République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10672-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Olivier Jornot, Guy Mettan, Renaud Gautier, Catherine Baud, Elisabeth Chatelain, Charles Selleger, Eric Bertinat, Sophie Forster Carbonnier, Emilie Flamand, Jacqueline Roiz, Olivier Norer, Céline Amaudruz, Anne Mahrer, François Lefort, Christo Ivanov, Miguel Limpo, Brigitte Schneider-Bidaux, Christian Bavarel, Roberto Broggini, Stéphane Florey, Philippe Schaller, Fabiano Forte, Guillaume Barazzone, Fabienne Gautier, Francis Walpen, Serge Hiltpold, Daniel Zaugg, Beatriz de Candolle, Frédéric Hohl, Jean-Michel Gros, Vincent Maitre, Marcel Borloz, Alain Meylan, Hugo Zbinden, Gabriel Barrillier modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Devoirs des députés)

Premier débat

M. Serge Hiltpold (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est réunie le 29 septembre 2010 sous la présidence de Mme Engelberts pour étudier ce nouveau projet de loi. Ce dernier, inspiré du PL 10473 déposé le 23 avril 2009 par les membres du Bureau du Grand Conseil de l'époque, regroupe désormais les deux problématiques entravant la bonne marche du parlement ainsi que le fonctionnement de nos institutions, dont nous avons le respect en tant que citoyens, d'une part, et parlementaires, d'autre part. Dans cet esprit, il n'est pas inutile de vous remémorer l'exhortation du président, qui ouvre les travaux de nos séances plénières: «Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.» Chacun de nous en fera sa libre interprétation, mais la notion de devoir est bien présente et dresse le tableau de ce que devrait être un parlement qui travaille dans la dignité et dans le respect. Fort de ces considérations un tant soit peu philosophiques, je dois dire que la réalité politique est tout autre. (Brouhaha.) Avec le brouhaha ambiant, c'est d'ailleurs assez insupportable... C'est la raison pour laquelle une modification de notre règlement semblait appropriée afin de cadrer ce qui devrait découler du bon sens et de l'éthique, qui a relativement bien fonctionné jusqu'à présent.

Le premier axe concerne les communications officielles des députés, en précisant bien dans l'article 26A que nous n'avons pas l'autorisation de nous exprimer au nom du Grand Conseil ou d'une commission. Le député ne représente que lui-même, sauf compétences particulières attribuées au président du Grand Conseil, aux présidents de commission ou aux rapporteurs.

Le deuxième axe consiste en le respect du règlement, avec la notion de sanction, plus précisément en ce qui concerne la violation du secret de fonction des travaux de commission. Dans les faits, les seules mesures existantes ne sont appliquées que lors des séances plénières. Il était évident de pouvoir couvrir les séances de commission, qui sont effectivement les véritables espaces de travail de notre activité politique, et dont les informations sur l'extérieur et les violations du secret de fonction ont une fâcheuse tendance à se développer. A cet égard, et pour la majorité de cette commission des droits politiques, la sanction devenait la mesure adéquate pour parer à certains comportements, mais en introduisant le droit d'être entendu pour le député concerné et un membre du Bureau - mesures et procédures plus souples que celles de notre Parlement fédéral. Il est également apparu indispensable de ne pas pénaliser un groupe parlementaire qui pourrait être privé de sa voix en commission, raison pour laquelle l'éventuel exclu pourrait être remplacé par un autre député de sa formation.

Si ces dispositions peuvent paraître trop scolaires pour certains, elles ont le mérite de définir clairement un cadre qui devrait simplement découler du bon sens et de l'éthique. L'homme en général étant perfectible, le député en particulier saura - j'en suis convaincu - se conformer à cette notion de devoir, qui ne saura être vécue comme une contrainte.

Au nom de la majorité de la commission, je vous remercie de bien vouloir soutenir ce projet de loi, pour le bon fonctionnement de nos institutions, tournées pour servir nos concitoyens.

