République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 18 juin 2010 à 20h30
57e législature - 1re année - 9e session - 45e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Guy Mettan, président.
Assiste à la séance: Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mark Muller, Pierre-François Unger, Charles Beer, David Hiler et Michèle Künzler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Marcel Borloz, Mathilde Captyn, Prunella Carrard, Michel Forni, Florian Gander, Pierre Losio et Guillaume Sauty, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce que demande cette motion, c'est d'en finir avec la situation actuelle qui est cynique. De fait, on manque totalement de respect envers les personnes venues dans notre pays de manière légale, qui ont fait le choix de s'intégrer et parfois même de se naturaliser. Ces personnes paient leurs impôts et participent à la vie économique de notre canton, chose que ne font pas les sans-papiers, qui ne paient pas d'impôts, tout en profitant largement des infrastructures cantonales, telles que l'hôpital et l'école.
C'est pour ces raisons que l'UDC genevoise demande une fois pour toutes d'en finir avec cette situation qui, en fin de compte, est un problème fédéral. Le débat a lieu en ce moment même dans les Chambres fédérales et il est loin d'être terminé, le Conseil des Etats ayant renvoyé le dossier en commission pour réétudier la question.
En donnant de faux espoirs aux sans-papiers, vous ne faites qu'envenimer une situation malsaine. L'UDC genevoise vous recommande donc de renvoyer cette motion directement au CE...
Une voix. C'est quoi le CE ?
M. Stéphane Florey. Au Conseil d'Etat, pardon ! (Exclamations.) J'avais abrégé pour faire court. Mais nous ne nous opposerons bien évidemment pas à un éventuel renvoi en commission judiciaire, si cela devait être demandé.
M. Serge Hiltpold (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je constate avec un certain effroi l'esprit xénophobe et délateur de cette proposition de motion qui cible une partie de la population, en l'occurrence les étrangers, et plus particulièrement les sans-papiers, catégorie qui fait parler d'elle malgré elle. Après la «racaille d'Annemasse», nous prenons le wagon démagogique pour un voyage électoral vers une bien triste destination !
Mesdames et Messieurs les députés, donnez-vous la peine de lire attentivement les considérants de cette motion et, comme moi, vous comprendrez qu'on catégorise un groupe d'individus avec des mots comme le chômage, le logement ou les coûts de la santé. C'est véritablement à glacer le sang ! Aujourd'hui, les sans-papiers; demain, quelles catégories ? Je vous laisse interpréter cela selon vos aspirations et d'après les événements de l'histoire, mais c'est résolument inacceptable. Mesdames et Messieurs les signataires, les libéraux ne peuvent accepter de tels propos !
De même, la relation entre l'Etat et les individus que vous proposez d'instituer se différencie fondamentalement de notre vision de la société: à la responsabilité individuelle vous opposez la délation. Voici un extrait de la première invite de la motion: les signataires demandent au Conseil d'Etat de «veiller à ce que les régies immobilières et bailleurs respectent leur obligation de déclarer à l'autorité compétente les étrangers logés à titre lucratif». Ne demandez pas aux agences immobilières d'effectuer un travail de fouine ! Ce n'est pas de leur compétence et tout simplement pas leur métier. Nous avons besoin de valoriser la construction physique et non pas la déconstruction de la société !
Pour faire un peu d'humour, les libéraux ne cautionnent pas un régime de type «syldave» comme celui que l'on trouve dans «Le Sceptre d'Ottokar» d'Hergé, pour les amateurs de Tintin. Heureusement, un tel système n'est pas encore en vigueur à Genève.
La deuxième invite demande de veiller «à ce que les fichiers de tous les services concernés, y compris ceux de Chèque service, soient mis à disposition de l'OCIRT». C'est terriblement stalinien ! Je pense qu'il est indispensable de vous expliquer - une nouvelle fois - le principe du chèque service, qui permet la perception des charges sociales pour les employés et leur confère certains droits liés au fruit de leur travail, garantissant ainsi une certaine dignité des personnes concernées. (Commentaires.) Ce que vous condamnez, faut-il encore le déplorer...
La troisième invite demande de «ne plus délivrer de carte AVS à des sans-papiers». Dois-je encore préciser qu'une carte AVS permet de prélever des cotisations sociales dont nos concitoyens sont les bénéficiaires ?
Mesdames et Messieurs les députés, vous ne pouvez ignorer une situation certes délicate, mais qui touche les travailleurs de l'agriculture, de la restauration, de l'hôtellerie et de la construction notamment. Cette main-d'oeuvre est là, elle travaille et participe au PIB du pays, à notre prospérité à tous. Alors, de grâce, laissons le Parlement fédéral légiférer selon ses compétences et n'écrivons pas une page de plus dans le livre du mépris et de l'intolérance !
Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous demande de bien vouloir rejeter avec force cette motion dogmatique, réductrice et xénophobe. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, comme vous l'avez vu, le groupe MCG a cosigné cette motion. Nous allons donc la soutenir. Ensuite, j'aimerais quand même réagir - vous transmettrez à mon préopinant, Monsieur le président. Quand il dit que cette motion a des relents xénophobes, j'aimerais rappeler que dans certains autres pays, comme par exemple la Libye, on incarcère les gens pendant deux ans pour des histoires de permis de séjour, et on demande à l'Etat dont ils sont ressortissants de payer des rançons d'un million et demi ! Ça, c'est la réalité !
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, je vous le demande, qu'est-ce que vous plébiscitez ici ? Vous plébiscitez les gens qui viennent de manière illégale, qui travaillent souvent dans des conditions absolument détestables et n'ont pas de couverture d'assurance sociale ! C'est ça que vous prônez ? Eh bien, ce n'est pas la société que le MCG veut ! On vous l'a déjà dit, le jour où un groupe proposera une régularisation «massive» - entre guillemets - des sans-papiers, puisqu'ils font partie du tissu économique, c'est une réalité, le MCG pourrait adhérer à une telle proposition. Toutefois, être dans cette situation hypocrite et tolérer une partie des sans-papiers est inacceptable; ce n'est pas respectueux de ces gens et de leurs conditions de vie.
Nous avons des lois, elles sont là pour être appliquées. Si les lois ne sont pas bonnes, il vous appartient, Mesdames et Messieurs les députés, de légiférer et de les modifier. Mais tant et aussi longtemps que les lois sont ce qu'elles sont, nous nous devons de faire en sorte d'être les garants de leur application et cela est principalement valable pour le Conseil d'Etat !
Vous disiez avoir constaté certaines choses avec effroi... Moi, j'ai constaté avec effroi que plusieurs communes du canton comme Lancy, Onex et la Ville de Genève, je crois, ont écrit au Conseil d'Etat, sans passer auparavant devant leurs Conseils municipaux, pour lui intimer de trouver une solution afin de permettre l'engagement de sans-papiers. C'est ça qui est un scandale ! Ça, vous n'avez pas le droit de le faire ! Vous devez d'abord vous occuper des résidents genevois - les légaux, vous savez ! Ceux qui votent, entre autres, même si ce n'est pas le cas de tous, parce que nous avons aussi beaucoup de résidents étrangers légaux. Vous devez d'abord vous occuper de la qualité de vie de ces résidents, avant de faire en sorte que des sans-papiers puissent être tolérés ici.
Mesdames et Messieurs les députés, je demande le renvoi de cette motion à la commission judiciaire, voire à la commission des affaires sociales, puisqu'il y a aussi un aspect social, pour qu'une fois nous puissions savoir combien il y a de sans-papiers à Genève.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Je conclus, Monsieur le président ! Il s'agit aussi de savoir quelles sont les conditions de vie de ces sans-papiers. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (R). Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux refuseront cette motion qui prétend résoudre les problèmes de chômage et de pénurie de logements en s'en prenant aux clandestins. Non seulement cette motion n'atteint pas ces objectifs, mais elle va d'autre part pousser encore plus dans la clandestinité et la délinquance les personnes travaillant et résidant dans le canton de Genève.
Commençons peut-être par nous poser la question de savoir si les personnes migrantes en situation clandestine à Genève et qui travaillent au noir se substituent vraiment aux travailleurs ou aux chômeurs genevois. Bien sûr que non: vous savez très bien que ces personnes acceptent des petits boulots dont ne voudraient pas les Genevois ! Cela dit, il est vrai que ces petits boulots, même au noir ou au gris, participent à l'économie, favorisent l'intégration et préviennent la délinquance.
Il y a une deuxième question que l'on doit se poser: est-ce que les personnes migrantes en situation clandestine à Genève et qui trouvent à s'y loger contribuent à la pénurie du logement ? Là également, la réponse est non ! Vous le savez très bien, ces personnes sont logées dans des conditions dont ne voudraient pas les Genevois.
Ma première conclusion est la suivante: le durcissement de l'application de la loi demandé par l'UDC n'aura aucun effet favorable sur l'emploi et la pénurie de logements.
De plus, le problème est très complexe et les populations migrantes sont de natures très diverses, ce qui rend inapplicable un traitement administratif équitable. Je vous en donne deux exemples.
Les personnes migrantes originaires d'Amérique du Sud sont en grande majorité issues de favelas où la clandestinité est la règle. Ainsi, vivre et travailler dans la clandestinité en Suisse est tellement familier pour ces personnes que les Sud-Américains forment l'une des plus grandes communautés d'illégaux en Suisse et que cela passe presque inaperçu. Si une personne se fait arrêter, elle se laisse expulser sans esclandre, revient discrètement trois mois plus tard et c'est reparti pour un tour.
A l'inverse, les personnes issues d'anciens pays communistes ont une relation impossible avec la clandestinité et l'attente d'une régularisation administrative de leur situation est telle qu'il est très difficile d'obtenir de leur part des informations sur leur situation d'origine, informations qui permettraient éventuellement d'aller vers une normalisation de leur situation de migrants en Suisse. Ces personnes sont celles qui vont perdre leur permis N de demandeurs d'asile, commettre des actes illicites, passer à grands frais quelques mois en maison d'arrêt, en sortir et recouvrer éventuellement leur permis N quelque temps et ainsi de suite. Sur quoi cela débouche-t-il ? Sur davantage de criminalité, car, à un moment donné, les seules ressources financières à portée de ces migrants sont la prostitution pour les femmes et le trafic de drogue pour les hommes.
Je veux aussi insister sur les drames que vivent les personnes qui demandent l'asile, notamment celles venant d'Afrique, du Moyen-Orient et d'Asie centrale. Ces personnes ont fui des exactions subies dans un pays d'origine souvent en guerre. Et en chemin, 30% des garçons...
Le président. Merci, Monsieur le député ! Vous arrivez au bout de votre temps de parole.
M. Pierre Conne. Alors je conclurai, Monsieur le président, avec une remarque adressée à l'UDC. Vous n'arriverez jamais à créer en Suisse une situation pire que celle que connaissent ces migrants dans leur pays d'origine. Malgré tout ce que vous pourrez leur faire subir administrativement ici, ces personnes n'auront aucun intérêt à retourner dans leur pays ! Pour toutes ces raisons, les radicaux refuseront cette motion. (Applaudissements.)
Mme Aurélie Gavillet (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous recommande de refuser cette proposition de motion. Je m'attarderai ce soir sur deux points particulièrement problématiques.
La motion propose tout d'abord que le Conseil d'Etat cesse de délivrer des cartes AVS aux personnes sans statut légal. Il faut cependant bien garder à l'esprit que la loi sur l'AVS n'impose pas à la personne qui requiert son affiliation d'avoir un statut légal. Il n'est donc pas illégal à l'heure actuelle de délivrer des cartes AVS à des personnes sans statut légal ! C'est d'ailleurs cette réponse qui a été donnée par le Conseil fédéral à l'interpellation de Ruedi Lustenberger, conseiller national suisse allemand, le 19 mai 2010. (Brouhaha.) Cette réponse n'a rien de dérangeant, dans la mesure où ces personnes travaillent et paient des cotisations.
Cette proposition de motion présente un autre élément problématique en ce qui concerne l'obligation du personnel de l'administration cantonale de dénoncer les personnes sans statut légal. Lorsque le personnel de l'administration cantonale est soumis au secret de fonction, au secret professionnel, il n'y a pas d'obligation de dénoncer. C'est la solution légale, c'est la solution prévue par l'article 11 du code de procédure pénale genevois que vous avez d'ailleurs cité dans votre proposition de motion. Il est donc contraire au droit d'exiger des fonctionnaires de l'administration genevoise de dénoncer les personnes sans statut légal lorsque lesdits fonctionnaires sont soumis au secret de fonction !
