République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 juin 2011 à 20h30
57e législature - 2e année - 10e session - 56e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Renaud Gautier, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Pierre-François Unger, François Longchamp et Isabel Rochat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Mark Muller, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, David Hiler et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. David Amsler et Jean-Marie Voumard, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Le président. La commission législative nous demande l'ajout et le traitement en urgence de la proposition de résolution 668 «concernant une rectification matérielle apportée à la loi 10599, du 11 février 2011, modifiant la loi sur l'aide sociale individuelle (LASI) (J 4 04)». Je vous soumets donc dans un premier temps l'ajout, puis le traitement en urgence. Je vous rappelle qu'il faut deux tiers des votes.
Mis aux voix, l'ajout à l'ordre du jour de la proposition de résolution 668 est adopté par 55 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, le traitement en urgence de la proposition de résolution 668 est adopté par 58 oui (unanimité des votants).
Le président. Ce point sera donc traité ce soir, si faire se peut.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie Mme le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les magistrats entrent dans la salle du Grand Conseil et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Yves Mermier, élu juge suppléant au Tribunal tutélaire et Justice de paix (entrée en fonction immédiate);
M. Antoine Hamdan, élu juge assesseur avocat à l'autorité de surveillance de la Cour de justice (entrée en fonction immédiate);
M. Stéphane Tanner, élu juge assesseur au Tribunal administratif de première instance, spécialisé dans les affaires fiscales pour statuer en matière fiscale (entrée en fonction immédiate);
Mme Mays Hussami, élue juge assesseur au Tribunal des baux et loyers, représentant les groupements de locataires (entrée en fonction immédiate).
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Vous avez trouvé sur vos places la question écrite suivante, qui est renvoyée au Conseil d'Etat:
Question écrite de M. Roberto Broggini : Installation de sèche-mains électriques à l'Hôtel de Ville (Q-3660)
Le président. Monsieur le député Olivier Sauty, vous avez la parole.
M. Olivier Sauty. C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Très bien. Monsieur le député Jean Romain, vous avez la parole.
M. Jean Romain (R). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en application de l'article 127, alinéa 1, de notre règlement, le parti radical retire le projet de loi 10667... 10668... Pardon: c'est le PL 10678 !
Le président. En êtes-vous sûr ?!
M. Jean Romain. Je reprends: il s'agit du PL 10678. (Commentaires. Brouhaha.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Il en est pris acte.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle le traitement du point 110, le rapport IN 145-C. C'est un débat de catégorie I. La parole est à Mme le rapporteur de majorité, Mme Mathilde Captyn.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des affaires sociales a étudié l'initiative 145 entre octobre 2010 et avril 2011. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous avons réalisé douze auditions, notamment celle des initiants, du Conseil d'Etat, des représentants des syndicats des travailleurs et des syndicats patronaux, des organisations caritatives, des représentants de l'Université et des milieux financiers. Pour rappel, l'initiative 145 propose 2000 F pour l'allocation de naissance, au lieu de 1000 F actuellement; 300 F d'allocations familiales mensuelles pour les enfants de 0 à 16 ans, au lieu de 200 F aujourd'hui; 400 F mensuels pour les enfants de 16 à 20 ans, au lieu de 250 F aujourd'hui, ou 400 F mensuels d'allocation de formation professionnelle pour les enfants de 16 à 25 ans, au lieu de 250 F aujourd'hui.
Ces nouveaux montants, d'après les initiants, représenteraient un coût total de 180 millions. Le taux de contribution des entreprises, qui paient les allocations familiales, passerait lui de 1,4% à 2,1%, et non pas à 2,3%, comme je l'ai inscrit par erreur à la page 3 du rapport de majorité, je m'en excuse. La commission s'est attelée surtout à étudier précisément les incidences concrètes de l'initiative 145, et les éléments suivants ont été approfondis: la question du système de perception, la question de la délocalisation des entreprises en cas de modification substantielle du taux de contribution aux allocations familiales, et la question d'un éventuel contreprojet à l'initiative 145.
En ce qui concerne le mode de perception des allocations familiales, l'idée était de savoir s'il est possible de les rendre fonction du revenu. La loi fédérale laisse une certaine marge de manoeuvre aux cantons pour délivrer des allocations familiales plus élevées que celles prévues par le droit fédéral. L'OFAS a répondu qu'il n'était pas possible d'octroyer un montant plus élevé pour les revenus les plus faibles, par exemple, dans le cadre du système des allocations familiales. Ce régime devrait faire l'objet d'une comptabilité séparée et trouver un financement en dehors du système des allocations familiales. Plusieurs cantons ont d'ailleurs adopté cette pratique, comme celui du Valais. Les montants sont parfois intégrés aux allocations familiales, mais ils sont toujours comptabilisés de manière séparée.
En ce qui concerne la question de la délocalisation des entreprises en cas de modification substantielle du taux de contribution aux allocations familiales, l'étude juridique a donné des réponses claires. S'il y a un déplacement du lieu de travail hors du canton, l'employeur et les employés sont assujettis au régime des allocations familiales du canton de leur nouveau lieu de travail. Si le transfert de l'entreprise est strictement administratif et que les employés restent dans le canton de Genève, alors ils devront cotiser au régime d'allocations familiales de Genève. Dans le cas où il y a un déplacement du siège administratif et où les employés aux revenus très élevés travaillent entre Genève et un autre canton, la situation est plus compliquée. Les caisses d'allocations familiales pourraient être amenées à conclure que le régime d'un autre canton s'applique, si la majorité du temps de travail physique a lieu ailleurs qu'à Genève. La mobilité des très hauts cadres représente donc la difficulté du système et il pourrait y avoir un effet sur le financement des allocations familiales. En même temps, il est important d'ajouter que la loi cantonale actuelle plafonne la contribution maximale des indépendants aux allocations familiales à un revenu de 243 000 F. Une augmentation de 0,6% du taux de contribution correspond donc à un maximum de 1380 F par année pour cette catégorie d'actifs... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Merci ! ...et ce plafond sera maintenu si l'initiative 145 entre en vigueur.
En ce qui concerne la question d'un éventuel contreprojet, il s'est agi de savoir quel pourrait être son contenu. Le PDC, les radicaux et les libéraux se sont exprimés contre l'initiative 145 et en faveur d'un contreprojet. L'UDC, les socialistes, le MCG et les Verts, quant à eux, se sont positionnés en faveur de l'initiative 145, mais ne sont pas fermés à la discussion sur un éventuel contreprojet. Ce qui a été imaginé, c'est la possibilité de faire varier les allocations familiales en fonction du revenu pour lutter contre l'effet «arrosoir». Ont aussi été abordées la piste du mode de financement paritaire, l'augmentation des allocations familiales seulement pour les enfants de plus de 16 ans, voire la baisse du taux de perception.
Après débat sur ces différents éléments, la majorité de la commission a estimé que la pesée des intérêts en question - à savoir le risque que quelques personnes à hauts revenus déménagent si l'initiative 145 entre en vigueur, d'une part, contre l'amélioration du niveau de vie des familles genevoises, d'autre part - irait en faveur de l'augmentation des allocations familiales, voulue par l'initiative 145.
Nous vous engageons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter l'initiative 145. Je vous remercie. (Exclamations. Applaudissements.)
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, l'intitulé de cette initiative est fallacieux, cette initiative rate sa cible qui est de diminuer la précarité des familles genevoises et risque de mettre en péril le tissu économique genevois. Pourquoi le titre est-il fallacieux ? Parce que cette initiative, en parlant d'«allocations familiales dignes de ce nom», sous-entend que les allocations à Genève sont indignes. Or il faut comparer ce qui est comparable. Il faut déjà comparer Genève avec des cantons qui ont une structure socioéconomique semblable, c'est-à-dire Zurich et Bâle. Le taux de contribution à Bâle est de 1,25%, celui à Zurich est de 1,2%. Regardons plutôt le montant des allocations familiales, ce que touchent les familles avec des enfants. Il est dans la moyenne suisse et même légèrement supérieur à ce que touchent les familles zurichoises et bâloises. Donc le premier point important, c'est que nous n'avons pas à rougir de notre régime d'allocations familiales, qui en plus s'adosse à une fiscalité qui est très douce pour les familles à bas revenus.
Pourquoi cette initiative rate-t-elle sa cible ? Parce que se pose la question suivante: à qui va-t-elle profiter ? Au début du siècle, les allocations familiales ont été instaurées pour les familles d'ouvriers avec de nombreux enfants, pour ne pas diminuer leur employabilité par rapport aux autres familles d'ouvriers. Actuellement, quand vous voyez la structure sociale et démographique à Genève, les familles avec trois enfants - qui seraient celles qui toucheraient le plus d'allocations familiales - sont celles qui ont le revenu médian le plus élevé, par rapport aux familles qui n'ont qu'un ou deux enfants. En plus, on sait que lorsqu'on relève le montant des allocations familiales, souvent c'est un autogoal pour les familles genevoises, parce que l'augmentation des salaires est ralentie dans les années qui viennent.
Cette initiative peut mettre en danger la place économique genevoise. C'est vrai que si le taux de contribution passe de 1,4% à 2,1%, cela signifie entre 180 millions et 200 millions de charges supplémentaires pour les entreprises, qui vont s'ajouter aux 200 millions qui alourdissent déjà leurs charges, avec l'augmentation de la TVA et l'adaptation de la loi sur le chômage. La place économique genevoise peut être prétéritée, parce que, comme l'a expliqué la rapporteuse de majorité, il y a un risque d'exode des salariés. C'est vrai que les montants appliqués aux indépendants sont plafonnés, mais ceux des salariés à hauts revenus ne le sont pas. Il faut savoir que la place financière genevoise, c'est 10% de la population, mais c'est 40% des impôts sur les personnes morales et 35% dans le chapeau des allocations familiales. Il est plus que probable que nous allons assister à un exode des hauts revenus dans des établissements ou des filiales dans d'autres cantons où le système d'allocations familiales est bien plus favorable. A Zurich, c'est 1%. Donc je vous laisse réfléchir: 1% à Zurich et 2,1% à Genève.
Que va-t-il se passer s'il y a cet exode ? Eh bien, le taux de contribution, pour les PME, qui emploient le 70% des Genevois, va être beaucoup plus lourd. Je laisserai mon collègue vous expliquer les conséquences néfastes sur l'emploi qui peuvent en résulter. C'est pour cela que la minorité de la commission vous recommande de rejeter cette initiative et de s'engager vers un contreprojet. Alors pourquoi un contreprojet ? Déjà pour une raison très simple: on ne peut pas dissocier le problème des allocations familiales de la fiscalité des entreprises en général. Vous savez que Neuchâtel a baissé massivement la fiscalité sur les entreprises, et c'est un débat qui devra avoir lieu à Genève. On peut imaginer qu'un relèvement, même partiel, des allocations familiales serve de contrepartie à une baisse massive de la fiscalité pour les entreprises. Deuxièmement, vous savez qu'il y a aussi un contreprojet en gestation, par l'Entente, pour l'initiative 143 sur la petite enfance. Si nous acceptons l'initiative 145, nous risquons de mettre en danger ce contreprojet. Et troisièmement, la minorité de la commission est consciente qu'une aide plus ciblée pour les familles doit être envisagée, par exemple pour celles dont les enfants arrivent à l'âge de 18 ans et voient leurs primes d'assurance-maladie augmenter notablement.
C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que je finirai simplement en citant le Conseil d'Etat, à la fin de son exposé des motifs pour les comptes 2010: «[...] Genève ne peut en réalité compter que sur un seul atout: la vigueur de son économie.» Mesdames et Messieurs les députés, de grâce, ne bridons pas cette vigueur avec cette initiative qui est maximaliste, et engageons-nous pour un contreprojet qui cible mieux les familles et qui ne prétérite pas la place économique genevoise ! Je vous remercie. (Exclamations. Applaudissements.)
Mme Prunella Carrard (S). Avoir un enfant coûte cher, je pense que je vais bientôt en faire l'expérience; je pourrai le pratiquer. (Commentaires.) Je ne suis pas plus soumise à l'article 24 que beaucoup de députés parents dans cet hémicycle. Donc je n'ai pas de problème ! Cette initiative part du principe qu'une augmentation des allocations familiales entraînerait une diminution de la précarité des familles - ou une diminution, en tout cas, de la fragilité de certaines familles - et augmenterait leur pouvoir d'achat, ce qui est bon pour l'économie, nous le savons tous.
Cette initiative ne rate pas sa cible. Elle vise surtout à se préoccuper des familles de classe moyenne, car ce sont celles qui n'ont pas accès aux aides sociales et ce sont justement celles qui sont parfois un peu fragiles, parfois juste sur la tangente... On a parlé récemment de questions de surendettement; ce sont parfois ces familles-là qui, pour un rien, passeraient dans la paupérisation et que cette initiative vise à aider, ces familles pour lesquelles quelques centaines de francs de plus par mois, par enfant, pourraient vraiment changer les choses, faire en sorte qu'elles soient moins fragiles face à des accrocs de la vie.
