de les intégrer dans des programmes de recherche, dans nos universités et des pôles de recherche. D'ailleurs, Merck avait des contacts avec cette recherche-là. Essayons de gagner, pour ces gens-là, un peu de temps, afin de leur permettre de continuer à exercer leur métier de chercheur jusqu'à ce qu'ils trouvent une nouvelle voie. Cela se fera d'ici à quelques mois, certainement pas d'ici au 16 mai. D'ici au 16 mai... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...nous devons leur donner un message. Le message est toujours le même, comme pour les deux textes précédents: nous vous soutenons, nous faisons notre possible pour vous soutenir, et c'est au Conseil d'Etat d'agir.

Renvoyez, s'il vous plaît, ce texte aussi au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Christine Serdaly Morgan.

Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, je n'avais pas demandé la parole, mais...

Le président. Alors je vous la retire !

Mme Christine Serdaly Morgan. Non... (Commentaires.) Je ne sais pas, c'est l'heure tardive... Mais, dans le train des discussions et des dynamiques, ce soir, nous soutenons bien entendu le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, l'heure est tardive, donc je ne vais pas trop m'appesantir. Madame Meissner - vous lui transmettrez, Monsieur le président - votre proposition de motion est bien sympathique, dans l'esprit, et je ne peux qu'y adhérer. Mais vos invites sont absurdes. On peut encore accepter la première invite, car «intervenir auprès de la Confédération afin d'établir un plan d'urgence stratégique pour l'emploi dans les domaines de pointe [...]» de la biotech, c'est ce que font les cantons de Vaud et de Genève depuis dix ans ! C'est l'un des axes stratégiques de ces deux cantons.

Mais la deuxième invite est particulièrement absurde ! Demander des subsides à des fonds nationaux de recherche scientifique, afin de servir d'office de chômage, de replacement, pour des chercheurs licenciés... Mais cela ne rime à rien ! Ces subsides sont attribués sur une base hypercompétitive, après des requêtes très fouillées ! Et je vais vous donner un simple exemple, Madame Meissner. Vous parlez des pôles nationaux de recherche: entre la première requête et la mise à disposition de l'argent, trois ans s'écoulent... Croyez-vous que les chercheurs de Merck Serono peuvent attendre trois ans ? Non ! Le respect qu'on leur doit, c'est au moins d'avoir des textes qui tiennent debout.

Alors, par sympathie pour l'esprit de cette proposition de motion, on est d'accord de la renvoyer au Conseil d'Etat - puisqu'on a renvoyé les autres. Mais je tiens à vous dire que votre deuxième invite est particulièrement inepte. (Applaudissements.)

M. François Lefort (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous serons à la fois concis et magnanimes. Magnanimes, parce que concis... (Commentaires.) ...sur cette proposition de motion d'une l'UDC à la recherche d'une bonne idée ! (Commentaires.) Que demande cette proposition de motion de l'UDC ? M. Saudan en a un peu parlé, elle demande d'intervenir auprès de la Confédération, afin d'établir un plan d'urgence pour l'emploi dans les biotechs, et d'étudier avec la Confédération comment les programmes et les pôles de recherche nationaux pourraient accueillir les chercheurs de Merck Serono. Ces demandes sont déjà des invites - invites d'une résolution, et pas d'une motion. Et plus que des invites, ce sont des incantations ! Elles sont de l'ordre de l'incantation !

Nous n'avons, nous, humble parlement, que peu d'influence sur la stratégie et la politique scientifique de la Confédération ! Qui par ailleurs développe déjà les biotechs. Certes, les PNR sont des outils efficaces de cette recherche scientifique, mais dont l'élaboration - M. Saudan vous l'a rappelé - demande du temps ! Et ce temps, les employés de Merck Serono ne l'ont pas ! Les PNR ne sont pas, non plus, ciblées sur des problématiques régionales !

Par conséquent, cette proposition de motion de l'UDC est malheureusement, Madame Meissner - vous transmettrez, Monsieur le président - une fausse bonne idée ! Si ce n'est pas un leurre. Car elle méconnaît le temps scientifique, qui n'est pas celui de la politique !

