République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 novembre 2010 à 17h
57e législature - 2e année - 1re session - 1re séance
E 1808
M. Olivier Jornot (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe libéral a l'honneur de vous présenter la candidature de notre premier vice-président, M. Renaud Gautier. M. Renaud Gautier est, comme vous le savez, un libéral ordinaire. C'est en effet un libéral rebelle, comme le sont tous les libéraux; c'est un libéral humaniste, comme le sont tous les libéraux. (Exclamations. Rires.) Mais M. Renaud Gautier est plus que cela. C'est aussi un homme de culture et de subtilité. Nul doute qu'il sera notre Béatrice, sachant nous guider dans la forêt de notre règlement. Je vous recommande vivement sa candidature. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le chef de groupe. La parole est à Mme von Arx-Vernon.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Ce n'est pas pour présenter une autre candidature à la présidence que je souhaite m'exprimer ! Permettez-moi de rendre hommage à M. le président Guy Mettan.
Cher Guy, l'année de présidence du Grand Conseil qui revenait au parti démocrate-chrétien arrive à son terme. Il est temps pour moi, en ma qualité de cheffe de groupe, de te remercier pour le travail accompli. La tâche de diriger les débats d'un parlement n'est pas une mince affaire. Il suffit de prêter une oreille attentive aux discussions qui ont lieu dans cette enceinte pour s'en apercevoir. Le cours des débats peut prendre un tournant surprenant, que seule la rigueur d'un chef permet de recadrer. Cette rigueur, tu l'as eue, cher Guy, entouré d'un Bureau et d'un secrétariat général excellents, dont il convient de saluer la compétence et l'efficacité. Par ailleurs, la «zénitude» dont tu sais faire usage, de même que les préceptes de sagesse asiatique qui émaillent tes interventions, auront aussi permis d'apaiser des tensions inévitables dans le débat démocratique.
Cette année de présidence, cher Guy, tu ne l'as pas limitée à la gestion des travaux du Grand Conseil et à des tâches de représentation liées à la fonction de premier citoyen du canton. L'organisation d'assises transfrontalières en juin dernier et le dépôt au nom du Bureau de différents objets visant à améliorer l'efficacité du parlement sont autant d'exemples qui illustrent et caractérisent ton engagement d'élu politique, bouillonnant, toujours plein d'idées innovantes pour aller de l'avant.
En redescendant du perchoir, tu retrouves également ta liberté de parole, ce dont nous nous réjouissons. Alors que nous t'accueillons à nouveau dans nos rangs, chers Guy, permets-moi encore de formuler des voeux pour la suite de cette législature. J'ai gardé en mémoire cette citation de Lao Tseu qui figurait dans l'allocution que tu fis à la suite de ton élection à la présidence de ce parlement, à savoir: «Pour gouverner un grand royaume, il faut imiter celui qui fait cuire un petit poisson.» Il ne me reste donc plus qu'à souhaiter que cet esprit d'économie et de modération nous anime dans la poursuite de nos travaux et nous permette de mener à bien les projets nécessaires au développement de notre canton et au bien-être de nos concitoyens.
Cher Guy, nous te remercions de tout coeur de ton engagement durant cette année. (Applaudissements.)
Le président. Merci ! Merci, Madame la députée. La parole est à M. Poggia.
M. Mauro Poggia (MCG). J'emboîte le pas, Monsieur le président. Vous le savez, les présidents sortants du Grand Conseil, comme d'autres éminents magistrats de notre république, ont cet insigne privilège d'assister de leur vivant à des éloges univoques, que l'on réserve généralement aux oraisons funèbres, avec certes quelques épisodes supplémentaires que nous vous souhaitons évidemment très nombreux. Vous connaissez le franc-parler du MCG, qui dit ce qu'il pense et qui pense ce qu'il dit. Un parti avec lequel vous n'avez pas toujours été tendre. Souffrez que nous vous rendons modestement la pareille.
Invité par mes collègues à ne pas faillir à cette règle, en faisant modestement votre bilan de l'année écoulée, je vous dirai d'abord ceci: bienvenue de retour parmi nous, humbles députés du rez-de-chaussée, afin que nous puissions désormais croiser le fer, d'égal à égal, heureux que vous ne puissiez plus nous fustiger, nous interrompre ou, pire, nous museler.
Etre le premier citoyen du canton ne signifie pas se tenir sur la plus haute marche du podium, mais être ce que les anciens Romains nommaient le primus inter pares: celui qui, une année durant, sait mettre ses idées personnelles de côté pour permettre à tous, et plus particulièrement à ses adversaires politiques, d'exprimer leurs pensées, dans l'équité et le respect; celui qui, par son exemple, guide nos pas et devient notre référence; celui qui, encore, par son propre comportement, inspire la modération et la tolérance. De ce point de vue, souffrez, Monsieur le président, que nous vous disions que, de la hauteur, vous n'eûtes parfois que celle qui vous fut prêtée par l'architecture de ces lieux.