Mesdames et Messieurs les députés, les trois dernières invites de cette proposition de motion sont invalides, et le parti socialiste vous demande donc de les refuser.
M. Eric Bertinat (UDC). Il semble que chaque fois que l'on aborde le problème des clandestins, vous nous opposez systématiquement soit une bordée d'insultes, soit un discours humaniste, mais cela ne répond nullement à la situation dont nous voulons débattre ! M. Hiltpold qui a la langue si agile pour nous insulter s'y est lui-même cassé les dents puisqu'il a fait une proposition sans queue ni tête qui voulait que les enfants de clandestins puissent obtenir un CFC, puis, avec ce CFC, avoir un permis d'établissement. Ça, la loi ne le prévoit pas et, que je sache, les libéraux n'ont pas encore présenté de projet de loi pour modifier cela, que ce soit à Berne ou à Genève !
Donc, chaque fois que l'on aborde un projet pratique, on doit parler de ce problème-là, et les réponses qui sont apportées sont totalement floues, totalement sentimentales et ne répondent pas du tout à nos préoccupations. Je vais en citer trois.
D'abord, le logement: vous nous dites que le problème des clandestins n'influe en rien sur le problème du logement à Genève. Dix à quinze mille personnes dans cette situation vivent à Genève. Où sont-elles logées, Monsieur Conne ? Bien sûr, ces personnes occupent des logements et, bien sûr, elles participent à la problématique de la raréfaction des logements à Genève !
Ensuite, l'école. Notre collègue du MCG, Mme Engelberts, a demandé combien il y avait d'enfants clandestins dans nos écoles. Pour mémoire, M. le conseiller d'Etat Föllmi, à son époque, avait autorisé les enfants de clandestins à poursuivre une scolarité à Genève seulement dans le cas de dossiers qui étaient en train de se régler. Il s'agissait d'enfants dont les parents étaient sur le point d'obtenir soit un permis d'établissement, soit un refus les obligeant à quitter Genève. Aujourd'hui, ces mêmes enfants vont de l'école enfantine jusqu'à l'université ! Maintenant, vous essayez en plus de faire entrer en apprentissage ces enfants de clandestins. On voit donc bien que chaque fois que l'on aborde le problème des clandestins, votre seule réaction est de vouloir donner davantage, toujours plus, à des gens qui ne paient pas d'impôts, qui profitent quand même du système et que des personnes - dont certains députés, du reste - engagent à leur service. On voit bien que le débat n'est pas clair du tout.
Enfin, le troisième aspect que je voulais aborder concerne les Hôpitaux universitaires de Genève. Nous avons voté, il y a deux mois, sauf erreur, une augmentation du financement des HUG pour toutes les personnes qui se font soigner à Genève. Cela porte sur plus de 40 millions de francs. Demandez aux HUG comment se règlent les cas des gens qui s'y présentent malades: on les soigne, et on n'a jamais dit qu'on était contre ! Et après, que deviennent ces personnes ? On les laisse repartir et les factures sont pour les contribuables !
Voilà trois exemples qui montrent que le Conseil d'Etat ne maîtrise absolument pas cette problématique et que la majorité du parlement ne veut pas régler cette situation. Donc, moi, je vous encourage vivement à renvoyer cette motion au moins en commission, pour qu'elle reçoive enfin des réponses qui soient crédibles. (Applaudissements.)
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Vous ne vous en étonnerez pas, cette motion est totalement inacceptable, puisqu'il y a trois mois je vous demandais de voter une résolution pour demander au Conseil national et au Conseil des Etats de résoudre le problème de la formation, ce que vous avez fait, sauf les bancs d'en face - exactement ! Cela concernait juste le petit bout de formation pratique qui terminait le cursus de formation, puisque s'il était en effet possible, vous l'avez dit, d'entrer à l'école et de poursuivre à l'université sans aucun problème, l'accès à un apprentissage posait encore problème.
Toutefois, si nous sommes dans la patrie des droits de l'Homme, nous sommes aussi dans la patrie des droits de l'enfant, et nous avons une responsabilité par rapport à ça. Messieurs de l'UDC, votre motion me rappelle un pan fort peu glorieux de l'histoire de la Suisse. (Brouhaha. Protestations.) Eh bien, oui, je vous rappelle que, pendant des années, il y a eu le permis saisonnier. Et ce permis était une ignominie parce que si l'on autorisait les gens à venir en Suisse, on ne voulait toutefois pas qu'ils y viennent avec leur femme et leurs enfants ! Je vous rappelle qu'il est très probable qu'un certain nombre de députés de ce parlement soient issus de familles de saisonniers. Et c'est tant mieux ! Parce que sans ces gens-là, la Suisse et les Suisses seraient probablement un peu moins raisonnables et un peu moins sympathiques !
En plus de cela, les gens sans papiers, que font-ils à Genève ou en Suisse ? Eh bien, ils travaillent ! Et, effectivement, ils paient des impôts, ils paient des assurances sociales. Ils ont donc effectivement aussi le droit d'aller à l'école. Votre motion est simplement un tissu de mensonges à des fins de propagande pour des élections nationales, et vous faites peur au monde. En 1931 déjà, Monsieur le député, un certain nombre de partis politiques ont utilisé cette peur, et qu'est-ce que ça a donné ? Ça a donné une deuxième guerre mondiale ! Je trouve que cette attitude est totalement scandaleuse ! (Commentaires.)
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, dans cette proposition de motion, il est dit que les personnes sans statut légal et qui travaillent à Genève habitent des appartements. Pourquoi ? Vous voudriez qu'ils habitent dans des caves ?
Cette proposition de motion dit aussi que c'est scandaleux que les enfants de ces personnes puissent aller à l'école. Pourquoi ? Vous voudriez qu'ils restent dans des placards ?
Est-il aussi scandaleux que notre hôpital cantonal soigne les personnes sans papiers ? Vous aimeriez qu'elles contaminent d'autres personnes ou vous voudriez les voir mourir plus vite ? Vous aimeriez peut-être qu'on les pique, si on pousse votre raisonnement jusqu'au bout ?
Pour les démocrates-chrétiens, cette motion est immonde, scandaleuse, choquante, indécente, xénophobe et fasciste ! (Commentaires.) Il est scandaleux de stigmatiser les travailleuses et travailleurs sans papiers alors qu'ils contribuent à notre prospérité, à notre évolution culturelle et à notre développement. Laissons le Conseil fédéral suivre les recommandations du canton de Genève qui, depuis dix ans, demande à régulariser ces travailleuses et travailleurs sans papiers, et rejetons vigoureusement cette motion répugnante qui est une insulte à l'esprit de Genève, au pays des droits de l'Homme. Nous devons la rejeter comme une immense nausée ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. Florey, à qui il reste une minute trente.
M. Stéphane Florey (UDC). Pour mémoire, quand un pays signe une convention comme la Convention relative aux droits de l'enfant, rien n'empêche le pays signataire de respecter ses propres lois. C'est simplement ce que nous demandons !
Pour répondre aux remarques du député de l'Entente, pas sur le début de son intervention, parce que sa déclaration est complètement à côté de la plaque, mais sur le débat qui a lieu au Conseil fédéral, il faut bien vous dire une chose, c'est que les débats fédéraux s'enlisent, parce que le Conseil des Etats se rend bien compte qu'il y a un réel problème. Et si par le plus grand des hasards les motions et les autres objets devaient être acceptés malgré tout, il faut bien vous rendre compte qu'un référendum sera lancé dans la foulée.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Bolay, à qui il reste cinquante secondes.
Mme Loly Bolay (S). Permettez-moi d'ajouter une touche personnelle. Il y a quarante ans, j'ai fait partie de ces illégaux qu'on est en train de critiquer ici. Eh bien, vous voyez, ça ne m'a pas empêchée d'accéder à la présidence du Grand Conseil il y a deux ans... (Applaudissements.) Et cela avec fierté ! Je les ai représentés; cela montre qu'il y a beaucoup de gens bien intégrés ici et ce pays leur doit beaucoup, de même que ces personnes doivent beaucoup à ce pays ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Je passe la parole à M. Florey, qui a encore droit à trente secondes.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, ce sera largement suffisant !
Alors moi, je félicite Mme Bolay ! Vous lui transmettrez, et j'invite justement tous les sans-papiers à suivre son exemple ! (Exclamations. Brouhaha.)
Une voix. Elle a épousé un Suisse !
M. Stéphane Florey. A suivre son exemple qui est un exemple parfait d'intégration ! Voilà, c'est ce que je demande: que toutes ces personnes suivent son exemple ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Qu'elles s'intègrent dans notre société, comme l'a très bien fait Mme Bolay !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur le renvoi de cette proposition de motion 1943 à la commission judiciaire et de la police. Si cette demande est refusée, nous voterons sur la proposition de motion elle-même.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1943 à la commission judiciaire et de la police est rejeté par 57 non contre 20 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1943 est rejetée par 59 non contre 19 oui.
Débat
M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, chers collègues, les hasards de l'ordre du jour et du calendrier font que cette proposition de motion - qui paraît de prime abord très terre-à-terre - se trouve insérée entre différents sujets qui nous ont occupés avec passion ce soir.
Très brièvement, si nous avons déposé cette motion, c'est parce que, dans cet hémicycle, comme dans d'autres parlements communaux, nous parlons de l'Agenda 21 depuis des années. L'Agenda 21, c'est la promotion du développement durable, qui prévoit toute une série de mesures pour protéger l'avenir des générations futures. Or, à la commission des travaux, lors des discussions sur les crédits de construction concernant des dépenses importantes, des travaux importants, nous nous sommes aperçus qu'on faisait finalement très peu la promotion des matériaux recyclés.
De plus, nous avons eu en plusieurs occasions la possibilité de constater que l'industrie de la construction avait fait d'énormes progrès dans l'utilisation et le recyclage des matériaux. C'est ainsi que la commission des travaux a visité des installations extrêmement performantes et, pas plus tard que vendredi passé, le prix du développement durable a été remis dans une installation active dans le recyclage. Mme la conseillère d'Etat était là, elle a délivré son message et a pu constater que ces entreprises faisaient leur maximum pour utiliser de tels matériaux.
Très modestement, cette motion qui, je le souhaite, retiendra l'attention et obtiendra l'appui d'une majorité de ce Grand Conseil, souhaiterait que les collectivités publiques - le canton donnant l'exemple - fassent de la promotion et privilégient le recyclage de ces matériaux, même si parfois ça peut coûter un peu plus cher. Je crois que nous donnerions là véritablement la preuve que nous nous battons, que nous agissons pour le développement durable et pour l'application réelle de l'Agenda 21, qui ne doit pas rester qu'un voeu pieux.
C'est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous invite à appuyer sans aucune hésitation cette motion.
Une voix. Très bien !
Mme Jacqueline Roiz (Ve). Tout d'abord, je tiens à dire que nous saluons cette excellente proposition de motion. Je trouve qu'il y a effectivement beaucoup d'entreprises qui cherchent à réduire leur impact sur l'environnement. Certaines entreprises innovent et déposent des brevets. Désormais, des systèmes de recyclage permettent de produire du béton 100% recyclé et l'on parvient à d'excellents résultats. Par contre, ces entreprises ont parfois un peu de peine à revendre ces produits à leurs clients. Je trouve donc très important que nous donnions un élan à ces entreprises, d'autant plus qu'en termes de développement durable, on sait que les gisements ne sont pas infinis.
Plusieurs motions, toujours sur la même thématique, ont déjà été renvoyées au Conseil d'Etat, comme la motion 1875 qui portait sur la planification à long terme et une gestion transfrontalière des décharges pour matériaux de construction. Il y a eu aussi la motion 1712 proposant une politique de soumission et d'adjudication durable.
La proposition de motion 1947 donne aussi beaucoup d'importance à la notion d'appel d'offres. Il faut que les critères des appels d'offres soient clairs, il faut qu'on valorise le recyclage et que ce ne soit pas juste l'aspect économique qui permette à une entreprise d'obtenir un mandat.
Pour toutes ces raisons, et parce que cette thématique a déjà été abordée plusieurs fois, le groupe des Verts propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, dans le domaine de la construction, il y a assurément un potentiel considérable en matière de recyclage et de valorisation de ce que l'on qualifie encore trop souvent aujourd'hui de simples déchets.
