République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 novembre 2011 à 17h
57e législature - 3e année - 1re session - 4e séance
PL 10679-A
Premier débat
Le président. Monsieur le rapporteur de majorité, vous avez la parole. (M. Eric Stauffer demande la parole. Quelques instants s'écoulent. Commentaires.) Monsieur Stauffer, c'est à vous.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, avant d'entamer ce marathon, nous faisons une ultime tentative pour demander l'ajournement de ce projet de loi, car il n'est visiblement pas prêt à être traité, à en juger par le nombre d'amendements présentés. J'estime par conséquent qu'il faut à nouveau examiner ce projet de loi en commission, car, je le répète, il n'est pas prêt à être débattu en plénière.
Par conséquent, Monsieur le président, je demande formellement l'ajournement du point 39 de notre ordre du jour, c'est-à-dire le PL 10679-A.
Le président. Avant la procédure de vote, les deux rapporteurs souhaitent-ils s'exprimer ? Mais uniquement sur l'ajournement ! Non... Bien ! Le Conseil d'Etat souhaite-t-il s'exprimer ? Ce n'est pas le cas ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la proposition de M. Stauffer.
Mis aux voix, l'ajournement du PL 10679-A est rejeté par 51 non contre 27 oui et 4 abstentions.
Le président. Je vais donner la parole aux rapporteurs. Monsieur Stauffer, vous pourrez intervenir après leur intervention.
M. Eric Stauffer (hors micro). Monsieur le président, je demande le renvoi immédiat de ce projet de loi à la commission législative, sans débat.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote... (Remarque.) Monsieur Dal Busco, vous souhaitez vous exprimer ? (M. Serge Dal Busco répond par la négative.) Bien. Celles et ceux qui acceptent le renvoi sans débat du projet de loi 10679-A à la commission législative sont priés de voter oui; les autres votent non, d'aucuns et d'aucunes s'abstiendront.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10679 à la commission législative est rejeté par 50 non contre 31 oui.
M. Serge Dal Busco (PDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, chers collègues, ce projet de loi, dont nous débattons aujourd'hui et au sujet duquel j'ai l'honneur de rapporter au nom de la majorité de la commission législative, qui a par ailleurs procédé à un examen extrêmement détaillé - près de vingt séances, c'est dire si elle a effectué ce travail avec beaucoup d'énergie et de soin - représente un enjeu majeur pour le bon fonctionnement des institutions de droit public de notre canton et pour l'accomplissement des tâches nombreuses, variées et ô combien importantes qui leur sont confiées par l'Etat.
La bonne gouvernance et les principes qui la favorisent constituent, à n'en point douter, un sujet très débattu, et il le sera de toute évidence ce soir également. Ces dernières années, ce fut le plus souvent à l'occasion de l'apparition de dysfonctionnements graves, voire de scandales.
Dans notre canton, en 2008, la question avait été plus que largement évoquée, parfois sur un ton très vif, à propos de la rémunération des dirigeants de certains établissements publics autonomes. Un rapport de la Cours des comptes - un excellent rapport - fut même publié cette année-là. Il portait en particulier sur ces aspects de rémunération, mais, également, sur d'autres aspects de la gouvernance des cinq principaux établissements publics autonomes.
Toujours en 2008, le peuple eut l'occasion de s'exprimer, lors d'un référendum, contre trois projets de lois que l'on peut qualifier de «ponctuels, concernant les Hôpitaux universitaires de Genève, les Services industriels de Genève et les Transports publics genevois. «Ponctuels», précisément, parce que seuls certains aspects de la gouvernance étaient visés par ces projets de lois, contrairement au projet qui nous occupe ce soir.
La votation populaire avait conduit au rejet de ces trois projets de lois, le 1er juin 2008. Suite à ce résultat, le Conseil d'Etat a décidé de reprendre, mais de manière beaucoup plus globale - c'est vraiment le qualificatif qui convient au projet de loi que nous examinons ce soir, «globale» - la question de l'organisation des institutions de droit public en préparant ce texte ambitieux. Ce texte est inspiré - et suscité, aussi - par le rapport de la Cour des comptes auquel je faisais allusion tout à l'heure, mais, également, par les recommandations de l'OCDE et celles du Conseil fédéral, qui a lui-même appliqué ces principes à ses institutions.
Pour la majorité de la commission et probablement, même, pour une partie de la minorité, le système actuel comporte des défauts rédhibitoires. Tout d'abord, une absence de cohérence dans les règles de la gouvernance. Egalement - on peut l'observer - une insuffisance des principes régissant le contrôle et la surveillance. Une insuffisance des règles de la transparence, notamment en matière de rémunération.
Et puis, il faut bien constater que ces institutions comportent des conseils d'administration ou, plutôt, des conseils au sens large - parce qu'il y a aussi des commissions administratives - à géométrie variable, dont la dimension, de toute évidence, ne correspond pas non plus aux règles internationales de la bonne gouvernance.
Et, enfin, problème non négligeable, je veux parler des critères de désignation des membres de ces conseils qui ne répondent pas non plus aux exigences de compétence et d'efficacité, du moins pas toujours. En tout cas, les lois qui régissent actuellement ces dispositions ne sont pas suffisamment claires.
Pour corriger ces défauts, il faut les aborder de manière globale: c'est ce que fait ce projet de loi et ce que la minorité va probablement tenter de contrecarrer en attaquant certains points de cette loi, pas forcément sa globalité.
Quels sont les buts généraux assignés à cette réforme, aussi importante que nécessaire aux yeux de la majorité de la commission ? Je vais les résumer en les complétant de quelques brefs commentaires.
Tout d'abord, il faut renforcer le contrôle et la surveillance des institutions et des établissements publics autonomes par notre parlement - notre Grand Conseil - et par le Conseil d'Etat. Rappelons que les objectifs stratégiques des entités sont fixés par notre parlement, par les lois que nous votons et qui régissent ces institutions, par les contrats de prestations que nous votons également, par des plans directeurs, etc. Ou, à défaut, par le Conseil d'Etat. Les institutions, au sens de cette loi, ont l'obligation de publier dans leur rapport, sous des formes complètes, exhaustives et détaillées, des données concernant les objectifs que nous leur fixons et le degré d'atteinte de ces objectifs. C'est ce qui permettra précisément à notre parlement d'exercer son rôle de haute surveillance.
Deuxième objectif. Il faut définir des règles claires et imposer la transparence dans la gestion, la rémunération et la politique du personnel. Les principes posés par cette loi sont de rendre publics les montants, les dispositifs de rémunération de chaque membre du conseil et de la direction générale, tout comme les informations concernant la qualification des membres des directions générales ou des conseils d'administration, ainsi que le processus de sélection. A l'exception du directeur général, s'il y en a un, la rémunération ne peut pas dépasser la classe 32 de la loi concernant le traitement du personnel de l'Etat. (Brouhaha. Des députés réclament le silence.) Merci ! Et, enfin, la rémunération des membres du conseil est déterminée par le Conseil d'Etat et celle de la direction générale est soumise à l'approbation du Conseil d'Etat. Ce sont donc des règles claires et transparentes en matière de rémunération qu'il faut appliquer.
Dernier objectif principal: permettre aux organes dirigeants des établissements publics de faire face dans les meilleures conditions aux tâches et aux responsabilités de plus en plus nombreuses qui leur incombent. Pour qu'ils puissent les assumer, il faut leur en donner les moyens.
Les conseils comprennent, d'après ce projet, un nombre réduit d'administrateurs par rapport à la situation actuelle et adapté aux caractéristiques de l'institution.
Le président. Il vous falloir conclure, Monsieur le rapporteur ! Vous pourrez intervenir encore deux fois.
M. Serge Dal Busco. Absolument, Monsieur le président ! Je conclus donc, en tout cas temporairement. Je poursuivrai lorsque vous me donnerez à nouveau la parole.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Nous aurions effectivement pu penser que le Conseil d'Etat et la majorité de ce Grand Conseil avaient compris le message des citoyens à travers leur vote clair et limpide du 1er juin 2008. En 2007, lorsque nous avons entamé les débats sur les régies publiques, un projet de loi a été déposé par le parti libéral qui voulait, précisément, réduire la représentation des partis politiques dans les cinq grandes régies de notre canton. Eh bien, ce projet de loi a été frappé d'un référendum qui a abouti. En effet, il a été accepté par le peuple le 1er juin, et ce, à une très large majorité, presque 60% - plus de 62% dans certains cas - confirmant ainsi qu'il voulait que les partis politiques soient représentés dans les conseils d'administration.
Le parti socialiste l'a expliqué en commission, et il l'avait exprimé ici au cours du débat, il n'est pas opposé, bien au contraire, à revoir la question de la transparence et le niveau des rémunérations. Cela d'autant plus que le parti socialiste a déposé deux projets de lois, en attente à la commission législative, qui proposent, précisément, de légiférer sur la question de la rémunération. Nous sommes donc d'accord sur cette disposition.
Le parti socialiste avait également indiqué qu'il était d'accord de revoir la taille des entités politiques, mais qu'il fallait écouter le peuple, puisque celui-ci, je le répète, a donné son avis à ce sujet. Il veut que la société civile soit représentée dans les conseils d'administration, ce qui n'est, et de loin pas, le cas dans le projet de loi issu des travaux de la commission.
Certaines dispositions de ce projet de loi, par exemple la présence du Conseil d'Etat, représentent une mainmise de ce dernier au détriment du premier pouvoir, à savoir le pouvoir législatif. La preuve, c'est que, dans les conseils d'administration, le Conseil d'Etat peut proposer entre trois à neuf membres alors que le pouvoir législatif ne peut disposer que de trois sièges. Mais nous en parlerons tout à l'heure.
Ce projet de loi est une loi-cadre qui traite de la même manière toutes les entités, quel que soit leur profil, quelle que soit leur taille, etc. Elles sont donc toutes traitées de la même manière.
Il nous a été dit que ce projet de loi respecte le principe de l'OCDE... Mais c'est totalement faux ! Eh bien, nous verrons tout à l'heure à l'article 11 - puisque des amendements seront proposés, notamment par le MCG - que la personne qui siégera dans ces conseils ne pourra même pas consulter l'entité qui l'a nommée à ce conseil d'administration ! Nous ne pouvons que constater que les propositions contenues dans ce projet de loi vont totalement à l'encontre de ce qui a été voté par le peuple genevois.
Il est d'ailleurs piquant de relever que le Conseil d'Etat est d'accord d'accepter, par exemple, la loi sur l'université, votée par le peuple; mais, en ce qui concerne les régies publiques, il n'est pas d'accord de le faire.
Alors, la Cour des comptes a rendu un rapport sur la question des rémunérations... Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le parti socialiste est d'accord avec la disposition préconisée à cet égard, parce que, effectivement, suite à des dérives manifestes, il fallait légiférer. Mais pas sur tout ! Certaines des propositions contenues dans ce projet de loi ont été atténuées, certes - je l'ai indiqué tout à l'heure - mais, en revanche, d'autres ont été amplifiées. J'en veux pour preuve que le projet de loi initial du Conseil d'Etat ne prévoyait pas l'incompatibilité pour les députés au Grand Conseil. Eh bien, en commission, cette disposition a été ajoutée au texte ! C'est la raison pour laquelle nous déposons un amendement à ce sujet.
Et d'autres dispositions comme celle-ci ont été soit atténuées soit amplifiées. C'est la même chose pour l'article 11 qui porte sur le secret de fonction, et cela pose un vrai problème. En effet, le Conseil d'Etat n'allait pas aussi loin dans son projet initial, mais, en commission, cet article 11 a véritablement été verrouillé.
Monsieur le président, comme nous l'avons indiqué en commission, si la majorité de ce plénum décidait de confirmer aujourd'hui ce projet de loi tel qu'il est sorti des travaux de commission, le parti socialiste lancera un référendum. Parce que la majorité des dispositions de ce projet de loi ne sont pas acceptables à nos yeux et, surtout, parce qu'elles représentent un déni démocratique par rapport au message délivré par le peuple lors de la votation du 1er juin 2008. Nous reviendrons ultérieurement sur les amendements, et, en l'état, nous refuserons ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, vous avez voulu la guerre: la guerre aura donc lieu ce soir ! Evidemment, verbale, sans violence et sans haine. (Commentaires.) Mais avec beaucoup de réalisme !
J'aimerais déjà vous dire d'emblée que si, par impossible, vous ne retrouviez pas la raison, le MCG s'associera à tous les partis, que ce soit en comité référendaire ou pour apporter un soutien logistique, en tenant des stands dans tout le canton de Genève pour récolter les signatures nécessaires à lancer ce référendum. Et j'ose espérer, Mesdames et Messieurs les députés, que vous prendrez - je m'adresse à celles et ceux qui vont plébisciter ce projet de loi - une deuxième déculottée devant la population genevoise... A force de prendre les citoyens pour des imbéciles, un jour il faut bien payer l'addition ! C'était mon préambule. (Commentaires.)