Présidence de M. Renaud Gautier, président

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Golay.

M. Roger Golay. Non, c'était pour le projet précédent !

Le président. Très bien, la parole est donc à M. Mauro Poggia.

M. Mauro Poggia (MCG). Merci, Monsieur le président. C'était également pour le projet précédent, mais comme je voulais de toute façon prendre la parole maintenant, je vous remercie de me la donner.

Monsieur le président, lorsque l'on instaure des lois pour des cas particuliers - et celle-ci est ce que l'on appelle la «lex Stauffer» - on fait évidemment fausse route. Depuis le début de cette législature, notre parlement n'a eu de cesse que de limiter le temps de parole, de brimer l'expression, tout simplement parce que ce que disent certains ne plaît pas à la majorité. Et dans cette droite ligne, on songe maintenant à sanctionner, de manière d'ailleurs maladroite, puisque, toujours en direction du député concerné, on imagine l'exclure durant six mois des commissions dans lesquelles il gêne, commissions dans lesquelles il sera remplacé peut-être par un député plus affable, souhaite-t-on. Et évidemment, si le député en question est exclu, il va faire usage du droit qui lui est reconnu dans ce projet de loi, qui consiste à faire appel devant le Grand Conseil en séance plénière. Ainsi, ce que vous cherchez à obtenir ne sera évidemment pas atteint, puisque ce sera en séance plénière, devant les médias, que les manières utilisées par la majorité pour faire taire une minorité qui ne lui plaît pas seront étalées.

Cette loi ne sert à rien. Elle ne sert à rien si ce n'est à stigmatiser le comportement de certains, parce qu'il ne plaît pas, parce que ce qu'il dénonce ne plaît pas. Nous disposons déjà de lois qui sont bien suffisantes pour cela: nous avons la LIPAD - la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles - qui précise à son article 9 que les débats en commission ne sont pas publics. Nous avons ensuite la loi portant règlement du Grand Conseil, qui stipule à son article 94, alinéa 2, qu'il existe le huis clos, et que lorsqu'il y a huis clos il y a le secret. Enfin, nous avons le code pénal, le cas échéant, si l'on considère que l'un ou l'autre d'entre nous violerait ces dispositions, qui réprime, à l'article 320, la violation du secret de fonction, qui s'adresse non pas seulement aux fonctionnaires mais également aux membres des autorités.

Alors cessez, je vous prie, de rédiger des lois qui soulèvent des débats inutiles. Acceptez au contraire les débats, au lieu de faire ce que vous faites systématiquement dans ce parlement, c'est-à-dire de rejeter le débat chaque fois qu'il vous est demandé par le MCG. Venez vous battre sur le terrain démocratique, plutôt que de tenter de nous faire taire ! Je vous propose dès lors de rejeter ce projet de loi, et je vous remercie. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Aurélie Gavillet (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste s'abstiendra de voter un tel projet de loi. Il est incontesté que certains dans ce parlement se moquent du système et profitent de la moindre faille, mais nous estimons qu'il n'appartient pas à notre Grand Conseil de devenir autoritaire pour se défendre contre eux. En ce sens, la possibilité pour le Bureau d'infliger des sanctions en cas de violation du règlement ou même en cas de simple non-respect d'une injonction du Bureau ne nous semble pas souhaitable. Le bon fonctionnement d'une démocratie demande de faire preuve d'une bonne foi particulière, mais quand des gens agissent de mauvaise foi, il n'appartient pas au système démocratique de tomber dans l'autoritarisme. En tant que membres de ce parlement et garants du système démocratique, nous ne pouvons pas accepter un tel projet de loi. Je vous rappellerai simplement, en guise de conclusion, l'expression du comité contre la torture dans une affaire de 1999, où il a été dit: «Une démocratie doit souvent se battre avec une main liée derrière le dos.» C'est peut-être la modeste condition de la démocratie, mais nous la préférons infiniment à tout système autoritaire. C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste ne votera pas un tel projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Nathalie Schneuwly (R). Que propose ce projet de loi ? Ni plus ni moins que des règles qui semblaient admises jusque-là par l'ensemble des députés.

