République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 10459-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'aide aux entreprises (I 1 37)

Premier débat

M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi, que vous avez accepté de traiter maintenant en l'ayant renvoyé en commission hier à 17h, s'inscrit dans le cadre d'une série de mesures voulues par le Conseil d'Etat pour lutter contre les effets de la crise financière que nous connaissons actuellement. Le moyen choisi est l'utilisation de la Fondation d'aide aux entreprises, que nous avons créée à fin 2005, qui a commencé à fonctionner en 2006 et qui, à l'époque, avait fusionné divers dispositifs plus ou moins disparates et composites pour en faire une seule structure.

Alors comment est-ce que la Fondation va être utilisée pour contribuer à lutter contre les effets de la crise ? Premièrement, on va en augmenter les moyens, aussi bien par le biais des dépenses de fonctionnement que par le biais d'un investissement, à savoir une augmentation de capital de 10 millions. Deuxièmement, on va faire en sorte que la Fondation pratique encore davantage qu'aujourd'hui ce que l'on appelle le «coaching», c'est-à-dire l'accompagnement des entreprises. Troisièmement, il s'agira de permettre plus facilement à la Fondation de prendre des participations. Et quatrièmement, enfin, il s'agit de mettre en place un dispositif d'avance de liquidités, parce que, comme vous le savez, on se trouve aujourd'hui dans une situation où une entreprise peut être parfaitement saine, mais néanmoins éprouver de la difficulté à financer sa trésorerie. Il en résulte paradoxalement que des entreprises aux carnets de commandes tout à fait honorables peuvent être contraintes de déposer leur bilan, précisément parce qu'elles s'apprêtent à encaisser, peut-être à l'horizon de trois ou six mois, des créances, alors qu'elles ont, elles, des échéances, des obligations de paiement mensuelles, ne serait-ce que par exemple envers leurs employés.

C'est évidemment le point central de ce projet de loi, à savoir un nouveau type d'intervention, en quelque sorte, sur la palette des interventions de la FAE. C'est aussi, bien entendu, le point qui a le plus retenu l'attention de la commission, non pas dans la séance qu'elle a consacrée à ce projet de loi hier soir, puisque c'était une séance formelle pour voter le texte, mais pendant les différentes séances qu'elle a tenues au cours du mois, en préparant d'une certaine manière le traitement de ce projet avant même qu'il lui soit renvoyé. Pourquoi ce dispositif a-t-il fait débat ? Parce qu'il suscite effectivement un certain nombre de questions. Les banques, et en particulier la Banque cantonale de Genève, ayant de la difficulté à prêter comme on le voudrait aux entreprises, l'Etat doit-il se faire banquier pour autant ?

Le président. Monsieur le député, il vous faut terminer. Vous aurez à nouveau trois minutes dans une seconde intervention.

M. Olivier Jornot. Très bien, Monsieur le président. Un dispositif de ce type n'est-il pas de nature à entraîner des distorsions de concurrence entre les entreprises qui en bénéficient et celles qui n'en bénéficient pas ? La commission a souhaité adopter ce nouveau dispositif, mais en le réorientant pour en faire un dispositif temporaire, pendant la période de crise, avec une intervention limitée de l'Etat et avec une égalité de traitement aussi grande que possible, à savoir par le biais de la perception d'intérêts sur les avances de liquidités. En définitive, la commission a voté ce projet de loi à l'unanimité, et je vous recommande d'entrer en matière.

Mme Fabienne Gautier (L). J'aimerais simplement vous informer que, étant membre du Conseil de la Fondation d'aide aux entreprises, je m'abstiendrai de voter.

M. Jacques Jeannerat (R). Le groupe radical soutiendra ce projet de loi en période de difficultés économiques, telle que nous la traversons maintenant. On ne connaît ni la durée, ni la profondeur de cette crise, et il est important que l'Etat puisse, au travers d'un outil comme la Fondation, venir en aide à un certain nombre d'entreprises confrontées à des soucis.

En commission, le groupe radical a tout de même émis dans un commentaire quelques réserves, comme l'a déjà dit le rapporteur de majorité, notamment sur la notion de distorsion de concurrence. En effet, le groupe radical soutiendra ce projet de loi, mais souhaite que la Fondation fasse preuve de vigilance et étudie de façon très attentive tous ses projets. C'est pourquoi, dans ce projet de loi, on a prévu des moyens et des postes supplémentaires pour la Fondation. Ainsi, le groupe radical souhaite que les collaborateurs puissent effectuer leur travail convenablement et éviter de tomber dans un piège de distribution d'argent «à la tête du client».

