République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1947
Proposition de motion de MM. Gabriel Barrillier, David Amsler, Christophe Aumeunier, Jacques Béné, Serge Dal Busco, Fabiano Forte, Serge Hiltpold, Jacques Jeannerat, Alain Meylan, Daniel Zaugg : Chantiers publics : prime aux matériaux recyclés

Débat

M. Gabriel Barrillier (R). Monsieur le président, chers collègues, les hasards de l'ordre du jour et du calendrier font que cette proposition de motion - qui paraît de prime abord très terre-à-terre - se trouve insérée entre différents sujets qui nous ont occupés avec passion ce soir.

Très brièvement, si nous avons déposé cette motion, c'est parce que, dans cet hémicycle, comme dans d'autres parlements communaux, nous parlons de l'Agenda 21 depuis des années. L'Agenda 21, c'est la promotion du développement durable, qui prévoit toute une série de mesures pour protéger l'avenir des générations futures. Or, à la commission des travaux, lors des discussions sur les crédits de construction concernant des dépenses importantes, des travaux importants, nous nous sommes aperçus qu'on faisait finalement très peu la promotion des matériaux recyclés.

De plus, nous avons eu en plusieurs occasions la possibilité de constater que l'industrie de la construction avait fait d'énormes progrès dans l'utilisation et le recyclage des matériaux. C'est ainsi que la commission des travaux a visité des installations extrêmement performantes et, pas plus tard que vendredi passé, le prix du développement durable a été remis dans une installation active dans le recyclage. Mme la conseillère d'Etat était là, elle a délivré son message et a pu constater que ces entreprises faisaient leur maximum pour utiliser de tels matériaux.

Très modestement, cette motion qui, je le souhaite, retiendra l'attention et obtiendra l'appui d'une majorité de ce Grand Conseil, souhaiterait que les collectivités publiques - le canton donnant l'exemple - fassent de la promotion et privilégient le recyclage de ces matériaux, même si parfois ça peut coûter un peu plus cher. Je crois que nous donnerions là véritablement la preuve que nous nous battons, que nous agissons pour le développement durable et pour l'application réelle de l'Agenda 21, qui ne doit pas rester qu'un voeu pieux.

C'est la raison pour laquelle, chers collègues, je vous invite à appuyer sans aucune hésitation cette motion.

Une voix. Très bien !

Mme Jacqueline Roiz (Ve). Tout d'abord, je tiens à dire que nous saluons cette excellente proposition de motion. Je trouve qu'il y a effectivement beaucoup d'entreprises qui cherchent à réduire leur impact sur l'environnement. Certaines entreprises innovent et déposent des brevets. Désormais, des systèmes de recyclage permettent de produire du béton 100% recyclé et l'on parvient à d'excellents résultats. Par contre, ces entreprises ont parfois un peu de peine à revendre ces produits à leurs clients. Je trouve donc très important que nous donnions un élan à ces entreprises, d'autant plus qu'en termes de développement durable, on sait que les gisements ne sont pas infinis.

Plusieurs motions, toujours sur la même thématique, ont déjà été renvoyées au Conseil d'Etat, comme la motion 1875 qui portait sur la planification à long terme et une gestion transfrontalière des décharges pour matériaux de construction. Il y a eu aussi la motion 1712 proposant une politique de soumission et d'adjudication durable.

La proposition de motion 1947 donne aussi beaucoup d'importance à la notion d'appel d'offres. Il faut que les critères des appels d'offres soient clairs, il faut qu'on valorise le recyclage et que ce ne soit pas juste l'aspect économique qui permette à une entreprise d'obtenir un mandat.

Pour toutes ces raisons, et parce que cette thématique a déjà été abordée plusieurs fois, le groupe des Verts propose de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

M. Serge Dal Busco (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, dans le domaine de la construction, il y a assurément un potentiel considérable en matière de recyclage et de valorisation de ce que l'on qualifie encore trop souvent aujourd'hui de simples déchets.

L'utilisation de matériaux recyclés dans le domaine de la construction, par les entreprises mais également par les maîtres de l'ouvrage, de surcroît les maîtres d'ouvrages publics - comme l'Etat de Genève - est non seulement un acte citoyen, mais c'est aussi un acte qui peut s'avérer économiquement avantageux.

Il faut donc que l'Etat et son administration - même si l'on peut certes relever un certain nombre d'efforts fournis en la matière avec divers programmes - s'engagent encore davantage, s'engagent concrètement dans ce domaine. L'Etat peut le faire, comme cela vient d'être dit, de manière très concrète, par le biais des marchés publics, par le biais de critères précis, concrets et dûment pondérés pour mettre en exergue cet aspect-là, plutôt que les aspects purement pécuniaires.

Cela aura pour effet d'ancrer de manière très précise cette volonté d'allier à la fois l'économie et l'écologie, un principe auquel le parti démocrate-chrétien adhère évidemment pleinement. C'est donc avec un certain enthousiasme que nous vous invitons à soutenir sans réserve cette motion.

Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pour le groupe socialiste, il est toujours très réjouissant que des partis de l'Entente nous disent que le néo-libéralisme imposé par la globalisation de l'économie et en particulier par les AIMP - les accords intercantonaux sur les marchés publics - fasse souci, pose problème et suscite des questions !

Venons-en au contenu et au fond de la motion. Bien sûr, nous ne pouvons que l'accepter et dire que les invites sont intéressantes s'agissant des matériaux recyclés, du développement durable et des critères d'adjudication. Oui, si seulement nous pouvions aller de l'avant ! Je pense que c'est important ! On l'a déjà fait à plusieurs reprises, au niveau de la commission des travaux, comme l'a dit M. Barrillet pour les apprentissages, pour essayer effectivement d'avoir des critères d'adjudication...

