République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1910
Proposition de motion de Mmes et MM. Sylvia Leuenberger, Morgane Gauthier, Emilie Flamand, Philippe Cottet, Christian Bavarel, Catherine Baud, Brigitte Schneider-Bidaux, Pierre Losio, Mathilde Captyn, Anne Mahrer, Michèle Künzler, Hugo Zbinden, Roberto Broggini, Andreas Meister pour le renforcement et la mise sous protection des corridors biologiques

Débat

Mme Morgane Gauthier (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous avions demandé hier l'urgence pour cette motion, craignant qu'elle ne soit pas traitée en 2010 qui est l'année de la biodiversité - si je peux me permettre de vous le rappeler. Mais vous le savez, par le biais de plusieurs événements qui se sont passés au niveau de l'agglomération, vous avez reçu de multiples informations au sujet de la biodiversité.

Cette motion demande quatre choses, finalement assez simples, que l'on pourrait faire, que l'on pourrait intégrer dans les projets dès aujourd'hui. Il s'agit d'abord de mettre en oeuvre des moyens, des mesures favorisant les corridors biologiques. Il s'agit ensuite de faire des efforts de cartographie, ce qui nous semble extrêmement important. En effet, si vous regardez le projet d'agglomération, tout ce qui concerne les corridors biologiques est représenté par de grandes flèches, mais pas de chemins précis, de lieux précis et indiqués sur les cartes. Voilà le deuxième élément que demande cette motion.

Le troisième élément, c'est d'avoir un acte de législation en la matière, c'est demander au Conseil d'Etat qu'il dépose un projet de loi pour renforcer les corridors biologiques. Et la quatrième invite propose des fiches techniques qui ressembleraient un petit peu à la Charte des jardins qui existe déjà.

Ce sont des mesures assez simples que les propriétaires peuvent mettre en place dans leur jardin, dans leur zone verte, dans leur zone villas, même si nous n'y sommes pas toujours favorables. Il existe des choses à faire, assez simples, dans vos jardins, Mesdames et Messieurs: limiter, par exemple, les petits murets, ne pas mettre que des haies de thuyas ou de laurelles. Il existe une multitude d'espèces et une multitude de choses que l'on peut faire. Et, parfois, être écolo, c'est commencer par chez soi, devant sa porte, et effectuer des actions au quotidien qui permettent d'améliorer la qualité de la vie. (Brouhaha.)

Mais ce sont des sujets qui, malheureusement, intéressent assez peu ce parlement, comme je peux le constater par le brouhaha qui règne dans cette salle. (Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le président ! (Rires.) Valoriser les réseaux et les corridors biologiques, c'est également valoriser toute la zone verte qu'il y a dans notre canton. Comme vous le savez, il existe une forte zone agricole, et c'est également cela - ces zones où l'on peut aller se promener le week-end - qui fait la qualité de la vie dans notre canton.

Il existe des associations de protection de l'environnement qui réalisent un énorme travail dans le domaine, elles ont énormément de choses à dire à ce sujet. Donc, si cette motion est renvoyée en commission, nous souhaitons que les associations - qui ont des propositions très concrètes, techniques - puissent être entendues. Et nous demandons de prendre en compte cette problématique-là dans tous les nouveaux projets d'infrastructures de petite, moyenne ou grande échelle pour l'avenir. S'il s'agit de petites choses - des couloirs pour les crapauds dans les bois de Jussy, ça vous fera peut-être sourire... Il s'agit de petites choses pour faire passer les grenouilles, les salamandres et la petite faune qui existe dans notre canton et a un rôle prépondérant pour la qualité de la vie.

Voilà pourquoi nous vous proposons, Mesdames et Messieurs, de voter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean-Louis Fazio (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes soutiendront le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Si la mise en place de corridors biologiques est aujourd'hui étudiée dans l'élaboration des PACA, il nous semble important d'insister sur cette question afin de la faire intégrer dans les futurs plans d'aménagement et faire en sorte que ces corridors biologiques deviennent réalité.

