République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1849
Proposition de motion de Mme Sandra Borgeaud pour la facilité de faire du gymkhana à Genève dans le but de la prévention routière

Débat

Le président. Nous sommes maintenant au point 29 de notre ordre du jour, et nous traitons la proposition de motion 1849 de Mme Sandra Borgeaud. Nous sommes toujours en catégorie II: trois minutes par groupe.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Voilà encore une motion qui va faire l'objet d'un classement vertical, parce que c'est comme ça que ça se passe dans ce parlement... Tout cela pour vous dire que j'ai eu la chance de participer à un gymkhana avec un gendarme qui m'a expliqué à quel point ça compte pour lui de pouvoir instruire et former les jeunes, et le plaisir qu'il en tire avec l'équipe de bénévoles qui le suit dans les deux ou trois gymkhanas qui ont lieu à Genève. D'ailleurs, il y en a un qui doit avoir lieu fin août dans notre canton. On en a discuté pendant longtemps, et notre idée, c'est de se dire que, lorsqu'on voit des jeunes qui s'amusent à avoir exactement la même attitude sur la route qu'en gymkhana et qui mettent en danger la vie de tout le monde ainsi que la leur, il serait préférable qu'ils aillent s'entraîner sur certains terrains. Mais à Genève, pour pouvoir obtenir une autorisation afin d'avoir certains terrains où l'on peut pratiquer le gymkhana, c'est vraiment drastique: il faut passer de longues heures à discuter pour réussir à avoir un terrain. Pourtant, on en voit certains qui sont laissés pour compte et sur lesquels il ne se passe jamais rien, et l'on se dit qu'on pourrait tout à fait les utiliser.

Ce qu'on demande, ce n'est pas d'avoir forcément un terrain fixe, toujours au même endroit, mais que si des terrains doivent être laissés vides pendant deux ou trois ans, on puisse les utiliser pour faire ce genre de manifestations, qui se déroulent en plus dans la générosité et la bonne humeur. J'ai pu constater que toutes les personnes, bénévoles en tout cas, qui sont venues ont eu énormément de plaisir à partager ces moments et à pouvoir discuter. Il y a des jeunes qui comprennent effectivement comment on roule sur la route, il y en a qui arrivent à se rendre compte que maîtriser un véhicule, ce n'est pas seulement avoir un volant dans les mains et trois pédales aux pieds: il faut savoir comment une voiture réagit. Ils ont tous été enchantés de pouvoir le faire et, évidemment, les mêmes mots reviennent toujours: «Dommage, il n'y en a pas assez !» Ce serait justement un lieu où l'on pourrait se défouler sans mettre la vie de qui que ce soit en danger, et qui plus est un lieu autorisé et bien sûr surveillé. Il y a des ambulances qui sont là, prêtes à intervenir, des médecins, des infirmières, la PC; il y a des gendarmes qui s'investissent dans ce genre de manifestations. Et évidemment, pour le public, il y a toujours des buvettes et plein de choses, et lorsqu'il fait beau, c'est un moment assez sympathique à passer.

Cette proposition de motion tend donc simplement à demander que l'on puisse se pencher sur la question, pour pouvoir se dire que d'offrir un terrain à des jeunes où ils puissent s'amuser, faire leurs expériences sous surveillance, apprendre à rouler correctement et à maîtriser un véhicule, c'est toujours plus intelligent que de les laisser le faire sur une route où il y a beaucoup de circulation, des gens qui traversent et tout ce qui s'ensuit. Voilà, cette motion est simplement destinée à attirer l'attention. Je n'ai nul doute sur l'issue qu'elle va connaître puisque - comme je l'ai déjà dit auparavant - c'est à la tête du client qu'on choisit les motions, et certainement pas en fonction des textes et des intérêts qu'ils pourraient susciter.

Le président. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Bertschy. (Exclamations.)

M. Antoine Bertschy (UDC). Monsieur le président, je vous remercie. (Exclamations.)

Des voix. Le point 41 !