L'utilisation de matériaux recyclés dans le domaine de la construction, par les entreprises mais également par les maîtres de l'ouvrage, de surcroît les maîtres d'ouvrages publics - comme l'Etat de Genève - est non seulement un acte citoyen, mais c'est aussi un acte qui peut s'avérer économiquement avantageux.
Il faut donc que l'Etat et son administration - même si l'on peut certes relever un certain nombre d'efforts fournis en la matière avec divers programmes - s'engagent encore davantage, s'engagent concrètement dans ce domaine. L'Etat peut le faire, comme cela vient d'être dit, de manière très concrète, par le biais des marchés publics, par le biais de critères précis, concrets et dûment pondérés pour mettre en exergue cet aspect-là, plutôt que les aspects purement pécuniaires.
Cela aura pour effet d'ancrer de manière très précise cette volonté d'allier à la fois l'économie et l'écologie, un principe auquel le parti démocrate-chrétien adhère évidemment pleinement. C'est donc avec un certain enthousiasme que nous vous invitons à soutenir sans réserve cette motion.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pour le groupe socialiste, il est toujours très réjouissant que des partis de l'Entente nous disent que le néo-libéralisme imposé par la globalisation de l'économie et en particulier par les AIMP - les accords intercantonaux sur les marchés publics - fasse souci, pose problème et suscite des questions !
Venons-en au contenu et au fond de la motion. Bien sûr, nous ne pouvons que l'accepter et dire que les invites sont intéressantes s'agissant des matériaux recyclés, du développement durable et des critères d'adjudication. Oui, si seulement nous pouvions aller de l'avant ! Je pense que c'est important ! On l'a déjà fait à plusieurs reprises, au niveau de la commission des travaux, comme l'a dit M. Barrillet pour les apprentissages, pour essayer effectivement d'avoir des critères d'adjudication...
Une voix. On dit M. Barrillier !
Mme Lydia Schneider Hausser. M. Barrillier ! Excusez-moi, Monsieur le député... Vous lui transmettrez, Monsieur le président !
Nous voterons donc cette motion, mais nous espérons que vous soutiendrez aussi la motion 1856, qui va également dans le sens du développement durable, de façon différente, à savoir que cette motion - qui se trouve au point 68 de notre ordre du jour - demande au Conseil d'Etat de tenir compte des conventions de l'OIT dans l'attribution des marchés publics. Là, tout le monde n'était pas si unanime et, pourtant, on est dans le champ du développement durable et du droit des personnes.
Le groupe socialiste acceptera donc cette motion, et nous espérons que nous nous retrouverons au point 68 de l'ordre du jour.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion invite à utiliser des matériaux recyclés ou valorisés et à encourager les entreprises favorisant le recyclage par des critères d'adjudication bien définis dans le cadre des AIMP. Enfin, la motion demande d'améliorer le recyclage et le tri sélectif des matériaux.
Le groupe UDC soutiendra cette motion qui est frappée au coin du bon sens et vous demande de l'accepter.
M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, les libéraux ne peuvent évidemment que souscrire à une telle motion puisqu'elle demande de soutenir la valorisation des matériaux recyclés dans le domaine de la construction, un programme développé en partenariat par le secteur privé et l'Etat dans le projet pilote ECOMAT-GE soutenu et défendu par M. Mark Muller ainsi que par M. Robert Cramer en son temps. Nous avons dans ce cas précis la possibilité de mettre en pratique ce programme innovant de recyclage issu de la bonne synergie entre les milieux de la construction et l'Etat.
La raréfaction des ressources locales de gravier est un fait. La fin de la concession d'exploitation des carrières du Salève est prévue pour les alentours de 2040, et il est temps de changer les mentalités dans l'acte de bâtir, en encourageant les maîtres d'ouvrages, les mandataires et les entrepreneurs à utiliser ces graves recyclées issues d'une filière genevoise et compétitive. C'est une démonstration d'efficacité, de responsabilité et d'écologie positive.
Pour information, il faut en moyenne suisse un chargement de camion par habitant pour construire des infrastructures, des bâtiments, des routes ou pour remblayer. Les ressources de sable et de gravier ne sont pas inépuisables, à l'instar du pétrole et du gaz, surtout dans la région genevoise. Il est dans la majeure partie des cas possible d'utiliser des graves recyclées pour ces types de travaux.
De même, nous avons à Genève de gros problèmes pour éliminer les déchets de chantier, notamment à cause du manque de terrains de décharge et de la limite de l'exploitation de ceux-ci. Peut-être la plage projetée au bord du lac permettra-t-elle de combler les évacuations de gravats du chantier du CEVA ?
Pour toutes ces bonnes raisons, les libéraux vous demandent de passer de la parole aux actes en soutenant cette motion simple mais constructive.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ? Trois minutes ? Mais quelle bonté, cela vous honore, Monsieur le président !
Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG n'a pas pour vocation de combattre par idéologie les projets des autres partis. Nous allons donc soutenir cette motion, bien qu'elle soit un peu démagogique... (Rires. Exclamations.) Parce que, finalement, chers collègues, il appartiendrait aux entreprises d'avoir le civisme d'utiliser des matériaux recyclés. «Maman-Etat» ne devrait pas être là pour le leur rappeler. Ensuite, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter que ces entreprises pourront utiliser dans ce but les travailleurs au noir que vous avez bien voulu leur accorder !
M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, j'apprécie les témoignages d'appui à cette motion. J'aimerais quand même préciser que l'objectif principal, c'est d'économiser et de sauvegarder les gisements de gravier qui sont de plus en plus rares dans le canton.
S'agissant des entreprises, il y a fort longtemps qu'elles sont soumises à des conventions collectives de travail, et que les partenaires sociaux de la construction se sont dotés de contrôleurs paritaires de chantiers qui font que les travailleurs au noir n'existent pas dans nos métiers !
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Je prends la parole pour m'associer à ce concert de louanges, et ce n'est pas par démagogie que je vous dis que c'est toujours un plaisir pour l'Etat de pouvoir, avec des entreprises privées, relever de tels défis. En effet, chaque année, les chantiers produisent deux millions de tonnes de déchets de chantier et de déchets d'excavation. Deux millions de tonnes, cela équivaut à 200 000 camions, c'est-à-dire Genève-Séville en droite ligne ! Il y a donc deux défis à relever, la raréfaction des ressources locales et surtout la possibilité de récupérer des déchets qui vont largement au-delà de la capacité de nos gravières naturelles.
Le programme ECOMAT-GE qui a été cité est vraiment un exemple de collaboration et de partenariat entre les entreprises et l'Etat. En tout cas, je suis déterminée à continuer dans cette ligne, voire à la renforcer.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Il n'y a pas eu de demande de renvoi en commission, nous allons donc voter sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 1947 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui et 2 abstentions.
Débat
Le président. La parole est à M. Stauffer... Non, à M. Poggia !
M. Mauro Poggia (MCG). Eh oui, pour changer, Monsieur le président ! Chers collègues, le GPS, vous savez ce que c'est, vous en avez tous, évidemment. (Commentaires.) Non, vous n'en avez pas ? Vous devriez vous y mettre, ça peut servir, non seulement à Genève mais aussi à l'étranger. Toutefois, ce n'est pas son usage privé qui nous occupe aujourd'hui.
Genève est une ville qui devient de plus en plus grande. Le canton est étendu, il y a de plus en plus de chemins, de ruelles, et nous devons avoir une police efficace, en mesure de venir secourir nos citoyens qui font appel à elle, n'importe où et dans les meilleurs délais. Il est impensable qu'au XXIe siècle notre police ne soit pas dotée des moyens les plus sophistiqués pour venir en aide à la population ! Il est impensable qu'un policier doive être aussi expert qu'un chauffeur de taxi pour se rendre à un endroit afin de secourir des citoyens.
Vous savez parfaitement à quel point il est difficile de se repérer dans le canton de Genève et vous savez qu'il existe des GPS de plusieurs types. Nous pensons bien sûr à des GPS vocaux: il n'est évidemment pas question que la police s'amuse à rentrer des noms de rues dans un GPS ! Nous avons aujourd'hui des moyens parfaitement perfectionnés qui doivent être mis à disposition de notre police. Alors j'ai peine à imaginer qu'il puisse y avoir une quelconque opposition, voire même une objection à la motion qui vous est présentée. Nous sommes tous, me semble-t-il, unanimes à considérer que nos forces de l'ordre doivent être efficaces, qu'elles doivent pouvoir intervenir sans délai là où l'on fait appel à elles. Et donc nous devons leur donner les moyens pour le faire. Je vous remercie par conséquent de soutenir cette proposition de motion.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts n'entendent pas, en tant que parlementaires, dire comment doit être équipée la police. Faut-il que les policiers aient des baskets pour courir plus vite ou faut-il qu'ils aient des grosses chaussures ? (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Et des Tasers ?! (Brouhaha.)
M. Christian Bavarel. Faut-il qu'ils aient des voitures qui avancent avec tels ou tels moyens ? Ce n'est pas notre rôle d'en décider ! Notre rôle aujourd'hui au parlement est de légiférer.
De nouveau, nous sommes face à une motion qui nous ment, qui fait croire que l'on s'occupe de problèmes de sécurité. Ce n'est pas vrai ! Cette motion encombre le parlement; elle encombre les services de l'Etat et empêche de faire les choix qui sont nécessaires aujourd'hui pour régler les problèmes de sécurité.
Faire croire à la population que, parce que le parlement décide qu'il faut doter la police de tel ou tel équipement, on va améliorer quoi que ce soit, c'est une erreur, c'est un mensonge, c'est tromper la population ! Aujourd'hui, la population s'attend à ce qu'on s'occupe sérieusement de la police. La police a besoin de moyens, elle a besoin de sérénité; elle a besoin d'un gouvernement qui puisse diriger et faire le travail. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait cent chefs de la police ici dans cette salle ! Ce n'est pas notre métier.
Pour toutes ces raisons-là, nous refuserons donc cette motion ! (Brouhaha.)
Le président. La parole est à Mme Schneuwly... Pas de Mme Schneuwly ?
Mme Nathalie Schneuwly (R). Si ! Je suis là !
Le président. Oh, pardon ! (Rires.)
Mme Nathalie Schneuwly. Décidément... La lecture de l'exposé des motifs me laisse perplexe. Le motionnaire écrit que la police n'a aucun moyen de localiser l'adresse de l'intervention autrement que par des cartes géographiques. (Commentaires.) On imagine aisément une voiture de police, toutes sirènes hurlantes, roulant à vive allure et dont les agents seraient contraints de lire une carte géographique tout en coordonnant l'intervention par radio et en regardant par la fenêtre les numéros dans la rue pour ne pas louper le lieu de l'intervention.
En tant que fan de «Julie Lescaut», je n'ai jamais vu de scène pareille, qui prêterait à sourire. Vous me direz que c'est normal, parce que c'est du cinéma. Mais je me suis quand même renseignée et je peux vous affirmer que la police ne travaille pas comme le dépeint cette motion ! Je ne comprends pas pourquoi les motionnaires décrivent les policiers comme des abrutis. (Rires. Applaudissements.) Tout d'abord, ils connaissent très bien Genève et savent où se rendre; et lorsqu'ils ont un doute, ils appellent la centrale qui les guide jusqu'au lieu de l'intervention. Ne les faites pas passer pour des imbéciles afin d'obtenir ce que vous voulez... Un peu de respect, s'il vous plaît !
Dans la mesure où nous, radicaux, avons du respect pour la police, contrairement à vous, nous allons accepter votre motion car il nous semble important que la police soit dotée de moyens performants. (Brouhaha.) Ce d'autant plus qu'une des mesures proposées, soit l'équipement d'un GPS, est une mesure peu coûteuse. Cependant, nous rendons attentif le Conseil d'Etat au fait que, selon nos renseignements au sein de la base, les policiers ne sont pas unanimes. Certains pensent que cela ne sert à rien, car lorsqu'il faut agir en urgence, ils n'auront jamais le temps de programmer la destination de l'intervention dans le GPS. D'autres préconisent plutôt un système de géolocalisation des réquisitions. De plus, selon les quartiers, ils connaissent suffisamment les rues pour ne pas avoir besoin de ce genre d'outils. Il semble que le député autorisé par le département est tombé sur une exception ce jour-là !