Cette initiative proposerait par exemple de soulager les familles lors de la naissance d'un enfant, en augmentant l'allocation de naissance, ou d'encourager les jeunes à continuer une formation après 16 ans, en adaptant les allocations à partir de cet âge. Nous le savons, le problème du chômage des jeunes est grandissant, il est donc nécessaire de les soutenir pour qu'ils puissent avoir une bonne formation, une formation qualifiante, certifiante, qui leur permettra ensuite de trouver un travail. C'est là aussi un point essentiel que cette initiative vise à soutenir.
En 2008, le Grand Conseil a débattu d'un projet de loi socialiste proposant une augmentation des allocations familiales. La majorité de droite du Grand Conseil d'alors a refusé toutes les augmentations proposées, à l'exception de celle pour le troisième enfant. Les socialistes, à l'époque, ont trouvé que c'était insuffisant, raison pour laquelle nous avons décidé de lancer une initiative, et nous avons été rejoints par les syndicats, le Mouvement populaire des familles et les partis d'extrême gauche. Il s'agit donc de se prononcer sur cette initiative pour augmenter les montants des allocations familiales, sachant qu'aujourd'hui nous sommes en dessous des montants qui se pratiquaient en 1945, proportionnellement aux revenus moyens. Je pense que c'est peut-être une comparaison amusante et qu'il s'agirait de corriger les choses.
Un certain nombre de craintes ont cependant été soulevées par la minorité et nous les entendons. Nous désirons rappeler ici quelques éléments supplémentaires pour tranquilliser les esprits. La question des indépendants, le plafonnement du revenu ont bien été évoqués et plusieurs autres éléments également. Pour ce qui est de l'effet «arrosoir», je rappelle que les allocations familiales sont prises en considération dans le revenu déterminant imposable, ce qui fait qu'elles sont imposées. Donc l'effet «arrosoir» est en quelque sorte compensé par la fiscalité. S'agissant de l'augmentation, c'est vrai que cela va signifier une certaine hausse pour les employeurs. Pour donner un exemple concret, actuellement le taux de contribution est de 1,4% sur la masse salariale, dans le canton de Genève. Concrètement, cela veut dire qu'une entreprise avec une dizaine ou une quinzaine d'employés, dont la masse salariale totale est de 1 million de francs, paie aujourd'hui environ 14 000 F de contribution aux allocations familiales. L'initiative propose de passer à un taux de contribution de 2,1%. Donc cette même entreprise paierait 7000 F de plus, soit un total de 21 000 F de contribution, sur une masse salariale globale annuelle de 1 million. Voilà ce que ça veut dire en fait. Voilà ce que notre initiative propose.
Cette augmentation, selon la minorité, est insoutenable pour les entreprises. En commission, nous avons reçu un certain nombre d'entreprises qui étaient opposées à cette initiative, mais nous avons aussi auditionné quelques entrepreneurs qui ont estimé que cette augmentation était supportable. Ils ont par ailleurs relevé que, d'une certaine manière, l'augmentation des allocations représente une adaptation au coût de la vie. Et ils ont - pardon, je suis un peu essoufflée, c'est la grossesse ! - ils ont également relevé que, contrairement aux grosses entreprises, les PME - donc les petites et moyennes entreprises - ont souvent des difficultés financières à offrir des avantages sociaux à leurs employés, et que cette augmentation du taux de contribution pourrait pallier un peu ce manque. Je pense que ce sont là des éléments qu'il était important de rappeler dans un premier temps, et nous reviendrons peut-être plus tard dans la discussion. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Présidence de M. Pierre Losio, premier vice-président
Mme Nathalie Fontanet (L). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ce soir faire le lien entre l'initiative 145 dont nous discutons aujourd'hui d'une éventuelle adoption, et les conséquences que cela pourrait avoir sur l'initiative 143 concernant la petite enfance et l'initiative sur le droit à une place de crèche pour tous. Vous vous souviendrez qu'en séance plénière nous avions voté la solution d'un contreprojet. Eh bien, Mesdames et Messieurs, il se trouve que nous avions trouvé un financement de plus de 27 millions, ce qui permettait de créer immédiatement 1000 places de crèche. Nous l'avions trouvé grâce à un consensus et à de nombreuses discussions, et c'est un financement offert par les milieux économiques, par les employeurs, et non pas sous la forme d'un financement paritaire - parce que je crois que c'est important de le souligner. Il s'agit donc d'un financement apporté uniquement par les employeurs.
Dans le cadre des discussions que nous avions eues concernant ce contreprojet sur l'IN 143, nous avions abordé également la question des allocations familiales. Les milieux économiques étaient évidemment d'accord de reconnaître qu'aujourd'hui, même si l'on ne pouvait pas dire que le montant des allocations familiales était inadmissible, il méritait d'être augmenté. Les milieux économiques s'y étaient engagés et s'engageaient notamment à étudier cette augmentation, chiffres à l'appui, dans le cadre d'un contreprojet à l'IN 145. Ce soir, si nous nous dirigeons sur une acceptation de cette IN 145, sans éventuel contreprojet, nous devons être conscients des conséquences en termes de financement de la petite enfance, parce que les entreprises, les milieux économiques ne seront pas en mesure de tout payer.
Alors, finalement, est-ce que l'important pour vous est que les parents reçoivent immédiatement 100 F de plus pour les enfants entre 0 et 16 ans et 200 F de plus pour les enfants entre 16 et 20 ans ? Eh bien vous savez, Mesdames et Messieurs, moi je n'en suis pas convaincue, notamment parce que si ce montant leur permettra sans doute de mieux faire face à certaines dépenses et d'améliorer leur niveau de vie sur certains points, il ne leur permettra en tout cas pas de financer un mode de garde pour d'éventuels enfants à garder, et il ne leur permettra certainement pas non plus de renoncer à un travail dans une situation financière précaire. Alors ce soir, ce que nous devons examiner, décider, c'est de savoir si nous voulons le beurre, l'argent du beurre et la crémière, et peu importe si l'on n'a rien, ou si l'on décide d'accepter un contreprojet et d'examiner la possibilité, une fois pour toutes - et enfin, Mesdames et Messieurs ! - de régler le problème de la petite enfance dans notre canton.
Nous le savons, on peut imposer tout ce qu'on veut. Vous pouvez décider de faire voter cette initiative. Le peuple peut l'accepter. La loi peut dire que les communes devront financer et donner un droit pour tous. Vous voulez quoi ? La même chose que le droit au logement ? Nous n'aurons rien de cette manière-là. Nous le savons, à Genève, quand nous n'avons pas de consensus, nous n'obtenons rien. Les situations stagnent. Cela fait des années que nous n'avons pas suffisamment de places de crèche, cela fait des années que nous n'avons pas suffisamment de places de garde, alors vous pouvez contraindre tout ce que vous voulez, cela ne marche pas ! Je ne comprends pas pourquoi ce soir nous n'acceptons pas de nous diriger vers un contreprojet qui déboucherait premièrement sur une augmentation raisonnable des allocations familiales, pour permettre justement à ces familles avec de nombreux enfants et en situation de classe moyenne, qui ne reçoivent pas d'aide sociale, de bénéficier d'un pouvoir d'achat plus important. Mais il permettrait également à ces familles pour lesquelles il est si important de pouvoir travailler, d'avoir deux salaires, et même aux familles monoparentales, qui n'ont pas le choix et pour lesquelles 300 F ne vont rien changer à leur vie - parce qu'en plus ces 300 F sont imposés ! - de disposer enfin, mon Dieu... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de la création de places de crèche et de trouver un mode de garde pour leurs enfants !
Alors, Mesdames et Messieurs, je ne sais pas quoi vous dire d'autre ! Avancez tête baissée, et nous n'aurons rien à la fin ! Vous aurez peut-être vos allocations familiales, mais le dossier de la petite enfance restera bloqué. J'avais l'impression, lors des débats précédents, que nous avions décidé d'essayer d'avancer ensemble. On ne se dirige manifestement pas vers cela ce soir. Je ne peux que le regretter. Je vous encourage vraiment à examiner quand même cette proposition de contreprojet pour l'IN 145. Merci. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, sauf erreur hier ou avant-hier, il y avait dans la «Tribune de Genève» un titre qui valait son pesant de cacahuètes: «A Genève, hauts revenus, mais fins de mois difficiles». Voilà qui exprime tout à fait le paradoxe de notre canton où cohabitent une classe aisée qui gagne bien sa vie, vit bien, peut payer des loyers et des assurances-maladie, et une classe moyenne qui, elle, boitille à la fin du mois, trime pour payer toutes ses factures et qui - comme l'a dit la députée socialiste qui m'a précédé - ne bénéficie que de peu de subventions, et connaît par conséquent des fins de mois très difficiles. L'UDC avait déposé il y a une année une motion qui demandait au Conseil d'Etat de regarder cette situation, par le biais des assurances-maladie, de regarder de près le problème que nous avons à Genève, avec des primes particulièrement hautes, qui pénalisent les familles nombreuses. Cette motion - tout comme la proposition socialiste qui allait dans le même sens - a été gelée pour faire passer en priorité les prestations complémentaires familiales, dont le bien-fondé n'est pas discutable, mais qui ne peuvent aider que 1700 familles en tout et pour tout dans ce canton. Quid des milliers d'autres familles qui ont des problèmes et qui comptent sur les allocations familiales actuelles pour terminer leurs mois ?
Une fois l'initiative déposée, on a siégé pendant près de neuf mois en commission des affaires sociales. Nous avons étudié le problème que poserait l'augmentation des allocations familiales. Nous avons écouté les milieux patronaux. Ils nous ont menacés d'une espèce de fin du monde économique à Genève, parce que, paraît-il, le patronat, les milieux économiques, les PME, tout ce tissu économique qui, aujourd'hui, paie des impôts pourrait être mis en péril par l'augmentation d'allocations familiales. A ce stade de la discussion, je dois vous dire que les représentants du parti socialiste ont fait preuve d'un état d'esprit très impartial; ils sont venus avec des arguments, ont écouté ceux du patronat, exprimés par des groupes comme le parti libéral ou le parti radical, et y ont répondu parfaitement.
L'UDC, au début du débat, était plutôt défavorable à l'idée d'augmenter d'une manière aussi importante les allocations familiales mais, durant ce débat, après avoir pris en compte tous ces arguments, elle a fini par se décider pour soutenir cette initiative et pouvoir ainsi offrir à la classe moyenne tout simplement quelques billets bleus à la fin du mois, ces billets qui manquent, qui font défaut et qui font souffrir passablement de personnes.
J'aimerais ici adresser aussi d'autres félicitations, qui vont à mon propre groupe qui, au début, comme je vous l'ai dit, n'était pas très favorable à l'initiative et qui a discuté... (Remarque.) Si M. Meylan pouvait, en bon libéral, laisser parler les autres ! Merci. Je disais donc que le groupe UDC, qui n'était pas très favorable au départ, a eu par deux fois un large débat, et des gens comme Eric Leyvraz, qui est patron d'une PME et qui va devoir mettre la main à la poche si l'initiative est acceptée, ont soutenu la démarche. On peut le féliciter, parce que là, ça coupe court à l'argument consistant à dire que les PME, qui sont chères à l'UDC, comme certainement à vous, pouvaient être mises en difficulté dans le cas de figure d'une augmentation importante des allocations familiales. A la fin de ce débat, nous ne le pensons pas.
Nous ne le pensons pas, parce que concernant l'augmentation des cotisations réparties sur la masse salariale - ces fameux 0,6% qui vont coûter grosso modo 200 millions, c'est une approximation - eh bien le groupe UDC est prêt à prendre le pari que dans quelques années elles vont bien diminuer et qu'on va se retrouver avec un taux de cotisation tout à fait acceptable. Car l'effet des premières années, le coût que vont devoir absorber les milieux économiques va être très largement - et moi je prétends même intégralement - compensé par la révision de la fiscalité des entreprises et, l'un dans l'autre, contrairement à ce dont les milieux patronaux et les partis de droite nous menacent aujourd'hui, l'économie ne va pas être mise en péril.
Toutes ces choses ont fait que, aujourd'hui, nous sommes sceptiques quant à l'idée d'un contreprojet dont on entend vaguement parler depuis neuf mois, et du lien qui est fait avec l'initiative 143. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt la députée Nathalie Fontanet, mais aujourd'hui on parle bien de l'initiative 145, d'un problème précis qui s'adresse principalement aux familles, et c'est en songeant à elles que l'UDC va voter pour l'initiative 145. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, il y a une année et demie ou deux ans nous avons voté ici, dans ce parlement, un projet de loi pour des allocations familiales. Je me souviens que le MCG, appuyé par le parti socialiste, a déposé pas moins de cinq ou six amendements - vous excuserez l'imprécision de mon souvenir.
M. Jacques Jeannerat. On a l'habitude avec toi !
M. Eric Stauffer. Oui, bien sûr, Monsieur Jeannerat, vous avez l'habitude... Mais on parle d'un sujet important, on ne parle pas des écrevisses, là; donc on écoute son collègue quand il parle ! (Commentaires.)
