République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10809-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant les états financiers de l'Etat de Genève et la gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2010

Suite du deuxième débat

Comptes de fonctionnement (suite)

CHAPITRE 4 : SECURITE, POLICE ET ENVIRONNEMENT (suite)

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, dans un premier temps, j'aimerais revenir sur les déclarations du député Falquet, tout à l'heure, concernant la sécurité. Aujourd'hui, nous vivons dans une société nettement moins renfermée que précédemment; les frontières se sont ouvertes, la Suisse n'est plus un petit îlot écarté du reste du monde. Il est vrai que nous en subissons aussi les conséquences. Quand j'entends M. Falquet prétendre qu'il faut laisser la police décider de ce qu'il faut faire en matière de sécurité, c'est totalement surréaliste ! La police - c'est d'ailleurs un des problèmes que nous vivons encore aujourd'hui - s'est comportée comme un Etat dans l'Etat, ne respectant pas les règles démocratiques que le parlement voire les citoyens veulent donner afin d'insuffler une direction à la politique à mener. Et que la police se permette d'agir de la sorte est totalement inacceptable dans une démocratie ! D'autre part, il ne faut pas oublier que la Suisse connaît aussi une situation économique dans laquelle environ 10% de la population se trouvent dans des conditions précaires, chômage ou autre, et cela génère également des problèmes en termes de comportements humains, lesquels contribuent au sentiment d'insécurité au sens large. En effet, le sentiment d'insécurité ne provient pas seulement des agressions. D'ailleurs, on le sait très bien. Parce qu'à présent on se focalise aussi sur les mendiants, par exemple; alors que ce ne sont a priori pas eux qui en commettent. Donc, ce problème dépasse les frontières suisses.

De plus, nous faisons des choix de société - enfin, vous faites des choix de société ! Par exemple, en décidant de baisser les impôts de 400 millions de francs, alors que nous avons besoin de moyens supplémentaires. Pour la police certainement, mais encore plus pour l'éducation ! Parce qu'on a encore entendu tout à l'heure qu'on allait renforcer les dispositifs en termes d'éducateurs - c'est très bien - pour les jeunes sortant de la scolarité obligatoire et ne trouvant pas de débouchés. Cependant, on pourrait se dire qu'il serait bien plus utile de donner des moyens à l'éducation plutôt qu'aux gardiens de prison et à la police !

Et puis, la criminalité, elle est aussi importée ! Il ne faut pas oublier que notre voisin... Vous avez évoqué le fait que c'étaient des Nord-Africains: je vous laisse la responsabilité de vos propos. En réalité, que se passe-t-il ? Ce sont des personnes venant de France, parce que, simplement, ce pays mène une politique d'exportation de sa criminalité ! C'est la politique libérale de M. Sarkozy, qui consiste à exporter la petite criminalité. Parce que, en l'occurrence, nous n'avons pas les mêmes lois, ni la même répression ! Et moi, je les ai vus ces gens-là ! Je les ai vus dans un train, un samedi, ils venaient tous à Genève parce que c'est sympa - ils n'avaient pas de ticket de train, ils n'avaient rien, c'était entre Grenoble et Genève - et les gens viennent à Genève pour cela ! C'est la réalité ! Et ça c'est la France, c'est la politique libérale de M. Sarkozy ! Parler du karcher est une chose, or la réalité est que si les gens n'ont pas de travail et s'ennuient dans une société de consommation, ça pousse à la délinquance. Cela ne justifie pas... Il faut plus de policiers, c'est certain, mais il ne faut pas oublier cela !

Et quand la Suisse planque dans ses coffres-forts l'argent des dictateurs de la terre entière, elle entretient la misère ailleurs sur Terre ! Alors ce n'est pas étonnant non plus que certains viennent chercher... (Brouhaha.) ... la richesse où elle se trouve. Nous en subissons les conséquences ! Mais il ne faut pas oublier que ce n'est pas qu'une question de politique menée par le département. Et ce n'est certainement pas en laissant la police responsable de la politique en la matière que nous allons nous en sortir. C'est une responsabilité collective. Il faut des moyens, il faut une meilleure répartition des richesses, il faut des moyens pour l'éducation, la vraie - et pas des cours de latin, d'ailleurs !

J'en viens à ma petite question...

Des voix. Ah !

M. Roger Deneys. Et j'ai une petite question !

Des voix. Ah ! (Chahut. Le président agite la cloche.)

M. Roger Deneys. Non, c'est... Enfin, oui, c'est une question. Dans les comptes détaillés du département - comptes que vous n'avez pas eus sous les yeux - il y a la rubrique 04.03.14.00 intitulée: «Service des affaires militaires». C'est une remarque tout à fait «capitale», parce que cela concerne un montant de 1000 F... Je vous laisse apprécier, par rapport au budget de l'Etat, qui est de l'ordre de 8 milliards ! Mais franchement, cela pose un petit problème de méthode, car il y a une rubrique qui s'appelle «Abonnements de soutien aux revues militaires»... (Commentaires. Brouhaha.)

Le président. Il faudra songer...

M. Roger Deneys. «Abonnements de soutien aux revues militaires» !

Le président. ...à conclure, Monsieur le député ! Vous en êtes à quatre minutes trente.

M. Roger Deneys. Ma question est très claire. Un abonnement de soutien, ça s'appelle une subvention. Donc cette ligne ne peut pas exister sous cette forme. Certes, nous pouvons être abonnés à des revues militaires, mais si nous souhaitons les subventionner, alors il faut en faire une ligne appropriée pour une subvention de l'ordre de 500 F. Ce d'autant que l'explication donnée était: «On peut y passer des annonces pour recruter du personnel.» Je n'ai jamais entendu dire que quelqu'un devait prendre un abonnement de soutien pour pouvoir publier ensuite des annonces ! L'explication ne tient donc pas ! Je compte ainsi sur le département pour mettre fin, pour le budget 2012, à cette subvention cachée pour les revues militaires. (Applaudissements.)

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Effectivement, à propos de cet abonnement et cette revue - que j'ai toujours un immense plaisir à recevoir, mais qui n'est pas ma revue de chevet, je m'empresse de le préciser ! - eh bien, ne serait-ce qu'au niveau des archives, il est nécessaire de pouvoir bénéficier de cette connaissance. Donc, je crois qu'on ne remet pas cela en question. On ne parle pas de 1000 F, mais de 500 F, sur un budget d'un demi-milliard de francs. Mais vous l'avez relevé, je ne vous ferai alors pas l'insulte de le rappeler.

Cela dit, au moment du passage à la LIAF, le directeur du service des affaires militaires s'était interrogé sur le subventionnement. Et la réponse précisant que cela doit être considéré comme un abonnement de soutien me semble prévaloir.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Madame la conseillère d'Etat, j'ai écouté avec intérêt votre réponse suite à ma question et, aussi, les propos extrêmement positifs que vous avez tenus vis-à-vis de ce fameux SIS, ce réseau informatique permettant aux polices européennes de coopérer entre elles.

Regardons quelle est la situation à Genève: entre 70 et 80% des personnes arrêtées grâce à ce fichier informatique sont libérées, parce qu'on ne peut pas les remettre à la police française qui, la plupart du temps, ne dispose d'aucun effectif pour assurer le suivi de ce type de dossiers. Ou alors on entre, côté suisse, dans les méandres compliqués du nouveau code de procédure pénale. Dans les deux cas, on se retrouve avec ces prévenus sur les bras.

Ma première question: avec un budget de près d'un demi-milliard de francs, puisque vous connaissez bien le SIS, j'aimerais que vous me disiez ce que vous faites de toutes ces personnes arrêtées. Ma deuxième question, évidemment en lien avec la première, est la suivante: les gardes-frontière arrêtent un certain nombre de personnes, admettons 350, et j'aimerais savoir combien d'entre elles laissent une trace dans un fichier de la police genevoise. En effet, les arrestations liées à la procédure Schengen, d'après les chiffres que j'ai consultés, ne donnent pas du tout la même équivalence entre le travail effectué à la frontière et celui entrepris par vos services; il est bien moindre.

Donc, mes deux questions sont liées. Vous qui nous avez dit que les accords de Schengen étaient merveilleux, que le SIS était un peu comme le CEVA, la réponse à toutes nos angoisses, j'aimerais bien entendre vos réponses.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. A midi, j'ai eu l'occasion de déjeuner avec le directeur de l'Office fédéral de la police, M. Jean-Luc Vez. C'est exactement le type de problématique qui est au coeur des débats. Je vous remercie donc de me donner l'occasion d'y répondre.

Sur les requêtes effectuées dans le fichier SIS, deux cantons tiennent le hit-parade: Zurich et Genève. Vous m'excuserez, et j'aimerais que ce soit inscrit au procès-verbal, mais je ne connais pas le chiffre exact; toutefois, je l'ai cité lors de la conférence de presse sur les statistiques de la police du 22 mars dernier. Sur le nombre de requêtes, il y a ce qui est appelé «les requêtes positives», à savoir celles donnant lieu à une arrestation. Genève est le deuxième plus grand client de requêtes. Je crois qu'elles étaient de l'ordre de 1634, sauf erreur, à Zurich et de 800 et quelques - je vous dis: «et quelques», excusez-moi de l'imprécision - à Genève. Notre canton est donc un très gros client du système. Sur ces 800 requêtes, un certain nombre sont positives, c'est-à-dire qu'elles donnent lieu à une arrestation.

Le problème, Monsieur le député, c'est que la justice a voulu son indépendance. Or, pourquoi arrête-t-on moins à Genève que dans d'autres cantons ? C'est un problème de justice. Il n'est pas question de me défaire de la problématique. On doit mener une politique commune, je l'ai déjà dit, avec le procureur, afin d'avoir un plan quadriennal de la criminalité et une façon conjointe de la prendre en compte. C'est désormais indispensable au vu de la criminalité importée, qui est une réalité, comme cela a été rappelé précédemment. Il nous faut par conséquent avoir une politique criminelle et cibler les bons et les mauvais cas - ce n'est pas seulement dans le domaine médical que cela se fait - et ceci est absolument indispensable !

J'en appelle vraiment à votre considération sur le fichier d'information SIS. Car une fois que la personne est arrêtée, il existe une magnifique qualité d'informations criminelles ! Il y a un mois, j'ai passé une journée à Interpol, à Lyon. Eh bien, c'est magnifique, il y a une qualité du renseignement qui est absolument indispensable, qu'on ne pourrait pas avoir sans ce fichier SIS, et qui permet à notre police de faire des arrestations en matière de police criminelle. Ce n'est pas du baratin ! Ce n'est pas pour vendre Schengen ou autre chose - je n'ai aucun intérêt là-dedans. (Remarque). Non, je n'ai aucun intérêt à vous vendre le SIS ! C'est tellement performant qu'on est en train d'avoir la deuxième génération de SIS, avec une précision des données qui est bien supérieure.

Cela dit, il est vrai qu'il faudra accorder les moyens pour que, à Genève, on puisse engager des cyber-policiers de qualité. Donc il faut pouvoir les payer à cette fin. En effet, il faudrait avoir les moyens de les garder, car, une fois formés à la police genevoise, ils nous sont pris par les banques ! C'est une réalité. Et alors, une fois les personnes arrêtées, c'est un problème. Il n'est pas question de me défaire de quoi que ce soit, c'est un problème de justice ! Il faut qu'on soit beaucoup plus rigoureux sur la manière de mettre en place le système juridique que nous avons maintenant à Genève, mais qu'il nous faut déployer d'une façon beaucoup plus rigoureuse.

M. Roger Golay (MCG). Tout d'abord, Monsieur le président, pour épargner les crises d'urticaire à mon détracteur privilégié, M. Roger Deneys, j'appliquerai l'article 24 pour le vote.

Comme vous le savez, j'ai été souvent critique à l'égard du Conseil d'Etat quant à la politique menée en matière de sécurité. Aujourd'hui, je me dois de reconnaître à Mme Rochat une volonté véritable d'améliorer les conditions de la sécurité publique par les réformes qu'elle propose, notamment avec le projet PHENIX auquel elle a réussi à associer les syndicats policiers. Ce n'est pas un coup de lèche que je fais, puisque je suis en fin de carrière, comme vous le savez tous - je n'ai plus aucune ambition - mais je dois reconnaître l'effort entrepris.

La sécurité est l'affaire de tous, c'est juste, contrairement à ce que prétend l'UDC. La sécurité à Genève est ce qu'elle est ! Il faut se rappeler qu'aujourd'hui nous sommes une métropole. Dans ce cadre, nous avons aussi la criminalité qui va avec, et non plus celle du petit village genevois, comme nous l'avons connue il y a des dizaines d'années.

Je rappelle aussi à M. Bertinat - vous lui transmettrez, Monsieur le président - que la sécurité est l'affaire de tous. Je pense que chaque citoyen de ce canton doit être un partenaire de la police. L'UDC parle de sécurité et veut nous donner des leçons à ce sujet... Je vous rappelle quelques faits: il y a encore peu de temps, quelques années - puisqu'ils ont deux législatures et demi - eh bien, pendant deux législatures, ils ont combattu la fonction publique par tous les moyens, notamment la loi sur la police, pour réduire les conditions sociales des policiers et arriver à leur démotivation complète - et il aura fallu des années pour que ces derniers retrouvent la motivation qui fait leur force. Eh bien, non seulement ils se sont permis de réduire la motivation, mais ils ont constamment proposé des coupes linéaires, aussi bien dans le reste de la fonction publique qu'à la police ! Aujourd'hui, cette situation est le résultat de la politique qu'ils ont conduite jusqu'à présent. C'est donc à vous maintenant de reconnaître que la politique que vous avez menée a abouti à une situation relativement désastreuse en matière de sécurité. Vous n'avez rien fait pour l'améliorer !

Et cela a produit, en matière de sécurité, des effets sur la criminalité - la pègre est en train de gagner - par le nouveau code de procédure pénale, que le premier parti national a voté ! Vous étiez là, à prendre toutes les modalités pour entraver le travail de la police - on parle de l'avocat de la première heure, des jours-amende, etc. - ce qui fait que la police est désormais sclérosée par rapport au nouveau code de procédure et qu'elle ne peut plus agir du tout !

Je veux aussi répondre à M. Deneys, lorsqu'il parle de sécurité. Alors moi, ça me fait sourire quand la gauche strauss-kahnienne nous parle de ce sujet. (Rires. Exclamations.) Quand vous parlez des heures supplémentaires, Monsieur Deneys... Ce que je vous reproche à vous, les socialistes - vous leur transmettrez, Monsieur le président - ce n'est pas l'effet des heures supplémentaires dans le cadre de la vie sociale des policiers, mais le montant qu'elles coûteront ! A croire que c'est le profit qui parle avant tout...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Roger Golay. Je vais terminer. A croire que la seule chose qui intéresse les policiers c'est de tirer profit des heures supplémentaires, non Monsieur ! Vous ne vous faites pas autant de souci pour les heures supplémentaires des enseignants du secondaire... (Brouhaha.) ...qui en ont tout autant, voire beaucoup plus !

J'en arrive à ma question, Monsieur le président, sur la formation des policiers. Nous savons tous que si la situation est telle... Et j'aurais voulu parler de Schengen, mais il ne me reste pas assez de temps - je prendrai peut-être encore la parole plus tard.

On parle de formation. Il faut à tout prix recruter des policiers. C'est l'élément essentiel qui nous permettra d'améliorer la sécurité à Genève. Au niveau de la formation, ça coince, simplement parce que nous ne pouvons engager que trente-six policiers par école de gendarmerie. Je demande donc à Mme conseillère d'Etat ce qui est prévu par rapport à cela: tronc commun, Savatan ou autre. Je termine ici, puisque j'ai épuisé mon temps de parole.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Vous pensez bien que si l'on parle de réorganisation de la police, la formation n'y échappe pas. J'ai l'habitude de parler de chaîne de la sécurité, et la formation en est le premier maillon. Il montre quelques signes de faiblesse en ce moment. Il s'agit de revoir le recrutement, afin de le professionnaliser, c'est pourquoi j'ai suspendu la nomination du remplaçant du responsable de la formation, non pour en empêcher une à l'interne, mais pour prendre le temps de réfléchir à ce que doit être la formation. A ce sujet, je suis en contact avec mes collègues romands et suisses allemands, mais il n'est pas question d'importer à Genève un système purement suisse allemand, car ils ont d'autres façons de travailler et chaque école doit être adaptée à ses spécificités.

En revanche, à Genève, il est nécessaire d'avoir une formation en police urbaine. Or, dans un canton qui ne connaîtrait pas la problématique de la criminalité urbaine, telle qu'on la connaît à Genève, la nécessité n'est peut-être pas la même. On pourrait ainsi imaginer à terme un regroupement de formations dans des cantons-villes qui connaissent, comme Zurich ou Bâle, la criminalité urbaine. Ce n'est pas le sens de la réforme que je vais vous proposer la semaine prochaine, mais c'est d'avoir - et vous le savez bien, puisque les indications sont déjà sorties sur la place publique à travers les syndicats, ce que je pense être une bonne chose - c'est d'arriver à instaurer un système qui permette d'avoir non seulement un recrutement professionnel mais aussi un tronc commun de formation. C'est vrai que les inspecteurs ne sont pas très chauds à l'idée de faire du maintien de l'ordre ! On peut le comprendre. Ils ont peur que le niveau de recrutement des inspecteurs tombe et que je ne fasse cette réforme que pour les gendarmes. On entend cela et je le relaie comme je l'ai entendu. Je défendrai mon recrutement unique, car je pense que c'est vraiment la solution.