Nous sommes dans l'urgence. L'urgence, c'est maintenir ces emplois à Genève, c'est développer un tissu économique durable et diversifié dans les activités stratégiques dont nous avons besoin, pas seulement les biotechs. Les biotechs aussi, mais pas seulement. Et vous aurez compris que les invites naïves de cette proposition de motion cadrent mal avec les besoins urgents des employés de Merck Serono.

Aussi, pour cette raison, nous serons encore moins compréhensifs que le groupe PLR. Nous vous demandons de ne pas renvoyer cette motion et de voter contre.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Christina Meissner. (Plusieurs députés restent debout au fond de la salle.) Mesdames et Messieurs les députés, veuillez vous asseoir !

Mme Christina Meissner (UDC). Je ne rallongerai pas. Je dirai simplement que nous avons surtout montré ce soir notre méconnaissance, notre incompétence - voire le fait que, quelques fois, on était totalement à côté de la plaque... (Remarque.) Oui ! (Commentaires.) «Sclérose en plaques», peut-être ! Les employés se rebiffent; nous n'avons pas les cartes en mains, nous ne connaissons pas tous les enjeux liés à cette fermeture de site. (Commentaires.) Donc, au Conseil d'Etat d'agir. Je vous remercie d'avoir donné votre voix et votre soutien... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...aux autres textes, ainsi qu'à celui-ci, et je me réjouis d'entendre ce que notre Conseil d'Etat fera auprès de la France, auprès des cantons voisins et de la Confédération, et de connaître toutes les bonnes solutions qui pourront être envisagées - et qui doivent l'être.

Le président. Merci, Madame la députée. Mesdames et Messieurs, nous allons écouter le président du Conseil d'Etat, M. Pierre-François Unger, puis nous passerons au vote.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai attendu la fin et le traitement de la dernière proposition, pour prendre la parole, tant la matière me paraissait être unie et tant il m'a paru utile que votre parlement, s'éloignant pour une fois de querelles sans importance, puisse adopter ces trois textes à l'unanimité, pour nous les renvoyer, quelles que soient les imperfections dont ils sont parfois dotés.

En effet, nous avons assisté au plus grand licenciement collectif de l'histoire romande - survenu brutalement, d'un coup. Certes, Hispano-Suiza et Tavaro sont des industries qui ont licencié plus de gens, mais sur cinq, huit ou dix ans. C'étaient des entreprises qui perdaient des marchés, des savoirs et un pouvoir de créativité, et qui mouraient sur un temps relativement long. Ce qu'il y a d'invraisemblable - je dis bien d'«invraisemblable» - dans la fermeture de Merck Serono à Genève, c'est sa brutalité et son indécence, suite à la rencontre que nous avions eue, le 24 février, avec un représentant des ressources humaines, nous disant, comme dans toutes les autres pharmas du monde: «Il faudra faire une restructuration au niveau mondial». On le savait. Mais quand on lui a demandé s'il se passerait quelque chose à Genève, la réponse a été: «Ça, on ne le sait pas, mais probablement pas, parce que, comme c'est le seul centre de recherche qui fonctionne, on ne va quand même pas s'arrêter de rechercher.» Voilà les informations nous avions. Et quand on n'a que ces informations, on téléphone au directeur, tous les dix jours, pour savoir si lui en sait plus ! Lui prétend ne pas en savoir plus ou n'en sait pas plus. Et on essaie de suivre la plausibilité de ce qui va ou non se passer.

Mesdames et Messieurs les députés, selon le site de Merck, le 2 mai, on recherche pour Genève un chercheur senior, payé 200 000 F par an. Je souligne: «Location: Geneva.» Alors là, ce n'est plus simplement de la brutalité, c'est du mépris ! C'est du mépris, et c'est honteux ! Et quand on sait par d'autres voies que la même entreprise continue à demander des permis de travail, pas plus tard que la semaine dernière - c'est un membre de cette commission qui nous l'a confié - alors on se moque doublement du monde ! Encore une fois, je crois à l'économie de marché, je suis sûr que c'est le moins mauvais des modèles; mais il faut, pour que cette économie de marché fonctionne, garder un minimum de sens moral !

