République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1784-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour le délestage de la circulation automobile de transit frontalier au travers du village de Chancy
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de M. Olivier Norer (Ve)

Débat

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la pétition qui nous occupe concerne le village de Chancy et sa route de contournement, vous l'avez compris. Cela fait une bonne vingtaine d'années que ce village attend que le canton trouve une solution à propos de cette route. Il faut savoir qu'actuellement la commune subit une circulation d'environ 7000 véhicules par jour, et il est vrai que cela commence à lui poser problème au niveau de la sécurité et de la qualité de vie du village.

Avec cette pétition, les signataires demandent donc simplement qu'enfin quelque chose soit accompli, puisqu'un projet de route d'évitement a été arrêté net en 1999 ou même 2000, alors qu'il était à bout touchant. Celui-ci était estimé à 14 millions et, sans vraie raison, il a été abandonné, ce qui est regrettable. Les pétitionnaires demandent de réactiver le dossier et que l'on fasse vraiment quelque chose pour eux. C'est pour cela que je vous recommande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roberto Broggini, qui remplace M. le rapporteur de minorité Olivier Norer.

M. Roberto Broggini (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous recevons effectivement des pétitions de manière répétée de différents villages ou quartiers qui se plaignent des nuisances dues au trafic automobile. La solution n'est certainement pas de construire de nouvelles routes, car celles-ci appelleront de nouvelles voitures, mais bien de procéder à une réflexion globale par une offre de transports en commun. Et nous savons que le village de Chancy, le plus à l'ouest de la Suisse, est particulièrement mal desservi par les transports publics. Pourtant, un bassin extrêmement important se trouve du côté de Bellegarde, de Cluses, avec des gens qui viennent raisonnablement travailler à Genève ou des Genevois qui se rendent dans leur maison principale ou secondaire de l'autre côté de la frontière, connaissant les problèmes de logement que nous rencontrons dans la région.

Environ 7000 véhicules par jour à Chancy, c'est beaucoup, c'est ce qu'un quartier du centre-ville subit tous les jours. Mais si nous devions construire des tunnels et des routes de contournement dans chaque village et quartier, nous en serions à quelques millions, à des dizaines ou centaines de millions, voire à des milliards de francs que nous devrions investir, et tout cela n'est pas plausible ni crédible, car nous devons également tenir compte des mesures à respecter impérativement, qui sont celles sur le bruit et la protection de l'air. Nous savons par exemple que, ces jours-ci, nous avons des pics de pollution extrêmement importants. Alors, trouvons des solutions innovantes ! D'ailleurs, des...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Roberto Broggini. Je conclus tout de suite. Des élus gessiens sont pour la réouverture de la ligne du pied du Jura de la SNCF; c'est l'une des pistes et nous devons aller dans ce sens. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. J'informe MM. les députés Golay et Spuhler qu'ils ont trois minutes à se partager. La parole est à M. le député Roger Golay.

M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a vingt ans que cela dure, cela a été dit par le rapporteur de majorité. C'est trop; c'est trop long ! Il n'y a pas que le village de Chancy qui se trouve dans cette situation, mais également Soral, Gy et d'autres villages qui sont en bordure de frontière et qui vivent les mêmes problèmes en matière de circulation. En effet, ces villages sont traversés par des flux de véhicules importants, notamment durant les heures de pointe.

Le financement d'une route de contournement - cela a été dit - ce n'est pas des centaines de millions, comme M. Broggini l'entend, mais quelques dizaines de millions de francs. Bien sûr que c'est cher et que cela a un coût, mais nos villages font partie du patrimoine genevois, il fait bon s'y promener. Malheureusement, il est juste impossible d'aller dans certains d'entre eux; les enfants sont en danger - les enfants du village ! - en raison de routes inadaptées à la circulation actuelle.