Une fois le recrutement professionnel en place, des passerelles, des ponts - chers à notre collègue M. Beer - permettront, au même titre qu'on le fait au cycle d'orientation au niveau d'une formation au sein d'une école de police, eh bien, permettront à certains ayant des aptitudes à être inspecteurs et à d'autres qui en auront peut-être davantage pour s'occuper du maintien de l'ordre et de la police de rue, de s'engager sur une voie spécifique. Je crois que c'est important de se pencher sur le recrutement. Il faut aussi remonter le niveau. Je suis désolée, je ne veux pas me montrer dénigrante par rapport à la formation que vous avez suivie, mais on voit que les jeunes recrutés n'ont pas un niveau scolaire suffisant; je parle de l'écriture et des choses toutes simples. Il faut donc absolument relever le niveau de la formation.

C'est vrai que la motivation n'y est plus, vous l'avez dit très justement. Il faut pouvoir la rehausser par une formation unique qui permettrait ensuite aux inspecteurs, à ceux qui savent dès le départ que le travail judiciaire ou que le travail technique et scientifique les intéressent plus, de s'engager sur leur propre voie. Il faut très vite pouvoir leur offrir cette possibilité. Mais aujourd'hui, de faire profiter nos jeunes d'une formation et d'un recrutement communs au moins au départ, c'est non seulement un phénomène genevois ou suisse, mais européen.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. Je vais être assez bref, j'ai dix questions pour vous, Madame la conseillère d'Etat. Comme tout le monde le sait, les députés sont là pour représenter le peuple. Or, un citoyen - il se reconnaîtra - a désiré vous poser dix questions. Donc, je vous les pose formellement dans le cadre de mes fonctions de député du Grand Conseil de la République et du canton de Genève. Je vous remettrai la liste, ainsi vous n'aurez pas besoin de les noter.

Question No 1: la criminalité de rue explose, tout comme les cambriolages, les vols à la tire, etc.; que comptez-vous faire dans l'urgence pour endiguer ces hausses qui viennent rompre le lien de confiance des citoyens envers sa police et ses autorités de tutelle ? Question No 2: quelle doctrine allez-vous donner à vos employés pour remotiver une base policière écrasée par les nouvelles procédures NCPP, la réorganisation opaque de votre prédécesseur et vos travaux actuels qui sèment visiblement un doute inapproprié pour sécuriser vos troupes ? Question No 3: comment expliquez-vous que les criminels soient aussi vite relâchés dans la rue, alors qu'ils font l'objet d'ordonnances de condamnation; ne devraient-ils pas se trouver en prison ? Question No 4: alors que la surpopulation à Champ-Dollon stagne après une forte baisse n'étant pas sans lien avec la mise en application du NCPP - nouveau code de procédure pénale - et que les personnes condamnées ne peuvent pas être détenues dans cette prison préventive, pensez-vous que la construction d'un Champ-Dollon II reste d'actualité dans le cadre des ambitions du Conseil d'Etat ? Question No 5: après avoir déclaré que Plainpalais était votre priorité, voilà que la lutte contre la drogue devient «la» priorité; comment expliquez-vous tous ces atermoiements dans une politique sécuritaire qui ne démontre pas la fermeté attendue par la population, contre les délinquants qui traînent dans nos rues ? (Brouhaha.) Question No 6: il y a peu, on apprenait que la police manquait de budget pour financer les relevés et les analyses ADN, ainsi que pour l'engagement rapide de personnel administratif; le Conseil d'Etat, à travers son budget 2011, n'a-t-il pas fait des économies de bouts de chandelles sur le dos de la sécurité et, ainsi, du bon fonctionnement des institutions ? Question No 7: le pouvoir judiciaire reste en attente de magistrats et de personnel; allez-vous soutenir ces postes nouveaux lors de l'élaboration du prochain budget, afin d'assurer le suivi pénal du travail de vos policiers ?

Et j'arrive bientôt à la fin ! Question No 8: depuis quelques semaines, de nombreux chiffres alarmistes sortent dans la presse, les délits sont en hausse, les policiers sont désabusés et dans un grand désarroi que vous aviez pourtant déjà constaté à votre arrivée à la tête de ce département; ne pensez-vous pas que vous vous êtes laissé entraîner dans une spirale organisationnelle, ceci au détriment des besoins de l'opérationnel et du quotidien ?

Avant-dernière question. Vous donnez l'impression de ne pas vouloir heurter le parlement avec des dépassements de crédit, comme si l'aspect financier était prioritaire sur la gestion des coûts de la sécurité au bénéfice de la population; malgré votre double majorité politique, avez-vous l'impression de ne pas être soutenue par le parlement, qui ne répondrait alors pas favorablement à vos requêtes ? Et dernière question - pour terminer, un peu d'humour - vous avez hérité d'une patate chaude il y a bientôt deux ans: à ce jour, part-elle en frite, en robe des champs, en purée, ou allez-vous la faire sauter, telle une pomme de terre nouvelle ? (Exclamations. Applaudissements.) Voilà ! Je vous apporte les questions.

Le président. Monsieur le député, il est évident que ce parlement ne peut traiter qu'avec le plus grand sérieux les questions des députés quels qu'ils soient, mais vous conviendrez avec moi qu'il n'est pas forcément simple pour Mme la conseillère d'Etat de répondre à vos questions, toutes plus pertinentes les unes que les autres.

M. Eric Stauffer. Monsieur le président, si vous me permettez...

Le président. Laissez-moi juste finir ! Dans la mesure où j'ai cru comprendre que vous n'étiez pas favorable à ces comptes, je vous fais une proposition. Ne trouveriez-vous pas judicieux de transformer ces dix questions en dix interpellations urgentes, de façon que vous ayez les réponses que méritent les questions que vous posez à l'exécutif ?

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président, pour vos conseils. Pour l'instant, je pense que la plupart des questions pourraient trouver leur réponse auprès de Mme la conseillère d'Etat. Nous l'avons dit, et je le répète en conclusion, puisque ce sera ma dernière intervention pour ce département: nous ne sommes pas favorables à ces comptes, car nous estimons qu'il y a des choses à améliorer, notamment sur le système de contrôle interne au niveau financier. Bien entendu, cela n'a rien à voir avec la police, la police de sûreté, la gendarmerie ou la PSI, car, là, on parle de gestion départementale et, effectivement, il y a beaucoup de choses à dire.

Nous nous opposerons donc aux comptes, car nous estimons qu'ils ne répondent pas aux exigences légales en matière de comptabilité. Je termine. Ce qui n'empêche pas de poser des questions d'ordre politique, comme je viens de le faire, et d'attendre les réponses. Et si, Madame la conseillère d'Etat, vous ne pouvez pas répondre à toutes les questions, eh bien, vous pourrez toujours le faire par écrit. Je les accepterai, à titre individuel, par un courrier séparé. Merci.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. On va les attaquer une par une. La première, la criminalité de rue, j'ai eu l'occasion de l'expliquer tout à l'heure à l'un de vos collègues. Je vais relier quelques questions, notamment celle portant sur la spirale organisationnelle. Encore une fois: on me donne 1000 policiers, je ne sais pas où les mettre ! La réorganisation, telle qu'elle va être proposée la semaine prochaine, est une nécessité, précisément pour pouvoir mettre les collaborateurs au bon endroit ! C'est absolument indispensable.

Pour la criminalité de rue, comme cela a été dit, la sécurité est l'affaire de tous, la population doit aider. Les 1000 cambriolages par mois sont inacceptables. La police ne pourra jamais répondre pour les endiguer, si les propriétaires de villas et les locataires ne prennent pas conscience de ce qu'ils doivent prévenir leurs voisins lorsqu'ils partent en vacances, s'ils s'absentent ou s'ils entendent un bruit à l'étage en dessus. C'est ça la sécurité pour tous ! Il n'est pas question de mettre en cause le travail du policier, mais de faire comme dans certains pays, c'est-à-dire d'instaurer des réseaux. Il n'est pas question de faire de la délation, mais de mettre en place des réseaux, cela pour signaler si l'un ou l'autre des voisins de l'allée de l'immeuble a vu entrer quelqu'un de pas très respectable, et ainsi de suite. La criminalité de rue est vraiment l'affaire de la police de proximité ! Il faut d'abord définir la proximité, et ensuite affecter une brigade uniquement à cela !

Donc, il est aussi question, si l'on continue la chaîne, que le policier d'un poste, mettons de Carouge, où il y a passablement de cette criminalité - je ne parle pas de Plainpalais ou autre, vous le citez... Le policier doit pouvoir interpeller ou commencer une saisie de drogue, parce qu'au hasard d'une rue il en a fait une, et ensuite disposer d'une brigade de reprise, de manière à transmettre l'affaire à un inspecteur ayant les réseaux et qui sait exactement où se trouve l'essentiel du problème. C'est indispensable ! Et si l'on peut donner au policier des ressources administratives, à l'intérieur du poste - afin que ce dernier soit aussi ouvert un peu plus longtemps - en permettant ainsi au policier de faire son travail dans la rue, eh bien on aura déjà répondu à plusieurs problèmes.

Toutefois, cela est impossible sans mettre en perspective tout ce que fait la police et sans avoir redéfini ses missions ! Personne n'a jamais vraiment redéfini ses missions ! Encore une fois, il n'est pas question de jeter la pierre à Pierre, Paul ou Jacques, ou de savoir ce qui s'est fait avant, ce n'est pas mon problème. Ce qui m'intéresse se trouve devant, et non derrière ! Je peux vous assurer que la spirale dont vous parlez est indispensable pour parvenir à un nouvel organigramme et à redéfinir les missions. Voilà pour une série de questions. J'ai répondu ainsi à la première en ce qui concerne la criminalité de rue.

Quant au NCPP, je l'ai dit tout à l'heure, avant, on a coupé dans les postes administratifs. Maintenant, il y a - le NCPP a mis cela en lumière, quelques brassards et barbes dans la rue l'ont démontré - une inquiétude par rapport au travail administratif qui ajoute une couche supplémentaire. Ma responsabilité - cela figure dans le budget que je vais vous présenter en décembre - c'est très précisément de pouvoir donner des forces administratives, de façon que le policier puisse passer la main, c'est-à-dire confier le dossier à quelqu'un, à un commis administratif, ce qui était le cas dans le temps. Vous savez, je n'invente rien ! C'est simplement frappé au coin du bon sens. On remet les choses comme elles étaient auparavant: avec des commis administratifs qui sont au poste et peuvent soulager le travail administratif du policier. Ainsi, une fois que ce dernier a fait une interpellation, il peut retourner accomplir sa mission dans la rue.

S'agissant des criminels qui sont vite relâchés et faisant l'objet d'une ordonnance de condamnation, je l'ai aussi indiqué tout à l'heure, la justice a peut-être besoin de faire preuve d'un peu plus de fermeté, avec un message extrêmement clair. La politique criminelle commune qu'on doit instaurer avec le Ministère public est une réalité: il faut absolument arriver à faire en sorte que, une fois l'ordonnance de condamnation prononcée, des opérations s'ensuivent sur le terrain pour, une fois le délai expiré, arrêter les criminels en question. C'est vrai que cela prend un peu plus de temps, mais Champ-Dollon, comme vous l'avez relevé, est essentiellement une prison de détention préventive, et elle a désormais une meilleure qualité de détention par rapport à ce que nous avons connu avec, l'année dernière, un pic à 622 détenus.

Sur la question de Champ-Dollon II, la réponse viendra dans la planification pénitentiaire que je vous dois pour cet automne. On construit maintenant beaucoup de lieux de détention, qu'il s'agisse de Curabilis, pour des détenus malades et qui ont besoin d'être soignés, ou qu'il s'agisse de maisons de semi-détention. On a donc absolument besoin de savoir où l'on va. Afin de prévenir les à-coups que nous avons connus l'année dernière, qui stressent les services, les département et mes collègues, il faut se déterminer sur un nombre de places de détention que Genève est prêt à réaliser - en fonction des finances également, car il y a une réalité budgétaire que vous connaissez aussi bien que moi - et il faut arriver à lisser, sur trois ou quatre ans, le nombre d'infrastructures, de gardiens, d'aspirants et d'écoles à ouvrir. Voilà pour Champ-Dollon II.

Concernant Plainpalais, on parle beaucoup de l'effet «plumeau»: on a chassé les délinquants des Pâquis, maintenant ils sont à Plainpalais. Alors, on y mettra des forces, et puis ils iront aux fêtes de Genève, sur les quais... Donc l'idée est d'avoir une brigade de proximité permettant de suivre ces noeuds, pour empêcher qu'ils deviennent incontrôlables, comme cela a été le cas dans des quartiers comme les Pâquis, des quartiers qui ont été laissé à l'abandon.

Maintenant, concernant l'ADN, il faut relever que les choses n'ont pas été très clairement expliquées dans les journaux. Toutes les prises ADN sont faites ! Elles ne sont pas toutes traitées au niveau de la police, mais elles sont toutes faites ! Toutes ! Cela prend du temps. On a un contrat avec les hôpitaux universitaires, tout passe par leur laboratoire, or toutes les prises ADN sont faites sur le lieu du crime ou du brigandage ! Toutes ! Je ne peux pas laisser dire, parce que c'est extrêmement anxiogène pour la population, que les prises ADN ne sont pas faites ! En revanche, là où vous avez raison, c'est qu'elles ne sont pas toutes traitées. Ensuite, elles le sont en fonction des affaires. C'est très important de faire la distinction. Sur le coût des prises ADN, je viendrai avec un budget plus important cette année. Voilà pour les prises ADN.

Je crois que j'ai fait le tour... (Remarque.) Le pouvoir judiciaire, les postes nouveaux ? Au pouvoir judiciaire, ce sont des «grands» maintenant. Ils ont voulu leur autonomie, d'accord ? Je suis sensible au fait que, pour mener une politique pénale commune, il faut absolument des forces administratives judiciaires. A présent, il y a un nouveau code de procédure; il faut donner la possibilité aux juges et aux magistrats de suivre administrativement, mais je les laisserai venir eux-mêmes avec ces demandes.

Les dépassements de crédit ? Oui, je crois qu'ils sont nécessaires. Vous les avez vus, vous les avez soutenus, et je vous en remercie. Si c'est le moment, je le ferai, notamment pour l'affranchissement des contraventions - tiens, ça c'est une question qui manque ! - pour les prises ADN et pour les heures supplémentaires. Encore une fois, je rends hommage aux députés de la commission des finances qui m'ont accordé tout cela de façon quasi unanime. Puis, pour l'humour: j'aimerais bien que cela ne finisse pas en fondue !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole est à Mme la députée Céline Amaudruz.

Mme Céline Amaudruz (UDC). Merci, Monsieur le président - ou devrais-je peut-être remercier M. Golay, qui a pris la casquette de conseiller d'État, tout à l'heure, pour répondre à certaines questions de députés. Or je crois qu'il serait bon de laisser cela à notre cheffe de département, que je tiens à remercier en premier lieu pour avoir répondu aux questions de M. Stauffer. En effet, la population aimerait savoir ce qu'il se passe, car la situation est grave et alarmante. Je dirai même qu'elle est scandaleuse.

Genève vit l'année de tous les records et je ne crois pas qu'il faille s'en pavaner. Tous les jours, on lit des drames dans les journaux. On a commencé par prendre connaissance des 1000 cambriolages par mois. On pourra continuer à prétendre que Schengen n'y est pour rien... Pourtant, avant Schengen, il y avait 5000 cambriolages par année. Maintenant, nous en sommes à 1000 par mois ! C'est peut-être une coïncidence, mais elle me paraît vraiment grosse.

Les braquages qui n'arrêtent pas de s'enchaîner à Genève, on préfère ne pas trop en parler, à part s'ils se déroulent sur la place publique, pour faire croire que ça va ! Pourtant, on connaît tous des gens qui se sont fait braquer avec une arme puis ligoter: c'est terrifiant, ils ne s'en remettent quasiment jamais.

Le bonneteau ? On vient de faire passer la loi, cependant les joueurs sont toujours là - ils se multiplient, ça fait plus d'un an. Je crois qu'il serait temps de faire quelque chose ! Les mendiants ? On les voit à la sortie de l'autoroute, ils se jettent sur votre voiture avec leur petit savon; si vous refusez de leur donner une pièce, celui de derrière arrive avec l'éponge... Ce n'est pas une image que la Genève internationale doit donner !

Les vols à la tire ? Encore une fois, on est les champions. Ces derniers jours, il y avait un article à ce propos, le nombre de vols à la tire augmente dans les bus.

