République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 24 mars 2011 à 10h15
57e législature - 2e année - 6e session - 35e séance
M 1857-A
Débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. La M 1857 et une proposition de motion de gauche qui a été... (Commentaires.) Non, mais cela a son importance, vous verrez pourquoi ! (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Elle a été signée par deux PDC et demi. (Exclamations.) Ce nombre d'une demie n'est pas anodin, parce que le statut de l'un des PDC signataires n'est pas encore très clair du point de vue institutionnel dans le parti. Voilà pourquoi je voulais donner cette précision.
Cette proposition de motion 1857 invite, en substance, le Conseil d'Etat «à favoriser les achats de produits issus du commerce équitable.» Quel beau programme ! Il est intéressant que, d'après les motionnaires, on a l'impression que l'Etat a attendu cette sublime proposition de motion pour se pencher sur cette problématique et n'avait rien fait avant que les motionnaires ne déposent ce texte. Rien n'est plus faux, puisque les travaux en commission ont démontré que l'Etat de Genève était tout à fait exemplaire en la matière, ce qui donne à cette proposition de motion un caractère de procès d'intention particulièrement désagréable.
Je ne m'étendrai pas sur l'audition du représentant de l'OSEO, qui, au fond, nous a débité une suite de banalités n'ayant aucun rapport concret avec la politique genevoise. Mais il nous a parlé des pavés à Bienne, Zurich, Saint-Gall et ailleurs. Donc ce n'était pas lié à la motion.
En revanche, je m'attarderai plus longuement sur l'audition de la représentante de la centrale d'achat de l'Etat de Genève, qui a démontré par son intervention qu'elle était parfaitement consciente des enjeux liés au commerce équitable et qu'elle avait développé, de concert avec son département de tutelle, une politique tout à fait responsable. Elle a expliqué de long en large les mesures prises pour respecter ces critères. Elle nous a fourni une documentation sérieuse, détaillée et expliquée. D'ailleurs, en annexe à mon rapport, j'ai joint la «directive d'achats en matière de développement durable» de l'Etat de Genève, qui montre toutes les procédures que doivent respecter les fournisseurs en la matière. Depuis lors, nous avons aussi appris qu'un «guide des achats professionnels responsables», élaboré de concert avec le service du développement durable, avait été mis sur pied, aussi avec le soutien actif du Conseil d'Etat.
Donc si vous en veniez par malheur à soutenir cette motion, ce serait un vote de défiance grave par rapport à l'administration, par rapport au Conseil d'Etat. Ce dernier a développé une politique cohérente et efficace en la matière, à tel point, d'ailleurs, que les PDC, dont certains avaient soutenu et signé la motion, s'y sont opposés en commission et qu'une députée Verte a souligné - cela ressort du p.-v. et du rapport de majorité - que les précisions fournies notamment par la centrale d'achat démontraient que l'Etat de Genève était tout à fait au point sur ce dossier et que les réponses étaient tout à fait satisfaisantes.
C'est pour toutes ces raisons que je vous invite à rejeter cette proposition de motion.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, en fait, cette motion est extrêmement pragmatique. Elle fait suite à une autre proposition, la M 1856, qui demandait que le Conseil d'Etat tienne compte des conventions de l'OIT dans l'attribution des marchés publics. Je trouve que c'était simplement raisonnable de vouloir par exemple éviter le travail des enfants lorsque l'Etat recourait à des produits qui venaient de pays extérieurs à l'Europe et donc respecter les conventions de l'OIT. C'était une manière de l'affirmer clairement.
Maintenant, dans cette motion-ci, nous demandons de favoriser les achats du commerce équitable. Evidemment, l'Etat n'est pas complètement passif en la matière. Cela n'a d'ailleurs jamais été l'affirmation centrale de cette motion, contrairement à ce qu'affirme M. Cuendet, qui aime bien les caricatures. En réalité, l'Etat de Genève peut-il faire plus aujourd'hui ? La réponse est certainement oui. Il y a différents domaines dans lesquels les produits du commerce équitable ne sont aujourd'hui pas utilisés par l'Etat de Genève.