Le président. Monsieur le député, c'est le Bureau qui fait régner l'ordre dans cette salle ! S'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Je l'espère, Monsieur le président !
Le président. Vous pouvez en être convaincu de ma part.
M. Eric Stauffer. Très bien. Donc le groupe MCG, appuyé par les socialistes, et inversement sur leurs amendements, en avait déposé successivement plusieurs pour augmenter à 300 F le minimum fédéral des allocations familiales - minimum qui, je vous le rappelle, est de 200 F. Ce n'était pas passé. A 280 F, ce n'était pas passé. A 250 F, ce n'était pas passé. A 240 F, toujours pas passé. Finalement, à 220 F - c'est-à-dire 20 F de plus que le minimum fédéral - le PDC qui, dans une certaine configuration des votes, faisait la balance, pour ne pas dire la girouette, s'était opposé aux familles et avait refusé 20 F d'augmentation sur les allocations familiales. Et c'est à cause - et non «grâce à», cette fois ! - du PDC que cette augmentation avait échoué... Alors, quand on se prétend un parti qui défend les familles, j'espère que, ce soir, Mesdames et Messieurs du PDC, la raison vous aura frappés à nouveau et que vous soutiendrez cette initiative !
Car, je vous le dis, Mesdames et Messieurs de l'Entente, s'il y avait eu une augmentation de 50 F, je demeure convaincu que les socialistes n'auraient pas lancé leur initiative sur les allocations familiales. Parce que, finalement, pour augmenter de 50 F, c'était beaucoup d'efforts à déployer. Mais vous avez été des pingres ! Vous avez été des radins ! Vous avez défendu les puissants lobbies du patronat... enfin, des syndicats patronaux - j'en passe et des meilleures ! Résultat des courses: aujourd'hui, vous vous prenez le boomerang en plein dans les gencives. Aujourd'hui, ce n'est pas 20 F d'augmentation, Mesdames et Messieurs, c'est 100 F et 200 F d'augmentation sur les allocations familiales ! Et, oui, le MCG répondra encore présent. Parce que quand on vient nous dire, et vous venez de le faire, Monsieur le rapporteur de majorité... de minorité, excusez-moi !
Une voix. Vous n'avez pas l'habitude !
M. Eric Stauffer. Non, je n'ai pas l'habitude. Parce que d'habitude... (Commentaires.) Voilà, exactement... Vous l'avez dit, vous allez bloquer le système économique genevois... (Remarque.) Non, non, non, justement ! Oui, enfin, nous, en votant l'initiative. Mais c'est un gros mensonge ! Ce qui a détruit aujourd'hui la classe moyenne, celle que vous êtes censés représenter à longueur d'année, celle qui a fait le succès du parti libéral-radical dans les années 80-90... Cette classe moyenne, vous n'avez pas encore compris qu'elle n'existe plus ! Que, aujourd'hui, les revenus sont descendus, ou plutôt n'ont pas augmenté, alors que le coût de la vie, lui, s'est accru ! Et c'est là que, Mesdames et Messieurs, vous êtes en déconnection totale avec votre électorat. J'ai entendu ceci: «Mais ce n'est pas 100 F ou 300 F qui vont changer la vie des familles...» Belle leçon d'économie ! Non, Madame la députée, 300 F par mois, ça change la vie d'une famille ! (Remarque.) Eh oui, tout à fait... Eh oui... Et voilà, on y est. Et aujourd'hui, vous avez prôné, quasiment tous à l'unisson, l'ouverture des accords bilatéraux: et encore un problème pour les citoyens genevois ! Les salaires n'augmentent plus. Evidemment, il y a un tel choix pour le patronat - celui que vous défendez - pourquoi s'embêter aujourd'hui à former des apprentis, à engager des Genevois, qui paient tellement cher leur loyer qu'ils doivent gagner beaucoup plus que nos amis venus de l'Union européenne ?
Et on en est, Mesdames et Messieurs, à faire des initiatives pour la petite enfance ou pour favoriser l'emploi des résidents ! Mais si l'on doit légiférer là-dessus, c'est qu'il y a eu un problème ! Aujourd'hui, vous en avez pris conscience. Eh oui ! Mais ça, c'est la politique que vous prônez, que vous vendez aux Genevois depuis combien d'années, depuis combien de législatures ? Alors oui, encore une fois, à l'augmentation des allocations familiales ! Oui pour aider les familles ! Et tant pis s'il y a quelques profiteurs ou certains... J'ai entendu dire: «Oui, mais bon, un monsieur Bertarelli n'a pas besoin de toucher 300 F par enfant !» Oui, c'est vrai ! C'est le système «arrosoir»: tout le monde est mis sur le même niveau. Mais moi, j'aimerais bien payer cent fois à cent Bertarelli 300 F par mois pour les allocations familiales, si en contrepartie il y a 200 000 familles genevoises qui les touchent ! Parce que je vais aider le plus grand nombre ! Et vous vous évertuez, quand ça vous arrange, à faire des lois ou à en contrer pour des minorités, alors que vous devriez légiférer pour le bien commun et pour la plus grande partie de la population !
Laissez-moi vous donner un chiffre, pour vous montrer où votre politique d'ultralibéralisme économique a mené les Genevois ! Savez-vous quel est le budget qui sera payé cette année pour les subsides d'assurance-maladie ?! Ce sont 220 millions, Mesdames et Messieurs ! Plus 80 millions d'aide de la Confédération ! Soit 300 millions de francs basés sur le calcul du RDU ! Les Genevois ne gagnent plus assez et doivent être subventionnés pour leurs primes d'assurance-maladie ! Nous sommes un canton de 450 000 habitants, et c'est 300 millions de francs en subsides que touchent les Genevois ! Mais est-ce que vous allez comprendre aujourd'hui que le thermomètre social est en train d'exploser ?! Est-ce que vous allez comprendre que ce n'est plus une politique ultralibérale - tout à l'économie - qui fera que les Genevois pourront continuer à avoir une qualité de vie décente ?! Quand comprendrez-vous cela ? Quand le PLR sera réduit à sept députés ? Vous avez fait jadis la fierté de Genève, réveillez-vous, Mesdames et Messieurs de l'Entente ! Allez dans le sens des familles genevoises ! Donnez-leur...
Présidence de M. Renaud Gautier, président
Le président. Monsieur le député...
M. Eric Stauffer. Donnez-leur ce qu'elles demandent ! Donnez-leur cette aide !
Le président. Monsieur le député, vous avez atteint les sept minutes !
M. Eric Stauffer. Donnez-leur ce que les Genevois demandent, c'est-à-dire une meilleure qualité de vie ! Aujourd'hui, c'est nouveau, à Genève - parce qu'on innove, dans le canton de Genève... - nous avons des gens qui ne sont pas des profiteurs, qui travaillent à 100%...
Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !
M. Eric Stauffer. Je vais conclure, Monsieur le président ! ...qui travaillent à 100%, mais qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts ! Cela s'appelle les «working poors». C'est nouveau, on ne connaissait pas ce phénomène il y a vingt ans; quand on travaillait, normalement on subvenait aux besoins de sa famille. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas ! Alors, Mesdames et Messieurs, je vous le dis, donnons ce coup de pouce, tous ensemble, à l'unanimité, pour ces allocations familiales !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. M. Bertinat l'a dit, il y aura une compensation avec la fiscalité qui viendra pour les entreprises, et vous donnez aujourd'hui un bon signal, respectueux...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. ...vis-à-vis de la population genevoise. Je reprendrai la parole, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau a décidé de clore la liste.
M. Eric Stauffer (hors micro). Mais c'est quoi ça, clore la liste ? C'est hallucinant ! (Commentaires.) On limite les débats ! Le Bureau, le président du Bureau, je m'y oppose ! (Remarque.) Mais c'est ça ! (Commentaires. Exclamations.) C'est vraiment de la dictature de pacotille ! (Exclamations.)
Le président. Auront encore droit à la parole: M. Patrick Lussi, Mme Anne Emery-Torracinta, M. Michel Forni... (Commentaires.) ...Mme Brigitte Schneider-Bidaux, M. Pierre Weiss, Mme Anne-Marie von Arx-Vernon, M. François Gillet, M. Serge Hiltpold, M. Pierre Conne, M. Mauro Poggia, M. Christian Bavarel, Mme Prunella Carrard, M. Charles Selleger, M. Patrick Saudan et Mme Mathilde Captyn. La parole est à M. le député Patrick Lussi.
M. Patrick Lussi (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, il me revient un peu la tâche ce soir de présenter une décision de l'UDC qui semblera pour certains - et je pense surtout aux gens de droite - avoir peut-être trait à un grand écart, à une décision contre-nature ou à quelque chose qui n'est pas fondé. Quand un objet de la nature de cette initiative ouvre un débat important dans la société, les associations, les groupements professionnels, les partis politiques, cela signifie que l'on a dépassé le côté technique de la proposition pour déborder dans un fait majeur de société: la possibilité de vie décente, dans notre espace de vie genevois.
Peut-on alors toujours s'arc-bouter, se terrer, invoquer nos slogans politiques ou autres, pour affirmer une position se calquant sur des dogmes présentés comme irréfutables en matière économique ? Le groupe UDC, pour forger et amener une décision de vote positif à l'initiative, est passé par le tamis de bien des interrogations, des doutes, voire des avis contraires, car nous ne voulions en aucun cas souscrire à ce que l'on nomme les subventions de type «arrosoir», distribuées sans objectif clair et ciblé.
Les raisons et démonstrations pratiques et objectives sont très bien décrites et expliquées dans le rapport de majorité et dans celui de minorité. Je ne peux qu'en remercier leurs auteurs. Pour motiver sa décision, le groupe UDC s'est forgé une opinion en analysant l'évolution de nos sources actuelles de revenus pour tenter d'offrir une vie décente aux familles, en constatant, par le biais d'études relayées dans les médias, une perte constante du pouvoir d'achat, notamment pour les familles. A ce sujet, j'aimerais faire allusion à deux articles récents parus dans notre presse genevoise. Le premier était intitulé: «La folie des hauts salaires contamine l'économie». Je ne peux m'empêcher, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de faire une petite parenthèse, en rappelant que si elle est toujours âprement discutée aux Chambres fédérales, l'initiative Minder est quand même issue d'une partie des milieux UDC. Le deuxième article que je tenais à mentionner était intitulé: «La cherté de l'immobilier plombe l'attrait de Genève».
Alors, et je le rappelle en ce lieu, la défense de la classe moyenne est l'un des vecteurs politiques prioritaires de l'Union démocratique du centre, l'UDC. Actuellement, la classe moyenne est totalement oubliée par les bonis, ma préopinante socialiste l'a dit. Mais pour les nombreuses tontes, tous les impôts et autres taxes, malheureusement souvent conçus par mes collègues des bancs d'en face, la classe moyenne est là pour répondre présent et a même l'obligation de payer. Actuellement, une famille de la classe moyenne a de la peine à boucler ses fins de mois. Mesdames et Messieurs les députés, cette initiative veut donner quelques moyens financiers supplémentaires aux familles. En page 4 du rapport de majorité, et quelques-uns l'ont rappelé, il est dit que cette initiative 145 n'apportera un soutien qu'à 1700 familles. (Commentaires.) Nous ne pouvons pas passer comme chat sur braise sur le fait que le coût de la vie, dans notre canton, est l'un des plus élevés, si ce n'est le plus élevé de Suisse. Les coûts engendrés par cette initiative 145, vu son action ciblée sur les familles et le nombre acceptable de personnes concernées, ne nous sont finalement pas apparus comme rédhibitoires.
Pour l'UDC, la famille est et doit rester la cellule de base de l'organisation de nos valeurs, us et coutumes. Elle mérite d'être aidée et soutenue, dans ce qu'elle génère de plus précieux: les enfants. Dans la situation économique difficile actuelle, même si cela reste très symbolique, nous avons décidé de soutenir cette aide aux familles. Pour ces raisons, une majorité s'est trouvée au sein du groupe UDC pour accepter l'initiative 145. C'est dans ce sens que le groupe UDC votera et, bien entendu, nous vous demandons de faire de même et d'accepter cette initiative. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous lire l'article 78 de la loi portant règlement du Grand Conseil, dont le titre est «Clôture de la liste des intervenants». Le voici: «1 En débat libre, si le débat est particulièrement long, le président peut, après consultation du bureau, décider de clore la liste des intervenants, en précisant le nom des députés restant à intervenir.»
Dans la mesure où cette décision semble être contestée, je vous lis l'alinéa 2: «Cette décision peut être contestée par un vote sans débat à la majorité des deux tiers.» (Remarque.) Je vais donc vous faire voter pour savoir si vous entendez renverser cette décision, en rappelant qu'il vous faudra la majorité des deux tiers.