La drogue ? Je crois que, dorénavant, pour enseigner la théorie de l'offre et de la demande, les professeurs de l'université prendront l'exemple de l'héroïne, car nous sommes la ville au monde où cette drogue est la moins chère. En effet, le marché est tel, que la loi de l'offre et la demande s'applique.

Le 117 ? Est-ce qu'on doit revenir sur ce problème ? Je rappelle qu'en 2007 une jeune-fille avait tenté d'appeler la police à trois reprises: la police n'a jamais répondu et la jeune-fille s'est fait violer. Le procès a eu lieu au cours de l'été dernier, la police n'a pas été tenue pour responsable. Mais je ne peux pas comprendre comment un appel n'a pas été entendu: des messages ont été laissés. Or on prétend que ce service marche ! Le 144 marche, tout comme le 118, or le 117 ne fonctionne pas ! Alors oui, on a peur ! La population a peur. Il y a des jours, cela dit sans ironie, Madame Rochat, où je me demande si vous habitez encore à Genève !

Le président. Il vous reste trente secondes, Madame la députée.

Mme Céline Amaudruz. Je vais conclure. J'aimerais qu'on réponde aux questions suivantes - j'en ai quatre, je ne répéterai pas celles de M. Stauffer. Y-a-t-il, selon vous, des effectifs suffisants au sein de la police ? Quand pensez-vous informer correctement la population sur la situation sécuritaire ? Qu'attendez-vous pour modifier la loi sur les APM, afin qu'ils puissent enfin agir sur le volet répressif du bonneteau ? Je vous remercie. (Remarque.) Bon, il y en a trois ! (Commentaires.)

Le président. Madame la conseillère d'Etat, vous avez droit à une question bonus, mais peut-être souhaitez-vous répondre aux trois autres.

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Une réponse: je vous le confirme, j'habite à Genève. Non seulement j'habite à Genève, mais je vais dans les postes et dans des quartiers qui ne sont pas épargnés par ce que vous venez de décrire. Vous avez raison, la situation est catastrophique, dramatique et préoccupante. C'est une réalité.

Les mesures urgentes, je n'y crois pas, parce qu'alors on a l'effet «plumeau» décrit tout à l'heure: on chasse les délinquants d'un endroit, et ils vont dans l'autre ! En revanche, votre question est intéressante s'agissant des forces que l'on met à disposition. Les effectifs sont-ils suffisants ? J'ai envie de vous donner une réponse de Normand: oui et non. A Genève, en termes de proportionnalité dans toute la Suisse, je vais dire quelque chose qui va sûrement choquer: les effectifs sont suffisants. Cela dit, je continue à les augmenter dans chacun de mes budgets, je me suis engagée à le faire, car c'est une nécessité. Cependant, avec un simple calcul du nombre d'habitants par rapport au taux de criminalité, on peut considérer que la police doit pouvoir fonctionner avec ce qu'elle a. Néanmoins, c'est clair que, sur le terrain, il faut faire de la Realpolitik, et l'on se rend bien compte que cela ne marche pas ! D'où ma décision, l'année dernière, de revoir l'organisation. Il n'est pas question d'entrer dans quelque chose d'abstrait et de vous proposer un énième rapport, j'ai eu l'occasion de le dire. Il est question de mettre les forces au bon endroit !

Vous me parlez du 117 et de ce cas dramatique où la patrouille a mis vingt-trois minutes pour arriver: j'ai fait remonter ce cas, lorsque vous l'avez évoqué l'année dernière. (Remarque). Enfin, je parlais de celui du Bourg-de-Four... Peu importe, de toute façon c'est trop. Je pourrai vous citer une dizaine de cas, mais même un seul, de toute façon c'est trop.

Dans la réorganisation de la police, une des brigades sera spécialement affectée à Police Secours. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je l'ai dit tout à l'heure, mais vous n'étiez peut-être pas attentive, il y a une brigade qui s'appelle «Police Secours», laquelle va être directement affectée à la CECAL. Il n'est pas question d'avoir trois ou quatre centrales d'engagement, il en faut une ! Avec un réservoir de collaborateurs, directement assignés à la mission de Police Secours. Il est inacceptable qu'un citoyen ou une citoyenne, ou qui que ce soit, qu'il s'agisse du cas que vous avez cité tout à l'heure ou d'un autre, ou du cas de ce jeune qui, en prenant le Noctambus, s'est fait agresser à Rive - tous ces cas, je peux vous les citer... Non seulement j'habite à Genève, mais j'ai conscience du souci de la population. Et cette brigade de Police Secours peut être assez facilement mise en place: on a les effectifs, il faut pouvoir les affecter à cette mission ! Donc, il y a la brigade de proximité et la brigade de Police Secours, ce sont les deux qu'on peut faire intervenir dans un délai relativement rapide. Voilà, pour répondre à la question concernant le 117.

S'agissant des effectifs, encore une fois, on peut considérer qu'il est nécessaire de les augmenter, mais dans un ordre spécifique, avec des missions précises et selon une organisation qui permette de les rendre opérationnels.

Concernant les APM, ils ont été, à travers leurs syndicats, associés à la réorganisation. C'est une question qui ne pourra pas se résoudre d'un coup. Une discussion doit avoir lieu avec les communes, de façon à revoir la loi, entrée en vigueur le 1er janvier 2010, sur la collaboration entre la police cantonale et les APM. Avec M. Maudet, nous avons prévu de faire une évaluation au 1er janvier 2012, deux ans après l'entrée en vigueur de la loi, afin de faire le bilan du positif et du négatif. Or, à terme, lorsqu'on dit: «un canton, une police», cela doit devenir une réalité, mais cela ne pourra pas se faire d'un seul coup. Je crois que, progressivement, les communes devront comprendre que si elles veulent se doter de moyens supplémentaires, il faudra qu'elles soient d'accord de rentrer dans cette démarche, afin de donner aux polices municipales les moyens d'être plus efficaces... Enfin, pas plus efficaces, mais plus opérationnelles. On ne peut pas demander à une commune d'envoyer ses APM non armés sur un lieu de crime ou de deal, c'est simplement irresponsable.

M. Eric Leyvraz (UDC). Madame la conseillère d'Etat, je vous ai écoutée avec beaucoup d'attention et je dois avouer que, parfois, je n'arrive pas à comprendre votre manière de voir les choses. Vous avez déclaré qu'il fallait être pragmatique et comprendre, en parlant de sécurité, que Genève n'est plus la ville que l'on a connue il y a trente ou quarante ans.

Madame, en 1967, j'étais à New York. A l'époque, c'était la plus grande ville du monde, une ville extraordinairement dangereuse et sale. Je me souviens encore, parce que cela m'avait frappé, des conseils de survie que me donnaient mes amis sur place, notamment si l'on conduisait un véhicule: «Si tu te fais arrêter par la police, ne fais pas de geste brusque, garde tes deux mains sur le volant, attends qu'on t'ouvre la porte, mets les deux mains sur le toit». La situation était catastrophique ! La saleté de la ville aussi nous surprenait. De voir des gens lire le journal et, ensuite, le jeter par terre, dans la rue, pour moi qui venais de Genève c'était quelque chose d'assez invraisemblable. Aujourd'hui, New York est une ville propre ! New York, aujourd'hui, est une ville sûre ! On peut se balader en sécurité dans les rues et dans les parcs. On n'a pas de sentiment d'insécurité ! Ce qu'a réussi New York avec ses 12 à 15 millions d'habitants, il me semble que Genève, avec ses 450 000 habitants, devrait aussi pouvoir le faire ! New York, c'était une situation désespérée, or on voit ce que c'est aujourd'hui. Ma question, Madame, est très simple: pourquoi, en matière de sécurité, partez-vous avec la mentalité d'une battue d'avance ?

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. C'est clair que M. Giuliani a fait de l'ordre et a appliqué la tolérance zéro au quotidien. Il ne l'a pas fait d'un coup d'un seul. Si je devais partir perdante, ce n'est pas sur la réorganisation que je vous proposerais d'entrer en matière, avec la nouvelle la loi sur la police. Ce n'est pas cette démarche que j'adopterais. D'abord, ce n'est pas dans mon tempérament de partir perdante, et je vous assure que la tolérance zéro est le message donné quotidiennement à la police. Le commandant de la gendarmerie le sait très bien. La tolérance zéro n'est simplement pas applicable en l'état, d'un coup d'un seul, je l'ai dit tout à l'heure. Les mesures d'urgence, en termes de sécurité, je n'y crois pas, comme je n'y croyais pas l'année dernière en termes de politique carcérale. On ne peut pas adopter des mesures d'urgence: il s'agit d'un changement de paradigmes, d'un changement de mentalités, d'un un changement dans l'esprit de la population !

Encore une fois, on ne peut pas mettre... Idéalement, il faudrait mettre un policier derrière chaque habitant. Le nombre de policiers en Suisse est de 2 pour 1000 habitants; à Paris, il est de 8. Alors, effectivement, on peut demander à 1000 policiers de venir en plus... (Brouhaha.) ...on peut leur demander d'appliquer ce qui s'est fait à New York. Toutefois, ce n'est simplement ni la même politique ni la même façon d'appréhender la sécurité publique - comparaison n'est pas toujours raison - et M. Giuliani avait de bonnes raisons de le faire. Pour avoir passé quelques années à New York - c'était en 1980, pas en 1967 - où j'avais peur de rentrer en métro le soir - on savait que la chaîne en or autour du cou pouvait être arrachée - eh bien je l'ai vécu. J'étais seule à New York, je l'ai vécu au quotidien. Mais on ne peut quand même pas comparer la situation de Genève avec celle de New York, tout comme je ne ferai pas l'affront de me comparer à M Giuliani.

M. Pascal Spuhler (MCG). Madame la conseillère d'Etat, je dois dire qu'un certain nombre de réponses me satisfont énormément et j'espère qu'elles ne resteront pas que théoriques, mais qu'elles seront mises en pratique. J'espère aussi qu'au sein du MCG on pourra vous aider un maximum à réaliser ce voeu.

J'ai quand même relevé quelques points qui me perturbent - on va le dire comme ça - concernant le réseau SIS Schengen que vous avez mis en avant et qui vous permet d'avoir une information très intéressante jour après jour sur la criminalité. Nous avons pu constater, depuis que nous avons adopté Schengen, Mme Amaudruz l'a signalé, que la criminalité a quasiment doublé. Alors, un beau réseau d'informations sur la grande criminalité, c'est bien, mais la petite criminalité en profite largement ! Malheureusement, les policiers qui sont derrière leurs écrans ne sont pas dans la rue, laissant alors la petite criminalité s'installer et la population en subir les conséquences. (Brouhaha.)

Vous dites que 1000 politiciens... Pardon: 1000 policiers ! Quoique parfois des politiciens dans la rue, ce serait pas mal pour voir la réalité en face ! Vous dites que 1000 policiers ne seraient pas utiles. Vous ne sauriez peut-être pas où les mettre, si ce n'est dans la rue. Vous ajoutez que ces 1000 policiers ne diminueraient pas forcément la criminalité; je suis un peu étonné par ces propos. Il me semble que si nous avions 1000 policiers de plus, nous pourrions réduire la criminalité, surtout celle de rue, parce que la police de proximité sert quand même à ça. J'en veux pour preuve l'essai que vous faites avec le poste de police intégré des Pâquis, où vous avez mis une brigade complète: la brigade de la voie publique, la BP. Elle essaie de faire son travail au sein des Pâquis et doit s'occuper non seulement des dealers, mais aussi des pickpockets et du bonneteau. On va lui donner beaucoup de missions, puisque la loi sur le bonneteau est maintenant entrée en vigueur, et c'est cette brigade qui va s'en occuper, d'après ce que j'ai cru comprendre. On nous a aussi indiqué qu'elle allait s'occuper des pickpockets. J'aimerais savoir comment une brigade de neuf personnes va pouvoir se charger de tout cela ! Non seulement du trafic de drogue, mais aussi des pickpockets et du bonneteau. Il va falloir faire l'opération de la multiplication des petits pains, parce que, vraiment, cette brigade aura de la peine ! Ou alors, il faudra payer des heures supplémentaires qui ne sont pas prévues.

Encore un mot sur les Pâquis à l'abandon. Vous avez laissé entendre qu'aujourd'hui, les Pâquis, c'était mieux. Je n'en suis pas si sûr que ça. Malgré l'opération Figaro, où effectivement, selon le rythme de passage des patrouilles, on pouvait voir circuler certains dealers de gauche à droite, d'un quartier à l'autre... Mais je peux vous «rassurer»: les petits criminels sont toujours là. Je le vois, j'habite en pleins Pâquis, de même que d'autres personnes au sein de cette assemblée qui pourraient en témoigner au jour le jour. Je crois qu'il faut vraiment faire un effort particulier sur ces quartiers populaires, tels que les Eaux-Vives et les Pâquis, qui sont victimes de la petite criminalité. Evidemment, ces petits délinquants ne sont pas sur le réseau SIS. Pas encore ! Ils ne sont pas encore devenus de grands criminels, mais ce sont ceux qui nous pourrissent la vie !

Ma question directe est: qu'en est-il du poste de police intégré et quel est l'avenir d'un deuxième poste de même type ?

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. La petite délinquance qui pourrit la vie des citoyens dans certains quartiers, celle qui empêche les personnes âgées de rentrer chez elles le soir, l'arrachage de sacs, vous connaissez cela aussi bien que moi. Cette criminalité échappe aux mailles du filet SIS, quoique... Quoiqu'on puisse considérer quand même que certains réseaux sont très bien organisés. Ceux qui font des coups «à la Zizou» ne sont pas forcément des locaux. Je pense qu'on ne peut pas exclure tous ces cas de la criminalité importée, mais je n'ai pas la réponse, il faudrait la demander à la brigade criminelle. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Encore une fois, pour certains, s'ils ont le choix de commettre ces méfaits à Genève ou à Annemasse, le choix sera très vite opéré.

Sur la multiplication des petits pains, il ne faut pas se méprendre. Lorsque je disais que je ne saurais pas où mettre 1000 policiers, il faut comprendre: dans l'état actuel des choses. C'est-à-dire qu'il faut vraiment clarifier les missions. Je l'ai entendu tant de la part de la cheffe de la police que du commandant, il y a un moment où il faut simplement mieux organiser les missions.

Vous me parlez d'un quartier où le poste de police intégré n'a peut-être pas produit les effets escomptés, je ne veux pas vous asséner des vérités en vous disant que la réorganisation va tout régler. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Toutefois, je pense que dans la collaboration concrétisée au poste de police intégré des Pâquis, même s'il faut l'instaurer d'une façon plus efficace, il ne faut pas avoir deux corps travaillant chacun à un étage différent, on est tout à fait d'accord ! C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à obtenir une analyse de la situation et du fonctionnement de Pécolat, afin de ne pas reproduire les erreurs. En effet, quand quelque chose commence, on est incertain des résultats qui seront obtenus. Les objectifs sont connus, mais les résultats nécessitent un certain examen. Ainsi, avant d'ouvrir le deuxième poste de police intégré, il est nécessaire de pouvoir étudier les erreurs d'appréciation ayant pu être faites lors de l'instauration du premier poste. Cependant, idéalement, avec la nouvelle organisation, ce n'est pas seulement deux postes de police intégrés qu'il devrait y avoir. Pourquoi en avoir seulement deux ? Un sur chaque rive, c'est déjà pas mal. Mais pourquoi mettre deux gros dispositifs, un sur chaque rive, et ne pas considérer que dans tous les postes de police on peut faire du judiciaire et du terrain ? Je pense que la nouvelle organisation doit pouvoir apporter des réponses à ces réflexions.

Mme Loly Bolay (S). Monsieur le président, permettez-moi d'intervenir, je n'avais pas l'intention de le faire, mais on est vraiment ici au bal des hypocrites. Quand je vous entends, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, les bras m'en tombent ! Quand je vous entends dire que vous voulez plus de policiers, que vous voulez plus de ceci et plus de cela... Mais qui a voulu que le Conseil d'Etat baisse la masse salariale de 5% ? Qui l'a voulu ?! Vous !

Que s'est-il passé avec la police ? A la police, il y avait des assistants administratifs. Il a fallu en réduire le nombre. Leur travail, qui a dû le faire ? La police ! C'est elle qui a dû se mettre devant les ordinateurs pour faire ce travail. Vous vous plaignez aujourd'hui du manque de policiers dans la rue, mais c'est vous qui avez provoqué cela !

Vous avez voulu des baisses d'impôts ?! Eh bien voilà ! Vous voulez 1000 policiers de plus ? Cela fait 100 millions ! La baisse d'impôts en ôte 400 millions. Cherchez l'erreur ! Moi j'en ai marre de vous entendre, car vous êtes des hypocrites ! Mais plus hypocrites que vous dans ce parlement, on ne peut pas trouver !