Ensuite, soyons bien clairs: le rapporteur de majorité, grand défenseur de la transparence dans l'opacité, vient nous expliquer, comme si nous étions tous des demeurés, qu'il faut améliorer la transparence dans les conseils d'administration... Qu'il faut, Mesdames et Messieurs les députés, réduire le nombre de sièges dans ces conseils et interdire aux administrateurs de communiquer, ne serait-ce qu'avec leur groupe politique ou le Grand Conseil ! En résumé, «gardons la merde chez nous», et, attention, vous pouvez être poursuivis pénalement s'il y a violation du secret de fonction.
Laissez-moi juste vous rappeler, Mesdames et Messieurs, ce qui s'est passé aux Services industriels de Genève à une certaine époque ! (Exclamations.) Je vois, par exemple, Mesdames et Messieurs - j'ai mon iPad sous les yeux - un article paru sur le site des SIG et qui faisait la revue de presse: «La volte-face de Robert Cramer !» C'est vrai qu'il est assez exceptionnel de voir un Vert faire marche arrière, mais ça arrive ! Du reste, nous voyons aujourd'hui les Verts, qui avaient pourtant soutenu le référendum et qui s'étaient opposés au premier projet de loi, faire volte-face ! Parce que - tout le monde sait, sauf les socialistes - les Verts ne sont plus de gauche: ils sont proches des milieux économiques ! (L'orateur est interpellé.) Ah, vous le savez aussi ? Merci de cette prise de conscience ! En fin de compte, ces ententes, ces alliances, sont un peu contre nature: c'est plus de la mathématique que des convictions.
Deuxième élément: site de la Télévision suisse romande - je vous lis le titre: «Le point avec Géraldine Jacquot sur le travail de surveillance défaillant du conseiller d'Etat Robert Cramer sur les rémunérations des SIG.» Non mais, Mesdames et Messieurs... Et vous voulez nous faire croire, Monsieur le rapporteur de majorité, qu'en réduisant encore le nombre d'administrateurs, en leur interdisant de communiquer les défaillances qu'ils pourraient constater, vous allez améliorer la gouvernance dans les établissements publics ? Mais laissez-nous rire ! J'espère sincèrement que la population vous donnera la correction que vous méritez !
Nous voulons, nous, au MCG - et en l'occurrence ce soir, avec les socialistes - de la vraie transparence ! Vous parliez, Monsieur le rapporteur de majorité, du scandale des rémunérations - ce sont vos propos - en 2008. Rappelez-moi - vous l'avez omis, et je vais vous rafraîchir la mémoire - grâce à qui ce scandale est apparu ? Vous ne vous en souvenez pas ? Grâce au député MCG qui est en train de vous parler... (Exclamations.) ...et qui a découvert fortuitement que le président du conseil d'administration n'était pas en classe 32, comme nos conseillers d'Etat, mais en classe 64 ! Bien sûr, cette classe n'existe pas... Et il touchait 420 000 F pour un poste à 40% ! Eh oui ! Voilà !
Et, maintenant, vous voulez interdire aux députés d'être membres des conseils d'administration ? Pourquoi ? Les députés ne sont-ils pas compétents ? Ou avez-vous peur qu'ils puissent venir rapporter devant ce parlement, qui représente la population genevoise, les défaillances que vous êtes en train de mettre en place ? Dites-nous la vérité, ce soir ! Ayez ce courage ! Ou alors il faut considérer que les députés ne sont pas compétents... Et, à ce moment-là, il est inutile d'imaginer qu'un député puisse occuper le poste de procureur général: c'est l'échec assuré ! (Rires. Applaudissements.) Non, Mesdames et Messieurs ! Un peu de sérieux, s'il vous plaît !
Ce projet de loi est un camouflet ! C'est une honte ! Car il ne tient pas compte de la volonté populaire. Et le Conseil d'Etat le sait ! Il a perdu en votation populaire, il s'est fait moucher - et je n'ai pas dit «Mouchet» ! (Rires.) - et il revient aujourd'hui, un an et demi après, avec une nouvelle version encore un peu plus vicieuse ! Et l'on continuera à vous cacher ce qui ne fonctionne pas.
Je vous le demande, Mesdames et Messieurs, voulez-vous vraiment que nous fassions un débat-fleuve, ce soir ? J'ai préparé vingt-sept amendements: multipliés par deux, puisque je les redéposerai en troisième débat, cela fait cinquante-quatre occasions de prendre la parole trois fois trois minutes ! Cela fait, en admettant que je sois le seul à m'exprimer, déjà plus de huit heures ! C'est ce que vous voulez ? Je suis prêt ! C'est vrai que j'ai eu un accident de moto et que j'ai mal à la hanche, mais la tête va bien, je vous rassure ! (Exclamations.)
Mesdames et Messieurs, si vous persistez - je vais conclure, Monsieur le président - nous lancerons ou, en tout cas, nous nous associerons au référendum. Et nous vous donnerons, avec la population genevoise, la deuxième correction que vous méritez ! (Applaudissements.)
Mme Emilie Flamand (Ve). Non, les Verts n'ont pas retourné leur veste, contrairement à ce que certains prétendent ! (Commentaires.) Oui, en 2007, au Grand Conseil, les Verts s'étaient opposés aux trois projets de lois déposés par le parti libéral, à l'époque - et non par le Conseil d'Etat - puis avaient soutenu les référendums, récolté des signatures - contrairement au MCG - et gagné la votation populaire en juin 2008 ! Rappelons que les projets de lois de l'époque étaient totalement unilatéraux: ils ne modifiaient qu'un seul élément de la gouvernance, c'est-à-dire la composition des conseils d'administration, sans aucune réflexion globale !
Pendant la campagne de juin 2008, nous avons toujours reconnu que la gouvernance des établissements publics autonomes n'était pas satisfaisante et qu'il fallait la réformer, mais dans un esprit de concertation et non d'exclusion des courants minoritaires, comme c'était le cas des projets de lois de l'époque.
Aujourd'hui, nous avons un projet de loi présenté par le Conseil d'Etat, qui résulte d'une réflexion véritablement globale sur la gouvernance des établissements publics autonomes. Et la composition des conseils d'administration n'est ici qu'un élément parmi de nombreux autres.
Déjà, on traite de tous les établissements publics autonomes, puisqu'il s'agit d'une loi-cadre. On parle de la définition de leurs objectifs, de la surveillance et de la haute surveillance, de la responsabilité des administrateurs, du secret de fonction, des incompatibilités, des liens d'intérêts, mais aussi des questions de rémunération et de la publicité de la rémunération des directions générales et des administrateurs.
L'avant-projet du projet de loi 10679 a déjà fait l'objet d'une préconsultation très large auprès des partis et des acteurs intéressés. Il a été adapté en fonction des retours qui avaient été reçus. Puis, un travail très important a été fourni par la commission législative, comme l'a relevé le rapporteur, dans un esprit constructif - je crois qu'il faut le souligner. D'ailleurs, le MCG s'était montré très peu présent lors des débats dans cette même commission législative. C'est au dernier moment et, bien sûr, en plénière qu'il se manifeste par la voix de son président, mais, au cours des débats, on ne l'a pas beaucoup entendu, il faut bien le dire ce soir !
La commission législative a encore apporté de nombreux amendements au projet de loi. Et il me semble que nous nous trouvons aujourd'hui devant un bon projet, un projet équilibré, qui permet notamment une bonne représentation des divers courants politiques au sein des conseils d'administration des établissements publics autonomes principaux. Les rôles des diverses instances: parlement, gouvernement, conseils d'administration, directions générales, ont été clarifiés. Le contrôle démocratique ne disparaît pas avec le changement de la composition des conseils d'administration, au contraire. Le contrôle revient à qui de droit: au parlement ! Nous avons effectivement un contrôle politique renforcé, une définition des objectifs qui est faite par le législatif, via les contrats de prestations et les plans directeurs.
De même, grâce à ce projet de loi, nous aurons des administrateurs plus responsables. Actuellement, la plupart des conseils d'administration comprennent un bureau du conseil d'administration et un conseil. La plupart des décisions sont prises par le bureau, puis simplement entérinées par l'ensemble du conseil d'administration. Nous avons donc des administrateurs à deux vitesses. Avec la nouvelle loi, tous les administrateurs seront au même niveau d'information et, donc, au même niveau de responsabilité, ce qui est très important pour nous.
En conclusion, afin d'améliorer la gouvernance des établissements publics autonomes, qui remplissent des missions de service public primordiales auxquelles les Verts sont extrêmement attachés, nous vous engageons à adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Irène Buche (S). Comme la rapporteure de minorité vous l'a indiqué tout à l'heure, je réitère ceci: si ce projet de loi est voté ce soir, nous lancerons un référendum. C'est déjà décidé.
Cela étant, nous essayerons tout de même de vous proposer quelques amendements, notamment ceux qui figurent dans le rapport de minorité, mais également quelques autres, même si nous jugeons ce projet de loi extrêmement mauvais et problématique.
Le parti socialiste a toujours admis qu'il fallait prévoir certaines règles, en particulier concernant les rémunérations, éventuellement aussi sur la durée des mandats ou les incompatibilités. Mais ces règles auraient pu faire l'objet d'un projet de loi limité à ces points. Il n'était absolument pas nécessaire de rédiger un projet de loi qui bouleverse tout le système et qui va jusqu'à bafouer les règles mêmes que les initiants de ce projet et ses défenseurs cherchent à appuyer, à commencer par la règle de la transparence.
Ce projet de loi réduit quasiment à néant le contrôle démocratique indispensable à la gestion de telles institutions de droit public, qui sont pourtant financées par l'argent des contribuables et qui sont destinées à fournir des prestations de service public à la population. Or, de service public, on n'en a jamais parlé: il n'y a eu aucun débat pour savoir ce qu'est le service public et ce qu'on défend. Les termes «service public» n'apparaît jamais dans ce projet de loi, même à l'article 2 qui traite des buts de la loi.
Pour nous, il s'agit d'une loi purement technocratique, qui va entraîner un fonctionnement encore plus éloigné de la transparence indispensable et pourtant prônée par tout le monde. Cela est dû au fait que la société civile et les partis politiques ne sont quasiment plus représentés au sein des conseils d'administration. Quant au personnel et aux communes, ils ne récoltent que des miettes ! On ne parle même plus des usagers, notamment aux HUG !
D'autre part, le secret de fonction absolu, qui est prévu à l'article 11, va justement empêcher les membres des conseils d'administration de rapporter aux entités qui les ont nommés et de faire un travail correct en tant qu'administrateurs. Ce secret de fonction absolu va entraîner une opacité totale, ce qui est inacceptable. En fait, ces conseils d'administration vont fonctionner en vase clos, sans autre contrôle que la haute surveillance du Grand Conseil, qui n'a finalement pas beaucoup de sens.
Il s'agit, de plus, d'un projet de loi-cadre qui s'applique de manière quasi linéaire à toute une multitude d'institutions de droit public pourtant très différentes les unes des autres. Comment peut-on comparer les HUG avec la Maison de Vessy, par exemple ? Il faut vraiment trouver des règles différentes, même si la loi comporte certaines nuances.
En fait, ce projet de loi modifie de fond en comble les structures. Or, les représentants des grandes régies publiques, telles que les TPG et les HUG, ont bien relevé, lors de leurs auditions, qu'il n'y avait pas de problème majeur ! Que ces conseils d'administration fonctionnaient avec le système actuel, qu'il n'y avait ni problème ni blocage, notamment en raison de la représentation politique.
Certains ont même indiqué que ce projet de loi créait plus de problèmes qu'il n'en résolvait... Je vous invite à relire le rapport de majorité à ce sujet. C'est en particulier le cas du conseil d'administration des TPG qui a expliqué que le système actuel fonctionne à satisfaction et, je cite le rapport de majorité, page 36, que: «[...] l'ingérence de l'Etat dans la conduite opérationnelle de l'entreprise, la réduction du nombre d'administrateurs, l'instauration d'un conseil à "deux vitesses", le risque réel d'appauvrissement en matière de compétences représentées au sein du conseil seraient contreproductifs.»
Il n'y donc aucune raison aujourd'hui de supprimer un système qui fonctionne ! Evidemment, il peut toujours être amélioré, mais il peut l'être dans le cadre des règles actuelles. Je relève quand même qu'une représentante des Verts avait dit exactement la même chose il y a quatre ans, à savoir qu'il ne faut pas modifier un système qui fonctionne !
Ce qui est encore plus choquant - et la population appréciera - c'est que tant le Conseil d'Etat que la majorité de ce Grand Conseil ont un mépris total pour le résultat du vote populaire du 1er juin 2008. Les lois qui ont été refusées par le peuple n'étaient pas si différentes de celle que l'on vous propose aujourd'hui, en tout cas dans leur essence ! Bien sûr, le projet est plus global, il recouvre plus de domaines, mais l'essentiel était le même, à savoir la suppression, à l'époque, de la représentation politique - ou, en tout cas, sa diminution - et la diminution de la représentation du personnel et des communes. C'est exactement le même sujet !