M. Fabien Delaloye (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG demande le renvoi de cette motion à la commission de l'environnement, pour analyse complémentaire.

Mme Christina Meissner (UDC). Sur les couloirs biologiques, peut-être que Mme la députée Morgane Gauthier - qui a très bien expliqué la situation - a oublié de rappeler une chose. Cela est peut-être nécessaire pour les députés présents, vu qu'on a beaucoup parlé de transport dernièrement. Effectivement, la faune et la flore ont aussi besoin de se déplacer, comme nous ! Nous utilisons les routes, elles, les corridors biologiques. En fait, ce sont leurs corridors de déplacement. La faune les utilise, et même la flore, pour se reproduire et pour se nourrir. C'est indispensable, non seulement pour elles, mais pour nous aussi, indirectement, car, si la faune et la flore ne se reproduisent pas, eh bien, il n'y a plus de biodiversité, plus d'humanité.

En l'occurrence, nous avons besoin de tenir compte de ces corridors biologiques, et cela se fait déjà dans le cadre du projet d'agglomération. Un projet est en cours en ce moment, et il convient de saluer le département pour les efforts qu'il a effectués à ce niveau-là. Je rappellerai aussi, pour tous ceux qui veulent en savoir davantage - parce que je n'espère pas vous faire une leçon sur les corridors biologiques ce soir - qu'il existe un guide pour les élus qui a été fort bien fait et qu'il convient de consulter pour en savoir plus.

Les corridors biologiques me sont chers car les hérissons - eh oui, les hérissons - les utilisent particulièrement en espérant ne pas se faire écraser par les automobilistes. Ils vous sauront gré d'accepter cette motion qui n'a que trop attendu. Je ne regrette qu'une chose, c'est qu'elle n'ait pas été liée à celle que l'UDC avait déposée pour protéger les corridors biologiques dans leur globalité par un inventaire sur la biodiversité, y compris dans les zones urbaines. En effet, c'est là que, malheureusement, la biodiversité a les meilleurs chances de se développer demain, car ce sont les zones urbaines qui s'étendent aujourd'hui, a contrario des zones naturelles, de la zone agricole ou de tout autre zone. Merci de soutenir cette motion.

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, ce projet de motion est intéressant à plus d'un titre. On l'a entendu, c'est l'année de la biodiversité, bien sûr, mais je dirai surtout les préoccupations qui sont les nôtres à l'échelle de l'agglomération: pour une agglomération transfrontalière véritablement durable, multipolaire, compacte et verte. C'est l'ambition qui est la sienne. A n'en point douter, la question des corridors biologiques est absolument fondamentale dans la construction de cette future agglomération, au même titre que cette charpente que l'on doit constituer avec un réseau de transports publics performants, un réseau de transports véritablement performant, avec une identification des zones à urbaniser réellement urbanisables, dans lesquelles il faut développer du logement - typiquement comme celle dont on va débattre dans le public avec les Cherpines-Charrotons - mais également avec un maillage dense, un maillage continu de la nature. On ne pourra pas garantir, à l'avenir, une qualité de vie suffisante dans cette agglomération et dans ce canton si l'on ne prête pas attention à ces continuums, à ces continuités naturelles qui doivent venir jusqu'au centre de l'agglomération.

C'est donc une nécessité absolue, j'en suis absolument convaincu, le groupe démocrate-chrétien également. Néanmoins, le texte de cette proposition de motion, des invites surtout, nous semble quand même devoir, à certains égards, nécessiter une étude un peu plus approfondie. Il me semble que, dès lors que son but est d'orienter l'aménagement du territoire dans cette direction d'une prise en compte de ces continuums et de ces corridors biologiques, une telle motion devrait être étudiée plus en détail, de manière plus approfondie, dans le cadre du futur plan directeur cantonal. Et quelle est la commission qui s'occupera de cette tâche ? C'est la commission d'aménagement. La proposition que le groupe démocrate-chrétien vous fait, c'est de renvoyer cette motion à la commission d'aménagement. Je vous remercie.