Nous sommes en procédure de vote, Mesdames et Messieurs. Celles et ceux d'entre vous... (Brouhaha.) Celles et ceux d'entre vous qui contestent la décision que j'ai prise, à savoir qui souhaitent ne pas clore la liste, voteront oui; il leur faudra les deux tiers des voix. Celles et ceux qui sont favorables à la clôture de la liste votent non. (Commentaires durant la procédure de vote. Exclamations. Rires.)
Mise aux voix, la proposition de ne pas clore la liste des intervenants est rejetée par 53 non contre 27 oui et 7 abstentions.
Le président. La liste est donc close. La parole est à Mme la députée Anne Emery-Torracinta.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Je regrette, Monsieur le président, que pour un sujet de cette importance on en vienne à ce style d'attitude, d'autant plus que je crois savoir, d'après le règlement, qu'il faut que le Bureau soit unanimement consulté pour prendre cette décision et que cela n'a pas été le cas. J'aurais souhaité - notamment parce que j'ai été l'une des personnes à l'origine de cette initiative - reprendre la parole en fin de débat et je regrette de ne pas pouvoir le faire. Cela dit, je vais essayer d'utiliser mes sept minutes au mieux pour vous dire d'abord, Mesdames et Messieurs les députés, que cette initiative est juste et qu'elle est raisonnable.
Elle est juste parce que les familles genevoises, et plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, sont dans des situations difficiles. Aujourd'hui, avoir un enfant - et ce n'est pas le parti socialiste qui vous le dit, ce n'est même pas la majorité de la commission des affaires sociales, mais c'est par exemple l'Office fédéral de la statistique - coûte cher et c'est l'une des raisons qui mène les personnes à la précarité, voire la pauvreté. Très récemment, le Crédit Suisse - qui n'est pas non plus soutenu par les milieux auxquels j'appartiens - publiait une étude sur le revenu librement disponible dans les différents cantons suisses et disait que c'est à Genève qu'il est le plus bas. En d'autres termes, si on prend une famille genevoise et qu'on la compare avec une famille d'autres cantons à revenus équivalents, une fois que les impôts ont été payés, que le logement a été payé, que l'assurance-maladie a été payée, que les transports ont été payés, etc., on s'aperçoit que les plus pauvres en Suisse sont les Genevois. Pour ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, il est juste de trouver une solution en faveur des familles.
Mais il est juste aussi de demander un geste aux entreprises. Pourquoi ? Plusieurs d'entre vous l'ont rappelé, depuis quelque temps, nous sommes dans une tendance qui consiste à baisser les impôts des entreprises. Il y a très peu de temps, le peuple suisse a accepté ce qu'on appelle la réforme II de l'imposition des entreprises, qui a déjà induit un certain nombre de baisses. Puis, à la commission fiscale de ce Grand Conseil, une majorité du parlement est prête à abandonner la taxe professionnelle. Et nous le savons, le Conseil d'Etat a des projets qui, s'ils sont acceptés, pourraient amener des baisses fiscales pour les entreprises de l'ordre de 300 à 350 millions - le chiffre de 1 milliard est même parfois articulé. Alors dans ces cas, Mesdames et Messieurs les députés, demander un petit quelque chose pour les familles aux entreprises, cela me paraît correct, puisque le Conseil d'Etat a estimé que cette initiative devrait leur coûter une somme qui est peut-être de l'ordre de 180 millions. Si on enlève la partie de l'Etat de Genève, c'est peut-être 150 millions qu'elle coûterait. Alors vous faites le calcul par rapport aux centaines de millions, voire au milliard qui va disparaître. Je crois que le calcul est vite fait.
Puis cette initiative est juste aussi parce que certains font parfois le reproche que les allocations familiales arrosent tout le monde, y compris les millionnaires. Eh bien, n'oublions pas que les allocations familiales sont soumises aux impôts et que, par ce biais-là, la justice sociale est exercée. J'ajouterais d'ailleurs, au cas où vous ne le sauriez pas, que des millionnaires, il n'y en a pas tant que cela à Genève. A la commission sociale, nous avons eu des chiffres de l'administration fiscale cantonale. J'ai pris les chiffres des contribuables mariés: eh bien ceux qui déclarent un revenu brut annuel de 1 million ou plus sont 0,008% à Genève, pour 38% de contribuables mariés qui déclarent moins de 100 000 F de revenu brut annuel, et 41% qui déclarent un revenu brut annuel qui se situe entre 100 000 F et 200 000 F. Donc 80% des contribuables mariés à Genève peuvent être considérés comme des personnes à revenu modeste ou moyen.
J'ai également dit tout à l'heure que cette initiative était raisonnable. Elle est raisonnable parce que le taux d'effort, le taux de contribution qui va être demandé aux entreprises est de l'ordre du possible. Ma collègue Prunella Carrard l'a rappelé tout à l'heure, en 2002 ce taux était de 1,9% pour les entreprises genevoises. Y a-t-il eu des problèmes ? Pas que je sache. A-t-on à l'époque crié au scandale en disant que ce taux était confiscatoire ? Pas que je sache. Avec l'initiative, à masse salariale constante, on devrait avoir un taux de l'ordre de 2% à 2,1%. Il est donc tout à fait raisonnable. Je rappelle encore que c'est le plus bas des cantons romands, et si l'on veut le comparer à notre voisin, le canton de Vaud - qui a depuis 2011 un taux de contribution de 2,31% - eh bien Genève sera encore largement concurrentiel face à tous ses voisins romands.
Cette initiative est également raisonnable pour les indépendants. On parle souvent des petites entreprises, on parle souvent des indépendants, et on oublie que le taux de contribution de ces derniers est plafonné sur une certaine masse salariale, actuellement de 243 000 F. Si l'initiative était acceptée aujourd'hui, si elle entrait en vigueur aujourd'hui ou demain, c'est un maximum de 120 F par mois qui serait demandé à ces petits indépendants. Puis - bonne nouvelle pour eux - dès 2013, le Conseil fédéral a annoncé une baisse de ce plafonnement à 125 000 F, ce qui veut dire que, dès cette date, les indépendants paieront pour leurs allocations familiales une somme inférieure à ce qu'ils déboursent aujourd'hui.
Enfin, cette initiative est raisonnable, parce qu'il n'y aura pas d'exode des entreprises. On nous dit toujours: «Les entreprises vont partir. Elles vont délocaliser leur siège.» C'est notamment la menace qui nous a été faite en commission par les représentants des entreprises. Ils ne le pourront tout simplement pas - encore faudrait-il qu'ils le veuillent - parce que les allocations familiales sont prélevées et calculées dans le canton où les personnes sont employées. Donc le risque d'exode massif des entreprises qui partiraient avec leur bâtiment et leurs employés sous le bras est selon moi un mythe, mais c'est un mythe qu'on veut essayer de nous faire passer ici, dans cette enceinte, dans certains milieux, pour tenter de pousser à refuser cette initiative.
J'aimerais répondre à Mme Fontanet et à son argument concernant les 27 millions que les entreprises, que la FER notamment est prête à mettre par rapport à l'initiative sur la petite enfance. Je m'en réjouis, Madame la députée. Je m'en réjouis, mais là, d'une part, on mélange deux sujets qu'on ne devrait pas mélanger, et puis je vous ai dit tout à l'heure que le coût de l'initiative sur les allocations familiales serait de 180 millions au total, y compris pour l'Etat de Genève; on parle aussi de 300 millions de baisses fiscales, voire 1 milliard, et de l'autre côté on veut refuser cette initiative en mettant 27 millions. Alors là je ne vois pas du tout où est l'équité. Vous parliez de beurre, du prix du beurre, de la fermière, de la laitière, etc., mais au mieux c'est l'emballage que vous êtes en train de nous offrir, Madame la députée.
En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, il serait scandaleux, dans une région qui est l'une des plus riches du monde, l'une des régions qui produit le plus fort taux de croissance économique d'Europe - nous sommes juste derrière l'Allemagne et largement devant les autres régions suisses - il serait quand même scandaleux qu'avoir un enfant devienne un luxe, réservé à quelques-uns. Mon collègue Lussi l'a rappelé tout à l'heure, dans ce parlement, nous avons accepté il y a quelques mois un texte du Conseil d'Etat en faveur de prestations complémentaires pour les familles modestes. Or les familles qui sont visées par ces prestations complémentaires sont à peu près 1700 et il y a plus de 60 000 familles à Genève. C'est donc au nom de ces 60 000 familles, au nom de celles qui sont dans la classe moyenne, qui paient des impôts, qui ne sont jamais aidées et qui en ont tout simplement ras le bol d'être oubliées de ce parlement, que je vous demande d'accepter cette initiative pour qu'enfin des allocations dignes de ce nom soient versées aux familles de notre canton. (Applaudissements.)
M. Michel Forni (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs de majorité et de minorité, qui ont parfaitement défini le thème de ce soir qui, je le rappelle, est celui de l'allocation familiale, en décrivant bien sûr un panorama totalement différent et antagoniste. Au sein du parti démocrate-chrétien, nous avons d'ailleurs longuement réfléchi et analysé les différents éléments qui ont déjà été repris ce soir, dans le contexte de deux projets. L'un, comme vous le verrez, reste classique, puisque tous les dix ans ce problème d'allocations familiales revient sur le tapis, classique mais réactualisé bien sûr, et presque raisonnable. L'autre est un projet encore embryonnaire, un contreprojet, comme cela a été dit, qui apporte, il est vrai, une certaine solution économique, mais qui ne répond pas à des besoins. C'est la raison pour laquelle il y a eu un certain retour de situation de notre part.
L'allocation familiale, permettez-moi de vous le dire, est une vieille histoire. Au départ, c'était une sorte de sursalaire familial et tout a commencé en Suisse dans une usine de tabac où les familles étaient, à la fin de la Première Guerre mondiale, maltraitées par certains côtés et avaient besoin de pouvoir développer leur pouvoir d'achat. C'était la fabrique Burrus à Boncourt. Ensuite, Genève est entré en matière en 1930. Et depuis 1930, tous les dix ans à peu près - en 1940, 1950, 1960... - nous reprenons le même thème.
Il y a quand même eu deux ou trois petits éléments qui ressemblent étrangement à ce dont nous discutons ce soir. Je reviens par exemple sur un discours de M. Etter - les jeunes de ce parlement ne le connaissent pas, mais c'était une grande figure de la Seconde Guerre mondiale - qui disait le 6 décembre à Berne: «Il convient de pouvoir tirer des conséquences de la situation démographique du pays. Il convient de pouvoir examiner les mesures à prendre pour assurer la prospérité du pays, mais aussi la sécurité de la famille. Et il convient aussi d'augmenter la puissance vitale de notre peuple.» Qu'est-ce qui change avec notre projet ce soir ? Pas grand-chose. A Genève, en 1941, c'est un député PDC, M. Laurencet, qui est entré en action à l'époque dans le sens d'alléger les charges des pères de famille. Le projet qui avait été remis au Conseil d'Etat se terminait de la façon suivante - je suis en 1941: «L'allocation n'est utile que si elle est ajoutée à un salaire suffisant. Si elle rend simplement le salaire normal, le but n'est pas atteint.» Alors cherchez ce soir le problème et la solution et vous verrez que tous les dix ans nous sommes revenus dans la même saga, dans les mêmes débats... Les syndicats patronaux ont eu l'efficacité de clarifier le débat en proposant des formules d'indexation d'allocations familiales: allocations familiales dégressives, c'est-à-dire en fonction du revenu du bénéficiaire - on le revoit ce soir; allocations progressives, c'est-à-dire en fonction du nombre d'enfants; allocations en système mixte, c'est-à-dire qui reprend les deux problèmes, le revenu et les enfants. Nous retrouvons le même problème ce soir.
Pour ce qui est des sommes, en 1973, c'était 50 F et 60 F par enfant; en 1980, ça monte un tout petit peu et, sous l'influence des députés socialistes, Wyss-Chodat et autres, les montants vont augmenter, et finalement notre collègue Schaller interviendra également dans les années 80... les années 90, pardon, pour arriver à une véritable politique familiale, c'est-à-dire permettant d'inscrire dans la constitution genevoise des principes de reconnaissance de la famille comme cellule fondamentale de la société, mais aussi d'élaborer une politique globale de protection de la famille.
Alors, quand on parle de politique, de protection de la famille, pour les uns c'est de la surenchère, pour les autres c'est de l'injustice. Et finalement, on arrive toujours à une limitation rigoureuse de l'accroissement des charges des entreprises, car cela est théoriquement normal et pratiquement justifié. Mais enfin, nous retombons dans les mêmes travers ! L'arrosage ! Mais l'arrosage est soumis à l'impôt ! Le complément de salaire ! Mais qui est toujours financé par l'employeur ! Nous avons également une attitude raisonnable, c'est-à-dire de garder un système de sécurité qui n'est pas un système de sécurité sociale, de par le fait même que les cotisations sont toujours à la charge des employeurs. Alors, j'ai parlé de la saga, mais il s'agit surtout de compensations anti-disparités qui sont restées un tremplin d'allocations équitables pour certains, et de toilettage de l'inéquitable pour les autres. Et on retombe de nouveau dans le natalisme, dans l'économique, dans la défiance, le niveau fédéral, le niveau cantonal...