Et le sens moral, on peut l'attendre d'une entreprise familiale - qui se revendique comme telle ! Elle était familiale lorsque c'était Serono; elle est devenue «bifamiliale» lorsque c'est devenu Merck Serono, puisque la famille Merck détient encore 70% des actions. C'est donc une famille qui accepte cela, probablement - probablement ! - comme c'était le cas pour Novartis, sur le conseil brillant de l'un de ses consultants, qui envoie un stagiaire regarder où il y a du monde, du bruit, de la fumée et de l'argent; et s'il y a une petite discordance entre le tout, on dit que c'est là qu'il faut faire la croix... C'est ce qui s'était passé à Prangins. C'est limpide ! On ne donnera pas le nom du consultant, mais j'espère qu'il se reconnaîtra - parce qu'il fait toujours la même chose, et c'est toujours une ânerie ! Il a fallu qu'un Joe Jimenez, californien, débarquant de Californie, arrive à Prangins pour dire: «Attendez, il n'y a pas besoin de fermer ! Il faut juste leur demander de se remettre au travail.» Et puis, au passage, ils ont demandé deux ou trois autres avantages qui, le jour où ils seront connus de tous - et je ne parle pas des avantages concédés par les Vaudois - laisseront à penser que ce n'est peut-être pas comme cela qu'il faut faire à l'avenir.

Le problème de Merck Serono est très différent, encore une fois, par sa brutalité. Le problème de Merck Serono est très différent parce que l'on ferme un centre de recherche et un headquarter. Ce sont deux choses différentes. La discussion de savoir si un headquarter séparé, à 300 km du headquarter général, doit persister cinq ans après la fusion de deux entreprises, on peut l'avoir. Je n'ai pas de réponse, parce que je ne connais pas la matrice opérationnelle de la maison. Mais les chercheurs ne sont pas à Darmstadt ! Et la très grande majorité n'ira pas à Darmstadt ! Quelques-uns iront sans doute à Boston, peut-être un ou deux curieux à Pékin. Mais les autres n'iront pas à Darmstadt ! Darmstadt est une ville de 200 000 habitants, où il y a une entreprise et une seule: c'est Merck, qui a 9000 employés. Tout le reste, ce sont des sous-traitants et des petits commerces qui tournent autour.

Cela montre d'ailleurs à quel point tous ceux qui se moquent, lorsqu'on dit que les grandes entreprises induisent beaucoup d'emplois, se trompent ! Puisque, chaque fois qu'il y a une grande entreprise et qu'elle a des difficultés, ce sont des dizaines, des centaines, voire des milliers d'emplois induits qui disparaissent. Et pour le cas de Merck Serono, au-delà du drame que vont vivre les 1250 personnes qui seront mises à la porte, il y a les familles. Mme Fontanet l'a dit; elle est la seule qui a parlé de ces familles, qui multiplient par 2 ou par 2,5 le nombre de gens qui vont souffrir. Il y a les emplois induits, or ce ne sont pas simplement les emplois induits du café du coin, de ceci ou de cela. Cela va beaucoup plus loin: c'est la maintenance, ce sont les assureurs... C'est tout cela. Au total - au total ! - ce sont probablement 4000 emplois qui sont menacés, ou en tout cas amputés d'une partie de leurs fonctions.