M. François Haldemann (R). En tant qu'exploitant agricole, j'ai une sensibilité particulière pour la biodiversité. Vous le savez, la biodiversité, c'est la condition sine qua non de la vie sur terre, et nous avons la responsabilité de faire le nécessaire pour en garantir la pérennité. Personnellement, je peux attester des effets de plusieurs mesures sur la faune, notamment des prestations écologiques requises, qui sont appliquées d'ailleurs dans la politique agricole suisse depuis les années 90. Je vois des espèces qui font leur réapparition, c'est très encourageant; et puis, c'est même des fois inquiétant, parce qu'on voit des dégâts sur les cultures.

En fait, il s'agit d'abord d'instaurer, d'installer un fragile équilibre. Mais il faut savoir que, chaque fois que l'on met en place ce genre de systèmes et qu'on envisage des corridors biologiques en zone agricole, nous le faisons dans des périmètres qui sont des zones de travail - l'agriculture, c'est d'abord, aussi, une zone économique - et je crois qu'il faut considérer ce type de prestations, la mise en place de ce genre de corridors, en collaboration avec l'agriculture. Tel a déjà été le cas sur le canton de Genève, notamment dans le périmètre de Collex et Versoix, avec le grand projet agroécologique Colvert, qui s'installe et qui s'est installé grâce à la participation de l'agriculture. Je crois que c'est uniquement dans ces conditions que l'on pourra envisager cela dans le projet d'agglomération.

En ce qui concerne le renvoi en commission, notre groupe y est favorable, mais, préalablement, à la commission de l'environnement. Je crois que cette proposition, puisqu'elle s'inscrit dans le contexte du projet d'agglomération, devra aussi transiter par la commission d'aménagement, tel que proposé par le député Dal Busco.

M. Marcel Borloz (L). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de cette motion, je constate qu'il n'a pas fallu attendre ce texte pour que le DCTI édicte des fiches techniques concernant des mesures à prendre en faveur de la petite faune. Ces fiches concernent le renforcement et la mise sous protection des corridors biologiques; il en est ressorti dix mesures à prendre en faveur de la petite faune.

De plus, des dispositions administratives ont été édictées en complément aux prescriptions techniques. Ce chapitre traite des mesures à prendre en faveur de la petite faune lors de la conception de projets de constructions routières. L'application de ces mesures permet déjà de conserver des espèces animales protégées par la législation fédérale et cantonale. De plus, ces mesures sont déjà intégrées dès la préparation du projet de construction, et leur coût doit être inclus dans le devis du projet.

Au vu de ce texte, je comprends les motionnaires quant à la mise en application de ces fiches et, pour rassurer ces derniers sur le résultat, le groupe libéral pense qu'il serait utile que cette motion soit étudiée en commission de l'environnement; nous aurons ainsi toutes les réponses nécessaires aux questions posées.

M. Roger Deneys (S). Je voulais d'abord remercier les Verts d'avoir déposé cette motion qui est essentielle. Aujourd'hui, les corridors biologiques sont une dimension de la protection de la nature qui échappe souvent à la vision humaine, parce que, généralement, ils ne se voient que d'avion. On sauve fréquemment des périmètres bien précis - des parcs, peut-être un bout de zone agricole, une rivière - et c'est en fait l'ensemble de ces préservations qui permettent, si elles sont effectuées intelligemment, de réaliser des corridors biologiques. Ils sont indispensables, pas seulement afin de préserver des espèces pour elles-mêmes, mais aussi, bien entendu, parce que l'homme ne serait rien sans la nature et sa richesse qui nous permettent de nous retrouver quelque part dans des valeurs qui nous dépassent.

Je pense donc que cette motion est vraiment intéressante, car il s'agit d'une dimension essentielle de notre existence, même si l'on a tendance à la mépriser dans un canton urbain comme le nôtre.

En ce qui me concerne, je n'ai pas d'apriori sur la commission à laquelle cette motion devrait être renvoyée; à ce stade, elle pourrait l'être directement au Conseil d'Etat. Mais je ne pense pas qu'il vaille la peine d'en faire un combat. Il faut soutenir cette motion, c'est important; ce n'est pas la question de cette année en particulier, mais notre attachement à la nature et à ce qui la constitue fondamentalement est indispensable pour l'être humain.