Mais pour nous, PDC, ce qui nous intéresse, c'est que l'allocation familiale est un investissement qui repose sur deux piliers: l'un est économique - et nous en avons déjà parlé ce soir, il doit être équilibré - l'autre est politique. Il s'agit donc d'avoir un savant dosage, un sens de l'enjeu. Il n'y a pas de modèle mathématique et il y a toujours un système où malheureusement il n'y a pas d'offre, mais une demande. Alors, des mesures de sécurité se sont mises en place, cela a été dit. On a tenté de défiscaliser, et à Genève on a surtout tenté de réduire les problèmes d'imposition, notamment des familles et de celles qui en ont besoin. Ceci doit être souligné, car cela constitue un deuxième mécanisme, en parallèle à l'allocation familiale. Mais alors il y a aussi des effets pervers qui sont arrivés, cela a déjà été mentionné. Les hausses des assurances-maladie ont pratiquement rogné ce qui avait été gagné. D'autre part, le déclassement des jeunes reste le même, c'est-à-dire qu'à partir du moment où il y a besoin de soutien, ce n'est pas tellement la société qui en apporte, mais plutôt la famille.
Alors il est clair que ce projet modifie l'indice genevois du prix à la consommation, le taux des cotisations, et aboutit finalement à une augmentation de quatre types d'allocations. Nous, PDC, sommes enclins à ce que les différents effets soient bien évalués, mais nous tenons aussi à rappeler que lorsque l'on augmente les apports dans le porte-monnaie, ceux-ci vont de pair avec le pouvoir d'achat et généralement avec la redistribution, c'est-à-dire avec un petit retour de manivelle.
Que dire également de notre frilosité antérieure et de notre prudence d'aujourd'hui ? Eh bien, nous entendons simplement non pas nous engager dans une nouvelle philosophie, mais nous étions prêts à soutenir le contreprojet qui aurait dû apporter des gages et des sécurités, peut-être plus familiales que financières, et que nous n'avons finalement pas trouvés. C'est la raison pour laquelle nous sommes revenus à une vieille idée de M. Bossuet, qui disait: «Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes !» Eh bien ce soir, nous ne voulons pas chérir des causes, nous ne voulons pas revenir à un système d'arrosage. Nous voulons être en adéquation avec le problème. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé d'être fidèles à notre prise de position historique qui, je le rappelle, remonte aux années quarante. Nous avons pris connaissance de certaines menaces que nous qualifierons d'externalités négatives, qui, nous l'espérons, seront passagères. Et nous tenons à dire à certains - et vous transmettrez, Monsieur le président - que l'effet «Blitz», par exemple proposé par le MCG, ne nous fait pas peur. C'est la raison pour laquelle, dans la mutation de nos idées, nous pouvons déjà vous annoncer que nous allons soutenir cette initiative 145. (Brouhaha. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Brigitte Schneider-Bidaux. (Brouhaha.)
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Est-ce que j'ai la parole ?
Le président. Votre micro est allumé et le temps tourne, Madame la députée. Il ne vous reste plus que trente secondes.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux. Excusez-moi, mais le brouhaha de la salle fait que je ne vous ai pas entendu. Excusez-moi.
Je ne vais pas répéter ce que vous avez déjà entendu un certain nombre de fois sur la fiscalité, sur le financement, sur ce problème ou un autre. Par contre, je vais vous dire que, pour les Verts, la politique de la famille est une politique importante et qu'il n'y a pas que la solution consistant à faire garder ses enfants jusqu'à l'âge scolaire, dans des crèches éventuellement. C'est important, oui, c'est clair. C'est probablement l'une des meilleures façons de faire garder ses enfants quand on travaille, mais ce n'est de loin pas la seule. La politique de la famille ou la politique pour s'occuper des enfants, c'est de 0 à... Cela dépend de l'âge auquel ils sont indépendants financièrement, donc cela peut être entre 18 et 25 ans, au choix, peut-être un peu plus selon les études qu'ils feront.
Vous ne serez pas étonnés de savoir que les Verts ont d'abord soutenu la récolte de signatures pour cette initiative, ont ensuite défendu cette initiative, la soutiennent toujours et vont continuer à le faire.
Pour répondre à la droite qui joue l'initiative 134, pour des places de crèche...
Une voix. 143 ! (Remarque.)
Mme Brigitte Schneider-Bidaux. ...oui, qui joue l'initiative 143 par rapport à l'initiative 145 dont nous parlons ce soir, eh bien ce n'est pas une bonne façon de faire, parce que c'est jouer un mode de garde contre d'autres choses...
Une voix. Eh bien, il n'y aura rien !
Mme Brigitte Schneider-Bidaux. Alors ça, c'est ce que vous dites ! Ça, c'est ce que vous dites, mais je ne pense pas que ce ne soit rien, parce qu'on ne peut pas jouer un mode de garde contre une prise en charge des enfants par les familles pendant vingt-cinq ans. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, référence pour référence, ce ne sera pas Bossuet, mais le cardinal de Retz, qui disait que la politique est l'art de choisir entre des inconvénients. Certains croient vivre dans un monde idéal, ou qu'ils voudraient forger selon leurs idéaux. On sait où cela peut mener. D'autres tentent, pragmatiquement, de raisonner en fonction de certaines contraintes. J'essaie de me placer dans ce cadre, c'est d'ailleurs celui que connaissent les Genevois qui ont des contraintes entre lesquelles ils doivent choisir. Nous essayons d'améliorer leurs conditions-cadres; nous ne pouvons transformer leur vie.
Je ne reviendrai pas sur les rapports, je ne m'étonnerai pas excessivement sur les effets pervers, mais j'aurais quand même voulu dire clairement certaines choses ici. La première, c'est qu'évidemment l'acceptation de l'initiative rend caduque l'offre des milieux économiques. Il n'y aura effectivement pas 1000 places supplémentaires pour la petite enfance, parce que certains auront voulu le maximum. Ils n'auront pas ces 1000 places, ces 1000 places qui font défaut, ces 1000 places qui manquent, places que certains ici ont contribué à créer par leur travail, au fil des législatures - je pense à M. Tornare, à qui je rends hommage à cet égard - mais que d'autres, aujourd'hui, veulent arrêter, parce qu'ils ne veulent pas des moyens pour continuer ce développement avec l'aide des entreprises. J'en prends acte. Il ne s'agit pas d'en faire un drame. Il faut simplement dire aux 1000 familles en question: «Si les places de crèche ne se créent pas, c'est à cause de nous !» Le «nous», c'est cette majorité étonnante que l'on voit ce soir, qui fait du pathos.
La deuxième conséquence claire de la décision de ce soir - puisque nous sommes dans un monde réel et pas dans un monde idéal - c'est que ce que l'on donne aux uns, on ne le donne pas aux autres. Le professeur du département d'économie politique de l'Université de Genève, Giovanni Ferro Luzzi, a clairement dit que lorsque l'on augmente, par exemple, les allocations familiales, on observe une moins grande progression des salaires. C'est ainsi. Ceux qui n'ont pas d'enfants auront une moins grande progression des salaires. Eh bien, ceux qui votent en faveur de l'initiative leur expliqueront qu'ils ont préféré qu'ils aient une moins grande progression des salaires. Ce n'est peut-être pas un drame pour vous, mais c'en est peut-être un pour ces familles-là. C'est à vous de rendre des comptes, de prendre vos responsabilités.
Troisième effet concret: certes, les entreprises ne vont pas délocaliser en masse, mais les très hauts revenus - notamment ceux de ces financiers que M. Hiler essaie de faire venir à Genève, qu'il essaie aussi de garder à Genève - ceux-là peuvent très bien avoir leur domicile ailleurs en Suisse, notamment à Zurich. Et là, les quelques dixièmes ou centièmes de pourcent qu'ils représentent disparaissent, mais les effets sur la masse salariale sont très importants. Ce sont donc les autres travailleurs qui devront supporter ce coût. Vous leur expliquerez qu'ils doivent prendre cela sur leurs épaules ! Petite remarque démographique au passage: on observe que l'on a plus d'enfants dans les familles à bas ou à hauts revenus. Ceux qui disent vouloir favoriser la classe moyenne se trompent de cible. C'est très bien, on peut être aveugle, prendre des décisions à l'aveugle. Peu importe ! L'irresponsabilité, après tout, n'a jamais tué !
Et puis je crois qu'il faut le dire aujourd'hui et sans pathos, Mme Emery-Torracinta a présenté son initiative - à laquelle elle tient comme la «prunella» de ses yeux - avec clarté. Je sais très bien qu'elle veut arriver jusqu'à son terme. Je la félicite pour sa constance, sinon son obstination. En même temps, ce qui est certain, c'est qu'il faut bien voir qu'il y a d'autres objets dans le pipeline. Il y a le congé parental et le congé paternel, qui s'ajoutent aux augmentations des allocations familiales pour le troisième enfant, qui ont déjà été adoptées, et aux diminutions de la fiscalité pour les familles, que le PDC, à raison, avait favorisées. Bref, il y a tout un ensemble. On ne rase pas gratis. On se rend simplement compte que certains, aujourd'hui, veulent augmenter d'un côté, et diminuer les impôts de l'autre. Le champion de ce genre de causes est probablement parti à la buvette mais, à nouveau, peu importe.
Je termine, Monsieur le président. La politique, c'est choisir entre des inconvénients. C'est aussi choisir entre des mesures qui sont responsables et d'autres pour lesquelles il faudra s'expliquer devant les citoyens. Aujourd'hui, clairement, l'UDC et le PDC choisissent de s'allier à la gauche et à l'extrême gauche, et ils en rendront compte à leurs électeurs. Je vous remercie.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous savez que, jusqu'au dernier moment, nous avons essayé de convaincre ceux qui étaient réticents, hésitants, flageolants, d'adhérer à un contreprojet. Nous sommes toujours convaincus que le principe du contreprojet est la meilleure solution, était la meilleure solution, aurait été la meilleure solution. Vous choisirez la conjugaison. Ce contreprojet voulait que le montant des allocations pour les enfants, pour les naissances et pour la formation professionnelle soit augmenté de façon substantielle, beaucoup mieux que ce qui est proposé aujourd'hui dans l'initiative 145. Nous voulions que l'augmentation des aides familiales soit ciblée et ne bénéficie qu'aux familles à bas et moyens revenus. Nous pensons que c'est une question de bon sens, que tout le monde peut comprendre. Et vous savez aujourd'hui qu'au niveau fédéral le parti démocrate-chrétien mène un combat - pour lequel, nous en sommes persuadés, vous serez tous des soutiens avisés et totalement convaincus - pour exonérer de l'impôt les allocations familiales, car c'est le comble de l'injustice de donner d'un côté pour reprendre d'une autre main.
Nous sommes donc totalement persuadés qu'il eût fallu ce contreprojet, qui aurait permis non pas simplement d'adhérer à une initiative fort séduisante, mais finalement «petits bras», et qui nous fait perdre peut-être d'autres avantages, finement négociés avec les entreprises et qui apportaient des éléments tout à fait concrets, tout de suite, pour lesquels nous étions convaincus et pour lesquels nous nous sommes battus. Mais c'est vrai que certains d'entre nous, dans ces groupes présents qui défendent le soutien à l'initiative, ne veulent pas de crèches, eux, bien sûr. Ils veulent que les femmes restent à la maison. Ils veulent qu'il y ait cette espèce de manière de faire à l'ancienne. Ceux-là se reconnaîtront, je n'ai pas besoin de les citer.
Maintenant, à partir du moment où le PDC soutient un projet, qui nous semble finalement très modeste, très «petits bras», je l'ai dit, c'est que nous sommes toujours persuadés que tout investissement par rapport aux enfants est un véritable retour sur investissement pour la Suisse.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, Anne-Marie von Arx-Vernon vient de le dire, jusqu'à la dernière minute, le PDC aura tout tenté pour essayer d'obtenir une majorité dans ce parlement afin de travailler à un contreprojet. (Commentaires.) Il a été rappelé par certains qu'on ne peut pas charger éternellement les entreprises de ce canton, sur tous les fronts. Nous pensions - et nous pensons toujours - qu'aider les familles de ce canton ne se limite pas à augmenter les allocations familiales. Il y avait effectivement mieux à faire, de façon plus ciblée. Nous pensons qu'aider les familles de ce canton, c'est travailler la fiscalité des familles, en particulier de la classe moyenne. Nous pensons qu'aider les familles de ce canton, c'est travailler à de véritables solutions de prise en charge pour la petite enfance.
Je reviens sur ce que disait Mme Fontanet. Il est vrai que le fait que nous n'ayons pas pu trouver cette majorité pour le contreprojet fait qu'aujourd'hui nous compromettons, il faut bien le reconnaître, ce qui avait été envisagé pour la participation financière des entreprises au dispositif de la petite enfance à Genève. C'est regrettable. Le problème, et vous le savez, c'est que la procédure de vote pour les initiatives législatives fait que nous ne pouvons pas voter sur le principe du contreprojet avant d'avoir statué sur l'initiative. C'est malheureux. Probablement que si nous avions pu faire l'inverse, nous aurions eu une majorité dans ce parlement pour le contreprojet. Ça ne pourra pas être le cas. C'est profondément regrettable.