Vous avez parlé des APM - ils s'appelaient «agents de sécurité municipale». Quand on a traité de la loi et qu'on leur a donné l'appellation «police», on était deux personnes à vouloir qu'avec cela il y ait un deal. C'est-à-dire que, en échange de la dénomination qu'ils voulaient, leurs heures d'intervention soient élargies. Eh bien, vous étiez tous contre, parce que politiquement ce n'était pas payant ! Alors arrêtez de nous casser les bonbons avec ça ! (Exclamations.) Parce qu'aujourd'hui, franchement, vous êtes véritablement une bande d'hypocrites ! Nous, nous assumons nos choix ! Nous, nous n'avons pas voulu de la baisse d'impôts ! Nous, nous n'avons pas voulu de la baisse de 5% de la masse salariale. Aujourd'hui assumez ! Assumez entièrement ! Parce que nous, nous avons déjà fait nos choix depuis longtemps ! Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Dans la mesure où il n'y a plus de questions, nous allons donc voter sur les comptes du DSPE.

Mis aux voix, les comptes de fonctionnement du département de la sécurité, de la police et de l'environnement sont adoptés par 55 oui et 18 abstentions.

CHAPITRE 5 : CONSTRUCTIONS ET TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

Le président. Mesdames et Messieurs, nous arrivons au département des constructions et des technologies de l'information. Il n'y a pas de demande... Ah si ! Madame Odier-Gauthier, vous avez la parole.

Mme Morgane Odier-Gauthier (Ve). J'aurais trois questions à poser au chef du département. La première concerne le poste d'entretien des bâtiments scolaires, les bâtiments du postobligatoire, que ce soient ceux du cycle d'orientation ou ceux du collège, afin de savoir ce qu'il en est par rapport aux nettoyages. En effet, même si ce sont des économies substantielles, j'aurais aimé savoir quelle était la politique du département et s'il était question de supprimer les postes de conciergerie dans les établissements du secondaire. Pourriez-vous nous expliquer cela ? Vu l'importance qu'il y a d'avoir des concierges dans ces bâtiments, j'aurais aimé avoir une précision de la part du chef du département, en tout cas concernant l'avenir.

La deuxième question que j'avais à poser au chef du département est relative aux économies d'énergie, de combustibles, de fluides en général, dans les bâtiments. J'aurais aimé qu'il nous décrive ce qu'il avait fait au cours de l'année 2010 pour arriver à la baisse de montants figurant dans les comptes.

Je poserai la troisième question plus tard, Monsieur le président, parce que mon ordinateur s'est éteint, et je ne retrouve plus mon fichier ! (Commentaires. Brouhaha.)

Présidence de Mme Elisabeth Chatelain, deuxième vice-présidente

La présidente. Merci, Madame la députée. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous regrouper toutes les réponses à la fin des questions ? (Brouhaha. Commentaires.) Vous souhaitez répondre: je vous passe la parole.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Merci, Madame présidente. Mesdames et Messieurs les députés, voici les réponses à ces deux questions. S'agissant de la réduction des effectifs dans le nettoyage, effectivement, lors de la précédente législature, dans le cadre de la réduction de 5% des effectifs à l'Etat, nous avions décidé d'externaliser les prestations de nettoyage des bâtiments et de confier ces tâches à des entreprises. Il faut distinguer des concierges cette mesure touchant le nettoyage. Nous avons évidemment conservé ces derniers dans l'ensemble des établissements scolaires, considérant qu'il est important d'y avoir un répondant s'agissant des tâches à effectuer au jour le jour et étant du ressort du concierge. Donc réduction du nombre de nettoyeurs, mais pas du nombre de concierges !

En ce qui concerne les économies d'énergie, vous vous rappellerez certainement que vous aviez, il y a quatre ans, voté un crédit d'investissement de plusieurs millions - de mémoire, 5 millions - pour permettre au département de prendre les mesures techniques sur les bâtiments propriété de l'Etat, afin de réduire la consommation d'énergie - et je peux vous dire que les économies réalisées chaque année dans les bâtiments de l'Etat croissent - donc les dépenses énergétiques sont chaque année de plus en plus faibles. Par rapport à la situation qui prévalait avant le début de cette campagne, nous avons réalisé une réduction des dépenses de consommation d'énergie dans les bâtiments de l'Etat de l'ordre de 15 millions de francs en 2010.

Mme Anne Mahrer (Ve). J'ai une question qui concerne principalement les charges de personnel, lesquelles sont transversales à tous les services du département, et plus précisément concernant la gestion des compétences. Je souhaiterais savoir pourquoi ces charges baissent de 3,6%. Pourquoi les engagements sont-ils différés et pourquoi est-il si difficile, dans certains services, de repourvoir des postes importants ? Etant donné que nous avons voté, par exemple, Praille-Acacias-Vernets et d'autres projets majeurs pour Genève, nous souhaitons les voir avancer et avoir à la tête de ces services des personnes pilotant lesdits projets.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Ces derniers temps, au sein du département, nous avons connu un certain nombre de départs de collaborateurs, départs qui ont fortement intéressé les médias et évidemment inquiété celui qui vous parle. Sur la base de ces éléments, j'ai fait une vérification statistique, de laquelle il ressort assez clairement que, proportionnellement au nombre de cadres se trouvant dans les différents départements, il n'y a pas eu davantage de départs au DCTI. Ce qui a été de nature à me rassurer et à me convaincre - ou à confirmer l'impression qui était la mienne - qu'il n'y avait en réalité pas de problèmes particuliers de gestion du personnel au sein du département, pas de problèmes de mal-être des cadres ou d'autres soucis de ce genre. Le département que j'ai l'honneur de présider est vaste, avec plus de 1400 collaborateurs, y compris les externes. Dans une telle structure il est normal qu'il y ait une rotation du personnel, y compris chez les cadres de l'administration.

Vous évoquez la problématique du recrutement. Effectivement, pour certains postes il peut être difficile de trouver des collaborateurs de qualité. A Genève, il y a - et c'est aussi le signe de la vitalité de notre économie - une certaine pénurie de personnel dans le secteur des ingénieurs et des architectes, qui sont nombreux au département, comme vous pouvez l'imaginer. Parfois, il peut être nécessaire d'attendre des mois pour être en mesure de recruter d'excellents collaborateurs.

C'est l'occasion pour moi de vous dire que, depuis quelques semaines, deux des grands offices du département que sont celui des bâtiments et celui de l'urbanisme ont vu arriver leurs nouveaux directeurs généraux, donc un directeur général à l'office des bâtiments et une directrice générale à l'office de l'urbanisme. Ces deux offices se retrouvent ainsi dans une situation stabilisée, avec deux nouveaux hauts collaborateurs, deux nouveaux hauts fonctionnaires, qui auront pour tâche - pour défi, dirai-je même - d'y mener les grands projets et les grandes réformes actuellement en cours.

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. Les comptes sont à la fois l'occasion de poser des questions, d'exprimer un certain mécontentement et de pouvoir expliquer pourquoi, comme dans le cas de l'UDC, nous allons refuser les comptes du DCTI. Nous allons les refuser parce que, comme il l'a été inscrit dans le rapport de gestion, le DCTI poursuit sa réorganisation. L'année 2010, sous le signe de la réorganisation, nous laisse quelque peu perplexes. Pour vous dire les choses clairement, en 2010 ce département nous a semblé franchement sinistré. Je précise «en 2010» parce que M. le conseiller d'Etat vient de nous expliquer qu'il a engagé deux nouveaux hauts fonctionnaires. Nous espérons par conséquent - pour le DCTI et pour lui-même, du reste - que les choses vont s'améliorer. Cependant, il reste de nombreux dossiers très mal pilotés, de nombreuses questions, de nombreux scandales, révélés par la presse, lesquels ont vraiment conduit à s'interroger sur ce qui arrivait au DCTI, sur ce qui arrivait à M. Muller et sur les raisons de l'inertie dont il a fait preuve lorsqu'il a eu à se défendre des attaques qu'il a subies.

Cela nous pousse à poser la question suivante: M. Muller est-il vraiment entouré des bonnes personnes ? C'est une question qui lui a été posée en commission des finances, et il nous a répondu qu'il était effectivement entouré de collaborateurs tout à fait capables et aptes à le seconder. Alors on se pose la question suivante: si ce ne sont pas les collaborateurs, est-ce que ce n'est pas le conseiller d'Etat lui-même qui pose problème ? Est-ce qu'il est à la bonne place ? A l'analyse de tout ce qui s'est passé en 2010 et au cours des premiers mois de cette année, l'UDC tient à dire que nous avons beaucoup de soucis.

Je prends l'exemple du contrôle interne. Toujours en commission des finances, en 2009, je faisais partie des députés chargés d'auditionner le DCTI. Je me souviens de m'être inquiété du problème du contrôle interne quasi inexistant en 2009 et des remarques qu'en faisait l'ICF. M. Muller a alors adressé un courrier très alambiqué aux membres de la commission des finances, afin d'expliquer que le contrôle interne se mettait en place, qu'il y avait de nombreux problèmes et d'autres dossiers plus urgents à traiter. Puis ont passé 2009 et 2010, avant d'arriver à juin 2011. En se penchant sur la question du contrôle interne, nous avons l'impression d'être, à peu de choses près, au même point, aux mêmes problèmes et à la même inertie. Je passe allègrement sur le service de la gérance, sur le CTI - contre lequel il suffit que la commission des finances élève la voix pour voir les demandes de crédit baisser - et sur les fameux AIMP qui, visiblement, sont pas ou peu respectés. Je passe également sur le traitement des dossiers présentés devant ce parlement, traitement effectué, à mon avis, de façon fort légère. On en a eu une démonstration hier, lors de nos débats sur l'acquisition de terrains - sur l'un d'entre eux se trouve du reste le MOA.

Bref, cette situation nous inquiète au plus haut point, c'est pourquoi nous tirons la sonnette d'alarme. L'UDC va donc refuser les comptes, non sans noter que, avec une certaine dose d'humour, notre collègue Mettan relevait qu'en 2010 les bâtiments de l'Etat ont quand même été chauffés durant l'hiver et qu'il y avait de l'électricité... Nous, nous préférons voir la chose très sérieusement et avertir M. Mark Muller, afin qu'il fasse attention, qu'il paie de sa personne et montre véritablement son envie de redresser la barre. Sinon nous serons contraints de continuer à refuser ses comptes et à nous opposer à une partie de ses projets, s'ils sont présentés de la même manière que ceux qui nous ont été exposés jusqu'à présent.

Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, même s'il n'y a pas de question dans l'intervention de M. Bertinat, j'aimerais réagir.

Tout d'abord, s'agissant des comptes eux-mêmes, j'aimerais relever que la réserve formelle que l'ICF avait formulée sur les comptes 2008 et 2009, précisément sur la gérance, a été levée en 2010, fruit d'un très gros travail mené au sein de l'office des bâtiments en vue d'assainir la problématique des comptes du service et de son système informatique. L'ICF recommande par conséquent d'adopter les comptes 2010 du département, du moment où il n'y a plus de réserve sur ses finances.

Maintenant, Monsieur le rapporteur de minorité, vous formulez diverses remarques à l'égard du département. J'aimerais commencer par vous dire que la tâche du DCTI consiste essentiellement à mener des projets d'infrastructure, de piloter des investissements. Or, ces derniers ont presque triplé en quelques années. Donc, de ce point de vue, la performance du département peut être qualifiée d'excellente. Personnellement, j'en suis très satisfait et je crois que vous aussi, puisque vous soutenez ses budgets d'investissement, ce dont je vous remercie.

Par ailleurs, l'autre grande tâche du département est de développer la construction de logements, que cela passe par des réformes ou par le lancement d'un certain nombre de projets. Or ces projets sont de la responsabilité de mon département depuis un peu plus d'un an maintenant, puisque cela fait un an et demi que l'aménagement du territoire est placé sous la responsabilité du DCTI, ce dont je me réjouis. Cependant, cela a évidemment provoqué un important surcroît de travail pour lancer plusieurs projets. Vous le savez, la révision du plan directeur cantonal, aboutissement d'un gros travail entamé par mon prédécesseur et que j'ai poursuivi depuis fin 2009 dans le cadre du projet d'agglomération, est une voie. C'est le projet que le Conseil d'Etat vous propose pour atteindre l'objectif d'une réalisation de 2500 logements par an. Ce travail s'accomplit; il est réalisé de façon efficace, à mon sens, peut-être avec trop peu de moyens. Nous viendrons d'ailleurs la semaine prochaine pour vous demander une autorisation de dépassement de crédit afin de renforcer les moyens à disposition des trois départements concernés, puisque la politique de développement urbanistique s'appuie non seulement sur le DCTI mais également sur le DIM et le DSPE.

Au-delà de cela, vous avez mentionné le CTI. Je ne partage pas votre appréciation à son propos. Certes, la Cour des comptes et l'ICF formulent régulièrement un certain nombre de remarques, qui sont les bienvenues et permettent d'améliorer la façon dont les projets sont pilotés. Cependant, j'aimerais vous signaler plusieurs choses. Tout d'abord, la quote-part des finances publiques genevoises qui est consacrée à l'informatique se monte à environ 2,5%. Elle se site donc parfaitement dans la moyenne, dans la norme de ce qu'une administration publique telle que la nôtre dépense pour l'informatique. Ceci, pour répondre à votre remarque sur le niveau élevé des crédits demandés.

Le deuxième élément concerne le fait que l'énorme majorité des projets informatiques sont réalisés dans les délais et dans le respect des budgets. Il peut arriver que certains se passent mal, mais ils sont très peu nombreux. Bien souvent l'échec d'un projet informatique n'est pas dû à une défaillance du CTI, qui est au fond l'ouvrier qui inscrit des codes dans la machine et qui réalise le projet. La défaillance se situe fréquemment au niveau du donneur d'ordre, du département qui change d'avis ou qui, peut-être, a mal évalué le projet demandé. Je considère donc qu'il est totalement injuste d'attribuer au CTI la responsabilité de l'échec des projets informatiques de manière générale. Il peut y avoir une responsabilité, mais je crois qu'elle doit être partagée.

Dernier élément s'agissant de l'informatique: ce qui est important dans une administration, c'est que les collaborateurs disposent d'un outil de travail, d'un ordinateur, d'un téléphone, de logiciels, d'une messagerie, bref, d'un un certain nombre d'instruments informatiques qui fonctionnent ! De ce point de vue, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le rapporteur de minorité, le degré de satisfaction mesuré tous les deux ans par le département est parfaitement acceptable. Il est même en croissance. En effet, tous les deux ans, lors de la réalisation de cette enquête, on constate que le degré de satisfaction est en amélioration au sein des départements.

Donc je pense que, de manière générale, on fait une fixation sur des dysfonctionnements, relevés il est vrai par l'ICF et la Cour des comptes, mais je pense qu'il faut surtout signaler que nous avons une informatique qui fonctionne - qui n'est pas plus chère qu'ailleurs en Suisse - et des projets informatiques menés à terme de manière satisfaisante la plupart du temps.

J'en viens maintenant au contrôle interne, pour vous dire et confirmer ce que j'ai dit à la commission des finances la semaine dernière: j'accorde une très grande importance à la qualité de l'organisation de mes services et à la façon dont les prestations sont fournies. C'est d'ailleurs une condition de réussite des projets ! Le département prend au sérieux les recommandations de l'ICF, celles de la Cour des comptes, les remarques de la commission de contrôle de gestion et de la commission des finances. Contrairement à ce que vous avez peut-être cru percevoir dans un certain nombre de mes interventions, il n'y a aucun désintérêt de ma part à l'égard du contrôle interne. Au contraire, depuis que j'ai pris mes fonctions de conseiller d'Etat, j'ai initié un grand nombre de réformes qui avaient précisément pour but d'améliorer la performance de mes services: je citerai la fusion du service des autorisations de construire avec celui de l'aménagement du territoire, pour former le nouvel office de l'urbanisme; de même que la création de la direction générale des investissements, car non seulement nous les augmentons très fortement à l'Etat, mais nous améliorons leur gestion et leur pilotage ! Avec, vous l'aurez peut-être remarqué, la suppression de la réduction linéaire des investissements, c'est-à-dire la réduction ou la suppression d'une marge d'erreurs dans l'estimation des investissements que nous faisons. Aujourd'hui, nous avons un taux de réalisation des investissements qui est proche de 100%, ce qui est exceptionnel. Ce n'était pas le cas au préalable. Je pense qu'il faudrait aussi relever cette amélioration.

Voilà les quelques éléments que je voulais apporter s'agissant des remarques que vous avez formulées. Je vous remercie.

M. Pierre Weiss (L). Je vais venir à un point tout à fait particulier, justement parce qu'encore malheureusement virtuel du rapport de gestion du DCTI. Mais avant cela, je voudrais simplement faire une remarque. Je la fais également à l'attention de nos collègues de l'Alternative, en prévision d'éventuels débats ultérieurs sur les autres départements.

Lors des débats que nous avons parfois en commission des finances, les échanges peuvent être vifs avec les représentants de l'administration. Il se trouve que, pour certains hauts fonctionnaires passés devant notre commission, il y a eu des conséquences qui ont été graves du point de vue de leur santé. Aujourd'hui, il convient d'avoir cela en tête, parce que lorsqu'on se met à attaquer sur les insuffisances de personnel, on n'a pas donné de nom, mais moi, j'aimerais, par exemple, relever ici la qualité d'un Girard, d'un Chobaz, d'un Taschini... Et d'un Mercier ! Qui a été voué au pilori par certains dans notre commission. J'aimerais rappeler qu'un minimum de respect est nécessaire envers ces gens.

