République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1754-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition concernant le motocross de la commune d'Avusy
Rapport de majorité de M. Miguel Limpo (Ve)
Rapport de minorité de M. Antoine Droin (S)

Débat

Le président. L'ordre du jour appelle le traitement du point 78, pétition concernant le motocross de la commune d'Avusy. (Commentaires. Rires.) La petite classe se tient tranquille ! (Des députés Verts chantent: «Allez Miguel, allez Miguel, allez !» Le président agite la cloche.) Monsieur le vice-président, allez faire régner l'ordre ! (Commentaires. Rires.) La parole n'étant pas... (Commentaires. Rires.) La parole est au rapporteur de majorité, M. le député Miguel Limpo. (Remarque. Rires.)

M. Miguel Limpo (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je dois dire que cette pétition a obtenu un vote assez surprenant en commission... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...puisqu'il a fallu voter à peu près quatre fois, dont deux sur la même proposition. C'est cette dernière qui a entraîné un vote surprenant et qui me propulse ici en tant que rapporteur de majorité.

Je dirai que ce que qui a motivé la commission, à l'époque, pour déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, c'était surtout deux éléments. Le premier, c'est que ce motocross avait été créé dans cette région-là en raison des problèmes récurrents qui existaient à cause du motocross sauvage dans des zones du canton qui étaient protégées. Ce motocross avait donc été créé dans une région qui, apparemment, posait moins de problèmes.

Deuxièmement, ce qui avait, à l'époque, en commission, motivé le groupe Vert à déposer cette pétition sur le bureau était l'une des propositions qu'elle contenait, laquelle consistait à demander le déplacement de ce motocross dans une zone industrielle. Nous avons - les Verts - alors considéré que, pour nous, la zone industrielle devait être densifiée et qu'il ne fallait en aucun cas placer un motocross qui risquerait d'occuper, tout comme un parking, une région assez essentielle pour Genève. Pour nous, déplacer ce motocross en zone industrielle était un cas de figure qui était impossible.

C'est pour cette raison que, à l'époque... (Rires.) ...les Verts avaient décidé de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, la position ayant changé depuis, apparemment ! (Brouhaha.) Voilà, je vous remercie ! (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le rapporteur, tant que votre groupe a compris ce que vous allez faire, c'est l'essentiel. (Rires.) La parole est au rapporteur de minorité, M. le député Antoine Droin, qui, j'imagine, va défendre le point de vue de la majorité !

M. Antoine Droin (S), rapporteur de minorité. Je vais défendre la minorité, effectivement, Monsieur le président. Ici, on est face à une histoire de motocross, en opposition au développement durable ou dans le cadre, je devrais dire, de la question du développement durable. En l'occurrence, je n'attaquerai pas mon voisin d'en face.

Il convient de rappeler que la Suisse a été munie d'un code législatif clair en matière de développement durable, que Genève est un précurseur en ce domaine et qu'il est important, dans ce genre de loisirs, de prendre en considération toutes les composantes du développement durable. Il y a un petit résumé de ces composantes en page 8 de mon rapport, je les rappelle peut-être rapidement: la justice sociale, la prudence écologique, l'efficacité économique, la diversité culturelle, la solidarité intergénérationnelle, l'aménagement équilibré de l'espace, la citoyenneté, la concertation. Naturellement, on pourrait encore en trouver d'autres. Ce n'est pas exhaustif.

Ici, on est face à une problématique d'un loisir très polluant, puisqu'il s'agit de moteurs à deux temps. Des deux-temps qui, dans un délai probablement relativement court - en tout cas, je l'espère - vont inéluctablement disparaître pour des questions de pollution évidentes: on brûle autant d'essence que d'huile, ou à peu près. C'est donc un sport qui ne peut se concevoir en matière de CO2, en matière d'environnement.

Par contre, il est question de loisirs, il est question de pouvoir donner des loisirs à la jeunesse et de pouvoir accepter aussi que les gens puissent passer des moments agréables à faire du sport - puisque le motocross, c'est aussi du sport. Mais est-ce que cela ne s'additionne pas, là, à un autre élément concret, par exemple la pollution du bruit ?