Cela étant, le PDC, vous le savez, Michel Forni l'a dit, soutient les familles depuis toujours. Donc, tout en regrettant de n'avoir pas pu travailler à un projet plus équilibré, mieux ciblé, nous soutiendrons cette initiative qui, malgré tout, viendra en aide aux familles de ce canton.
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes dans un débat passionné qui concerne l'avenir social des employés et les enfants de ce canton. La première chose déjà: le Conseil d'Etat a agi en faveur des travailleurs pauvres avec le projet de loi 10600 pour lequel j'étais rapporteur de majorité. C'est un geste important, une politique ciblée et pragmatique a été faite pour les plus démunis de ce canton.
Maintenant nous sommes au coeur du sujet: «Pour des allocations familiales dignes de ce nom». Alors, rien que sur le titre, je vais vous parler franchement, en tant qu'entrepreneur; je sais que l'on n'est peut-être plus que trois ou quatre dans cette salle, c'est une race qui tend à disparaître, une race que l'on considère beaucoup, mais finalement que l'on n'écoute pas et dont on se moque. Maintenant, il est temps de remettre les pieds sur terre, et je vais vous parler un peu de ce qui se passe dans l'économie, et de l'historique des allocations familiales. Le domaine de la construction, au départ, avait incité à donner des allocations familiales. C'est parti des patrons, dans un geste de considération pour les employés. Cela, vous ne pouvez pas l'enlever ! Et quand j'entends des termes comme «les lobbies superpuissants bancaires», j'aimerais dire que la base des allocations familiales a été discutée dans un partenariat social entre les syndicats patronaux et ouvriers, avant la guerre. Ça c'est déjà l'historique.
Ensuite, l'initiative est extrêmement bien tombée pour les élections fédérales. Vous arrivez avec une initiative «arrosoir» que personne ne peut combattre. C'est tellement sexy, c'est tellement populiste que, finalement, eh bien vous prenez quoi ? Les cotisations sur les employeurs, et personne ne paie. Qui paie ? Ce sont les petits patrons. Et ça, je pense que c'est un débat complètement irresponsable.
Les libéraux-radicaux sont les seuls ce soir à maintenir une ligne claire. Ce n'est pas une ligne claire du puissant lobby bancaire, mais une ligne claire des entrepreneurs et des gens qui créent des PME, qu'ils fondent avec des collaborateurs qu'ils respectent, et qui font 80% de l'emploi, dans des petites sociétés. Je ne parle pas des indépendants. Je parle des entrepreneurs, des gens qui préservent l'emploi quand il y a la tempête, qui gardent la formation, qui maintiennent des gens lorsqu'il y a moins de chiffre d'affaires et qui se battent pour le conserver. Et là, je regrette de nouveau qu'on ne soit pas entendu sur cette position.
Maintenant, je suis consterné de la position de l'UDC et du PDC, pour le manque de responsabilité que vous avez sur ce sujet. J'ai vu rire le candidat malheureux Bertinat, soutenu par la FER, et je peux vous dire qu'en tant qu'entrepreneur, c'est une honte que la FER vous ait soutenu. Et je suis profondément choqué de cette prise de position... (Exclamations.) Je vous parle en tant qu'entrepreneur, avec une vision humaniste. (Le président agite la cloche.)
Ensuite, vos grands discours sur l'économie, alors là, on va en parler ! Qu'est-ce que vous faites de la hausse de la TVA de 7,6% à 8%, de la hausse des allocations AVS-AI, de la hausse des charges ? Que répondez-vous lorsque vous devez arriver à la fin de l'année devant un accréditeur crédit pour avoir votre budget de fonctionnement et avoir du cash ? On vous demande des résultats, on vous demande des analyses et on vous met un rating. Maintenant qu'est-ce que vous faites ? Une société comme la mienne, c'est 25 000 F de charges supplémentaires. Je vais vous le dire, c'est simple: vous n'allez pas engager quelqu'un en plus. Vous allez serrer sur la productivité et puis vous allez vous «bouger le cul» pour rentrer du chiffre d'affaires ! (Exclamations.) Et ça, vous vous en moquez ! Vous vous en moquez ! Vous riez, parce que qui paie, finalement, ce n'est pas le problème ! La réalité du patron... Qu'est-ce qu'il va faire ? Il considère toujours ses employés, simplement il va diminuer les petites choses qu'il donne comme ça. Et ça... Vous êtes des faiseurs de pauvres. Vous êtes des faiseurs de pauvres ! Laissez faire le dialogue social dans les conventions collectives ! Le bâtiment, ça va très bien ! Les allocations de naissance y sont supérieures à celles de votre projet ! Chaque secteur adapte, discute, et je suis un fervent défenseur du partenariat social. Ce que vous faites ? Vous êtes des faiseurs de pauvres, ce que je trouve particulièrement déplaisant. (Brouhaha.)
Encore quelques mots en ce qui concerne les secteurs. A Genève, nous avons une bonne cohésion du patronat, c'est-à-dire qu'on fait une liaison entre le secteur financier, le secteur secondaire et le secteur primaire. Chacun contribue à un pot commun. Il y a une solidarité des employeurs. Que ferez-vous lorsque deux ou trois personnes, deux ou trois gros salaires vont partir ? Vous allez augmenter les taux ! Les gens comme nous, qui sont dans la construction, vont voir monter leurs taux et ils ne pourront pas partir ! On ne pourra pas partir, on sera simplement les victimes du système. Alors je demande juste un tout petit peu de réflexion, dans un projet comme ça.
Maintenant, il faut aussi savoir si l'on veut conserver un secteur économique de production à Genève, sur le secondaire, parce que vous voyez ce qui se passe en France. Qu'est-ce qu'on fait ? On délocalise, et finalement on délocalise le problème. A un moment donné, quand vous travaillerez trente-cinq heures, que vous aurez huit semaines de congé et que vous aurez la TVA à 12%, je peux vous le dire, moi, j'ai 40 ans, j'investis dans mon entreprise, eh bien vous n'allez plus trouver un pigeon ! Un pigeon qui va se battre pour ses valeurs ! Alors réfléchissez bien quand vous votez des textes de loi comme ça ! Vous tuez l'esprit d'entreprise ! Et l'esprit d'entreprise, c'est ce qui fait la garantie de notre société. (Commentaires.) J'entends des commentaires, c'est bien. Les fonctionnaires, c'est très gentil. (Exclamations.) Je vous laisse à vos... à vos dubitations. (Commentaires.) Mais je n'ai pas de problème d'article 24 ! (Le président agite la cloche.)
Encore un élément, beaucoup plus pondéré. Avec un certain recul, vous jouez un jeu dangereux. Ce que nous demandons, les libéraux et les radicaux, c'est de se mettre à la table et de travailler à un contreprojet concret, un contreprojet qui soit ciblé: un, pour éviter les effets d'arrosoir, deux, pour faire un système paritaire, comme dans la formation professionnelle. Dans la formation professionnelle, vous admettez le principe d'avoir une cotisation paritaire. Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas avoir 0,3, 0,2 ou 0,4 pour ces allocations ? On est d'accord de donner quelque chose, mais pas à 100% du côté des employeurs. Et puis je suis aussi conscient - et le groupe libéral-radical également - qu'il est évident qu'il faut travailler pour la formation des jeunes de 16 à 25 ans; nous sommes d'accord avec cela. Maintenant, le système législatif est fait de cette manière: soit on accepte l'initiative, soit on accepte le contreprojet. Ce que je vous demande à présent - je me suis peut-être emporté avec certaines attaques, ce n'est pas mon tempérament - c'est de revenir simplement à des choses pragmatiques, de travailler à un contreprojet et de refuser cette initiative. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (R). Chers collègues, finalement, ce que nous avons entendu jusqu'à aujourd'hui, ce sont des propos qui opposent l'aide aux familles à l'économie. Moi je vous propose de réfléchir en essayant de coordonner les intérêts à la fois de l'économie et des familles. J'aimerais reprendre ce qui a été dit sur l'intérêt des allocations familiales; qui pourrait être contre l'idée d'aider des familles à vivre un peu mieux ? Mais de quoi vivons-nous ? Nous vivons de nos salaires. Et je pense que, dans la réflexion que nous devons avoir, il faut garder à l'esprit qu'il ne faut rien faire - comme cela a été dit par mon préopinant - qui risque de mettre en péril l'économie financière et, de ce fait, d'avoir une répercussion sur les salaires.
Oui, Mesdames et Messieurs, cette initiative est dangereuse. Elle est dangereuse parce qu'elle va avoir un effet immédiat. C'est une initiative législative qui va s'appliquer sans délai. Soit. Il a été mis en perspective, à juste titre, que la fiscalité des entreprises est aujourd'hui parmi les plus élevées de Suisse. Les entreprises suisses, aujourd'hui... Genève est face à une concurrence fiscale que lui font un certain nombre de cantons. Certes, il est prévu, mais pas encore agendé, d'avoir un aménagement de la fiscalité des entreprises, qui pourrait conduire à une baisse de celle-ci. Mesdames et Messieurs, je vous pose la question: pourquoi ne sommes-nous pas capables aujourd'hui de dire que nous devons concilier un meilleur équilibre fiscal des entreprises avec une meilleure perception en faveur des allocations familiales ? C'est un point sur lequel je vous demande de réfléchir concrètement, parce qu'il doit malgré tout alimenter la réflexion sur un contreprojet. C'est une question d'agenda politique plus que de contenu. C'est dans le cadre d'un contreprojet qu'il faut mettre dans le même paquet, dans la même réflexion, l'adaptation de la fiscalité des entreprises, comme M. Hiler nous l'a présentée, qui pourrait diminuer globalement jusqu'à un montant de l'ordre de 15 à 16% - ce que vient de faire le canton de Neuchâtel - la planification de la suppression de la taxe professionnelle communale et, en parallèle, la renégociation de ce qui pourrait effectivement aller dans le sens d'une augmentation des allocations familiales, ciblées sur un certain nombre d'objectifs réellement nécessaires, comme cela a déjà été évoqué.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je vous propose. Mon discours est un discours de réconciliation, de réconciliation des intérêts de l'économie et de ceux des familles. Je vous invite à refuser cette initiative et à voter le principe du contreprojet. Je vous remercie.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, les PDC déçoivent, les UDC déçoivent. Je suis heureux de voir que le MCG ne déçoit pas. C'est vrai que c'est un cas désespéré. Vous n'attendez rien du MCG, j'en suis très heureux.
Alors, on nous décrit l'apocalypse. On connaissait l'enfer de Dante, maintenant on connaît l'enfer selon le PLR. Si vous votez cette initiative, ce sera le déluge sur Genève ! Les entrepreneurs ne pourront plus travailler. Ils vont réduire les salaires. Ils ne vont plus embaucher. Soyons raisonnables; soyons raisonnables et ayons un peu de retenue, un peu de décence ! Je suis moi-même un patron, certes un petit patron, mais on ne va pas dire que cette initiative va nous mettre sur les genoux. On ne peut pas dire cela. Quand on a voulu mettre une semaine de vacances aux travailleurs, il y a quelques décennies, je suis sûr que les mêmes, ou leurs aïeux, venaient nous dire: «Si vous donnez des vacances aux travailleurs, nous ne serons plus compétitifs ! Nous allons fermer les entreprises !» C'est systématiquement l'épouvantail: vous améliorez les prestations sociales et vous le paierez très cher. Non, on ne peut évidemment pas dire cela.
De quoi parle-t-on ? On parle d'allocations de naissance qui passent de 1000 F à 2000 F. On parle d'allocations familiales pour les moins de 16 ans qui passent de 200 F à 300 F - à la bonne heure ! - et, pour les plus de 16 ans, de 250 F à 400 F. Mon Dieu, il n'y a pas de quoi mettre une entreprise sur les genoux !
Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit, je pense que d'autres l'ont exprimé beaucoup mieux que moi jusqu'à maintenant. Je voudrais simplement faire une remarque à la gauche, parce que les victoires - et sans doute que nous nous acheminons vers une victoire aujourd'hui, pour faire passer cette initiative qui deviendra une loi cantonale - méritent aussi une réflexion, car aussi modeste soit-il, vous demandez quand même un effort aux entreprises. Bientôt on va vous demander à vous de faire un effort, pour une fois, de comprendre qu'il faut changer les choses au niveau de la fiscalité.