Que l'on s'étripe entre nous est une chose, que l'on piétine les hauts fonctionnaires qui viennent devant nous en est une autre. Et certains s'en sont fait une spécialité. J'aimerais que cela soit dit. Que l'on attaque les conseillers d'Etat, c'est bien - on va peut-être le faire plus tard - mais que l'on utilise comme bouc émissaire leurs hauts fonctionnaires, ça l'est moins. C'est la politique menée peut-être par certains services qui méritera d'être critiquée ! On y viendra tout à l'heure, dans le cadre d'un autre département. (Remarque.) En fonction de la teneur du débat, bien entendu !

Cela étant, Monsieur le chef du département, vous avez évoqué récemment, pour le projet CEVA, le coût de renchérissement du projet en raison de recours déposés par des quérulents, dont certains sont membres de ce parlement. Pour l'an passé, dans les comptes 2010, j'aimerais savoir à combien on peut évaluer ce coût. Est-ce que le chiffre de 30 millions que vous avez indiqué aux médias est correct ? A combien peut-on l'évaluer et comment évaluer le coût du renchérissement pour un projet nécessaire à tous les Genevois, adopté par le peuple, et que certains, jusqu'au dernier moment, cherchent à retarder, avec toutes les arguties imaginables et, si possible, des intérêts personnels ? Je vous remercie.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Monsieur le député, je vous remercie de votre intervention s'agissant de la manière dont les fonctionnaires peuvent ressentir le déroulement des débats en commission. Il est vrai que les événements récents ont pu atteindre dans leur moral et leur motivation, voire parfois dans leur santé, un certain nombre de collaborateurs du DCTI. C'est une question grave à laquelle il faut prêter attention et qui peut avoir une influence importante sur la façon dont les prestations publiques sont servies à la population. En effet, cela peut engendrer une forte démotivation, pour ne pas dire davantage. Cela peut entraîner également un fort absentéisme pour des raisons de santé, dans des services qui peuvent être décimés et ne permettant donc plus de fournir les prestations attendues d'eux. Un récent exemple qui a défrayé la chronique peut être cité pour rappeler que des personnes du service en question, en raison de l'écho médiatique donné à un rapport de l'ICF, ont été atteintes dans leur santé, et de façon tout à fait regrettable.

Cela étant, j'en viens à votre question sur le chiffre que j'ai indiqué récemment dans les médias, suite à la décision du Tribunal administratif fédéral qui a rejeté, assez sèchement il faut le dire, l'ensemble des recours déposés il y a trois ans contre l'autorisation de construire le CEVA. Ce surcoût annuel se monte à 30 millions de francs, fois trois, puisque cela fait maintenant trois ans que le projet est bloqué en raison des recours. C'est, pour les contribuables, la facture de ces oppositions.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, de graves dysfonctionnements sont apparus à la Gérance immobilière, avec des locations d'appartements et de villas bon marché ou à vil prix, sans parler de quelques gratuités à bien plaire. Cette affaire a scandalisé les Genevoises et les Genevois. Il est vrai que vous aviez hérité de ce dossier - ou plutôt de la patate chaude - de vos prédécesseurs. Néanmoins, en six ans, vous n'avez rien fait sur ce dossier. A la suite de ce scandale, fortement médiatisé, quelles ont été les mesures que vous avez prises pour remédier à cette grave situation ? Deuxième question: avez-vous modifié ou indexé les baux de ces objets ?

D'autre part, Monsieur le conseiller d'Etat, la commission des travaux a reçu et reçoit de vos services plusieurs projets de lois en urgence ou du moins au dernier moment, en raison de délais brefs pour prendre des décisions ou de subventions fédérales à obtenir. A chaque fois c'est urgent et les députés devraient voter ces PL au cours de la même séance, sans avoir pu les étudier ni faire les auditions nécessaires, et j'en passe. Cette façon de procéder en mettant le couteau sous la gorge des commissaires est tout simplement inadmissible. Que comptez-vous faire, Monsieur le conseiller d'Etat, pour remédier à ce problème ?

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, en ce qui concerne le service de la gérance, j'aimerais relever plusieurs choses - que j'ai dites, d'ailleurs, mais il n'est pas inutile de les répéter. Le premier élément c'est que le service de la gérance fait partie de l'office des bâtiments de l'Etat. Cet office a pour tâche de construire les bâtiments publics et de gérer le patrimoine immobilier de l'Etat, avec deux catégories de bâtiments: ceux qui sont utilisés par l'Etat et ses administrations ou institutions, comme celui dans lequel nous nous trouvons et, d'autre part, les bâtiments qui sont loués à des tiers. L'immense majorité - environ 90% - des bâtiments sont utilisés pour les besoins propres de l'administration. Environ 10% - c'est une proportion approximative - sont loués à des tiers. Ce sont ces derniers, donc une faible minorité, qui sont gérés par le service de la gérance.

Cela explique pourquoi, au début de mon mandat il y a cinq ans, lorsqu'il a fallu fixer des priorités pour la réorganisation de l'office des bâtiments, qui en avait bien besoin, la priorité n'a pas été mise sur le service de la gérance, puisque celui-ci gère une part très minoritaire des bâtiments, avec un impact financier très faible. En revanche, j'ai donné comme instruction à mes services de réorganiser la façon dont étaient occupés les locaux de l'administration, ce qui a débouché sur le projet OLEG - Optimisation des Locaux de l'Etat de Genève. Ce projet, qui a été approuvé par le Conseil d'Etat et qui est aujourd'hui en phase de mise en oeuvre, offre des perspectives d'économies de l'ordre de 300 millions de francs pour l'Etat de Genève. En revanche, l'ICF a relevé pour le service de la gérance le risque d'une perte de 3 millions de francs. C'est vous dire la disproportion entre les deux. J'ai clairement donné la priorité à la partie du parc immobilier qui comportait les plus gros enjeux financiers. La priorité n'a effectivement pas été mise sur le service de la gérance.

Je ne minimise pas le rapport de l'ICF, qui a mis en lumière un certain nombre de faiblesses dans le système de contrôle interne de la gérance, première catégorie de remarques de l'ICF. D'autre part, cela a provoqué une polémique assez importante quant aux loyers pratiqués par l'Etat pour divers objets loués à des tiers, environ 200 maisons. Vous dites, Monsieur le député, qu'il s'agit d'un scandale. Vous dites qu'il y a de graves abus ou de graves dérives; personnellement, je resterai très prudent. Parce qu'une des tâches actuellement accomplie par une task force - que j'ai mise en place avec l'accord du Conseil d'Etat, pour donner suite aux recommandations de l'ICF - est de nous dire si effectivement les loyers pratiqués pour ces maisons sont trop bas. Ce ne sont pas des objets ordinaires. Il ne s'agit pas de la villa traditionnelle que l'on trouve dans un joli lotissement à Veyrier ou à Meyrin. Ce sont des bâtiments que l'Etat a rachetés en vue de les démolir, parce qu'ils se trouvent sur un terrain où nous prévoyons de construire une route, terrain sur lequel nous prévoyons de faire passer un tram ou de construire une école.

Voici la question qui se pose pour ces objets: qu'est-ce qu'on en fait dans l'attente de leur démolition ? Est-ce qu'on les démolit tout de suite ? Est-ce qu'on les laisse vides, à la merci d'occupants indélicats et indésirés ? Avec, peut-être, l'obligation de rémunérer des Securitas pour empêcher que ces locaux soient squattés ? Ou est-ce qu'on les met à la disposition provisoire de gens prêts à y loger ? Je dis qu'ils sont «prêts à y loger», car il ne faut pas oublier que ce sont souvent des objets très mal situés, au bord de l'autoroute, sous le passage des avions, ou à d'autres endroits peu agréables. Et cela, avec des contraintes. Car l'Etat annonce très clairement la couleur: il n'investira pas un franc dans ces bâtiments, puisqu'ils sont destinés à être démolis.

Nous mettons donc, à des conditions particulières, ces objets à disposition de locataires. C'est aux locataires de faire les travaux qui incomberaient normalement au propriétaire. Parfois, en plus du loyer qu'ils paient, les locataires investissement des montants importants pour installer le chauffage, par exemple - car, souvent, ce sont des bâtiments qui n'en avaient pas - ou pour refaire la plomberie, donc pour améliorer le confort. Ce sont aussi des baux précaires qui prévoient que, dès le moment où la parcelle doit être libérée pour permettre au chantier de démarrer, les locataires devront partir à bref délai, ce qui a un impact sur le loyer. Ce sont des baux qui ne sont pas ordinaires, avec des loyers bas, parce qu'il y a des raisons pour les fixer à un tel niveau. Donc, avant de parler de scandales et d'abus, il faut attendre les conclusions de la task force. Elle nous dira si nous aurions dû fixer les loyers à des niveaux plus élevés, si nous aurions dû les augmenter ou pas. C'est à ce moment-là, sur la base des conclusions de la task force que nous prendrons la décision d'augmenter éventuellement les loyers. Aujourd'hui nous ne l'avons pas fait, parce que nous n'avons pas de raisons objectives qui nous conduisent à penser que nous le devrions. Maintenant, si on nous dit le contraire et que nous estimons cela judicieux, il n'est pas exclu que nous procédions à des augmentations. Voilà pour la task force et la question de la gérance.

Deuxième question. Monsieur le député, je n'ai pas participé aux mêmes séances que vous ou je n'ai pas traité les mêmes demandes de crédit que vous. Parce que celles que nous avons soumises récemment ou en 2010, puisqu'il est question de l'année dernière, n'ont été que très rarement présentées en urgence ! Je ne sais pas exactement à quel projet vous faites allusion. Moi, je pense à un projet qui a effectivement été traité en urgence, c'est l'extension de Champ-Dollon. Mais pourquoi ? Parce que c'était une demande générale d'aller vite ! La commission des travaux a accepté, elle a même demandé que nous sautions l'étape du crédit d'étude ! Elle a mis une pression extrêmement forte sur le Conseil d'Etat, pour que nous élaborions le projet d'investissement de Cento Rapido, comme on l'appelle. Je pense que c'est un nom tout à fait justifié, puisque nous allons construire une prison de cent places en dix-huit mois, ce qui est probablement un record - peut-être pas mondial, parce qu'en Chine ils vont plus vite. Mais en Europe, de construire une prison de cette taille en dix-huit mois, entre le moment où nous prenons la décision de la construire et celui où elle est inaugurée, c'est vraiment très rapide. A l'exception de ce projet, je n'ai pas le souvenir d'être venu devant la commission des travaux en vous demandant de voter un crédit sur le siège, dans l'urgence.

En revanche, d'une manière générale, je souhaite que les choses aillent vite et que l'on puisse voter les crédits. Je tiens d'ailleurs à remercier le député Barrillier, qui a déposé le rapport de la commission sur le CMU 6 pour que cela puisse être voté en urgence hier, simplement afin de permettre à l'administration d'aller de l'avant avec les appels d'offres. Mais au-delà de ce souhait général que les choses aillent vite, bien, et que l'on avance, je n'ai pas souvenir d'avoir mis la pression sur la commission pour que les crédits soient votés en urgence. Ce n'est pas le cas. Nous allons essayer d'éviter de le faire, car l'urgence n'est pas bonne conseillère dans ce genre de dossier, ainsi qu'on a pu le voir avec le crédit de Cento Rapido qui a connu quelques aléas.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Mme Christina Meissner (UDC). A l'évidence, les questions de gérance ou de gestion du personnel intéressent et taguenassent beaucoup notre Grand Conseil. Je remarque que même si, Monsieur le conseiller d'Etat, vous n'estimez pas qu'il y a davantage de problèmes dans votre département en ce qui concerne la gestion du personnel, force est de constater quand même que la valse des cadres y est particulièrement endiablée. En ce qui concerne la difficulté de recrutement, la Ville de Genève n'en a aucune, justement, à reprendre les cadres qui quittent votre département.

Cela étant, j'ai aussi compris qu'en matière de location, que ce soit en tant que bailleur ou locataire, le DCTI avait un peu de peine. Je veux juste signaler une chose qui m'interpelle par rapport aux frais mentionnés. Je lis à la page 164: «L'augmentation des frais de nettoyage liée au départ des nettoyeurs salariés qui ont été remplacés par des entreprises externes, ainsi qu'aux nouvelles constructions et locations de bâtiments sous gestion en 2010.» Je voulais savoir comment il se faisait qu'externaliser le nettoyage en prenant des entreprises pouvait coûter plus cher. Il me semblait qu'en remplaçant les fonctionnaires par des entreprises externes l'objectif était de faire des économies, et non l'inverse.

Par rapport au degré de satisfaction, régulièrement examiné par le département en ce qui concerne les services du CTI, je voulais observer qu'il suffit d'orienter convenablement les questions pour obtenir un taux de satisfaction extrêmement élevé.

Enfin, j'ai une question sur la page 159, où l'on parle des charges du personnel liées au fait que «la direction de l'aménagement du territoire n'a pas pu commencer à activer des charges de personnel en 2010 comme il était prévu, le projet de loi d'agglomération n'ayant pas encore été voté.» Pouvez-vous m'expliquer ce qu'est ce projet de loi d'agglomération et en quoi les charges de personnel allaient être augmentées dans ce sens ?

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, vous revenez sur cette prétendue valse des cadres. Donc je vais quand même répéter ce que j'ai dit, en rappelant que statistiquement et proportionnellement il n'y a pas eu davantage de départs de cadres au DCTI que dans d'autres départements. Il est vrai que la Ville de Genève a cru bon de «piquer» un certain nombre de collaborateurs du département. Je vous demanderai de réfléchir à la chose suivante: ne serait-il pas possible que plusieurs de ces départs aient été souhaités par moi-même ?

Deuxième question: s'agissant des nettoyages, vous relevez que le coût ne revient pas moins cher que le paiement des salaires des nettoyeurs. C'est vrai. Les coûts sont relativement proches, mais ce n'était pas le but. Il s'agissait simplement d'une volonté de confier au secteur privé une tâche pouvant l'être. Je ne crois pas que l'UDC soit particulièrement hostile au fait que l'on fasse travailler le secteur privé plutôt que le secteur public lorsque c'est possible. Il y a un certain nombre d'activités économiques qui peuvent parfaitement être accomplies par des entreprises; le nettoyage des locaux est typiquement de ce type.

Dernier élément: sur la question de l'activation de charges de personnel. Cela intervient lorsque des collaborateurs travaillent sur des projets d'investissement. Quand des charges de personnel concernent des investissements, elles peuvent être inscrites en dépenses d'investissement, donc dans les comptes s'y référant. On parle dans ce cas-là d'activation. Je prends un exemple: vous avez un collaborateur qui coûte 150 000 F par an à l'Etat; s'il se consacre entièrement à la réalisation d'investissements, cette dépense émargera aux comptes et aux dépenses d'investissement, et non pas aux comptes de fonctionnement. On parle alors d'activation.

S'agissant du projet d'agglomération, vous vous rappelez certainement qu'au début 2011 votre Grand Conseil a voté un crédit très important de près de 300 millions de francs pour financer toutes les mesures d'infrastructure prévues par le projet d'agglomération I. Ainsi, ce projet de loi n'ayant pas été voté en 2010, les investissements prévus n'ont pas pu être réalisés au cours de cette année-là. Les charges de personnel n'ont donc pas pu être activées pour ce projet et ces investissements en 2010.

M. Roger Deneys (S). En préambule, j'aimerais réagir à la remarque de mon collègue Weiss concernant la façon dont les députés commissaires traitent parfois les collaborateurs de l'administration. Alors si je peux partager son message disant qu'il faut faire attention afin de respecter les personnes auxquelles nous avons affaire, je m'étonne quand même qu'il le fasse ici, parce qu'il me semble que cela pourrait être une discussion pouvant avoir lieu au caucus PLR. En effet, il ne m'est pas apparu que les députés du PLR se montrent particulièrement respectueux des collaborateurs de l'administration publique et, donc, cette remarque n'a pas forcément un sens au niveau général.

Pour revenir sur des généralités, ce département - de ce que j'en ai compris cette année, et c'est le premier exercice que je fais en suivant les comptes - pose manifestement des problèmes importants qui ne sont pas admissibles dans la mesure où, Monsieur Muller, vous êtes là depuis un certain temps. Dans son rapport de minorité, M. Bertinat l'a relevé de façon extrêmement sensée, pragmatique et très courte. Dans ce département, on a l'impression qu'il y a... Je ne sais pas... Une certaine ignorance des problèmes ? Ou une volonté d'y répondre un jour, une fois peut-être ? C'est vrai que venant d'un conseiller d'état libéral, c'est assez particulier. Aussi j'aimerais bien que vous répondiez. En effet vous avez donné des explications en commission, mais j'aimerais bien que tout le monde les entende et qu'elles figurent au Mémorial. Quand un conseiller d'Etat libéral dit que certains éléments du contrôle de gestion, du contrôle interne, ne sont pas importants, car ce qui compte c'est de réaliser des logements, je m'étonne. Pour moi, l'efficacité d'une politique publique est bien un rapport entre le montant investi et les résultats. Donc, la volonté d'utiliser l'argent efficacement doit aussi prévaloir au sein de votre département. Or, cela n'a pas toujours donné l'impression d'être le cas !

