République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2012 à 20h30
57e législature - 3e année - 4e session - 19e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Pierre Losio, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Charles Beer, David Hiler, François Longchamp et Michèle Künzler, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Mark Muller et Isabel Rochat, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Roger Golay, Miguel Limpo, Philippe Morel, Sandro Pistis, Philippe Schaller et Brigitte Schneider-Bidaux, députés.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de M. Bernhard Riedweg. Je prie Mme le sautier de le faire entrer, et l'assistance de bien vouloir se lever. (M. Bernhard Riedweg entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Bernhard Riedweg, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de député au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attaché aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;
- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;
- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»
A prêté serment: M. Bernhard Riedweg.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger, et je vous engage à rejoindre les bancs de votre groupe. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un procureur. Je prie Mme le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (M. Niki Casonato entre dans la salle du Grand Conseil et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur Niki Casonato, vous êtes appelé à prêter serment de vos fonctions de procureur, entrée en fonction immédiate. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Niki Casonato.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Diane Kronbichler, élue juge au Tribunal civil (entrée en fonction immédiate);
Mme Saskia Golovtchiner-Ditisheim, élue juge suppléante au Tribunal des mineurs (entrée en fonction immédiate);
M. Julien Pacot, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé en matière de construction, d'urbanisme et d'hygiène publique pour statuer en matière de constructions (entrée en fonction immédiate);
M. Philippe Mantel, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé dans les affaires fiscales pour statuer en matière fiscale (entrée en fonction immédiate).
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. La commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer les pétitions suivantes:
Pétition relative au plan directeur cantonal 2011 - 2030 (P-1812)
à la commission d'aménagement du canton;
Pétition : Nouveau réseau des TPG (P-1815)
à la commission des transports.
Débat
Le président. Nous passons maintenant aux urgences. Je donne la parole à M. Desbaillets, en vous rappelant que nous sommes en catégorie II, trente minutes.
M. René Desbaillets (L). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, comme vous le savez, la circulation à Genève n'était pas le paradis jusqu'à cet automne, mais depuis la mise en service du nouveau système de bus, c'est l'enfer. Evidemment, on ne peut pas demander à la DGM d'être le bon Dieu et de tout solutionner depuis ses bureaux; il faut voir ce qui se passe sur le terrain. Ainsi, comme avec mon métier j'ai la chance de parcourir de long en large notre ville de Genève, cela depuis plus de quarante ans, avec un million de kilomètres environ et sans accident - c'est à relever quand même, je me permets ! - lorsque je suis bloqué dans les bouchons, j'observe la circulation et j'ai abouti à quelques constats.
Je me suis aperçu qu'avec le nouveau système de transports publics qui oblige les piétons et les usagers des TPG à traverser les places pour changer de transport - ce qui est tout à fait normal, je ne suis pas contre ce nouveau système - les flots de piétons qui traversent les rues, comme ils sortent par la porte d'un tram ou d'un bus à la queue leu leu, franchissent les passages cloutés également les uns à la suite des autres. Cela fait que souvent, quand il y a 50, 60 ou 100 personnes qui sortent d'un ou de deux trams de cette manière à la place Neuve ou à la place Bel-Air, les bus et les automobilistes s'arrêtent devant le passage clouté, comme la loi le requiert. Ce qui fait qu'une voiture s'arrête, puis une deuxième, si bien que les trams ou les bus ne peuvent plus passer et que donc tout se bloque.
L'exemple frappant se produit à la place Neuve: lorsque vous voulez en sortir pour aller en direction de la Croix-Rouge, vous vous arrêtez devant le passage piéton, et ce dernier est tellement mal placé que l'arrière de votre voiture se trouve sur les voies de tram. Cela a comme conséquence que tant que des piétons traversent, vous ne pouvez pas avancer et le tram ne peut pas repartir. Et si une deuxième voiture s'arrête derrière, le tram provenant de la Corraterie est lui aussi bloqué.
Je propose par conséquent que la commission des transports étudie ce problème et qu'à certains endroits de la ville - à des places et des carrefours - des signalisations lumineuses soient réinstallées pour les piétons. Il est bien clair que celles-ci doivent être un peu intelligentes. Il ne sert à rien qu'elles fonctionnent 24h/24, parce que le problème se pose durant environ deux à trois heures de pointe par jour où il faut aussi réguler les piétons afin que tout le monde dispose d'un certain temps pour traverser la route.
Je vous demande donc s'il vous plaît de renvoyer cette proposition de motion à la commission des transports, et je pense qu'il sera intéressant d'aller voir aux heures de pointe comment cela se passe réellement aux carrefours. Je vous remercie.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes ont accepté l'urgence sur cette proposition de motion et ce pour pouvoir la refuser. En effet, ce n'est pas des feux pour les piétons qu'il faut installer dans les endroits charnières de transbordement d'un tram à l'autre ou d'un transport public à l'autre; il s'agit plutôt de réfléchir à ce qu'il n'y ait plus de trafic automobile.
Prenons le quai de l'Ile... (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...la proportion des gens qui utilisent les transports publics - c'est-à-dire ceux que vous nommez «les piétons» - est impressionnante: ce sont des milliers, des dizaines de milliers de personnes par jour, versus quelques centaines, peut-être quelques milliers éventuellement, mais je dirais plutôt quelques centaines d'automobilistes qui passent par cet endroit. A un certain moment, il faut savoir fixer des priorités. On a beau dire tout ce que l'on veut sur les transports publics - les TPG - ces temps-ci, si on ne se donne pas les moyens de mettre l'accent sur les gens qui les utilisent dans ces noeuds de transports, comme le pont de l'Ile ou Cornavin, on est à côté des priorités que Genève peut se donner maintenant.
Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes refuseront par conséquent bien entendu cette motion et espèrent que vous comprendrez l'urgence d'accorder peut-être à Genève la place aux piétons avant de l'accorder aux voitures. Merci beaucoup.
M. Hugo Zbinden (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, si vous allez sur le site de la «Tribune de Genève», vous trouverez une page qui s'appelle «Genève au fil du temps» et vous y découvrirez des photos historiques de Genève. (Brouhaha.) Sur certaines, il y a beaucoup de piétons, sur d'autres beaucoup de trams, sur d'autres encore il y a beaucoup de piétons et de trams, mais il n'y a pas de bouchons. Parce qu'il faut quand même se rappeler que s'il y a des bouchons, c'est à cause des voitures et non des piétons... (Exclamations. Commentaires.)
Vous mentionnez dans la motion des endroits critiques comme Bel-Air. J'aimerais effectivement dire comme ma préopinante socialiste qu'il faudrait peut-être commencer par éviter qu'il n'y ait trop de voitures qui passent illégalement par la rue du Rhône. Nous aurions déjà résolu une partie du problème. Néanmoins, j'admets volontiers qu'à certains endroits un feu peut avoir du sens; nous ne sommes pas absolument contre les feux pour les passages piétons.
Cela étant, nous estimons quand même que cette motion est parfaitement inutile, parce que chaque fois qu'il y a un aménagement, la DGM s'interroge sur la nécessité d'installer un feu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et ce sont ces spécialistes qui vont décider de l'opportunité ou non en fonction de leurs meilleures connaissances. Je pense donc que, même si la motion part peut-être d'un bon sentiment, elle est parfaitement inutile, et c'est pourquoi nous la refuserons. Merci.
M. Pascal Spuhler (MCG). Le MCG soutiendra le renvoi en commission de cette motion assez lumineuse, si j'ose dire. En effet, nous avons aujourd'hui tous conscience du problème que les TPG provoquent avec leur nouveau réseau; nous savons tous qu'il n'y a plus moyen de circuler correctement en ville. Si en plus, les piétons se jettent sur la chaussée sans crier gare, nous n'allons pas nous en sortir. Il faut ainsi que nous puissions revenir à une sollicitation des feux lumineux tant pour les piétons que pour les véhicules.
En effet, quand on roule en véhicule le soir ou le week-end, qu'il n'y a pas de trafic et qu'on est obligé de s'arrêter bêtement à des feux qui fonctionnent par automatisme, c'est un peu ridicule. Il serait bien de ce fait d'y penser un peu plus loin et pas seulement par rapport aux piétons qui obtiendraient le feu lumineux pour passer en le sollicitant, mais également pour les véhicules, grâce au contact magnétique, puisque le système est connu.
Nous pensons par conséquent que la motion est intelligente et qu'il serait effectivement judicieux de revoir le système de fonctionnement des feux sur sollicitation et non selon des automatismes qui bloquent les gens et qui font qu'ils se précipitent à travers les carrefours sans crier gare. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Vous me permettrez de m'étonner, Monsieur le président, face à ceux qui prônent la mobilité douce dans ce parlement et qui aujourd'hui refusent cette motion qui va dans le bon sens. Vous me permettrez d'être surpris ! Vous êtes pour les rues piétonnes, mais contre les parkings. Nous, nous sommes pour les piétons, pour les cyclistes, mais également pour les parkings ainsi que pour ceux qui travaillent et qui utilisent leur véhicule à cette fin. Par conséquent, le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette motion à la commission des transports.
M. François Gillet (PDC). Je crois qu'à travers cette motion la question n'est pas de savoir qui doit être privilégié à tel ou tel endroit, mais il s'agit surtout de voir comment améliorer un certain nombre de points chauds ou noirs de cette ville, notamment ces fameuses interfaces de transbordement dont nous reparlerons demain.
Ainsi, si cette motion permet en commission de rappeler les règles de fonctionnement aujourd'hui appliquées et de savoir quels seraient les réglages qui peuvent être apportés, je crois que ce sera salutaire pour tout le monde. Cela dit, est-ce que les invites de cette motion sont toutes pertinentes ? Je ne pense pas que nous irons forcément dans le sens de l'ensemble de celles-ci, mais la nécessité ou l'utilité de refaire le point sur cette question amène le groupe démocrate-chrétien à accepter le renvoi en commission.
Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il est possible de demander encore plus de feux intelligents, mais peut-être qu'il faudrait plutôt des usagers de la route plus futés. En l'occurrence, notre ville a déjà - et vous vous en plaignez d'habitude - énormément de feux de circulation, gérés depuis une centrale, lesquels donnent satisfaction la plupart du temps.
Au centre-ville, là où les problèmes se sont posés de manière cruciale, ce n'est peut-être pas la meilleure solution, notamment à Bel-Air. Les feux qui existaient jusqu'en 2002 ont été retirés suite à une pétition des TPG et on a pu gagner des minutes pour le passage des personnes à cet endroit. Effectivement, que ce soit à Rive ou là, ce sont plutôt les incivilités qui posent problème... Je rappelle que la circulation est interdite à cet endroit, que nous avons accompli d'énormes progrès et que, grâce aussi à ma collègue Isabel Rochat, nous sommes intervenus à nouveau pour opérer des contrôles durant ces derniers mois et cela va continuer. Les infractions sont quand même passées de 5000 à 500 par jour; c'est encore 500 de trop, mais nous allons y arriver, parce que je ne lâcherai pas le morceau. Et nous ferons en sorte que cet endroit n'ait pas besoin de feux de régulation, parce que ce sera simplement inutile.
Ailleurs, des feux peuvent être installés, mais franchement je crois qu'il y en a déjà énormément à Genève; ce doit être la ville au monde où il y a le plus de feux de régulation et je ne pense pas qu'il soit utile d'en ajouter encore au centre-ville. Il faudra prendre plus de mesures sur la gestion du trafic, mais pas remettre des feux pour les piétons qui - on est à Genève - sont souvent peu respectés.
Alors si vous voulez renvoyer la motion en commission, nous pourrons vous montrer tout ce qui concerne la gestion des feux, mais je pense que l'objectif ne peut pas être atteint par cette mesure. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons passer au vote sur le renvoi à la commission des transports.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2047 à la commission des transports est adopté par 49 oui contre 21 non et 2 abstentions.
Débat
Le président. Ce débat est classé en catégorie II: trois minutes par groupe. La parole est à M. le député Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. J'interviens pour le compte de mon collègue et chef de groupe M. Golay, pour vous demander de soutenir cette proposition de motion et de la renvoyer à la commission fiscale.
S'acquitter des impôts est un devoir, rarement un plaisir, tout au plus un soulagement. Encore faut-il bien évidemment que l'Etat n'abuse pas, or à Genève on exagère au niveau des délais. Imposer aux contribuables du canton de déposer leur déclaration fiscale au 31 mars de l'année en cours pour les comptes au 31 décembre précédent est excessif. Je rappelle que le canton de Vaud, lui, donne un délai au 30 juin à l'ensemble des contribuables sans qu'ils aient besoin de demander une prolongation. Chez nous il faut payer pour passer du 31 mars au 30 juin. Ce n'est pas normal, d'autant moins qu'il y a 68 000 demandes - je le rappelle - qui ont été formulées pour précisément obtenir cette prolongation de quelques mois.
En outre nous avons appris - je l'ai su en lisant les journaux - que maintenant, pour obtenir la prolongation du 31 mars au 30 juin, il faut avoir payé intégralement les acomptes provisionnels pour l'année qui doit être déclarée, c'est-à-dire la précédente. Or beaucoup de contribuables ne s'acquittent pas intégralement des acomptes provisionnels, non par mauvaise volonté, mais parce que leurs revenus peuvent baisser et qu'ils savent très bien que les impôts qu'ils devront payer seront inférieurs à ceux de l'année précédente. Ils ne demandent pas forcément une baisse des acomptes provisionnels et vont donc être «coincés» - entre guillemets, si vous me passez l'expression - et ne pourront plus obtenir la prolongation.
Je pense qu'il s'agit d'être raisonnable et de faire coïncider les besoins pratiques et économiques de nos contribuables qui n'ont souvent pas tous les documents nécessaires au 31 mars de l'année courante, en reportant d'office le délai. Et c'est cette question que nous vous demandons de faire examiner par notre commission fiscale. Je vous remercie d'avance de soutenir cette proposition de motion.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion ne pourra pas être soutenue par le groupe des Verts.
Des voix. Oh !
Mme Sophie Forster Carbonnier. En effet, s'il est vrai que de très nombreux Genevois demandent un délai supplémentaire pour remplir leur déclaration d'impôts, modifier le délai actuel pour le remplacer par celui du 30 juin ne changera pas grand-chose: il y a fort à parier que, au 30 juin, de très nombreux contribuables solliciteront à nouveau un autre délai. Ce n'est pas la date qui est à l'origine des demandes de délais supplémentaires.
Mon expérience personnelle m'incite à penser que tout d'abord c'est le manque d'enthousiasme qui freine les contribuables, l'ennui lié à la collecte de toutes les pièces nécessaires et peut-être une certaine désorganisation dans le rangement de ses papiers. Que la date soit fixée au 31 mars ou au 30 juin ne changera guère l'attitude du contribuable.
Par contre, la date du 30 juin modifiera certainement passablement de choses pour le département des finances, chargé d'élaborer un budget. Plus les données fiscales seront connues tardivement, plus il deviendra compliqué pour l'Etat d'établir un budget juste et correct. Pour toutes ces raisons, les Verts vous invitent à refuser cette motion.
M. Stéphane Florey (UDC). La question posée par le MCG mérite un débat en commission. Quand on voit les problèmes que rencontre chaque contribuable pour récolter bon nombre de documents demandés par l'administration, il vaut la peine de se poser la question de savoir si le délai au 31 mars est raisonnable. Personnellement je n'en suis pas convaincu et le groupe UDC ne l'est évidemment pas non plus, raison pour laquelle nous préconisons un renvoi en commission pour que celle-ci s'interroge réellement à ce sujet et pèse le pour et le contre en fonction de toutes les informations du département des finances. Ainsi, nous pourrons raisonnablement prendre une véritable décision afin de savoir s'il faut repousser le délai ou pas.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Claude Jeanneret, à qui il reste une minute.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président, je vais aller vite. Je crois que le délai au 31 mars est un peu arbitraire et totalement irresponsable. Il faut laisser le temps aux citoyens de récupérer les informations nécessaires. Quand j'entends ma collègue parler de budget, je lui rappellerai qu'il s'élabore en automne et non au moment où les feuilles d'impôts sont reçues.
D'autre part, j'aimerais dire ceci: quand on pense que l'administration fiscale décide sans aucune raison, d'une manière arbitraire et vraiment pour embêter le citoyen - il n'y a pas d'autre terme - d'imposer aux gens de payer la totalité de leurs acomptes d'impôts pour obtenir un délai, c'est scandaleux ! C'est véritablement un abus de pouvoir ! C'est une décision irresponsable, qui manque totalement de respect envers le citoyen; et je crois vraiment qu'il faut qu'on agisse sérieusement au niveau de ce parlement pour que le gouvernement arrête de prendre des décisions aussi arbitraires et iniques envers les citoyens. Merci.
Des voix. Bravo !
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes accueillent ce projet de motion avec intérêt, on va dire. Peut-être pouvons-nous estimer que certains contribuables sont effectivement soumis à des contraintes qui font qu'ils ne peuvent pas rendre leur déclaration au 31 mars. Et il est en tout cas incontestable que si nous voulons prendre une décision à ce sujet, elle doit être prise avant le 31 mars, même suffisamment tôt pour que certains contribuables ne soient pas lésés par rapport à d'autres, parce que je ne vois pas pourquoi quelques-uns devraient se dépêcher pour cette date, alors que d'autres tout à coup bénéficieraient d'un délai supplémentaire au 30 juin. C'est donc bien une question à régler suffisamment tôt.
On peut également s'interroger sur l'aspect des émoluments, amendes et autres inconvénients que l'on subit lorsqu'une déclaration est remise plus tardivement, et examiner le nombre de contribuables concernés. Le sujet mérite par conséquent d'être étudié en commission. Les socialistes sont ainsi en faveur d'un renvoi en commission pour examiner la question, sans se prononcer sur la nécessité de déplacer réellement l'échéance.
Au demeurant, on peut constater que la proposition de motion du MCG est assez particulière, parce qu'en fait elle indique déjà quel article de la loi doit être modifié pour pouvoir décaler la date au 30 juin. Dès lors, si le MCG avait déposé un projet de loi, celui-ci aurait été directement renvoyé à la commission fiscale et il aurait été possible d'étudier cela de façon concrète, en disposant de chiffres, et de décider de manière pragmatique s'il fallait entrer en matière sur la proposition ou pas. Bref... Comme le MCG - en tout cas l'auteur principal - siège depuis un certain temps à la commission fiscale, je m'en étonne, mais on va rester sur l'attitude qui consiste à étudier la proposition. D'ailleurs, si elle était rejetée, rien n'empêcherait le MCG de revenir avec le projet de loi en question.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Pascal Spuhler, le temps de votre groupe est épuisé. La parole est à M. Guillaume Barazzone. (Commentaires.) Je vous prie de m'excuser, j'avais compté M. Mauro Poggia dans le groupe MCG; je sais qu'il continue à en faire partie, mais il a parlé à la place du motionnaire. Monsieur Pascal Spuhler, je vous donne donc la parole.
M. Pascal Spuhler (MCG). Merci beaucoup, Monsieur le président. Chers collègues députés, je voudrais juste revenir sur les propos de M. Deneys - vous transmettrez, Monsieur le président. Quand le MCG rédige des motions un peu trop vagues avec des projets peut-être trop peu définis, vous réclamez, et quand on est trop précis, vous réclamez aussi. C'est étonnant, mais enfin...