Pour toutes ces raisons, le groupe radical, qui soutient quand même cette motion dans le principe, la refusera ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Effectivement, j'aurais eu tort de priver notre assistance de votre intervention. Je m'en excuse donc et je passe la parole à Mme Loly Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Je ne partage pas l'avis... (Brouhaha.) C'est Manuel Tornare qui fait des siennes ? (Rires.) Je ne partage pas l'avis de nos collègues les Verts ! J'aimerais ici vous raconter une soirée mémorable de la commission judiciaire et de la police, en 2005, lorsque cette commission se consacrait aux travaux sur la LPol, la loi sur la police. Eh bien, avant d'entamer ces travaux, nous avons décidé, toute la commission, de passer une nuit avec la police ! (Rires. Exclamations.) On s'était donc organisé en ce sens, et moi je ne l'oublierai jamais. On n'est pas en huis clos ou bien ?
Une voix. Ça va, c'était bien ?
Mme Loly Bolay. C'était très bien ! Nous avons choisi d'y aller par groupe de trois... (Rires.) ...députés, pour nous rendre soit à la PSI, soit à la police judiciaire, soit à la gendarmerie. Et c'est lors de cette nuit qu'on s'est rendu compte qu'effectivement la police n'avait pas de GPS. Alors nous avons été surpris, parce que la police nous a dit qu'elle avait de plus en plus de difficultés à trouver les adresses, notamment lors d'appels pour une intervention en rase campagne. Et justement, ce soir-là, l'équipe avec qui nous étions a été appelée en rase campagne pour un problème de violence domestique. C'était assez grave et on a tourné un moment pour trouver l'adresse, si bien que les policiers ont dû appeler les collègues par téléphone pour être orientés. A ce moment-là, on n'a pas compris pourquoi la police n'était pas équipée de GPS.
Lorsque nous avons posé la question plus avant, quand nous avons entamé les travaux sur la loi sur la police, on nous a dit: «Oui, effectivement, mais ce problème va être résolu.» Je découvre avec étonnement par le biais de cette motion que le problème n'est pas encore réglé ! Alors le groupe socialiste va soutenir cette motion, parce qu'il faut être cohérent: on veut donner plus d'effectifs à la police, mais si on ne lui donne pas les moyens de faire son travail, ça ne sert à rien ! Je ne partage donc pas du tout l'avis de M. Bavarel. Il faut être logique ! La police doit avoir plus d'effectifs, mais aussi des moyens plus modernes pour faire un travail correct. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste appuiera cette motion. C'est aussi simple que cela ! (Applaudissements.)
M. Vincent Maitre (PDC). Cette motion, pour le groupe PDC, est totalement inutile voire absurde ! Il s'agit là d'un problème qui relève purement de l'administration interne, de la gestion interne. Il paraît assez aberrant de devoir passer par un parlement pour doter la police de moyens tels que ceux que l'on propose dans cette motion ! Si l'état-major de la police devait à tout hasard décider que c'est d'une grande utilité - ce dont le PDC et moi-même ne doutons pas - il y a des enveloppes budgétaires qui sont faites pour ça et ils n'auront qu'à doter les voitures de police de GPS !
Toutefois, cette motion aurait pu éventuellement se justifier si l'on avait suivi la proposition qu'avait faite Mme la conseillère d'Etat d'élargir les rangs de la police à d'autres candidats que des ressortissants suisses. Ces candidats connaîtraient effectivement un peu moins la géographie genevoise, mais, heureusement, le MCG a été là très tôt pour nous rappeler qu'il entendait bien garder loin des rangs de la police les permis C et les permis D ! Toute inquiétude à ce sujet peut donc être écartée: étant donné que les nouveaux policiers seront de bons Suisses et de bons Genevois, on peut espérer d'eux qu'ils connaîtront suffisamment les rues de Genève !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer.
M. Eric Stauffer (MCG). Je dispose de combien de minutes ?
Le président. Il reste trois minutes à votre parti.
M. Eric Stauffer. Trois minutes, merci ! Vous pourrez juste me faire un signal quand j'aurai parlé une minute trente ? Ce serait gentil... (Rires.) Mesdames et Messieurs les députés, je suis scandalisé, même si je vous le dis avec beaucoup de calme, et je demanderai le vote nominal sur cette motion.
Vous n'avez pas le droit, Madame la députée du PLR, de dire que nous prenons les policiers pour des imbéciles. Vous venez de voir qu'il n'y a pas eu une exception, il y en a eu deux, et cela en 2005. Or ce problème n'est toujours pas réglé. C'est juste, et si vous vous renseignez vraiment auprès des gendarmes, ils vous diront qu'ils sont confrontés tous les jours à ce problème ! Quand ils cherchent le numéro 150 de la rue de je ne sais quel endroit et qu'il n'est pas sur la carte, ils ne peuvent pas le voir et les policiers sont donc obligés de ralentir malgré les feux bleus et ils doivent scruter les numéros des maisons pour voir à quel endroit ils doivent intervenir.
Vous ne connaissez pas votre sujet ! Je suis juste affligé que les partis qui normalement soutiennent la police, même le PDC qui fait aussi campagne sur l'insécurité... Un GPS ne coûte pas grand-chose, il peut sauver des vies... J'ai demandé qu'on m'arrête à une minute trente, merci ! Le GPS peut sauver des vies grâce aux quelques minutes que l'on va gagner, vous ne pouvez donc pas vous opposer à cette motion, ce n'est pas acceptable de faire ça !
Une fois encore, vous critiquez un texte du MCG ! Je rends hommage au parti socialiste, qui a compris la problématique, et je vous demande, Mesdames et Messieurs de l'Entente, dans un acte responsable, de vous raviser et de voter ce texte. Merci !
M. Olivier Jornot (L). «La police et le GPS» (Rires.)
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six policiers faisaient patrouille.
Un député survient, des policiers s'approche,
Prétend les animer par son bourdonnement,
Pique l'un, pique l'autre et pense à tout moment
Qu'il fait aller la machine.
Aussitôt que la patrouille chemine
Et qu'il voit les policiers travailler,
Il s'en attribue à lui seul la gloire.
Le député qui cherche à nous avoir
Prétend qu'il agit seul et que, sans GPS,
Jamais le policier ne trouvera l'adresse.
Des journalistes s'en va chanter aux oreilles
Et fait cent sottises pareilles.
Ainsi, ces députés faisant les empressés
S'introduisent dans les affaires,
Font partout les nécessaires
Et leur motion doit être refusée. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Weiss, à qui il reste deux minutes.
M. Pierre Weiss (L). Monsieur le président, ce soir, on a déjà évoqué que certaines portes étaient ouvertes et qu'on glissait parce qu'on prenait un trop grand élan à vouloir les enfoncer. Ça me fait vraiment penser qu'on est avec cette motion dans la situation des dessins animés où des chiens glissent sur des centaines de mètres et finissent évidemment dans une piscine, trempés.
Le problème est en voie de règlement, j'en suis convaincu. Après un certain nombre d'années où l'évolution des technologies a atteint à peu près toute la société mais pas la police genevoise - pour des raisons que j'ignore totalement, mais au sujet desquelles je vous laisse phosphorer - je n'ose pas imaginer que le problème ne puisse être résolu, sinon dans les mois qui viennent, en tout cas dans le semestre à venir.
Je suis convaincu que des précisions vont nous être données à ce sujet par la conseillère d'Etat responsable du département. Elle vous prouvera qu'une porte est effectivement ouverte, que certains ont cru utile de vouloir la franchir. Je dis à nos collègues socialistes qu'avant d'associer leurs voix à celles du MCG, ils devraient se souvenir de la manière dont notre collègue radicale, de façon très jésuitique, a réussi à convaincre son groupe qu'il convenait de refuser cette motion.
Ce n'est pas là un conseil que je donnerai aux recruteurs de la police genevoise qui, souvent, doivent aller en terres fribourgeoises, jurassiennes ou valaisannes pour recruter de nouveaux éléments, mais je dirai au surplus que le problème serait évidemment encore plus important s'il fallait aller recruter au-delà de l'Atlantique. Il est certain que si l'on recrutait juste de l'autre côté de la frontière, on trouverait des gens connaissant beaucoup mieux les routes de notre canton !
M. Patrick Lussi (UDC). Vu mon inculture et les relents que vous semblez accoler à mon parti, je m'exprimerai en prose. Je m'exprimerai en prose, parce que, Messieurs les radicaux et libéraux, j'ai honte de ce que vous dites ! Parce que vous êtes en plein autisme ! J'ai lu cette semaine un rapport excellent qui, c'est vrai, provenait des milieux syndicaux européens. Les camionneurs se plaignent que le GPS devienne un mouchard et les empêche de digresser et de dévier de leur route. Ils sont donc sous le contrôle immédiat du patron.
Que demande cette motion ? Qu'on équipe les véhicules et que, peut-être, la direction de la police ait sur ses écrans le positionnement exact des voitures de police. Cela pourra, dans les cas qui nous concernent, faire gagner quelques précieuses secondes durant les interventions.
Il est dommage que, parce qu'une motion vient de bancs qui ne vous plaisent pas, vous n'y trouviez que des vertus maléfiques, alors que lorsqu'il s'agit d'influer sur votre saint bénéfice, vous les trouvez bénéfiques ! Je dirai simplement que, pour le groupe de l'Union démocratique du centre, il y a peut-être quelques lacunes, et nous souhaiterions que cette motion soit renvoyée à la sous-commission informatique.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Bertinat, à qui il reste une minute cinquante.
M. Eric Bertinat (UDC). Comme l'a dit mon collègue Patrick Lussi, nous soutiendrons cette motion, malgré le discours tout au conditionnel des libéraux qui nous expliquent que cela sera fait. On l'espère, Madame Rochat, nous souhaitons que cela se fasse rapidement, et nous sommes obligés de vous dire qu'à la lecture de cette motion, nous sommes tombés des nues en apprenant quelle était la situation ! Ce n'est pas vous que l'UDC vise, c'est plutôt votre prédécesseur. Il a fallu que M. Stauffer s'en mêle pour qu'on constate que la direction de la police et le département ne sont pas capables d'équiper la police de GPS ! C'est vraiment quelque chose qui nous a profondément stupéfaits et qui nous fait dire aujourd'hui qu'il faut rapidement régler cette question.
Il n'est pas normal que la police tourne en rond alors qu'un simple GPS pourrait lui indiquer la direction à suivre ! Cela me fait penser un peu à l'armée qui, il y a une vingtaine d'années, était encore équipée des fameuses radios, les «SC 127», avec une batterie de dix kilos, alors que tout le monde utilisait son natel pour aller plus vite ! Il faut vivre avec son temps et le GPS est de ce temps. Mais, si le GPS est de ce temps, on peut se demander s'il ne faudrait pas élargir son usage aux ambulances et aux pompiers. Eux n'ont pas de problèmes, visiblement ?!
Donc oui, renvoyons cet objet à la sous-commission informatique pour qu'elle l'étudie, mais l'UDC considérera une éventuelle extension de l'usage des GPS à tous les domaines de la sécurité à Genève.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Golay, à qui il reste deux minutes cinquante.
M. Roger Golay (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce soir vous voulez faire passer pour ridicule le MCG par rapport à cette motion qui a été déposée. Je peux vous dire ce soir que c'est vous qui êtes ridicules et votre politique politicienne me dégoûte, parce que vous n'êtes pas du tout dans le réel !
Vous savez que je suis policier, vous me le sortez assez souvent. Il faut savoir une chose, les patrouilles se perdent, et il n'est pas possible pour des patrouilles qui sont basées à la Pallanterie de connaître tous les petits chemins de l'ensemble du canton. Les plans que nous avons dans les voitures - je parle en tant que policier - ont ce format-là... (M. Roger Golay montre un document de taille A5.) On roule de nuit avec ce plan, avec des numéros manquants sur les immeubles, des constructions qui n'existent pas sur ces plans et les patrouilles se perdent, simplement parce qu'il y en a qui interviennent sur l'ensemble du canton ! Aujourd'hui, vous voulez refuser cette motion seulement parce que c'est le MCG qui l'a déposée.
