République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2012 à 20h30
57e législature - 3e année - 4e session - 19e séance
M 2040
Débat
Le président. Ce débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. J'interviens pour le compte de mon collègue et chef de groupe M. Golay, pour vous demander de soutenir cette proposition de motion et de la renvoyer à la commission fiscale.
S'acquitter des impôts est un devoir, rarement un plaisir, tout au plus un soulagement. Encore faut-il bien évidemment que l'Etat n'abuse pas, or à Genève on exagère au niveau des délais. Imposer aux contribuables du canton de déposer leur déclaration fiscale au 31 mars de l'année en cours pour les comptes au 31 décembre précédent est excessif. Je rappelle que le canton de Vaud, lui, donne un délai au 30 juin à l'ensemble des contribuables sans qu'ils aient besoin de demander une prolongation. Chez nous il faut payer pour passer du 31 mars au 30 juin. Ce n'est pas normal, d'autant moins qu'il y a 68 000 demandes - je le rappelle - qui ont été formulées pour précisément obtenir cette prolongation de quelques mois.
En outre nous avons appris - je l'ai su en lisant les journaux - que maintenant, pour obtenir la prolongation du 31 mars au 30 juin, il faut avoir payé intégralement les acomptes provisionnels pour l'année qui doit être déclarée, c'est-à-dire la précédente. Or beaucoup de contribuables ne s'acquittent pas intégralement des acomptes provisionnels, non par mauvaise volonté, mais parce que leurs revenus peuvent baisser et qu'ils savent très bien que les impôts qu'ils devront payer seront inférieurs à ceux de l'année précédente. Ils ne demandent pas forcément une baisse des acomptes provisionnels et vont donc être «coincés» - entre guillemets, si vous me passez l'expression - et ne pourront plus obtenir la prolongation.
Je pense qu'il s'agit d'être raisonnable et de faire coïncider les besoins pratiques et économiques de nos contribuables qui n'ont souvent pas tous les documents nécessaires au 31 mars de l'année courante, en reportant d'office le délai. Et c'est cette question que nous vous demandons de faire examiner par notre commission fiscale. Je vous remercie d'avance de soutenir cette proposition de motion.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion ne pourra pas être soutenue par le groupe des Verts.
Des voix. Oh !
Mme Sophie Forster Carbonnier. En effet, s'il est vrai que de très nombreux Genevois demandent un délai supplémentaire pour remplir leur déclaration d'impôts, modifier le délai actuel pour le remplacer par celui du 30 juin ne changera pas grand-chose: il y a fort à parier que, au 30 juin, de très nombreux contribuables solliciteront à nouveau un autre délai. Ce n'est pas la date qui est à l'origine des demandes de délais supplémentaires.
Mon expérience personnelle m'incite à penser que tout d'abord c'est le manque d'enthousiasme qui freine les contribuables, l'ennui lié à la collecte de toutes les pièces nécessaires et peut-être une certaine désorganisation dans le rangement de ses papiers. Que la date soit fixée au 31 mars ou au 30 juin ne changera guère l'attitude du contribuable.
Par contre, la date du 30 juin modifiera certainement passablement de choses pour le département des finances, chargé d'élaborer un budget. Plus les données fiscales seront connues tardivement, plus il deviendra compliqué pour l'Etat d'établir un budget juste et correct. Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à refuser cette motion.
M. Stéphane Florey (UDC). La question posée par le MCG mérite un débat en commission. Quand on voit les problèmes que rencontre chaque contribuable pour récolter bon nombre de documents demandés par l'administration, il vaut la peine de se poser la question de savoir si le délai au 31 mars est raisonnable. Personnellement je n'en suis pas convaincu et le groupe UDC ne l'est évidemment pas non plus, raison pour laquelle nous préconisons un renvoi en commission pour que celle-ci s'interroge réellement à ce sujet et pèse le pour et le contre en fonction de toutes les informations du département des finances. Ainsi, nous pourrons raisonnablement prendre une véritable décision afin de savoir s'il faut repousser le délai ou pas.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste une minute.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président, je vais aller vite. Je crois que le délai au 31 mars est un peu arbitraire et totalement irresponsable. Il faut laisser le temps aux citoyens de récupérer les informations nécessaires. Quand j'entends ma collègue parler de budget, je lui rappellerai qu'il s'élabore en automne et non au moment où les feuilles d'impôts sont reçues.