Face à toutes ces problématiques que j'ai brièvement résumées - mais qu'on pourrait développer bien plus largement avec toutes les composantes du développement durable - il est évident qu'il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, pour qu'il puisse nous donner des réponses claires en fonction de ce qu'il entend faire par rapport aux sports motorisés à Genève, en particulier par rapport au motocross, et pour qu'il puisse trouver des solutions qui satisfassent tout le monde dans le cadre d'un développement durable.

Je vous recommande donc de suivre le rapport de minorité qui, je l'espère, deviendra un vote de majorité. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. René Desbaillets (L). Le groupe PLR est pour le dépôt de cette pétition sur le bureau, cela pour trois raisons. La première, c'est que la personne qui a lancé cette pétition est une dame qui, lorsqu'elle est venue à son audition, nous a dit qu'elle habitait le quartier de La Boverie à Satigny, un quartier magnifique de villas en plein centre des vignes et relié par une piste cyclable de 800 mètres à la gare de Satigny; cette dame peut monter dans le train à Satigny, treize minutes après elle est à Cornavin. Or cette dame, sa famille, décide de déménager à Sézegnin, à côté d'une gravière, à 500 mètres d'un motocross et dans une région qui, manifestement, souffre d'un manque de transports publics. Alors on peut se demander: «Cette dame habitait le paradis genevois, pour un écologiste... (Commentaires.) ...et elle va se mettre à côté d'une gravière ?» Et qu'est-ce qu'elle fait ? Elle vient nous dire... Mes collègues commissaires lui posent la question: «Madame, est-ce que vous êtes allée trouver le club de motocross ? Est-ce que vous êtes allée discuter avec l'exploitant de la gravière ? Est-ce que vous avez pris langue avec les autorités de la commune d'Athenaz ?»... - oui, c'est Athenaz, donc la commune d'Avusy. Cette dame nous répond: «Je n'ai pas l'habitude de discuter, moi je fais tout de suite des pétitions. D'ailleurs, j'ai été écoutée: j'avais fait une pétition pour avoir cette piste cyclable à Satigny, j'ai gagné, je pratique comme ça.»

Alors on ne peut pas entrer en matière ! Car si tous les citoyens déposent une pétition chaque fois qu'ils ont quelque chose à dire, eh bien, la commission des pétitions doit siéger 24h/24 et 365j/365 par an ! Ou 364, on va quand même sauter Noël ! Donc là, juste sur le principe, cette pétition... Poubelle ! (Commentaires. Rires.)

Revenons-en au motocross. Notre rapporteur de minorité nous dit que le motocross est complètement antinomique avec le développement durable. Mais, Messieurs de gauche, le développement durable, ce n'est pas uniquement l'environnement, la mobilité douce et les énergies ! Le développement durable d'une région, c'est un équilibre entre le primaire, le secondaire et le tertiaire: il faut des gens qui travaillent du crayon et de la tête, il faut du secondaire, il faut du primaire. Or, à l'heure actuelle - on l'a vu dans d'autres pétitions - on est obligé de faire appel à de la population étrangère pour venir travailler, pour faire les travaux que les Genevois ou les Suisses ne veulent plus faire, notamment dans le secondaire ou dans le primaire. Mais un jeune...

Le président. Il vous reste vingt secondes, Monsieur le député.

M. René Desbaillets. Oui ! ...un jeune entre 10 et 15 ans qui fait du motocross, ça lui apprend à entretenir son matériel, ça lui apprend le goût de la mécanique, etc. ! Et puis, vous retrouvez ces jeunes, faisant des apprentissages dans des écoles techniques et, ensuite, prendre des places d'horlogers, de mécaniciens ou travailler dans la construction. Donc, ce qu'on nous dit est tout faux !

Concernant les moteurs à deux temps, c'est bien clair que ce sont ceux qui polluent le plus...

Le président. Il vous reste dix secondes, Monsieur le député !

M. René Desbaillets. ...mais à l'heure actuelle, si l'on n'a bientôt plus que les petits moteurs en dessous de 125 cc, qui sont à deux temps, c'est justement parce que le motocross, les courses de motos et la technique ont fait que, maintenant, les 500 cc et les 250 cc ont tous des moteurs à quatre temps.