Il est donc temps de prendre en main ces dossiers et d'entreprendre une complémentarité au niveau de la mobilité, pas uniquement avec les transports publics, mais aussi avec la circulation privée, puisque c'est de cela qu'il s'agit, car les Français ne veulent pas réaliser de P+R de leur côté et c'est aux Genevois de les financer constamment à l'intérieur du canton. Ces villages sont donc malheureusement complètement engorgés de véhicules et il est absolument temps de faire quelque chose. Et pour cette raison et pour tous les autres villages qui sont en bordure de frontière, le MCG soutient ces pétitionnaires. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Il reste une minute vingt à M. Pascal Spuhler, auquel je donne la parole.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, M. Broggini dit que les routes coûtent cher, effectivement, mais est-ce que la vie de nos concitoyens ne pèse pas davantage et n'est quand même pas plus importante ? C'est quatre heures non-stop de défilé de véhicules dans le village de Chancy, évidemment aux moments un peu critiques où les familles sortent pour aller à l'école, pour en revenir ou faire les courses. C'est juste inadmissible que l'on puisse accepter cette situation, que l'on dise que cela nous coûtera trop cher de réaliser une route de contournement et que cela fera un appel d'air pour les voitures. Oui, les routes sont là pour que les véhicules circulent, Monsieur Broggini, c'est un fait. Mais s'ils roulent en dehors du village, c'est quand même beaucoup plus intéressant pour les habitants. Je vous recommande donc de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Antoine Droin (S). C'est précisément parce que cela fera appel d'air que l'on ne veut pas de cette route. Il est clair qu'il peut y avoir des problèmes de circulation dans le village de Chancy. Mais on l'a vu, il faut et il est important de prendre en considération l'entier des axes de circulation du canton, parce qu'une fois c'est Chancy, ensuite Troinex, puis Thônex, etc., et on n'en finit jamais ! Par conséquent, si on ne fait que régler les questions de circulation ponctuellement dans des régions très closes, on ne va jamais rien résoudre. Le fait de vouloir construire une nouvelle route de contournement à cet endroit, on ne peut pas l'accepter dans ces conditions, car il faudrait que cela entre dans une stratégie globale et une étude d'ensemble du trafic de transit.

Aujourd'hui, on voit qu'il va y avoir un développement des transports publics, notamment par le train qui devrait se déployer au pied du Jura sur la zone française, ce qui devrait aussi réduire une certaine quantité du trafic de transit. Ainsi, il est clair que cette pétition soulève une problématique parce qu'il y a beaucoup de voitures dans le village, mais il faut prendre la question dans son ensemble et pas seulement par le petit bout de la lorgnette. C'est la raison pour laquelle nous recommandons de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Eric Stauffer, pour trente secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera largement suffisant. Vous direz à mon préopinant que nous, nous prenons le problème par le bon bout de la lorgnette, c'est-à-dire du côté genevois. Nous sommes des élus de la République et canton de Genève, nous sommes là pour tout entreprendre afin d'améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, et nous prenons acte, Monsieur le député socialiste, que vous voulez continuer à accroître le trafic en invitant toute l'Europe à emprunter les routes de campagne dans nos petits villages pour polluer la vie des habitants. C'est très bien... J'espère que l'électorat saura s'en souvenir dans deux ans ! Merci.

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, et si nos prévisions étaient mauvaises ? Et si nos stratèges au département n'avaient rien compris depuis trente ans ? Parce que le maire est venu expliquer qu'il s'agit d'un projet datant d'il y a trente ans et il soutient absolument cette pétition. Alors l'erreur est humaine ! Au lieu de jeter l'anathème et de dire que cela va nous coûter plusieurs millions... Oui, il y a des gens pour qui le trafic ne va pas... Oui, on a certainement mal prévu, mal conçu les choses. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC, sans en dire davantage, vous demande de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur de majorité Stéphane Florey, à qui il reste une minute quinze.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Vous l'aurez tous compris: cette nouvelle route est nécessaire. Des deux côtés de la frontière, la région s'est extrêmement développée ces vingt dernières années. Malheureusement, les infrastructures routières n'ont pas suivi.

J'ai entendu parler de différentes communes; eh bien oui, à présent c'est le tour de Chancy, parce que Meyrin a eu sa route de contournement et Vésenaz également. D'autant plus qu'à l'époque, dans la planification, si on se réfère à un vieux rapport où la route de Chancy était mentionnée - je crois qu'il s'agit du RD 694 - on peut voir que celle-ci aurait dû suivre dans la foulée. Or ce ne fut pas le cas.

Et je veux dire encore une chose: ce n'est pas parce que le village de Chancy est à l'ouest qu'il n'a pas droit à une solution acceptable pour ses habitants, Monsieur Broggini ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est au rapporteur de minorité pour vingt secondes. Ah non, excusez-moi ! Avant que celui-ci ne reprenne la parole, je passe le micro à Mme la députée Anne-Marie von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Très brièvement, pour le parti démocrate-chrétien, il est extrêmement important d'avoir cet ouvrage. Et nous voulons par là témoigner notre intérêt en faveur d'un allégement de la circulation pour les personnes concernées, qui en sont finalement les victimes quand il y a des excès. Nous souhaitons par conséquent vivement que cette pétition soit renvoyée au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur Roberto Broggini, vous avez la parole pour vingt secondes.

