République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10664-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Patrick Saudan, Olivier Jornot, Gabriel Barrillier, Michel Ducret, François Haldemann, Frédéric Hohl, Jacques Jeannerat, Patricia Läser, Jean Romain, Charles Selleger, Alain Meylan, Beatriz de Candolle, Pierre Weiss, Daniel Zaugg, Jacques Béné, Francis Walpen, Ivan Slatkine modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (La motion dans tous ses états)
Rapport de majorité de M. Fabiano Forte (PDC)
Rapport de première minorité de M. Patrick Lussi (UDC)
Rapport de deuxième minorité de Mme Aurélie Gavillet (S)

Premier débat

M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur de majorité. Je ferai une brève introduction. Ce projet de loi s'inscrit dans une volonté de la majorité de la commission d'améliorer le fonctionnement de notre parlement, en atteignant trois buts clairement exprimés dans ce projet de loi: désengorger notre ordre du jour, avoir des réponses plus rapides du gouvernement sur les motions déposées et, enfin, améliorer la qualité des textes parlementaires.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, je trouve dommage que mon préopinant rapporteur majoritaire ait été très bref. Il y a en réalité beaucoup de choses à dire, vu que l'on tombe dans l'essence profonde de ce que doivent être l'activité, le retentissement et, en finalité, la réelle importance d'un député dans ce Grand Conseil. Je ne vous ferai pas l'outrage de relire les rapports, je suis persuadé que vous les avez étudiés. Mais je dis simplement que quand on regarde l'exposé des motifs du projet de loi initial, dès le troisième paragraphe le décor tombe, la réalité apparaît lorsqu'on lit: «Si à Genève, plus que partout, la motion est plébiscitée, c'est toutefois moins pour son potentiel en matière législative que pour son rôle politico-médiatique.»

Mesdames et Messieurs les députés, le vrai problème est là ! C'est-à-dire que l'on tente, nous les députés, avec des sensibilités qui heurtent le politiquement correct de la majorité de cette assemblée, de nous faire taire. On nous a fait toute une argumentation en 19 pages, c'est magnifique ! Vous voyez que, avec un amendement, on ne fait ensuite plus qu'une petite - une toute petite - modification, à l'article 147, en disant qu'il n'y aura plus de renvoi en commission, etc.

Nous estimons - notre sensibilité - que c'est une atteinte grave à la démocratie, à la possibilité d'expression de l'élu, d'autant plus que quand vous parcourez le texte, plus loin, vous apercevez - et cela, je le reconnais - que les auteurs de ce projet de loi ont fait une analyse pertinente, notamment de deux défauts dont je révèle le paradoxe. Ils disent que la motion est en fait inutile, non pas parce que l'on en parlerait trop, mais parce qu'elle n'a aucun pouvoir contraignant. Comme par magie, évidemment, on laisse cela de côté, parce que cela n'irait peut-être pas dans le bon chemin du politiquement correct. Quant au deuxième défaut que l'on évoque, je trouve que ce paradoxe, si vous vous donnez la peine de bien lire l'exposé des motifs, est une insulte au Conseil d'Etat, puisque l'on dit simplement que le Conseil d'Etat fait ce qu'il veut, se moque de la parole des députés. S'il a envie de répondre, il répond; s'il n'a pas envie de répondre, il ne répond pas.

Troisièmement, j'aimerais vous amener aux statistiques. Parce qu'en définitive ce sont les statistiques qui comptent ! Voici ce dont on s'aperçoit concernant le travail du Grand Conseil. En effet, je rappelle que l'objet essentiel et primaire de cette motion était de dire que nous perdons trop de temps en futilités; il faudra encore me démontrer pourquoi un parlement n'est pas là pour parler et exprimer les opinions, mais n'est là que pour entériner ce que certains veulent que l'on entérine ! On s'aperçoit en lisant les statistiques que, ces derniers temps - il est vrai, grâce à la procédure des extraits - notre parlement siège environ quarante heures de moins par an ! Donc on ne peut pas dire que l'on est surchargé. Ensuite, on s'aperçoit que l'ordre du jour des objets en attente est en grande diminution. En fait, l'un des points qui aurait pu être relevé est que lorsque ce parlement, par souci de faire taire les députés, a supprimé l'interpellation urgente orale, cela n'a pas augmenté le nombre de motions, on s'en aperçoit, mais que les interventions se sont simplement reportées sur l'interpellation urgente écrite.

Mesdames et Messieurs les députés, à un moment donné, le professeur Sciarini dit bien que la différence entre l'efficience et la démocratie est une question de politique, c'est la question de savoir où l'on place le curseur. Ou bien vous décidez que nous sommes des ânes juste bons à appuyer sur le bouton, parce que quelqu'un vous a dit d'appuyer sur le bouton rouge ou le bouton vert, ou bien vous acceptez le débat. En tout cas, le rapport de première minorité vous demande de refuser ce projet de loi, car il est antidémocratique ! Je vous remercie.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de deuxième minorité. Ce projet de loi illustre à la perfection les difficultés qu'il y a à se réformer soi-même, surtout lorsque l'on est un corps complexe comme ce parlement.

Un point préliminaire, tout d'abord, pour souligner que ce projet s'attaque uniquement à la phase de passage en commission des propositions de motions; c'est dommage, parce que ce n'est pas phase la plus inutile, la plus absurde et la plus longue du système. Une motion est inutile lors des huit, douze ou seize mois pendant lesquels elle est inscrite à notre ordre du jour. Or cela, Mesdames et Messieurs les députés, les auteurs de ce projet de loi le relèvent mais ne le résolvent pas. Le passage en commission d'une motion est une étape supplémentaire et facultative. Sa suppression ne changera pas le problème, parce que le problème - et vous le savez bien - c'est notre ordre du jour.

J'en viens maintenant aux réelles difficultés posées par ce projet de loi; il y en a deux principales. D'abord, en supprimant le passage en commission des motions, mais pas des résolutions; il pousse les députés à déposer des résolutions qui auraient en réalité le contenu de motions, afin de pouvoir quand même bénéficier du renvoi en commission. Les résolutions, Mesdames et Messieurs les députés, sont de simples déclarations, une catégorie que l'on peut qualifier de résiduelle, et ne sont pas destinées à constituer l'essentiel des textes que nous renvoyons au Conseil d'Etat, qui n'a d'ailleurs aucune obligation d'en tenir compte. Ce projet de loi va donc largement brouiller les pistes entre les notions de motion et de résolution en dissuadant les députés d'utiliser l'outil principal au profit de l'outil secondaire; c'est très regrettable, surtout lorsque l'ambition des auteurs d'un tel projet de loi est de mettre de l'ordre dans le fonctionnement de notre parlement.