Mais l'heure n'est pas aux reproches. Nous voulons croire que les erreurs du passé seront le terreau dans lequel vos successeurs puiseront leurs forces de demain, et qu'ils choisiront d'être le sillon plutôt que l'écume.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote. Je prie donc tous les députés et toutes les députées de se rendre à leur place et les huissiers de distribuer les bulletins de vote. Pendant toute la procédure de vote, je rappelle que les photographes sont priés de ne pas prendre de photos. (Les députés remplissent leur bulletin de vote.)
Les votes sont terminés. Les huissiers vont récolter les bulletins de vote. Je déclare donc le scrutin clos. Je prie un membre du Bureau, il s'agit de M. Stauffer, ainsi que les scrutateurs, dont je viens de lire le nom, de bien vouloir se rendre à la salle Nicolas-Bogueret pour le dépouillement. En attendant le résultat de l'élection, je suspends la séance quelques minutes.
La séance est suspendue à 17h42.
La séance est reprise à 17h46.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de regagner vos places.
Résultat de l'élection du président du Grand Conseil:
Bulletins distribués: 96
Bulletins retrouvés: 96
Bulletins blancs: 10
Bulletins nuls: 11
Bulletins valables: 75
Majorité absolue: 38
M. Renaud Gautier (L) est élu avec 75 voix. (Exclamations. Longs applaudissements. De nombreux députés se lèvent.)
Discours de M. Guy Mettan, président sortant
Le président. Monsieur le président élu, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues,
Quand on prend congé d'une charge publique, l'usage veut que l'on fasse les remerciements à la fin. Permettez-moi d'inverser cet ordre, parce que j'ai conscience que rien de ce qui a pu être réalisé au cours de cette année de présidence ne serait advenu sans la compréhension de ma femme et de ma fille, et celle de mon parti, sans le travail et l'engagement résolus du secrétariat général du Grand Conseil, de Mme le sautier et de son équipe, et sans le soutien de la grande majorité des membres du Bureau.
La première année de législature est toujours exigeante car il s'agit de mettre le nouveau parlement sur les bons rails, ne serait-ce qu'en assurant la prestation de serment du Conseil d'Etat. Tout cela dévore beaucoup de temps et d'énergie. Vous avez pu le constater aussi bien que moi, cette année n'a donc pas été qu'un long fleuve tranquille et a connu maintes turbulences qu'il a fallu gérer. Que toutes et tous en soient vivement remerciés. J'aimerais, pour ce faire, distribuer un bouquet de fleurs aux dames: à Mme Chatelain, à Mme Baud et, naturellement - à tout seigneur, tout honneur ! - à Mme le sautier. (Applaudissements. Le président embrasse Mme Elisabeth Chatelain et Mme Catherine Baud.) Et à M. Gautier, qui ne l'a pas encore reçu, j'aimerais offrir le dernier opus qui vient de sortir sur la place grâce à M. Slatkine: «Dictionnaire impertinent de la Suisse.» (Le président salue M. Renaud Gautier.) Le mot «eunuque» n'y figure pas encore, mais ce sera pour la prochaine édition ! (Applaudissements.) M. Selleger a déjà reçu le livre... (Exclamations.) Non, personne n'a été oublié !
J'aimerais maintenant revenir sur les moments forts de l'année écoulée, en commençant par ceux qui vous ont fait sourire et qui vous ont parfois agacés, à savoir les citations philosophiques en ouverture de séance. Elles ont été choisies dans toutes les cultures, sur tous les continents et dans toutes les obédiences politiques en gardant à l'esprit la devise de Cicéron, ce grand magistrat romain, pour qui «tout homme et toute femme politique doit d'abord se dévouer à l'intérêt public.» Je ne suis pas sûr que le but ait été atteint, mais au moins aura-t-on tenté d'y prétendre.
Sur un plan plus concret, diverses initiatives ont été prises et acceptées par le Grand Conseil. Tout d'abord, nous avons pu accélérer le traitement des objets en suspens et rationaliser notre emploi du temps lors de la session du vendredi après-midi en amendant la loi portant règlement de notre Conseil pour y ajouter les pétitions et les objets non traités en commission depuis plus de deux ans. Il devenait en effet urgent de répondre plus rapidement aux citoyennes et aux citoyens qui avaient pris la peine de s'adresser à nous par voie de pétition. Notre ordre du jour a déjà commencé à en ressentir les effets positifs.