J'en veux d'ailleurs pour preuve, à titre anecdotique - mais quand même pas si anecdotique que cela - les produits de la multinationale Nestlé. On voit que, dans les alentours, ici, au sein de ce Grand Conseil, on a des machines à café Nespresso. Or on sait que Nestlé a des comportements antisyndicaux reconnus... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...à l'échelle internationale. Du reste, une campagne appelée «Nespressure» dénonce les conditions de travail particulièrement affligeantes dans lesquels sont maintenues les employés de Nestlé en Indonésie. Il y a un site: nespressure.org. Ce sont des faits. Et j'aimerais attirer l'attention des députés sur les conséquences du fait que nous ne recourons pas aux produits du commerce équitable.
Aujourd'hui, une partie de ce parlement s'inquiète de l'immigration massive - prétendument massive, en tout cas - en direction de la Suisse et des pays riches. J'aimerais attirer votre attention sur le fait que des conditions de travail déplorables dans les pays pauvres incitent évidemment les victimes de ces conditions de travail à chercher refuge dans des Etats qui offrent de meilleures conditions. Et, bien entendu, le commerce équitable vise à rémunérer davantage les producteurs dans les pays pauvres et donc à améliorer leurs conditions de travail. En favorisant le commerce équitable, on essaie de payer davantage les gens là où ils habitent. C'est par conséquent une façon de les inciter à rester sur leur lieu de vie au lieu de chercher meilleure fortune dans un pays soi-disant plus riche. Ainsi, simplement par pragmatisme, l'Etat fait déjà quelque chose.
Il peut encore faire plus, notamment au niveau des produits alimentaires dans les cantines scolaires et les crèches, et même au Grand Conseil - c'est l'exemple flagrant - avec le café Nestlé. Pour cette simple raison, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes et les Verts - je pense en tout cas - vous invitent à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour simplement renforcer les efforts faits.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Patrick Lussi.
Patrick Lussi (UDC). C'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. La parole est à M. le député Henry Rappaz.
M. Henry Rappaz (MCG). Chers collègues, pensez-vous vraiment que le réseau et les labels de produits équitables soient de manière significative équitables pour tous ? Depuis à peu près dix ans, par un souci d'«équitabilité» commerciale, on apprend que trois célèbres maisons ont fusionné - Fairtrade, MaxHavelaar et Transfair - pour donner naissance à un système international et unique. Une énorme machine commerciale s'est mise en route, avec, comme fonds de commerce, un seul slogan porteur, celui du développement équitable. Bien sûr, comme le sujet est payant, de nombreuses initiatives diverses, de partout, provenant d'entreprises, se présentent aujourd'hui sous cette belle étiquette verte du label du commerce équitable.
Aujourd'hui, le commerce équitable touche d'abord les produits alimentaires - même les bananes le savent ! - mais pas uniquement. Il y a toutes sortes de produits artisanaux, vendus dans les boutiques spécialisées, comme «Artisans du Monde», etc. Et, depuis peu, il y a des produits labellisés MaxHavelaar en coton comme des t-shirts, etc., ainsi que des meubles. Mais, en la réalité, qui me dit que le petit paysan ou l'agriculteur concerné est vraiment favorisé ? Il est pratiquement impossible d'obtenir réellement la preuve et les contrôles. Et la différence est si minime... C'est clair qu'il y aura une différence, mais elle n'aura pas changé le fond. Un beau label, on le sait, fait vendre plus que le produit; c'est connu. Et pour se donner bonne conscience, souvent, le consommateur ferme les yeux sur le processus situé en amont. En contrepartie, il faudrait établir des contrôles plus sévères pour nous rassurer sur le fait qu'un tel label profite réellement aux plus démunis.
Le MCG se demande si les socialistes et les libéraux, initiateurs de cette motion... (Commentaires.) ...demanderont un jour à l'Etat d'acquérir sous le label du commerce équitable un peu de bon sens envers ce genre d'attrape-nigauds.
Pour terminer, le MCG souhaite que nous nous penchions davantage sur un commerce équitable envers nos entreprises nationales en difficulté et nos compatriotes chômeurs genevois, que l'on vend trop souvent à bon prix en faveur du label vert, celui marqué du sceau... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...de la libre circulation.