Alors oui, c'est vrai, très rapidement après cette annonce, qui a eu lieu un mardi à 10h, j'ai rencontré M. Broulis pour avoir un peu l'expérience de Novartis, même si le problème de Novartis, fondamentalement, n'a rien à voir. Mais ce serait bête de se passer de l'expérience de quelqu'un qui a réussi quelque chose. A midi, je voyais M. Broulis. Le lendemain, je voyais le syndicat Unia, pas tellement, naturellement, pour qu'ils huent qui que ce soit une fois ou l'autre. S'il l'a fait, je trouve que c'est réellement dommage, parce que les contacts que j'ai eus avec le responsable du syndicat Unia étaient des contacts très ciblés, très précis et extrêmement courtois. Ces contacts ont porté sur la manière dont il convenait qu'il puisse entrer dans l'entreprise, pour qu'une entreprise qui n'avait pas de commission du personnel et qui était peu syndiquée puisse avoir accès à un certain nombre d'informations, faire valoir un certain nombre de droits et dire la chose suivante.

Puisque ce sont quand même des gens assez remarquables, ces fameux cols blancs ou bleus, qui, en fonction de la couleur, plaisent aux uns ou aux autres - mais c'est un salaire de 12 000 F par mois, à Serono; ce sont donc des gens en tout cas suffisamment bien payés pour qu'ils soient considérés par ceux qui les paient comme étant remarquables - eh bien, ces gens-là doivent avoir un peu de temps pour une consultation ! Ce n'est pas en trois semaines qu'un chercheur sur une molécule, que ce soit un immunosuppresseur ou une molécule d'une autre nature, peut se dire: «Je vais construire une start-up»... Pour cela, les gens doivent pouvoir se regrouper, réfléchir, avoir un contact avec une université, une école polytechnique ou une start-up existante, avec Eclosion et avec l'ensemble du réseau romand que nous avons activé à leur service pour essayer de trouver des solutions.

Mesdames et Messieurs, dans ce premier temps, nous aurions besoin d'un soutien à travers une motion, et il se trouve que la dernière est celle-là. Est-ce la meilleure ou non ? Cela m'est complètement égal ! Mais nous aurions besoin d'un soutien unanime sur un texte qui montre que vous êtes d'accord sur les points suivants: premièrement, nous devons nous battre sur les 1250 emplois existants; deuxièmement, nous devons nous battre sur des alternatives, au cas où tout ou partie de ces emplois ne pourraient rester; troisièmement, il faut que ces alternatives soient ou la recherche d'une entreprise d'une certaine taille, qui puisse venir telle quelle, ou la reprise par plusieurs petites entreprises, et puis des montages que l'on pourrait prévoir, avec des instituts universitaires ou des fondations - toutes ces choses que l'on sait faire dans ces milieux-là; et quatrièmement, Mesdames et Messieurs, il faut que l'on se préoccupe du bâtiment, quand bien même la proposition de M. Buchs avait pour but essentiel de susciter notre bonne humeur dans ces moments difficiles. (Remarque. Commentaires.)

Mesdames et Messieurs les députés, soyez unanimes pour nous soutenir dans la lutte que nous avons entreprise, dans les contacts que nous avons noués, dans les innombrables possibilités, encore floues mais qui sont à portée de main si les gens sentent que les uns et les autres sont dirigés vers le même but. Parce que la mesure qui a été prise par Merck Serono, à l'heure actuelle - que je regrette, venant d'une entreprise familiale - est une mesure humainement dramatique, et économiquement aléatoire ! L'action n'a pas monté. Or, ce que l'on attend quand on prend de telles mesures, c'est que l'action monte ! Elle n'a pas bougé ! C'est donc un échec économique d'avoir pris cette mesure. De plus, cette mesure est spéculativement impossible. Parce que celles et ceux qui imagineraient qu'en vidant cette usine on obtiendrait, le cas échéant, un déclassement pour faire une plus-value immobilière sur la parcelle et sur l'immeuble se trompent. Le Conseil d'Etat ne cèdera jamais: ce sera du terrain industriel, à vocation technologique, et il n'y aura pas de spéculation autour de cette affaire. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix la proposition de motion 2085 et son renvoi au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la motion 2085 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 58 oui et 23 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Motion 2085

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous souhaite une bonne rentrée ! Demain, nous reprenons avec la séance des extraits à 15h30.

La séance est levée à 23h15.