Et ce projet de loi, dont nous discutons ce soir, a été lancé à peine une année après ce vote de 2008, ce qui constitue, à notre avis, une véritable gifle pour la population, qui devra effectivement se prononcer à nouveau, et je ne doute pas tellement du résultat...
J'aimerais aussi rappeler que le système actuel, tel que nous le connaissons, a été instauré par une réforme qui avait été votée pendant la législature 1997-2001. Cela avait permis d'instaurer, au sein des conseils d'administration, une représentation équilibrée, avec l'élection d'un membre par parti représenté au Grand Conseil, et de renforcer la participation du personnel. Aujourd'hui, vous voulez balayer tout cela au nom de règles de bonne gouvernance, dont on ne sait pas très bien à quoi elles correspondent et pourquoi elles amélioreraient le système alors que ces institutions fonctionnent déjà correctement. Comme je l'ai déjà indiqué, il est toujours possible d'améliorer les choses. Il faut certes adopter quelques règles, notamment en matière de rémunération, mais, en soi, il n'est pas nécessaire de changer le système et, surtout, la composition des conseils d'administration. A ce propos, je vous renvoie à nouveau au rapport de majorité, car, lors de leur audition, les TPG et les SIG ou, plus exactement, leurs représentants, ont été très clairs à ce sujet.
Le président. Il vous faut conclure, Madame !
Mme Irène Buche. Je reprendrai la parole ultérieurement... Je conclus en disant que ce projet est tout à fait inacceptable à divers titres. Même si nous avons déposé des amendements, nous vous demandons de refuser l'entrée en matière de ce projet, purement et simplement. (Applaudissements.)
M. Edouard Cuendet (L). Je voudrais tout d'abord remercier chaleureusement deux personnes. En premier, le rapporteur de majorité, qui a fait un travail de synthèse extraordinaire, vu les très nombreuses séances de commission et ses travaux intenses - comme il l'a indiqué - dont il a réussi à sortir la substantifique moelle.
Ensuite, j'aimerais remercier le Conseil d'Etat. En effet, ce que les opposants à la loi se gardent bien de dire, c'est que ce projet est d'une cohérence remarquable ! Nous avons d'ailleurs pu constater, au cours des travaux de la commission, que chaque situation avait été réfléchie dans sa globalité. Deux cas de figure ont été considérés: les grandes régies et les plus petites entités. Et cela a représenté un travail gigantesque pour les services de l'Etat, qui nous ont, du reste, accompagnés durant tous les travaux. Je tiens à leur rendre hommage ici, car c'était un vrai travail de bénédictin. Ce travail a abouti à un projet très cohérent, qui répond aux exigences d'une gouvernance moderne.
Mme Buche nous explique qu'elle ne sait pas très bien ce que cette gouvernance veut dire: il y a sur ce sujet une littérature abondante à laquelle on peut la renvoyer. L'OCDE, par exemple, qui est une autorité assez reconnue en la matière, a pondu de nombreux rapports, que j'ai d'ailleurs pris la peine de lire. Mme Buche ferait bien d'en faire autant. On voit que le système actuel ne répond pas du tout à cette situation ! Du reste, la Confédération a procédé aux mêmes réflexions et est arrivée aux mêmes résultats !
Dans l'exposé des motifs, l'argumentation est très fouillée. Les maîtres-mots sont: cohérence, transparence et gouvernance. Sur tous ces points, des améliorations notables sont apportées.
J'aimerais insister tout particulièrement sur un élément: la notion de professionnalisme. Je suis absolument stupéfait de voir les opposants à ce projet affirmer que rien ne vaut une représentation du monde politique pour une gestion impeccable dans ces conseils d'administration... Permettez-moi d'émettre certains doutes à cet égard !
Dans une gestion moderne, ce qui compte, ce n'est pas l'appartenance à un parti: ce sont les compétences. Comme le relevait Mme Buche, il s'agit de l'argent du contribuable, et, à mon avis, la gestion d'une institution est plus efficace si elle est en mains de professionnels dans le domaine concerné, que si ce sont des politiciens. Même si l'on peut saluer la multitude des compétences de ces derniers, ils ne sont pas toujours en lien direct avec les prestations à fournir. C'est l'intérêt du service public que d'avoir des gens compétents dans les conseils d'administration de ces institutions.
Je ne veux pas dire que tous les représentants de ces conseils sont incompétents, bien au contraire, mais certains le sont et certains sont absents. Le taux d'absentéisme est tout à fait considérable... Sur un conseil de vingt-cinq personnes, la composition de ce dernier est toujours différente à chaque séance, ce qui ne garantit en rien une gouvernance suivie et pérenne de l'institution.
Cette vision romantico-idyllique d'une gestion à la grand-papa me paraît complètement dépassée et ne correspond plus aux standards. A tel point, d'ailleurs, que les grandes régies ne s'y sont pas trompées, puisque le pouvoir réel est entre les mains d'un bureau de cinq personnes. Certaines ont reconnu tout à fait sincèrement que les décisions importantes étaient prises par ce bureau composé de personnes extrêmement compétentes et que le conseil d'administration devenait une chambre d'enregistrement ronronnante - qui était remerciée une fois par an autour d'un délicieux dîner. Ce côté chambre d'enregistrement n'est pas du tout acceptable, car, en fin de compte, il conduit à une déresponsabilisation totale des administrateurs, qui se reposent entièrement sur le bon vouloir et les compétences reconnues - en principe - des membres du bureau.
Ce que les opposants à la loi se gardent également bien de dire - on cite l'exemple de la votation, dont le défaut était de ne pas avoir une vision globale de la situation, qu'on retrouve dans le projet qui nous a été soumis ici et qui a été voté - c'est que l'exercice de l'Hospice général a très bien fonctionné ! En effet, cette institution a réduit fortement son conseil d'administration, il a été dépolitisé, et on a pu constater que sa gestion a progressé de manière stupéfiante. Les auditions à la commission des finances ont montré, en l'espace de quelques années, que, grâce à la professionnalisation du conseil d'administration, les problèmes gigantesques rencontrés par cette institution dans le passé ont été résorbés. Maintenant, les auditions de l'Hospice général se passent dans une ambiance de confiance réciproque, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ces éléments sont très importants !
Pour conclure, je dirai qu'il faut garder en tête ces trois maîtres-mots: «harmonisation», parce qu'il s'agit d'un projet global et cohérent, «professionnalisme», parce que l'amateurisme n'a plus sa place dans des institutions dont les budgets se montent parfois à plus d'un milliard, et «transparence» quant aux rémunérations, car on a pu voir les ravages que cela pouvait occasionner en termes de crédibilité quand des personnes issues de partis qui contestent ce projet commettent des abus. C'est pour cela que je vous invite à soutenir ce projet. (Applaudissements.)
Mme Céline Amaudruz (UDC). Le groupe UDC aimerait, dans un premier temps, adresser ses remerciements au rapporteur, qui a fait un excellent travail. Comme cela a été mentionné, il a fallu dix-sept séances de négociations.
Je tiens également à remercier le conseiller d'Etat, M. Hiler, qui nous a soutenus tout au long des discussions que nous avons eues pour essayer de nous retrouver sur un projet de loi pouvant répondre aux attentes des groupes.
Alors oui, c'est un projet ambitieux ! Renforcer le contrôle et la surveillance, améliorer la gouvernance, assurer la transparence, la rémunération, la gestion, contrôler les dispositions financières et l'affectation du bénéfice, disposer d'une loi générale pour la bonne gouvernance, oui, c'est un projet ambitieux, mais je crois que ce projet issu des travaux de commission est bon !
Aujourd'hui, j'aimerais faire passer un message, car je suis choquée. Je suis en effet très choquée et outrée de l'attitude du MCG. Durant toutes ces séances, il aurait pu déposer des amendements, faire part de son mécontentement, expliquer les raisons de ce mécontentement: nous aurions travaillé ensemble pour essayer de trouver des solutions. Par contre, venir en commission et toucher des jetons de présence, cela ne pose aucun problème au MCG ! (Exclamations. Applaudissements. Brouhaha.) Et aujourd'hui, lorsqu'on parle de transparence... (Brouhaha. M. Eric Stauffer interpelle l'oratrice. Brouhaha. Le président agite la cloche. Commentaires.)
M. Mauro Poggia. C'est l'hôpital qui se fout de la charité !
Mme Céline Amaudruz. Je crois que la vérité est parfois difficile à entendre ! Mais je crois aussi que, se moquer du citoyen, c'est cela ! (Brouhaha.)
L'UDC va effectivement vous demander de soutenir ce projet de loi. Mais nous avions, dès le départ, annoncé que nous l'accepterions à une condition: que tous les partis politiques soient représentés de manière proportionnelle, au niveau de l'électorat du Grand Conseil. Et, contrairement au MCG, nous avons pu discuter et trouver une solution qui a convenu à la majorité d'entre nous... (Remarque.) Je vous remercie, Monsieur le président. (Commentaires.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le rapporteur de majorité, je me propose de vous donner la parole à la fin du débat, si vous le voulez bien. (M. Serge Dal Busco acquiesce.) Je vous remercie ! Monsieur Jacques Jeannerat, je vous donne la parole.
M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord féliciter le rapporteur de majorité, qui a parfaitement résumé le contexte politique et institutionnel de la gouvernance des entreprises et des institutions de droit public de notre canton.
Les buts principaux de ce projet de loi sont relativement simples. D'abord, renforcer le contrôle et la surveillance, améliorer la gouvernance, assurer la transparence dans la rémunération, la gestion et la politique du personnel, contrôler les dispositions financières et l'affectation des bénéfices et, enfin, standardiser la réglementation dans une loi-cadre générale. Ce sont les objectifs du projet de loi.
Pour l'essentiel, la minorité - du moins celle qui s'est agitée en commission durant les travaux - n'a pas contesté les objectifs consistant à mieux systématiser la gouvernance de la multitude des institutions publiques actives dans le canton, en fixant un cadre et des règles de conduite claires, valables, avec quelques nuances pour chacune de ces institutions. L'instauration d'une politique de rémunération acceptable et transparente est largement admise, je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point.
Plus généralement, cette loi n'entraînera pas une dérive technocratique, comme certains le craignent, et l'instauration d'un terrible simplificateur, comme d'aucuns pourraient l'imaginer - et ils insistent sur cela souvent à tort. Bien au contraire ! La sauvegarde et la diversité des entreprises et de toutes ces institutions passent par un contrôle et une surveillance normalisés et crédibles, où les contrôlés ne sont pas les contrôleurs ! Et c'est bien notre problème. Les députés ne peuvent pas voter les budgets et aller ensuite dépenser l'argent de ces institutions !
J'ai relevé trois divergences majeures entre les députés de la minorité et de la majorité. D'abord, bien sûr - et quelques-uns en ont déjà parlé - c'est l'incompatibilité entre le mandat de député et celui de membre d'un conseil d'administration. Mais, Mesdames et Messieurs, le contrôlé ne peut pas être contrôleur ! Ça ne peut pas marcher: ça foire ! La présence d'un représentant par parti dans les conseils... Mais c'est reproduire un mini-parlement dans chacune de ces institutions ! Cela ne va pas !
Et, troisième élément, la représentation, dans certaines entreprises, du personnel, des communes ou des usagers... Non, ça ne va pas ! (Exclamations.) C'est l'autogestion des institutions, et cela ne va pas non plus ! Ce n'est pas responsable ! Ce n'est pas raisonnable ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Mesdames et Messieurs les députés, il faut choisir ! Veut-on maintenir une diversité anarchisante et ingérable des structures reposant sur la confusion des statuts et des pouvoirs, par l'imbrication peu claire des mandats politiques et des mandats de gestion ? Et j'insiste sur ce point ! Quel maître doit suivre un député-administrateur, Mesdames et Messieurs ? J'aimerais bien avoir une réponse à cette question. Le peuple - qui les a élus - élit-il un client ou un usager ? Veut-on maintenir une «partitocratie» peu novatrice, car composée de personnes qui sont souvent désignées pour avoir rendu des services pendant de nombreuses années à leur parti ? Et alors, on leur donne un siège dans un conseil d'administration pour les remercier ? Non, cela n'est plus possible, Mesdames et Messieurs ! Peut-on laisser perdurer l'opacité et les excès dans la politique de rémunération des dirigeants ? C'est non !
L'autre solution, Mesdames et Messieurs, c'est de mettre de l'ordre et d'instaurer un canevas général pour avoir une vision d'ensemble, pour exercer un contrôle plus efficace - singulièrement par le Grand Conseil, qui est responsable devant le peuple ! Car nous sommes responsables devant le peuple de la bonne utilisation des ressources publiques.