Mme Christina Meissner (UDC). Produire, acheter et consommer des matériaux issus d'une exploitation durable fait aujourd'hui partie intégrante de la politique menée par l'Etat de Genève, les directives de la centrale d'achat de l'Etat en atteste, les procédures et directives de l'Etat d'une manière générale également. L'Etat s'engage d'une manière très concrète dans le développement durable à tous les niveaux.
Par exemple, l'usage du papier recyclé a été adopté pour l'ensemble de l'Etat. Cet engagement s'est aussi concrétisé en renonçant aux fontaines à eau, dévoreuses d'énergie, dans la plupart des endroits où cela pouvait se prêter. Enfin, au niveau de l'exploitation que l'Etat fait de ses propres matières, il faut quand même signaler l'exploitation durable des forêts, qui intègre aujourd'hui très clairement la biodiversité. En l'occurrence, les faits l'attestent, l'Etat s'engage, et s'engage de manière durable pour l'exploitation, mais également pour l'achat des matières.
Evidemment, il existe encore quelques couacs. On l'a vu avec l'achat de crayons chinois en lieu et place d'un produit durable et de proximité, tels que nos Caran d'Ache. Mais on a vu la réaction, une réaction très forte, par rapport à cet achat. Je crois qu'il faut véritablement que l'engagement soit l'objet de l'observation très attentive de tous pour éviter ce genre de couacs. Inutile d'aller au-delà, comme le demande la motion. Restons simplement attentifs.
Enfin, comme mon préopinant l'a mentionné, aujourd'hui, ce n'est pas l'Etat qui fait faux, mais beaucoup d'entreprises qu'il faut encore sensibiliser dans notre canton pour qu'elles fassent juste. Il y a encore là du travail. Cette motion ne permettra pas d'y répondre, et nous ne pouvons pas, en tant que groupe UDC, la soutenir.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour les démocrates-chrétiens, cette proposition de motion a eu deux mérites. Oui, nous avons été cosignataires. Le premier mérite a été de poser des questions absolument essentielles sur le bien-fondé de favoriser ou non, au niveau de l'Etat, l'achat de matériel, de produits issus du commerce équitable. Le deuxième mérite de cette proposition de motion, Monsieur le président, a été de permettre au Conseil d'Etat, par son conseiller d'Etat en charge du département de l'économie et de la santé, de pouvoir démontrer combien, depuis longtemps, les procédures sont rigoureuses, avec des critères non seulement absolument exigeants, mais parfois même tellement exigeants que l'on pouvait effectivement se féliciter d'avoir été pareillement pionnier. Grâce à toutes ces explications, nous avons pu mesurer à quel point la centrale d'achat - extrêmement bien gérée, d'ailleurs - avait une responsabilité pour appliquer ce qui était décidé par le Conseil d'Etat. C'est grâce à ces informations tout à fait précises que nous avons été rassurés. Nous pouvons dès lors en toute tranquillité - tout en continuant à rester attentifs, bien évidemment, Monsieur le président - soutenir l'excellent rapport de majorité, parce que nous sommes rassurés.
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, effectivement, dans cette enceinte, nous avons déjà traité un certain nombre de propositions de motions, le rapporteur de minorité l'a rappelé, qui concernent cette problématique du développement durable ou de l'achat durable ou équitable. Je me pose là une petite question. Durable est-il équivalent à équitable ? Peut-être que d'autres pourront y répondre.
J'ai relevé, chers collègues, pas moins de six textes - six textes ! - qui traitent précisément de la politique d'acquisition et d'achat de l'Etat, petit ou grand. Mme von Arx-Vernon en a rappelé quelques-uns, mais j'aimerais quand même faire cet inventaire. Il y a l'Agenda 21...
Une voix. Bravo !
M. Gabriel Barrillier. ...la loi sur le développement durable...
Une voix. Bravo !
M. Gabriel Barrillier. ...la «directive d'achats en matière de développement durable»...
Des voix. Bravo ! Ouais !
M. Gabriel Barrillier. ...la déclaration d'engagement à respecter les principes de la durabilité...
Des voix. Ouais ! (Le président agite la cloche.)
M. Gabriel Barrillier. ...le «guide des achats professionnels responsables»...
Une voix. C'est important, bravo !