Vous le savez, il y a eu une votation récemment à Neuchâtel. Il y a la pression de Bruxelles, qui n'accepte plus que nos entreprises, ou plutôt que les entreprises qui travaillent essentiellement à l'étranger soient favorisées sur le plan fiscal, par rapport aux entreprises qui ont une activité locale. Et très certainement que, pour maintenir la compétitivité de Genève, nous allons devoir réduire la fiscalité des entreprises. Ce sera sans doute un pendant, mais beaucoup plus important que l'effort qu'on leur demande de faire, que les entreprises pourront obtenir. Alors je le demande, à ce moment-là - et je rappellerai ce que je dis aujourd'hui à ceux qui sont en face de moi, sur les bancs de la gauche - il faudra être responsable et comprendre que les efforts que vous demandez aujourd'hui méritent une contrepartie, et ce sera non pas seulement pour les entreprises, mais pour Genève tout entier, pour qu'il reste compétitif, ne serait-ce qu'au niveau national. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas reprendre l'entier du débat, mais répondre à quelques points évoqués. La première chose, c'est de dire à M. Hiltpold que ce n'est pas pour les élections fédérales que nous avons récolté les signatures de cette initiative; vous faites erreur, c'était pour les élections cantonales. Nous nous sommes engagés sur cette initiative et, face à nos électeurs, nous maintenons la même politique et nous sommes contents aujourd'hui de la faire aboutir. Cela fait partie de nos engagements électoraux, que nous avons envie de concrétiser. Donc vous avez raison, c'était bien électoraliste, mais en même temps c'est un engagement vis-à-vis du peuple pour dire que, sur ce sujet-là, nous serons présents et, aujourd'hui, au pied du mur, on voit le maçon.
La problématique de l'arrosoir est importante. Elle nous pose un problème aujourd'hui, parce que lorsqu'on discrimine les aides, on va demander aux gens d'être de bons pauvres. Alors on va leur dire: «Comme vous êtes pauvres et qu'on vous aide, vous êtes sympas, mais votre fortune personnelle - si vous ne mangez que des pâtes pendant un certain temps et que vous voulez mettre de l'argent de côté - à partir d'une certaine somme, on vous la pique.» On va commencer à devenir extrêmement intrusifs dans la vie des gens et ça, malheureusement, je dois dire que cela finit par poser quelques questions sur nos bancs. On commence à se demander pourquoi, lorsque quelqu'un a un petit bout d'aide pour pouvoir respirer un peu et avancer, il y a un moment où il se trouve puni, ou alors il y a des effets de seuil considérables. C'est donc l'une des difficultés aujourd'hui qui, malheureusement, milite pour la politique de l'arrosoir, parce que lorsqu'on sait que l'on touche aussi les milieux les plus aisés, on est tranquille, il n'y aura pas ce type de mesures derrière. On ne va pas demander au riche d'être un bon riche parce que ça, on s'en fout. Par contre, le pauvre, on va lui demander d'être un bon pauvre, et cela devient très désagréable, surtout quand cela devient intrusif. On vous a souvent entendus sur le secret fiscal, sur le droit d'avoir des revenus, sur le fait qu'on ne voit pas tout et que c'est très important de cacher des choses. En revanche, si par hasard vous voulez un logement subventionné, je vous promets que votre compte en banque sera mis à nu devant l'administration, et que chaque fois que vous allez demander la moindre aide, on va venir éplucher l'ensemble de vos revenus, parce que ça, quand vous êtes pauvre, c'est normal. Par contre, quand vous êtes riche, vous pouvez planquer tout ce que vous voulez, ça ne pose pas de problème.
J'ai été très sensible au discours de M. Hiltpold sur les entrepreneurs du bâtiment, sur les gens qui travaillent réellement avec leurs employés et qui assument cette responsabilité entrepreneuriale. Oui, vous avez raison, la situation est difficile, elle nous préoccupe aussi. Malheureusement, la majorité du tissu économique genevois n'est pas forcément constituée du type d'entreprises telles que la vôtre. J'ai une réelle admiration pour la manière dont vous entreprenez et dont un certain nombre de personnes dans ce canton entreprennent. Nous entendons être derrière ce genre d'entrepreneuriat. Néanmoins, la majorité des entreprises de ce canton sont des sociétés par actions, avec des investisseurs qui veulent un rendement sur leur capital, ce qui est légitime, et nous ne le contestons pas. Mais maintenant il s'agit de savoir si vous avez un type de rendement ou un autre qui va jouer. Ce n'est pas tout à fait le même discours que le vôtre et j'entends bien qu'en touchant la totalité des sociétés, il y a un moment où c'est plus dur pour certains, qui sont de petits entrepreneurs qui mouillent leur chemise. J'en suis désolé.
En même temps, par d'autres mesures, nous entendons être attentifs à ce que des entreprises telles que la vôtre, qui est une société du bâtiment, puissent un jour travailler beaucoup plus dans les problématiques d'isolation et de ce que nous avons appelé «l'économie verte», parce que je pense qu'il y a vraiment de l'argent à se faire là-dedans. Au lieu d'acheter du pétrole dans certains pays, on ferait bien mieux de mettre un pull-over à nos maisons. C'est un petit peu comme si on voulait chauffer la ville et que tout le monde se promenait en tee-shirt en hiver; on dirait: «Mais fabriquons des pulls !» Alors fabriquons des pulls pour les maisons. Je sais que vous avez les compétences métier pour pouvoir le réaliser.
Nous entendons en ce moment aussi... Moi je suis juste scotché par les milieux patronaux, mais des syndicats patronaux, qui nous menacent, qui nous disent qu'ils vont bouder, que si l'on vote cette initiative ils vont être très fâchés pour l'autre, et qu'à partir de ce moment-là... J'ai entendu un discours d'enfant capricieux. J'ai donc été surpris. J'entends que les entrepreneurs, qui eux ont de vraies entreprises, ne tiennent pas ce discours et nous parlent de leur réalité. J'entends les autres, ceux qui sont censés les représenter, qui malheureusement font des effets de manche et menacent. Je le déplore.
Je tiens par contre à dire aux entreprises que, oui, M. Poggia a raison. Nous savons qu'un débat sur la fiscalité va avoir lieu dans ce canton. Nous ne savons pas dans quelle mesure il aura lieu. Nous savons qu'il y a une pression de Bruxelles extrêmement forte. Et nous savons aussi - et nous, les Verts, nous en prenons l'engagement - que ce qui aujourd'hui est donné par les entreprises, nous en tiendrons compte. Cela fera partie de la négociation. Nous prenons l'engagement devant vous de dire que ces sommes-là feront partie du calcul sur la manière dont nous évaluerons le tout, au moment où ce débat aura lieu.
Mesdames et Messieurs, après ces différentes déclarations, je vous invite, comme mes collègues, à soutenir cette initiative. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Prunella Carrard, à qui il reste deux minutes.
Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Je pensais que c'était un débat libre. Donc on n'a pas un peu plus de temps ? Enfin bon... Excusez-moi. Bref, revenons à nos moutons.
Le parti libéral-radical met malheureusement l'initiative pour la petite enfance et celle pour les allocations familiales en opposition. Pour nous, il s'agit d'une complémentarité. On n'oppose pas les enfants en crèche et les enfants en général. Il faut faire un tout pour les familles. Je pense que ces deux initiatives ne s'opposent pas. Nous tenons évidemment beaucoup à l'initiative 143 pour la petite enfance, parce que nous avons récolté les signatures aux côtés des Verts. Nous savons qu'un certain nombre de promesses ont été faites. A notre connaissance, elles l'ont été hier soir en commission par la Fédération des entreprises romandes, juste avant le vote. Pour l'instant, il ne s'agit que de promesses, c'est pour cela aussi que nous émettons certaines réserves, même si nous nous réjouissons de savoir que les entrepreneurs seraient prêts à envisager des choses, envisager des possibilités qui n'ont d'ailleurs jamais été évoquées en commission sociale, lorsque l'initiative sur les allocations familiales a été travaillée. Mais bon, peut-être qu'il s'agira à un moment donné d'encadrer ce Mémorial, parce qu'il y a un certain nombre de choses intéressantes qui ont été dites.
Sur la question de l'autogoal des familles, là, Monsieur Saudan, je ne vous rejoins pas tout à fait. Vous dites que si les allocations familiales augmentent, les salaires vont baisser... (Remarque.) ...oui, ou ils ne vont pas croître. Or c'est exactement l'inverse qui s'est passé ces dernières années, c'est-à-dire qu'en 2002, on avait un taux de contribution à 1,9%. Depuis, il a baissé, et nous sommes aujourd'hui à 1,4%. Les salaires, par contre, ne sont pas franchement dans une pente ascendante. Donc je ne vois pas vraiment le lien de cause à effet. Par ailleurs, c'est vrai que j'aimerais rassurer, et je pense que nous devons être attentifs aux craintes des PME. On a déjà évoqué un certain nombre de points tout à l'heure, mais effectivement il va y avoir une réforme de la fiscalité des entreprises, qui leur permettra d'économiser en tout cas 350 millions, voire plus. Cela va faire que les entreprises pourront peut-être faire un geste pour les allocations familiales, peut-être pour les crèches aussi, parce que cela ne s'oppose pas. Et j'aimerais préciser également, concernant le taux de contribution, que s'il est fixé en janvier 2012 à 2,1%, il faut savoir qu'il va baisser. Pourquoi va-t-il baisser ? Parce qu'à Genève, nous avons une augmentation constante de la masse salariale et que plus celle-ci augmente, plus le taux de contribution baisse. Donc, oui, il y aura un effort à fournir en 2012, mais déjà peut-être moindre en 2013 ou 2014, parce que théoriquement - et d'après ce que nous avons pu voir ces dernières années - le taux de contribution devrait baisser.
Enfin, j'aimerais terminer en disant à M. Hiltpold que, non, il ne s'agit pas d'un jeu. L'initiative n'est pas pour nous un jeu. Elle a été faite de manière extrêmement consciencieuse, les signatures ont été récoltées et elle a été déposée il y a un an et demi déjà. Les choses prennent du temps au Grand Conseil pour que tout soit traité correctement, mais ce n'est pas un jeu, parce que les gens l'ont signée extrêmement facilement. Pourquoi ? Parce que cela répond à une vraie problématique, à un vrai besoin. Et nous avons estimé que si le projet du Conseil d'Etat sur les working poors était tout à fait intéressant, il ne touchait que 1700 familles, et il reste, comme l'a dit Mme Emery-Torracinta, environ 60 000 familles à Genève, qu'il s'agit d'aider également.
Je finirai par un petit mot, pour préciser qu'au sein du parti socialiste nous n'avons pas que des salariés, nous avons également deux chefs d'entreprise et trois indépendants. Cela pour dire que nous représentons, nous aussi, une certaine diversité de salariés, de chefs d'entreprise ou d'indépendants, diversité qui est la même, j'imagine, dans d'autres partis. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Charles Selleger (R). J'aimerais faire quelques remarques, car nous approchons de l'issue de ce débat. Je voudrais rappeler à certains tribuns du MCG qu'à suivre leur politique, tout au bénéfice de la population, on arriverait rapidement à des états d'endettement que connaissent certains pays d'Europe. Je veux parler de la Grèce, par exemple, ou du Portugal. (Exclamations. Le président agite la cloche.) J'aimerais aussi rappeler aux trois intervenants des démocrates-chrétiens que leur discours est tellement plein de circonvolutions et d'allers-retours que, jusqu'à leur dernière phrase, on n'était pas vraiment sûrs s'ils allaient recommander de voter l'initiative ou de s'y opposer, si on ne savait pas d'avance quelle était leur position.
J'aimerais rappeler que je ne suis pas en opposition avec ce qu'a dit Mme Emery-Torracinta. L'initiative n'est peut-être pas complètement idéaliste et irréaliste. Ce que je voudrais dire, c'est qu'on ne peut pas raisonner aujourd'hui sur cette initiative, on ne peut pas se décider sans avoir en tête les négociations menées pour l'initiative 143 par l'Entente, qui ont abouti à un engagement extrêmement généreux des milieux patronaux, engagement qu'ils n'étaient absolument pas obligés de prendre et qui apporte une solution pour 1000 places de crèche immédiatement. Parler de ces 1000 places de crèche, c'est parler de la petite enfance, alors que nous sommes ici dans les allocations familiales.
Pour les allocations familiales, les milieux patronaux n'étaient pas fermés à un contreprojet. Ils n'étaient pas fermés à augmenter leur contribution. Seulement, il faut se donner le temps d'y réfléchir. Pour ce faire, nous n'avons qu'une seule solution ce soir, c'est de se prononcer pour un contreprojet. Il n'y a donc qu'une seule solution, c'est de voter ce soir non à l'initiative et oui au contreprojet. C'est une question de calcul politique. Ça nous permet de préserver l'engagement apporté par la Fédération des entreprises romandes et en même temps de réfléchir à un contreprojet. S'il n'aboutit pas, si malheureusement le consensus ne peut pas être trouvé entre tous les partis, l'initiative sera maintenue et votée. Mais je ne vois pas en quoi cela gênerait de se donner un petit peu plus de temps dans cette situation où nous sommes en ce moment. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité, M. le député Patrick Saudan.