L'idée était quand même de revenir sur cette histoire de taxation - les émoluments de 10 F - pour la prolongation du délai de dépôt et non sur le dépôt en lui-même, puisque le délai au 31 mars peut être maintenu. En effet, il est principalement question de la taxe de 10 F pour la prolongation de principe au 30 juin. Nous rappelons simplement un chiffre: il y a environ 68 000 contribuables, privés et entreprises confondus, qui demandent des délais. Ce n'est pas négligeable. Je pense que l'on peut quand même se pencher sur le fait de savoir d'où vient le problème, qui est peut-être aussi dû au nombre de documents à fournir, aux délais pour recevoir certains d'entre eux, etc. Nous aimerions donc vraiment que la commission fiscale se penche sur ce problème, et je vous remercie par conséquent de réserver un bon accueil à cette motion.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'observe que lors de la séance des chefs de groupe, votre chef de groupe avait dit qu'il souhaitait que cet objet fût renvoyé directement sans débat en commission. En général on fait comme on a dit, mais je constate que ce n'est pas le cas. La parole est à M. le député Alain Meylan.
M. Alain Meylan (L). Merci, Monsieur le président, d'avoir rappelé cet accord entre chefs de groupe.
Puisque tout le monde a pris la parole, j'aimerais juste dire que le groupe PLR soutient ce renvoi en commission et y traitera des questions posées pertinemment par les uns et les autres ce soir, afin de voir s'il y a lieu d'améliorer ou d'aménager ce qui peut l'être dans le cadre de la perception des impôts à Genève. Merci.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Le groupe démocrate-chrétien appuie aussi cette demande de renvoi en commission. Nous serons intéressés à la question et notamment au fait de distinguer les cas standards - dits «simples» - des cas complexes, parce que je ne pense pas que l'on puisse traiter les cas simples de la même manière que les cas complexes ou pendants devant les tribunaux.
Cela dit, sur les 68 000 personnes qui ont demandé un délai, il y a fort à parier que la plupart d'entre elles ont attendu jusqu'au dernier moment avant de solliciter un délai et de rendre leur déclaration d'impôts. Ainsi, sur le principe, repousser le délai ne nous semble pas forcément une très bonne idée pour les cas généraux et standards, dans la mesure où cela aura certainement un impact sur la trésorerie de l'Etat. De plus, cela ne fera que reculer les échéances qu'un certain nombre de nos concitoyens administrés reportent par simple paresse la plupart du temps.
Cela étant, il y a des cas concrets et complexes dans lesquels il est difficile de fixer le montant exact à payer. Et pour ces derniers, il serait bien entendu inadmissible que l'administration fiscale se montre trop obtuse et ferme, j'allais dire, c'est la raison pour laquelle nous demandons de renvoyer la motion en commission, afin de l'étudier. Et nous aurons à coeur d'écouter M. Hiler et l'administration fiscale à ce sujet. Je vous remercie.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord rappeler que la date du 31 mars est celle qui est en vigueur dans la plupart des cantons suisses. Il y en a par contre qui se montrent un peu plus sévères: celui de Neuchâtel, celui de Berne, et celui de Lucerne, qui laisse un mois au contribuable pour renvoyer sa déclaration. Nous sommes donc dans la pratique qui est celle de Zurich, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, c'est-à-dire la plus usuelle en Suisse.
Pourquoi nous faut-il un délai ? Tout simplement parce que l'organisation du travail l'exige et cela pour deux raisons. La première est quand même relativement importante. Si l'on décale l'ensemble du processus, si de fait l'on envoie le message qu'il suffit de le demander et il sera possible d'envoyer le document au 1er juin, cela signifie que nous aurons un certain nombre de déclarations encore en suspens en décembre, janvier et février de l'année suivante. Ainsi, les acomptes ne seront pas mis à jour. Ce qui implique alors du contribuable qu'il entreprenne une nouvelle démarche, celle de s'amuser à les recalculer, ce qui prend du temps.
Le 31 mars est par ailleurs un délai sur lequel est appuyé tout le système des intérêts, parce que c'est lui qui fixe en réalité la date à laquelle court non pas l'intérêt sur les acomptes - dans les deux sens, puisque cela joue aussi bien pour le contribuable que pour l'administration - mais bien celui du retard. Aucun canton - mais alors aucun ! - n'a un délai plus tardif dans la loi sur la perception; d'autres anticipent même, ce que je trouve assez dur - le canton de Zurich anticipe, c'est l'année d'avant qui fixe le délai d'échéance.
Par ailleurs, vous devez peut-être bien réfléchir à l'ensemble. Oui, nous demandons 10 F à titre dissuasif pour marquer le coup. Moi, Mesdames et Messieurs, j'y renonce volontiers, ainsi qu'à la pratique dissuasive pour les gens qui n'ont pas payé, mais alors nous faisons comme les cantons qui ont l'air de tant vous plaire: quand les gens sont en retard, ils paient 3%, et quand ils sont en avance, ils reçoivent 1% d'intérêt - cela remplirait d'ailleurs un trou dans le budget assez important, soit dit en passant. Par conséquent, quel que soit le système que vous reteniez, il faut que le principe du 31 mars reste. On peut discuter de l'émolument et de la mesure que vous avez fixée, Monsieur Jeanneret. Par la même occasion, nous pourrons peut-être aborder d'autres choses qui seraient susceptibles de nous rapporter 80 ou 90 millions de francs. Puisque nous en sommes à ouvrir des portes, pourquoi pas !
Mesdames et Messieurs les députés, ayant dit cela, je me réjouis de laisser l'administration fiscale vous expliquer quelles sont les contraintes et quels seraient les désavantages d'une solution par trop laxiste, et quels sont les avantages et les inconvénients des différents systèmes - si vous n'avez pas lu «L'Hebdo», parce qu'y figure la comparaison sur les intérêts de ces différents procédés. Peut-être qu'il faudrait avoir un système plus souple sur la déclaration et plus répressif pour les gens qui paient en retard, non pas en leur interdisant de la déposer en retard, mais en prenant dans leur porte-monnaie, pour ainsi dire; c'est vous qui l'aurez voulu, et je suivrai peut-être cet excellent conseil. Merci beaucoup.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote sur le renvoi de la motion à la commission fiscale.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2040 à la commission fiscale est adopté par 60 oui contre 13 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous sommes en catégorie II - trois minutes par groupe - et la parole est à Mme la députée Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il n'est quand même pas courant que le Conseil fédéral se fasse taper sur les doigts par le Tribunal fédéral. Effectivement, c'était le 20 décembre dernier, à l'occasion d'un communiqué de presse qui faisait allusion à la votation populaire du 24 février 2008 concernant la réforme II de l'imposition des entreprises. Que dit le Tribunal fédéral ? Il dit: «[...] il manquait aux électeurs des informations importantes pour se forger une opinion étayée leur permettant de comparer les avantages des allégements fiscaux et les inconvénients des pertes fiscales.»
En effet, dans la brochure des votations qui a précédé le vote populaire, le Conseil fédéral avait vanté cette réforme en faveur soi-disant des petites et moyennes entreprises et avait annoncé de légères pertes fiscales de l'ordre de 83 millions de francs pour la Confédération et de 300 à 500 millions pour les cantons. Surprise ! Une fois que la réforme est entrée en vigueur, eh bien ce fut beaucoup plus que cela. Et Mme Widmer-Schlumpf a dû reconnaître que ce serait au moins 1,2 milliard de francs en moins en 2011 sur l'impôt anticipé, puis, pour les dix ans à venir, chaque année, de l'ordre de 400 à 600 millions en moins pour les cantons et la Confédération.
Alors que s'est-il passé ? C'est tout simplement que la réforme - et je ne vais pas faire un débat technique sur ce qu'était cette réforme - a permis d'empêcher de taxer les dividendes issus de l'apport en capital. Et il se trouve que certaines entreprises - notamment le Crédit Suisse, par exemple - ont profité du nouveau système, c'est-à-dire qu'au lieu d'allouer des dividendes à leurs actionnaires, dividendes qui sont eux taxés, elles ont préféré distribuer ces apports en capital, qui eux ne le sont pas. Résultat des courses: les pertes sont beaucoup plus importantes que prévues.
Dans toute cette affaire, on ne sait pas très bien si c'était l'incompétence du conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz qui est responsable de ce gâchis ou si c'est une tromperie volontaire. Je n'irai pas jusque-là, mais toujours est-il qu'il est certain que l'électeur a été mal informé. Or le résultat du vote a été extrêmement serré, puisque la population suisse a accepté la réforme à 50,5% des voix. Ainsi, vraisemblablement, si l'information avait été meilleure, on peut imaginer que le vote aurait été différent, d'où un certain nombre de propositions soumises au Parlement fédéral, qui ont toutes été refusées, propositions qui émanaient des socialistes, mais aussi, pour l'une d'entre elles, du PDC - faut-il le rappeler - et qui demandaient qu'on revienne en arrière, qu'on évite que cette loi ne soit rétroactive...
Le président. Il vous faut conclure.
Mme Anne Emery-Torracinta. Je peux mordre sur le temps de mon groupe, Monsieur le président.
Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.
Mme Anne Emery-Torracinta. Je peux mordre sur le temps de mon groupe, Monsieur le président !
Le président. Ah, si vous prenez sur le temps de votre groupe, alors vous vous arrangez avec vos collègues !
Mme Anne Emery-Torracinta. Oui, Monsieur le président !
On aurait parfaitement pu revenir en arrière, le Parlement fédéral ne l'a pas voulu. Et même si, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez refusé de voter l'urgence pour cette résolution lorsque c'était nécessaire, je pense qu'elle reste totalement d'actualité et je vous invite à la renvoyer au Parlement fédéral.