M. Gabriel Barrillier. ...et puis, il y a aussi le règlement de soumission et d'adjudication. Donc - je crois que cela a été relevé en commission - le travail a été fait. Cela a d'ailleurs été reconnu par une commissaire, une députée Verte, je ne sais pas laquelle, qui «estime pour sa part qu'au vu des informations obtenues, les exigences en la matière lui paraissent suffisamment exhaustives.» C'est à la page 5 du rapport. Alors si une députée commissaire Verte reconnaît qu'en tout cas le cadre législatif, réglementaire, etc., garantit que l'Etat se comporte correctement, que voulez-vous de plus ? Que voulez-vous de plus ?
Donc pour ces raisons, nous estimons effectivement que cette motion est un coup d'épée dans l'eau et qu'il faut la refuser.
Mme Mathilde Captyn (Ve). Personnellement, le terme de commerce équitable en tant que tel m'interpelle souvent parce que, si l'on en croit la théorie économique, le commerce est censé permettre à celui qui échange de pouvoir vivre de son activité. Or les labels de commerce équitable existent justement pour permettre aux paysans de vivre de ce qu'ils produisent. Cette absurdité théorique étant dite - elle en dit quand même long sur les inégalités de notre économie mondialisée - les Verts estiment que l'on peut toujours mieux faire. Et certes l'Etat de Genève fait ce qu'il peut en matière de commerce équitable. En l'occurrence, on souhaite que cette motion soit renvoyée au Conseil d'Etat, parce que ce domaine est vraiment d'importance et nous tient à coeur, et que l'on pourrait encore mieux faire. (Applaudissements.)
Mme Christine Serdaly Morgan (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, dommage, le rapport de cette proposition de motion est malheureusement un copié-collé de celui de la M 1856. Dommage, parce qu'il m'a fallu arriver jusqu'à la fin pour le découvrir; j'aurais perdu un peu moins de temps si je l'avais su. Dommage aussi parce que, au lieu de dire à certains députés qu'ils auraient pu faire des enquêtes préalables, on aurait pu parler du commerce équitable, justement; on aurait pu parler du soutien à l'économie et à l'exportation des pays pauvres; on aurait pu parler du soutien aux produits agricoles.
De manière générale, la proposition de motion est liée à la motion radicale, vous vous en souvenez peut-être, sur la politique de soumission et d'adjudication durable, adoptée il y a peu, ainsi qu'à la motion 1856 sur l'application des conventions OIT, adoptée juste après la motion radicale.
Nous avons apprécié la volonté claire du Conseil d'Etat, certes, d'intégrer la notion de développement durable dans sa politique d'achats. Il n'y a rien à dire là-dessus. Mais l'invite de la proposition de motion est simple. Il s'agit de favoriser l'économie des pays en voie de développement en veillant, donc en encourageant des conditions de production respectueuses. C'est donc une manière d'aide au développement; c'est un soutien aux pays du Sud, qui leur permet d'investir leur pays plutôt que d'émigrer. On imagine que certains pourraient être sensibles à cet argument. Et comme le dit la CNUCED, «trade not aid».
Seul un bilan a été effectué avec ces deux motions. Mais avec cette motion-ci, il s'agit de poursuivre - c'est ce qu'elle demande - en élargissant par exemple la politique d'achat aux secteurs alimentaire et textile, en prenant appui, entre autres, sur les labels existants. Dans cette perspective, nous vous invitons à accepter cette motion.
Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Claude Jeanneret.
M. Claude Jeanneret (MCG). Merci, Monsieur le président...
Le président. A qui il reste une minute et trente secondes.
M. Claude Jeanneret. Magnifique !
Mesdames et Messieurs, chers collègues, écoutez, ce genre de motions est intéressant dans le fond. Qui peut ne pas souhaiter que l'Etat donne l'exemple en se fournissant dans des commerces équitables et durables ? L'Etat fait un bel effort, et la centrale d'achat a des instructions à ce sujet assez précises. Je crois que l'on attend encore le guide d'achats qui doit stipuler toutes ces priorités. Mais je pense aussi que cette motion n'avait pas de grande utilité, puisque l'on apprend, à l'écoute, que les services de l'Etat sont soucieux, notamment au niveau de la centrale d'achat, si ce n'est qu'il y a eu quelques couacs dont on parlait tout à l'heure. Ma chère collègue parlait des crayons chinois. Certes, cela peut arriver; bien sûr qu'il peut y avoir des couacs. Mais je ne crois pas qu'il faille généraliser la chose. Dans l'ensemble, le commerce est bien fait; je pense que la question de veiller à ce que les gens gagnent bien leur vie dans les pays fournissant les produits que l'on achète est louable.