M. Roberto Broggini (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Il s'agit effectivement de développer des infrastructures de mobilité, notamment des infrastructures ferroviaires ainsi que des bus. Il y a un P+R qui est actuellement en construction à Pougny, alors il ne faut pas dire que nos amis français ne font rien. (Commentaires.) Donc il convient maintenant... (Remarque.) Il convient maintenant, avec malheureusement... Monsieur le député Golay, il convient d'accélérer et de renforcer la ligne ferroviaire entre le bassin de Bellegarde et la gare de Genève. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous imaginez bien que je ne maîtrise pas toutes les subtilités de ce projet. Néanmoins, ayant le privilège d'avoir été député entre 1993 et 2000, et conseiller d'Etat depuis 2001, c'est vrai que j'ai vu régulièrement arriver des pétitions, voire des motions demandant des routes de contournement d'un certain nombre de villages dont Chancy. Mais quand je dis «dont Chancy», c'est que ce n'est pas du tout uniquement Chancy qui a été concerné. C'est Soral, Troinex - dont on se demande d'ailleurs si c'est encore un village - ainsi que bien d'autres lieux. Et l'agglomération est en train de croître, le plan directeur cantonal prévoyant tout de même une extension des zones constructibles, car il faudra pouvoir placer les dizaines de milliers de logements que l'on doit prendre sur notre canton, mais aussi les 60 000 emplois tels qu'ils sont prévus dans le projet d'agglomération.

Or la question n'est pas de savoir si l'on doit épargner les villages. Bien sûr qu'il le faut, et là-dessus je partage entièrement votre avis, mais où doit-on les épargner ? Et je ne sais pas si vous avez eu le temps de travailler dans le détail en commission non seulement la question des transports collectifs - c'est vrai que le train va faire des progrès, mais pas très vite, ni très fort, pour des raisons évidentes - mais aussi la possibilité d'avoir une espèce de grand «disperseur» routier entre l'A40 et la quatre-voies située au pied du Jura. En effet, les personnes viennent de toute cette région-là pour s'infiltrer à Chancy, Soral ou Perly en essayant d'éviter Saint-Julien. Et l'idéal serait de pouvoir rabattre ces gens qui se déplacent en voiture et qui ont parfaitement le droit de le faire... Ils viennent de petits villages, on ne peut pas exiger d'eux qu'ils prennent un bus à partir d'un lieu qui n'en aura jamais. L'idée est de les disperser sur les deux routes principales à l'extrémité desquelles il y aura de toute évidence des park and ride.

Ces ouvrages sont d'ores et déjà prévus dans le dispositif du projet d'agglomération, que ce soit vers le CERN ou à Bardonnex, où vous savez que plusieurs sites sont à l'étude en ce moment. Et je crois que le bon moyen d'éviter ces villages n'est pas de créer chaque fois une route qui reporte le problème sur le village suivant, mais bel et bien une espèce d'arrosoir, qui concentrerait plutôt que de disperser - un «anti-arrosoir», si j'ose dire - qui canaliserait les personnes en véhicule privé sur les autoroutes ou sur les routes principales, de manière qu'elles arrivent vers des park and ride où elles prendraient ensuite les transports collectifs.

J'ai un tout petit peu peur qu'avec la solution que vous proposez, dont encore une fois je comprends parfaitement le bien-fondé... Car ayant habité quinze ans à Laconnex, j'ai vu le trafic augmenter que ce soit par Soral ou par la route de Chancy. Ce sont des choses très difficiles à vivre pour les populations qui sont encore rurales. Mais je me demande si un retour de ce projet en commission ne serait pas une meilleure solution, afin que vous soyez renseignés de manière très précise sur ce qu'il est possible, voire prévu de faire pour essayer de concentrer cette densité de voitures sur des axes principaux, plutôt que de travailler sur des contournements successifs de villages qui vont grandir par ailleurs et qui tôt ou tard comprendront des maisons qui passeront par-dessus la route d'évitement, comme cela se voit dans plusieurs lieux.

C'est la raison pour laquelle, en toute modestie et sans du tout prétendre maîtriser l'ensemble du sujet, je me demande si on ne doit pas voir en anticipation plutôt qu'en réaction, parce que là on répond à un problème qui a trente ans. Ainsi, au prix d'une ou deux séances de commission, cette anticipation devrait vous permettre d'y voir plus clair et surtout à plus long terme. C'est pourquoi je vous propose de renvoyer cette pétition en commission.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Dans un premier temps, nous allons voter sur les conclusions du rapport de majorité, c'est-à-dire le renvoi au... (Le président est interpellé.) La proposition de renvoi en commission a été formulée par M. le conseiller d'Etat, il n'est donc pas forcément nécessaire de l'énoncer deux fois. (Remarque.) Je vous donne une minute, Monsieur le rapporteur de majorité.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Concernant le renvoi en commission, il est inutile d'y procéder. Nous avons auditionné Mme Michèle Künzler, responsable du DIM. Elle est venue parfaitement nous exposer les vues de son département et du Conseil d'Etat, et nous avons eu tout loisir de juger à ce moment-là quelle était la vision du Conseil d'Etat. Nous avons estimé que celle-ci était mauvaise, et c'est en partie pour cela que je vous recommande de refuser le renvoi en commission et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Roger Golay, votre groupe a épuisé son temps de parole. Nous allons passer au vote. Il y en aura peut-être trois. Tout d'abord, nous nous prononçons sur le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1784 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 42 oui contre 18 non.