Effectivement, vous gérez deux problématiques compliquées. D'un côté, vous avez la construction et l'aménagement, domaines complexes à Genève, c'est certain, et, de l'autre, l'informatique, qui en est aussi un. Dans vos réponses en commission, vous avez relevé qu'il vous manquait peut-être des moyens humains pour donner suite à toutes les recommandations de l'ICF. Alors très bien ! Prenons-en acte ! Que ferez-vous pour répondre aux recommandations de l'ICF et pour y donner suite ? Car certaines sont vraiment très inquiétantes... Soit vous dites: «Ce que je veux, c'est baisser le personnel; donc, les recommandations de l'ICF, je n'en ai rien à faire», soit vous dites: «C'est effectivement crucial; nous allons y donner suite dans les meilleurs délais car il y a des remarques extrêmement importantes, donc il nous faudra peut-être davantage de collaborateurs.» Je peux vous dire que les socialistes voteront les postes nécessaires pour que les recommandations de l'ICF soient suivies d'effets. Ainsi, ce qui m'intéresse dans un premier temps, c'est de savoir ce que vous allez faire pour appliquer ces recommandations rapidement.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. J'aimerais tout d'abord relever le terme que vous avez utilisé deux fois: «on a l'impression» - on a l'impression que ceci, on a l'impression que cela... Effectivement, cette impression a eu pour conséquence qu'en commission les comptes du DCTI ont été refusés. Ayant pris connaissance de votre débat, j'ai considéré qu'il y avait un malentendu ! Que cette impression était fausse, que c'était probablement ma faute si vous l'aviez eue. Et qu'il était nécessaire que je retourne vous expliquer que j'accorde une grande importance à l'organisation efficace de mes services. J'ai eu l'occasion de répondre tout à l'heure à une intervention sur ce thème. Je ne vais pas répéter la totalité de ce que j'ai dit, mais je réaffirme ici, premièrement, que de nombreuses réorganisations et réformes internes ont été réalisées depuis que je suis arrivé au département, cela pour des raisons d'efficience, avec des gains en centaines de millions sur les comptes de l'Etat de Genève.

D'autre part, le souci du contrôle interne est tout à fait réel dans mon activité. C'est une part importante du travail d'un conseiller d'Etat et de celui qui vous parle, avec l'ambition de réaliser l'objectif de législature fixé par le Conseil d'Etat, c'est-à-dire d'atteindre d'ici à fin 2012 ce qu'on appelle le niveau standardisé du système de contrôle interne au sein du département. C'est l'objectif que nous avons en commun au Conseil d'Etat, et j'entends bien l'atteindre. D'ailleurs, je tiens à vous dire ici que le DCTI est dans le rythme pour y parvenir. Mais cela ne me satisfait pas, je pense que ce n'est pas suffisant, et j'ai donné des instructions pour que le département aille au-delà de cet objectif d'ici à fin 2012. Cela permettra peut-être simplement d'atteindre l'objectif, parce qu'il est ambitieux. Il ne faut pas oublier qu'en termes de contrôle interne l'Etat revient de loin ! C'est quelque chose de nouveau, à l'échelle d'un Etat, que de mettre en place un système de contrôle interne ! C'est une culture qui est absente de beaucoup de services de l'Etat, et cela prend du temps pour améliorer le niveau général du système de contrôle interne.

Vous me demandez ce que nous faisons. Nous avons priorisé les différentes recommandations. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que le DCTI est l'objet de plus d'un tiers de l'ensemble des audits, ce qui explique aussi le grand nombre de recommandations. Plus d'un tiers des audits de l'ICF et de la Cour des comptes cumulés concernent le DCTI. Un sur trois. Il y a davantage de départements que cela, et bien davantage encore d'institutions de droit public à Genève, qui sont sous les feux de ces entités de surveillance. C'est probablement justifié, parce que nous avons de gros enjeux financiers dans le domaine informatique et dans les bâtiments. De plus, généralement, les collaborateurs de l'ICF et de la Cour des comptes ont une formation dans le domaine des systèmes d'information. Très souvent, les auditeurs ont également des compétences dans ce domaine. Donc ils s'y intéressent. C'est comme ça que j'interprète l'intérêt qu'ils portent au CTI. D'autre part, ce dernier est très souvent concerné par des audits transversaux qui portent sur un autre département, avec un volet informatique. Il y a là aussi un élément à prendre en compte lorsque l'on s'interroge sur le grand nombre de recommandations qui touchent le département.

Vous me demandez ensuite si je vais engager du monde pour répondre à toutes les recommandations: la réponse est non. Nous allons y répondre dans des délais convenus avec l'ICF et la Cour des comptes. Ces délais sont parfois longs, parce que certaines choses prennent beaucoup de temps. Dans le cadre de l'élaboration des budgets - M. Hiler en a parlé ce matin - qui est un processus difficile où nous devons prioriser diverses choses, il peut arriver que dans les cas les plus criants nous nous renforcions d'un point de vue strictement administratif pour améliorer les choses, pour résoudre des dysfonctionnements manifestes. Donc il peut arriver qu'on se renforce. Cependant, d'une manière générale, les augmentations du nombre de postes, dont il a également été question ce matin, servent à délivrer des prestations dans la formation - dans le pénitentiaire, par exemple, avec l'ouverture de prisons - dans les EMS, dans la police et autres. Ainsi, la part restant pour se renforcer, afin de répondre à des recommandations portant souvent sur des questions comptables et financières, ce n'est pas là que nous mettons l'essentiel de notre énergie.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. Je ne vais pas en rajouter, tout a été dit ou à peu près. Que l'on soit clairs sur une chose, les problèmes, on les connaît: la Gérance immobilière, défaillance du système de contrôle interne... La résultante c'est que, pour le groupe MCG, les comptes ne sont pas acceptables. Nous refuserons donc les comptes du DCTI.

Le passé ne peut pas être modifié. Le conseiller d'Etat a voulu un département «mammouth», il l'a eu: l'aménagement, les constructions et l'informatique. Je me souviens que lors de la dernière législature on nous disait: «Oui, mais enfin, il a les constructions sans l'aménagement, donc ça ne va pas, il n'y a pas de cohérence dans l'action de l'Etat.» Aujourd'hui, il a tout eu. OK, c'est un mammouth, maintenant il faut assumer - mon père me disait toujours: «Tu as voulu la bicyclette, alors maintenant tu pédales» - c'est ce qu'il devrait faire... Bref !

Cela étant, comme je vous le disais, le passé, on ne peut rien y faire. Par contre, l'avenir nous appartient. Moi j'aimerais trois engagements de la part de M. le conseiller d'Etat, trois engagements de son choix. Il n'est pas obligé de me répondre tout de suite, le débat va encore durer vu le nombre de lumières allumées. Je souhaiterais qu'il prenne, pour l'année qui vient, trois engagements devant ce parlement et devant les - à peu près - cent députés.

Je conclurai en disant que lorsqu'on nous parle de priorités, certes, un magistrat, un conseiller d'Etat ou - autrement appelé - un ministre, doit donner des priorités. Mais là où je ne suis pas d'accord - et vous l'avez dit, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez 1400 employés dans votre département - c'est qu'à vous écouter, lorsque vous donnez une priorité sur un sujet, il n'y a que vous qui travaillez. Je pense qu'il y a plusieurs priorités à donner en même temps. Vous avez des chefs de service, des sous-chefs de service, des chefs d'équipe, et il n'est pas question de dire: «Oui, j'ai mis la priorité sur tel sujet et j'ai laissé l'autre en retrait»... Non ! Vous n'êtes pas un chef de service: vous êtes un ministre, vous donnez les impulsions - l'administration doit être gérée par les fonctionnaires, par les chefs de service, pas par les conseillers d'Etat - et c'est votre rôle. En tout cas c'est celui que le peuple vous a confié.

Alors voilà, encore une fois, les problèmes, on les connaît. Ce qui intéresse le MCG, c'est l'avenir. On aimerait de votre part, Monsieur le conseiller d'Etat, trois engagements, devant ce parlement, pour l'année qui vient, pour rétablir, selon votre point de vue, la communication avec la commission des finances et ce parlement; et, selon notre point de vue, un système de contrôle plus efficace et une pluralité des priorités. Et pas seulement une à un endroit, et on verra le reste dans une année ou deux. Merci.

Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, dans le cadre de votre examen, vous avez la parole.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. C'était une intervention intéressante de la part de M. Stauffer. Je pense que je vais vous la ressortir, celle-là, quand vous dites qu'un conseiller d'Etat n'est pas là pour s'occuper de l'administration et qu'il a été élu pour faire de la haute politique ! C'est une vision romantique du rôle de conseiller d'Etat. Et c'est précisément pas du tout comme cela que vous agissez, notamment en votre qualité de président de la commission de contrôle de gestion où vous rendez le magistrat responsable du dernier dysfonctionnement du sous-service au fond du couloir à gauche ! (Applaudissements.)

Je crois que le métier de conseiller d'Etat fait appel à énormément d'activités et de compétences, que l'on a ou pas, mais que l'on demande à un magistrat. Je ne les énumérerai pas ici, je pense que chacun a sa vision des choses. Mais il est clair qu'un conseiller d'Etat doit s'impliquer fortement dans la façon dont les services fonctionnent, dans la façon dont les prestations sont rendues à la population, car, au fond, ce sont les magistrats qui répondent ensuite de la qualité de celles-ci devant le peuple, lors de votations, et devant votre Grand Conseil, très régulièrement, ce qui est parfaitement normal.

S'agissant des priorités, il incombe aux politiques d'en fixer - c'est quelque chose de tout à fait clair - sous le contrôle d'un certain nombre d'organismes. Le Conseil d'Etat définit ses priorités, qui peuvent être suivies ou non par le Grand Conseil, souverain en la matière, puis par le peuple. Ensuite, à l'intérieur des départements, chaque conseiller d'Etat en détermine. Pour ma part, au début de chaque année, je fixe mes priorités après y avoir longuement réfléchi pendant les quelques mois qui précèdent. Je les communique à mes collaborateurs en leur disant: «Eh bien voilà, cette année, une des priorités c'est que le CEVA démarre», par exemple. Une autre priorité peut être la mise en place d'un système de contrôle interne performant, ce qui en est clairement une du département actuellement. Je crois que c'est assez normal que cela fonctionne ainsi.

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC), rapporteuse de majorité. En tant que rapporteure de majorité, je crois qu'il est important de remettre les choses à leur juste place. Oui, dans le cadre de nos travaux, le DCTI a focalisé beaucoup de crispations, de mauvaise humeur, d'envies de blocage, vis-à-vis de son conseiller d'Etat. Il apparaît que les dysfonctionnements ont été reconnus, identifiés et repris en mains. Or, il peut parfois sembler injuste que cela occulte les formidables investissements qui sont gérés par ce département. Ceux-ci sont à hauteur de 800 millions de francs, Mesdames et Messieurs les députés. Nous ne devons pas oublier que c'est un des éléments anticycliques les plus importants et que cela a largement contribué à renforcer la remarquable résistance de Genève face à la crise. Cette résistance nous est enviée par toute la Suisse et même au-delà. Ces investissements, nous devons continuer à pouvoir les soutenir. Après les critiques, il est maintenant temps de passer aux encouragements et à voter les comptes du DCTI; cela a été remis en question lors des travaux de la commission, mais, à présent, il est temps de les voter, Mesdames et Messieurs les députés. Je vous remercie.

M. Guillaume Sauty (MCG). Très chers collègues, Monsieur le conseiller d'Etat, j'aurais une question qui porte sur les projets concernant le parc informatique de l'école primaire. Aujourd'hui, il existe deux types de logiciels: payants et gratuits. Le désavantage des seconds est que tout le monde y a accès et peut «les modifier à sa sauce». Dans le cadre de ce genre de logiciel qui serait peu recommandable dans les services de l'Etat, pourquoi voulez-vous équiper toutes les machines de l'école primaire avec ce genre de logiciel ? Le but est-il de faire des économies ou de produire un déficit de sécurité ? J'aurais souhaité un peu plus d'informations à ce propos, s'il vous plaît.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Je répondrai en deux temps, en disant tout d'abord que l'informatique des écoles primaires n'est pas gérée par mon département. Ensuite, plus généralement concernant les logiciels libres, puisque c'est à cela que vous faites allusion, il est vrai que dans certains secteurs, comme celui du scolaire - encore une fois, qui n'est pas sous ma responsabilité - il y a un parti pris assez clair en faveur des logiciels libres. Ce n'est plus le cas dans le reste de l'administration, parce que nous avons considéré que les risques liés à l'utilisation de ces logiciels étaient plus importants que les gains que l'on pouvait en tirer. Le grand engouement que l'on a pu observer, il y a de cela quatre ou cinq ans, est largement retombé; les mérites des logiciels dits «propriétaires», classiques, solides, l'emportent assez largement.

M. Claude Jeanneret (MCG). Nous en sommes à l'analyse d'un département qui a connu bien des péripéties cette année. J'aimerais quand même remettre le débat là où il doit être. Nous sommes en train d'accepter des comptes, et pour ce faire encore faut-il être convaincu qu'ils sont justes partout.

J'aimerais préciser une chose, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous savez que vous avez notre appui dans beaucoup de domaines, par exemple lorsque vous avez une vision, que l'on peut considérer comme très juste, du futur de Genève, notamment avec le PAV, ou dans la volonté de construire des habitations. Mais il y a une chose sur laquelle nous ne pourrons pas vous rejoindre, c'est sur ce qui s'est passé dans l'un de vos services. Ce n'est peut-être pas totalement de votre faute. Contrairement à ce qu'on a pu entendre, vous êtes responsable de votre département, soit, mais ce n'est pas à vous de faire le travail: vous avez des collaborateurs. Je dirai une chose: quand on délègue, c'est bien, mais si on ne contrôle pas, cela ne va pas.

L'objet principal de notre refus des comptes est la gérance. Car cela fait plusieurs années que vous avez été rendu attentif au fait que cela ne fonctionnait pas et qu'aucune démarche n'a été entreprise pour remettre de l'ordre dans le système. Ce n'est que depuis ces deux dernières années, alors que cela a éclaté, que quelque chose a existé. Lorsque des décomptes de chauffage ne sont pas faits, lorsqu'il manque des facturations pour certains objets, on ne peut pas accepter les comptes ! Donc, si l'on parle maintenant des comptes, ce qui n'est pas la gestion, ils seront refusés. Nous espérons que, l'année prochaine, grâce à l'intervention que vous avez opérée, nous pourrons les accepter. Mais j'aimerais préciser une chose: aujourd'hui nous parlons des comptes. Le débat s'emballe sur beaucoup de choses, raison pour laquelle je précise bien que nous avons une décision claire, nette et précise; il y a des secteurs où les comptes que votre département a présentés ne sont pas conformes à ce qu'on en peut attendre.

Quant au contrôle, il est vrai que dans le cadre de la gestion, au moment où vous déléguez, si vous avez un bon contrôle interne, vous avez un retour sur votre délégation ! Cela fait partie de l'ensemble de la gestion. Là aussi, nous avons constaté, j'espère à tort, que, jusqu'à ce jour, le contrôle avait pris un certain retard dans votre département. Il semble que maintenant vous avez manifesté la volonté précise - ce que vous avez dit - de faire entrer cela dans le cadre des objectifs fixés. Nous vous faisons confiance; nous sommes certains que, l'année prochaine, nous aurons le grand plaisir de pouvoir approuver vos comptes, mais pas cette année.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je ne crois pas qu'il y ait de question. Monsieur le conseiller d'Etat, souhaitez-vous répondre ? A l'absence de question ?

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Oui, absolument. Un commentaire, Monsieur le député. Donc, vous m'annoncez - ce qui n'est pas un scoop - que votre groupe refusera les comptes du DCTI en raison de la gérance. C'est ce que vous avez dit. Alors je donnerai deux éléments, peut-être pourront-ils vous faire revenir sur votre décision.

Premier élément: tout d'abord, le service de la gérance c'est 1% du DCTI. Deuxième élément: vous auriez pu avoir cette position l'année dernière ou celle d'avant, parce qu'en 2008 et en 2009 l'ICF avait inscrit une réserve aux comptes en raison de la comptabilité défaillante de la gérance. Or cette réserve a été levée par l'ICF, précisément parce que nous avons mis de l'ordre à la gérance ! Laquelle fait l'objet de toutes ces critiques. Donc la situation s'y améliore, même si elle n'est pas encore bonne. Il y a des problèmes de gestion. Mais les problèmes comptables, qui présentaient un risque réel, amenant l'ICF à recommander une prudence sur les comptes du DCTI, avec cette réserve aux comptes, ont été réglés. La réserve a été levée. Ainsi, je considère que ce n'est pas une raison suffisante en soi pour refuser les comptes du département.