M. Antoine Bertschy. Encore une charmante motion de notre collègue que nous allons regretter, qui a un corps... pardon, un coeur gros comme ça ! Oui, ça part encore une fois d'un bon sentiment, mais je voudrais juste rappeler à notre collègue qu'il existe déjà à Genève un endroit pour apprendre à conduire et à rouler. Ça existe, c'est le TCS qui le gère; il est à cheval, sauf erreur, sur les communes de Vernier et de Meyrin, mais mon collègue Ducrot n'est pas là pour confirmer qu'il y en a une partie sur la commune de Meyrin. Donc cela existe, et je trouve un peu dommage de rédiger une proposition de motion alors qu'un endroit de ce genre existe déjà. Néanmoins, je pense qu'il y a quelque chose de plus grand derrière: peut-être que notre collègue veut un circuit de Formule 1... (Remarque.) ...pour pouvoir circuler vraiment, pour que les jeunes puissent réellement apprendre à conduire sur un grand circuit. Etant un grand amateur de Formule 1, je m'abstiendrai sur cette motion, mais je pense que mon parti votera non.

Une voix. Le point 41 !

Mme Christiane Favre (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'idée de donner de l'assurance aux jeunes conducteurs sur un parcours de gymkhana est assez intéressante. Mais cette motion est loin d'être claire, malgré les explications qu'on vient d'avoir. Personnellement, j'ai beaucoup de questions à poser. Est-ce qu'il s'agit d'organiser des courses de gymkhana ? Si c'est le cas, je ne comprends pas pourquoi il est nécessaire que l'Etat intervienne. En effet, ces gymkhanas existent, il y en a très exactement trois dans le canton chaque année, et les jeunes conducteurs y sont admis aussi bien que les autres.

Est-ce qu'il s'agit d'aménager plusieurs fois par an un terrain agricole où les jeunes conducteurs pourront, comme l'a dit ma collègue, «se défouler» au slalom en toute sécurité ? On nous dit qu'ils seraient encadrés par des policiers bénévoles, c'est très bien, mais pour organiser ces journées, il faudra trouver des bénévoles vraiment très engagés. Assurer l'accueil, l'intendance, la préparation des voitures, c'est déjà un gros travail, mais préparer un terrain de gymkhana, le sécuriser, le remettre ensuite en état, c'est tout simplement énorme; s'il pleut, cela prend des allures dantesques. Si les volontaires qui gèrent les courses de gymkhana n'en organisent qu'une seule par année, ils savent très exactement pourquoi.

Ou alors, est-ce qu'il est question d'installer, par cette motion, un parcours permanent que l'on pourrait utiliser de sept en quatorze ? Ça n'enlèvera absolument rien aux problèmes d'intendance et d'entretien, et il y a un gros problème de sécurité qui m'inquiète. Que se passera-t-il sur ce parcours le reste du temps, quand ce terrain sera éventuellement creusé, inondé, glissant ? Qui veillera à ce qu'il ne soit pas utilisé par les amateurs de rodéos hors de la surveillance de la police, hors de toute sécurité ? Si l'Etat prend ce type d'engagement, alors il devra y mettre le prix, et ça n'est pas trois fois rien comme il est indiqué ou comme on peut le supposer en lisant cette motion: c'est le prix d'un vrai circuit avec fermeture sécurisée. Mais peut-être est-ce là ce que demande cette motion: un terrain asphalté tel qu'on en utilise - comme l'a dit mon collègue - pour les cours du TCS; et dans ce cas, cela existe aussi.