Je dois dire une chose, pour finir sur une note un peu plus drôle, peut-être, pour le MCG. Quand on engage des flics à Genève en les enlevant de la France, ce n'est pas du commerce ni équitable ni durable. Dans ce cadre-là, il n'y a pas que le commerce; le commerce des gens se fait aussi. Il s'agit là d'un drôle de commerce.
Voilà pourquoi le MCG appuiera totalement la décision du rapporteur de majorité.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, commençons par l'invite. L'invite demande de favoriser certains types de producteurs ou de commerçants. Au fond, l'invite demande à l'Etat de se comporter en matière d'achat de certains types de biens de manière diamétralement différente de ce que lui demande également le cadre des AIMP. Dans un cas, inégalité de traitement; dans l'autre, égalité de traitement. Il faudrait quand même savoir ce que l'on veut. On ne peut en tout cas pas vouloir les deux choses en même temps. Soit l'on refuse dorénavant les AIMP, notamment dans le domaine des marchés publics, et on est pour des marchés publics équitables et non pas des marchés publics commandés par l'égalité de traitement; soit l'on veut qu'il y ait égalité de traitement, et cela s'applique également aux types de biens produits par ce que l'on appelle les magasins ou les commerces du commerce dit équitable.
Mais alors vous voyez tout de suite que cette invite, outre qu'elle est contradictoire, pose un problème de définition de ce qu'est l'équité. A ce propos, je remercie notre collègue Verte, qui était pleine de bravos à son propre égard ou à l'égard de son groupe dans ses expressions précédentes, d'avoir rappelé que l'équité posait un problème par rapport au sens même du commerce. Il y a équité dès lors que les plus justes conditions sont offertes, à la fois à ceux qui vendent et à ceux qui achètent; cela, évidemment, c'est le marché qui est en mesure de le faire. Mais pas le marché seul. Le marché contrôlé, mais pas le marché biaisé. Le marché sur le plan international contrôlé par l'OMC, avec des règles qui veulent que, lorsqu'il y a des défaillances ou des abus, des mesures de correction sont appliquées. Mais pas un marché biaisé, parce que, si le marché est biaisé, cela s'exerce évidemment au détriment d'un certain nombre d'autres commerçants. Il faut qu'il y ait accord et égalité de traitement entre les commerçants pour qu'il y ait un commerce égal et non pas un commerce d'abord équitable.
Au surplus - et là, je ne peux quand même pas m'empêcher de le remarquer - quand on se dispute sur le sens du mot équitable, sur la définition, d'autres maltraitent le mot lui-même. On a entendu parler d'«équitabilité». Je n'ai pas encore entendu parler d'«équitisme» ou d'«équitude»... (Remarque.) ...voire d'équitation pour certains... (Commentaires.) ...mais on n'en est pas loin. Donc de grâce, un peu de rigueur, un peu de rigueur dans le traitement des accords que nous avons. Si vous voulez à titre personnel - je le fais aussi - acheter dans certains magasins plutôt que dans d'autres des produits du commerce équitable, vous pouvez le faire. Vous ne pouvez pas le demander à l'Etat, parce que ce serait précisément le pousser en dehors de son cadre légal.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député René Desbaillets, à qui il reste quarante-cinq secondes.
M. René Desbaillets (L). Je vais aller vite, puisqu'il ne me reste qu'une quarantaine de secondes.
Tout d'abord, je ne vais pas participer à ce vote, parce que je ne voudrais pas que l'on m'accuse de faire de la réclame pour les produits genevois, étant producteur, et d'éliminer la concurrence par des lois.