D'autre part, j'aimerais dire ceci: quand on pense que l'administration fiscale décide sans aucune raison, d'une manière arbitraire et vraiment pour embêter le citoyen - il n'y a pas d'autre terme - d'imposer aux gens de payer la totalité de leurs acomptes d'impôts pour obtenir un délai, c'est scandaleux ! C'est véritablement un abus de pouvoir ! C'est une décision irresponsable, qui manque totalement de respect envers le citoyen; et je crois vraiment qu'il faut qu'on agisse sérieusement au niveau de ce parlement pour que le gouvernement arrête de prendre des décisions aussi arbitraires et iniques envers les citoyens. Merci.
Des voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent ce projet de motion avec intérêt, on va dire. Peut-être pouvons-nous estimer que certains contribuables sont effectivement soumis à des contraintes qui font qu'ils ne peuvent pas rendre leur déclaration au 31 mars. Et il est en tout cas incontestable que si nous voulons prendre une décision à ce sujet, elle doit être prise avant le 31 mars, même suffisamment tôt pour que certains contribuables ne soient pas lésés par rapport à d'autres, parce que je ne vois pas pourquoi quelques-uns devraient se dépêcher pour cette date, alors que d'autres tout à coup bénéficieraient d'un délai supplémentaire au 30 juin. C'est donc bien une question à régler suffisamment tôt.
On peut également s'interroger sur l'aspect des émoluments, amendes et autres inconvénients que l'on subit lorsqu'une déclaration est remise plus tardivement, et examiner le nombre de contribuables concernés. Le sujet mérite par conséquent d'être étudié en commission. Les socialistes sont ainsi en faveur d'un renvoi en commission pour examiner la question, sans se prononcer sur la nécessité de déplacer réellement l'échéance.
Au demeurant, on peut constater que la proposition de motion du MCG est assez particulière, parce qu'en fait elle indique déjà quel article de la loi doit être modifié pour pouvoir décaler la date au 30 juin. Dès lors, si le MCG avait déposé un projet de loi, celui-ci aurait été directement renvoyé à la commission fiscale et il aurait été possible d'étudier cela de façon concrète, en disposant de chiffres, et de décider de manière pragmatique s'il fallait entrer en matière sur la proposition ou pas. Bref... Comme le MCG - en tout cas l'auteur principal - siège depuis un certain temps à la commission fiscale, je m'en étonne, mais on va rester sur l'attitude qui consiste à étudier la proposition. D'ailleurs, si elle était rejetée, rien n'empêcherait le MCG de revenir avec le projet de loi en question.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pascal Spuhler, le temps de votre groupe est épuisé. La parole est à M. Guillaume Barazzone. (Commentaires.) Je vous prie de m'excuser, j'avais compté M. Mauro Poggia dans le groupe MCG; je sais qu'il continue à en faire partie, mais il a parlé à la place du motionnaire. Monsieur Pascal Spuhler, je vous donne donc la parole.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci beaucoup, Monsieur le président. Chers collègues députés, je voudrais juste revenir sur les propos de M. Deneys - vous transmettrez, Monsieur le président. Quand le MCG rédige des motions un peu trop vagues avec des projets peut-être trop peu définis, vous réclamez, et quand on est trop précis, vous réclamez aussi. C'est étonnant, mais enfin...
L'idée était quand même de revenir sur cette histoire de taxation - les émoluments de 10 F - pour la prolongation du délai de dépôt et non sur le dépôt en lui-même, puisque le délai au 31 mars peut être maintenu. En effet, il est principalement question de la taxe de 10 F pour la prolongation de principe au 30 juin. Nous rappelons simplement un chiffre: il y a environ 68 000 contribuables, privés et entreprises confondus, qui demandent des délais. Ce n'est pas négligeable. Je pense que l'on peut quand même se pencher sur le fait de savoir d'où vient le problème, qui est peut-être aussi dû au nombre de documents à fournir, aux délais pour recevoir certains d'entre eux, etc. Nous aimerions donc vraiment que la commission fiscale se penche sur ce problème, et je vous remercie par conséquent de réserver un bon accueil à cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'observe que lors de la séance des chefs de groupe, votre chef de groupe avait dit qu'il souhaitait que cet objet fût renvoyé directement sans débat en commission. En général on fait comme on a dit, mais je constate que ce n'est pas le cas. La parole est à M. le député Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Merci, Monsieur le président, d'avoir rappelé cet accord entre chefs de groupe.
Puisque tout le monde a pris la parole, j'aimerais juste dire que le groupe PLR soutient ce renvoi en commission et y traitera des questions posées pertinemment par les uns et les autres ce soir, afin de voir s'il y a lieu d'améliorer ou d'aménager ce qui peut l'être dans le cadre de la perception des impôts à Genève. Merci.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Le groupe démocrate-chrétien appuie aussi cette demande de renvoi en commission. Nous serons intéressés à la question et notamment au fait de distinguer les cas standards - dits «simples» - des cas complexes, parce que je ne pense pas que l'on puisse traiter les cas simples de la même manière que les cas complexes ou pendants devant les tribunaux.