Donc, le choix est évident pour la majorité: le projet de loi, tel qu'il a été quelque peu modifié en commission, évite le piège terrible de la simplification technocratique et permettra de sauvegarder la diversité de chacune des institutions selon ses spécificités. (Remarque.) Et c'est un élément important.
En définitive, le déficit démocratique que dénoncent les minoritaires ne trouve-t-il pas son origine dans l'absence d'une véritable surveillance indépendante de la part du Grand Conseil ? Mesdames et Messieurs, à chacun son rôle ! Nous sommes là pour surveiller ces institutions, et non pas pour les contrôler à distance - avec une sorte de télécommande, comme pour téléguider une voiture à piles, avec une petite antenne... Chacun a eu cela dans son enfance.
Ce projet supprimera les confusions, les collusions et les suspicions ! Je vous invite donc à le voter. Car il est raisonnable, il est objectif et il donne à chacun son rôle dans la responsabilité. (Brouhaha.)
M. Eric Stauffer. Le bal des eunuques commence !
M. François Gillet (PDC). D'abord, un grand merci également à Serge Dal Busco pour son rapport très complet quant aux longs débats ayant eu lieu en commission sur ce sujet.
Alors, chers collègues, Eric Stauffer, le chevalier blanc de la République - qui nous rappellera encore pendant dix ans qu'il a sauvé les SIG du bourbier dans lequel ils se trouvaient - ... (Rires.) ...ce chevalier blanc, certes un peu diminué ce soir, visiblement pas au top de sa capacité sonore - vous l'aurez remarqué - nous annonce la guerre... Donc, manifestement, débat il y aura, même si certains nous annoncent déjà le lancement d'un référendum. Et on peut se demander à quoi sert ce débat, puisque, de toute façon, référendum il y aura.
Il me semble quand même nécessaire de rappeler deux ou trois éléments importants, que Serge Dal Busco aura sans doute l'occasion de préciser tout à l'heure, lorsqu'il reprendra la parole. D'abord, laisser croire, chers collègues, que l'on trahirait la volonté populaire en adoptant ce projet de loi est simplement inacceptable ! Oui, le sujet est identique, mais le projet que nous traitons ce soir n'est pas le même qu'en 2008, son contenu est très largement différent. Il va beaucoup plus loin: il améliore plusieurs points qui avaient été critiqués à l'époque et il apporte des réponses, notamment sur la question des rémunérations. C'est vrai qu'il y a eu des excès en la matière et dans d'autres domaines, qui ont été dénoncés. Je le répète, ce projet de loi apporte des réponses à ces problèmes.
Ce projet de loi apporte également des réponses dans un domaine essentiel: celui des compétences des administrateurs. S'il y a peut-être eu, par le passé, des dysfonctionnements dans certains établissements publics autonomes, c'était aussi parce que les compétences des administrateurs n'étaient pas ce qu'elles auraient dû être.
Ce projet prend également en considération diverses recommandations de la Cour des comptes... Je crois qu'Eric Stauffer avait appelé de ses voeux, notamment concernant les SIG, des examens attentifs de la Cour des comptes. Cela a été fait et ses conclusions ont été prises en considération dans ce projet de loi.
Il est également fondamental de rappeler que, dans ce domaine, nous devons impérativement éviter toute confusion des rôles. Je sens bien, ce soir, que d'aucuns souhaitent préserver, voire développer cette confusion des rôles qui les arrange bien. Mais rappelons quand même, chers collègues, qu'il est de notre ressort - à nous, députés - de fixer le cadre politique des politiques publiques qui sont mises en oeuvre par ces établissements publics autonomes.
Par contre, la stratégie d'entreprise doit être définie par des administrateurs compétents: ce n'est pas notre rôle de le faire. Enfin, le côté opérationnel revient aux directions - il en est également fait état dans ce projet de loi. Il me paraît donc urgent de mettre fin à cette perpétuelle confusion des rôles dans laquelle quelques-uns voudraient continuer à nous enfermer.
Je dirai, en guise de conclusion provisoire, que les conseils d'administration, que l'on souhaite réduire en taille, que l'on souhaite améliorer en termes de compétences, ont un rôle essentiel à jouer pour mener à bien les politiques publiques des domaines concernés. Ces conseils d'administration n'ont pas pour fonction - excusez-moi, si certains se sentent visés ! - de salarier des députés qui arrondissent ainsi leurs fins de mois en touchant les jetons de présence des multiples conseils d'administration dans lesquels ils siègent. Il n'est, par ailleurs, pas souhaitable que les députés soient partout à la fois et fassent tout à moitié !
Je vous demande donc, chers collègues, au nom du groupe démocrate-chrétien, de soutenir ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Lors de la dernière session du Grand Conseil, le secrétariat général du Grand Conseil nous a proposé un petit jeu photographique: le «Qui est qui ?» Je vais vous proposer ce soir le «Qui a dit quoi ?»
Pour vous mettre dans l'ambiance, nous sommes le 11 octobre 2007. Nous discutons de la gouvernance des établissements publics, nous en sommes au début du débat, et les choses se passent encore relativement tranquillement. Bien évidemment, le point central du débat porte sur la politisation ou non des conseils avec la présence de membres des partis politiques.
Je vous lis donc ceci: «Les membres qui seront désignés par notre parlement ne seront certainement pas apolitiques, Mesdames et Messieurs les députés, soyons honnêtes ! Par conséquent, sous couvert de dépolitisation, on va en fait avoir une politisation, mais de type «pensée unique». Cela paraît totalement inacceptable quand on parle d'établissements publics autonomes qui sont financés en majeure partie par l'Etat [...]. La population doit donc avoir un droit de regard sur ce qui se passe dans ces sociétés, et la représentation politique, finalement, est une représentation démocratique. Car je rappelle qu'on ne parle pas d'entreprises privées cotées en bourses, mais d'établissements de services publics. [...] On a aussi évoqué la question de l'incompatibilité entre députés et administrateurs. Pour notre part, nous trouvons qu'il est dommage de prononcer une telle incompatibilité, car on va se priver de compétences.»
Que de sagesse dans ces propos, Mesdames et Messieurs les députés ! Qui les a prononcés ? Mme Bolay, peut-être ? Vous n'y êtes pas ! M. Deneys ? Point non plus ! Alors M. Stauffer ? Pas du tout ! Il s'agit de Mme Emilie Flamand, rapporteure de minorité à l'époque ! (Applaudissements.)
Mme Flamand nous a expliqué tout à l'heure que ce projet était très différent, qu'il était beaucoup plus global... Soit ! Mais je suis néanmoins persuadée que les Verts voteront les amendements que nous proposons concernant la représentation du personnel et la représentation des membres des partis politiques dans les établissements autonomes, sinon je serai obligée de croire qu'il s'agit de «Verts-satiles» ! (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Je vois que l'expérience politique sert à quelque chose: on apprend à appuyer au bon moment sur le bouton de demande de parole, en sachant d'où vont venir les attaques... Cela me permet de répondre immédiatement à cette question !
Effectivement, nous avons voté le projet de loi sur la gouvernance et les changements de statuts de la Banque cantonale de Genève. Nous avons toujours dit, à l'époque, que nous souhaitions que les différentes tendances soient représentées, ce qui est le cas dans ce projet de loi, et que nous ne voulions pas d'un projet «à pensée unique». Eh bien, ce projet de loi nous garde de cette dérive !
Tout d'abord, j'aimerais revenir sur ce que nous pensons, nous, de la responsabilité des administrateurs. Nous avons été choqués - comme, je pense, une grande partie de la population - lors de faillites célèbres - celle de Swissair, entre autres - ou par la débâcle de la Banque cantonale de Genève. Nous avons été choqués que les administrateurs ne soient pas responsables, qu'ils puissent se présenter devant un tribunal en arguant de leur incompétence, «que ce n'était pas leur faute» et «qu'ils n'avaient fait que voter». Aujourd'hui, le code des obligations prévoit une responsabilité accrue des administrateurs, et ce projet de loi fait la même chose.
Il faut savoir que derrière ces entreprises publiques il y a des hommes et des femmes qui travaillent et qu'une mauvaise gestion fait prendre des risques à ces personnes, de même qu'à la population. Aujourd'hui, l'administrateur doit, si je puis dire, mettre sa tête sur le billot: lorsqu'il signe un document, il s'engage ! Mais, pour ce faire, il ne doit pas être informé qu'en troisième lieu ! Il ne peut pas y avoir un bureau qui est au courant de tout et un conseil d'administration qui entérine les décisions: il faut que tous les administrateurs aient le même niveau de responsabilité.
Nous pensons qu'il y a une confusion dans les rôles. Nous voulons que le conseil d'administration soit l'organe stratégique de l'entreprise, et pas un organe de surveillance. Si nous avions voulu des conseils de surveillance des entreprises - ce qui aurait pu être une autre formule - la représentation d'une personne par parti politique, donc de sensibilité différente, aurait pu se justifier. Mais nous voulons aujourd'hui autre chose: nous voulons des personnes responsables, qui définissent la stratégie de l'entreprise et s'engagent vraiment - elles mettent la tête sur le billot en disant: «Je m'engage.» Et, si elles ne sont pas d'accord avec une décision, qu'elles démissionnent et alertent les députés pour leur expliquer qu'il y a un problème ! C'est ce qui se passe normalement dans les conseils d'administration quand les gens sont responsables. Et c'est bien ce que nous voulons !
Nous nous sommes rendu compte du risque... Nous entendons très souvent un certain parti politique dire que les politiciens sont tous pourris - «Vous savez, ils sont dans des conseils d'administration et ils palpent...». Nous voulons éviter cette confusion. Nous voulons que le parlement soit bien un organe de surveillance, et non pas une sorte de collégiale, ou une coupole sous laquelle les uns et les autres se passeraient des mandats, ou que la principale qualité requise pour siéger dans un conseil d'administration soit de ne pas avoir été élu à l'élection précédente.
Donc, un conseil d'administration ne doit pas être un lieu donnant à la classe politique l'occasion de toucher des rémunérations supplémentaires. Ce n'est pas un lieu où les députés doivent pouvoir se dire: «C'est un peu difficile pour lui, mais, comme il a de belles responsabilités au sein de notre parti, il faut qu'il puisse arrondir ses fins de mois, on va lui laisser deux ou trois conseils, de façon qu'il puisse avoir un revenu suffisant.» Ce n'est pas dans ce sens-là que nous entendons les conseils d'administration ! Ils doivent être des lieux de responsabilité, où les gens s'engagent véritablement !
Voilà pourquoi nous soutenons aujourd'hui ce projet de loi, qui est très différent de celui qui avait été proposé par le parti libéral et que nous avions combattu, je pense, à raison, vu le résultat auquel nous arrivons aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). J'ai décidé d'apporter quelques commentaires par rapport aux déclarations qui ont été faites. J'aurais été tenté de dire: «Découvrez qui est l'idiot !»... (Rires. Commentaires.) Je n'utiliserai pas ce terme. Mais je vous laisse tout de même deviner...
Quelqu'un a expliqué ici, il y a quelques minutes: «Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons pas aujourd'hui, avec les budgets votés dans les conseils d'administration, laisser place à l'amateurisme ! Il faut professionnaliser les conseils d'administration !» Tout le monde a applaudi ! C'est de ce côté-là que ça se passe ! (L'orateur désigne sa droite.) Moi, je vous pose une question, Monsieur le député qui se reconnaîtra ! «Quand ce parlement, formé de députés de milice, vote un budget de 7 milliards par année, eh bien, il faut le professionnaliser !»... Mais alors, démissionnez ! Et on ne met que des comptables, ici ! Ainsi, tout ira bien ! Et nous aurons répondu à vos légitimes inquiétudes !
Mais de qui vous moquez-vous en nous racontant des sornettes pareilles ? Donc, le budget de l'Etat, de 7 milliards, serait voté par des incompétents ? Parce qu'ils sont élus par le peuple ? Monsieur le président, vous pourrez transmettre... Je vais parler en langage économique, car apparemment, à ma droite, on a beaucoup de peine à comprendre le langage populaire ! Alors voilà: une grande société a des actionnaires. Ces actionnaires peuvent être assimilés au peuple. Ils élisent les membres du conseil d'administration en assemblée générale, ce qui peut être comparé à une votation populaire pour l'élection des députés au Grand Conseil. Et le conseil d'administration doit rendre des comptes aux actionnaires. De la même manière, les députés du Grand Conseil doivent rendre des comptes au peuple, qui les a portés à la fonction qu'ils occupent. Jusque-là, j'espère ne pas avoir été trop technique ! Vous avez pu suivre, Monsieur le député.