Alors voilà, dans l'attente que l'auteur clarifie ses intentions, nous refuserons cette motion. Mais alors, chers collègues, dans l'intervalle, si vous tenez à perfectionner votre aptitude à contourner des obstacles avec une lenteur garantie, je vous suggère de profiter de toutes les routes du canton qui se trouvent sur un chantier du tram: je crois que c'est le parcours de gymkhana le plus long et le plus cher du monde, donc nous pouvons en profiter. (Applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de la motion de Mme Borgeaud, je dois dire que nous nous sommes un peu interrogés. Il est vrai qu'on peut comprendre que certaines personnes, jeunes et moins jeunes, aient du plaisir à pratiquer le gymkhana. Comme Mme Favre vient de le dire, il y a un certain nombre de rendez-vous annuels déjà organisés dans ce type d'activité. Mais de là à avoir un lieu permanent où - si l'on comprend Mme Borgeaud - les gens pourraient venir librement s'adonner à ce sport, pour semble-t-il parfaire leurs qualités de conducteurs dans un but de prévention routière, en même temps que l'on préconise de financer des ambulances, au cas où malheureusement les choses se passeraient mal... Il nous semble quand même percevoir une certaine contradiction dans les objectifs de cette motion. Soit on vise la prévention routière, soit on sait que les choses vont mal se passer et l'on prévoit des ambulances. Enfin, ce n'est pas très clair, à la fois dans les objectifs et dans la forme. Il nous semble donc que cette motion doit être rejetée.

S'il s'avérait qu'une association ou qu'une fédération des adeptes du gymkhana cherche un lieu permanent à Genève pour pouvoir s'adonner régulièrement à ce genre d'activité, il faudrait à ce moment-là qu'il existe, or la motion n'en parle pas. Mais s'il s'agit de laisser librement des jeunes s'amuser - pour reprendre les termes de Mme Borgeaud - aux frais de la république, en prévoyant des ambulances au cas où ça se passe mal, cela ne semble pas tout à fait en rapport avec les objectifs de prévention routière. Cela dit, il existe déjà des lieux sur le canton - M. Bertschy l'a rappelé - où l'on peut parfaire ses talents de conducteur. Pour toutes ces raisons, nous refuserons cette motion.

M. Roberto Broggini (Ve). C'est avec beaucoup d'espérance, peut-être un peu naïve, que j'ai lu cette motion. Tout à l'heure, notre collègue parlait de la difficulté de contourner les chantiers du tram, et je lisais dans l'hebdomadaire local de cette semaine qu'effectivement être cycliste devenait carrément suicidaire sur les parcours du chantier du tram. Et c'est dans cet espoir fou, parce que j'ai pratiqué le gymkhana avec la police genevoise à l'âge de 13 ans, ce qui m'a amené jusqu'à Vienne, d'où je suis revenu avec l'équipe de Suisse comme vice-champion d'Europe d'éducation routière...

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Roberto Broggini. C'est vrai que la brigade d'éducation routière - elle le fait d'ailleurs toujours - sensibilise les jeunes aux dangers de la circulation, et lorsqu'on participe au concours annuel, on apprend à faire du gymkhana, mais à bicyclette. Et dans un espoir justement un peu naïf, je pensais que Mme Borgeaud allait nous faire cette proposition. Je constate qu'elle n'est plus là, et c'est dommage parce que je voulais lui signaler - comme d'autres préopinants l'ont dit - qu'il y a notamment le centre de formation du TCS du Plantin, qui a été évoqué tout à l'heure, et notre collègue Desbaillets va certainement prendre la parole pour dire qu'il organise chaque année le «Satigny Security Run»; et pour ceux qui veulent assouvir leur envie de ne plus voir de vélos, je crois - mais vous me le confirmerez, cher collègue - que vous occupez même la piste cyclable, ce qui empêche les randonneurs de se promener pendant cette journée... Mais j'en terminerai là, Monsieur le président, car la motionnaire n'est pas là, et je crois que nous allons bientôt pouvoir passer au vote.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Desbaillets, à qui il reste trente secondes.

M. René Desbaillets (L). Alors je vais aller vite ! Trente secondes... En tant qu'ancien champion genevois de voitures de tourisme, je vais aller vite pour dire que...

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. René Desbaillets. La proposition de motion de Sandra Borgeaud est bien gentille, mais elle tombe à faux, c'est-à-dire qu'il ne faut pas confondre sécurité routière et pratique automobile sur une route bitumée avec le fait de s'exercer et s'amuser sur des terrains en terre battue. Il faut donc faciliter la mise sur pied de ces gymkhanas, de ces slaloms, mais il y a assez de sociétés pour les organiser. Par contre, et je m'en ferai fort en commission des travaux lorsqu'on va voter le déplacement du service des automobiles et de la navigation, il faut absolument adjoindre à ce nouveau SAN une piste suffisamment longue pour que l'on puisse permettre aux auto-écoles genevoises de faire, selon la loi, le permis «deux phases»...