Mme Emilie Flamand (Ve). Je ne vais pas revenir sur les divers éléments évoqués, entre autres par les députés de mon groupe, sur le fond et sur les points noirs du DCTI, lesquels sont assez nombreux. J'aimerais revenir sur la méthode et sur les problèmes de communication que nous avons pu rencontrer.

S'il y a des problèmes de fond, il y en a aussi avec la méthode. Souvent, nous sommes placés au pied du mur, nous devons voter des projets dans l'urgence. Pour obtenir des informations, c'est extrêmement difficile, il faut la menace d'un vote négatif pour en recueillir. Je relève d'ailleurs que j'ai posé une question sur le taux de vacance des parkings de l'Etat, à laquelle je n'ai toujours pas obtenu de réponse, alors que je l'ai soumise déjà en sous-commission DCTI, puisque j'y siège avec mon collègue Frédéric Hohl.

La communication est également à améliorer, puisque, on peut le constater - depuis deux ans bientôt que je siège à la commission des finances - il y a un certain mutisme. Encore une fois: nous avons souvent de la peine à obtenir des informations. Alors maintenant, après cette première audition qui s'était mal passée, Monsieur le conseiller d'Etat, vous êtes revenu, vous avez commencé à nous donner des éléments. Je dirai que c'est encourageant, car on voit que le dialogue commence à se nouer. Pour nous, ce n'est pas encore suffisant en l'état, et les Verts s'abstiendront ou refuseront ces comptes.

J'aimerais revenir brièvement sur l'intervention d'un député PLR, tout à l'heure, qui nous a fait un grand laïus sur le respect envers les fonctionnaires. Je souhaiterais dire que ni mes collègues socialistes, ni ceux de mon groupe des Verts, ni moi-même, ne manquons jamais de respect à des fonctionnaires, dans des commissions, ce qui n'est de loin pas le cas des députés des bancs PLR; certains font preuve d'un mépris et d'une agressivité qui sont totalement déplacés. Donc j'étais assez scandalisée d'entendre ces propos, de la bouche d'un député PLR. Enfin, il a émis des menaces à peine voilées sur le fait de ne pas voter les comptes du département suivant. Nous, nous ne rentrons pas dans ces jeux politiques. Si nous refusons des comptes, nous nous basons sur des faits, des rapports et des auditions. Nous n'entrons pas dans un chantage. Donc, aujourd'hui, nous refuserons ou nous nous abstiendrons, en espérant bien pouvoir accepter les comptes du DCTI l'an prochain. (Applaudissements.)

M. Eric Bertinat (UDC), rapporteur de deuxième minorité. J'ai une question pour M. le conseiller d'Etat, question que je vais poser très aimablement, parce qu'elle reflète... (Brouhaha.) Si M. Stauffer me permet d'attirer l'attention du conseiller d'Etat en question... (Commentaires. Le président agite la cloche.) Merci. Elle reflète une immense lassitude parce que, d'année en année, je reviens sur cette question qui est celle de l'entretien des routes, et plus particulièrement de celles situées sur la commune de la Ville de Genève.

Depuis 1936, il y a des accords de réciprocité, de subventions fédérales, à l'époque directement reversées à la Ville, lesquelles revenaient au canton pour que ce dernier puisse bénéficier de l'argent, opération qui perdure encore aujourd'hui. Et cette question, je la pose depuis 2005 pour savoir quand le Conseil d'Etat va entreprendre de régler cette situation. En effet, du côté des autorités de la Ville, il y a un blocage et, surtout, un énorme défaut d'entretien des routes. Je pratique quotidiennement le tronçon qui passe par le pont du Mont-Blanc et monte par la rue de Chantepoulet, très casse-gueule, puis jusqu'à la hauteur de St-Jean, où le revêtement est plus que défaillant: il y a des nids de poule et il est extrêmement dangereux de rouler là-dessus. Ce qui me permet de constater que depuis de nombreuses années l'entretien n'est pas fait.

Or, aujourd'hui, dans la «Tribune de Genève» - vous remarquerez que je l'ai lue attentivement - il y a... (Sonnerie de téléphone.) Merci, Monsieur Stauffer ! Il y a un petit entretien avec M. Pagani, qui nous révèle qu'en septembre dernier l'Etat, en l'occurrence Mark Muller, a conclu un «superaccord». Alors je suis un peu surpris, car ce superaccord se monte à plusieurs millions de francs - sauf erreur, on ne l'a pas vu pour le budget 2011; il figure encore moins dans les comptes 2010. Ce superaccord aurait donné à la Ville quelque chose comme 15 millions pour enfin entreprendre un entretien correct des routes. Or, il a été dénoncé.

D'année en année, je pose la même question: quand allez-vous régler ce problème ? Je remarque que vous avez tendance à faire une partie de ping-pong entre vous. A l'époque, c'était M. Cramer et M. Moutinot, maintenant ce sera peut-être M. Muller et Mme Künzler, je ne sais pas... Mais, s'il vous plaît, Monsieur le conseiller d'Etat, quand allez-vous régler cette question ? Qui traîne en quelque sorte depuis 1936 !

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Monsieur le député, vous faites état d'une certaine lassitude. Je dois être plus résistant car je vais vous répondre, comme je le fais chaque année depuis pas mal de temps, pour vous dire qu'effectivement il y a une convention entre l'Etat et la Ville. Cette convention est respectée par l'Etat de Genève, mais la Ville, ma foi, ne se dote pas des moyens suffisants pour entretenir son réseau routier ! La Ville de Genève est propriétaire de son réseau routier; c'est dans la loi. A l'époque, elle a revendiqué de maîtriser entièrement son réseau, et de ne surtout pas laisser l'Etat de Genève y mettre son nez. Il y a un accord sur un certain nombre de vases communicants entre la Ville et l'Etat sur le plan financier, et ceux-ci sont respectés.

Il est vrai que nous avons ouvert des discussions avec la Ville de Genève pour essayer de mettre un terme à ce différend, car elle n'a pas la même appréciation que celle que je viens de vous donner. Nous avions entamé des discussions avec M. Pagani. Toutefois, dans le cadre des discussions budgétaires 2012 du Conseil d'Etat, il est apparu que la période n'était pas très propice aux cadeaux aux communes, et en particulier à celles qui font d'énormes bénéfices - qu'elles pourraient affecter à l'entretien de leurs routes, par exemple.

Alors je vous invite, Monsieur le député, puisque que vous avez des fonctions à la Ville de Genève - ce dont je vous félicite - d'intervenir au niveau du Conseil municipal pour augmenter le budget attribué à l'entretien des routes - peut-être pourrez-vous alors remonter la rue de Chantepoulet sans trop vous faire secouer. Je vous remercie.

M. Jean-Louis Fazio (S). Monsieur le président du Conseil d'Etat, ma question est la suivante: les comptes 2010 de votre département font apparaître qu'il y a environ 60 postes qui n'ont pas été repourvus, par rapport au budget 2010. Puisque vous nous avez indiqué que les investissements ont été multipliés par trois ces deux dernières années, je voulais savoir comment vous comptez réaliser et suivre ces chantiers, ces investissements, lorsque l'on voit, également en 2010, qu'à la police des constructions, service qui traite en amont les chantiers, il y a eu un taux d'absentéisme de 7,4%.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Si je fais un rapide calcul, 60 sur 1400 collaborateurs, cela fait moins de 5%. Ce n'est pas énorme. C'est lié au renouvellement du personnel et au fait qu'il peut arriver, chose qui a été expliquée tout à l'heure, que, entre le moment où un collaborateur part et celui où on le remplace, des mois peuvent s'écouler pendant lesquels le poste est vacant. D'autre part, il y a un certain nombre de postes qui ne sont pas immédiatement repourvus, parce que cela ne paraît pas forcément être nécessaire. C'est la raison de cet écart.

S'agissant de l'augmentation des investissements et des projets en général, notamment à l'office de l'urbanisme, il est vrai que nous sommes confrontés à une situation difficile et tendue; je pense aux services qui construisent les bâtiments de l'Etat, aux services qui s'occupent du génie civil, ou encore à l'office de l'urbanisme, qui a pour tâche d'atteindre l'objectif de construction de 2500 logements par année, ce qui passe par la multiplication des projets. Et là, effectivement, nous sommes dans une situation de besoins supplémentaires, ce qui justifie d'ailleurs la demande de dépassement de crédit qui sera présentée la semaine prochaine à la commission des finances. Et peut-être que dans le cadre du budget 2012 des demandes supplémentaires seront soumises pour répondre à ces besoins.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous saluons à la tribune la présence de notre collègue Bernard Lescaze, ancien député et président du Grand Conseil. (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, vous avez entendu tout à l'heure, dans un jeu de rôle minutieusement orchestré, M. le député Pierre Weiss tendre la perche à son collègue de parti, M. le conseiller d'Etat Mark Muller, afin qu'il puisse rappeler la victoire qu'il entend s'attribuer - mais dont il n'est aucunement l'artisan - dans le cadre du CEVA. Cela lui a donné l'occasion de vous dire à quel point les droits démocratiques exercés par d'autres sont une infamie puisque, comme chacun le sait, ils ne servent qu'à véhiculer les opinions d'autrui.

Alors, Monsieur le conseiller d'Etat, puisque vous nous avez dit que le Tribunal administratif fédéral avait sèchement rejeté les recours des opposants du CEVA, je tenais à vous dire ceci - ensuite j'en viendrai à mes questions: j'ai quelques doutes que l'on puisse parler de «sèches défaites» lorsqu'il s'agit de 143 pages émises par le Tribunal administratif fédéral pour rejeter les recours après plusieurs années d'instruction. Je doute donc que vous ayez lu cette décision fort intéressante et qui rappelle au demeurant les 368 charges imposées par l'Office fédéral des transports aux maîtres de l'ouvrage, c'est-à-dire l'Etat de Genève et les CFF.

Voici ma première question: où en est-on aujourd'hui dans l'exécution de ces charges qui, je le rappelle, ont été imposées parce que le projet déposé par votre département était insatisfaisant, car il ne remplissait pas les conditions légales ? Donc, nous devons aux opposants au CEVA d'avoir singulièrement amélioré ne serait-ce que la sécurité du CEVA en prévoyant des sorties suffisamment larges pour que les personnes en chaise roulante puissent évacuer les trains en cas d'incendie. Première question, Monsieur le conseiller d'Etat: où en est-on avec ces 368 charges ? En effet, l'Office fédéral des transports a indiqué qu'il devrait en examiner l'exécution avant de donner le feu vert à la réalisation du CEVA.

Deuxième question. La démocratie telle qu'elle est utilisée dans ce parlement ne nous a pas permis d'examiner le projet de loi sur le moratoire des travaux du CEVA jusqu'au bouclement du financement par nos partenaires français. Ainsi, puisque c'était un de vos arguments lors de la votation de novembre 2009, ma question est la suivante: y a-t-il des documents signés par des partenaires français s'engageant à boucler le budget ? Si oui, quels partenaires et pourquoi ce document n'a-t-il toujours pas été présenté ? Quand est-ce que les Français vont boucler ce budget, sachant que les Genevois n'ont pas voulu d'un train s'arrêtant à la frontière, mais bien d'un train qui va à Annemasse ?

Troisième question, Monsieur le chef du département: où en est-on dans les démarches auprès de la Confédération, puisque vous nous dites que le budget sera bouclé avec 1,5 milliard de francs ? Nous savons qu'une grande partie de la somme doit être apportée par la Confédération. A ce jour, aucune votation n'a eu lieu au niveau du parlement fédéral, ce qui fait que la part de la Confédération n'est toujours pas acquise: où en sont vos démarches ? Etes-vous prêt à suivre ce dossier où allez-vous nommer une task force, puisqu'il est toujours plus facile de déléguer à d'autres ce que l'on ne peut pas faire soi-même ?

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le député, 150 pages pour traiter 22 recours restants, alors qu'à l'origine ils étaient trois fois plus nombreux, c'est relativement maigre. C'est une décision qui, par ailleurs, comme vous l'avez dit vous-même, rappelle les 368 charges imposées effectivement par l'Office fédéral des transports. Je maintiens que les recours ont été sèchement refusés, repoussés par le Tribunal administratif fédéral. Je crois que c'est une excellente nouvelle, que je ne m'attribue aucunement, contrairement à ce que vous dites. Je suis l'un des magistrats qui aura suivi ce dossier - ce dont je suis très fier - mais de loin pas le seul. Probablement le dernier.

Vous me posez trois questions. Tout d'abord: où en sommes-nous avec ces charges ? Ce qu'il faut savoir, c'est que la grande majorité d'entre elles concernent des mesures à prendre soit pendant le chantier, soit après - des vérifications, des contrôles subséquents, avant la mise en service. Puis, il y a un certain nombre de charges qui doivent être respectées avant le début des travaux. Et je peux vous dire que celles-ci l'ont été, puisqu'elles n'empêcheront aucunement l'ouverture du chantier dès que nous serons en mesure de le faire d'un point de vue strictement juridique.

Concernant le financement du CEVA par nos partenaires français, vous aurez peut-être lu dans la presse - puisque l'on mentionne beaucoup les articles de presse aujourd'hui - que le préfet de région, M. Carenco, a très clairement, la semaine dernière, indiqué que le financement du tronçon français du CEVA par les partenaires français était assuré et que de ce point de vue-là le financement était bouclé.

J'aimerais maintenant répondre à votre dernière question portant sur le financement de la part fédérale. Notre partenaire dans ce dossier, le principal maître de l'ouvrage du CEVA, c'est, comme vous le savez, les CFF. Et il appartient aux CFF de veiller que son financement, c'est-à-dire celui de la Confédération, soit assuré. Là également, les choses sont en passe d'être réglées: les CFF sont prêts à ouvrir le chantier. Et j'imagine qu'un maître d'ouvrage tel que les CFF n'entame pas un chantier de 1,5 milliard sans être assuré de son financement !

M. Roger Deneys (S). Tout d'abord, une remarque ou une inquiétude concernant la page 168 des comptes du département, c'est l'office du logement: il s'agit du montant de subventions accordées, lequel a diminué de 11,3 millions. C'est inquiétant dans la mesure où ces subventions sont destinées aux locataires à bas revenu, ou à moyen revenu en tout cas. De façon générale, on sait que cette population souffre davantage de la pénurie de logements à Genève, puisqu'elle n'a pas les moyens de se payer des habitations de luxe - contrairement à d'autres personnes issues de certains milieux, comme du secteur de la banque par exemple. Les socialistes sont soucieux du fait que ce montant ait diminué; on souhaiterait donc savoir comment l'atteindre à nouveau. Parce qu'il répond à des besoins pour la population ! Mon collègue vient de me rappeler que 3800 logements sont sortis du régime subventionné HLM en dix ans; donc on peut se dire que l'Etat fait un effort moindre en matière de logements, ce qui est extrêmement inquiétant.

Pour conclure, j'aimerais passer au volet informatique. Lorsque j'entends M. le conseiller d'Etat ou le CTI dire que nous sommes dans la moyenne concernant les dépenses destinées à l'informatique, par rapport au budget de la collectivité publique, cela me pose problème. La justification par la moyenne, de la part des libéraux, est très étonnante ! Je croyais que l'on visait l'excellence et la performance ! En réalité, c'est bien cela, le problème ! Nous devons viser l'excellence et la performance aussi dans le domaine de l'informatique ! On ne peut pas se contenter d'une moyenne, sous prétexte que d'autres se trouveraient à ce niveau. Alors ce qui m'intéresse, c'est l'effort que l'on va faire pour essayer d'être meilleurs que les autres, ou en tout cas pour prétendre l'être.

J'ai envie de prendre un exemple - qui me choque - à savoir celui des questions de sous-traitance. Tant pour les concierges d'écoles que pour l'informatique, on voit, à l'annexe 13 de la page 373, que la maintenance des postes informatiques de l'Etat a été, pour un million par année, confiée à une entreprise: pourquoi cette tâche est-elle cédée à une entreprise en sous-traitance ? C'est comme pour les nettoyages ! L'Etat peut aussi avoir un rôle majeur dans la politique de l'emploi pour les personnels, on va dire, peu qualifiés ou moins qualifiés. Typiquement, dans le nettoyage, on sait qu'il s'agit de personnes pas ou peu qualifiées, qui font cela en plus d'autres activités et qui sont précarisées ! Ici, il est question de tâches informatiques relativement simples qui pourraient aussi être attribuées à des personnes ne trouvant pas d'emploi d'analyste-programmeur chez Pictet ou autres... De toute façon, on sait que l'UBS les a déjà mis en Hongrie, donc ce n'est pas elle qui va les engager !