Et pour les Verts, qui aiment bien manger biologique, sachez - qu'il s'agisse de viticulteurs, d'arboriculteurs ou de paysans - que lorsque ces derniers ne mettent pas de désherbant, ils fauchent leur mauvaise herbe avec une petite tondeuse à fil animée par un moteur... à deux temps ! (Rires.) Merci. Dépôt de cette motion ! (Applaudissements.)

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts a une déclaration à faire: il aime énormément son commissaire Miguel Limpo ! (Rires.) On a un amour immense pour notre collègue Miguel Limpo ! Malheureusement, en politique, l'amour n'a pas grand-chose à voir... Il est fort probable que l'on vote différemment que lui. (Rires.)

Le président. Merci pour cette déclaration, Monsieur le député. La parole est à M. Pascal Spuhler.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, M. Desbaillets a effectivement dit le principal concernant les pétitionnaires, je ne vais pas en remettre une couche. Je voudrais juste préciser quand même que ce motocross existe depuis 1966 - ce n'est pas rien - et que, sur ce terrain de motocross, on a pu voir plusieurs générations de jeunes pratiquer ce sport - car le motocross est un sport - et l'on a également vu naître des champions tels que Marc Ristori, dont je ne vous présenterai pas le palmarès.

Je pense qu'il est nécessaire de conserver ce motocross, éventuellement jusqu'à ce qu'on retrouve autre chose. Il est vrai que les pétitionnaires, quand ils ont déménagé dans le quartier, dans ce village de Sézegnin, étaient parfaitement au courant de la situation. Ce motocross n'était pas une nouveauté ! Je pense donc fermement qu'il nous faut classer cette pétition. Je vous en remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le groupe PDC va soutenir la vraie fausse majorité... (Rires.) ...avec plaisir. Et c'est avec plaisir que nous parlons du motocross. Pour dire simplement qu'il faut quand même faire preuve de respect, même si c'est une minorité qui pratique un certain sport. Tous les sports sont bons. Je ne vois pas pourquoi on devrait s'opposer à un sport, pour des motifs de développement durable. Je ne vois pas le rapport entre ces deux choses. Il faut savoir qu'il y a peu de gens qui font du motocross, qu'ils ont essayé de le pratiquer en France, mais ce n'était pas possible. Alors est-ce qu'il faut exporter nos problèmes en France ? Par ailleurs, la commune n'est absolument pas contre ce motocross.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais surtout attirer l'attention de votre Grand Conseil sur le fait que j'espère que M. Romain s'abstiendra. Parce qu'il est article 24 ! La presse a relaté son amour immodéré de la moto, donc je pense qu'il doit s'abstenir ! (Rires.) En fait, l'amour de la moto montre bien qu'il ne peut pas voter sur un tel sujet ! (Commentaires.) D'ailleurs, j'en profite pour rappeler qu'un enseignant qui se présente comme philosophe, en général, et qui fait de la moto s'appelle un «motosophe». (Rires.) Notre Grand Conseil aura donc permis de découvrir une nouvelle profession !

Le président. Je n'aurai jamais pensé qu'un débat sur le motocross entraînerait une telle déclaration d'amour ou une création de vocabulaire. Mais enfin, pourquoi pas ! La parole est à Mme la députée Prunella Carrard, à qui il reste deux minutes.

Mme Prunella Carrard (S). Merci, Monsieur le président. Rapidement: je trouve ce débat un peu bizarre, parce qu'en fait la position de la minorité n'est pas de dire qu'il faut fermer le motocross ! C'est de dire qu'il faut prendre en compte - à moyen et à long terme, en matière de sports motorisés - pollution, exiguïté du territoire et corrélation avec les principes du développement durable, qui sont intimement liés à notre législation.

Pour ce faire, on a un problème ici, c'est qu'il y a toutes ces questions auxquelles il doit être répondu, et c'est que le motocross est maintenant, même s'il date de longtemps, dans une zone de plus en plus habitée. Il serait pertinent - aussi et encore pour une histoire de bruit - d'en revenir à proposer peut-être un motocross en zone industrielle, où les voisins ne seraient pas dérangés. Cela pacifierait ce genre de thématiques. Voilà ! A mon avis, beaucoup de bruit pour rien !