Dans le même ordre d'idée, un projet de loi proposant d'améliorer l'organisation et le travail de nos commissions est actuellement à l'examen à la commission des droits politiques. Enfin, il faut encore signaler la loi sur l'archivage électronique de nos débats, qui améliore la transparence de nos travaux pour la population et permettra aux historiens et psychologues du futur de décrypter sur internet et en images les comportements politiques en ce début du XXIe siècle.
C'est toujours dans ce souci de rendre nos travaux plus efficients et plus visibles que nous avons lancé les travaux de rénovation de la salle et des accès publics du Grand Conseil. Le dossier est bien avancé et le programme du concours public est en passe d'être adopté. Il reste quelques détails à régler avec le Conseil d'Etat concernant la répartition des locaux, mais j'espère vivement que cela n'entravera pas le lancement du concours, cette difficulté pouvant être aisément résolue pendant la durée des travaux.
Mais c'est surtout dans le domaine de la coopération intercantonale et transfrontalière que j'ai voulu mettre l'accent pendant cette année. Des contacts réguliers avec nos collègues romands et vaudois, en particulier, ont eu lieu tout au long de l'année et ont culminé avec l'accueil des Bureaux des parlements romands, de Berne et du Tessin à Genève en octobre dernier, ainsi qu'avec le vote de la loi sur la Convention des parlements, dont le secrétariat général devrait être assuré par notre Grand Conseil.
Cette collaboration a été étendue au-delà de la frontière, avec nos voisins et amis français, avec lesquels nous sommes condamnés à nous entendre, que nous le voulions ou non. Les dernières péripéties franco-françaises à propos du CEVA démontrent à quel point ce dialogue est vital et doit être entretenu et nourri si nous voulons avancer et construire ensemble l'agglomération franco-valdo-genevoise. C'est un domaine sensible, ingrat, qui ne paie ni sur le plan politique ni sur le plan médiatique, et qui donne volontiers matière aux dérives populistes, mais qu'il est de notre devoir de labourer et de semer sans relâche - souvenez-vous de la devise de Cicéron !
Une importante initiative a été prise avec l'organisation des Premières assises transfrontalières franco-valdo-genevoises, qui ont réuni 180 élus de part et d'autre de la frontière en juin dernier. Elle demande à être prolongée, notamment avec la mise en place de la commission transfrontalière. Deux résolutions et un projet de loi, actuellement voté par la Commission des affaires communales, régionales et internationales, ont appuyé cette démarche. L'élan doit être maintenu si l'on veut venir à bout des résistances, des conservatismes et des peurs que suscite cette nécessaire ouverture. C'est pour cela que, de façon symbolique, j'avais pris la décision d'associer Genève, Annemasse et Nyon afin de célébrer ensemble les fêtes du 14 juillet et du 1er août derniers.
Ce bilan ne serait pas complet si je ne mentionnais pas quelques ombres au tableau. Je ne veux pas parler de l'affaire libyenne, parce que nous aurons l'occasion d'y revenir quand le point sera traité à l'ordre du jour. Chacun pourra alors s'expliquer. Je veux parler des plaintes pénales déposées contre la présidence du Grand Conseil. Jusqu'ici, en cent cinquante ans d'histoire, notre parlement n'avait jamais estimé utile de laisser à la justice, au troisième pouvoir, le soin de trancher ses différends politiques. Quoi qu'on puisse penser, je ne suis pas sûr que cette évolution soit positive pour le premier pouvoir que nous sommes censés incarner.
Mais j'arrête ici car, comme dit encore Cicéron, il serait honteux de faire son propre éloge. Permettez-moi donc de conclure par une toute dernière citation, empruntée à de Gaulle, dont on vient de fêter le quarantième anniversaire de la mort, et qui me paraît bien refléter l'esprit qui m'a guidé tout au long de cette année d'engagement en faveur de notre Conseil et de Genève: «Le patriotisme, c'est aimer son pays. Le nationalisme, c'est détester celui des autres».
C'est le précepte que je transmets aujourd'hui au nouveau président et au nouveau Bureau, à qui je souhaite mes meilleurs voeux de succès et de réussite pour l'année qui vient.
Merci de votre attention. (Applaudissements. M. Guy Mettan salue M. Renaud Gautier. Le sautier offre un bouquet de fleurs à M. Guy Mettan, qui regagne ensuite sa place de député.)
Présidence de M. Renaud Gautier, président
Discours de M. Renaud Gautier, nouveau président
Le président. Monsieur l'ancien président, cher Guy,
Il y a si longtemps que vous me devancez... A l'Université déjà, vous me précédiez d'une année, alors que nous siégions ensemble à la CUAE, Conférence universitaire des associations d'étudiants, jusqu'à ce que vous soyez débarqué pour déviationnisme de gauche. Vous manquaient peut-être alors vos futures accointances avec un certain Pascal Couchepin.