Ce projet de loi pose en outre la question fondamentale de notre statut de député par rapport à la société civile. Le citoyen qui a une demande d'ordre général à faire aux autorités dépose une pétition. Celle-ci, comme vous le savez, passe directement en commission. C'est l'article 171, alinéa 3, de notre règlement. Le citoyen dispose donc du droit de saisir une commission par le biais d'un texte d'ordre général. Le député, qui veut saisir les autorités par une demande d'ordre général, dépose une motion, qui est un peu la pétition des députés. Si l'on enlève aux députés la possibilité de renvoyer leurs motions en commission, on les empêche de saisir une commission par un texte d'ordre général. Cela signifie, d'une part, qu'on les place à un niveau inférieur à celui des citoyens; on leur donne moins de droits qu'aux citoyens. Or si nous avons moins de droits que les citoyens, c'est notre présence même dans cette salle qui n'a plus de sens. Cela veut aussi dire, d'autre part, que le député qui veut absolument saisir une commission avec un texte d'ordre général sera incité à le déposer sous forme d'une pétition. Le jour, Mesdames et Messieurs les députés, où nous devrons déposer des pétitions afin de pouvoir discuter en commission, ce sera le signe que quelque chose, dans notre parlement, ne fonctionne pas bien.

Mesdames et Messieurs les députés, la seule question que nous devons nous poser ce soir est celle de savoir à quel prix nous voulons réformer notre parlement. Et là, comme le dit très bien M. le rapporteur de majorité dans son rapport, il ne s'agit pas de faire la fine bouche. Mais il nous faut quand même savoir si c'est au prix du bon sens et de la logique que nous voulons réformer notre parlement. Ce projet de loi n'est pas un bon projet de loi, et je vous demande de refuser l'entrée en matière.

Une voix. Très bien ! (Applaudissements.)

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi radical et libéral, comme l'a bien dit le rapporteur de majorité, a trois buts, trois buts très simples. D'abord, il vise à désencombrer notre ordre du jour. De plus, il s'agit d'améliorer la qualité des motions; en effet, si celles-ci doivent d'emblée rencontrer l'écueil d'un passage en plénière pour être renvoyée au Conseil d'Etat, leur qualité sera meilleure que si elles doivent simplement être renvoyées en commission. Enfin - et surtout - il y a un point important sur lequel on n'a pas entendu la rapportrice et le rapporteur de minorités: le délai de réponse du Conseil d'Etat par rapport au dépôt de la motion, délai qui est actuellement de l'ordre de trois ans; de ce fait, la problématique des motions est souvent caduque.

Permettez-moi de donner quelques réponses, tout d'abord au premier rapporteur de minorité, qui voit des paradoxes partout dans notre projet de loi et qui nous fait un procès d'intention absurde, celui de museler les droits des partis minoritaires. Je rappelle que les députés auront toujours le droit de déposer des motions, dont on pourra discuter en plénière d'emblée sur le fond, et non sur le renvoi en commission, lequel nous arrange beaucoup. En effet, ce renvoi est souvent une manoeuvre dilatoire pour enterrer la motion, on sait qu'elle va séjourner pendant deux ou trois ans dans une commission. Et lorsqu'on a le rapport du Conseil d'Etat ou que la motion est refusée en plénière, la problématique n'est probablement plus d'actualité. Par conséquent, si l'on traite la motion d'emblée sur le fond, elle aura beaucoup plus de retentissement politico-médiatique, d'autant plus si elle est renvoyée au Conseil d'Etat et que ce dernier doit y répondre dans les six mois.

M. Lussi a évoqué le paradoxe selon lequel c'est l'aspect non contraignant et la désinvolture du Conseil d'Etat qui seraient un problème. Pour l'aspect non contraignant, il faut changer la constitution, Monsieur Lussi ! Ce n'est pas le but de ce projet de loi. En outre, vous imaginez bien que si le Conseil d'Etat doit répondre dans les six mois à une proposition de motion l'impact est bien plus grand au niveau politique. Dans votre rapport de minorité, vous dites que le nombre de motions est en chute libre, qu'il a diminué de moitié... Je ne sais pas comment vous comptez; il y a eu 78 motions en 2003, 82 en 2009 et 68 pour les six premiers mois de 2010. Vous nous accusez d'étriquer le débat politique et vous finissez en disant que les citoyens ont besoin de plus de transparence et de mieux comprendre notre action politique. Alors mettez-vous à la place des citoyens ! Ils voient une motion arriver, qui a trait à une problématique qui les touche. Ils savent d'emblée le sort qui sera réservé à cette motion en plénière. Autrement, elle est renvoyée en commission et meurt gentiment de sa belle mort.

Quant à Mme Gavillet, sous l'excellence de son rapport, qui est parsemé d'arguties juridiques, elle nous a fait trois reproches majeurs. Je commencerai par le reproche relatif aux motions et résolutions. Vous avez raison, en partie ! Mais qu'à cela ne tienne ! Faites un amendement ! Nous allons peut-être vous suivre. Les deux raisons pour lesquelles nous n'avons pas mis la résolution sur le même plan que la motion est que, comme vous l'avez dit justement, le Conseil d'Etat n'est pas tenu de répondre à une résolution et que, souvent, ces résolutions sont destinées à des organisations extérieures au canton, aux Chambres fédérales, raison pour laquelle elles sont souvent renvoyées directement aux Chambres, où elles font un bref passage en commission pour que leur teneur soit améliorée.

Vous nous avez reproché aussi - et c'est extraordinaire - que ce projet de loi serait d'emblée inefficace... Vous avez dit que cela fait très longtemps que l'on essaie de réformer ce parlement et que tous les efforts précédents, nombreux, n'ont servi à rien, qu'il y a toujours des dysfonctionnements. Mais c'est l'histoire de la vie ! C'est l'histoire de la vie: il n'y a pas de «Grand Soir», comme le souhaitent peut-être certains socialistes. Ce projet de loi est un petit progrès qui, joint à d'autres progrès, permet simplement d'améliorer le fonctionnement de notre société et de notre organisation.

Quant au grignotage des droits politiques, j'ai déjà répondu au rapporteur de minorité que les députés auront toujours le droit de déposer des motions, et l'impact sera toujours plus grand quand on discutera d'emblée le fond de la motion en plénière.

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Patrick Saudan. Très bien, je conclurai très simplement. Les députés radicaux et libéraux vous demandent d'entrer en matière favorablement sur ce projet de loi, qui va redonner du lustre à cet instrument législatif que nous utilisons souvent à tort et à travers et qui a été un peu déconsidéré ces derniers temps.

Une voix. Très bien ! (Applaudissements.)