Cela dit, sur les 68 000 personnes qui ont demandé un délai, il y a fort à parier que la plupart d'entre elles ont attendu jusqu'au dernier moment avant de solliciter un délai et de rendre leur déclaration d'impôts. Ainsi, sur le principe, repousser le délai ne nous semble pas forcément une très bonne idée pour les cas généraux et standards, dans la mesure où cela aura certainement un impact sur la trésorerie de l'Etat. De plus, cela ne fera que reculer les échéances qu'un certain nombre de nos concitoyens administrés reportent par simple paresse la plupart du temps.
Cela étant, il y a des cas concrets et complexes dans lesquels il est difficile de fixer le montant exact à payer. Et pour ces derniers, il serait bien entendu inadmissible que l'administration fiscale se montre trop obtuse et ferme, j'allais dire, c'est la raison pour laquelle nous demandons de renvoyer la motion en commission, afin de l'étudier. Et nous aurons à coeur d'écouter M. Hiler et l'administration fiscale à ce sujet. Je vous remercie.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord rappeler que la date du 31 mars est celle qui est en vigueur dans la plupart des cantons suisses. Il y en a par contre qui se montrent un peu plus sévères: celui de Neuchâtel, celui de Berne, et celui de Lucerne, qui laisse un mois au contribuable pour renvoyer sa déclaration. Nous sommes donc dans la pratique qui est celle de Zurich, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, c'est-à-dire la plus usuelle en Suisse.
Pourquoi nous faut-il un délai ? Tout simplement parce que l'organisation du travail l'exige et cela pour deux raisons. La première est quand même relativement importante. Si l'on décale l'ensemble du processus, si de fait l'on envoie le message qu'il suffit de le demander et il sera possible d'envoyer le document au 1er juin, cela signifie que nous aurons un certain nombre de déclarations encore en suspens en décembre, janvier et février de l'année suivante. Ainsi, les acomptes ne seront pas mis à jour. Ce qui implique alors du contribuable qu'il entreprenne une nouvelle démarche, celle de s'amuser à les recalculer, ce qui prend du temps.
Le 31 mars est par ailleurs un délai sur lequel est appuyé tout le système des intérêts, parce que c'est lui qui fixe en réalité la date à laquelle court non pas l'intérêt sur les acomptes - dans les deux sens, puisque cela joue aussi bien pour le contribuable que pour l'administration - mais bien celui du retard. Aucun canton - mais alors aucun ! - n'a un délai plus tardif dans la loi sur la perception; d'autres anticipent même, ce que je trouve assez dur - le canton de Zurich anticipe, c'est l'année d'avant qui fixe le délai d'échéance.
Par ailleurs, vous devez peut-être bien réfléchir à l'ensemble. Oui, nous demandons 10 F à titre dissuasif pour marquer le coup. Moi, Mesdames et Messieurs, j'y renonce volontiers, ainsi qu'à la pratique dissuasive pour les gens qui n'ont pas payé, mais alors nous faisons comme les cantons qui ont l'air de tant vous plaire: quand les gens sont en retard, ils paient 3%, et quand ils sont en avance, ils reçoivent 1% d'intérêt - cela remplirait d'ailleurs un trou dans le budget assez important, soit dit en passant. Par conséquent, quel que soit le système que vous reteniez, il faut que le principe du 31 mars reste. On peut discuter de l'émolument et de la mesure que vous avez fixée, Monsieur Jeanneret. Par la même occasion, nous pourrons peut-être aborder d'autres choses qui seraient susceptibles de nous rapporter 80 ou 90 millions de francs. Puisque nous en sommes à ouvrir des portes, pourquoi pas !
Mesdames et Messieurs les députés, ayant dit cela, je me réjouis de laisser l'administration fiscale vous expliquer quelles sont les contraintes et quels seraient les désavantages d'une solution par trop laxiste, et quels sont les avantages et les inconvénients des différents systèmes - si vous n'avez pas lu «L'Hebdo», parce qu'y figure la comparaison sur les intérêts de ces différents procédés. Peut-être qu'il faudrait avoir un système plus souple sur la déclaration et plus répressif pour les gens qui paient en retard, non pas en leur interdisant de la déposer en retard, mais en prenant dans leur porte-monnaie, pour ainsi dire; c'est vous qui l'aurez voulu, et je suivrai peut-être cet excellent conseil. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur le renvoi de la motion à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2040 à la commission fiscale est adopté par 60 oui contre 13 non et 1 abstention.