Que fait l'Etat pour offrir des postes à des personnes relativement moins qualifiées, mais qui ont quand même des compétences ? Dans le domaine de la sous-traitance, typiquement en informatique, il n'y a pas de convention collective. On sait qu'on peut faire venir les personnes de pays voisins, alors que l'Etat pourrait offrir des possibilités de carrière à des gens qui ne trouveront pas facilement de travail sur le marché local. Donc cette question de la précarisation me semble problématique. J'aimerais bien que l'Etat, en particulier le DCTI, soit conscient de ces problèmes et fasse un effort pour engager des personnes de façon stable et fixe. La précarité pour des bas salaires, c'est quelque chose de particulièrement nuisible et dangereux pour notre société.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Tout d'abord, concernant le logement, vous savez qu'on a changé de système et de politique du logement social. Une nouvelle loi a été votée à l'unanimité moins une voix socialiste - je vous l'accorde - il y a de cela quatre ans. Nous sommes passés d'un système où nous subventionnions les locataires - où les loyers étaient abaissés par le versement de subventions - à un système où l'Etat construit et loue ensuite, à des loyers modérés, les immeubles dont il est propriétaire. Evidemment, ce changement de régime a pour corollaire une baisse des allocations payées, puisque les immeubles subventionnés de l'époque le sont encore pendant une certaine période, avant de sortir du contrôle. Ainsi, les subventions qui y étaient liées disparaissent.

Je pense qu'il faut tempérer ce constat par deux éléments. Le premier est que la nouvelle politique sociale du logement, s'exprimant notamment par la création des logements d'utilité publique, est dotée d'un financement de 35 millions par an. En plus des dépenses de fonctionnement dont vous parlez, qui baissent effectivement, celles d'investissement ont nettement crû ces dernières années et vont continuer à le faire. Elles font plus que compenser la baisse des subventions, ce qui avait d'ailleurs été démontré lors de la négociation de l'accord sur le logement. De magnifiques courbes montraient que la baisse des dépenses de fonctionnement était plus que compensée par l'augmentation des investissements. Cela, c'est le premier élément.

Le second, pour vous rassurer: il n'y a pas de volonté délibérée de dissuader ou de décourager les locataires à demander des allocations de logement. Nous avons une politique d'information stable, la même depuis de nombreuses années. En l'occurrence, j'ai maintenu celle de mon prédécesseur, et elle sera maintenue à l'avenir. Il est clair que tous ceux qui avaient droit à des allocations de logement dans le secteur subventionné, eh bien, dès le moment où ce secteur baisse, cette rubrique diminue également, c'est un corollaire automatique. Je vous remercie. (Remarque.)

Pardon ! J'allais oublier la deuxième question, sur la sous-traitance informatique. Ecoutez, j'entends examiner cette question, je ne souhaite donc pas vous répondre immédiatement. Cela étant, on peut dire qu'une grande partie de la maintenance est quand même réalisée à l'interne - et ce n'est pas toute la maintenance qui est externalisée. Donc, c'est une part qui n'est pas majoritaire. Mais je vais examiner ce qu'il en est plus en détail.

M. Claude Jeanneret (MCG). Monsieur le conseiller d'Etat, juste un petit complément à votre réponse. Mais avant cela, j'aimerais soulever ce qu'a évoqué mon prédécesseur, à savoir la sous-traitance et le réseau informatique. Je pense que d'ici à l'automne, au moment du budget, nous aurons d'autres informations qui nous permettront d'être un peu plus incisifs là-dessus. Aujourd'hui, on traite des comptes; les dépenses effectuées ont été acceptées, nous ne pouvons pas revenir là-dessus. Par contre, j'aimerais juste préciser ceci: lorsqu'on analyse un département, il se peut que, pour vous, le service de la gérance immobilière représente peu de chose. Pour nous, ce n'est pas le cas ! C'est un thermomètre également de l'ensemble. Et il y a un élément qu'il faut relever: cela représente quand même la fortune immobilière de l'Etat de Genève ! Si vous estimez que, ça, ce n'est pas important à gérer, nous ne sommes pas de cet avis. Et je maintiens l'idée que le MCG, pour cette année, refusera les comptes.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Sur l'externalisation des postes, j'aimerais compléter ma réponse à M. Deneys et en profiter pour vous répondre, Monsieur le député. Je rappelle que nous avons décidé, avec l'accord de la commission des finances, d'internaliser un assez grand nombre de collaborateurs externes qui, auparavant, émargeaient aux dépenses générales et qui se retrouvent à présent dans le budget du personnel. Il y a donc quand même un processus d'internalisation au niveau du DCTI. Il ne s'agit pas des tâches les moins glorieuses de la maintenance, ce sont plutôt des postes de chefs de projet, mais il y a tout de même ce mécanisme.

Sur la gérance, je comprends très bien votre approche et le fait de considérer ce service comme une forme de thermomètre du département. Je peux très bien l'admettre. Cela étant, en termes d'enjeux financiers, je rappelle qu'on parle d'un parc immobilier qui n'a rien avoir avec celui de la Ville de Genève, par exemple. On parle de 200 «villas» - 200 maisons. Certains diraient «200 bicoques», vu leur état et leur qualité. Donc c'est un parc extrêmement réduit. Et le risque financier identifié par l'ICF représentait 3 millions de francs. Alors que, par exemple, le projet OLEG dont j'ai parlé tout à l'heure offre une perspective d'économies de 300 millions ! C'est pourquoi je maintiens l'opinion selon laquelle, objectivement - et on peut avoir une appréciation subjective différente - le service de la gérance ne présente pas un risque qui justifie que l'on refuse les comptes du département.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. En conclusion, avant de passer au vote, comme je l'ai dit: pour le groupe MCG, les comptes du DCTI seront refusés. Mais, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez parlé de logements. Au nom d'une grande partie des Genevois, j'aimerais vous poser une question. Votre réponse va évidemment définir la politique que vous entendez mener. Pour vous, quel est le loyer qui devrait être pratiqué à Genève pour un appartement de 4,5 pièces ou de 5 pièces ? Il y a un décalage tellement énorme entre les loyers pratiqués aujourd'hui sur le marché et ce que les Genevois seraient en mesure de payer, que c'est toute la politique du logement qui serait à revoir. Quand on observe les nouveaux quartiers qui se construisent, comme en périphérie d'une commune que je connais bien, Onex, le quartier de Cressy par exemple, nouveau quartier axé sur les familles, la mobilité douce, les jardins pour les enfants entre les bâtiments... Tout ça, c'est très bien. Mais quand on voit que la plupart des gens qui y habitent bénéficient de subventions pour leur loyer, je me pose des questions !

Si l'on prend un appartement de 5 pièces loué à 2200 F, la personne reçoit - je ne sais plus - une subvention de 700 F ou 800 F... Alors c'est l'Etat qui paie. Evidemment, pour le citoyen, c'est bien. Enlever cela mettrait en péril les budgets familiaux. Mais, d'un autre côté, cette politique prônée, je pense, quand même majoritairement par la droite, revient au fait que l'Etat paie les promoteurs immobiliers, si je comprends bien. Parce qu'en fin de compte cela équivaut à ça ! Alors j'aimerais que le Conseil d'Etat, peut-être in corpore, effectue une réflexion en profondeur.

Aujourd'hui, pour les loyers libres, vous allez trouver des cinq-pièces à 7000 F ou 8000 F... Payés rubis sur l'ongle par les multinationales attirées par votre collègue ! A cause d'une fiscalité qui est peut-être trop performante, mais évidemment génératrice d'emplois. Là, c'est la quadrature du cercle. Mais il ne faut pas que le développement économique de Genève, que nous poussons aussi, pour lequel nous sommes favorables, étouffe les Genevois, qui n'y participent absolument pas ! Je veux dire... (Remarque.) Non, vous ne pouvez pas dire qu'ils y participent ! Aujourd'hui, Messieurs du Conseil d'Etat, que ce soit à l'économie ou au logement, je suis désolé, mais si les gens qui nous écoutent voulaient déménager - parce que leur famille s'est agrandie ou pour une autre raison - et trouver, à Genève, un appartement à loyer raisonnable, eh bien, sans subvention de l'Etat, c'est mission impossible ! Donc je me pose la question: est-ce que l'Etat a trouvé un biais pour financer les promoteurs immobiliers ? Pour continuer cette bulle spéculative immobilière ?

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Bien sûr, c'est toujours la limitation du temps ! Car il est vrai que ce ne sont pas des sujets importants pour les Genevois... Je reprendrai donc la parole, Monsieur le président. (Remarque. Commentaires.) Non, ce n'est pas la troisième fois ! J'en suis à la deuxième, je suis désolé pour vous ! Donc je reprendrai la parole, vous faites bien de me le rappeler, Monsieur le président.

M. Mark Muller, président du Conseil d'Etat. Le problème que vous soulevez est réel. Aujourd'hui, il y a une surenchère dans les loyers pratiqués sur le marché libre, qui est insupportable pour les Genevoises et les Genevois cherchant à se loger dans le canton. Quelle que soit la taille de l'appartement, quelle que soit la taille du ménage, les loyers aujourd'hui, dans le cadre du marché immobilier que nous connaissons, dans le cadre du succès économique de Genève, est un véritable problème ! Moi-même j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises de lancer des appels et de m'adresser directement aux régies et aux propriétaires immobiliers pour les convier à faire preuve de modération, de mesure, et pratiquer des loyers normaux conformes à un rendement qu'un propriétaire peut s'attendre à retirer de son investissement. Les loyers tels que ceux que vous avez cités, qui existent, qui peuvent être pratiqués à Genève, sont clairement abusifs et doivent être dénoncés. Le Conseil d'Etat les dénonce avec force !

La solution - pour autant qu'on puisse parler d'une solution, s'agissant d'une région où la population afflue régulièrement - eh bien, l'effort de production de logements ne va pas forcément réduire la pénurie. Je pense qu'il faut être honnête: si nous connaissons une crise économique, avec le départ d'un certain nombre d'habitants du canton, la pénurie se résoudra d'elle-même; mais si la croissance démographique se poursuit, les efforts de construction de logements nous permettront de maintenir et d'accueillir la nouvelle population, et pas forcément de réduire la pénurie.

S'agissant de l'effort de construction, qui est conséquent et portera ses fruits, il faut dire qu'une grande majorité des logements construits à Genève le sont en zone de développement. Or, dans cette zone, il y a un système de contrôle des loyers et des prix sur la totalité des logements réalisés. Les déclarations que j'ai pu entendre dans le cadre de la votation sur les Cherpines - on disait qu'on construisait pour les riches - sont totalement fausses ! Puisque, dès le moment où l'on construit en zone de développement, environ un tiers des logements est subventionné - avec un contrôle des loyers sur le long terme. Une partie est la propriété de l'Etat; il n'y a donc pas de subventions aux promoteurs. C'est l'Etat en direct qui fait l'effort. Puis il y a entre la moitié et deux tiers de logements non subventionnés, mais dont les loyers et les prix, par contre, sont fixés par l'Etat, à des niveaux abordables pour la classe moyenne.

Ceci est donc notre système genevois. Comme vous l'avez dit, c'est effectivement la droite qui l'a instauré, système qui a d'ailleurs été récemment modifié avec l'accord unanime du Grand Conseil. Il s'agit du système de logements sociaux le plus développé qui existe en Suisse et peut-être dans le monde. Je pense que nous pouvons en être fiers. Il est certainement perfectible, mais il garantit le fait que lorsque l'on construit à Genève des immeubles locatifs ou en PPE, ce n'est pas le marché qui fonctionne - et c'est un libéral qui vous le dit - mais un système contrôlé par l'Etat, qui permet de mettre ces logements à disposition de la classe moyenne. Et une partie de ces logements est destinée à des personnes dont les revenus sont les plus bas.

S'agissant des prix aujourd'hui, il y a une pratique qui fixe le loyer à, par année, environ 4800 F la pièce. C'est une norme appliquée sur le plan administratif. Cela permet à la fois de financer correctement les réalisations et de mettre, à des conditions acceptables, des logements à disposition de la population.

M. Roger Deneys (S). Une remarque sur les Cherpines: les loyers émis par les privés seront contrôlés pendant dix ans. Donc ils reviendront dans le marché libre quand même. C'est vrai que pour du terrain agricole qui vaut 10 F le m2 aujourd'hui, c'est un peu paradoxal de construire des logements qui seront, à terme, quand même en loyer libre, donc à des prix certainement inaccessibles à la classe moyenne.

Pour revenir sur les comptes du département, j'aimerais dire que, malgré les efforts accomplis par M. le conseiller d'Etat Mark Muller, pour apporter des compléments d'explication - malgré vos réponses d'aujourd'hui, et je vous remercie de ces précisions - les socialistes refuseront les comptes. Je dirai, non pas de façon négative... (Rires.) ...non, notre but n'est pas de les refuser pour les refuser ! D'ailleurs, preuve en est qu'il ne s'agit pas d'un enjeu d'appartenance politique. Comme l'a dit ma collègue Emilie Flamand tout à l'heure, le but est de les accepter, comme on a pu le faire à d'autres occasions, comme on a pu le faire pour les comptes du département de Mme Rochat. Ce n'est donc pas une volonté d'affrontement politique, mais c'est une question d'absence de réponses, jusqu'à un certain moment... On l'a encore vu hier avec le MOA, ce n'est pas normal que la commission des finances reçoive les documents au dernier moment et doive se prononcer dans l'urgence quand le projet est dans le pipeline depuis plusieurs mois. Il y a vraiment un effort à fournir de ce côté-là pour apporter des réponses en temps et en heure. Certainement que si cela se fait, nous voterons les comptes l'an prochain.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député, M. Eric Stauffer, pour la troisième et dernière fois.

M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de première minorité. Monsieur le conseiller d'Etat, j'entends bien, vous avez répondu à ma question. Donc, 4800 F la pièce, c'est le prix qui devrait être pratiqué ou c'est le prix pratiqué. Ainsi, pour un cinq-pièces, j'ai fait le petit calcul, cela nous donne 2000 F par mois. Alors j'invite toutes les citoyennes et tous les citoyens de Genève qui cherchent un cinq-pièces à 2000 F à s'adresser directement à M. Mark Muller ! Parce que je n'en trouve pas à ce prix-là. Il faudra venir expliquer à la population genevoise comment se concrétise le décalage entre le discours politique et la réalité quotidienne des gens. Moi, je vois des cinq-pièces plutôt à 2800 F, 3000 F, 4000 F ou 5000 F par mois, ce que les Genevois ne peuvent pas se payer.

Je vous le dis clairement, Monsieur le conseiller d'Etat: au cours des deux dernières années qui restent avant le renouvellement du parlement et du gouvernement, nous allons, au MCG, mettre de manière prioritaire l'accent sur le logement. Au nom du MCG, j'aimerais demander au Conseil d'Etat qu'il cesse de vouloir jouer, je dirai, sur un oreiller de paresse, le déclassement des zones villas pour faire de la construction. En effet, tout le monde a bien compris que c'était le moyen le plus rapide pour faire des immeubles. Mais lorsque vous venez à Onex, Monsieur le conseiller d'Etat, en y déclassant des zones... Il faut savoir qu'à Onex il y a 40% des résidents qui ne paient pas d'impôts parce qu'ils ne gagnent pas assez d'argent. Alors si vous faites fuir encore les quelques citoyens qui paient des impôts et qui habitent dans les zones villas, je viendrai en tant que magistrat en charge des finances trouver le Conseil d'Etat pour vous présenter l'addition. Parce qu'on en est là !

Aujourd'hui, Monsieur le conseiller d'Etat, pour être conforme à l'augmentation de la population, à l'afflux de nouveaux habitants, cela de par les baisses fiscales accordées aux grands groupes et aux grandes multinationales, il vous faut construire ! Pour ce faire, il faut déclasser des terrains. Mais pas des zones villas ! Et tous azimuts, dans des communes, notamment comme celle d'Onex... Vous avez encore d'autres surfaces ! Mais évidemment, pour cela, il faudra affronter les oppositions et les discuter. Bref, il faudra travailler.

Le MCG va mettre un accent particulier sur ce point-là, parce qu'aujourd'hui cela empêche les familles de s'épanouir. Les enfants restent jusqu'à 25, 26 ou 30 ans chez leurs parents, parce qu'ils ne trouvent pas d'appartement ! Et ils sont condamnés à émigrer en France voisine ou dans le canton de Vaud pour trouver des logements à des prix décents... A un moment, cette politique doit cesser ! La population doit prendre conscience que ce système est un échec à moyen et à long terme. Bref, ça c'était la déclaration politique.

Maintenant, en ce qui concerne les comptes, je confirme que nous les refuserons. Nous espérons simplement... Vous ne nous avez pas donné trois engagements, mais on espère pouvoir approuver les comptes l'année prochaine. Nous n'avons rien contre vous personnellement, mais nous souhaiterions que votre département soit plus à la page au niveau de la communication également. Nous admettons que, sur ce plan, cela n'a pas toujours été la panacée et qu'il y a certainement eu de l'incompréhension de part et d'autre. Dont acte ! Et nous espérons vraiment que cela se passera mieux l'année prochaine. J'ai terminé, Monsieur le président, concernant cette dernière intervention sur ce département.

Le président. M. le conseiller d'Etat souhaite-t-il prendre la parole ? Non, ce n'est pas le cas. Mesdames et Messieurs, nous sommes en procédure de vote sur les comptes du DCTI.

Mis aux voix, les comptes de fonctionnement du département des constructions et des technologies de l'information sont refusés par 36 oui contre 45 non et 7 abstentions.

Quatrième partie du débat sur les comptes 2010 (suite du 2e débat): Session 10 (juin 2011) - Séance 60 du 24.06.2011