M. Michel Forni (PDC). Suite à cet emballement du débat, je voudrais revenir un peu dans un calme qui pourrait être olympien. Premier élément, cette loi émane du parti radical et a été examinée en juin 2010, il y a donc cinq mois. Nous la traitons donc, si l'on fait le calcul, non pas dans les trois ans pris par le Conseil d'Etat, mais selon une logique qui permet d'aller dans le sens de ce qui est proposé, c'est-à-dire améliorer le fonctionnement de notre Grand Conseil, ceci en ciblant particulièrement un instrument: la motion. Mais c'est un instrument, comme il a été dit, qui représente environ 40% à 70% des travaux de notre ordre du jour. La motion, généralement, se constitue et se construit tout au long d'un parcours par étapes, qui va du plénum à la réponse du Conseil d'Etat. Et comme cela a été relevé, nous avons généralement un rapport écrit qui arrive dans les six mois, sans caractère contraignant. La qualité de ces motions est souvent améliorée, comme cela a été dit également, par le travail des commissions. Et la durée du circuit pour revenir au parlement permet très souvent de constater que la motion est devenue caduque dans sa pertinence. Nous sommes donc face à une maladie qui s'appelle la «caduquite» ! C'est-à-dire que le Grand Conseil nécessite un traitement, par la proposition qui vous est faite. Ce soir, je pense que nos collègues radicaux et libéraux suggèrent un traitement relativement chirurgical, à savoir la suppression de cette phase de commission, et un traitement spécifique, le débat accéléré. Cela nécessitera une concertation en amont pour rendre recevable une motion et, surtout, la faire accepter et soutenir par les groupes, ce qui permettra ensuite d'obtenir des amendements peut-être en plénière.

Il est vrai qu'il y a une valeur médiatique. Et sur le plan législatif il y a aussi des modifications mineures à apporter. Mais ce n'est pas le problème. Il y a déjà eu des potions face à cette maladie, des potions pas forcément magiques. Les questions orales ont été supprimées, le débat a été accéléré, le temps de parole a été défini... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...et le nombre des rapporteurs l'est également. Il y a bien sûr un risque dommageable. Eh bien, comme cela a été dit, nous entrons effectivement dans une forme de sociologique politique, qui redéfinit la motion, hiérarchise les instruments et aiguille en fonction de la portée et, surtout, de l'importance du thème qui va être traité.

Comme cela a été également souligné, le nombre de motions n'a pas diminué, ni le nombre de projets. Il n'y a donc pas de conflit entre les uns et les autres, et nous entrons exactement dans ce que nous appelons en sociologie politique le fonctionnalisme, qui va de la critique en passant par le dysfonctionnement, pour arriver à ce que les sociologues appellent les fonctions de conversion. Et nous retrouvons toujours les mêmes éléments: l'agrégation des intérêts, l'application des règles, l'adjudication et surtout la communication politique. Eh bien, il faut une culture équilibrée, qui doit revisiter. Il faut une analyse fonctionnelle, et c'est ce que nous faisons ce soir.

C'est la raison pour laquelle nous avons besoin de machines, pour que la médiatisation et l'informatique soient là, d'hommes, pour rédiger et corriger, et de modèles de comportements, qui, dans un processus dynamique de la motion, doivent permettre de régulariser les quatre facteurs quantitatifs que sont le poids du changement recherché, le risque du retard dans la réponse, le gain - c'est la somme des modifications réelles du comportement qui résulte en opérations correctement effectuées - et, enfin, le décalage entre la position prédite et la position réelle.

Face à ce souci d'optimiser, et sans vouloir réduire les prérogatives de ce Grand Conseil, il a paru bon aux commissaires du PDC de soutenir ce projet, non pas, je le répète, avec des potions magiques, mais avec une intervention à caractère chirurgical appropriée. C'est la raison pour laquelle nous vous recommandons de soutenir également ce projet.

Mme Fabienne Gautier (L). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe libéral, ce projet de loi 10664, qui a pour but d'améliorer le fonctionnement de notre parlement, est tout à fait justifié. Je ne répéterai pas ce qui a déjà été exprimé par M. le député Saudan ce soir, mais son projet cosigné par le PLR, les libéraux et radicaux, n'est de loin pas le premier projet de loi visant à améliorer le fonctionnement de notre parlement.

Il est vrai, comme se plaît à le rappeler Mme la députée Aurélie Gavillet dans son instructif rapport de minorité - et je l'en remercie - les différents chemins parcourus et améliorations apportées aux outils parlementaires depuis la constitution du 7 juin 1842 et le règlement du Grand Conseil du 14 septembre 1842 ont été nombreux. Mme Gavillet a l'intelligence de raviver nos mémoires en nous précisant le but de la motion, stipulé à l'article 143 de la LRGC. (Brouhaha.) Je cite: «La motion est une proposition faite au Grand Conseil par un de ses membres. Elle a pour but [...] d'inviter le Conseil d'Etat à étudier une question déterminée en vue de: 1. présenter un projet de loi; 2. adopter ou modifier un règlement, ou prendre un arrêté [...]» Je soulignerai au passage, pour celles et ceux qui n'auraient pas lu le rapport de minorité de Mme Gavillet, que la motion, à son origine, s'intitulait «droit de proposition» - ce qui est peut-être plus explicite qu'une motion - dont le but était, au final, exactement le même. La motion est donc bien une invite au Conseil d'Etat, et le projet de loi 10664 a toute sa raison d'être.

Nous pardonnerons au passage au rapporteur de minorité, le député Lussi, son manque d'expérience dans notre parlement, comme il lui plaît souvent de nous le rappeler. En effet, M. le député Lussi - partant du constat que notre Grand Conseil siège environ moins de quarante heures que par le passé et que, de surcroît, la séance des extraits a été introduite - dit à la page 15 de son rapport - je cite - que «la soi-disante motivation de la motion insistant sur la nécessité de célérité et de l'efficacité du travail de notre Grand Conseil fond comme neige au soleil.» M. Lussi, simplement, n'a malheureusement pas parcouru notre ordre du jour, sans quoi il se serait vite rendu compte que pratiquement toutes les motions qui s'y trouvent datent fréquemment depuis bien loin et, souvent, sont déposées en période électorale. Et nous ne pouvons pas nier ici, Mesdames et Messieurs les députés, que, lorsque nous sommes en période électorale, c'est bien un afflux de motions qui tombe sur notre parlement.

Pour le groupe libéral, il est évident que la motion est un outil parlementaire qui a son entière légitimité dans un parlement démocratique comme le nôtre. Le groupe libéral souhaite uniquement remettre l'église au milieu du village, soit respecter l'article 143 de la loi portant règlement du Grand Conseil, qui précise que la motion est bien une invite au Conseil d'Etat. En résumé, c'est bien ce que demande le projet de loi 10664, à savoir que, si la motion est acceptée par le parlement, elle soit renvoyée directement au Conseil d'Etat et non en commission parlementaire.