Et vous dites que les policiers doivent connaître l'ensemble du canton ? L'autre soir, à l'occasion de la réception du Grand Conseil avec les représentants de la Genève internationale qui se tenait au Musée de l'Ariana, combien de députés de ce parlement sont venus me demander où se trouvait ce musée ? Donc, là-dessus, vous n'avez pas de leçons à donner aux policiers ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Poggia, à qui il reste une minute dix.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, d'une manière générale, nous constatons dans ce parlement que chaque fois qu'une motion est présentée par le MCG, aussi brillante et pertinente soit-elle, elle est systématiquement refusée ! (Brouhaha.) Vous pouvez ricaner, Mesdames et Messieurs, vous pouvez ricaner ! Sauf pour les socialistes, c'est vrai; Mme Bolay a eu l'intelligence de reconnaître un fait, puisque nous vous présentons un fait, incontestable et incontournable. Je pense qu'il est temps de dépasser ces cloisonnements partisans.
Est-ce que l'on peut dans ce parlement faire un travail intelligent, au service de ceux qui nous ont élus ? Est-ce que vous ne pensez pas une seconde que ceux qui nous valent d'être ici ce soir attendent de la police qu'elle soit efficace ? Est-ce que vous ne pensez pas une seconde qu'au début du XXIe siècle, il faut avoir des GPS pour aller rapidement d'un point à un autre ? Mesdames et Messieurs les Verts, est-ce qu'il faut avoir des GPS sur les vélos pour qu'enfin vous compreniez que c'est nécessaire ? (Rires.) Est-ce que vous pouvez comprendre que le trajet le plus rapide pour aller d'un point à un autre, c'est encore avec le GPS qu'on peut le trouver ? Donc on va diminuer la pollution ! Est-ce que c'est un argument qui, enfin, va éveiller vos esprits et ouvrir vos yeux ? Bon sang, réfléchissez un peu ! Cette motion est l'expression du bon sens !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Mauro Poggia. Soutenez donc cette motion !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Bavarel, à qui il reste une minute quarante.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à Mesdames et Messieurs du MCG qu'ici nous faisons de la politique avec un certain respect des institutions. Quand un parti passe son temps à dire «tous pourris», quand un parti marche totalement sur tous les principes de la politique et méprise le peuple, il ne peut pas après venir nous dire qu'il faut faire les choses avec lui, qu'on doit s'allier à lui, etc. Lorsque vous avez des propositions qui sont parfaitement ignobles, ne vous attendez pas à ce que l'on vous suive ! (Commentaires.)
Ensuite, nous vous demandons une deuxième chose: laissez les pouvoirs tels qu'ils ont été organisés, de manière raisonnable ! Nous refusons que le parlement devienne aujourd'hui l'employeur de l'ensemble de la fonction publique ! Nous sommes ici pour légiférer et c'est ce que nous entendons faire. Nous n'entendons pas nous substituer à l'exécutif. Il est peut-être nécessaire que le GPS soit introduit dans les voitures de police, mais c'est à Mme Rochat de prendre cette décision. Le cas échéant, nous la soutiendrons et lui donnerons les moyens de remplir sa mission, parce que nous votons le budget. (Commentaires.)
Par contre, faire uniquement la publicité de quelques individus et prendre en otage la démocratie, c'est extrêmement grave. Vous êtes en train de bafouer les valeurs qui nous sont les plus chères, celles qui font que dans ce pays on arrive à vivre ensemble, les valeurs que sont la démocratie et le respect du peuple. Aujourd'hui, c'est contre les risques que courent ces valeurs que nous nous battons. Nous sommes ici aujourd'hui pour dire que, pour nous, la gauche, la droite, avec les libéraux, les socialistes, les radicaux, le PDC, nous avons des valeurs communes, qui sont les valeurs démocratiques et de respect de l'Etat de droit, ce que vous n'avez pas ! (Brouhaha. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Gillet, à qui il reste une minute quarante.
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, si le groupe démocrate-chrétien ne soutiendra pas cette motion, ce n'est pas parce qu'elle vient du MCG, c'est parce que si nous devons systématiquement passer par des motions pour équiper tous les services de l'Etat du matériel dont ils ont besoin, où va-t-on ? Si nous devons, pour changer les rétroprojecteurs des enseignants genevois, passer par la voie d'une motion, où allons-nous ? Il est effectivement évident que les voitures de police doivent être équipées de GPS, mais ce n'est évidemment pas le moyen d'y arriver ! (Commentaires. Brouhaha.) Si nous devons, je m'en excuse, encombrer l'ordre du jour de notre parlement pour rentrer dans l'opérationnel, dans la gestion des différents services, alors ce ne sont pas 100 points de retard sur l'ordre du jour que nous aurons, mais 500 ! Et j'espère que Mme Rochat va nous dire à l'instant que les choses sont en bonne voie, pour que ces véhicules soient enfin équipés ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Rochat.
Des voix. Ah !
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Effectivement, à l'instar de notre programme de législature présenté aux députés le 7 juin, il s'agissait de maintenir un cap. Ce cap, il est sûr que vous tous ici, à n'en point douter, désirez que la police le garde et ne le perde pas et, surtout, qu'elle puisse arriver à temps pour toutes les interventions.
Je n'ai pas eu l'occasion de passer une folle nuit avec la police, comme certains d'entre vous. Je pense que ça ne saurait tarder... (Rires.) Une chose est sûre et certaine, c'est que tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour que les policiers puissent trouver telle ou telle adresse, tel ou tel chemin vicinal, communal ou cantonal. A cet effet, j'ai l'immense plaisir de vous annoncer que, depuis le mois de mars, des systèmes sont testés: il n'était pas question d'installer des GPS sans les tester ! Le test de ces GPS s'est terminé le 11 juin. (Commentaire de M. Eric Stauffer.) Les GPS qu'il était question de mettre en fonction comprenaient également une lecture de tous les ordres de service, qui pourraient être consultés de façon annexe aux plans de routes. Il était donc nécessaire d'avoir un système intégré. Sans entrer dans des aspects trop techniques, je peux vous dire que d'ici à la fin de l'année, les 94 véhicules de la police seront équipés de GPS et les policiers embarqueront avec des smartphones ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'espère ainsi avoir mis tout le monde d'accord ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous allons maintenant voter le renvoi de cette proposition de motion à la commission des finances, comme cela a été demandé. (Remarque.) La sous-commission informatique dépend de la commission des finances, on vote donc le renvoi à la commission des finances ! Si cette demande est refusée, nous nous prononcerons sur la proposition de motion elle-même.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1948 à la commission des finances est rejeté par 59 non contre 20 oui.
Mise aux voix, la proposition de motion 1948 est rejetée par 46 non contre 32 oui.
Débat
M. Eric Stauffer (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, si un jour vous faites face à un péril, qu'un diagnostic vital est en jeu et que vous devez attendre la police trois minutes de trop, vous vous rappellerez de votre vote de ce soir ! (Brouhaha.)
Le président. Nous sommes au point concernant la proposition de résolution 535 !
M. Eric Stauffer. Cela étant dit, j'en viens aux Services industriels de Genève, puisque nous ne sommes pas là pour voter des objets qui concernent les départements. Mais, quand même, lorsqu'un nouveau scanner ou autre appareil pour les HUG sera demandé et qu'il s'agira de voter cet achat, je vous rappellerai alors qu'ici nous ne sommes pas là pour voter des objets !
Bref, cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, venons-en aux Services industriels ! Les Services industriels sont hors la loi depuis quelques années, cela a été relevé par la Cour des comptes, puisqu'ils ont bénéficié d'une subvention de 12 millions de francs à partir d'un calcul erroné lors du transfert des actifs et que l'Etat de Genève a mis chaque année un certain nombre de millions. Ceci est dans le rapport de la Cour des comptes. Il est public, vous pouvez le consulter sur le site de l'Etat de Genève. Et, dans la loi, il est inscrit que tout établissement qui bénéficie de subventions et de donations n'a pas le droit d'octroyer des bonus ou de payer des salaires supérieurs à ceux de la grille salariale de l'Etat, c'est-à-dire ceux des fonctionnaires.
Or la Cour des comptes a constaté le paiement d'un peu plus de 6 500 000 F de bonus au personnel des Services industriels ! Et ceci outre le fait que ceux-ci touchent un treizième salaire depuis bien longtemps, et outre le fait qu'ils bénéficient d'une adaptation à 100% au taux de renchérissement du coût de la vie, ce qui n'est évidemment pas le cas de l'ensemble des fonctionnaires à l'Etat de Genève. Cette situation n'est pas acceptable !
De plus, on vient nous dire que les SIG produisent de l'argent, mais ce qu'on oublie de vous indiquer, Mesdames et Messieurs, c'est que les SIG bénéficient d'un monopole d'Etat ! On ne peut pas aller acheter du courant ailleurs que chez eux. Alors c'est facile de gagner de l'argent et de produire de l'argent, lorsqu'on a un monopole d'Etat. Vous vous souviendrez de ce fameux salaire de 440 000 F pour un poste à 40%, qui faisait partie de ce que nous dénonçons aujourd'hui dans cette résolution, laquelle arrive ici évidemment quelques années après: ce sont les aléas de l'ordre du jour !
Alors, Mesdames et Messieurs, puisque nous sommes là pour respecter les lois, je vous demande de renvoyer cette résolution soit dans une commission, comme ça vous aurez les preuves de ce que je viens de vous dire, c'est-à-dire le rapport de la Cour des comptes qui met le doigt sur, je cite, des «droits acquis» des Services industriels, parce qu'ils n'ont jamais respecté la loi...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. C'est ça le drame, dans ce parlement ! Finalement, on continue à se moquer des citoyens, on continue à les taxer à tort et à travers, et quand on veut essayer de rétablir la situation, eh bien on nous coupe la parole...
Le président. Merci, Monsieur le député ! Je passe la parole à M. Weiss.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'affaire des SIG a occupé il y a quelques années l'actualité. Certains, évidemment, l'ont exploitée tant qu'ils le pouvaient. Aujourd'hui, on pourrait dire qu'il s'agit d'une affaire de carabiniers d'Offenbach. Vous savez, ceux qui arrivent une fois que la bataille est terminée, dans les opéras, ceux qui marchent en faisant du surplace ! (Rires.) Ce n'est pas une raison, pour autant, de ne pas s'intéresser à cette question. On aurait pu envisager, si l'on avait été en 2007, un renvoi à la commission de l'économie. Mais nous sommes en 2010, et ça ne nous semble plus nécessaire !
Au surplus, quand on lit les invites de cette proposition de résolution, on se rend compte qu'il y a, pour le moins, un déficit d'information de la part de quelqu'un qui se trouvait à l'époque à la fois administrateur au sein des SIG, avant d'être destitué, et administrateur au sein de l'hôpital - un établissement public autonome de la fonction publique genevoise - s'agissant de la question des salaires. Effectivement, n'importe qui - même un administrateur des SIG - sait que les salaires des SIG sont supérieurs à ceux de la fonction publique genevoise. Donc se demander s'il faut effectuer une réévaluation des salaires des SIG pour respecter la parité avec l'ensemble de la fonction publique, on se rend bien compte que c'est totalement superflu, et ainsi la troisième invite tombe.
Avec la deuxième invite, je crois qu'il y a un problème de vocabulaire. Il est question d'équité, mais c'est probablement d'égalité qu'il s'agit. Ça aurait pu, à l'époque, nécessiter un petit examen sémantique en commission mais, comme je vous le dis, de l'eau a coulé sous le pont des carabiniers, si je peux me permettre cette image !
En ce qui concerne la première invite, je crois que nous avons eu amplement le temps d'en parler ces dernières années: la question est réglée, il y a eu reprise en main des SIG, la politique salariale y est sous surveillance. Il y a par ailleurs eu un rapport de la Cour des comptes et l'affaire devrait être close. Elle l'est pour nous, qu'elle le soit pour tous !
Des voix. Très bien !
Mme Morgane Gauthier (Ve). A la lecture de cette résolution, quelques surprises ont été relevées par le groupe des Verts. La première, c'est qu'une résolution ne demande pas de rapport du Conseil d'Etat ! Donc déjà, il n'y a pas d'invites ! La proposition de résolution est un acte parlementaire qui fait une demande, laquelle peut être adressée au Conseil d'Etat, au Conseil national, au Conseil fédéral. Avant, on pouvait aussi en renvoyer à des communes, mais ce n'est plus le cas.
En l'occurrence, rien que dans le fonctionnement parlementaire, cette résolution ne peut être reçue ainsi, ni renvoyée telle quelle, parce qu'on n'obtiendrait pas de réponse à cette résolution ! Mais ça, c'est peut-être un point formel.