S'agissant de l'avance de liquidités, le projet de loi initial ne prévoyait pas d'intérêts. Nous avons contesté cet élément et un amendement a été déposé en séance de commission, qui a obtenu une très large majorité et qui satisfait le groupe radical.

Je le disais au début de mon intervention, nous sommes dans une période de difficultés économiques, donc ce projet de loi doit venir comme un outil contre la crise économique. C'est pourquoi il prévoit un contrat de prestations qui ira jusqu'à la fin de l'année 2011. Ainsi, à ce moment-là, quand il s'agira de discuter, de négocier et d'adopter le prochain contrat, le parti radical souhaite que l'on puisse analyser ce qui se sera passé en 2009, puis en 2010 et en 2011. Le cas échéant, il sera alors peut-être temps - et j'espère comme beaucoup d'entre vous que, d'ici là, la crise sera derrière nous, on pourra du moins tirer bénéfice de la réflexion - donc, il sera alors peut-être temps d'éventuellement - éventuellement ! et j'utilise ces mots avec beaucoup de prudence - de réduire un peu la voilure.

En l'état, ce projet de loi est un outil utile au gouvernement pour aider les entreprises, et je vous recommande par conséquent de l'accepter.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Les Verts, ainsi que l'a souligné le rapporteur, sont, comme tous les partis dans ce plénum, favorables à ce projet de loi, car il permet aux entreprises en difficultés momentanées à cause de la crise économique de passer le cap. Il est important de souligner que, pour une fois, les partenaires sociaux, l'Union des associations patronales genevoises et la CGAS sont d'accord avec la proposition de ce projet de loi, ce qui a aussi facilité les travaux de la commission.

Pour les Verts, la crise économique que nous vivons était attendue depuis longtemps; la question était de savoir quand elle allait arriver et quelle réponse y donner. Il est évident que ce n'est pas seulement en Suisse et à Genève que nous pouvons répondre à cette question, cependant nous avons des responsabilités tant au niveau économique qu'environnemental, et l'économie c'est un peu comme la planète: elle est définie. Donc, il faudra bien partager le gâteau d'une façon ou d'une autre: ceux qui se sont beaucoup servis à un certain moment devront moins se servir, et ceux qui n'ont rien eu pourront tout de même obtenir des parts. La distribution de toutes ces... (Remarque.) Non, ils n'auront pas que des miettes, Monsieur le député ! Mais il faudra bien répartir le gâteau entre tout le monde, ce qui dépend de notre responsabilité, et les Verts y seront attentifs à l'avenir.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi, en tant que présidente de la commission de l'économie, de remercier les commissaires qui ont travaillé dans un état d'esprit absolument remarquable, éminemment constructif. Permettez-moi de remercier M. Jornot, qui a produit un magnifique travail et un excellent rapport, reflétant parfaitement l'état d'esprit de la commission. Nous avons pris très au sérieux cette proposition du conseiller d'Etat, et le parti démocrate-chrétien est extrêmement fier et heureux de pouvoir remercier M. Unger d'avoir présenté un projet de loi correspondant exactement aux besoins des entreprises.

Nous ne pouvons que nous féliciter de l'unanimité qui ressort des travaux de la commission et nous réjouir que cette même unanimité ressorte du vote de ce parlement pour que l'on transmette un message très clair aux entreprises, aux PME et PMI: «Tenez bon, nous sommes avec vous, et nous sommes parfaitement conscients de vos difficultés.» Donc, voilà pourquoi il y a enfin un projet de loi qui correspond à leurs attentes.

M. Claude Jeanneret (MCG). Chers collègues, cette loi fait l'unanimité, donc on a plaisir à en parler et on n'aura pas de débats contradictoires sur des points aussi importants. Elle fait l'unanimité parce que, il faut tout de même le rappeler, les PME-PMI représentent à Genève peut-être 40 000 emplois sur 250 000. C'est donc beaucoup d'emplois qui constituent une grande richesse de la place, une capacité professionnelle que l'on sauvegarde. On pense bien qu'une crise comme celle que l'on est en train de vivre ne va pas durer éternellement et, au moment de la reprise, il faudra bien que les gens soient en place afin de pouvoir en profiter.