D'autre part, pour répondre aux remarques pertinentes de Mme le sautier et de notre ancien président du Grand Conseil, M. Guy Mettan, il est préférable de traiter la motion en débat organisé, soit trente minutes au total, raison pour laquelle un amendement général au PL 10664 a été voté à la majorité par la commission.

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral, dans son immense sagesse de souhaiter avoir un parlement efficace, vous demande d'accepter ce projet de loi 10664 tel qu'il est amendé. Il souligne encore que les députés auront tout loisir de s'exprimer et de renvoyer en commission une motion à son retour en plénière, si le rapport du Conseil d'Etat ne leur convient pas.

M. Miguel Limpo (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez, et comme nous aimons le répéter, les Verts sont particulièrement attachés à la biodiversité. Ce nouveau projet de loi l'illustre à merveille ! Pourquoi ? Il y a différentes sortes de Verts, et ils ne seront pas unanimes ce soir sur ce projet de loi. (Brouhaha.) En effet, une partie du groupe considère que les motions doivent encore pouvoir être renvoyées en commission, afin d'être étudiées et, donc, de permettre à tous les commissaires d'être au même niveau d'information. Selon cette même partie du groupe des Verts, les motions ont un rôle pédagogique essentiel. L'impossibilité de renvoyer les motions en commission ne serait donc remplacée par aucun autre type d'intervention parlementaire; comme nous l'avons dit aussi auparavant, les résolutions sont malgré tout, dans leur nature, assez différentes.

Par contre, une autre partie du groupe considère qu'il faut absolument améliorer le fonctionnement de ce parlement. (Brouhaha.) Bon nombre de motions, si ce n'est l'écrasante majorité, sont détournées de leurs buts à des fins médiatiques, ce qui, finalement, sert plutôt les partis que la population de notre canton. La facilité de rédiger des motions fait que celles-ci sont souvent beaucoup plus extrêmes que les conversations que nous pouvons avoir en commission ou ailleurs. Une bonne partie d'entre elles sont refusées: vous avez vu les statistiques à l'intérieur du projet de loi. En revanche, quand ces motions sont acceptées par chance, leur implication sur le travail parlementaire reste malgré tout très faible.

Comme l'a dit M. Saudan auparavant, on ne supprime pas la motion. On change uniquement son mode de traitement, comme on l'a fait pour une série de choses, afin d'améliorer le fonctionnement. Au contraire, les motions seront étudiées ici, et nous aurons un véritable débat de fond. On sera obligé d'avoir une préparation complémentaire en amont et il faudra essayer d'avoir un consensus supplémentaire.

M. Lussi a dit auparavant que la motion existe dans tous les cantons. Oui, c'est vrai, elle existe; mais ce qui n'existe pas ailleurs, ce sont la chance que nous avons à Genève par rapport aux projets de lois et l'initiative que nous avons en tant que députés. Or ce qui nous soucie, pour une bonne partie des Verts, c'est que, à force de traîner et de ne pas réformer ce parlement, nous risquons un jour d'arriver à supprimer ce projet de loi; et cela, nous ne le voulons pas, puisque c'est là que nous, en tant que députés, nous avons la possibilité de changer des choses, et non pas par le biais de la motion.

Pour terminer, par rapport à cette biodiversité chez les Verts, je dirai qu'il y a tout de même un élément qui nous unit tous: le fait qu'il faut que nous nous disciplinions absolument dans ce parlement, afin d'éviter de déposer des motions qui, finalement, ne servent que les partis et non les Genevois. Cette discipline peut donc, pour les Verts, passer soit par une réforme du mode de fonctionnement, comme ce que le projet de loi propose, soit par une responsabilisation accrue des groupes, laquelle doit simplement aller plus loin que «y a qu'à, y a qu'à». Je cite l'exemple d'un parti ici qui a fusionné; il est quand même intervenu à deux reprises pour dire la même chose, ce qui fait que le PLR a pu profiter de six minutes et non pas de trois, contrairement aux autres groupes ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...avec ce projet de loi, le but de l'Entente est d'élaguer l'ordre du jour, but louable en soi puisque nous sommes effectivement submergés. Mais comment élaguer cet ordre du jour sans, du même coup, priver les députés que nous sommes d'un moyen efficace pour saisir l'actualité afin de mettre le Conseil d'Etat devant ses responsabilités, le cas échéant en demandant de passer devant une commission qui, elle, aura les moyens de creuser la question et d'apporter les réponses nuancées que la situation exige ? On peut élaguer l'ordre du jour en muselant les députés. Plus on muselle un député, moins il parlera et plus on ira vite. Le but, évidemment, n'est pas celui-là. Le but est de maintenir l'efficacité... (Brouhaha.) ...et la démocratie, tout en améliorant le fonctionnement de ce Grand Conseil.

Alors on vous dit: «Les motions n'ont pas à aller en commission.» On débat immédiatement s'il faut débattre, sous-entendu si le sujet mérite d'être débattu, et, le cas échéant, la motion est renvoyée devant le Conseil d'Etat. Si j'en juge de la manière dont la majorité de ce parlement examine les motions qui lui sont soumises, j'ai quelques craintes ! Imaginez un parti qui dérange. Faites un effort d'imagination ! Eh bien, chaque fois que ce parti qui dérange vous soumettra une motion, cette motion, par définition, serait rejetée. L'entrée en matière serait rejetée, quitte à la reprendre autrement ultérieurement pour s'approprier la bonne idée. Eh bien non ! Eh bien non ! Je pense que l'actualité est là aussi pour nous donner l'inspiration, puisque nous sommes là pour répondre aux besoins de la population. Et si cette actualité exige de nous que nous soumettions rapidement un texte, souvent sans avoir tout le temps nécessaire pour préparer un projet de loi construit et élaboré, nous devons pouvoir le faire. Dans cette nuance que peut apporter la commission, nous pourrons arriver à des résultats concrets et efficaces, ce que nous ne pouvons pas faire ici, parce que les mots d'ordre des partis sont malheureusement tels que certaines motions, lorsqu'elles viennent de certains partis, même si elles sont bonnes, sont rejetées. Donc nous devons pouvoir, en commission, là où les couleurs politiques s'estompent, parce que la réflexion prend le dessus, élaborer des textes dignes d'être soumis à ce parlement.

Le politiquement correct, chers collègues, tue le politiquement efficace. Nous sommes ici pour être efficaces, parfois dans l'urgence; et c'est précisément la commission qui est là pour tempérer l'urgence et apporter cette réflexion, qui, parfois - parfois ! - peut manquer dans ces séances plénières. C'est la raison pour laquelle, chers collègues, le groupe MCG vous demandera de refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste cinquante secondes. Top chrono !