Je continue. Le résultat, c'est que si l'on enlève la possibilité aux actionnaires d'élire leurs représentants, ce n'est tout simplement plus une démocratie ! Vous prônez donc une dictature ! C'est bien ce que vous êtes en train faire ce soir, dans une opacité totale ! C'est quand même extraordinaire ! Et vous voulez encore une fois demander l'avis du peuple ! Avec des théories pareilles ! Le parlement genevois étant composé de députés de milice, nous sommes tous incompétents. Mais il suffit de remplacer tout ce beau monde par des comptables de grandes sociétés fiduciaires, qui pourront voter de manière professionnelle un budget de 7 milliards par année ! Vous vous rendez compte de la responsabilité que cela représente ? Mais on est tous morts de rire, Monsieur le député Cuendet qui représentez les banquiers privés genevois !
Je continue. Le représentant du PDC nous a expliqué qu'il fallait arrêter la course aux jetons de présence des députés administrateurs, qui font tout à moitié... Comme il faut toujours parler de ce qu'on connaît, Monsieur le député, je prends mon cas. Je suis député et administrateur aux HUG: je vous suggère de demander à votre voisin derrière vous si je fais le travail à moitié au conseil d'administration des HUG... Hôpital des enfants: construit avant l'heure; développement de certains départements; augmentation du nombre de médecins; augmentation du nombre d'infirmières; priorité de l'emploi aux résidents genevois dans le secteur tertiaire aux HUG ! Peut-être que vous concernant, ce n'est que la moitié. (Commentaires.) C'est vrai que vous êtes tous des superbonshommes, au PDC ! Moi, modestement, je n'estime pas avoir rempli ma fonction à moitié !
Parlons des Services industriels de Genève, dont je suis aussi administrateur. Blocage de l'importation des déchets napolitains - pour la sauvegarde, évidemment, de la santé des Genevois. Et qui est arrivé, six mois après le MCG, avec une belle photo dans «Le Matin» ? C'étaient M. Barazzone et M. Mettan, sauf erreur - devant le bureau du conseiller d'Etat Cramer - avec un sac poubelle, en disant: «Non aux déchets napolitains !» Et merci au MCG, qui avait ouvert la voie ! Eh oui, encore une fois ! Pensez-vous que j'ai fait mon travail à moitié ?
Pour ce qui est de la rémunération, nous en avons déjà parlé, je ne vais pas y revenir.
Passons maintenant à l'aéroport, dont je suis également membre du conseil d'administration ! (Exclamations.) Sans vouloir trahir encore un secret de fonction, j'ajoute que je défends quelques associations à but non lucratif, des associations sportives - de vol à moteur, par exemple - qui doivent continuer à exister. Pensez-vous qu'un économiste, un professionnel, aurait cette même approche populaire dans un conseil d'administration ? Evidemment non ! Alors, cela supprimerait l'aéroclub, tout ça parce que «business is business»... En fait, on tue le tissu social à Genève. Voilà ce que vous êtes en train de prôner: l'opacité !
J'en viens à l'Hospice général. On nous a dit que c'était un exemple... Monsieur Cuendet, je serais curieux de savoir: quelqu'un a-t-il violé le secret de fonction au conseil d'administration de l'Hospice général ? Comment savez-vous que les choses se passent bien ? Nous, nous ne le savons pas, puisqu'on ne veut pas nous le dire ! La loi l'interdit ! Y a-t-il des délits d'initiés ? Nous aimerions bien le savoir ! Mesdames et Messieurs, ça se passe bien, parce qu'on ne sait rien ! Comme on nous présente des comptes globaux, on ne peut pas savoir si le sous-directeur «Machin» gagne 260 000 F par année... Parce que vous avez une vision d'ensemble ! Alors, évidemment, les comptes jouent ! Mais, le détail, vous ne l'avez pas, on ne peut le connaître que si on est à l'intérieur.
Ensuite, Monsieur Bavarel, vous nous expliquez que le Grand Conseil, avec ce nouveau projet de loi, doit demeurer l'organe de surveillance...
Le président. Il vous reste une minute, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président ! L'organe de surveillance de quoi ? De l'opacité ? Je le répète: sur des comptes globaux ? Sur lesquels on ne peut avoir aucune information ? Où l'on ne peut donner aucune impulsion politique ? Sans voir où l'on aimerait diriger ces établissements publics ? (Commentaires.) Franchement, comment osez-vous ? Votre conseiller d'Etat avait déclaré - je cite: «Nous ne pouvons pas jouer avec la confiance des Genevois.» C'est lui qui l'a dit ! (L'orateur est interpellé.) Si si, c'est le bon écran, Monsieur le député ! Pour que ceux qui nous regardent puissent le retrouver, c'est très simple, vous tapez: «Robert Cramer SIG». Vous verrez, il y a toute une littérature à ce sujet sur Google: c'est extraordinaire ! Je vous invite à le faire, c'est vraiment révélateur de ce qui est en train de se passer ici ce soir !
Non, Mesdames et Messieurs... Nous pouvons voir, notamment vous, le parti des Verts, votre vrai visage, puisque vous trahissez les membres de votre alliance...
Le président. Il faut conclure !
M. Eric Stauffer. Je conclus ! Eh bien, j'espère que la population vous renverra au niveau où vous devriez être, c'est-à-dire beaucoup plus bas que vos cousins les socialistes !
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Avec votre acharnement à éliminer la représentation des partis dans les conseils d'administration, la majorité de ce Grand Conseil est prête à brader ses prérogatives; elle est prête à renoncer à son rôle attaché à sa fonction législative; elle est prête à renoncer à sa fonction de représentation de la société civile. Votre acharnement à prétendre que les représentants des partis dans les conseils sont incapables, c'est, au fond, comme le disait un peu différemment le député Stauffer, la critique de votre légitimité elle-même. Car ce sont bien ces partis qui vous ont délégué pour représenter la population au Grand Conseil, ainsi que le rappelle... (L'oratrice est interpellée.) Monsieur Jeannerat ? ...d'ailleurs, le serment prêté par chaque député.
Sous prétexte de simplification, vous cautionnez en fait plus de confusion et vous accordez au Conseil d'Etat et à l'exécutif un pouvoir très grand, supérieur à celui du Grand Conseil: une véritable OPA, car le Conseil d'Etat pourra désigner six à huit membres sur neuf ou onze ainsi que la présidence ... Etrange ! Nous pensions certains membres de ce parlement - que je ne vois par ailleurs pas en ce moment dans cette salle - soucieux du respect des prérogatives de chacun des pouvoirs. En tous les cas, la bonne gouvernance passe par l'équilibre des pouvoirs.
Ensuite, vous ne soutenez pas l'autonomie voulue des institutions et vous leur imposez une notion confuse et archaïque de leur rôle: il faudrait un représentant de l'administration publique au sein du conseil d'administration... Ou vous pensez que la direction est incapable d'aller chercher les informations nécessaires à son travail ou vous avez oublié une autre règle de bonne gouvernance, selon laquelle l'Etat est garant et l'établissement public gérant, comme le lui rappelle son contrat de prestations.
Enfin - cela a été dit - avec une persistance qui frise le mépris, vous refusez d'intégrer la volonté populaire, manifestée par le scrutin du 1er juin 2008 concernant l'organisation des SIG, des HUG, des TPG.
De quoi avez-vous peur ? De l'incompétence de vos pairs ? De celle des usagers ? De l'avis des communes, qui devraient juste accepter des missions sans discuter ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) De l'insuffisance de notre arsenal législatif et réglementaire ? Ou pensez-vous que, dans un conseil d'administration, seul l'actionnaire majoritaire doit être représenté ?
Nous aimerions vous rappeler les outils existants qui doivent garantir un fonctionnement optimal de nos institutions publiques subventionnées: la loi sur les indemnités et les aides financières, la LIAF; le contrat de prestations qui donne le cadre stratégique général de l'institution, tout comme ses activités et les résultats attendus, qui sont clairement définis; les normes comptables en vigueur, qui définissent ces modalités de contrôle; et, enfin, le présent projet de loi qui définit quant à lui l'organisation de l'institution, les compétences attendues des membres du conseil, leurs droits et leurs devoirs, tout comme leur rémunération. Le cadre est clair, les attentes sont énoncées.
Dans ce contexte, il est difficile d'imaginer qu'un parti ne puisse opérer une sélection de candidatures à présenter au Grand Conseil. Il ne s'agit en effet pas de nommer des membres de partis, mais bien des administrateurs et des administratrices, et il aurait suffi de doter ce conseil, si vos doutes persistaient, d'une commission de sélection.
Quant à la gestion autonome pour laquelle nous vous proposons un amendement, revenons-y un instant. Le Conseil d'Etat confie au conseil d'administration la responsabilité de la gestion de l'institution et ses intérêts y sont représentés par les personnes qu'il désire. Il accorde ainsi sa confiance à celles et ceux qui le représentent. Dès lors, dans une logique de professionnalisation des conseils, il n'est pas nécessaire de déléguer un représentant de l'administration pour faire le lien entre le département et le conseil. Vous créez ainsi une confusion entre gestion et contrôle, contraire aux axes de bonne gouvernance définis justement par l'OCDE et la Confédération, Monsieur le député Cuendet.
Pour concrétiser cette approche et m'arrêter temporairement, nous vous proposons un amendement qui mise sur la compétence des acteurs, la responsabilité des conseils, et qui la renforce en abrogeant l'article 26 qui prévoit un représentant du département en charge de la santé.
J'ajouterai à l'attention du député Jeannerat que le PLR, qui ne veut pas de téléguidage des CA, devrait commencer par accepter cet amendement, qui vous a par ailleurs déjà été soumis dans le projet de loi 10500 et que vous avez accepté par 41 oui contre 27 non et 10 abstentions.
Mme Irène Buche (S). J'aimerais revenir sur la question de «professionnalisme» par opposition à «amateurisme» ou «incompétence»... A vous écouter, on pourrait croire que les députés qui siègent actuellement dans les conseils d'administration sont tous incompétents, puisqu'ils représentent les partis. Ce n'est manifestement pas le cas, sinon on le saurait !
Je vous rappelle tout de même que les TPG et les HUG ont indiqué que les choses fonctionnaient bien, et personne n'a demandé une dépolitisation des conseils d'administration ! Il ne faut pas peindre le diable sur la muraille ! L'important n'est pas de savoir si les membres de ces conseils sont des représentants de parti, mais de savoir s'ils sont compétents. Or, l'un n'empêche pas l'autre. Il est évident qu'il faut avoir des compétences pour siéger dans ce genre de conseils d'administration, mais, je le répète, être député et être compétent est tout à fait compatible.
Ensuite, je voudrais revenir sur la question de la représentation du personnel dans les conseils d'administration. Dans tous les conseils d'administration, il est prévu de ne nommer qu'un seul représentant du personnel alors qu'il y en a trois actuellement dans les grandes institutions de droit public. Comme vous le savez, les syndicats se sont beaucoup inquiétés de cette situation, pour différentes raisons. Le Cartel intersyndical et le SIT notamment ont expliqué au cours des auditions que cela poserait d'énormes problèmes à l'unique représentant du personnel qui est élu. Comme il n'a pas le droit de parler à l'extérieur, il se retrouvera vraiment tout seul, ne pouvant ni s'adresser à son organisation, ni partager, ni venir avec des instructions. Ce système ne peut pas fonctionner, surtout s'il n'y a qu'un représentant du personnel.
D'autre part, certaines institutions comportent plusieurs secteurs: par exemple aux HUG, le secteur psychiatrique et le secteur général. Les syndicats ont indiqué clairement à cet égard qu'il fallait que les deux secteurs soient représentés. Des sensibilités peuvent être différentes, et elles doivent être représentées. Les représentants des HUG et des TPG ont même expliqué que c'était un point très sensible et que si l'on ramenait la représentation du personnel à une seule personne cela serait source de tensions. En plus - c'est le représentant des TPG qui l'a indiqué - ce serait un appauvrissement de la représentation des métiers.
Tout cela n'est pas anodin ! On ne peut pas se contenter de procéder de manière linéaire et de décréter qu'un seul représentant suffit en pensant que cela n'aura aucune d'incidence. Nous pensons qu'il est indispensable de maintenir le nombre actuel des représentants du personnel, et c'est la raison de l'amendement que nous vous proposons à l'article 39, et qui vous sera présenté ultérieurement.
J'aimerais aussi revenir sur la question des communes. Les communes se sont également exprimées à ce sujet, que ce soit la Ville de Genève ou l'Association des communes genevoises. Eh bien, en tout cas les SIG, la FTI et l'Hospice général se sont déclarés tout à fait insatisfaits. Notamment parce que les communes détiennent 45% du capital des SIG et à peu près 45% des sièges actuellement. Ce qui leur est proposé ne leur suffit donc évidemment pas, et cela a été exprimé clairement. En résumé, personne n'est vraiment très content de ce projet; quelle que soit la position des uns ou des autres, on entend des critiques de toutes parts.