Une voix. On dit M. Barrillier !

Mme Lydia Schneider Hausser. M. Barrillier ! Excusez-moi, Monsieur le député... Vous lui transmettrez, Monsieur le président !

Nous voterons donc cette motion, mais nous espérons que vous soutiendrez aussi la motion 1856, qui va également dans le sens du développement durable, de façon différente, à savoir que cette motion - qui se trouve au point 68 de notre ordre du jour - demande au Conseil d'Etat de tenir compte des conventions de l'OIT dans l'attribution des marchés publics. Là, tout le monde n'était pas si unanime et, pourtant, on est dans le champ du développement durable et du droit des personnes.

Le groupe socialiste acceptera donc cette motion, et nous espérons que nous nous retrouverons au point 68 de l'ordre du jour.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion invite à utiliser des matériaux recyclés ou valorisés et à encourager les entreprises favorisant le recyclage par des critères d'adjudication bien définis dans le cadre des AIMP. Enfin, la motion demande d'améliorer le recyclage et le tri sélectif des matériaux.

Le groupe UDC soutiendra cette motion qui est frappée au coin du bon sens et vous demande de l'accepter.

M. Serge Hiltpold (L). Mesdames et Messieurs les députés, les libéraux ne peuvent évidemment que souscrire à une telle motion puisqu'elle demande de soutenir la valorisation des matériaux recyclés dans le domaine de la construction, un programme développé en partenariat par le secteur privé et l'Etat dans le projet pilote ECOMAT-GE soutenu et défendu par M. Mark Muller ainsi que par M. Robert Cramer en son temps. Nous avons dans ce cas précis la possibilité de mettre en pratique ce programme innovant de recyclage issu de la bonne synergie entre les milieux de la construction et l'Etat.

La raréfaction des ressources locales de gravier est un fait. La fin de la concession d'exploitation des carrières du Salève est prévue pour les alentours de 2040, et il est temps de changer les mentalités dans l'acte de bâtir, en encourageant les maîtres d'ouvrages, les mandataires et les entrepreneurs à utiliser ces graves recyclées issues d'une filière genevoise et compétitive. C'est une démonstration d'efficacité, de responsabilité et d'écologie positive.

Pour information, il faut en moyenne suisse un chargement de camion par habitant pour construire des infrastructures, des bâtiments, des routes ou pour remblayer. Les ressources de sable et de gravier ne sont pas inépuisables, à l'instar du pétrole et du gaz, surtout dans la région genevoise. Il est dans la majeure partie des cas possible d'utiliser des graves recyclées pour ces types de travaux.

De même, nous avons à Genève de gros problèmes pour éliminer les déchets de chantier, notamment à cause du manque de terrains de décharge et de la limite de l'exploitation de ceux-ci. Peut-être la plage projetée au bord du lac permettra-t-elle de combler les évacuations de gravats du chantier du CEVA ?

Pour toutes ces bonnes raisons, les libéraux vous demandent de passer de la parole aux actes en soutenant cette motion simple mais constructive.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer.

M. Eric Stauffer (MCG). Combien de temps me reste-t-il, Monsieur le président ? Trois minutes ? Mais quelle bonté, cela vous honore, Monsieur le président !

Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG n'a pas pour vocation de combattre par idéologie les projets des autres partis. Nous allons donc soutenir cette motion, bien qu'elle soit un peu démagogique... (Rires. Exclamations.) Parce que, finalement, chers collègues, il appartiendrait aux entreprises d'avoir le civisme d'utiliser des matériaux recyclés. «Maman-Etat» ne devrait pas être là pour le leur rappeler. Ensuite, je ne peux pas m'empêcher d'ajouter que ces entreprises pourront utiliser dans ce but les travailleurs au noir que vous avez bien voulu leur accorder !

M. Gabriel Barrillier (R). Chers collègues, j'apprécie les témoignages d'appui à cette motion. J'aimerais quand même préciser que l'objectif principal, c'est d'économiser et de sauvegarder les gisements de gravier qui sont de plus en plus rares dans le canton.

S'agissant des entreprises, il y a fort longtemps qu'elles sont soumises à des conventions collectives de travail, et que les partenaires sociaux de la construction se sont dotés de contrôleurs paritaires de chantiers qui font que les travailleurs au noir n'existent pas dans nos métiers !

Mme Isabel Rochat, conseillère d'Etat. Je prends la parole pour m'associer à ce concert de louanges, et ce n'est pas par démagogie que je vous dis que c'est toujours un plaisir pour l'Etat de pouvoir, avec des entreprises privées, relever de tels défis. En effet, chaque année, les chantiers produisent deux millions de tonnes de déchets de chantier et de déchets d'excavation. Deux millions de tonnes, cela équivaut à 200 000 camions, c'est-à-dire Genève-Séville en droite ligne ! Il y a donc deux défis à relever, la raréfaction des ressources locales et surtout la possibilité de récupérer des déchets qui vont largement au-delà de la capacité de nos gravières naturelles.

Le programme ECOMAT-GE qui a été cité est vraiment un exemple de collaboration et de partenariat entre les entreprises et l'Etat. En tout cas, je suis déterminée à continuer dans cette ligne, voire à la renforcer.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Il n'y a pas eu de demande de renvoi en commission, nous allons donc voter sur cette proposition de motion.

Mise aux voix, la motion 1947 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui et 2 abstentions.

Motion 1947