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, nous l'aurons tous compris, le nouveau PLR, qui a accouché dans la douleur, il est vrai, a quelques séquelles de cet accouchement...

Le président. Monsieur Stauffer, regardez-moi, parlez-moi ! Et restez dans le sujet !

M. Eric Stauffer. Mais, Monsieur le président, si vous m'interrompez, les cinquante secondes vont passer plus vite; or je sais que, dans votre grande bonté, vous en ferez le décompte.

Nous avons bien compris, Mesdames et Messieurs les députés, que, pour cacher un peu ce que l'on appelle «la merde au chat» et la glisser sous le tapis, il faut faire en sorte que ces motions n'existent plus; ainsi, cela évitera de démontrer l'incapacité de ce gouvernement à majorité de droite à assurer les missions que lui ont confiées la population, à savoir le logement, la sécurité, la mobilité. En effet, je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que ce gouvernement est bel et bien à majorité de droite ! Donc, on voit que lorsque la droite accède à la majorité à l'exécutif, eh bien le résultat est là, et il est assez catastrophique, il est vrai !

Alors nous vous proposerons en deuxième débat, et en troisième débat s'il le faut, toute une série d'amendements, justement pour obliger le Conseil d'Etat à répondre non pas dans un délai de six mois...

Le président. Monsieur le député, il vous faut conclure !

M. Eric Stauffer. Je conclus ! ...non pas dans un délai de six mois, mais dans un délai de deux mois, Mesdames et Messieurs, parce que, aujourd'hui, on a fini de se moquer des citoyens. Mais je reviendrai en deuxième débat.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Mesdames et Messieurs, c'est toujours assez paradoxal de dépenser beaucoup d'énergie et de temps en commission et en plénière pour tenter d'économiser quelques minutes de débat, de parole, et surtout pour éliminer une partie des droits des députés à apporter des améliorations à Genève.

Que perdons-nous ? Une possibilité de renvoyer une ou des motions en commission. Bien souvent, pour les minorités, comme d'ailleurs pour la majorité certaines fois, la motion est un moyen d'apporter un pan de réflexion à une problématique temporelle - voire à un sujet traité en commission - à susciter une réflexion. Monsieur Saudan, les motions liées à des problèmes de société sont importantes. Elles permettent justement de dépasser souvent les clivages de la politique partisane ou politicarde au profit du politique, du projet de société. Nous n'aurons plus ce moyen, car la motion sera renvoyée directement au Conseil d'Etat ou enterrée.

C'est assez étonnant, alors que la droite prône souvent la séparation des pouvoirs, un certain pragmatisme, la revendication d'un législatif plus fort, de voir que ce projet de loi renforce le pouvoir du Conseil d'Etat en lui déléguant directement de nouvelles compétences qui étaient prévues normalement pour les députés et les commissaires des commissions où les motions partaient. Le droit de parole est déjà restreint. Et là, vis-à-vis de la motion, il sera encore amenuisé.

Tout en vous encourageant à lire le rapport de minorité - qui fait tout un historique de la motion, explique très bien comment elle est arrivée là où on en est aujourd'hui et l'importance, justement, de cette possibilité de parole qu'ont les députés - je vous recommande vivement de refuser de perdre, de refuser de vider l'outil législatif que nous avons: la motion. Cet outil nous est essentiel pour le mandat de député. Or là, nous sommes en train de le tuer. Nous vous recommandons donc de refuser ce projet de loi.

M. Eric Leyvraz (UDC). Mesdames et Messieurs, contrairement à ce que l'on a entendu, renvoyer une motion en commission, ce n'est pas forcément l'enterrer. Cette commission peut travailler rapidement ! Mais évidemment, si les ordres du jour ne sont jamais respectés, avec une foule d'urgences prenant tout notre temps - je crois que ce soir est un bon exemple, avec toutes les urgences que nous avons votées - une motion peut être traitée avec retard ! Mais c'est le cas aussi de projets de lois et de résolutions. Je rappelle aussi l'article 148 de notre règlement, qui accorde six mois au Conseil d'Etat pour donner sa réponse quand une motion est acceptée. C'est simplement à nous de le lui rappeler si les délais sont dépassés.

Pour nous, l'UDC, ce projet de loi 10664 est un danger pour l'exercice de notre démocratie parlementaire et il doit être refusé.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Catherine Baud, à qui il reste cinquante secondes.

Mme Catherine Baud (Ve). Je pense que cela ira, Monsieur le président. En effet, il est utile, de temps en temps, de modifier notre loi portant règlement du Grand Conseil, à petites doses, mais c'est quand même important, car des habitudes se créent et des effets pervers apparaissent. Je pense notamment à l'inflation des urgences actuellement.

Accélérer le traitement des motions, c'est favoriser leur aspect d'actualité. A quoi sert-il d'avoir d'un certain nombre de motions qui restent dans l'ordre du jour et qui attendent ? Je crois que c'est totalement inutile. Il vaut beaucoup mieux accélérer la procédure. Il ne s'agit pas là de museler les députés, pas du tout ! En effet, si la motion est refusée, ils peuvent toujours la redéposer sous une autre forme. Mais il s'agit d'aller plus vite, pour aller plus rapidement et de manière actuelle au but recherché.

Je crois que les motions doivent être bien préparées et travaillées en amont au sein des partis et au sein des groupes, au sein des alliances qui peuvent apparaître sur un sujet ou pour un autre. Ce n'est pas aux commissions de faire ce travail, il doit être fait en amont. C'est pour cette raison que je soutiendrai ce projet de loi.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole revient maintenant aux rapporteurs. Je passe la parole à M. Lussi en lui rappelant que, normalement, il a épuisé son temps de parole; mais comme c'est bientôt Noël, je veux bien lui accorder trente secondes, à titre exceptionnel !

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais être très bref.

Quand les petites phrases assassines fusent, mon dieu, je les accepte ! Je remercie Mme Gautier de vanter ma jeunesse, qui n'est pas dans mon état civil. Mais dans quelques mois... Je dirai simplement qu'être parfois un peu candide permet peut-être une ouverture d'esprit que les vieux routiniers de ce parlement n'ont plus !

Concernant l'actualité, je dirai en plus que, oui, on doit traiter une motion même si elle vient après quelques mois. Parce que les motions, comme l'a dit M. le député Eric Leyvraz, sont travaillées en commission et permettent d'amener des projets de lois. Ce n'est pas, et de loin, un objet inutile.