Sur le fond, cette résolution ne nous convient pas non plus. Tout à l'heure, M. Poggia demandait des faits, mais les faits sont là ! La LME - la loi sur le marché de l'électricité - a été refusée en 2002 par le peuple genevois. Vous vous targuez toujours de représenter le peuple, et de le représenter correctement - comme nous, d'ailleurs ! - eh bien le peuple a refusé que l'électricité soit considérée comme un bien comme un autre. Le monopole de fait a été voulu par le peuple genevois !
Le deuxième point qui nous semble important, c'est que les employés des SIG ne sont plus des fonctionnaires. Ça aussi, ce sont eux qui l'ont choisi. Ce n'est pas nous qui le leur avons imposé.
Le troisième point, c'est que nous votons les comptes et les budgets, chaque année - même deux fois par année. C'est ce qui est inscrit dans la constitution. Nous pouvons en ces occasions effectivement poser des questions, demander des comptes aux représentants des Services industriels et au Conseil d'Etat qui est l'autorité de tutelle.
Le quatrième élément, c'est que, depuis 2008, il y a eu une modification de la surveillance des Services industriels. Heureusement, des comptes ont été demandés ! Heureusement, des choses ont été revues ! Peut-être que la conseillère d'Etat de tutelle pourra nous rappeler cet historique, qui est effectivement très intéressant. Cette résolution est antérieure à ces faits et donc, à notre sens, elle n'a plus de raison d'être sur ce sujet-là.
Nous attendons avec beaucoup d'impatience le projet de loi sur la gouvernance des régies publiques qui amènera aussi une amélioration dans le contrôle et dans le fonctionnement de ces régies.
Ensuite, ce que nous, nous voyons comme problématique avec les Services industriels, c'est qu'il y a une espèce d'injonction contradictoire. On demande à cette régie de faire de l'argent, c'est-à-dire de vendre des biens - des fluides, des services, de l'énergie - et, en même temps, on lui demande de respecter l'article 160E de la constitution genevoise par rapport à la préservation de l'énergie. A notre avis, c'est bien là qu'il y a un problème. On leur demande de vendre et, en même temps, on leur demande de promouvoir les économies d'énergie ! C'est la problématique que les Verts soulèvent en ce qui concerne le contrôle des Services industriels: cette injonction contradictoire pose parfois de nombreux problèmes ! En fin de compte, selon nous, cette résolution ne pose plus les bonnes questions et ne donne en tout cas pas de réponses ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution, comme cela a été annoncé, est peut-être l'occasion de régler des comptes: c'est bien connu, les bons comptes font les bons amis ! Monsieur le président, je vais commencer par vous parce que, pour les comptes, ce sont les citations qui m'ont quand même inspiré. Vous avez parlé de Charles de Gaulle, tout à l'heure, alors je vous ai trouvé une citation de Charles de Gaulle, que je vais partager avec vous: «Recevoir un grand nombre de journalistes est un plaisir, un petit nombre un ennui, un seul d'entre eux un supplice.»
Pour revenir au texte de la résolution, j'aimerais dire en complément de ce qu'ont indiqué M. Weiss et Mme Gauthier que la question des rémunérations a déjà été abordée au niveau du Conseil d'Etat, du rapport de la Cour des comptes et, fondamentalement, dans ce parlement et dans ce canton, je crois que nous sommes tous ravis de savoir que les Services industriels font du bénéfice, parce que ces bénéfices servent à financer le canton. D'ailleurs, il y a déjà eu des prélèvements supplémentaires à l'occasion de certains budgets annoncés comme déficitaires. Bien entendu, les communes genevoises comptent aussi sur les bénéfices des Services industriels pour boucler leurs comptes, puisqu'elles sont actionnaires. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, ce qu'il y a de certain, c'est que les bénéfices des Services industriels reviennent aux Genevois, parce que les communes et le canton sont actionnaires des Services industriels de Genève.
Il est donc tout simplement incorrect de prétendre que c'est un vol. C'est de l'argent qui est simplement peut-être accumulé à un moment donné parce qu'on fixe un prix supérieur... (Brouhaha.) A raison ! A raison, parce que pour économiser l'énergie, c'est sans doute la meilleure des manières de faire: mettre un prix suffisant pour que l'on soit conscient que c'est un bien rare, précieux, et qu'il s'agit de ne pas le gaspiller ! Mesdames et Messieurs les députés, cette affirmation quant à un éventuel vol au niveau des Services industriels est donc tout simplement erronée.
Pour le reste, nous, socialistes, pouvons certainement entrer en matière quant aux questions sur les rémunérations parce que, bien entendu, il n'est pas normal que certaines rémunérations atteignent des sommets. C'est pour cela que les socialistes sont favorables à un plafonnement des revenus, mais il n'y a pas de raison que cela se limite uniquement aux Services industriels; cela doit se faire dans toute l'économie, dans les entreprises privées, dans les banques, dans les grandes entreprises suisses. Les revenus doivent être plafonnés et la différence de revenus entre les salaires les plus bas - ceux des vendeuses que vous exploitez dans ce parlement - et ceux des patrons que vous n'exploitez pas puisque vous leur faites des cadeaux, semaine après semaine, doit être réduite ! Pour cette raison, nous pourrions bien entrer en matière pour un renvoi en commission, si ce n'est que les réponses ont déjà été données et que le Conseil d'Etat a déjà exprimé sa volonté de mettre fin à ces pratiques.
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Roger Deneys. Et pour que les bons comptes fassent les bons amis, Monsieur Stauffer, dites-nous combien vous avez gagné en tant que membre du conseil d'administration des SIG ! Combien de centaines de milliers de francs ?
M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai en disant: «MCG-SIG: le retour. Episode 35 !» C'est vrai qu'on a régulièrement des objets qui concernent les SIG sur ces questions de rémunération et de pseudo-malversations, etc. Il faut rappeler, quand même, que cette proposition de résolution date de juillet 2007 et que beaucoup de choses ont bougé depuis lors. M. Stauffer l'a rappelé lui-même, la Cour des comptes a rendu un rapport avec des recommandations, recommandations qui ont d'ores et déjà été mises en oeuvre. Donc je crois que la première invite est déjà largement remplie en ce qui concernait les préoccupations évoquées.
Cela a été dit par Mme Gauthier, mais je crois qu'il faut régulièrement le rappeler au MCG et à M. Stauffer, les SIG sont un établissement public autonome, ce n'est pas un service de l'Etat. Nous n'avons pas à nous immiscer dans la gestion opérationnelle de cette régie publique. La deuxième invite n'est donc pas forcément adaptée, à ce niveau-là.
Et puis alors, sur la question des bonus, il faut rendre grâce au MCG d'avoir peut-être mis en évidence un certain nombre d'excès dans ce domaine, mais je crois que le Conseil d'Etat a récemment présenté son projet de loi sur la gouvernance des établissements publics autonomes, et celui-ci sera sous peu étudié en commission. La volonté de limiter les rémunérations et de clarifier la question des bonus a clairement été prise en compte.
Je crois que cette résolution est donc largement dépassée, même si à l'époque elle a pu avoir du sens. La sagesse aurait voulu que cette proposition de résolution soit retirée. A défaut, la sagesse de ce parlement fera certainement en sorte qu'elle soit refusée.
M. Eric Stauffer (MCG). Vous transmettrez à certains de mes collègues que, malheureusement, l'affaire des rémunérations dans les établissements publics autonomes - pas seulement aux Services industriels - n'est de loin pas encore réglée. Pour preuve, dans une séance du Conseil d'Etat de la semaine dernière, une discussion a eu lieu au sujet de la rémunération des Services industriels, notamment celle du président du conseil d'administration. Je crois savoir que quelques mots ont été échangés et j'ai cru même comprendre que certains conseillers d'Etat pourraient démissionner de leur poste - c'était sous forme de boutade, bien sûr ! - pour aller travailler aux Services industriels. Parce que la rémunération plafonnée, il faut quand même savoir de quoi l'on parle, c'est 228 000 F par année pour un poste à 40% ! C'est ça le plafonnement ! On se réjouit que Mme la conseillère d'Etat nous le confirme, en s'étonnant certainement de savoir comment je suis au courant des délibérations d'une séance du Conseil d'Etat. Eh bien oui, ça arrive, ce sont des fuites ! Qu'est-ce que vous voulez, il n'y a pas qu'au parlement qu'il y a des fuites !
Enfin, cela étant, parlons de la recommandation de la Cour des comptes. Effectivement, celle-ci a mis en exergue quelque chose qui était illégal ! Mais ça, apparemment, ça n'intéresse pas ce parlement ! Ensuite, j'aimerais vous répondre, puisqu'on m'a posé la question de savoir combien j'ai gagné en tant qu'administrateur des SIG: 8000 F par année ! Cela a été publié dans la «Tribune de Genève». Moi j'ai toujours été transparent, mes gains sont connus et je n'ai rien à cacher. A la différence de certains - socialistes, je crois - qui ont menti à la presse en disant d'abord qu'ils gagnaient 95 000 F, puis 120 000 F, pour reconnaître finalement gagner 440 000 F ! J'ai cité Daniel Mouchet, président du conseil d'administration des Services industriels. Voilà !
Cela étant, j'aimerais quand même vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que le modeste administrateur que j'étais a fait son travail, c'est vrai ! Pendant que je siégeais aux Services industriels, figurez-vous ce qui s'est passé: les Services industriels ont dû rembourser près de 88 millions de francs aux usagers ! Eh oui, 42 millions de francs, par arrêté du Conseil d'Etat, dont 21 millions ont été détournés pour constituer éco21. Pourquoi ? Parce qu'ils avaient surtaxé d'une manière illégale les tarifs d'électricité. Ça, c'est la vérité !
Alors, maintenant, vous parlez des nouveaux projets de lois sur la gouvernance... Laissez-moi rire ! Le projet de loi a été négocié entre deux blocs: ça s'appelle la gauche, ça s'appelle la droite ! Il y aura deux représentants du Grand Conseil dans chaque conseil d'administration des établissements publics autonomes, qui ne doivent pas être du même bord, c'est-à-dire gauche et droite. On a évidemment exclu l'UDC et le MCG, qui eux ne représentent pas une faction de gauche ou de droite, puisqu'il s'agit de l'Union démocratique du centre et que le MCG n'est ni à gauche, ni à droite ! Voilà comment on fait pour faire la politique des petits copains et des coquins, où on pourra placer son copain afin qu'il ait un super salaire, sans qu'il y ait un contrôle démocratique, comme celui qu'a exercé le MCG, qui a dénoncé en 2007 le scandale des Services industriels...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. Avec le scandale des salaires et celui des déchets napolitains ! Je n'ai fait que mon travail et, finalement, cela m'a valu une révocation du Conseil d'Etat, et maintenant on attend la décision du Tribunal fédéral.
M. Michel Ducret (R). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas m'étendre ce soir sur cet épisode, la cinquième saison de nostalgie du Walhalla perdu, et toutes les motivations évoquées par les uns et les autres pour rejeter cette proposition. Elles sont suffisamment claires. Nous ajouterons simplement que le Conseil d'Etat nous propose maintenant un nouveau projet de structure de gestion des entreprises publiques, plus clair, plus transparent, avec des maxima et toute une série de mesures.
J'aimerais simplement rappeler que la dernière proposition en ce sens avait été rejetée par le groupe des proposants de ce soir ! Il y a juste un certain manque de cohérence dans leur attitude, et nous verrons bien ce qu'ils vont faire lorsque le Conseil d'Etat aura déposé définitivement le projet de gestion des entreprises publiques.
Pour l'heure, le groupe radical vous recommande vivement de ne pas soutenir cet objet et d'attendre les propositions du Conseil d'Etat. Ensuite, nous verrons bien dans quel sens iront les uns et les autres. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, jusqu'ici, il y avait des fuites provenant des séances de commissions du parlement où siégeait notamment M. Stauffer. Maintenant, le même Stauffer allègue être au courant de propos tenus durant les séances du Conseil d'Etat. De deux choses l'une: soit il ment - ce qui ne m'étonnerait pas outre mesure - et cela doit être dit, soit il ne ment pas, et l'affaire est grave !
Je vous le dis, Madame la conseillère d'Etat, il convient donc que les propos tenus ce soir soient rapportés par vos soins à vos collègues pour que ce point soit discuté sans que nous n'en soyons informés et que le Conseil d'Etat se détermine, parce que ce qui se passe parfois au Conseil fédéral ne doit pas se passer dans notre Conseil d'Etat à Genève !
J'ajoute au surplus...
Le président. Il faut conclure !