Il y a aussi les usagers. Il faudrait en effet une représentation des patients aux HUG. Cela a été demandé également... Les usagers auraient certainement leur place dans les conseils d'autres institutions. C'est également un point très sensible.
En conclusion, je rappellerai que la chose la plus importante dans cette affaire, c'est le service public: que veut-on offrir comme service public ? Et ce n'est pas en restreignant les conseils d'administration et en faisant en quelque sorte des «boîtes noires» qu'on va l'améliorer !
Ce projet de loi n'est pas acceptable: il n'apporte aucune solution qui puisse vraiment améliorer les choses ! C'est la raison pour laquelle il faut, comme je vous l'ai déjà indiqué, ne pas entrer en matière sur ce projet, quitte à remettre d'une autre manière l'ouvrage sur le métier, car il n'assure absolument pas la transparence de la gestion qui est pourtant l'objectif visé. Je vous invite donc à refuser ce projet de loi et, je le répète, à ne pas entrer en matière. (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia (MCG). Vous avez raison: vous m'avez convaincu ! Je suis désolé pour mon ami Eric Stauffer: ils ont raison ! Envoyer des députés tels que ceux qui siègent dans les conseils d'administration coûte de l'argent et ne sert à rien ! (Rires.) Finalement, ce qui compte, c'est l'efficacité ! On peut donc parfaitement se passer de ces «béni-oui-oui» qui siègent dans ces conseils pour toucher des jetons de présence ! Les institutions fonctionneront très bien sans eux !
M. Bavarel a également raison: il faut protéger ces «béni-oui-oui». En effet, d'une certaine manière on les envoie au charbon, et, si les choses dérapent, ils seront considérés comme responsables. Ce n'est pas normal ! Voyons, ils n'ont fait qu'accepter ce qu'on leur demandait et, ensuite, on dit qu'ils sont responsables !
Soyons sérieux ! Le seul député dont on a parlé ces dernières années, pour avoir fait quelque chose dans un conseil d'administration, vous savez bien de qui il s'agit ? M. Eric Stauffer, du MCG ! Tous les autres siégeaient pour dire que tout est parfait, «Tout va très bien Mme la Marquise» ! Le seul à avoir dénoncé des dysfonctionnements et qui a été accusé d'avoir violé le secret de fonction, c'est lui ! Mais nous aimerions qu'il y en ait beaucoup comme lui, nous aimerions qu'il y en ait partout ! (Commentaires.) Et pas seulement des députés aux couleurs du MCG ! Nous aimerions que tous les députés qui sont désignés par les partis de ce parlement soient, à leur façon, des empêcheurs de tourner en rond ! Qu'ils portent un regard critique sur les institutions !
Certes, il faut améliorer la gouvernance; certes, il faut assurer l'efficacité. Protéger le secret... Il y a une solution: c'est la dictature ! (Commentaires.) Avec la dictature et l'opacité, finalement, tout fonctionne très bien: on ne voit plus rien ! Et ce que l'on nous propose aujourd'hui, c'est une dictature pluricéphale ! Comme il y a plusieurs têtes, ça en atténue, en quelque sorte, les effets !
Le 1er juin 2008, le peuple a voté - Mme Bolay l'a rappelé - et il a été très clair. Alors, c'est vrai - comme l'a dit l'intervenant du PDC - à l'époque, ce n'était pas exactement la même loi. En effet, on disait, en parlant des députés envoyés par les partis représentés ici, qu'on n'en voulait pas... Aujourd'hui, c'est très différent, puisqu'on nous dit: «Ils n'y sont plus !» En fait, le résultat est le même: on ne veut plus les voir ! On veut pouvoir travailler tranquillement, sans le regard critique de la population représentée par vous et moi.
Alors, je vous le demande: changeons la loi lorsqu'il faut la changer pour rendre la gouvernance plus efficace, mais arrêtons de rechercher partout, chaque fois que c'est possible - et je le dis surtout pour les députés de l'Entente - des moyens pour museler les droits populaires. Le regard que nous avons sur les institutions, c'est la garantie de la démocratie. Ne piétinons pas cette garantie ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Les socialistes ont évidemment accueilli avec un certain mécontentement ce projet de loi, puisqu'il fait suite au précédent projet de loi et à la votation populaire. Il est assez paradoxal de constater que le Conseil d'Etat, lorsqu'il échoue dans une première variante d'un projet de loi - ce n'était pas le vôtre, certes - en propose un autre qui va encore plus loin dans l'erreur ! Car c'est bien ce à quoi nous assistons aujourd'hui ! Vous généralisez une hypothèse basée sur quelques conseils d'administration à l'ensemble des entités de droit public, à l'ensemble de tout ce qui est propriété de la population genevoise ! Est-ce normal ? La réponse est non !
Nous sommes d'accord pour ce qui est de la transparence, nous sommes d'accord sur la question des rémunérations, mais nous ne sommes pas d'accord sur le contenu de cette gouvernance. Certains fantasmes ont été exprimés tout à l'heure, tant par M. Bavarel que par M. Jeannerat ou M. Gillet, sur la prétendue politisation des conseils d'administration. S'agit-il d'une politisation ? Pour ma part, j'en doute réellement, et je vais vous expliquer pourquoi.
Mais je vais quand même vous dire d'abord que nous, socialistes, s'agissant des institutions de droit public, nous sommes certainement favorables à ce que ces institutions, propriété des citoyens, soient administrées par ces derniers plutôt que par des technocrates dont on ne sait pas toujours très bien d'où ils viennent !
On a d'ailleurs pu voir les effets que peuvent produire certains technocrates dans des conseils d'administration prétendument dépolitisés, chez Swissair, à l'UBS et, bien entendu, dans d'autres institutions: 100% privées ! et censées être 100% dépolitisées ! Le résultat est une catastrophe ! (Remarque.) Exactement ! Parce qu'en réalité il s'agit ici de propriété publique, et les enjeux sont publics. Cela dépasse les simples enjeux de la gestion financière ! Cela doit aussi répondre aux besoins des citoyens, de toutes les personnes qui vivent sur ce territoire. Et qui, mieux que les représentants des partis politiques, peut, dans une démocratie, incarner les besoins des différences que nous sommes en train de représenter dans ce parlement ? Eh bien, les représentants des partis politiques ne sont pas forcément des politiciens ! Ni même d'anciens députés ! Et la compétence n'a rien à voir avec la question d'un représentant par parti politique. C'est bien pour cela que nous ne sommes pas d'accord aujourd'hui ! Nous sommes pour des compétences, mais nous sommes aussi pour cette transparence et cet échange indispensable avec les citoyens ! Si tel n'est pas le cas, c'est le règne des technocrates, c'est le règne de l'opacité technocratique, c'est le règne des règles absurdes qui ne répondent pas aux besoins des citoyens, besoins que nous sommes les seuls à pouvoir faire connaître ! C'est notre mission première, et nous sommes convaincus que des représentants des partis politiques, désignés pour siéger dans ces conseils d'administration, sont capables d'accomplir cette tâche. Du reste, ils le font déjà aujourd'hui ! Ils le font en général discrètement - pas forcément comme M. Stauffer - et avec efficacité ! Qui plus est, sans en faire un mini-parlement, comme vous le prétendez, Monsieur Jeannerat. La preuve, c'est que, la plupart du temps, les conseils d'administration sont unanimes dans leur prise de décision et défendent des positions en lien avec les intérêts des entités dans lesquelles ils siègent. Ce ne sont pas des mini-parlements ! Evidemment, des visions différentes ou des intérêts peuvent s'affronter, mais, en réalité, ces représentants sont unanimes pour défendre les intérêts de l'entreprise publique à laquelle ils appartiennent.
Ne serait-ce que pour cette simple raison, nous pensons que ce système est tout à fait efficace et opportun concernant des entités de droit public ! Donc, c'est bien le fond du problème. Maintenant, si nous ne nommons pas un membre par parti politique, j'aimerais bien savoir ce qui va primer au sein de ce Grand Conseil. Quand il y aura trois représentants, comme vous le souhaitez, est-ce la compétence qui va primer, ou les alliances politiques, ou la majorité ? J'ai un grand doute quant au choix qui sera fait au sein de ce parlement !
Juste pour cette raison, il aurait peut-être été opportun de faire un essai sur un conseil d'administration et d'attendre les résultats pour savoir si l'effet «boîte noire» se produit, à savoir que les députés ne sauront plus rien. C'est ce qui est important ! Car ce ne sont pas seulement les députés qui seront mis à l'écart des décisions: les citoyens le seront aussi !
Et c'est bien pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que les socialistes sont opposés à la suppression des représentants des partis politiques dans les conseils d'administration, tout en soutenant les critères de compétence de ces représentants et la question de la transparence des rémunérations.
Nous vous demandons de refuser ce projet de loi, pour la simple et bonne raison qu'il ne permet pas de répondre - ce qui est un besoin essentiel - aux citoyens propriétaires que nous sommes tous ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. le député Eric Stauffer, pour la troisième et dernière fois dans ce premier débat.
M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Comme il y en aura encore beaucoup d'autres, je ne me fais guère de souci ! Mesdames et Messieurs, je vais décliner mon identité pour le Conseil d'Etat, au cas où il ne la connaîtrait pas: Eric Stauffer, né le 24 octobre 1964 à Genève, domicilié 1, rue des Grand'Portes. C'est pour la future procédure pour violation du secret de fonction...
Cela étant dit, c'est toujours très bien d'avoir des exemples précis pour imaginer comment les choses peuvent se dérouler. Je vais donc vous raconter dans le détail ce qui s'est passé dans la fameuse affaire des déchets napolitains. Lors d'une séance du conseil d'administration des Services industriels de Genève, les membres de ce conseil - pas du bureau, car il faut savoir que le conseil d'administration comporte en réalité deux conseils: le bureau du conseil d'administration, qui est le mini-gouvernement, et puis, à côté, il y a le troupeau de moutons, qui est le conseil d'administration. Eh bien, un jour, fin 2007, on reçoit une information selon laquelle les Services industriels, parce que les fours ont été construits de manière surdimensionnée, vont devoir faire venir des déchets de l'extérieur pour remplir ces derniers. Et l'on nous parle des déchets napolitains en nous disant: «Toutes les garanties ont été données»... Ayant des origines dans cette région, j'ai demandé au conseil d'administration s'il voulait un certificat de provenance bleue, verte, rose ou bariolée... Car, à Naples, il est possible d'acheter à peu près tous les certificats souhaités.
J'ai demandé un vote: l'intégralité du conseil d'administration, à l'exception de notre regretté ex-collègue de ce parlement, M. Alberto Velasco, a approuvé l'importation des déchets napolitains ! Nous sommes les seuls, Alberto Velasco, représentant le parti socialiste, et votre serviteur, à nous être opposés à l'importation des déchets napolitains ! Un, parce que toutes les garanties n'avaient pas été données et, deux - le comble ! - parce que ces déchets devaient être acheminés par train jusqu'à La Praille ! Nous avons fait le calcul: il aurait fallu 18 000 camions pour les transporter de La Praille aux Cheneviers... Superbe bilan écologique ! Bravo les Verts ! (L'orateur applaudit.) Ouah ! Rappelez-moi qui était le conseiller d'Etat en charge des Services industriels de Genève ? Ah oui, Robert Cramer ! Eh oui ! Voilà ! C'est l'écologie vue sous cette version !
Alors, lorsque nous avons été désignés, en minorité, au conseil d'administration, j'ai effectivement utilisé, comme la loi m'y autorisait, mon autre casquette, celle de député. Et j'ai déposé devant vous, Mesdames et Messieurs les représentants de la population... Les élus du peuple ! vous n'êtes que 100 !... à représenter 450 000 habitants ! Pour vous dire: «Attention, il y a un problème aux Services industriels, avec l'importation de ces déchets.» Cela a été la traversée du désert: j'ai été critiqué... En outre, avec beaucoup de courage, le Conseil d'Etat est allé jusqu'à me révoquer et ouvrir une enquête administrative, comme si j'étais un fonctionnaire... Non, vous ne m'impressionnez pas, Messieurs-dames du gouvernement ! J'ai été vilipendé dans les médias ! «M. Stauffer a failli à son devoir»... «Il n'a pas été fidèle à l'entreprise»... Je serais tenté de dire - et je m'en excuse auprès des jeunes: «Je vous «emmerde» ! (Brouhaha.) Mon devoir de fidélité doit d'abord être réservé...
Le président. Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Mon devoir de fidélité doit d'abord être réservé au peuple !
Le président. Monsieur le député, je ne vous autorise pas... Je ne vous autorise pas à insulter les magistrats !
M. Eric Stauffer. C'est dans le dictionnaire, Monsieur le président !
Le président. D'autre part, je souhaiterais...
M. Eric Stauffer. C'est dans le dictionnaire !
Le président. ...que vous reveniez au projet de loi, c'est-à-dire à la gouvernance...