Je reviendrai sur un point pour terminer, puisque j'ai très peu de temps, Monsieur le président. Il me semble que beaucoup se gargarisent du terme de «transparence»... Moi, je dirai que je m'aperçois - et c'est ma «jeunesse», pour reprendre un terme de Mme Gautier... (Commentaires.) - ...que, quand on parle des partis, la transparence est quelque chose qui se fait au travers. Et cela n'a aucune relation avec la limpidité. S'il vous plaît, remettons un peu de limpidité et laissons les députés s'exprimer. Je vous enjoins de refuser l'entrée en matière de ce projet de loi. Merci, Monsieur le président, de votre gentillesse.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme la députée Aurélie Gavillet, à qui il reste une minute.

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant. Beaucoup de choses ont été déjà dites, et je ne vais pas m'attarder. Nous avons besoin du renvoi en commission. Vous savez que c'est là que nous travaillons vraiment et qu'un débat en plénière n'est souvent pas suffisant. Ce projet n'est pas un bon projet de loi, et je vous demande de refuser l'entrée en matière.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Fabiano Forte, à qui il reste presque trois minutes.

M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur de majorité. Monsieur le président, vous transmettrez aux deux rapporteurs de minorités la question suivante: connaissez-vous Mme Yvonne Humbert ? Non, vous ne pouvez pas la connaître, puisqu'elle siégeait en 1992. A notre ordre du jour, nous avons une réponse du Conseil d'Etat à une motion de 1992. Trouvez-vous cela normal ? La majorité de la commission trouve que non.

On a parlé de transparence. Monsieur Lussi - Monsieur le président, vous transmettrez - dois-je vous rappeler le point 117 de notre ordre du jour, où je représente la minorité d'une commission, qui demande que l'ensemble de nos votes soient connus de la population ? Vous représentez la majorité qui refuse cette transparence vis-à-vis de la population. (Commentaires.)

En ce qui concerne la visibilité médiatique, soit on fait du coup par coup, et l'on se fait voir et entendre à la télévision et dans les médias écrits, soit - c'est ce que nous proposons - on procède au traitement accéléré de ces motions pour que les sujets d'actualité qui sont importants soient traités avec une célérité... «rapide» - c'est un euphémisme - et nous gardons ainsi la maîtrise sur l'actualité.

On a l'impression, dans vos discours, que l'on retire le droit du député à déposer une motion. C'est totalement faux: la motion subsiste. On demande simplement qu'elle soit mieux travaillée. Or pour faire passer une motion, que faut-il faire ? Il faut obtenir un consensus ! C'est le propre de la politique. Mais je peux comprendre que, pour certains partis, le mot «consensus» peut paraître totalement étranger.

Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est un bon projet de loi, et je vous invite à accepter son entrée en matière.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes donc en procédure de vote sur l'entrée en matière du PL 10664. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Mis aux voix, le projet de loi 10664 recueille en premier débat 43 oui et 43 non. (Exclamations et commentaires à l'annonce du résultat.)

Une voix. Déjà !

Le président. Vous ne m'aurez pas fait attendre trop longtemps ! Je vote en faveur de l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 10664 est donc adopté en premier débat par 44 oui contre 43 non.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Deuxième débat

Le président. Nous sommes en deuxième débat, lequel va durer trente minutes. Nous avons déjà un certain nombre d'amendements.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

M. Eric Stauffer (MCG). Monsieur le président, le groupe MCG a déposé deux amendements. Ils ne sont pas sur nos tables. C'est en train d'être distribué, mais les députés n'ont pas pu en prendre connaissance... (Le président interpelle l'orateur.) ...donc je demande une suspension de quelques minutes.

Le président. Monsieur le député, le traitement en urgence d'une dizaine d'objets a été accepté, c'est-à-dire qu'à peu près deux fois plus d'urgences ne l'ont pas été. L'état des photocopieuses est inquiétant et, effectivement, cela prend un peu de temps.

J'en étais resté au titre et au préambule, adoptés sans opposition. Nous sommes à l'article 1, souligné, intitulé «Modifications», où nous sommes saisis de deux demandes d'amendements, de MM. Stauffer et Poggia. Je suggère donc que nous les examinions l'un après l'autre par souci de cohérence.

Nous allons donc traiter la modification à l'article 148, alinéa 1, nouvelle teneur, que je vous lis, pour celle et ceux qui n'auraient pas la joie de pouvoir le lire: «Si, après avoir été adoptée, la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, ce dernier doit présenter au Grand Conseil un rapport écrit, dans un délai de deux mois à compter de la date de la décision de celui-ci.» La parole est à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, la quasi-moitié - moins une voix - de ce parlement a essayé de vous faire entendre raison pour ne pas toucher aux outils démocratiques. Vous voulez jouer avec la boîte d'allumettes ? Soit ! Mettons le feu ensemble ! Puisque vous voulez aller dans un sens de la réduction du pouvoir de ce parlement à débattre de sujets importants sans utiliser l'arme absolue qu'est le projet de loi, eh bien, rendons la motion un peu plus contraignante pour le gouvernement !

Déjà, pour commencer, afin de désencombrer, comme vous le dites, notre ordre du jour - donc nous allons dans le sens du PLR - nous demandons par cet amendement de réduire le délai de réponse du Conseil d'Etat de six mois à deux mois ! Sur des sujets importants comme... Comme la criminalité, une école qui dysfonctionne dans ses structures, la construction, le logement... (Brouhaha.) ...en deux mois, je pense que le gouvernement a les moyens humains et les fonctionnaires à disposition pour être en mesure de répondre à une motion. Voilà le point numéro un.

Ensuite, nous avons - vous l'aurez constaté - abrogé la fin de la phrase de l'article 148. L'article 148 initial se terminait ainsi: «[...] en motivant son refus s'il - le Conseil d'Etat - n'adhère pas à la proposition.» Eh bien, contraignons encore le Conseil d'Etat à ne pas pouvoir marquer son opposition, mais à répondre à une interrogation légitime du parlement. Parce que si nous laissons l'article de loi tel qu'il est conçu maintenant, cela signifie que, si le Conseil d'Etat n'était pas d'accord une motion du parlement - je dis bien: «de la majorité du parlement» - il pourrait dire: «Nous ne sommes pas d'accord, parce que les petites fleurs ne sont pas roses, et peu importe...». On en a vu d'autres dans les IUE, obligeant le Conseil d'Etat à répondre; il répondait qu'il ne voulait pas répondre, mais il avait respecté la loi puisqu'il avait répondu précisément qu'il ne pouvait pas répondre ! On a tout vu. Cela s'est constaté pendant la dernière législature. Alors, nous abrogeons cette dernière partie, ce qui obligera le Conseil d'Etat à donner une réponse.