Puis vous avez voyagé de par le monde, jusqu'à ce que le peuple suisse ébahi vous découvre auteur d'opéra-rock, à l'occasion des 700 ans de la Confédération en 1991. Pris de passion journalistique, vous avez ensuite dirigé pendant quelques années la «Tribune de Genève». Mais les Lausannois sont des gens parfois difficiles et peu amènes En somme, vous semblez apprécier les sorties fracassantes.
Vous avez poursuivi vos voyages, l'Amérique du Sud, le Golfe arabique et les sables de la Cyrénaïque, mais sans vous éloigner trop longtemps de votre Valais natal - même si vous avez fait votre trou à Genève. C'est le Valais et son conseiller fédéral déjà cité qui vous ont poussé à vous lancer en politique. Rappelons toutefois que malgré votre attachement au Vieux Pays, vous possédez un trait unique: vous avez été le premier président de ce Grand Conseil à être à la fois suisse et russe. Une particularité à souligner en ces temps où le déni des autres, et particulièrement des étrangers, fait si méchamment recette.
Cher ex-président, je ne saurais prendre congé de vous sans vous offrir une citation. Et comme vous connaissez mon amour pour l'Afrique, celle-ci vient de là-bas: «L'eau chaude n'oublie pas qu'elle a été froide». (Rires.)
Mesdames, Messieurs, chers collègues,
Vous m'avez confié la délicate tâche de diriger nos débats pendant une année. Je vous promets de la remplir au mieux, dans la mesure de mes moyens et avec votre aide. Mais je souhaiterais aussi, durant cette année, que nous essayions tous ensemble de redonner du sens à notre fonction parlementaire ainsi qu'aux rapports d'indépendance et de respect qui devraient régner entre notre législatif, l'exécutif et le judiciaire genevois.
Avec le temps, ce sens de la «res publica», de la chose publique, s'est passablement émoussé, dans les parlements d'ici et d'ailleurs. Et pourtant, les textes sur lesquels nous nous appuyons pour effectuer notre travail sont clairs. Ce parlement représente l'«autorité» suprême du canton et a un devoir de «haute surveillance» sur la vie politique locale. Nos ratiocinations en semblent parfois fort loin...
Redonner du sens, c'est redécouvrir ces fondamentaux et les mettre à l'uvre, tous ensemble, avec de la hauteur, du recul, et surtout plus de considération. Pour le bien de nos citoyens et de la République.
Un mot tout de même d'un corps de l'Etat sans lequel notre travail et nos débats seraient vains. Il est de bon ton de se gausser de la fonction publique, qui ne fait pourtant qu'exécuter nos décisions. Il a pu m'arriver de tenir des propos injustes à son égard. Qu'elle veuille bien me pardonner ces dérapages. Avec mes mandats politiques, j'ai fini par découvrir bon nombre de fonctionnaires tout à fait remarquables, du haut en bas de l'«échelle», des personnes admirables d'engagement, de dévouement et de compétence. Une «lignée» de fonctionnaires qui, à l'exemple de celle qui fut la première secrétaire générale de l'Etat de Genève, a montré et démontre au quotidien ce que peut être l'esprit de service public au sens le plus noble du terme.
Un autre projet me tient à cur: ouvrir ce parlement aux acteurs de la Cité et permettre à ceux-ci de mieux connaître notre travail. Je souhaite donc inviter à chacune de nos sessions l'un des secteurs de la vie genevoise pour qu'ils se présentent à nous comme nous pourrons nous présenter à eux. Je reste convaincu qu'une meilleure connaissance des uns et des autres ne peut que faciliter les décisions que nous serons amenés à prendre.
Peut-être qu'avec les prémisses évoquées précédemment, nous arriverons ensemble à retrouver le sens réel et entier de notre fonction. Et nos débats pourront reprendre alors des allures de bal, mais d'un bal harmonieux et élégant, et non plus celles d'un bal des eunuques !
Ambitieux programme, direz-vous. Peut-être. Mais je suis convaincu qu'ici comme ailleurs, c'est par l'écoute et le dialogue, donc par l'échange, que nous pouvons faire avancer les choses, et tenter de relever les défis nombreux et complexes auxquels ce parlement est confronté. Décider, Mesdames et Messieurs, c'est choisir et faire des choix, ce n'est pas seulement opposer une majorité à une minorité; c'est aussi décider ce qui est objectivement le mieux, pour l'ensemble des habitants de ce canton.
Vive la République et canton de Genève ! (Applaudissements.)