M. Eric Stauffer. Eh bien, je parle justement de la gouvernance, Monsieur le président !
Le président. Non ! ...et non pas de nous raconter l'histoire des déchets napolitains !
M. Eric Stauffer. Mesdames et Messieurs les députés, mon devoir de fidélité doit d'abord être réservé au peuple, qui m'a porté à la fonction que j'occupe !
Lorsque je me suis retrouvé coincé, avec mon collègue Velasco, et que le Conseil d'Etat a déclaré, avec les Services industriels: «Nous allons procéder aux premières importations des déchets napolitains», je n'avais plus d'autre choix que de me rendre à Naples, pour fustiger le gouvernement italien et lui expliquer que nous n'étions pas équipés pour prendre ces déchets, parce qu'ils représentaient une contenance nécessitant 18 000 camions qui auraient à traverser la ville ! Eh bien, le gouvernement italien m'a déclaré officiellement: «Mais, Monsieur le député, nous n'avons jamais négocié avec Genève ou les Services industriels !» Et savez-vous pourquoi ? Parce que les Services industriels avaient négocié avec des intermédiaires pour une question de fric ! Pourquoi ? Parce que les déchets napolitains sont partis en Allemagne et que les Allemands ont demandé à la Suisse de brûler ces déchets. Il faut tout de même savoir que, il y a encore deux ans, des déchets allemands étaient brûlés aux Cheneviers, à Genève, parce que l'Allemagne n'avait plus la capacité d'incinérer ses déchets ! On a instauré un commerce maffieux des déchets !
Voilà ce que vous avez encouragé, et voilà pourquoi il est primordial d'avoir le relais de l'information au sein de ce parlement ! Parce que c'est nous, et nous seuls, qui sommes les représentants du peuple ! Point. Voilà ce que je voulais vous expliquer Mesdames et Messieurs ! Et si j'ai offusqué quelques membres du gouvernement, je m'en excuse - ouvertement - mais j'estime qu'à un moment donné il faut arrêter de se moquer des citoyens ! Car le premier devoir de fidélité, qu'il s'agisse du gouvernement ou du parlement, doit d'abord être réservé au peuple ! Et pas à une institution qui est capable de verser 420 000 F par an à un monsieur qui travaillait à 40% ! Et tous les représentants que vous avez nommés dans ce conseil d'administration le savaient...
Le président. Il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Je vais conclure ! ...parce que cela faisait des années qu'il touchait ce montant ! Et personne n'a rien dit !
Mon collègue Mauro Poggia a raison. Si vous envoyez des lobotomisés, c'est votre problème: le peuple saura vous juger lors des élections. Nous, députés du MCG, nous refuserons ce projet de loi, car nous voulons maintenir la représentativité des partis du parlement dans les conseils d'administration. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous dire un secret...
Des voix. Ah ?
M. Christian Bavarel. ...quelque chose d'extraordinaire. Si vous ouvrez le projet de loi au chapitre II, article 39, vous pourrez découvrir, sous le terme «Composition», que la représentation politique est maintenue: des membres des partis politiques pourront être nommés... C'est dingue ! Je le précise, car, visiblement, vous n'avez pas lu le projet. Tous les partis politiques de ce parlement seront représentés. Certes, il n'y aura pas un représentant par parti dans chaque conseil d'administration, mais tous les partis politiques pourront y être représentés. On continuera à faire attention ! Ce ne seront pas des députés, mais il y aura une représentation des différentes sensibilités et tendances politiques, et, dans cette répartition, cela devient quelque chose de minoritaire. (Brouhaha.) Mais il n'y a pas suppression totale de la représentation. Donc, tous les discours que vous venez de tenir, les uns et les autres, sur cette non-représentativité n'ont pas lieu d'être ! Il y aura - c'est minorisé... Les compétences sont mises en avant. Et nous avons choisi un outil plus beaucoup plus sophistiqué, mais peut-être faudrait-il lire le projet de loi avant d'intervenir longuement.
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. Le président de la commission, M. Pistis, a été mis en cause, et je tiens à faire une remarque. Je n'ai pas beaucoup apprécié cela, car, même si je ne suis pas une fan du MCG, il faut relever que M. Pistis est député seulement depuis deux ans et que présider la commission législative n'est vraiment pas une sinécure, c'est extrêmement compliqué. Pour un nouveau député, ce n'était pas facile. Il n'est en effet pas évident de présider une commission et de déposer des amendements en même temps. Je tenais à le faire remarquer et j'aimerais remercier M. Pistis pour le travail qu'il a effectué pendant tous ces travaux. (Applaudissements.)
Deuxième chose sur laquelle j'aimerais revenir: au départ, la droite avait écrit que: «[...] la représentation politique institutionnalisée - je cite - est source de conflits d'intérêts [...]». Je rappelle que, pendant de nombreuses années, la droite était majoritaire dans tous les conseils d'administration ! Et nous n'avons jamais, comme par hasard, entendu parler de ces conflits d'intérêts ! Comme par hasard, ils ne vous dérangent que lorsque ce sont des gens de gauche ou d'autres partis qui y siègent !
Je reviens également sur les propos de M. Cuendet. Il nous a expliqué qu'il fallait que les membres des conseils d'administration soient «de vrais professionnels !», «des gens responsables !»... Monsieur Cuendet, si ces personnes professionnelles et responsables sont les mêmes que celles qui ont fait couler Swissair, si elles sont les mêmes que celles qui ont fait couler l'UBS... (Exclamations. Applaudissements.) ...ce qui a obligé la Confédération à mettre des milliards, qui sortent de la poche des contribuables, eh bien, ces personnes-là, nous n'en voulons pas !
J'en viens maintenant à l'OCDE. Monsieur Cuendet, vous nous avez signalé avoir lu avec beaucoup d'intérêt les principes de bonne gouvernance de l'OCDE. Eh bien, vous en avez oublié un ! Or je crois que vous l'avez oublié sciemment. Et je vais vous le rappeler ! Car les principes de bonne gouvernance émis par l'OCDE stipulent bien: «mettre l'accent sur l'obligation de rendre compte» ! Mais, avec ce que vous avez prévu dans l'article 11, c'est verrouiller le secret de fonction ! Mais rendre compte à qui ?! Mais à personne ! A personne ! Vous n'avez même pas inclus dans ce projet de loi les représentants du personnel, qui sont une minorité, les représentants des communes et les représentants politiques ! Alors arrêtez de nous parler des principes de l'OCDE ! Ces principes OCDE, précisément, ne sont pas respectés dans ce projet de loi !
Enfin, Monsieur le président, je voudrais également faire remarquer que nous avons auditionné les responsables des cinq grandes entreprises - des régies. Eh bien, que nous ont-ils dit ? Le président des TPG et le président des HUG, ce ne sont pas des gauchistes... terribles, que je sache ! Ce sont des libéraux bon chic bon genre. Et que nous disent ces gens-là ? Cela fait des années qu'ils sont dans les conseils d'administration - des anciens collègues, je vous le rappelle quand même. Ils nous disent que cela fonctionne très bien ! Que, au contraire, la représentation politique, plusieurs députés, c'est un plus ! Ce sont eux qui sont venus nous le dire, mais c'est vous, Mesdames et Messieurs, qui ne les écoutez pas !
Mesdames et Messieurs les députés - je vais conclure, Monsieur le président - concernant ce que vous, la droite, avez dit par rapport à ce projet de loi, eh bien, je suis désolée: vous êtes totalement à côté ! Et en plus - en plus ! - vous reniez ce que les citoyens ont voté il y a trois ans à peine ou un peu plus. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi, tel qu'il est ressorti des travaux de commission, doit être refusé ! Merci ! (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, avant de donner la parole aux trois derniers orateurs qui se sont inscrits... Monsieur Jeannerat, vous vous êtes inséré entre les rapporteurs: vous souhaitez quand même intervenir ? (M. Jacques Jeannerat acquiesce.) Bien. Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que le Bureau, à l'unanimité, a décidé de poursuivre ce débat jusqu'au vote d'entrée en matière. Sont encore inscrits: M. Jeannerat, puis M. le rapporteur de majorité, puis M. le conseiller d'Etat David Hiler. Je donne la parole à M. Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Monsieur le président. Mais Mme Bolay dit n'importe quoi ! Les comptes annuels de Swissair et de l'UBS n'ont jamais été contrôlés par un département ou par un parlement ! (Commentaires. Le président agite la cloche.) Vous confondez Swissair, l'UBS, et puis l'Hôpital cantonal et les TPG ! Ce n'est pas le même statut ! Il ne faut pas tout mélanger ! Il ne faut pas dire n'importe quoi, Madame Bolay !
Le président. La parole est à M. le rapporteur de majorité. (Remarque.) Madame Bolay, vous souhaitez encore intervenir ?
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse de minorité. S'il y en a un qui n'a rien compris, c'est bien M. Jeannerat ! (Exclamations. Applaudissements.)
Monsieur Jeannerat, c'est la droite - votre parti - qui souhaite avoir dans ces conseils d'administration des «vrais professionnels !» - des vrais ! - des «gens responsables !»... Et moi je dis: si c'est les mêmes que vous voulez, comme chez Swissair, comme à l'UBS, eh bien, de ces gens-là, on n'en veut pas ! (Commentaires. Brouhaha.) Alors écoutez, quand je parle ! Et ne dites pas n'importe quoi ! (Exclamations. Commentaires.)
M. Serge Dal Busco (PDC), rapporteur de majorité. Je vais commencer en rassurant Mme Bolay. Nous ne voulons pas non plus de ces gens dans les conseils d'administration: soyez rassurée, chère collègue !
Si vous me le permettez, Monsieur le président, je voudrais, en guise de conclusion de ce débat d'entrée en matière... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...vous faire part de quelques remarques et réflexions qui me sont venues à l'esprit en écoutant les uns et les autres s'exprimer.
Premièrement, la question du prétendu déni ou reniement démocratique. Comme cela a été dit et redit à plusieurs reprises, nous ne votons pas un texte comparable à ceux qui ont été soumis au peuple en 2008: que cela soit dit de manière très claire ! Ce texte a une portée bien plus grande, bien plus globale, bien plus équilibrée que les textes auxquels vous faites référence.
M. Christian Dandrès. Vous l'aviez quand même voté !
M. Serge Dal Busco. Comparons ce qui est comparable: en l'occurrence, ça ne l'est pas !
Deuxième élément: la soi-disant hégémonie du Conseil d'Etat dans cette affaire et la diminution du rôle qui serait celui de notre parlement. Je pense que c'est le contraire ! Nous avons, à l'issue des travaux de la commission, en quelque sorte renvoyé le Conseil d'Etat à l'extérieur de ces conseils d'administration: on ne peut donc pas admettre qu'il s'agisse de renforcer son hégémonie ! On a exclu les conseillers d'Etat des conseils d'administration et on en a fait de même avec les députés, pour les raisons qui ont été abondamment commentées, tout simplement parce que c'est totalement incompatible, aux yeux de la majorité de la commission, avec les rôles respectifs de notre parlement, qui exerce sa haute surveillance et dont la définition est donnée dans notre constitution, et du Conseil d'Etat, qui exerce la surveillance de ces conseils.
La représentativité, Mesdames et Messieurs, des forces politiques est assurée dans les conseils avec la formule que nous avons trouvée s'agissant des établissements principaux. C'est une formule subtile, puisqu'elle consiste, pour les cinq conseils principaux, à cinq fois trois sièges, ce qui correspond exactement à la composition d'une commission parlementaire. C'est le même subtil équilibre politique que pour les commissions parlementaires. Il est donc faux, à notre sens, d'affirmer que cette représentativité politique ne serait pas assurée.
Je voudrais insister sur un troisième point - et M. Bavarel l'a fait également à plusieurs reprises - la «responsabilité». Plusieurs dispositions renforcent précisément cette responsabilité que nous visons dans cette loi: elle est l'un des termes les plus forts et les plus emblématiques de ce texte.
Je cite comme exemple la suppression de la suppléance. Il n'est plus possible, au sens en tout cas de ce qu'entrevoit la majorité, que des administrateurs n'assument pas cette responsabilité, pleinement, personnellement, et puissent se faire remplacer, comme c'est le cas dans les dispositions actuelles.
La suppression du bureau... On l'a entendu: même M. Stauffer a évoqué la différence de fonction qui existe entre les membres du bureau et les autres membres du conseil. Il nous a d'ailleurs abondamment relaté les péripéties du conseil dont il était membre. Ce bureau est supprimé précisément pour renforcer la responsabilité des membres du conseil d'administration.
Pour ce qui est des compétences, Mesdames et Messieurs, elles seront définies sur la base d'un profil précis et exigeant. Il ne faudra pas envoyer dans ces conseils des personnes qui n'ont pas les connaissances adéquates pour prendre les décisions nécessaires.