J'en viendrai ensuite à l'autre amendement, Monsieur le président, sur l'alinéa 3... (Le président interpelle l'orateur.) Mais déjà ce premier amendement nous paraît tout à fait opportun, adéquat, et allant dans un sens favorisant l'efficience parlementaire. Surtout, il obligera le gouvernement à répondre dans un délai de deux mois, ce qui est largement suffisant pour donner suite à une motion, vous en conviendrez tous avec moi, dans une saine gestion des deniers publics, gestion qui nous concerne ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je rappelle que, dans ce débat, le temps de parole est limité à trente minutes, donc à trois minutes par groupe pour l'ensemble du débat sur le projet de loi. Je passe la parole à M. le député... (Remarque.) Oui. (Remarque.) Non. Je passe donc... (Le président est interpellé.) Monsieur le député, contrôlez-vous ! Ce n'est pas la première fois que l'on vous explique cela. Alors je regrette que ce n'est qu'aujourd'hui que vous le comprenez, mais, non, cela a toujours été comme cela ! Ce n'est pas spécifique à votre proposition. La parole est à M. le député Christian Bavarel.

M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je pense qu'il est important, simplement, que l'on se rappelle pourquoi on a ce type-là de débat. Oui, une attaque prétendument sur la démocratie... Je pense que nous avons vécu, pendant cette législature, des exercices de flibuste en termes de démocratie. (Brouhaha.) Donc, ce que je vois aujourd'hui, certes, est regrettable. Néanmoins, toute démocratie réagit lorsqu'elle essuie des attaques extrêmement dures vis-à-vis d'elle ! Tout à l'heure, nous avons passé quarante minutes, voire plus, à refaire notre ordre du jour...

Le président. Cinquante, Monsieur le député, cinquante minutes !

M. Christian Bavarel. ...et vous avez constaté que le groupe des Verts n'avait pas demandé une modification de cet ordre du jour ! (Commentaires.) Toutefois, nous allons pouvoir continuer à fonctionner de la manière la plus démocratique possible, nous le souhaitons.

Mais bien évidemment, M. le député Stauffer - Monsieur le président, vous lui transmettrez - lui, s'exprime ! Et j'aimerais bien connaître le temps chronométré de ses prises de parole au Grand Conseil, de même que de l'ensemble des interventions et de l'ensemble de notre parlement. J'aime autant vous le dire, cela va nous coûter une fortune.

Alors, j'ai beaucoup de sympathie pour M. Stauffer, je trouve très intéressant et très amusant, cependant je ne suis pas sûr que cela nous aide à faire notre travail, qui est celui de légiférer, de gérer cette république que l'on nous a confiée et de répondre aux attentes de notre population. C'est devenu une sorte de grand cirque, un show, c'est devenu un spectacle. Or nous ne sommes pas au spectacle, ce soir. Je sais que nos débats sont transmis de manière télévisuelle et que cela a eu des effets déplorables sur notre démocratie. (Brouhaha.) Nous le regrettons, mais il ne faut que nous en prendre à nous-mêmes. C'est un manque d'autodiscipline de ce parlement, qui fait que ce dernier, par réaction, finit par serrer la vis.

En effet, dans une démocratie, c'est de temps en temps la majorité qui décide; et quand la majorité décide, la minorité perd ! Or je peux vous le dire en tant que Vert, c'est très clair, on perd souvent. Mais nous, les Verts, sommes avant tout démocrates et nous souhaitons accepter ces règles-là, qui veulent que, lorsque nous n'avons pas la majorité, nous perdons.

M. Patrick Saudan (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu M. Stauffer, qui a parlé d'attiser les flammes... Il faut savoir que les députés des partis libéral et radical sont des partis de gouvernement, que le but de ce projet de loi est d'améliorer le fonctionnement de notre Grand Conseil et non pas d'enclencher un climat de guerre civile avec le gouvernement.

Ce délai de deux mois imparti est totalement ridicule. Nous ne sommes pas là pour faire travailler les fonctionnaires jour et nuit pour répondre à nos propositions de motions. Six mois est un délai tout à fait acceptable. Voilà pourquoi je vous demande, ainsi que les groupes radical et libéral, de refuser ce premier amendement.

En revanche, concernant le deuxième amendement...

Le président. Non, halte ! Il n'a pas encore été présenté, et on va malheureusement devoir les traiter l'un après l'autre, même s'il s'agit effectivement du même article.

M. Patrick Saudan. Alors j'en reste là, Monsieur le président.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Le groupe socialiste avait la même idée: refuser l'entrée en matière de ce projet de loi. Quant à l'amendement qui nous est proposé ici, s'il s'agit de donner une simple réponse à une motion simple, pourquoi pas ? Mais dans les faits, dans la réalité, une motion soulève un problème au sujet duquel il y a besoin de légiférer ou qui demande une enquête. Cela nécessite, si l'on veut avoir une réponse circonstanciée, un minimum de temps. Etant donné ce qui va certainement sortir du budget, on ne peut pas dire que l'administration est gâtée en postes nouveaux; alors je ne sais pas qui fera ce travail pour nous répondre correctement. Compte tenu de l'alinéa stipulant un délai de deux mois, le groupe socialiste ne pourra pas suivre.

M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, c'est bien d'en arriver à savoir comment nous allons traiter nos objets après avoir passé une heure à voir dans quel ordre nous allons les traiter, et en remettant à une autre séance ceux qui étaient inscrits à l'ordre du jour.

Cela étant dit, nous allons parler ce soir d'un instrument qui est quand même second dans l'ordre de nos compétences, à savoir la motion, puisque le premier dans l'ordre de nos compétences est le projet de loi. Nous avons une caractéristique, une genevoiserie de ce parlement, dont nous pouvons quand même être fiers, pour une fois: pouvoir présenter, chacun d'entre nous, autant que nous sommes, des projets de lois, et parfois avec abondance !

Ces projets de lois, de fait, dévaluent le sens même de la motion, qu'on le veuille ou non. Alors, qu'il y ait une volonté de rétablir un certain équilibre structurel, c'est une louange qu'il faut faire aux auteurs de ce projet de loi qui est déposé ici; d'ailleurs, je me permets à ce titre de remarquer que je suis parmi les signataires ! (Rires.)

J'aimerais encore ajouter que la demande d'amendement qui est faite ici est une proposition qui serait même plus grave que ce que l'un d'entre nous a tout à l'heure reproché au Conseil d'Etat, si elle venait à être acceptée, puisqu'il disait que le Conseil d'Etat répondait pour dire qu'il ne pouvait pas répondre... Eh bien, en modifiant, dans le sens qui est proposé par l'amendement, le projet de loi qui est devant vous, la conséquence serait tout simplement qu'il pourrait répondre non ou qu'il pourrait répondre oui, puisqu'il n'aurait plus à motiver ses réponses !