Un député ne représente que lui-même, il ne peut donc parler que pour lui, à moins d'être président d'une commission ou du Grand Conseil. C'est logique, aucun de nous ne souhaite que l'on s'exprime à sa place.

De plus, il ne doit pas y avoir de confusion quant à une communication donnée, raison pour laquelle nous ne sommes pas autorisés à utiliser les armoiries, qui pourraient induire le public en erreur. C'est évident pour la plupart d'entre nous, sauf effectivement pour un certain groupe qui se plaît à mettre dans toutes ses communications les armoiries de notre canton.

Enfin, ce projet rappelle que tout député est soumis au secret de fonction. Là encore, cela semble être une évidence pour la plupart d'entre nous, mais il est vrai que certains journalistes semblent souvent plus vite informés que nous autres députés de ce qui se discute en commission. Je l'ai personnellement vécu la semaine dernière, et je trouve cela extrêmement dérangeant.

Il nous semble important, à nous députés radicaux, de se fixer des règles et des devoirs. Nous ne pouvons pas nous octroyer des droits sans contrepartie. Notre fonction nous oblige à adopter un comportement irréprochable et à montrer l'exemple.

Dans la mesure où ce projet ne fait qu'inscrire dans la loi des règles largement admises et surtout prévoir une sanction en cas de non-respect, ce projet ne peut être qu'accepté par tous. Je vous laisse méditer sur les raisons du refus de certains.

Les radicaux voteront donc sans souci ce projet de loi sur les devoirs des députés, mais avec regret de devoir en arriver là.

M. Antoine Bertschy (UDC). Je crois qu'il faut remettre les choses dans leur contexte. Cela a été rappelé, l'article qui est important dans ce projet de loi, c'est l'article 26A, et plus particulièrement les deux premiers alinéas. Je les lis: «1 Les députés ne sont pas autorisés à s'exprimer au nom du Grand Conseil ou d'une commission, ni à donner à leurs communications une forme de nature à induire en erreur quant à l'identité de leur auteur.» Je ne vois pas en quoi voter un article comme celui-ci peut poser problème ! Quelqu'un est-il contre cela ? Je ne peux pas me l'imaginer. Je poursuis: «2 Est notamment interdite l'utilisation des armoiries de l'Etat, sauf autorisation du bureau.» Alors là, peut-être certains estiment-ils que, en tant que députés, ils ont le droit d'utiliser les armoiries de l'Etat, mais il me semble normal que les armoiries de l'Etat ne soient pas employées à tort et à travers et que leur utilisation soit limitée. C'est normal ! Sinon pourquoi les députés peuvent-ils en faire usage, mais pas les conseillers municipaux ? Et si les conseillers municipaux y sont autorisés, pourquoi pas tous les citoyens ? Il faut un minimum protéger les armoiries de l'Etat, cela semble tout à fait naturel. En conséquence, l'UDC - qui est signataire de ce projet de loi - ne voit aucune raison de dire non à ce texte, son contenu semble être naturel, et c'est la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi avec enthousiasme.