M. Pierre Weiss. Et je conclurai qu'il serait peut-être bon - je le dis à votre intention, Monsieur le président du Grand Conseil - que la sécurité de nos boîtes à lettres informatisées soit revue et assurée, parce que je ne suis pas sûr que certains n'en abusent pas.
Le président. Très bien. La parole est à Mme Isabel Rochat.
Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Ecoutez, je crois que dans le débat qui nous occupe, il ne m'appartient pas de confirmer ou d'infirmer les propos qui ont été tenus ce soir, s'agissant de la confidentialité des séances du Conseil d'Etat. (Brouhaha.)
J'aimerais vous inviter à rejeter cette proposition de résolution puisqu'elle date de 2007 et que le rapport de la Cour des comptes est extrêmement clair à ce sujet. Les recommandations de ce rapport ont déjà donné lieu à des mesures prises par les SIG, comme cela a déjà été très bien dit.
Mesdames et Messieurs les députés, j'aurai l'occasion de revenir très précisément sur les comptes des SIG prochainement. Ce soir, je ne vais pas détailler par le menu ces comptes, qui sont examinés avec la plus grande vigilance. J'aimerais toutefois rappeler que le projet de gouvernance qui a été présenté apportera une bonne partie des réponses et, à ce stade, je ne souhaiterais pas commenter plus avant les propos tenus ce soir.
Je vous invite simplement à rejeter cette résolution dans la mesure où les conclusions du rapport de la Cour des comptes sont très largement reprises. J'aurai l'occasion de vous le dire lors de l'examen des comptes.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Une demande de renvoi à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève a été formulée par le MCG. Nous allons donc d'abord voter sur ce renvoi, et en cas de refus nous nous prononcerons sur la proposition de résolution elle-même.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 535 à la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève est rejeté par 65 non contre 12 oui.
Mise aux voix, la proposition de résolution 535 est rejetée par 65 non contre 13 oui et 1 abstention.
Débat
M. Roger Deneys (S). Bien que datant d'il y a quelques années, cette résolution visait en fait à exprimer la volonté du Grand Conseil, notre désir que les campagnes électorales et les campagnes de votations au sens large se déroulent dans un climat serein et propice à l'expression raisonnable des idées; des idées que l'on peut afficher d'une façon ou d'une autre, mais que l'on doit, dans notre système démocratique, exprimer avec une certaine modération, pour ne pas favoriser le développement des pensées extrémistes.
A l'époque, il y avait eu la campagne de l'UDC avec les moutons noirs. Nous avons eu, depuis, l'occasion de voir quelques campagnes du MCG qui n'en étaient pas forcément très éloignées. Nous avons eu un exemple récent à propos du CEVA et aussi celui de la «racaille d'Annemasse» à l'occasion des élections cantonales. On peut se poser la question de savoir si l'expression de la haine que certains groupes ont vis-à-vis de telle ou telle minorité ou de tel ou tel groupe étranger peut légitimement s'afficher sur la voie publique.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, il s'agissait de montrer à l'époque du dépôt de cette résolution que notre Grand Conseil est soucieux d'une expression des idées démocratique et respectueuse, sans recherche de polémique et sans désignation de boucs émissaires. Il nous semblait alors opportun de rappeler notre attachement à un fonctionnement qui soit respectueux des idées des autres et des minorités.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc au nom des socialistes à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat. Il s'agit en fait d'exprimer notre souhait d'avoir des règles du jeu raisonnables, suisses et helvético-compatibles pour nos opinions, afin de ne pas sombrer dans des dérives populistes, qui sont en réalité le ferment du démantèlement de la démocratie. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, M. Deneys a raison: il a raison d'être indigné par certaines campagnes politiques, telles que celles qu'il a rappelées ! Toutefois, M. Deneys a probablement des trous de mémoire. Il a par exemple oublié la campagne politique sur l'assurance-invalidité, je crois. Le parti socialiste suisse avait alors réussi à représenter tel conseiller fédéral dans une chaise roulante... (Rires.) Et en matière de mauvais message à la population, d'absence de respect et d'atteinte à la paix civile, peut-être que le parti socialiste se tire ici une balle dans le pied ! Je n'ose croire que M. Deneys exclut de sa condamnation les affiches indignes du parti socialiste suisse !
Cela étant, l'invite me semble superflue et je vais vous dire pourquoi cette résolution est elle aussi superflue. Elle l'est parce que l'ordre public est garanti même sans cette résolution, par les forces de l'ordre, la justice, le Conseil d'Etat... Bref, les institutions sont là pour faire régner l'ordre public et veiller à ce qu'il soit garanti, et les violations des lois sont punies par notre législation. Lorsqu'il y a des débordements, lors d'atteintes à des personnes, à des chefs d'Etat étrangers - parce que ça peut aussi arriver ! - ou bien à des individus dans notre pays, il est possible d'actionner la justice. Donc, là encore, cette résolution est superflue.
On peut tout à fait comprendre que l'on soit indigné par telle ou telle campagne, et nous l'avons été aussi bien par celle de l'UDC que par celle du parti socialiste. Cela étant, je ne crois pas que l'indignation soit une raison suffisante pour faire des résolutions à transmettre notamment aux autorités fédérales. On ne bâtit pas une politique, on ne bâtit pas un message à l'intention des citoyens sur la seule indignation ! Un peu de raison serait bienvenue.
En réalité, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la responsabilité des partis est engagée. C'est à eux de savoir distinguer ce qui est respectueux de l'autre, des citoyens et de la démocratie, de ce qui ne l'est pas. Parfois, le parti socialiste a franchi la ligne. L'UDC l'a souvent franchie. Que les uns et les autres en prennent de la graine. De toute façon, il y a aujourd'hui dans cette salle pire qu'eux ! (Commentaires.)
Une voix. Vous parlez de vous ?!
M. Pierre Weiss. Voilà la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, je vous conseille de refuser cette résolution.
M. Mauro Poggia (MCG). Chers collègues, nous avons tous été choqués par la campagne d'affichage présentant des moutons noirs qui étaient exclus de Suisse, comme nous avons été choqués, je le pense, par la campagne anti-minarets qui stigmatisait une partie de la population.
Une campagne honorable, c'est vrai, c'est ce à quoi tout le monde devrait s'astreindre, mais je dirais qu'entre la tromperie ostensible et la tromperie subtile, je ne sais pas quelle est la pire. L'ostensible est évidemment à rejeter et tout le monde s'accorde pour dire qu'elle doit l'être. La tromperie subtile est plus difficile à démasquer. Or vous excellez tous dans la tromperie subtile ! Quelques exemples: le CEVA. Vous avez trompé la population de ce canton, preuve en sont les résolutions que vous avez déposées tant à gauche qu'à droite lors de la dernière session pour tenter de rattraper vos bévues, vous qui aviez dit que ce grand projet allait apporter du travail à nos entreprises et à nos employés. Or vous constatez que tel n'est pas le cas et vous essayez de vous rattraper. Avec la campagne sur la LPP, Mesdames et Messieurs de la droite, vous qui prôniez une baisse du taux de conversion, nous savons à quel point vous avez voulu tromper la population ! Je ne parle même pas de toutes les campagnes qui ont été faites en matière sociale, que ce soit sur l'assurance-invalidité ou sur l'assurance-maladie.
La tromperie subtile, c'est une arme que vous utilisez à merveille, alors ne soyez pas hypocrites ! Ne stigmatisez pas une affiche qui doit évidemment être pointée du doigt mais qui fait partie du passé. Il y en aura d'autres et nous réagirons à ces nouvelles affiches avec les armes que notre droit nous donne, puisqu'il y a des moyens qui nous permettent de censurer ce qui doit l'être, même si de notre côté nous considérons qu'il est préférable de critiquer ouvertement que de censurer, dans une démocratie.
Nous rejetterons donc cette résolution car, aujourd'hui, elle n'est plus d'aucune actualité, et l'actualité se renouvelle à chaque votation et à chaque élection. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés, les messages politiques et les affiches suivent une mode. Actuellement, c'est plutôt celle du politiquement correct, mais je renvoie ceux qui s'intéressent à la démocratie directe suisse et genevoise aux campagnes politiques de l'entre-deux-guerres par exemple. C'est vieux, mais il y a des revues qui nous permettent de vérifier et de voir ces affiches avec par exemple un Noël Fontanet, père du conseiller d'Etat Fontanet, sauf erreur. Si vous regardez les affiches des campagnes dans notre canton ou sur le plan national, c'était autrement plus brutal, plus tranchant, plus saignant que ce qu'on peut voir actuellement ! Je crois qu'il y a des modes et, vous savez, le meilleur censeur, c'est le peuple; ce sont les électrices et les électeurs.
Effectivement, en 2007, il y a eu cette votation, mais il y en a eu encore d'autres. Nos collègues viennent de le rappeler et prétendent que nous mentons. Bien sûr que les affiches mentent, dans leur simplification, comme par exemple quand le parti de mon préopinant nous annonçait qu'en quarante-cinq jours on mettrait fin aux incivilités et à l'insécurité ! (Commentaires.) Je pense que là aussi il y avait une attitude très optimiste ! (Commentaires.) Donc je crois qu'il faut relativiser. Les radicaux sont extrêmement attentifs à la liberté d'expression et à ses limites, mais, encore une fois, dans notre démocratie semi-directe, jusqu'à maintenant, à ma connaissance, nos citoyennes et citoyens n'ont jamais été trompés par ce genre d'affiches.
Nous vous proposons donc de rejeter cette résolution, qui est devenue d'ailleurs quasiment obsolète.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon (PDC). Pour les démocrates-chrétiens, cette résolution n'est pas du tout obsolète, même si les sujets dont il est question ne sont plus à l'affiche, si j'ose dire. Nous avons quand même la responsabilité de nous élever fermement là contre et de dénoncer systématiquement les atteintes à la dignité, tout simplement, l'atteinte aux personnes, la stigmatisation des communautés pour en faire des boucs émissaires. Car c'est tout simplement abject, Monsieur le président ! C'est tout simplement ignoble, et vous savez que le pire qui puisse arriver, c'est que ce soit banalisé.
Ce qui fait le lit de toutes les barbaries, c'est lorsqu'on ne s'étonne plus, lorsqu'on n'est plus indigné. C'est ce qu'il y a de pire ! C'est le pire qui pourrait nous arriver si nous ne sommes pas attentifs, si nous laissons faire, si nous ne sommes pas capables de distinguer ce qui relève de la pirouette politique de ce qui est de la stigmatisation barbare.
Ça, nous ne le laisserons pas faire et nous avons envie de continuer à nous indigner, Monsieur le président, parce que c'est ainsi qu'on continuera à préserver notre démocratie ! Donc, la banalisation, jamais ! L'indignation est un signe de bonne santé. Je vous remercie donc de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.
M. Stéphane Florey (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour l'UDC genevoise, cette résolution déposée en septembre 2007 est un pétard mouillé rédigé uniquement dans un but électoraliste. Le parti socialiste et leurs alliés de circonstance - quand il s'agit de décrier l'UDC, ils sont là, les moutons de Panurge du PDC ! - se sont empressés de s'engouffrer dans cette affaire. De quoi se sont-ils offusqués ? D'une affiche qui montrait un mouton noir faisant référence à celui qui refuse de s'intégrer ! Ah ! La belle affaire ! Tout d'un coup, ils se sont transformés en moutons enragés, et pour eux il y avait là un scandale; il fallait faire la peau à l'UDC et la tondre ! Est-ce un scandale d'employer une expression de la langue française tellement utilisée en Europe qu'elle trouve sa traduction avec la même signification dans toutes les langues ? D'où son utilisation pour cette campagne mettant en avant l'importance de l'intégration si l'on souhaite jouir pleinement des droits du pays qui nous accueille.