Il y a véritablement de la part de ceux qui proposent cet amendement une non-compréhension de ce qu'ils proposent de supprimer. Mais, évidemment, chacun est libre d'en juger. Après, ce sera pour se plaindre de la réponse trop lapidaire, probablement de leur fait même, mais ils l'auront oublié. Voilà ce qui se passe quand on propose des amendements qui n'ont ni queue ni tête, dans des séances qui elles-mêmes sont organisées de façon à éviter de traiter des vrais problèmes: des vrais problèmes dont nous traiterons ce soir à 20h30. Mais cela, évidemment, c'est la responsabilité des auteurs des amendements, je me bornerai à le dire encore une fois. (Commentaires.)

Une voix. Bravo !

Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe démocrate-chrétien, il faut juste être lucide. Ce genre d'amendement a encore un but: faire de l'obstruction; nous en sommes victimes, tous les autres groupes, quand c'est le MCG qui nous abreuve d'obstructions. Donc, nous ne pourrons que refuser cet amendement, bien évidemment.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. le député Mauro Poggia, à qui il reste vingt secondes en tout et pour tout.

M. Mauro Poggia (MCG). Juste une remarque, Monsieur le président. Vous avez interrompu M. Stauffer qui voulait parler du deuxième amendement, mais vous avez dit à M. Saudan qu'il en parlerait ensuite. Donc, est-ce que l'on parle dans un deuxième temps du deuxième amendement ? (Brouhaha.)

Le président. Vous avez demandé à séparer les deux amendements. Il s'agit du même projet. Je suggère donc qu'on les traite l'un après l'autre. Mais si vous voulez parler maintenant du deuxième, allez-y.

M. Mauro Poggia. Non, j'en parlerai en temps opportun, Monsieur le président.

Le président. Mais vous n'aurez pas trois minutes de plus.

M. Mauro Poggia. Alors juste deux mots, Monsieur le président. Je pense que c'est effectivement un peu formaliste, mais j'accepte votre position.

Le deuxième amendement concerne l'article 148, alinéa 3, et demande simplement au Conseil d'Etat, lorsqu'on lui demande de compléter son rapport, qu'il le fasse dans un délai d'un mois.

On nous dit, du côté des Verts, que, finalement, ce qui nuit à la démocratie, c'est la retransmission télévisée des débats. C'est quand même surprenant de la part d'un parti de gauche. Je considère que l'on essaie ici de museler une partie des députés.

Si nous voulons accélérer les choses, il faut que le Conseil d'Etat suive le mouvement ! Nous devons nous dépêcher, nous devons élaborer mieux nos textes; nous le ferons, puisque c'est le voeu, apparemment, des porteurs du projet de loi. Mais il faut également que, lorsque nous demandons au Conseil d'Etat de faire un travail, qu'il le fasse rapidement et dans des délais brefs.

Le président. Je vous remercie d'avoir été bref, Monsieur le député. La parole est à M. le député Michel Forni.

M. Michel Forni (PDC). Nous sommes actuellement saisis d'une démarche qui va dans le principe de bloquer la rétroaction, c'est-à-dire la possibilité du Conseil d'Etat d'analyser et de produire une réponse correcte. Or pour cela, il faut du temps, des moyens et une analyse tout à fait circonstanciée. Huit semaines, c'est tout à fait insuffisant. Et compte tenu des différents éléments qui peuvent médiatiser l'opération ou peut-être la neutraliser, c'est purement comique, ridicule et inefficace. Nous vous proposons de refuser et d'enterrer cette proposition de huit semaines.

M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de première minorité. Juste deux mots par rapport à cet amendement. Nous constatons simplement que la majorité et son rapporteur ne cessent de dire qu'il faut de l'efficience, du travail, de la rapidité, ou qu'il faut de la profondeur. On nous refuse ceci, en disant qu'il n'y aura plus de travail en commission... Je crois qu'il a quand même été constaté que le travail se fait en commission.

Donc, en ce qui concerne la première minorité, cet abaissement du délai nous semble justifié par le fait, comme on l'a dit, que le Conseil d'Etat devra rendre un rapport écrit et, comme le précise aussi l'article 148, motivé. Donc il ne pourra pas simplement botter en touche. Nous vous recommandons d'accepter cet amendement.

Une voix. Bravo !

Mme Aurélie Gavillet (S), rapporteuse de deuxième minorité. Comme je suis sûre que vous voulez tous finir à 19h, je vais me dépêcher. Cet amendement à l'article 148, alinéa 1, de notre règlement ne nous semble pas pertinent, parce que deux mois constituent un délai court, d'autant plus que nous ne connaissons pas encore les moyens qui seront mis à disposition du Conseil d'Etat après le vote du budget. Et ce serait un peu prématuré de lui demander encore plus d'obligations avant ledit vote.

M. Fabiano Forte (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, visiblement, l'un des buts de ce projet de loi n'a pas été compris. C'est la qualité des textes déposés sur nos pupitres que nous souhaiterions voir améliorée. En donnant six mois à l'administration cantonale pour répondre à une motion, on lui laisse aussi le temps - parce que nous y avons droit - à une réponse qualitative, circonstanciée, comme cela a été dit tout à l'heure. En donnant deux mois, vous mettez tout simplement sous pression l'administration cantonale, et nous ne pouvons pas l'accepter.

Deuxième point, visiblement, ce projet de loi n'a pas été compris, puisque, si je lis l'amendement, il est dit ici: «Si, après avoir été adoptée, la motion est renvoyée au Conseil d'Etat [...]». Je crois qu'il faut relire le projet de loi. Quand une motion est acceptée, elle est de facto renvoyée au Conseil d'Etat.

Alors j'espère que grâce à ces explications on aura pu clarifier le but de ce projet de loi. Et j'invite celles et ceux qui étaient contre jusqu'il y a quelques secondes à voter en faveur de ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes en procédure de vote sur les amendements déposés par MM. les députés Stauffer et Poggia. Le premier amendement que je vous soumets, à l'article 148, alinéa 1, nouvelle teneur, est ainsi conçu: «Si, après avoir été adoptée, la motion est renvoyée au Conseil d'Etat, ce dernier doit présenter au Grand Conseil un rapport écrit, dans un délai de deux mois à compter de la date de la décision de celui-ci.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 25 oui et 15 abstentions.

Le président. Je vous soumets à présent le deuxième amendement présenté par MM. les députés Stauffer et Poggia, à l'article 148, alinéa 3, nouvelle teneur: «Toutefois, si le rapport est incomplet, le Grand Conseil peut demander au Conseil d'Etat de lui fournir un rapport complémentaire dans le délai d'un mois.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 36 oui et 3 abstentions.

Le président. Nous nous prononçons donc sur l'article 1, souligné, tel qu'il est issu des travaux de la commission.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est rejeté par 45 non contre 43 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous reprendrons ce débat peut-être l'année prochaine !

Fin du débat: Session 02 (décembre 2010) - Séance 10 du 03.12.2010