Mme Marie-Thérèse Engelberts (MCG). Pour compléter ce que M. Poggia a pu indiquer tout à l'heure, je vais dire qu'on ne légifère pas simplement pour un seul député. Cela paraît vraiment tout à fait absurde. En ce moment, nous légiférons pour diminuer le nombre de motions, nous légiférons pour limiter les demandes d'urgence, nous voulons légiférer pour fusionner ou diminuer le nombre de commissions, et nous allons aussi légiférer sur le protocole. Je ne sais pas sur quoi nous n'allons pas légiférer ! Sommes-nous dans une ère de tels dysfonctionnements que finalement l'autorité naturelle du président et le règlement actuel du Grand Conseil ne permettent pas de régler des situations un peu excessives, mais absolument exceptionnelles ? Sommes-nous dans une ère de dysfonctionnements où la négociation et la concertation ne sont plus possibles ? Et l'ère nouvelle est arrivée, qui consiste à vouloir noter les comportements des enfants à l'école ou ailleurs, à noter les députés, à relever les fautes, à sanctionner. Mais nous parlons ici d'un parlement ! Nous avons affaire à des adultes ! Moi je n'accepte pas d'être sanctionnée. Je peux reconnaître un dysfonctionnement, mais la sanction n'appartient à personne. Soit il y a une législation en cours, et on la suit, soit il y a un règlement, et on l'applique. Monsieur le président, j'ai bien aimé votre intervention de tout à l'heure en début de séance. Elle a clarifié une situation effectivement délicate, ainsi que des comportements et des mots qui étaient absolument injustifiés dans cette enceinte. Je pense que ce genre d'intervention suffit, et notre règlement du Grand Conseil, lorsqu'il est appliqué de la manière dont vous avez pu le démonter, est largement suffisant.

Mme Catherine Baud (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, oui, c'est triste d'en arriver là, c'est sûr, mais à partir du moment où les rappels à l'ordre ou les courriers ne sont pas pris en compte, il faut peut-être songer à procéder autrement, et finalement ce projet de loi ne fait que mettre noir sur blanc ce qui existait déjà auparavant et qui était respecté. Aujourd'hui, parfois, ça ne l'est plus, il convient donc de prendre des dispositions pour que ça le soit et que la situation reste la même, dans le même respect que lors des années précédentes. C'est tout simple, il n'y a pas lieu d'en faire toute une histoire. Je pense que ce projet de loi a tout son sens, et je vous recommande donc de le soutenir et d'entrer en matière.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste une minute dix.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on a entendu «lex Stauffer» par-ci, «lex Stauffer» par-là, «pour un seul député», «c'est triste», j'en passe et des meilleures. Finalement, Mesdames et Messieurs, comme l'a très justement dit notre collègue Mauro Poggia, les dispositions légales existent dans le code pénal: s'il y a violation du secret de fonction, la justice tranche. Mais en l'occurrence vous préférez rédiger un projet de loi pour rendre la justice vous-mêmes, vous savez, celle des petits copains coquins, parce qu'elle sera beaucoup plus partiale. Et on sera tous morts de rire, Mesdames et Messieurs, par exemple lorsqu'il y aura une fuite, car par qui va être constituée la commission d'enquête ? Qui va aller fouiller dans les boîtes e-mails du député ? Non, votre projet de loi ne sert strictement à rien, vous vous faites mousser; vous ne m'aimez pas, je ne vous aime pas non plus. Le seul que j'aime et qui m'aime, c'est le peuple genevois. (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Vous me coupez le souffle, Monsieur le député. La parole est à M. le député Guy Mettan.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien votera ce projet de loi pour trois raisons qui ont déjà été énumérées, mais que je rappelle volontiers. La première des raisons, qui figure effectivement dans le premier article, c'est qu'il y a malheureusement parmi nous des gens qui essaient de tromper abusivement les citoyens en usurpant des qualités qu'ils n'ont pas. (Protestations. Le président agite la cloche.) Et il est important de rappeler à ces personnes qui pratiquent ce type de dérives ce qu'est la loi et ce qu'est le règlement.

La deuxième raison concerne l'usage des armoiries. Les armoiries du canton de Genève n'appartiennent ni à un député, ni à un citoyen, ni à un groupe de citoyens, ni à un parti: elles appartiennent à l'ensemble de la communauté des citoyennes et des citoyens de ce canton. A partir de là, il n'est pas possible qu'un parti usurpe ces armoiries pour faire croire qu'à lui seul il détient la voix de l'ensemble des citoyens. Il n'est pas possible qu'un parti utilise ces armoiries pour vendre des services de téléphonie mobile avec une entreprise dont il est proche. Voilà à quel type de dérives on a assisté ces derniers mois.