Mais je vous rappellerai simplement que, à Genève, l'agriculture est en avance, puisque nous avons le label GRTA: Genève Région - Terre Avenir. C'est le premier label au monde qui parle de qualité d'environnement et qui tient compte des salaires et des conditions sociales des employés.
Encore un petit rappel: le bon marché est toujours trop cher. Alors on peut être libéral, avoir une certaine conception du commerce, etc., mais il y a certains moments où l'on doit s'arrêter. Regardez ce qui se passe maintenant au Japon: à 80 km autour de la centrale - cela correspond à un périmètre autour de Lausanne allant de Fribourg à Genève - on n'a plus le droit de ramasser...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. René Desbaillets. ...un légume ni de consommer du lait ni aucun produit local. Tout cela pour faire des économies et avoir de l'énergie nucléaire à bon marché. Alors c'est la même chose pour l'agriculture: pensez toujours que le bon marché est trop cher à terme.
Une voix. Bravo !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le rapporteur Roger Deneys, pour quarante-cinq secondes.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Parlons des centrales nucléaires. Aujourd'hui, préférez-vous que ce soient les exploitants des centrales nucléaires qui les contrôlent ou des organismes tiers, indépendants ? Je vous pose la question. Eh bien, pour le commerce équitable, c'est la même chose. La réponse, parce qu'elle vient du Conseil d'Etat ou de députés autosatisfaits dans cette salle, est-elle une preuve de fonctionnement modèle, exemplaire, en la matière ? Bien entendu que non ! Ce sont des organismes indépendants et extérieurs qui peuvent donner le satisfecit ou non en la matière. Donc favoriser le commerce équitable, c'est relever que des efforts sont faits aujourd'hui mais qu'ils peuvent encore être poursuivis et renforcés. Cela aura certainement un coût. Cela se fera en faveur du développement plus harmonieux de notre planète, d'une répartition plus juste des richesses...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. C'est bien ce que contestent les libéraux dans ce projet. Ce qu'ils veulent, c'est que les gens puissent s'enrichir dans les pays du tiers-monde pour ensuite planquer leur argent en Suisse.
Monsieur le président, on commence toujours avec cinq minutes de retard, donc je ne vois pas pourquoi, moi, je n'ai pas le droit à une minute en plus ! (Exclamations.)
Le président. Vos propos sont non seulement désagréables, comme souvent, mais en plus parfaitement déplacés.
M. Roger Deneys (hors micro). Non, ils ne sont pas déplacés !
Le président. Si vous voulez essayer de faire du «sous-Stauffer», prenez des leçons ! (Exclamations. Commentaires.) La parole est à M. le député Edouard Cuendet, à qui il reste vingt-cinq secondes.
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de majorité. Alors il me reste vingt-cinq secondes !
Certains vont penser que j'ai été irradié. En effet, je vais présenter mes excuses au MCG, parce que j'ai commis une petite coquille en oubliant dans le rapport de dire que le MCG avait évidemment voté contre cette proposition de motion. J'ai mis deux fois l'UDC. Il n'y a pas eu de fusion - nucléaire en tout cas pas - donc il y a bien un MCG qui a voté contre.
En plus, on va vraiment croire que je mène une difficile matinée, parce que je suis d'accord avec M. Rappaz - c'est tout dire - pour dire que les labels... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ... certifiés ne sont pas une garantie. En effet, durant les débats, il a été relevé à plusieurs reprises que notamment deux tiers des produits considérés comme «bio» ne répondaient pas aux critères «bio». Cela montre qu'il n'y a aucune crédibilité dans ces labels et que l'aspect commercial prend souvent le dessus.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. Donc je vous remercie de rejeter cette proposition de motion.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, lorsque nous avons étudié cette motion en commission, en réalité, on a donné la réponse qui serait celle que l'on donnerait si cette motion nous était adressée. Je vous rappelle que les impératifs tels qu'ils sont définis dans notre constitution nous imposent de donner une réponse dans les six mois. Or je ne vois pas ce que l'on pourrait vous dire de plus dans six mois que ce que vous avez appris en commission, raison pour laquelle, à ce stade, le débat est épuisé.