M. Patrick Saudan (R), rapporteur de minorité. Merci beaucoup, Monsieur le député... euh... Monsieur le président. Veuillez me pardonner pour ce lapsus ! Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, on a beaucoup parlé de classe moyenne qui souffre ce soir. Plusieurs de mes préopinants ont fait référence à cette fameuse étude du Crédit Suisse publiée aujourd'hui dans la «Tribune de Genève». Alors, que nous dit-elle, cette étude du Crédit Suisse ? Elle est assez intéressante. Elle nous explique pourquoi le revenu des Genevois est probablement le plus bas de Suisse. C'est parce que le prix du logement est important, c'est parce que les primes des assurances-maladie sont trop élevées, c'est parce que la fiscalité est trop lourde. Et là on en arrive à ce qu'est une politique sociale ciblée. Cela me fait penser au projet de loi de l'Entente, le projet de révision de la LIPP, qui est entré en vigueur en 2010 et qui a permis de diminuer les impôts pour la classe moyenne de 350 millions. Mesdames et Messieurs les députés, c'est cela une politique sociale ciblée ! (Exclamations.) Ce n'est pas une initiative «arrosoir».
On a parlé du projet de loi du Conseil d'Etat sur les prestations complémentaires; il n'aide peut-être que 1700 à 1800 familles, mais c'est un projet ciblé que personne ne conteste. Donc l'Entente - et particulièrement les libéraux-radicaux - est sensible au sort de la classe moyenne. J'aimerais aborder un deuxième point, c'est l'effet «arrosoir» de l'initiative qui serait gommé par la fiscalité. Mme Emery-Torracinta a rappelé justement que 41% des familles genevoises gagnent entre 100 000 F et 200 000 F. J'aimerais juste vous dire que l'on n'a pas pu exclure un effet de seuil en commission, parce qu'entre 100 000 F et 200 000 F, c'est là que vous avez la plus forte progressivité de l'impôt. Nous avons une fiscalité très particulière à Genève: nous avons 30% des gens qui ne paient pas d'impôts, nous avons la fiscalité plus douce jusqu'à 75 000 F de revenus, mais entre 100 000 F et 200 000 F, c'est extrêmement progressif. La fiscalité est la plus lourde pour les classes supérieures.
Pour M. Poggia et M. Bavarel, j'aimerais juste rappeler - et ils le savent bien - qu'à Genève l'économie est très concurrentielle, mais elle est très fragile parce que, comme je l'ai déjà dit, les PME assurent le 70% des emplois, mais les revenus sont générés par un petit secteur, qui est celui de la finance, secteur très sensible au changement de conjoncture. Alors vous pouvez partager ou non nos craintes, si l'initiative est acceptée, sur le dommage que cela pourrait causer à notre place économique. Mais vous avez tous reconnu ce soir qu'il y avait un problème de timing, parce que l'on parle de baisse de fiscalité pour les entreprises et d'initiative pour la petite enfance, et en donnant le signe d'accepter ce texte ce soir, vous risquez de compromettre et de retarder ces autres projets de plusieurs années. C'est pour cela que je vous encourage - je ne veux pas peindre le diable sur la muraille - à réfléchir, à refuser cette initiative et à accepter le principe du contreprojet. Je ne peux prendre que l'engagement, qui a plus ou moins été explicité par plusieurs de mes préopinants, que nous travaillerons loyalement et de manière constructive à un contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme le rapporteur de majorité Mathilde Captyn.
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais formuler deux petites remarques, d'abord sur la question de la difficulté pour les entreprises dans le cas où cette initiative viendrait à être acceptée ce soir. J'étais à titre exceptionnel à la commission de l'enseignement hier soir, et j'ai noté que la FER nous a dit que l'important pour elle était que le taux de contribution vaudois, dans le cadre de la concurrence entre cantons, ne soit pas inférieur au taux de contribution genevois. Dans le cas où l'initiative 145 viendrait à être acceptée, le taux de contribution genevois passerait à 2,1%. Or, depuis 2011, le taux de contribution vaudois est à 2,31%.
Ma deuxième remarque concerne la question du lien avec l'initiative 143. A nouveau, la FER nous a dit être attentive à la question du taux de perception vaudois. Comme je viens de vous le dire, il est à 2,31%. Il y aurait donc une marge si l'initiative 145 était adoptée, car le taux de perception passerait à 2,1% et il y aurait ainsi 0,2% qui resterait possiblement à investir dans les crèches. Il y a d'autant plus de marge - il faut le dire, et plusieurs de mes préopinants l'ont déjà indiqué - sur la question de l'impôt sur le bénéfice des entreprises, puisqu'il est question d'avoir une baisse de cet impôt de 24 à 16%, pour un total d'environ 350 millions. Les entreprises ne seraient donc pas mises en péril par l'initiative 145, si elle était acceptée ce soir. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dans quelques minutes, à une large majorité et dans l'allégresse, vous allez voter une augmentation des allocations familiales. C'est une heureuse nouvelle pour les familles. Permettez-moi cependant, au nom du Conseil d'Etat, de tempérer quelque peu vos ardeurs, de faire quelques rappels, d'exprimer quelques regrets et de prendre date.
Quelques rappels tout d'abord: j'entends ici ou là que le canton n'aurait pas une politique familiale. J'aimerais vous rappeler que notre canton, pour la classe moyenne - celle qui paie des impôts - sur proposition du Conseil d'Etat, a consenti aux plus importantes baisses fiscales, ciblées sur les familles, de tous les cantons suisses. Cette baisse d'impôts est effective depuis cette année.
J'aimerais rappeler également que pour les familles les plus modestes, les working poors, vous avez voté à une très large majorité, quasiment à l'unanimité, des prestations complémentaires familiales. Je déjeunais à Bâle, à midi, avec mon collègue Pierre-Yves Maillard, conseiller d'Etat du canton de Vaud. A ceux qui aiment souligner les «genevoiseries», j'aimerais souligner les «vaudoiseries». Vous avez voté dans la tempérance des prestations complémentaires familiales, là où le canton de Vaud a à peu près explosé politiquement pour voter le même projet, après une campagne qui était indigne, de part et d'autre d'ailleurs, et qui a amené une situation où les premières victimes étaient les familles. Ces rappels sont là pour exprimer le fait que, à Genève, nous avons une politique familiale.
Les regrets. Le Conseil d'Etat s'est mis à votre disposition, dès le début, pour élaborer un contreprojet et vous permettre d'élargir votre réflexion. Bien sûr que les entreprises genevoises ne vont pas faire faillite - en tout cas pas l'ensemble d'entre elles, dieu merci - avec l'augmentation des cotisations d'allocations familiales que vous allez voter tout à l'heure. J'aimerais néanmoins souligner que ces augmentations ne sont pas peu conséquentes. J'ai entendu ici ou là quelques comparaisons. Lorsque l'on augmente des cotisations de 14 000 F à 21 000 F, pour reprendre l'exemple qui a été cité, on les augmente de 50%. Si on les compare à la totalité de l'impôt prélevé sur les entreprises aujourd'hui, vous allez voter dans quelques minutes 20% de l'augmentation de la fiscalité des entreprises: 200 millions de prélèvements supplémentaires - les impôts sur les entreprises rapportent aujourd'hui 1 milliard. Je l'ai dit, les entreprises genevoises - en tout cas pas toutes - ne vont pas faire faillite et se relèveront de cette augmentation. Mais j'aimerais tout de même rappeler qu'il y a certains enjeux qui se posent sur les entreprises qui sont d'une tout autre dimension que celle du débat que vous avez mené ce soir.
D'ici à la fin de l'année, probablement après les élections nationales, car vous savez que l'Europe sait que nous avons des élections nationales - mais le Conseil fédéral sait aussi que nous avons des élections nationales, d'ailleurs je pense que beaucoup de gens savent, dans cette salle, que nous avons des élections nationales... Mesdames et Messieurs, j'aimerais évoquer les accords que nous devrons sceller avec l'Union européenne, non pas pour abaisser la fiscalité des entreprises, mais pour maintenir celle de certaines d'entre elles, qui ont peut-être choisi nos latitudes en raison d'une fiscalité plus active. Mesdames et Messieurs, cela supposera une réflexion et des efforts conséquents, qui amèneront le Conseil d'Etat à vous proposer - comme il l'a dit dans le discours de Saint-Pierre - non seulement une réforme de la fiscalité des entreprises au niveau cantonal, mais aussi une réforme qui aura des conséquences sur les communes, avec l'abolition de la taxe professionnelle, qui sera clairement incompatible avec les enjeux qui sont les nôtres.
J'aimerais ensuite rappeler la situation dans laquelle se trouvent les entreprises depuis six à huit mois, et en particulier dans un canton possédant de fortes entreprises exportatrices. L'euro est bientôt à un franc, le dollar est bientôt à cinquante centimes. Les sociétés exportent donc aujourd'hui avec un handicap qui, en un an, s'est creusé de 25% par rapport à leurs concurrents directs en Europe et aux Etats-Unis. Des entreprises multinationales américaines s'interrogent aujourd'hui sur le fait que, à Genève, des secrétaires de direction sont mieux payées que le directeur général de la maison mère aux Etats-Unis.
J'aimerais aussi vous rappeler que nous avons été - Isabel Rochat peut en témoigner puisque nous avons rencontré les responsables de la Genève internationale - confrontés à la situation où, à cause de la hausse du franc suisse, de la baisse du dollar et de l'euro plus exactement, certaines missions diplomatiques, non pas celles de pays en voie de développement, mais de pays émergents, pour ne pas dire de pays riches, n'arrivent plus à faire face à leur budget, simplement pour maintenir, dans la Genève internationale, un personnel diplomatique qui est pourtant nécessaire.
J'aimerais enfin rappeler à celles et ceux qui font quelques oppositions entre certains secteurs - j'ai entendu le bâtiment et les banques - que pour verser une allocation familiale à une famille de trois enfants dont un seul est en formation et les deux autres ont moins de 16 ans, il faut une masse salariale de 600 000 F. Il faut donc avoir un salaire de 600 000 F pour payer autant de cotisations que l'on reçoit de prestations d'allocations familiales lorsque l'on a trois enfants. Et comme nous avons - le Grand Conseil l'avait accepté en son temps - décidé d'une cotisation unique pour l'ensemble des branches, cela a permis de sauver les allocations familiales dans le bâtiment. Car chacun a bien compris que ce n'est pas dans ce secteur qu'on trouve des salaires à 600 000 F. Il y a d'autres secteurs, ceux qui sont précisément les plus vulnérables à nos discussions avec l'Union européenne, qui aujourd'hui permettent d'avoir une masse salariale déplafonnée. Il ne s'agit pas d'indépendants, mais d'entreprises, sur lesquelles nous prélevons des allocations familiales.
Mes conclusions sont pour prendre date. J'ai entendu, au nom du Conseil d'Etat - et je le rapporterai à notre collègue David Hiler qui certainement nous écoute - que plusieurs d'entre vous ont d'ores et déjà indiqué tout leur amour des entreprises et toute la passion qu'ils allaient mettre lorsque nous allons aborder le coeur du sujet, non pas quelques modestes points d'augmentation, mais ce qui va vraiment permettre à certaines sociétés de faire le choix de rester ou malheureusement de partir, lorsque nous allons aborder le dossier de l'Union européenne. Rassurez-vous, ce sera juste après les élections, mais juste après les élections nationales, d'ici à la fin de l'année, dans fort peu de temps. Je prends donc date des déclarations qui ont été faites sur un certain nombre de bancs, car il s'agira non pas d'avoir des discours sur les familles, mais de sauver l'emploi et ce qu'il y a de plus essentiel, soit de permettre à notre canton précisément d'avoir une politique familiale dont nous n'avons pas à rougir. C'est ce qu'a fait Neuchâtel, il y a quelques jours, sous l'impulsion d'un magistrat socialiste, et c'est ce que le Conseil d'Etat, unanime, vous proposera dans quelques semaines ou dans quelques mois. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes donc... Oui, Monsieur le député ?
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, je souhaiterais un vote nominal et espère être soutenu par les entrepreneurs du PDC et de l'UDC. (Brouhaha.)
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Oui, vous l'êtes. Nous sommes donc, Mesdames et Messieurs, en procédure de vote à l'appel nominal. Celles et ceux d'entre vous qui acceptent l'initiative populaire 145 «Pour des allocations familiales dignes de ce nom !» votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent. Le vote est lancé.
Mise aux voix à l'appel nominal, l'initiative 145 est acceptée par 64 oui contre 29 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 145-C.
Le président. Pour votre information, c'est la première fois depuis dix-sept ans qu'une initiative législative formulée est acceptée dans ce parlement.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il nous faut encore nous occuper de cet objet dont vous venez de voter - au début de la séance - le traitement en urgence. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) La parole n'étant pas demandée, nous nous prononçons sur la proposition de résolution 668.
Mise aux voix, la résolution 668 est adoptée par 74 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 10678 est retiré par ses auteurs.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance. Je vous retrouverai demain matin à 8h pour les comptes. Bonne soirée !
La séance est levée à 22h30.