Mme Sophie Forster Carbonnier (Ve). Les Verts regrettent vraiment que nous n'ayons pas pu discuter de cette résolution en temps utile, parce qu'en effet elle arrive fort tardivement, vu que le Tribunal fédéral s'est déjà prononcé. Cette résolution soulève des questions très importantes et met le doigt sur un véritable scandale. La désinformation, voire la non-information du Conseil fédéral sur les questions de recettes fiscales est à dénoncer ici. Alors que le Conseil fédéral avait indiqué que la réforme allait coûter quelque 500 millions de francs aux collectivités publiques, aujourd'hui c'est en milliards que la facture s'allonge. Le Tribunal fédéral a d'ailleurs dénoncé ces méthodes et blâmé le Conseil fédéral pour ce qu'il a fait. Les Verts soutiendront donc la résolution, même si malheureusement nous nous retrouvons aujourd'hui devant le fait accompli. Merci.
M. Claude Jeanneret (MCG). Le groupe MCG va accepter cette proposition de résolution, surtout pour une raison fondamentale. En effet, actuellement il arrive trop souvent que l'on fasse prendre des décisions au peuple sans l'informer comme il se doit de tous les tenants et aboutissants de ce que l'on va entreprendre. Et je crois sincèrement que les déclarations de Mme Widmer-Schlumpf prouvent que le parlement n'a pas diffusé toutes les informations nécessaires au peuple qui a voté la loi. C'est la raison pour laquelle, même si rien n'empêche qu'on revote celle-ci un jour, il faut en tout cas pour l'heure renvoyer cette résolution là où il convient pour faire respecter l'équité vis-à-vis du peuple qui décide.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, ma collègue l'a dit tout à l'heure: le peuple a été totalement trompé en 2008. La réforme d'imposition des entreprises que le peuple a votée induit des pertes considérables pour la Confédération - alors qu'elles étaient estimées à 80 millions de francs - et pour les cantons. C'était estimé à quatre fois 80 millions, mais les pertes se chiffreront en milliards, désormais nous le savons. Mais en quoi consiste la réforme ? Le problème tient dans l'imposition partielle des dividendes, c'est-à-dire que toute personne qui possède 10% des actions dans une société ne sera imposée qu'à 60% - à 60%, Mesdames et Messieurs ! De plus, il y a un effet rétroactif. Cette réforme touche une toute petite minorité, 1% de la population, c'est-à-dire que les quatre millions de salariés et les deux millions de retraités devront payer à 100% leurs impôts. Par ailleurs, elle est totalement contraire à la Constitution fédérale.
Du point de vue social - et c'est cela aussi qu'il faut relever, Monsieur le président - le projet va créer un trou dans l'AVS. Il est estimé à 150 millions de francs par an. A l'heure où le financement de l'AVS fait débat, cette réforme est une véritable catastrophe et c'est inacceptable. Pourquoi fera-t-elle un trou dans l'AVS ? Parce que les employés de ces sociétés - qui sont aussi des salariés - préféreront être rémunérés en dividendes. Pourquoi ? Parce que se faire payer en dividendes n'est pas sanctionné par l'AVS, c'est-à-dire que l'on ne paie pas les cotisations sociales. Ainsi, en percevant des dividendes, non seulement ils ne paient pas l'AVS, mais en plus ils ne s'acquitteront qu'à 60% de leurs impôts.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, cette réforme favorise les grosses entreprises, au détriment de qui ? Au détriment des PME, des sociétés moyennes qui ne sont ni des SA, ni des SARL. Celles-ci ne sont pas cotées en bourse ou, si elles le sont, ne pourront pas payer les dividendes comme les grandes sociétés.
Le président. Il vous faut conclure !
Mme Loly Bolay. Je vais conclure, Monsieur le président, en disant que c'est toujours la même chose ! C'est la politique des caisses vides, et quand on a moins d'argent et qu'on accorde des privilèges aux nantis de notre société, alors il y aura bien moins de moyens pour le social et l'AVS. C'est inacceptable pour les socialistes, raison pour laquelle nous vous demandons de voter la résolution pour l'envoyer à Berne.
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ne nous laissons pas aveugler par une description certes fort intelligente produite par les bancs d'en face, et regardons plutôt la situation générale. Car il y a des chiffres qui ne trompent pas, Madame ma préopinante. Entre 2000 et 2010, les dépenses de la Confédération ont augmenté de 28%. Dans la même période, les recettes n'ont accusé que 14% d'augmentation. Ce qui occasionne déjà un déficit. De 2010 à 2014, il est prévu une augmentation des dépenses à nouveau de 12%. Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC n'a pas honte de dire que l'Etat, les cantons vivent au-dessus de leurs moyens, avec une palme spéciale pour le canton de Genève !
Depuis 1980, la Suisse n'a cessé de régresser au classement des revenus par habitant. En clair, les citoyens ont un revenu qui baisse et les impôts - tous confondus - ne cessent de croître. L'UDC considère les baisses d'impôts comme un encouragement à la consommation et soutient tout ce qui peut aller dans le sens d'une diminution d'impôts. Le peuple s'est prononcé; on vient maintenant ergoter sur ce qui s'est passé; on prétend que l'information n'était pas là. Ne regardons pas le particulier, regardons le général. Nous nous endettons; la crise de la dette est partout. Mesdames et Messieurs les députés, ayons le courage de refuser ces augmentations déguisées sous des arguments fallacieux ! L'UDC vous demande de refuser la résolution 662.
M. Mauro Poggia (MCG). Monsieur le président, je serai bref. Je crois qu'il en va de la bonne foi du gouvernement fédéral à l'égard des citoyens. Nous avons malheureusement de plus en plus l'habitude de voir des campagnes électorales dans lesquelles le Conseil fédéral lui-même - voire le Conseil d'Etat dans notre canton - utilise des arguments fallacieux pour amener la population à voter dans le sens qu'il souhaiterait. Nous ne pouvons pas accepter ce mode de faire. Les exemples sont légion.
Ici nous en avons un de taille, puisque l'on a délibérément trompé les électeurs sur les conséquences du vote qu'on leur soumettait. Alors la question n'est pas de savoir s'il fallait voter dans un sens ou dans l'autre, mais il s'agit de dire que l'on remet les compteurs à zéro. S'il faut qu'il y ait une nouvelle votation sur le sujet, elle aura lieu le cas échéant et la minorité se pliera à l'avis de la majorité. Mais il n'est pas question de faire croire aux électeurs de ce pays que leur voix va les amener dans un sens, alors qu'elle les conduira dans l'autre. Comme l'a dit très justement Mme Emery-Torracinta, nous ne savons pas si c'est l'incompétence ou la volonté de tromper les électeurs qui a débouché sur ce résultat, mais il est là et nous ne pouvons pas l'accepter. Le MCG ne peut pas accepter que les électeurs de ce pays soient trompés volontairement ou par négligence. Nous allons donc soutenir cette résolution.
M. Guillaume Barazzone (PDC). Il y a un problème de forme et un problème de fond. Le premier concerne la votation et l'information fournie par le Conseil fédéral au peuple; puis vient le problème de fond qui relève du principe sur lequel les gens - le peuple suisse - ont voté. De quoi était-il question ? De manière schématique, il s'agissait de savoir si l'apport en capital ou en espèces des actionnaires à la société, lorsqu'il était restitué à ces derniers, devait être taxé comme des dividendes ou être franc d'impôts. Et c'est sur ce principe que la population suisse s'est exprimée, en effet, avec un certain nombre d'informations qui se sont révélées incorrectes par la suite. Les informations portaient sur des chiffres.
Cependant, Madame Bolay, ne faites pas croire que le Conseil fédéral est venu en disant: «Vous allez voter pour plus ou moins tant de millions et sur une imposition de tant.» Ce n'est pas de cela qu'il était question. Il s'agissait de principes de droit. Puis, le Conseil fédéral a «mal fait son travail» - entre guillemets - puisqu'il n'est pas allé examiner dans toutes les sociétés la manière dont elles avaient provisionné leurs comptes. Et je peux vous dire que les professionnels savaient à quoi allait mener la réforme qui était rétroactive; et c'est la raison pour laquelle un certain nombre de sociétés se sont arrangées avant l'entrée en vigueur du texte pour structurer leur capital d'une certaine manière, afin que, une fois la réforme entrée en vigueur, elles puissent distribuer le montant aux actionnaires franc d'impôts.
Et, Madame la députée, quand je vous entends parler d'employés et de PME, de choses qui n'ont rien à voir avec la réforme, là aussi vous trompez la population. Certes, le Conseil fédéral a péché par négligence parce qu'il n'a certainement pas assez estimé les effets de la rétroactivité de la loi. Mais maintenant, quand bien même cette résolution serait votée et envoyée à Berne, le Parlement fédéral s'est prononcé, il ne souhaite pas revenir en arrière. Notre groupe avait demandé que cette réforme ne concerne pas les faits rétroactifs à l'entrée en vigueur de celle-ci. Or le parlement n'en a pas voulu. Donc ne faites pas croire à la population genevoise, ni à ce Grand Conseil, que cela servira à quelque chose. Le parlement a tranché, malheureusement on ne peut plus revenir en arrière. Notre groupe ne soutiendra donc pas la demande de renvoi de la résolution à Berne. Je vous remercie.
M. Jacques Jeannerat (R). Je vais être très bref. La question a déjà été amenée sur le plan fédéral, le Tribunal fédéral a été saisi, il a tranché et a déclaré qu'aucun vice de forme n'avait été constaté. Ce texte est donc sans objet, et je vous invite tous à refuser cette résolution.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je n'entends pas intervenir dans un débat sur une résolution, mais j'aimerais simplement préciser une petite chose à l'intention du député Poggia. Le Conseil d'Etat, avez-vous laissé entendre, ferait comme le Conseil fédéral. Je souhaiterais simplement vous rappeler tout d'abord, Monsieur le député, que les brochures envoyées aux électeurs sont sous la responsabilité de votre Grand Conseil et de son Bureau, puisqu'elles expriment les positions des groupes. Cela fait plusieurs années que le Conseil d'Etat n'a d'autres facultés, lorsqu'il n'est pas d'accord avec le parlement, que de l'exprimer en dix lignes. De plus, nous avons une réglementation extrêmement précise, qui fixe à peu près cinq semaines avant la votation la dernière possibilité que nous ayons d'intervenir sur un objet.