Le président. Il vous faut terminer, s'il vous plaît !

M. René Desbaillets. Quitte, le samedi et le dimanche, à utiliser cette piste pour faire de vrais slaloms automobiles en toute sécurité, mais sur des routes bitumées, parce que c'est là qu'on apprend à freiner ou à accélérer, ce n'est pas sur des champs en jachère. Merci, Monsieur le président. Il faut donc dire non à cette motion !

M. Olivier Sauty (MCG). Mon collègue m'a un peu coupé l'herbe sous le pied, parce que je voulais parler du permis à deux phases. Effectivement, à Genève, il n'existe pas de circuit digne de ce nom qui permette aux automobilistes de parfaire leur technique de conduite.

Je ne soutiendrai pas cette motion mais, encore une fois, je pense qu'elle part d'un bon sentiment et qu'elle contient une bonne idée. Si on l'élargit un peu et qu'on enlève le terme «gymkhana», on pourrait très bien imaginer et mettre à disposition un endroit permanent, asphalté ou non, que cela soit pour le TCS ou pas, de sorte à avoir à Genève un endroit où l'on puisse effectivement faire des cours de conduite ou de pilotage dignes de ce nom. Je suis moi-même un grand pilote... Heu, non, pardon, pas pilote, mais adepte de Formule 1 et de moto, et si un jour on me demandait si l'on a besoin à Genève d'un tel aménagement, je répondrais clairement oui, parce qu'aujourd'hui les jeunes qui passent leur permis à Genève sont obligés d'aller passer la deuxième phase de celui-ci en Suisse allemande, et je ne trouve pas cela tout à fait normal.

M. Roger Deneys (S). A défaut d'avoir évité les dérapages, ce débat a au moins évité les tête-à-queue, ce qui n'est déjà pas mal ! (Exclamations. Commentaires.) Les propos de M. Bertschy concernant les pilotes de Formule 1 me font réagir, dans la mesure où ces derniers sont un particulièrement mauvais exemple: ils sont simplement incapables de respecter une limitation de vitesse dans la circulation de tous les jours. Je pense donc que le pire exemple que l'on pourrait donner à tous les conducteurs genevois, c'est de leur dire d'imiter des individus qui ne savent même pas rouler à 50 km/heure. Il n'y a qu'à voir le nombre d'accidents qui sont dus à des pilotes de Formule 1 ! L'exemple était donc particulièrement mal choisi. Et pour le reste, avec ma casquette d'informaticien, je vous inciterais plutôt à envisager un simulateur, parce qu'on doit pouvoir faire des simulateurs absolument géniaux à un coût bien moindre, qui donnent toutes les sensations d'un conducteur de Formule 1; ça doit être génial !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, n'étant pas pilote de Formule 1 et n'ayant jamais fait aucun gymkhana, j'ai dû m'adresser aux spécialistes de l'administration pour leur demander quel était l'impact sur la sécurité de l'exercice du gymkhana. En effet, le but de la motion, c'est la prévention routière, ce n'est pas de créer un espace de jeu fort sympathique; pour cela, il y a des simulateurs, des circuits, il y a tout ce que l'on veut. S'agissant de la prévention routière, la réponse est absolument catégorique: les accidents de circulation ne sont pas dus à des lacunes techniques de la conduite, mais à la mauvaise appréciation de situations de circulation, au non-respect ou à l'inobservation des règles de circulation.

J'étais parti sans préjugé mais, visiblement, ce n'est pas par le gymkhana que l'on fait de la prévention routière. Par conséquent, je vous prie de bien vouloir rejeter cette proposition de motion.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons donc voter sur cette proposition de motion 1849.

Mise aux voix, la proposition de motion 1849 est rejetée par 51 non contre 1 oui et 3 abstentions.