République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1897
Proposition de motion de MM. Stéphane Florey, Antoine Bertschy, Eric Ischi, Philippe Guénat, Olivier Wasmer, Gilbert Catelain, Eric Bertinat pour lutter contre l'abus d'alcool sur le domaine public

Suite du débat

Le président. Nous allons maintenant poursuivre le traitement de la proposition de motion 1897. La parole est à M. Meylan.

M. Alain Meylan (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs... (Un instant s'écoule. Brouhaha.) ...parler d'une motion sur la consommation d'alcool après le repas... (Rires.) ...sera peut-être un peu difficile, compte tenu du monde qui a... (Rires. Exclamations. Applaudissements.) C'est toujours un peu difficile, mais bon... J'imagine que ceux qui sont absents sont justement ceux qui ne veulent peut-être pas écouter, et qu'ils ont de bonnes raisons pour cela.

Non, plus sérieusement, Monsieur le président, je pense que les premiers, ou en tout cas le premier considérant de cette motion - à savoir que les botellons sont organisés dans l'unique but de consommer de l'alcool - est à prendre tout à fait au sérieux. Dans les autres considérants, il y a quand même probablement quelques inexactitudes, pour ne pas dire plus.

S'agissant de l'invite, on ne peut évidemment pas la retenir et on ne pourra pas la suivre, dans la mesure où elle dépasse très certainement l'objectif des initiants et du groupe qui a déposé cette motion. Pour cette raison, le groupe libéral refusera cette motion, tout en disant et redisant que ce genre de manifestations, dont le seul but est d'ingurgiter de grandes quantités d'alcool, doit être banni. Pour le reste, je crois qu'il ne s'agit pas non plus de criminaliser ce genre de comportements, dans la mesure où il y a un nombre effectivement important de manifestations qui ont lieu sur le canton et qui participent à la vie sociale de la république. Je pense que, dans ce cadre-là, cette motion est excessive, et le groupe libéral la refusera.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Florey, à qui il reste une minute et quarante-trois secondes.

M. Stéphane Florey (UDC). Il me semblait que le groupe pouvait également s'exprimer trois minutes... (Commentaires.)

Le président. Le groupe a déjà parlé, donc il lui reste une minute et quarante-trois secondes !

Une voix. Quarante !

M. Stéphane Florey. Mais j'ai droit à deux fois trois minutes... (Commentaires.)

Le président. Vous pouvez vous exprimer une minute quarante-trois ! (Commentaires. Exclamations.)

M. Stéphane Florey. Oui, merci, Monsieur le président. Tout d'abord, je tiens à remercier au moins le groupe libéral d'avoir lu correctement cette motion et d'avoir compris son but qui est bien d'interdire les botellons. Car quand j'entends qu'on confond fête à Russin, foire aux vins et botellon - comme l'a suggéré le parti radical - je suis désolé, je trouve cela quand même un peu limite et j'estime que c'est vraiment un manque de respect pour les vignerons de ce canton.

Autre chose, quand j'entends dire que la Ville de Genève autorise les botellons justement parce que les organismes de prévention sont présents sur le terrain... Je suis désolé, mais il faut savoir ce qu'on veut faire: si l'on fait de la prévention pour interdire et pour ne pas inciter les gens à venir se saouler, ce n'est pas pour leur dire, parce que les organismes de prévention sont là: «Venez vous saouler !» Moi j'ai vraiment un peu de peine avec cela, parce qu'alors, la prochaine fois, mieux vaut ne plus subventionner ceux qui font de la prévention et employer l'argent public à autre chose. C'est pour cela que je vous invite quand même à renvoyer cette motion en commission, pour qu'il y ait vraiment un débat là-dessus.

Le président. Merci, Monsieur Florey. Vous avez raison: votre groupe peut avoir encore trois minutes de parole. Je passe le micro à M. Golay, à qui il reste deux minutes vingt.

M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. Comme l'a déjà dit mon collègue Guillaume Sauty, nous allons refuser cette motion pour diverses raisons dont beaucoup ont déjà été expliquées.

Il faut savoir que le SCom - et je pense que le président du département pourra l'expliquer - a mis en place une cellule préventive contre ces abus d'alcool, et notamment aussi les risques de bagarres, etc., lors de manifestations. Je le laisserai peut-être s'expliquer à ce sujet, puisque ça regroupe justement tous les acteurs qui anticipent ce genre de problèmes.

D'autre part, il faut savoir que la loi cantonale genevoise prévoit déjà des dispositions en la matière, notamment dans le règlement sur la surveillance des mineurs - le J 6 20.04, pour ceux qui veulent le consulter - qui interdit, à son article 2, aux mineurs de moins de 18 ans de s'enivrer. Même les parents sont passibles de sanctions, sous certaines conditions, si, par acte de négligence ou intentionnellement, ils ont laissé leurs enfants s'enivrer.

Puisqu'on parle des regroupements, il faudrait encore savoir si deux ou trois personnes en constituent déjà un. En effet, l'invite est claire: «à prendre toutes les mesures utiles en vue d'interdire tout regroupement dont le seul but est de s'enivrer sur la voie publique.» S'il y a trois individus, c'est déjà un regroupement de personnes, et s'il y a un regroupement, une loi - qui a été en tout cas promulguée et qui est issue des rangs libéraux - s'applique et prévoit qu'en cas de trouble à l'ordre public des mesures d'éloignement peuvent être prises. Je pense donc que nous avons suffisamment, en tout cas au niveau juridique, de moyens pour pouvoir intervenir, sans aboutir, disons, à des cas extrêmes.