Alors, Monsieur le député, si vous avez quelques inquiétudes sur l'objectivité des textes genevois qui sont envoyés à l'électeur, je vous renvoie au Bureau du Grand Conseil qui saura très certainement vous répondre.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons passer au vote. (Un instant s'écoule.) Celles et ceux qui acceptent de renvoyer cette proposition de résolution tant au Conseil d'Etat qu'à l'Assemblée fédérale votent oui, les autres non ou s'abstiennent. Le vote est lancé.
M. Eric Stauffer. Ça marche pas ! (Commentaires.)
Le président. Avant d'annoncer les résultats, je vous informe qu'on m'interpelle en me disant que cela ne marche pas, mais moi j'ignore ce qui ne fonctionne pas ! (Remarque. Commentaires. Un bouton de vote ne fonctionne pas.) J'invite M. le député Stauffer à... (Remarque.) Il semble que la place de M. Droin ne fonctionne pas non plus. A votre place dans l'assemblée non plus ? (Remarque. Commentaires. Brouhaha.) Il est inutile de s'énerver pour une broutille ! Nous allons savoir ce qui s'est passé; on n'écarte pas les bras, on ne monte pas aux poutres ! (Rires.)
Nous vous proposons de procéder à nouveau au vote et les deux députés ne pouvant pas voter nous indiqueront leur position sur cet objet. Est-ce que cela vous semble correct et démocratique ? (Commentaires.) Nous passons donc au vote.
Mise aux voix, la proposition de résolution 662 est rejetée par 47 non contre 43 oui.
Débat
Le président. Nous passons au point 38, puisque le point 37 sera traité aux extraits. Monsieur le rapporteur, vous avez la parole. (Un instant s'écoule.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Excusez-moi, je n'avais pas vu que la lumière du micro était allumée.
Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant de dix minutes de séance pour simplement confirmer ce qui a été réalisé auparavant, je ne me vois pas ajouter quelque chose, si ce n'est de vous recommander d'adopter ce rapport. Et s'il y a des questions, c'est avec plaisir que je tenterai d'y répondre.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous votons sur le renvoi du rapport au Conseil d'Etat. (Les députés procèdent au vote.) Monsieur Droin, vous n'avez pas pu voter ?
M. Antoine Droin. Non !
Le président. M. Stauffer non plus ? Monsieur Droin, est-ce que vous votez oui ?
M. Antoine Droin. Oui !
Le président. M. Stauffer s'est absenté.
Mis aux voix, le renvoi du rapport de commission RD 583-B au Conseil d'Etat est adopté par 71 oui (unanimité des votants).
Le rapport de commission RD 583-B est adopté.
Le président. Mesdames et Messieurs, après avoir consulté les membres du Bureau présents à leur place, je décide de suspendre la séance dix minutes afin d'éteindre le système et de le relancer.
La séance est suspendue à 21h37.
La séance est reprise à 21h45.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous prie de regagner vos places, nous reprenons la séance.
Ce qui est plaisant avec l'intelligence artificielle, c'est qu'elle est sans artifice, donc sans intelligence.
Débat
Le président. Nous sommes au point 39. La parole est à M. le député Charles Selleger.
M. Charles Selleger (R). Merci, Monsieur le président. Je serai très bref, parce que ce point de l'ordre du jour était prévu aux extraits. Il était simplement destiné à être renvoyé à la commission des finances et il n'y a pas grand-chose à en dire si ce n'est que tous les efforts entrepris par le Conseil d'Etat pour assainir les finances sont bienvenus dans une période où non seulement le budget actuel pour 2012 est déficitaire, mais où la dette du canton de Genève - je le rappelle - est abyssale et cela depuis longtemps.
La seule remarque que j'ai à formuler à la lecture du rapport porte sur le fait que, dans les mesures que le Conseil d'Etat prévoit de prendre pour assainir les finances, il n'y a jamais un mot sur la réduction de la masse salariale, c'est-à-dire la diminution du nombre de fonctionnaires de l'Etat, et c'est une chose que notre groupe regrette. En conclusion, je le répète, nous demanderons le renvoi de ce rapport à la commission des finances.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Edouard Cuendet. (Un instant s'écoule. Le micro de M. Edouard Cuendet ne fonctionne pas. Commentaires. Brouhaha.) Est-ce que M. le député peut s'exprimer ?
M. Edouard Cuendet (L). Ça marche ? (Exclamations. Commentaires.) Ce n'est pas que j'aie des choses vitales à dire, mais... Bref, si ça fonctionne, je vous remercie !
Comme je l'ai dit, le PFQ est une obligation légale et pour cela on peut remercier le Conseil d'Etat de nous avoir fourni son plan financier quadriennal. Mes compliments s'arrêteront ici, parce que sur le fond il est évidemment insatisfaisant à nos yeux, sauf sur certains constats qu'il fait. En effet, il note une baisse des recettes et, dans l'exposé des motifs, il constate également que les pays avoisinants ont des plans d'austérité drastiques, que l'on cherchera vainement au niveau genevois. Il propose effectivement des mesures de réduction des charges extrêmement timorées et qui, à notre goût, ne sont pas du tout assez ambitieuses. On peut parler quasiment de «mesurettes». Et on accepte sans sourciller une hausse de la dette qui atteint des sommets vertigineux; on s'approche gentiment des douze milliards de francs, alors que dans le même laps de temps le canton de Vaud, lui, arrive en dessous des deux milliards.
De plus, ce plan financier quadriennal se fonde sur une croissance de l'économie qui paraît extrêmement optimiste. Sur ce point, je laisserai le bénéfice du doute au Conseil d'Etat, parce que les prévisions en matière de croissance économique sont très aléatoires et là on peut dire qu'il accomplit son travail sérieusement en se basant sur un groupe test. Cela dit, on voit que c'est très optimiste.
En tout cas, ce qui est inacceptable pour nous c'est évidemment qu'un gouvernement à majorité de droite propose des hausses d'impôts et revienne sur un vote populaire qui a eu lieu il y a très peu de temps sur des baisses d'impôts. Cela nous paraît donc aller tout à fait contre la volonté populaire. Je précise que cela vise spécifiquement les personnes physiques qui sont déjà extrêmement taxées à Genève - tout le monde le sait - avec une progressivité très importante. Ce qui fait d'ailleurs que le budget du canton dépend de recettes de contribuables très peu nombreux. Et le départ d'un seul de ces gros contribuables demande une compensation par de très nombreux plus petits contribuables. Ce qui touche en fin de compte la classe moyenne.
Puis, il y a un élément sur lequel le plan financier quadriennal est très peu disert, ce sont les montants énormes qui vont être mis à contribution pour tenter de sauver les caisses de pension de l'Etat. On parle d'une somme de quatre milliards de francs selon le projet de loi qui nous est soumis. En gros les contribuables seraient donc appelés une première fois à la rescousse par les mesures du plan financier quadriennal et une deuxième fois à raison de 100 millions par année pendant quarante ans pour sauver les caisses de pension; c'est un peu fort de café ! C'est pour cela que le groupe PLR est extrêmement dubitatif sur ce plan financier, que l'on vous propose de renvoyer à la commission des finances pour une étude approfondie et un démontage précis. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Pierre Weiss, il vous reste quinze secondes.
M. Pierre Weiss (L). En quinze secondes, je dirai simplement que le groupe PLR refusera toutes les propositions d'augmentation de la fiscalité qui se trouvent dans ce PFQ et qu'il soutiendra tous les efforts que le peuple fera pour lutter contre la confiscation que lui promet le Conseil d'Etat par manque de courage politique à l'égard du mauvais fonctionnement de sa propre administration. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). J'aime beaucoup quand Pierre Weiss intervient, parce qu'au moins les choses sont claires et simples. On voit très bien quelle est la stratégie du PLR: on commence par baisser les impôts, puis, au premier déficit qui arrive, on dit: «Ouh là là ! Mais que fait M. Hiler ? Que fait le Conseil d'Etat ? C'est scandaleux !», et hop, c'est la fonction publique qui casque et les prestations qui baissent. Eh bien voilà, Mesdames et Messieurs les députés, c'est ça le libéralisme ou le néolibéralisme !
J'aimerais simplement vous rappeler deux ou trois points concernant le plan financier quadriennal. Pourquoi y en a-t-il un nouveau ? C'est effectivement parce que le Conseil d'Etat - et c'est tout à fait louable - souhaite revenir à l'équilibre. Si l'on se trouve en situation de déséquilibre, c'est pour diverses raisons que j'ai mentionnées, à savoir la baisse fiscale beaucoup trop importante qui a été acceptée il y a deux ans, mais c'est également dû aux reports de charges qui sont systématiquement votés par la droite et l'UDC sur le plan fédéral, reports qui se chiffrent en millions pour le canton. Cela s'explique aussi par une économie genevoise très volatile. Parfois, c'est dans le bon sens, cela nous amène des recettes en hausse et des comptes mirobolants grâce à la finance et au négoce, mais lorsque ça va moins bien sur le plan international, cela s'effondre. Dans ce sens, je crois que nous aurions tout à fait avantage à disposer d'une économie plus durable, qui s'intéresse peut-être à la majorité des personnes plutôt qu'à quelques gros contribuables.
Concernant les propositions du Conseil d'Etat, comment le groupe socialiste les perçoit-il ? Je dirais avec intérêt, parce qu'au fond je crois que n'importe lequel d'entre nous sait que quand il n'y a pas assez d'argent, on peut jouer soit sur les dépenses, soit sur les recettes, et la sagesse du Conseil d'Etat consiste à faire des propositions dans les deux domaines. S'agissant du groupe socialiste, par comparaison avec le groupe libéral, si c'est génétique chez ce dernier de ne pas accepter les hausses d'impôts, chez nous, génétiquement, nous n'acceptons pas les baisses de prestations sans qu'il y ait au moins un effort entrepris en parallèle au niveau des plus riches d'entre nous. Et c'est ce à quoi le groupe socialiste sera attentif.