Mais revenons à nos moutons ! (Brouhaha. Exclamations.) Voilà deux partis qui prêchent à l'unisson pour la tolérance et pour le respect des idées, surtout quand ce sont les leurs ! Mais, Monsieur le président, où étaient-ils, ces courageux députés socialistes et PDC, grands moralisateurs, durant la campagne sur les rentes AI, lorsque leurs syndicats ont pris les portraits photographiques de nos conseillers fédéraux pour les transformer en estropiés dans des positions un peu ridicules ? Pas un mot ! C'est la liberté d'expression ! Où étaient-ils encore, ces mêmes grands moralisateurs, lorsqu'on a découvert que la principale association faisant campagne pour l'interdiction de la fumée dans les lieux publics utilisait les armoiries de la Ville de Genève sans l'autorisation de celle-ci, faisant croire aux citoyens que la Ville était partie prenante dans cette campagne d'affichage ? Pas un mot ! Les grands pontes du parti socialiste étaient probablement impliqués jusqu'au cou ! Il y a deux ans, durant la coupe de l'UEFA, n'avons-nous pas entendu un commentateur sportif utiliser le terme de mouton noir au sujet du comportement d'un joueur sur le terrain ? Pas un mot ! C'est beau le sport ! Pourquoi, quand l'UDC demande aux étrangers souhaitant résider dans notre pays de s'intégrer en apprenant l'une de nos quatre langues nationales et de participer à la vie de tous les jours en respectant nos coutumes, la gauche - PDC compris - crie-t-elle au scandale ? Pour finir, personne ne s'offusque d'acheter dans les grandes surfaces des boîtes de Kleenex avec - oh ! - un mouton noir caché sur l'une des faces de l'emballage, tout comme l'on peut trouver dans cet autre pays du fromage qu'est la Hollande de très belles cravates montrant également un mouton noir, cela sans que personne ne crie au scandale !
Je vous remercie et vous recommande de rejeter fermement cette résolution !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Deneys, à qui il reste trente secondes ainsi que les trois minutes dévolues au parti socialiste. Cela lui fait donc trois minutes trente.
M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, fondamentalement, il s'agit ici d'exprimer notre attachement à des campagnes qui ne stigmatisent pas des populations particulières avec des généralités agressives, racistes ou connotées de façon systématique contre telle ou telle population. Ça peut être contre les homosexuels, comme ça a été le cas dans une campagne; ça peut être contre les étrangers, comme ça a été le cas dans une autre campagne. Je pense que nous devons respecter les personnes qui pensent différemment de nous et éviter de désigner des boucs émissaires, simplement par souci du bon fonctionnement de notre démocratie.
Renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat, c'est aussi dire qu'aujourd'hui, il y a des normes légales, certes. Toutefois, les normes légales sont une chose et l'esprit dans lequel nous menons nos campagnes les uns et les autres en est une autre. Je ne tiens pas à dire que c'est le privilège seulement de certains partis, peut-être que les socialistes sont aussi en cause dans certains cas, même s'il ne me semble pas que les socialistes stigmatisent une population particulière, mais peu importe ! (Commentaires.) A mon avis, il s'agit de vraiment faire passer un message favorisant des campagnes électorales et de votations qui ne stigmatisent pas des populations qui sont minoritaires et qui pourraient ensuite être victimes d'actes violents, parce qu'elles sont désignées comme criminelles, dangereuses ou hors normes. Je pense qu'en démocratie, nous ne pouvons pas accepter ça.
Alors peut-être que le texte paraît hors de propos aujourd'hui, mais on sait très bien ce qui va se passer. Dès la prochaine campagne et à la première affiche de ce genre, on entendra les uns et les autres crier: «Mon dieu, c'est horrible !» Alors, soyez conséquents ! En réalité, nous devrions exprimer notre soutien à cette résolution, parce que c'est aussi un engagement que nous prenons les uns et les autres pour respecter les minorités, diverses et variées, qui composent heureusement notre démocratie. Je vous invite donc à renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, que dit cette résolution ? Cette résolution prend en compte deux ou trois choses et je serais surpris si l'ensemble de ce parlement ne devait pas considérer que la démocratie ne peut véritablement exister sans le respect de tous et de toutes, en particulier les minorités. On est à peu près tous d'accord sur ce sujet-là, quelle que soit la minorité dont on fait partie. Le devoir d'un parlement démocratique est d'affirmer son attachement profond au respect des règles morales et éthiques les plus élémentaires. Je ne connais pas grand monde qui va nous dire autre chose.
Je ne vais pas vous lire tous les considérants, mais on voit tout de suite que ceux-ci ont fait l'unanimité. C'est dans l'invite qu'est visiblement le grand scandale. Pourtant, il n'y a pas d'interdiction, pas de censure ! Cette proposition de résolution «invite le Conseil d'Etat à relayer avec conviction auprès de nos concitoyennes et concitoyens, des médias et des autorités fédérales la résolution suivante du Grand Conseil: Le Grand Conseil genevois dénonce sans équivoque l'actuelle campagne d'affichage UDC incitant à la haine raciale et pouvant porter atteinte à la paix publique.» Ça fait partie de nos normes pénales ! On a les termes «incitant à la haine raciale» et «dénonce». Par ailleurs, il s'agit d'une proposition de résolution, et vous connaissez le pouvoir contraignant de ce type d'objet... Je suis donc surpris que ce parlement puisse être contre ces affirmations, et aujourd'hui je vous demanderai simplement d'accepter avec nous cette résolution !
M. Eric Stauffer (MCG). La liberté d'expression, ça vous dit quelque chose ? Liberté d'expression ! Vous de la gauche et vous de la droite - parce qu'en fin de compte les Verts sont à droite... (Rires.) La liberté d'expression, c'est dans la constitution ! Il y a une liberté d'expression. Ensuite, Monsieur Barrillier, vous avez raison, le meilleur censeur, c'est le peuple. Rappelez-le-moi, vous avez combien de députés chez les radicaux ? (Commentaires.) Eh bien voilà, le meilleur censeur - le peuple - s'est exprimé !
Vous voulez en réalité faire de la censure, Mesdames et Messieurs. C'est comme quand le MCG dépose une résolution contre les criminels qui viennent d'Annemasse et qu'on les traite de racaille. Eh bien, le Grand Conseil nous censure. C'est ça, le début d'une dictature, ce n'est plus de la démocratie.
Liberté d'expression: le peuple est assez grand pour choisir, c'est tout ce que j'ai à dire ! Cette résolution doit être rejetée, parce que sinon c'est bien la démonstration que vous ne voulez pas que certains groupes s'expriment.
M. Jean-Michel Gros (L). C'est la prise de parole de M. Bavarel qui m'incite à ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Weiss, notamment. Je vous demande de cesser de jouer les momiers offusqués, s'il vous plaît ! Laissons les opinions s'exprimer - dans les limites légales, vous l'avez souligné, mais laissons-les s'exprimer librement !
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean-Michel Gros. Parce que même si certaines pratiques provoquent des haut-le-coeur chez nous, elles reflètent ce que le parti en cause veut montrer et le citoyen est à même de se faire une opinion sur ce que le parti veut faire passer.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur cette proposition de résolution 542.
Mise aux voix, la proposition de résolution 542 est rejetée par 41 non contre 35 oui et 1 abstention.
Le président. Je remercie M. Tornare, député et conseiller administratif de la Ville, pour son petit cadeau. Vous l'avez tous reçu et je vous encourage à l'utiliser dès ce soir. (Commentaires.) Voilà, c'est une bonne nouvelle !
Débat
Le président. Nous passons maintenant au point fixe de cette soirée: la proposition de motion 1896. Je passe la parole à M. Gautier.
M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, parce que ce parlement est composé en très grande partie de gens responsables, et que les gens responsables ne sont pas lâches; parce que nous allons devoir traiter d'une proposition de motion dont le sujet défraie les médias tous les jours et dont nous ne connaissons pas encore l'issue; parce qu'il faut aussi parfois que ce parlement dise non au populisme et à ses avatars noirs, et parce que le respect et la sagesse le commandent, je demande le vote nominal sur l'article 94 de la loi portant règlement du Grand Conseil, intitulé «Huis clos», dont je vous lis la teneur: «1 Sur proposition d'un député, le Grand Conseil peut décider, à la majorité des deux tiers des députés présents, de siéger à huis clos pour délibérer sur un objet déterminé en raison d'un intérêt prépondérant. 2 Le huis clos oblige au secret toutes les personnes présentes dans la salle. 3 Tout député peut, au cours de la délibération, proposer que la discussion redevienne publique. Cette décision est prise à la majorité simple des députés présents. 4 La proposition de relever les personnes ayant assisté au débat de l'obligation de garder le secret ne peut intervenir qu'après la levée du huis clos.»
Le président. Merci, Monsieur le député, nous allons donc voter... (Commentaires.) Il n'y a pas de prise de parole, nous sommes en procédure de vote. (Protestations. Chahut.) Je vais vous faire voter la demande de huis clos. (Commentaires.) Il n'y a pas de débat ! Non ! Non ! (Commentaires de M. Eric Stauffer.) Vous vous taisez, Monsieur le député ! Il y a une demande de huis clos, nous allons donc voter sur cette demande.
Mise aux voix à l'appel nominal, cette proposition est adoptée par 72 oui contre 13 non et 1 abstention. (Commentaires de M. Eric Stauffer durant la procédure de vote.)
Le président. En conséquence, je demande aux personnes qui se trouvent à la tribune de bien vouloir la quitter, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros et la retransmission sur Léman Bleu. Les journalistes peuvent se rendre à la salle du sous-sol; ils seront rappelés plus tard, lorsque nous lèverons le huis clos. Je vous remercie donc de quitter la salle, nous reprendrons le débat par la suite.
La séance publique est levée à 22h28.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
La séance publique est reprise à 22h35.
Le président. Mesdames et Messieurs, l'actualité de ces derniers jours a été marquée par la crise entre la Suisse et la Libye et le retour au pays de notre compatriote Max Göldi. Genève ayant été fortement impliquée dans cette affaire et de nombreux communiqués ayant été publiés à ce sujet dans notre canton, une courte déclaration nous a paru nécessaire.
Tout d'abord, j'aimerais exprimer toute ma sympathie et toute la sympathie des élus de notre Grand Conseil à l'égard de MM. Hamdani et Göldi, qui ont été retenus pendant de nombreux mois en Libye. Je souhaite leur dire que, contrairement à ce qu'on a pu prétendre ici ou là, jamais les Genevois ni leurs élus au Grand Conseil ne se sont désolidarisés de leur cause. Jamais le sort de nos deux compatriotes ne nous a laissés indifférents.
De même, nombre de Genevois se sont préoccupés de la dégradation de nos relations avec la Libye et des liens d'amitié qui ont toujours prévalu entre nos deux pays. Ces liens ont toujours été très forts malgré les différences entre nos systèmes politiques. A nos yeux, les liens entre les personnes sont plus importants que les divergences politiques ou idéologiques. Et je rappelle que Genève a toujours été un lieu de séjour prisé par les citoyens libyens, qui visitaient notre canton par dizaines jusqu'à ces dernières années, et j'espère qu'elle pourra le redevenir un jour.
Pour ces raisons, j'aimerais ici remercier toutes les personnalités genevoises qui se sont engagées durant ces derniers mois, tant pour alléger la situation de nos deux compatriotes que pour rétablir le dialogue avec les autorités libyennes. Je sais qu'ils ont été nombreux à entreprendre des démarches, depuis le début, et y compris de la part de certains députés de notre Grand Conseil. Ces démarches, qui se sont déroulées parallèlement aux efforts diplomatiques, n'ont pas forcément abouti à des résultats concrets, mais elles ont été utiles dans la mesure où elles ont montré jusque dans les plus hautes sphères libyennes que Genève était consciente de ses responsabilités et active pour trouver une issue positive à la crise. (Brouhaha. Commentaires et protestations.)
Ces personnes ont travaillé dans la discrétion. Dans le climat de passion qui entoure ce sujet, elles ne souhaitent pas être citées publiquement. Je respecterai donc leur voeu mais tiens, au nom de notre Grand Conseil, à les en remercier publiquement et à les prier de poursuivre leurs efforts en vue de rétablir des relations normales avec ce pays. Je me contenterai donc de mentionner un seul nom, celui de M. Stéphane Valente, qui s'est mobilisé depuis le début pour qu'on n'oublie pas MM. Hamdani et Göldi.
J'aimerais enfin remercier les partis et les chefs de groupe qui, malgré des appréciations forcément divergentes sur les causes de cette affaire et la façon de traiter cet objet, ont accepté de prononcer le huis clos. En effet, dans l'attente des conclusions du tribunal arbitral qui doit se prononcer sur les responsabilités des uns et des autres, il convient d'oeuvrer avec un esprit constructif et d'apaisement, quels que soient nos avis sur le fond de cette affaire. Merci de votre attention.
La proposition de motion 1896 est rejetée.
Le président. Je lève la séance et vous souhaite une excellente soirée. (Applaudissements et sifflets.)
La séance est levée à 22h55.