Enfin, il faut aussi rappeler une condition essentielle de la démocratie, c'est le devoir de confidentialité des travaux en commission. Et en commission seulement, puisque pour le débat démocratique nous avons les séances plénières du Grand Conseil et que, là, le public - ainsi que la presse - a accès aux débats en toute transparence. En revanche, en commission, il est primordial que la confidentialité soit respectée, sinon nous ne pouvons plus faire ce travail qui est essentiel à la constitution d'une opinion démocratique, au vote des différents partis, à la construction d'une solution aux problèmes que nous devons résoudre. Si nous n'avons pas cette confidentialité, c'est tout notre travail qui s'en trouve péjoré. C'est la raison pour laquelle il faut qu'on puisse la respecter et la faire respecter quand il y a des délinquants dans ce domaine.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Olivier Julio... euh, Jornot, pardon ! (Rires.)

M. Olivier Jornot (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne sais pas si vous m'aimez, mais moi je vous aime tous ! (Exclamations.) Enfin presque... Et c'est précisément pour cela qu'avec un nombre impressionnant de députés, nous avons déposé ce projet de loi: c'est parce que nous aimons notre travail, que nous aimons notre fonction, et que nous voulons pouvoir l'exercer dans des conditions respectant l'idéal démocratique qui nous anime. De quoi ne s'agit-il pas, Mesdames et Messieurs ? Il ne s'agit pas d'un projet de loi qui vise à faire taire qui que ce soit. Il y a eu précédemment beaucoup de projets de lois qui concernaient la façon de travailler dans ce plénum, qui introduisaient des temps de parole, par exemple, mais vous ne trouverez rien de tout cela ici. Il ne s'agit pas d'un projet de loi qui vise à limiter le nombre des projets qu'un député peut déposer, ni qui prétendrait s'immiscer dans le domaine du pénal. Mais c'est un projet de loi qui nous invite à réfléchir et à faire des choix. Par exemple, premier choix: est-ce que nous estimons que, pour pouvoir travailler dans un parlement, il faut des règles ? Est-ce que nous estimons qu'il faut des règles, par exemple sur le secret de fonction ? Nous pourrions ne pas en avoir. Nous pourrions faire comme dans un certain nombre de parlements et décider que les travaux de commission se font en public, avec caméras, et diffusés sur une télévision. Nous aurions le droit de faire cela, mais ce n'est pas ce que nous avons décidé, parce que nous estimons qu'il est précieux d'avoir des débats protégés par une certaine confidentialité.

Et le deuxième choix qu'il faut faire, outre celui de savoir si nous voulons des règles ou pas, c'est de savoir si nous voulons que ces règles soient des voeux qui seront formulés comme tels, ou si nous voulons que ces règles soient assorties de moyens de les faire respecter, autrement dit assorties de sanctions, comme dans n'importe quel parlement de ce monde.

Alors, Mesdames et Messieurs, j'imagine volontiers qu'un certain nombre de personnes ne voteront pas ce projet de loi. D'abord je comprendrais qu'il y en ait qui ne le votent pas parce qu'ils estimeraient que les sanctions qu'il contient ne sont pas suffisamment sévères. Il est vrai que le blâme et l'impossibilité d'accéder à certaines séances de commission pendant une période donnée sont des sanctions légères, ce sont des sanctions qui sont proportionnées aux problématiques qui sont soulevées dans ce projet de loi.