Je vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, pour donner, par rapport à cette pétition, une vision un peu plus pérenne et plus respectueuse des habitants, du voisinage, de la faune et de la flore du coin. (Brouhaha.)

Le président. La parole est à Mme Anne Emery-Torracinta, à qui il reste cinquante secondes.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Habitant Sézegnin, je ne sais pas si je suis concernée par l'article 24 et si j'ai le droit de voter. Mais probablement que j'habite du bon côté de Sézegnin, parce qu'en réalité, ce motocross, on ne l'entend pas tant que ça. Par contre, il est vrai que la route menant à Sézegnin est parfois coupée. Tout à fait récemment, elle l'était. Alors, en termes de développement durable, il fallait faire le tour par d'autres villages pour atteindre Sézegnin.

Je crois que la vraie question devrait plutôt être celle du renvoi au Conseil d'Etat. A mon avis, il faudrait savoir, dans un canton aussi petit que Genève, quelles activités on pratique. On a bien interdit la chasse, que certains considèrent aussi comme un sport. Il s'agit donc de savoir. Que fait-on comme activités ? Où les pratique-t-on ? Dans quelles conditions ? Par ailleurs, il est exact que les sports motorisés polluent. J'aurais donc trouvé intéressant que le Conseil d'Etat nous réponde. (Brouhaha.) Il aurait pu aussi nous répondre, peut-être, par rapport à l'aspect social de l'activité. Beaucoup de personnes disent que faire de la moto...

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mme Anne Emery-Torracinta. ...c'est un moyen d'empêcher d'autres problèmes. Ainsi, je pense que le renvoi au Conseil d'Etat aurait été intéressant pour de nombreuses raisons.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Pascal Spuhler, à qui il reste deux minutes.

M. Pascal Spuhler (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais juste corriger quelques propos tenus par les socialistes. Le motocross, suite à différentes demandes - de la part de la commune, entre autres - et suite à d'autres pétitions, par le passé, a pris beaucoup de mesures pour protéger les habitants avoisinants, et il n'y en a pas beaucoup. Je vous rappelle que ce motocross est situé juste à l'entrée de Sézegnin, qui est en amont - ou en aval... En amont, je crois, par rapport au bruit. Egalement au niveau de la nature - on en a parlé - ils ont pris toutes les mesures afin que la nature environnante soit épargnée au maximum. Je vous rappelle aussi que les technologies, entre autres dans le motocross, ont bien évolué, que la pollution est beaucoup plus faible et le bruit, minimisé.

Mme Christina Meissner (UDC). Je ne voulais pas forcément prendre la parole, vu que mon préopinant a déjà parlé de nature. Mais Mme Emery-Torracinta ayant mentionné qu'on avait bien interdit la chasse... (Brouhaha.) Il est vrai que la chasse mettait en danger pas simplement quelques voisins, au demeurant très, très éloignés du motocross, mais à peu près tous les habitants et leurs chats et leurs chiens. A un moment donné, c'était même parfois des règlements de comptes. Il n'y a donc rien à comparer entre un motocross qui - justement parce qu'il est confiné à un endroit bien précis - préserve la nature et un motocross sauvage fait dans toutes les forêts environnantes, comme ça se pratiquait dans les années 70 notamment. (Brouhaha.)

Dans la mesure où la commune et l'Etat ont pris les mesures nécessaires afin que ce motocross se fasse dans les meilleures conditions pour les voisins, pour la faune, pour la nature, ma foi, il ne reste effectivement qu'un problème fondamental de société: pourquoi faire du motocross qui est un sport polluant ? Mais ça, c'est un autre type de débat. En ce qui concerne ce motocross-là, il ne faut pas le pointer du doigt à tort.

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc en procédure de vote. Une majorité du moment avait demandé le dépôt de cette pétition. Nous allons nous prononcer sur cette conclusion. (Commentaires durant la procédure de vote.)

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1754 sur le bureau du Grand Conseil) sont adoptées par 45 oui contre 24 non et 1 abstention.

Le président. Vous êtes bien seul, Monsieur le rapporteur de majorité !

Mesdames et Messieurs, nous reprenons nos travaux à 17h.