Et je l'avais dit en commission: il vaut mieux prendre des mesures préventives mais sûres - comme les a déjà conçues notre conseiller d'Etat Unger dans le cadre d'actes préventifs avant les manifestations - plutôt que d'interdire une manifestation. Cela n'apporterait rien - comme l'a dit M. Tornare - et, au contraire, augmenterait certains risques.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Stauffer, à qui il reste...

Une voix. Rien du tout.

Le président. Rien du tout, donc voilà, désolé... (Rires.)

Une autre voix. Bravo Roger !

Le président. Je passe la parole à M. Florey qui, lui, a encore droit à trois minutes au nom de son groupe.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président, de rétablir un peu les choses, parce que vous m'avez troublé... C'est vrai que maintenant j'ai perdu un peu le fil...

Pour ceux qui ont lu correctement l'invite, l'une des mesures utiles en vue d'interdire, justement, tout regroupement, eh bien c'est tout simple, c'est que le Conseil d'Etat ne délivre tout bonnement plus d'autorisations pour ce genre de manifestations. Et le problème est ainsi simplement réglé.

Et puis... (Un instant s'écoule. Exclamations.) Non, eh bien, écoutez... (Exclamations.) Moi je ne peux que vous inviter à renvoyer cette motion en commission... (Exclamations. Le président agite la cloche.) ...pour qu'il y ait un vrai débat.

Et M. Hohl l'avait très bien dit au début de son intervention, le débat avait déjà eu lieu avec un projet de loi, certes, qui traitait du même sujet, mais que nous avions retiré puisque nous avions nous-mêmes reconnu qu'il était mal ciblé. Mais cette proposition de motion est très claire: elle cible uniquement tout regroupement du type botellon, et non pas - comme il l'avait laissé entendre - les foires aux vins, la fête à Russin, etc. De plus, un large consensus s'était dégagé en commission, tout le monde était d'accord pour dire - et ils l'ont dit - que la prévention, c'est vrai, ne fonctionne pas, et que cela pose un réel problème de santé publique. Renvoyez donc au moins ce texte en commission, pour qu'on puisse avoir un vrai débat à ce sujet !

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit sur cette motion. Elle est probablement excessive, parce que le périmètre de sa volonté est peu clair; elle est même excessive dans la mesure où, si le périmètre était réellement clair, elle ne touche que les botellons. Au-delà des idéologies qu'on peut avoir avant que le processus se passe - et dieu sait que nous avons eu des hésitations lorsque les choses se sont passées - on a vu que la manière dont la Ville de Genève a conduit l'expérience des botellons, sans enthousiasme, est positive. Ni le maire - qui était d'ailleurs présent en direct au téléjournal avec son chien pour montrer qu'en réalité il n'y avait pas de danger dans cette affaire-là - ni M. Maudet, ni personne n'avait le moindre enthousiasme à voir un groupe de jeunes prendre une «biture express». C'est un moyen vraiment misérable d'assouvir telle ou telle volonté dont le député Aubert pourrait probablement nous expliquer un certain nombre des fondements. Mais il n'en reste pas moins que l'expérience, telle qu'elle a été conduite - lorsque vous exigez des gens qu'ils désignent des responsables - est positive. Et on pourrait en prendre de la graine pour toutes sortes d'autres manifestations, parce que, je ne veux pas sortir de ce débat sur le botellons, mais dans le cadre de la manifestation contre l'OMC, si l'on avait pu identifier des responsables - et qu'ils soient responsables et pas des irresponsables désignés responsables ou l'inverse - on n'en serait pas là. Et il faut rendre hommage ici à la Ville de Genève qui a cadré de manière extrêmement structurée cette manifestation de botellons, qui s'est adjoint l'aide de mes services - non seulement celui de la prévention des maladies et de la promotion de la santé, mais également le service du commerce - qui agissent transversalement, ensemble, à des niveaux de prévention et de répression, avec des groupes qui se sensibilisent au fait qu'il ne faut pas opposer l'un et l'autre, mais que l'un et l'autre sont complémentaires. Curieusement, comme par miracle, il n'y a plus eu de botellons, et ce n'était pas qu'une question météorologique.

Alors, apprenons de ces expériences positives, sachant que nous pourrons les reproduire, mais que nous n'aurons vraisemblablement pas à le faire - c'est le meilleur moyen de cadrer ce type d'affaires.

Cette motion n'atteindra jamais son but parce que, comme on l'a dit, les expériences prohibitionnistes - qui rappellent d'autres époques et d'autres pays - ont été faites: voulez-vous aller en Suède, sur les bateaux qui quittent le port le samedi soir pour y rentrer le dimanche matin - et où les gens sont ivres morts - pour qu'on puisse dire qu'en Suède il n'y a pas d'alcoolisme ? Voulez-vous vous rapprocher de la prohibition des Etats-Unis ? Les gens vont tout simplement se tuer ailleurs, et ça n'est ni préventif pour les jeunes, ni curatif pour ceux qui comprennent que, lorsque l'on doit prendre ses responsabilités, ces processus disparaissent. Je vous propose donc de rejeter cette motion.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé, sur laquelle nous allons maintenant voter.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1897 à la commission de la santé est rejeté par 69 non contre 7 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 1897 est rejetée par 72 non contre 6 oui et 1 abstention. (Exclamations à l'annonce du résultat.)