Dernière remarque: certains d'entre vous ont parlé de la masse salariale qu'il faudrait diminuer, alors je vous invite à lire l'excellent rapport de Standard & Poor's concernant Genève. Il parle de la fonction publique genevoise en disant que c'est l'un des éléments d'équilibre dans le canton et que c'est aussi l'un des points qui lui permet d'obtenir une bonne note. Il en va d'ailleurs de même de la réforme des caisses de pension. Si par hasard, Monsieur Cuendet, votre groupe et d'autres devaient amener à ce qu'il n'y ait pas de réforme des caisses de pension acceptable pour une majorité de ce parlement, eh bien, soyez-en sûr, la note de Standard & Poor's diminuerait et par voie de conséquence les taux d'intérêts que nous aurons à payer pour nos emprunts augmenteraient. Nous serons donc encore plus déficitaires. (Remarque.)
M. Eric Bertinat (UDC). C'est magnifique le débat que nous avons ! Tout d'abord, on s'aperçoit en lisant ce document que si la situation extrêmement délicate de nos voisins européens est citée, on se garde bien évidemment d'examiner leurs plans de rigueur et de tenir compte des problèmes de fond qu'ils connaissent, à savoir des administrations gargantuesques, une action sociale souvent disproportionnée et infiniment trop généreuse. En revanche, on se focalise uniquement sur les idées qu'ils ont, c'est-à-dire d'aller chercher dans la poche de leurs citoyens le peu d'argent qu'il leur reste en augmentant toutes sortes d'impôts et de taxes. Ça, le Conseil d'Etat l'a bien compris; on le retrouve dans ce document.
Ma deuxième remarque s'adresse plus particulièrement à mes collègues libéraux qui jouent les vierges outragées parce qu'on va augmenter les impôts. Augmenter les impôts va de pair avec votre acceptation du budget. En adoptant un budget déficitaire de 350 millions de francs, vous saviez que, ensuite, pour rattraper cela, il fallait augmenter les impôts ! Vous avez ce que vous méritez ! (Remarque.) Monsieur Weiss, vous pouvez jouer les vierges outragées, il est hors de question de vous écouter alors que vous avez accepté un budget pareillement déficitaire. C'est ce que j'avais à dire et je vous remercie. (Commentaires.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je suis toujours très amusé quand la gauche vient donner des leçons en disant: «Vous voyez, vous avez trop baissé les impôts, donc maintenant vous devez attaquer les prestations.» Alors laissez-moi vous exposer un petit calcul - mais vraiment très léger ! - pour expliquer les conséquences de ce que nous décidons ici au fil des mois ou des années et qui doit payer les pots cassés aujourd'hui. Parce qu'effectivement qu'il y ait des baisses de prestations, ce n'est pas vraiment acceptable pour nous, et qu'il y ait des augmentations d'impôts non plus. Evidemment, on pourrait dire que c'est contradictoire, mais pas du tout, chers collègues ! Parce qu'on a toujours dit qu'il fallait une économie forte pour pouvoir faire du social efficace. Il faut alors qu'il y ait des gens qui génèrent des fortunes, des revenus importants, pour qu'ils puissent payer des impôts et que nos amis de la gauche puissent les dépenser dans les oeuvres sociales.
Mais si l'on veut reprendre le problème à la base, dans sa genèse, que faut-il pour sortir de l'aide sociale, Mesdames et Messieurs ? Il faut un emploi avec un salaire décent ! Et l'emploi, si on le réservait aux résidents genevois...
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. ...vous verriez, chers collègues, qu'il y aurait beaucoup moins de gens à l'aide sociale ! Les budgets seraient ainsi équilibrés et les impôts ne seraient pas monumentaux. J'aimerais quand même vous rappeler que 104 000 personnes bénéficient de subsides d'assurance-maladie à Genève ! Ce sont 104 000 personnes qui ne gagnent pas assez et qui sont aidées par l'Etat pour payer leurs primes d'assurance-maladie ! Mais quand va-t-on se réveiller dans ce parlement ?
Alors moi je vous le dis, ce plan quadriennal, nous n'en voulons pas non plus et nous allons le refuser ! Et il faudra que le Conseil d'Etat, qui est en train de prendre conscience de la problématique de l'emploi bien tardivement, puisque récemment il a déclaré que la priorité devait être donnée aux chômeurs... Ça nous a fait plaisir, parce que c'est un discours MCG. Nous n'avons toujours pas la réponse concernant les chômeurs français, parce que, dans l'absolu, nous avons appris à nous méfier des déclarations à l'emporte-pièce du Conseil d'Etat. Nous aimerions donc être sûrs que l'emploi est réservé prioritairement aux chômeurs genevois et vous verrez que tout le monde s'y retrouverait ! La droite et la gauche ! Parce que les gens ne demandent pas l'aide sociale par plaisir mais par nécessité ! S'ils gagnent suffisamment...
Le président. Il vous faut conclure.
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, mais j'espère que ce débat ne se conclura pas et que la prise de conscience continuera. En tout cas, Mesdames et Messieurs, le MCG y veillera et poursuivra sa mission afin de favoriser l'emploi pour les résidents genevois. Vive Genève, vive la république et vive le MCG ! (Commentaires.)
M. Guy Mettan (PDC). J'aimerais d'abord remercier M. Stauffer qui tient des propos raisonnables de temps en temps, puisqu'il a repris un slogan du PDC disant qu'il faut avoir une économie forte pour pouvoir payer des impôts. Je vous invite à poursuivre et à étudier de plus près notre programme, cela vous inspirerait.
Cela dit, concernant le sujet qui nous est proposé - le plan financier quadriennal - je ne pense pas qu'il soit le lieu ici d'arbitrer entre les propositions soumises. Je considère que le Conseil d'Etat a proposé un catalogue sans tabou qui touche aussi bien les recettes que les réductions de charges. Et au fond, il a rempli la mission que nous lui demandions, qui est précisément d'avancer des propositions sans aucun tabou ni préjugé. De ce point de vue, nous estimons qu'il a rempli le mandat que les citoyens et le Grand Conseil lui ont confié.
A partir de là, que nous reste-t-il à faire ? Eh bien à renvoyer le projet à la commission des finances et à examiner sans tabou toutes les propositions exposées, comme un catalogue «Veillon». (Commentaires.) Comme dans un tel catalogue, il y a de bonnes et de mauvaises choses, et cela va être...
Une voix. Ce n'est pas très sexy !
M. Guy Mettan. Ce n'est peut-être pas très sexy, mais cela va être aux députés et au parlement de piquer les bonnes choses et les perles là où elles se trouvent et de rejeter le reste. C'est ce que nous vous invitons à faire, Mesdames et Messieurs les députés.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Roger Deneys pour dix secondes.
M. Roger Deneys (S). Dix secondes ?
Le président. Vous persistez ?
M. Roger Deneys. Et je signe ! Les socialistes sont en faveur du renvoi à la commission des finances pour une étude pragmatique de ce rapport qui permettra de prendre des décisions en toute connaissance de cause.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, à ce stade, j'aimerais simplement revenir sur un ou deux points. Le premier, c'est que les événements qui nous ont en fait amenés à réécrire en deux mois le plan financier quadriennal sont dramatiques pour nos voisins immédiats en Europe - il faut quand même le dire. Ils ont cette fois une répercussion sur la Suisse. Celle-ci se produit par l'intermédiaire du franc fort en particulier et, pour d'autres secteurs, par le fait que l'appréciation du franc suisse par rapport au dollar a été extrême au cours des dix dernières années. Nous sommes donc dans une situation difficile, mais qui ne se compare pas à celle de nos voisins, ni même à celle de l'Allemagne à vrai dire - je crois qu'il faut quand même le rappeler.
A partir de là, nous avons voulu dire clairement quels étaient les risques. Parce qu'en somme, Mesdames et Messieurs - et ceci doit être dit à la population - à ce stade le pire est possible, tout comme une amélioration assez rapide. Vous savez que cela se passe ailleurs que chez nous, qu'il ne s'agit pas que de cycles économiques, mais de décisions de l'Union européenne qui peuvent concerner aussi bien ladite règle d'or que les eurobonds. Est-ce que l'Europe est capable de mutualiser sa dette ? Est-elle capable de redonner confiance ? Ou est-ce que, au contraire, la construction européenne - ce qui serait grave, je pense - va souffrir ? Dans ce cas, nous souffrirons avec elle, cela ne fait aucun doute.
Je passe à présent aux différentes interventions. Sur les impôts, nous sommes revenus sur des points extrêmement précis, et je comprends qu'ils ne plaisent pas à une partie de la salle. Personne n'a remis en cause le splitting dans la baisse d'impôts de 2009; personne n'est venu avec une initiative pour demander que soient baissées les déductions pour les allocations familiales; personne non plus n'est revenu sur une mesure relativement coûteuse, à savoir le rabais social alloué aux retraités. J'en déduis ainsi que concernant ce noyau dur, c'est-à-dire les trois quarts de la baisse d'impôts, personne ne souhaite revenir dessus.
En revanche, il y a eu des points d'accrochage sur des éléments assez précis entre deux parties du parlement, mais aussi entre le Conseil d'Etat et le parlement. Alors moi je vais vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que dans une période de crise, il me paraît difficile que, en violation du droit fédéral, la valeur vénale sur laquelle est imposée la propriété dans notre canton soit inférieure de 100 millions d'impôts à la réalité. Cela ne peut pas durer éternellement ! Ce sont des choses qu'il faut rétablir gentiment; il ne s'agit pas de taper brutalement, mais on ne peut pas continuer comme ça. On ne peut pas continuer à être les seuls à avoir inventé une déduction sur la fortune si elle est utilisée à des fins commerciales; cela n'existe nulle part en Suisse. Nous sommes donc revenus sur ce que l'on appelle des «niches», et je pense que nous avons raison.