Mais j'entends bien que l'on puisse toujours faire mieux ! Et nous chercherons à le faire. J'aimerais cependant rappeler que probablement assez peu de collectivités publiques ont pris la peine, au-delà des textes qui ont été énumérés par le député Barrillier, de faire un certain nombre de choses tout à fait concrètes. Premièrement, lorsque l'Etat achète des produits, il fait signer un engagement aux vendeurs, qui prennent en compte les trois dimensions du développement durable. Deuxièmement, nous avons publié, l'année dernière, un «guide des achats professionnels responsables» pour l'ensemble des partenaires de l'économie, et notamment pour toutes les PME, qui nous demandent comment il faut faire et que nous renseignons à travers ce guide, pour opérer de la manière... - la plus... équitable, je ne sais pas - mais en tout cas dans le cadre du développement le plus durable possible.
Je vous rappelle que, il y a déjà quatre ans, nous avions fait un guide «Pour une consommation responsable», destiné à toutes celles et tous ceux qui consomment régulièrement, c'est-à-dire chacune et chacun d'entre nous, pour savoir comment on pouvait se repérer dans la manière de consommer convenablement. Je rappelle ici un article de la «Tribune» de ce matin, mais qui est quelque chose que l'on dit depuis longtemps: consommer une botte d'asperges maintenant, à une époque où elles ne poussent pas en Europe, a certes quelque chose d'équitable pour ceux qui les produisent au Pérou. Mais cela a quelque chose de pas durable quand on sait qu'il faut 17 litres de pétrole pour faire venir 1 kilo d'asperges à Genève - 17 litres de pétrole pour 1 kilo ! - alors qu'il en faut 0,5 pour les couver dans nos terres valaisannes. (Commentaires.) Vous voyez donc à quel point les choses ne sont pas toujours aussi simples que cela.
Alors, Mesdames et Messieurs, je crois réellement que vous avez eu des réponses, des réponses circonstanciées. Dans ces réponses paraissent l'engagement de l'Etat pour sa propre consommation et l'aide qu'il apporte aux gens qui voudraient s'engager, au niveau de l'entreprise ou au niveau de la consommation privée, en leur en donnant la possibilité.
Enfin, je tique sur un petit défaut sémantique. Favoriser le commerce équitable, comme l'a évoqué le député Weiss, c'est aller contre le grand principe des accords de l'OMC. On peut encourager; on ne peut pas favoriser. Alors est-ce si sémantique que cela ? Pour l'excellent joueur de football que vous êtes, Monsieur le rapporteur de minorité, j'aimerais vous rappeler que lorsque l'arbitre vous encourage, on peut le féliciter; lorsqu'il vous favorise, on peut le déplorer ! (Rires.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en procédure de vote. Celles et ceux d'entre vous qui acceptent le rapport votent oui, les autres non ou s'abstiennent. Je voulais dire: la motion; veuillez m'excuser. Le vote est lancé. (Commentaires pendant la procédure de vote.) La proposition de motion 1857 recueille 46 non, 26 oui et 8 abstentions. Le vote portait donc sur l'acceptation de la motion, qui a fait l'objet de ce rapport. (Commentaires.) Alors j'imaginais que des députées et des députés aussi aguerris que vous avaient parfaitement compris. Je regrette de voir que, si l'on ne vous explique pas le texte... Alors c'est avec grand plaisir - je suis sûr que le résultat sera très différent ! - que je vous fais voter une deuxième fois.
Je vous explique très clairement. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables au rapport qui accompagne cette motion... (Protestations. Remarque.) Monsieur Bavarel, Je vous suis toujours reconnaissant lorsque vous parlez sans avoir la parole ! La dernière fois, cela vous a valu quelques remarques qui vous ont déplu. Ne me tentez pas ! Je reprends. Celles et ceux d'entre vous qui sont favorables à cette motion - virgule - elle-même accompagnée d'un rapport - virgule - votent oui. Celles et ceux d'entre vous qui ne sont pas favorables à ce rapport - lui-même accompagné... (Protestations.) Ceux-là votent non ou s'abstiennent.
Mise aux voix, la proposition de motion 1857 est rejetée par 54 non contre 27 oui et 3 abstentions.
Le président. Cela vous va-t-il, Monsieur Bavarel ? (Remarque.) Tant mieux !