Ensuite, il y aurait des personnes qui pourraient ne pas vouloir le voter parce qu'elles estimeraient qu'elles se sentiraient bridées dans leur travail de député. Eh bien non, il y a toutes sortes de précautions qui sont prises, et l'on respecte les droits des députés avec ce projet de loi, beaucoup plus que dans le droit actuel, par exemple, qui permet en théorie au président d'exclure un député pour plusieurs séances de cette assemblée.

Il y en aurait aussi qui pourraient être tentés de ne pas voter ce projet de loi parce qu'ils se sentiraient visés. Je n'avais vraiment pas perçu cela dans un premier temps, parce que pour moi il est évident qu'on peut s'opposer à une sanction sans nécessairement se sentir directement visé, mais en entendant tout à l'heure un certain nombre d'intervenants, je me suis aperçu qu'en effet il y avait dans cette salle des gens qui considèrent être personnellement visés par ce projet de loi. J'aimerais les rassurer: on ne leur fait pas cet honneur.

Enfin, il y a ceux qui refuseraient ce projet de loi parce qu'ils ne comprennent pas comment fonctionne un parlement, parce qu'ils confondent un parlement avec un blog, ou avec une brasserie dans laquelle on tient des harangues. Ceux-là, je n'ai rien à leur dire, je ne parviendrai pas à les convaincre de voter oui. Quant aux autres, j'espère que j'y arriverai, et je vous invite à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Lydia Schneider Hausser (S). C'est vrai que l'organisation d'un parlement et la gestion de ses travaux ne sont pas une mince affaire. Cependant, une loi ne peut pas être destinée à une ou quelques personnes. Une loi s'adresse à une grande partie de la population ou à une grande majorité d'un parlement.

Je ne vais pas répéter ce qu'a dit Mme Gavillet précédemment, le groupe socialiste ne votera pas cette loi. En revanche, nous devons relever qu'il y a effectivement non-respect des armoiries, qui sont utilisées par l'un des partis sur tous ses messages électroniques par exemple. En outre, on se rend compte qu'il y a de plus en plus de dérapages sur la confidentialité des travaux en commission. C'est vrai que cela fait mousser, que cela fait travailler les journalistes, mais, pour des débats sereins, des choses sont à sauvegarder.

Il n'est effectivement pas simple d'être un groupe minoritaire, et nous sommes bien placés pour le savoir. (Remarque.) Bien sûr, j'espère que c'est provisoire ! Il n'est pas facile de se faire respecter et de faire valoir son avis, mais une chose n'est pas permise, c'est la position de victimisation, c'est la position de prise en otage d'un parlement quelquefois. Nous appelons à ce que nos travaux se concentrent un peu plus sur le fond, un peu plus sur les objets qui peuvent servir et doivent servir aux personnes qui vivent à Genève, et qu'ils ne se déroulent pas seulement dans l'émotionnel, dans le captage émotionnel de nos débats. Compte tenu de tout cela, le groupe socialiste ne votera pas une loi qui, quand même, touche un dysfonctionnement relativement nouveau de ce parlement. Une partie du groupe s'abstiendra et une autre refusera cette loi.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Stauffer, à qui il reste très précisément vingt et une secondes.

M. Eric Stauffer (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez tous entendu le député libéral Jornot venir parler de sanctions lorsque quelqu'un aurait fauté - encore faudrait-il savoir qu'il a fauté. Moi je vous le demande, Mesdames et Messieurs: à qui veut-on cacher la vérité ? Moi je parle de sanctions vis-à-vis du gouvernement, Mesdames et Messieurs ! Le vôtre, Monsieur Jornot ! Le vôtre ! (M. Eric Stauffer brandit une affichette du «Matin» concernant M. Muller.) Quelles sanctions allons-nous appliquer ? (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Nous voulons la vérité, nous voulons la transparence dans ce parlement !

Le président. Monsieur Stauffer !

M. Eric Stauffer. Je vous remercie donc de refuser ce projet de loi ! (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Monsieur Stauffer, je pars du principe que c'est la dernière fois aujourd'hui que je vous demande de garder vos documents pliés sur votre place et de ne pas les brandir. Je vous en remercie. La parole est à M. le député Serge Hiltpold.