J'en viens maintenant aux charges. Je répète que ce qui est demandé à l'administration sur deux ans est de trouver 100 millions d'économies pour pouvoir financer la réforme du cycle d'orientation, les dépenses sociales sur lesquelles nous n'avons aucun contrôle et les dépenses en faveur de la sécurité. Il est vrai que ce n'est donc pas une baisse de dépenses. Nous sommes revenus à 2,3 de charges. Nous serons à 1,5 ou 1,7 dans le budget 2013 pour privilégier les priorités dont nous avions pris note, par rapport au vote populaire pour l'initiative sur le cycle d'orientation et au torrent de vos demandes ! N'est-ce pas vous qui demandez 200 places à Frambois ? Vous, le Grand Conseil ! Alors que nous serions bien contents d'avoir les moyens pour 30 ! Bien. Ainsi, à un moment donné, Mesdames et Messieurs, vous ferez l'arbitrage, mais les recettes sont sur la table. Nous avons choisi un équilibre. Et ma conviction est que nous n'aurons pas besoin des mesures non conditionnelles, mais aussi que si l'Europe dévisse, nous serons entraînés durablement avec elle. Et ce jour-là, les déclarations des uns et des autres sur ce qui est intouchable ou pas, sur ce que l'on peut faire ou pas, ne pèseront pas bien lourd. Depuis qu'il y a la crise, j'ai vu des gouvernements de droite, bien contre leur gré sans doute, augmenter les impôts et des hommes que j'estime éminemment, comme M. Zapatero, devoir mettre en oeuvre des programmes qui étaient totalement contraires à ce pour quoi ils s'étaient vraisemblablement battus dans leur vie. Comme nous avons tout de même une réserve conjoncturelle, comme nous aurons vraisemblablement des comptes 2011 à l'équilibre - les sixièmes - nous avons le luxe du temps de la réflexion et d'une adaptation plus douce.
Enfin, je terminerai sur les caisses de pension. Le financement choisi, à côté de la baisse de prestations pour le futur, qui fait aussi partie du lot, est dans le plan financier quadriennal. Il a une influence assez lourde sur ce dernier en raison de l'augmentation des cotisations. Il n'y a donc pas ceci plus cela. Maintenant, Mesdames et Messieurs, on peut toujours pleurer, s'insurger, crier, mais pendant vingt ans des prestations ont été délivrées aux retraités, alors que ni l'employeur ni les employés ne versaient suffisamment de fonds pour les couvrir. Le résultat est que le contribuable d'aujourd'hui va payer pour celui d'hier et que celui qui cotise aujourd'hui - le fonctionnaire - va payer pour celui d'hier. Il n'y a guère d'autre issue, sauf à croire que le peuple accepterait sans sourciller une solution à la suisse allemande où l'Etat sort quatre milliards de francs. Ceux qui voudront mener cette bataille devant le peuple auront mon respect, mais vous comprendrez que je les laisserai faire. Merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je fais maintenant voter le renvoi du RD 903 à la commission des finances. (Remarque.) Cela ne fonctionne pas ? Evidemment, Monsieur le député, vous n'êtes pas à votre place !
Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat RD 903 à la commission des finances est adopté par 81 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous sommes au point 40. La parole est à M. le député Eric Stauffer, qui souhaite faire une proposition d'ajournement, je crois.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. En raison de certaines critiques de part et d'autre, je demande l'ajournement de ce point, afin que nous puissions le reprendre avec de nouvelles propositions du Conseil d'Etat. Je vous demande donc de soutenir l'ajournement. Merci.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle la teneur de l'alinéa 2 de l'article 78A intitulé «Renvoi en commission ou ajournement»: «Dès qu'une telle proposition est formulée, la discussion porte alors uniquement sur celle-là. Seuls les rapporteurs et le représentant du Conseil d'Etat peuvent s'exprimer. La durée de chacune des interventions ne doit pas dépasser trois minutes.» En conséquence, je donne la parole à M. le rapporteur Christo Ivanov sur l'ajournement.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais savoir quelles étaient ces propositions du Conseil d'Etat.
Le président. Non ! Il y a une proposition d'ajournement: soit vous l'acceptez, soit vous la refusez.
M. Christo Ivanov. Nous la refusons. La majorité la refuse.
Le président. Bien. MM. les rapporteurs Mettan et Fazio ne souhaitent pas s'exprimer, pas plus que le Conseil d'Etat. Nous passons donc au vote sur la demande d'ajournement.
Mis aux voix, l'ajournement sine die du rapport sur le projet de loi 10829 est adopté par 47 oui contre 35 non.
Le président. Le Bureau décidera ultérieurement du sort de ce projet de loi.
Débat
Le président. Nous sommes au point 41. La parole est à M. le député... Madame le sautier, c'est M. Stéphane Florey qui demande la parole... (Remarque.) Oui, mais ce n'est pas ce qui est affiché sur ma liste ! (Remarque.) Très bien, alors la parole est au premier signataire M. Manuel Tornare.
M. Manuel Tornare (S). Merci, Monsieur le président. Je ne vais pas le rappeler ici, vous connaissez tous l'importance... (Brouhaha. Un instant s'écoule.) ...des intermittents du spectacle pour la culture en Suisse. Vous vous souvenez des débats qui ont eu lieu dans notre pays, comme dans d'autres, sur cet objet et le statut des intermittents. C'est important pour la culture romande, alémanique, romanche et suisse italienne. Tout le monde le reconnaît; vous en êtes certainement assurés les uns et les autres.
Deuxièmement, il faut reconnaître que, au niveau soit du Conseil fédéral, soit du Conseil d'Etat, il y a eu sur ce dossier ces quelques mois et années des avancées sociales, vu la pression médiatique, celle des intermittents du spectacle, des milieux culturels et de ceux qui les soutiennent. Il y a donc eu des avancées grâce au Conseil fédéral et au Conseil d'Etat - et aux Conseils d'Etat dans beaucoup de cantons - grâce à l'assurance-chômage. S'agissant de l'AVS, il y a également eu quelques progrès.
Vous savez qu'il y a aussi des communes dans ce pays - non seulement dans le canton de Genève mais également dans d'autres - qui ont essayé de soutenir les intermittents du spectacle; je vous rappelle le débat qui avait eu lieu à la Ville de Genève en mars 2009. Une ligne budgétaire avait été provisoirement affectée pour le budget de l'année suivante, c'est-à-dire 2010, pour soutenir certains intermittents qui étaient vraiment en grande nécessité. Cela a aussi été le cas d'autres communes du canton, je crois.
Il y a également eu un débat fort intéressant sur ce sujet au Conseil national en septembre 2009. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Des voix. Chut !
M. Manuel Tornare. Je vois que malheureusement la culture passe au-dessus de certains... Et un débat... (Remarque.) Oh mais je ne suis pas manichéen, c'est autant à gauche qu'à droite, Madame Fontanet !
Au Conseil national, il y a eu un débat fort intéressant en 2009, où je dois dire que - je n'y étais pas, mais je l'ai suivi en lisant le Mémorial - certains ont fait prendre conscience au Conseil fédéral qu'il fallait agir. En partie, grâce à cette nouvelle loi fédérale sur l'encouragement de la culture que je salue - elle aurait pu être meilleure, mais enfin c'est le compromis à la suisse. Elle a été adoptée le 11 décembre 2009 et est entrée en vigueur ce mois-ci. En effet, le 1er janvier 2012 - c'est toujours assez lent en Suisse, mais c'est comme ça, mieux vaut tard que jamais - la nouvelle loi sur l'encouragement de la culture, soit la LEC...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Manuel Tornare. ...est entrée en vigueur. Il y a quand même une faille, c'est la LPP. Cette loi permet au Conseil fédéral d'aller dans le sens d'une action sociale en faveur de la LPP en l'inscrivant obligatoirement pour les intermittents du spectacle. (Remarque.) Non, j'ai le temps, puisque pour une fois je suis le seul à parler dans mon groupe.
Le président. Ça vous plaît !
M. Manuel Tornare. Nous pouvons donc saisir l'opportunité qu'offre cette faille pour que les cantons suisses demandent au Conseil fédéral qu'il y ait une rectification sociale au niveau de la LPP et que les intermittents du spectacle en bénéficient.
Mesdames et Messieurs, je crois que, que l'on soit de droite, du centre ou de gauche, nous sommes tous sensibles à la situation des intermittents du spectacle. Je rappelle quand même qu'il y a eu de grands artistes suisses, comme Jean-Luc Godard, Michel Simon, Hans Erni, qui ont été à un moment donné de leur existence des intermittents du spectacle, de l'écriture ou de la peinture, et qui ont parfois eu, à leurs débuts, une vie extrêmement difficile. Souvenons-nous que c'est aussi en assurant une vie décente à ces acteurs culturels que nous pourrons favoriser la diversité des cultures suisses de demain. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). Ce n'est pas la première fois, me semble-t-il, que nous parlons des intermittents du spectacle. Moi je prendrai le problème totalement différemment. Un intermittent du spectacle, il faut bien à un moment donné qu'il en subisse les conséquences. (Commentaires. Brouhaha.) Je suis désolé de vous le dire, mais un artiste reconnu vit de son activité, quel que soit le domaine. On ne peut pas l'imputer à la société, aux assurances-chômage, etc., si malheureusement la personne n'en vit pas ! Quelles qu'en soient les raisons ! Il faut bien qu'elle se dise personnellement: «Je ne vis pas de mon activité, j'en assume les conséquences, donc je dois trouver un autre travail que mon activité artistique pour vivre.» Moi je suis désolé, l'UDC le conçoit ainsi. C'est pour cela que nous refuserons cette motion.