M. Fabien Delaloye (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra le renvoi à la commission de l'environnement ainsi que le renvoi à la commission d'aménagement.

Mme Morgane Gauthier (Ve). En fait, cette motion ne pose pas de question, elle demande une application de normes et la mise en place de mesures. Donc, l'étudier encore des heures en commission... Je n'ai pas compris quel est l'intérêt du renvoi en commission. Il s'agit de mettre en place des mesures qui existent, des plans qui existent, et de demander au Conseil d'Etat de légiférer en la matière. C'est pour cela que nous vous demandons de renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat, afin qu'il nous fasse rapport et mette en oeuvre concrètement les mesures que nous demandons. Respectons cela. En 2010, c'est encore l'année internationale de la biodiversité - encore pour un gros mois, Monsieur le président - profitons-en !

Le président. Merci de nous le rappeler, Madame la députée. La parole est à Mme la conseillère d'Etat Michèle Künzler.

Mme Michèle Künzler, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat prend très au sérieux cette question de la biodiversité. D'une part, tous les couloirs biologiques sont inscrits dans le programme de législature comme une mesure importante. Dans le projet d'agglomération également, il y a des couloirs de faune, il y a la préservation des périmètres de protection de la nature ainsi que des corridors biologiques. Le département prépare aussi une loi sur la biodiversité.

Effectivement, plusieurs l'ont dit ici, la biodiversité, c'est protéger la vie, la protéger aussi pour les êtres humains, c'est protéger les milieux, protéger les espèces mais aussi la diversité génétique. C'est l'année de la biodiversité: je crois que l'information a été large en 2010, mais probablement encore insuffisante. Cependant, les actions que nous comptons mener sont importantes. On l'a vu, les périmètres et tous les réseaux naturels vont être connectés, parce que - comme on la dit tout à l'heure - il existe déjà des périmètres préservés, des réserves, et il s'agit de les connecter.

Il est vrai que l'aide de l'agriculture est essentielle, M. Haldemann l'a précisé. Dans le canton de Genève, les prestations écologiques requises constituent un important dispositif. Il ne s'agit pas de l'augmenter mais d'en accroître la qualité par certaines études de mise en oeuvre qui sont en cours actuellement. Cette loi sur la biodiversité sera aussi proposée très prochainement à ce parlement.

Je vous invite à peut-être renvoyer cette motion à la commission de l'environnement, ça nous permettra de vous informer plus largement. Mais, si vous la renvoyez au Conseil d'Etat, nous vous répondrons très rapidement sur toutes les... (Remarque. Brouhaha. Le président agite la cloche.) Monsieur le député, j'aimerais juste que vous restiez poli ! Et je précise que le département que je préside est le seul à avoir zéro point en retard. Il a été répondu à toutes les questions parlementaires dans les temps... (Commentaires.) ...contrairement à d'autres départements qui ont 100% d'objets en retard ! (Commentaires. Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Je vous invite à voter cette motion, qui est essentielle. Certains dispositifs, comme il a été précisé, sont déjà mis en oeuvre, notamment dans les constructions. Enfin - c'est le dernier point, qui a été soulevé par Mme Meissner - le Conseil d'Etat n'oublie pas non plus tout ce qui concerne la nature dans le milieu urbanisé. En effet, il y a les deux programmes avec, d'une part, les corridors biologiques et, d'autre part, la nature en ville. Ce sont les deux dispositions que le Conseil d'Etat entend instaurer et mettre en application pendant cette législature. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes en procédure de vote. Nous nous prononcerons d'abord sur le renvoi de cette motion à la commission d'aménagement, puis, le cas échéant, à la commission de l'environnement, puis, le cas échéant, au Conseil d'Etat.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1910 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 56 non contre 22 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1910 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 45 oui contre 7 non et 26 abstentions.

Le président. Nous passons au point 37 de notre ordre du jour, motion 1917.