M. Serge Hiltpold (L), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Je crois que nous avons eu...

Le président. Non, excusez-moi ! Je dois d'abord donner la parole - je vous prie de m'excuser, Monsieur le rapporteur - à Mme Emery-Torracinta. Monsieur Hiltpold, vous aurez la parole en dernier.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Merci, Monsieur le président. Il y a effectivement des dérapages qui sont inadmissibles dans ce parlement, mais je ne pense pas - comme l'a très bien dit Mme Gavillet - que, dans une démocratie, on lutte contre des méthodes qui relèvent parfois du fascisme avec d'autres méthodes liberticides. Ce que j'aimerais dire au groupe libéral - plus particulièrement à ce groupe-là parce que le premier auteur du projet de loi est libéral et le rapporteur également - c'est qu'il devrait peut-être, au lieu de viser à tout prix un parti et une personne, se demander pourquoi ce parti obtient un tel résultat aux élections, et avoir une autre attitude en termes de politique de l'emploi et du logement. Et c'est peut-être avec l'ensemble des partis républicains et démocratiques de ce parlement que nous devrions agir, agir en faveur de la majorité de la population, et non pas, Mesdames et Messieurs les libéraux, en faveur de la minorité que vous défendez perpétuellement. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le vice-président M. Pierre Losio.

M. Pierre Losio (Ve). Merci, Monsieur le président. Je me suis permis de descendre du perchoir parce que je comprends fort bien que l'on puisse avoir des torticolis démocratiques quant à savoir s'il faut voter cette loi, s'abstenir ou s'y opposer. Je comprends les tourments du parti socialiste, et j'ai bien écouté la cheffe de groupe de ce parti qui était particulièrement choquée par l'emploi abusif des armoiries qui a été fait par un député de ce parlement. Alors je ne peux pas m'empêcher de penser que, récemment, est sorti du parti socialiste un drapeau sur lequel - pardonnez-moi l'expression - figuraient un chibre et une paire de balustines. Je pense donc que, dans les rangs socialistes, on devrait penser à éduquer les membres de la jeunesse socialiste ! (Applaudissements.)

M. Serge Hiltpold (L), rapporteur. Je crois que nous avons eu la démonstration de ce que pouvaient susciter comme passion et comme excès de comportement les différents débats. S'agissant de quelques conclusions sur ce que j'ai pu entendre, au nom de la majorité - et je ne m'exprimerai pas en tant que libéral - je vais vous parler un peu de la notion de liberté. Vous nous faites des grandes leçons de morale, mais je dirai simplement que la liberté commence là où s'arrête celle de l'autre. Je pense qu'il ne s'agit pas ici d'une loi qui est valable pour «le» député; si l'on utilise le bon déterminant, c'est «un» député, libre à chacun de se reconnaître.

Ensuite, sur le système autoritaire, je suis assez interloqué d'entendre une députée qui n'accepte pas d'être sanctionnée ! Dans un parlement, nous votons des lois, et la première règle de parlementaires et de citoyens, c'est de se conformer aux lois. C'est simple, cela commence avec l'éducation, jusqu'à la fin.

Pour ces bonnes raisons, et sans polémiquer, je demanderai aux parlementaires de prendre du recul et de ne pas s'attarder sur des propos qui ont été assez durs. Du reste, ce sont aussi des éléments que j'aimerais noter dans la tenue des discours que nous avons à entendre ici. Il y a un durcissement que je trouve malsain, et je pense que s'il y avait une autocritique des députés, nous n'en serions effectivement pas là. Alors je vous demanderai, au nom de la commission, de voter ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes en procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 10672 est adopté en premier débat par 58 oui contre 25 non et 9 abstentions.

La loi 10672 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10672 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 25 non et 9 abstentions.

Loi 10672