D'autre part, on l'a vu, que ce soit pour l'AVS ou l'assurance-chômage, le problème est exactement le même ! C'est à la personne qui a fait le choix de se lancer dans une profession artistique et qui n'arrive pas à en vivre, malheureusement pour elle, d'en subir et d'en accepter les conséquences. Hélas, s'il lui faut trouver une autre activité professionnelle pour vivre, ma foi, elle se trouvera un vrai travail, et si elle a le temps de pratiquer son activité artistique, elle le fait. Donc si elle arrive à en vivre, tant mieux pour elle, mais dans le cas contraire, ma foi, elle en assume les conséquences et trouve un autre travail.
Pour ces raisons, nous vous proposons et vous demandons de refuser cette motion. Merci. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
M. Henry Rappaz (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, les motions en la matière se suivent depuis plusieurs mois et se ressemblent régulièrement, puisqu'est demandée toujours la même chose, à savoir que les intermittents du spectacle soient un tout petit peu mieux considérés et en particulier du point de vue de leur statut. Certes, de nombreuses améliorations ont déjà été apportées pour répondre aux milieux culturels genevois. Nous le savons ici, beaucoup de personnes sont attachées à la culture et le MCG en particulier, avec son magistrat et moi-même à la commission de la culture. (Brouhaha.)
De nos jours encore, on le sait, le statut d'intermittent s'insère mal dans le système d'assurances sociales, d'où un grand problème à trouver une voie pour pallier cela. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Le député Tornare l'a bien expliqué: par une modification de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire, le Conseil fédéral a permis aux employés du secteur artistique de continuer à bénéficier des indemnités chômage indispensables. Ce qui fut un début d'avancée non négligeable pour les demandeurs.
En ce sens, il est essentiel de soutenir la présente motion et d'inviter une fois encore le Conseil d'Etat à créer une commission cantonale pour élaborer une solution genevoise complétant l'aide fédérale en matière de prévoyance professionnelle. Je vous remercie.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, M. Tornare a eu raison de rappeler les progrès, qu'il qualifie de lents, mais qui sont néanmoins réels - il l'a reconnu - qui ont été accomplis en Suisse dans la question du traitement du statut des intermittents du spectacle. Effectivement, leur situation est délicate pour un certain nombre de raisons, pas seulement à cause du choix de vie des artistes, mais parce que leurs conditions de travail ne s'accommodent pas toujours d'un emploi partiel fixe - même s'il devrait s'agir plus souvent d'un emploi fixe afin de garantir une base de revenus, par exemple au département de l'instruction publique en tant que professeur dans le domaine du dessin ou de la musique. Mais il est vrai que les professions du spectacle impliquent des déplacements, ce qui fait qu'on ne peut pas toujours être sur place; ce sont des métiers en partie de saltimbanque - et je le dis de façon positive ici - qui font qu'un contrat est passé en quelque sorte avec la société, avec comme résultat de devoir trouver des accommodements à des situations particulières.
Cela dit, j'aimerais y apporter deux nuances: la première, c'est que la culture est trop bon marché. Plus exactement, le spectateur, lorsqu'il assiste à une représentation, ne prend pas au sérieux sa responsabilité sociale avec un billet qui serait plus cher, en prenant sur lui de payer effectivement le revenu de l'artiste pour que celui-ci puisse vivre de façon plus digne. En réalité, il ne faut pas seulement demander des efforts à l'Etat, à la collectivité publique, il faut également en demander bien sûr aux artistes, mais aussi à un autre partenaire de ce cercle - finalement, il y a une responsabilité sociale - à savoir le spectateur, qui cherche les billets les meilleur marché possible pour fuir sa responsabilité dans les revenus qui sont accordés aux artistes.
Puis j'aimerais ajouter une deuxième nuance. S'il y a certes une caractéristique spécifique - j'ai dit de saltimbanque - qui peut être attachée au métier d'artiste, ce dernier n'est pas le seul qui se distingue par une intermittence et une irrégularité de revenus. C'est le cas des indépendants de façon générale. Ceux-ci ne sont pas sûrs du jour au lendemain de trouver des clients et c'est un risque qu'ils assument. Les artistes sont dans la situation plus générale des indépendants; et de ce point de vue, il y a également cette prise en considération qui doit être opérée de leur part.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, au nom des groupes radical et libéral réunis, je suggère que cette motion soit renvoyée en commission. Je pense que la commission des affaires sociales pourrait dignement s'en occuper, mais la commission de la culture aurait aussi de bonnes raisons de s'y atteler. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député François Gillet.
M. Pierre Weiss. Sur la proposition de renvoi en commission, Monsieur le président ?
Le président. Monsieur le député, vous avez dépassé votre temps de parole de trente secondes ! La parole est à M. François Gillet.
M. François Gillet (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de m'étonner des propos de notre collègue Florey tout à l'heure, qui semble trouver normal que les personnes qui ont choisi la profession d'artiste paient finalement le prix de cette audace. Quelque part, si j'ai bien compris, il pense logique qu'elles soient dans la précarité à tous les niveaux.
J'aimerais dire, pour avoir participé activement au Rassemblement des artistes et acteurs culturels, que cette préoccupation du statut social des intermittents a été évoquée à plusieurs reprises. Les collectivités publiques présentes ont reconnu maintes fois que cette situation particulière méritait également une attention spécifique. Pour rassurer notre collègue Florey, il ne s'agit pas de fonctionnariser les artistes du canton, mais juste de reconnaître que ce statut précaire particulier nécessite également un traitement distinct, tout spécialement sur la question de la prévoyance professionnelle.
Alors, chers collègues, je crois que la proposition de motion qui nous occupe ce soir a encore son sens malgré le fait que les choses s'améliorent au plan fédéral. Comme mon collègue Weiss, je considère que la motion mérite d'être étudiée en commission. Au nom du groupe démocrate-chrétien, je trouverais normal qu'elle soit traitée par la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport, en parallèle avec la nouvelle loi sur la culture qui vient de nous être renvoyée; il y a un lien évident entre ces deux textes. En traitant la nouvelle loi sur la culture, nous aurons l'occasion d'examiner dans quelle mesure le Conseil d'Etat a pris en compte les préoccupations légitimes des intermittents. Je propose donc que cette motion soit renvoyée à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. Merci.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, la phrase du jour, je vous la cite: «Un intermittent du spectacle, il faut bien à un moment donné qu'il en subisse les conséquences.» C'était M. Florey il y a quelques instants qui nous disait qu'effectivement les intermittents du spectacle subissent les conséquences de leur choix ou de leur besoin, de leur devoir de créer. Cela a comme conséquence très concrète que la retraite d'un intermittent du spectacle doit avoisiner 1000 F, 1500 F, 2000 F au maximum, en tout cas pas plus que le premier pilier de l'AVS. Voilà pour leur situation financière souvent très difficile.
Comme l'a dit mon préopinant, la question du deuxième pilier est effectivement une revendication qui a très souvent été discutée dans le cadre des milieux culturels. La loi sur la culture, qui vient d'être déposée, en parle aussi. C'est la raison pour laquelle le groupe des Verts réservera évidemment un bon accueil à cette motion, si possible pour la renvoyer directement au Conseil d'Etat, sinon à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport. En tout cas, nous soutenons fortement son invite. Je vous remercie.
M. Pascal Spuhler (MCG). Effectivement - vous transmettrez, Monsieur le président - les propos de M. Florey de tout à l'heure étaient un peu choquants. Les intermittents du spectacle, en Suisse et à Genève en particulier, ce ne sont pas des stars hollywoodiennes; ils ne sont pas payés des millions. On sait bien à quel point c'est difficile pour les gens qui exercent cette profession, qu'il s'agisse d'artistes du théâtre, de l'opéra, du chant, de la danse, etc. Nous parlons bien de gens qui essaient de se battre jour après jour pour avoir des mandats et obtenir des cachets - pour cachetonner, comme on dit dans le métier - ce qui n'est pas évident.
Par conséquent, il est important que la commission sociale se penche sur ce problème. Il est essentiel de pouvoir considérer la retraite de ces gens qui travaillent. Il ne faut pas croire qu'ils ne travaillent pas ! Mais les cachets ne sont pas faciles à obtenir; beaucoup d'artistes essaient de s'exporter à l'étranger, sachant qu'ils y gagneront davantage. Ce n'est cependant pas évident pour tout le monde. Je ne peux dès lors que vous recommander de renvoyer ce projet de motion en commission.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Manuel Tornare. Il vous reste deux minutes trente-cinq de bonheur.
M. Manuel Tornare (S). Merci, Monsieur le président. Une personnalité politique que nous avons oubliée à Genève - je ne dirai pas laquelle par charité chrétienne ! - disait il y a trente ans que les artistes doivent être pauvres pour être de bons créateurs ! Cette phrase ridicule, nous l'avons heureusement oubliée. Je crois que l'on pourrait aussi se dire que les politiciens devraient être plus pauvres pour être meilleurs. A mon avis, ce sont des questions hors sujet et idiotes.
Cela dit, il y a encore une nouvelle donne qui est arrivée dans le débat politique lié à cette problématique depuis trente ans, c'est internet. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Il est vrai que non seulement à Hollywood, mais aussi chez nous, les droits d'auteur sont le plus souvent absents de la fiche de paie des créateurs, avec tous les problèmes que cela peut engendrer. Il s'agit donc aussi d'un fait supplémentaire qui malheureusement pénalise les intermittents du spectacle.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je vais soumettre au vote le renvoi de cette motion à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2013 à la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport est adopté par 71 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le point suivant est classé dans une catégorie qui requiert quarante minutes de débat. Dans la mesure où nous ne disposons pas de ce temps, je lève la séance et vous retrouve demain à 15h. (Exclamations.)
La séance est levée à 22h30.