Dernier élément, qui va aussi dans le sens de cette responsabilité: c'est le fait qu'un membre d'un conseil ne pourra siéger que dans un seul conseil parmi les conseils concernés par la présente loi. Tout cela va dans le sens d'une responsabilité accrue.
Avant-dernier point que je voulais évoquer: l'adaptation nécessaire effectuée par la commission, notamment lorsqu'il est apparu évident que certaines dispositions du texte original étaient inadaptées. Je pense par exemple au fait que, dans le cas de la composition du conseil de l'Hospice général, la disparition de la représentation des communes était inadmissible. Un amendement a été proposé, et l'Association des communes genevoises, comme c'est le cas actuellement, pourra proposer un membre au sein du conseil de l'Hospice général.
Enfin, dernier point, en guise de conclusion. Un certain nombre de dispositions ont été discutées et d'aucuns, y compris au sein de la majorité de la commission, auraient voulu envisager, par exemple, le déplafonnement - ou le non-plafonnement, plus précisément - des revenus des membres de la direction. Nous avons estimé nécessaire, dans un souci d'équilibre, de ne pas permettre de dérapage en la matière. Ce plafonnement nous a semblé nécessaire, ne serait-ce qu'en comparaison avec les dispositions qui régissent les membres de l'administration cantonale. C'est un des éléments qui nous a fait pondérer ce texte, que la majorité de la commission juge correspondre à une solution équilibrée et raisonnable.
C'est avec cette conviction vraiment très forte et la conscience des avantages que procurera cette loi, non seulement aux institutions concernées mais, également, à notre collectivité dans son ensemble, que je vous invite, Mesdames et Messieurs, au nom de la majorité de la commission, à voter l'entrée en matière de ce projet. (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Monsieur Stauffer - si je peux m'adresser à vous - je vous dirai que le terme «emmerder» peut signifier «contrarier», «vouloir faire du tort» ou «ennuyer»... Alors oui, vous m'avez un peu «emmerdé» dans le sens où je me suis un peu ennuyé ! (Rires.) Non pas parce que ce que vous disiez n'était pas intéressant - et je vais y revenir - mais parce que la partie où vous avez - comment dire ? - réécrit votre histoire était un peu lourde. C'est tout ! (L'orateur est interpellé par M. Eric Stauffer.) Non, elle était un peu longue !
Je vais quand même reprendre tous les points évoqués dans votre intervention, dans celle de M. Poggia et dans celle de M. Deneys, car je pense qu'il faut recentrer le débat.
Quelle est la situation dont nous avons hérité avec ces conseils ? Traditionnellement, tous les conseils comptaient en leur sein un conseiller d'Etat, ce qui représente une influence prépondérante, mais aussi un risque. Un risque, parce que le Conseil d'Etat a également une compétence de surveillance. C'est un risque à mes yeux, Monsieur Stauffer, parce que, bien souvent et en réalité, ce n'est pas le Conseil d'Etat qui exerce beaucoup d'influence sur la régie: c'est la régie qui influence le Conseil d'Etat ! C'est ce que j'ai pu observer dans ma vie !
Je suis aussi d'accord avec certains propos assez durs, car il est vrai que nombre de ces régies importantes sont souvent conduites non pas par leur conseil d'administration - comme vous le décrivez - mais bien par le bureau, bureau dans lequel la direction générale joue un rôle important, ainsi que quelques proches. Et ce sont effectivement ces méthodes «à la bonne franquette» que notre Conseil ne voulait plus voir.
Il a été dit que nous avions pensé notre projet après la proposition du PLR... Non, en fait, nous l'avions proposé avant, mais il nous a fallu un temps infini pour arriver à la première conclusion - c'est l'élément le plus important de ce projet - à savoir que les conseillers d'Etat n'avaient rien à faire dans les conseils d'administration. Cela signifie qu'ils devaient être à l'extérieur de ces conseils pour regarder, surveiller, être informés, mais qu'ils ne pouvaient plus être aux deux endroits à la fois. Ce qui, je vous le rappelle, est l'inverse de la pratique.
Il a fallu - c'est vrai - un certain nombre de tours de table et, notamment, avoir recours à la littérature de la Berne fédérale qui avait étudié toutes ces questions - cela fait belle lurette, évidemment, que l'on n'envoie plus un conseiller fédéral dans un conseil d'administration ! - et nous sommes partis, à l'époque, d'un abondant dossier constitué par une collaboratrice à laquelle je profite de rendre hommage, Mme Sabina Mascotto - qui est aujourd'hui juge - qui a réuni toute cette documentation sur la gouvernance.
Nous avons donc commencé à élaborer ce projet et, ensuite, quand le projet de l'Entente est venu, nous avons indiqué que le nombre de membres était proche de ce que nous préparions... Notre participation à ce vote s'est bornée à cela.
J'aimerais également revenir sur l'exemple que vous avez donné: l'exemple des déchets, qui est un bon exemple... C'est, en effet, qui décide quoi ? Cela ne peut pas être, d'après cette loi, le conseil d'administration des SIG qui décide s'il faut importer des déchets ou non. Pourquoi ? Parce que les plans stratégiques sur les déchets doivent être approuvés - sauf erreur - seulement par le Conseil d'Etat, qui indique ce qu'il faut faire.
Alors, c'est vrai - il faut recréer l'ambiance de l'époque - les malheureux Napolitains croulaient sous une montagne de déchets. Il fallait trouver une solution, mais aucune n'était écologique. Il fallait transporter ces déchets quelque part. Ils l'ont été - vous l'avez indiqué - pour l'essentiel, vers l'Autriche et l'Allemagne - si je me rappelle bien - et l'un de nos collègues, Antonio Hodgers, avait posé le problème politique pour apporter de l'aide aux Napolitains.
Pendant que le conseil d'administration discutait de cela, le Conseil d'Etat en discutait aussi... Et ce qui est intéressant dans cette affaire, c'est qu'il fallait justement prévenir qu'une décision politique soit prise par un organe de gestion, qui n'a pas exactement les mêmes compétences qu'un conseil d'administration nommé par des actionnaires dans le privé, dans le sens où il est cadré par toute une série de lois, de règlements ou RD avec des plans directeurs, ou, simplement, des plans directeurs approuvés par le Conseil d'Etat.
Par conséquent, personne ne nie qu'il y a eu des dysfonctionnements. Ce qui me permet de passer à l'autre point.
D'abord, effectivement, nous avons maintenu la représentation des communes, ce qui est normal, car elles sont copropriétaires dans certains cas - et même quand elles ne le sont pas. Nous l'avons maintenue à une occasion et nous avons maintenu, lorsqu'elle était en pratique, la présence d'un représentant du personnel. Evidemment, ils préféraient avoir deux représentants. Mais il est normal qu'il n'y en ait plus qu'un étant donné que le nombre des membres des conseils d'administration a diminué. C'est la même chose pour les communes: elles ont moins de représentants, mais elles ont la même importance proportionnellement parlant.
Sur ce point précis, j'aimerais tout de même rappeler ce qui est proposé par rapport à la démocratie. Ce qui est proposé n'est pas notre première version. Nous avons en effet apporté deux changements. Nous avons fait une consultation de notre projet de loi, mais, comme il nous a été expliqué que le texte n'était pas adéquat parce que nous ne garantissions pas la représentation de toutes les sensibilités, nous avons décidé d'essayer de trouver une solution.
Et puis, nous avons fait quelque chose d'un peu archaïque: nous sommes partis du fait que les deux sensibilités qui existaient devaient être représentées. Lorsque nous avons soumis le projet, nous avons indiqué que, la situation politique étant ce qu'elle était, il faudrait vraisemblablement compter sur le nombre de trois: un équilibre à trois. (L'orateur est interpellé.) Trois ! Trois ! (L'orateur est interpellé.) Non, parce que nous devons respecter les blocs en présence !
A partir de là, Monsieur le député Stauffer, nous sommes entrés en matière sur la proposition faite en commission et qui a permis en effet d'assurer que chaque parti soit représenté.
Je reviens maintenant à l'utilité de ceux qui tirent la sonnette d'alarme, ceux qui utilisent des cornes de brume pour faire savoir qu'il y a un problème... Et c'est un point extrêmement important pour le débat qui nous occupe.
A une époque - j'ai connu cette période, c'était dans les années 90, et je vais vous le dire comme je le pense - les conseils d'administration de bien des régies représentaient plus des cours autour d'un magistrat charismatique - par ailleurs, forcément charismatique - que des autorités de surveillance. Et c'est précisément pour cela, je le répète, que nous sommes arrivés à la conclusion que le système était malsain et n'était pas conforme ni à l'OCDE ni aux normes de gouvernance de la Confédération. Dans ce système-là, il était effectivement utile qu'il y ait des contrepoids - et de poids, n'est-ce pas ? - nous sommes bien d'accord sur ce point. Dans un système, au contraire, où le Conseil d'Etat sort de ces conseils pour rester au niveau normatif et au niveau de surveillance, les règles sont un peu différentes.
Mais cela n'empêche pas de pouvoir alerter ! Il ne vous a pas été reproché, Monsieur Stauffer, d'alerter les organes compétents: il vous a été reproché d'aller raconter dans la presse toutes sortes de choses qui étaient en principe couvertes par le secret de fonction - pas celui dont on parle. Et c'est la raison pour laquelle les tribunaux ont admis que nous avions eu raison de vous mettre à la porte. Bon ! C'est dommage, mais c'est comme cela que les choses se sont passées !
En revanche, admettons qu'un membre du MCG siège au conseil d'administration d'une grande régie - il siégera de toute façon dans l'une d'entre elles - et qu'il découvre un scandale... A qui peut-il s'adresser ? A l'ICF, qui est un organe de contrôle, à la Cour des comptes, au Conseil d'Etat et à la présidence du Grand Conseil, puisque le Grand Conseil élit le président.
Et là, j'en reviens à la démocratie. Moi, je veux bien qu'il soit démocratique qu'un parti puisse élire des représentants. Mais ce n'est pas cela, la démocratie ! Ce que nous préconisons ici, c'est que deux organes démocratiquement élus, le parlement et le Conseil d'Etat - les uns avec un peu plus de voix que les autres, puisqu'il s'agit d'un scrutin majoritaire - décident à leur tour quels députés vont être envoyés dans des régies publiques, lesquelles, en dehors du fait qu'elles font du service public, sont notre propriété. Elles sont la propriété de l'Etat de Genève, et vous êtes élus pour prendre des décisions dans certains cas au sujet de ces régies, mais, pour d'autres et en vertu de la séparation des pouvoirs, c'est nous - le Conseil d'Etat - qui sommes compétents.
Prétendre que le fait que ce soient des élus qui le décident n'est pas démocratique, c'est problématique, mais ça l'est d'autant moins que l'on proportionne cette représentation, comme cela a été fait pour les commissions. A trois, cela allait aussi pour moi... Ce qui est important, c'est de garantir la représentation des diverses sensibilités. Cela assure, pour autant que les gens respectent les règles du jeu - et j'ai pu constater qu'ils le font dans certains cas - une protection - ça c'est juste - à l'établissement contre lui-même.
J'ai eu le plaisir de siéger assez longtemps avec M. Bernard Clerc, de l'Alliance de gauche... Eh bien, très souvent, les gens qui sont sur une ligne ont une utilité indiscutable, car ils jouent en quelque sorte un rôle de vigie, de sentinelle ! Et M. Clerc jouait ce rôle à merveille: il s'opposait à certaines choses, et nous recommandait de bien y réfléchir. Mais enfin, je n'ai jamais vu son nom dans le journal ! Et je n'ai jamais vu qu'il fasse de la publicité !
Alors, pour autant - et c'est le point - que vous vous adressiez à la Cour des comptes, à l'Inspection cantonale des finances, au président du Grand Conseil - si vous avez été élus par le Grand Conseil - ou au Conseil d'Etat, vous avez évidemment le droit - et le devoir ! - de dénoncer tout ce qui ne va pas.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, le but principal de ce projet de loi est de déterminer qui décide quoi. Et nous pensons que c'est aux politiques de décider des affaires politiques - et les déchets napolitains, c'était de la politique - et c'est aux organes où coexistent des sensibilités diverses, mais où les gens ont des compétences multiples - il n'y a pas qu'un seul type de compétence - de diriger et de s'assurer que l'établissement public, soit la direction générale, suit bien les règles, les lois et les plans directeurs.
Voilà pourquoi nous défendrons ce projet de loi, et je n'ai qu'un regret, Monsieur Stauffer, c'est que nous n'ayons pas le droit de décréter que cela soit soumis au référendum obligatoire. En effet, rien ne me ferait plus plaisir que le peuple se prononce sur un sujet aussi important ! (Vifs applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous entrons en procédure de vote. Je vous soumets l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 10679 est adopté en premier débat par 62 oui contre 27 non et 1 abstention.
Fin des débats (2e et 3e débats): Session 01 (novembre 2011) - Séance 5 du 18.11.2011