Cette loi est très bien faite. Je ne crois pas, contrairement à ce que disait le rapporteur, qu'il y ait une discrimination entre les entreprises. Cette loi ne limite pas les entreprises ou le genre d'entreprises qui sollicitent cette aide, car toutes celles qui en ont besoin peuvent la demander. Donc, il n'y a pas de discrimination. La seule chose que l'on puisse dire, c'est qu'on les favorise légèrement sur les intérêts, mais la mesure est momentanée.

De plus, cette loi prévoit d'analyser ses effets d'ici deux ans. Elle n'est donc pas pérenne, elle a simplement pour objet de sauvegarder les intérêts de la république en préservant momentanément la capacité financière des entreprises.

J'aimerais profiter du fait que j'ai la parole pour demander au Conseil d'Etat qu'il prenne également garde à la facilité qu'ont les entreprises françaises à s'installer chez nous, c'est-à-dire en deux heures de démarches. Alors que pour nos entreprises, faire la même chose en France réclame trois jours sans résultats - à moins d'être extrêmement riche, mais ce n'est pas le cas des PME. Peut-être que dans le cadre des crédits qui seront alloués, on en aura qui permettront de se substituer aux cautions que la France nous demande, à certaines garanties qui permettent à ce pays de signer des accords sans pouvoir les respecter, en sachant pertinemment qu'en appliquant sa loi il discrimine la Suisse. En termes de contrat, on appelle cela du dol.

Pour conclure, le MCG sera bien sûr enchanté de voter à l'unanimité cette loi pour le bien-être de nos PME-PMI.

M. Daniel Zaugg (L). Mesdames et Messieurs les députés, mes préopinants ont déjà largement expliqué la nature de ce projet de loi, ainsi que les réticences que nous avons eues en commission, en tout cas en ce qui concerne les groupes libéral et radical, par rapport aux éventuelles distorsions de concurrence. Je n'y reviendrai donc pas davantage. (Brouhaha.)

Traditionnellement, nous autres libéraux ne croyons pas forcément que l'Etat soit un moteur de l'économie. Mais dans la crise qui nous touche, qui n'est pas de nature structurelle mais conjoncturelle, nos entreprises sont saines et l'Etat a un rôle à jouer dans cette situation. Il peut contribuer de diverses manières à la relance, notamment en allégeant les charges qui pèsent sur les entreprises ! En agissant sur la fiscalité ! Sur la lourdeur des procédures administratives ! En instaurant des mesures incitatives, comme dans le secteur de la construction avec le «Chèque 2009 énergie», en lançant évidemment des grands projets. L'Etat peut également mettre en place des mesures de soutien aux entreprises en manque de liquidités, et c'est dans cet esprit que s'inscrit ce projet de loi. (Brouhaha.)

Mais j'aimerais m'attacher à un point en particulier. Qui dit manque de liquidités dit retard de paiement. Or il existe un débiteur qui, à l'heure actuelle, a des délais contractuels de paiement de soixante jours. Ce débiteur, c'est l'Etat de Genève ! Aussi, j'aimerais tout de même souligner qu'une autre mesure conjoncturelle qui pourrait se révéler intéressante est de réduire ses délais de paiement. En effet, l'Etat nous a déjà dit à plusieurs reprises qu'il était capable de payer à vingt-deux jours; pourquoi continuerait-il à établir des contrats avec des délais de paiement de soixante jours ?

La deuxième réflexion que j'aimerais soumettre au département et au conseiller d'Etat en charge, c'est qu'il ne faudrait pas que cette mesure exceptionnelle - liée à la conjoncture - de soutien aux entreprises au travers de la FAE serve finalement à ce que l'Etat s'endette pour aider celles qui souffrent des retards de paiement de ce même Etat.

En dehors de cela, bien entendu que le groupe libéral appuiera ce projet tel qu'il a été amendé et qu'il est ressorti de la commission. (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Ce projet de loi est une réponse à la motion 1870 du groupe démocrate-chrétien, qui demandait deux choses par rapport à cette crise: soutenir la Fondation d'aide aux entreprises et impliquer la Banque cantonale de Genève, l'obliger à devoir prêter sans forcément tenir compte des risques qui auraient prétérité la cotation de cette banque. En commission, le débat que nous avons eu à ce sujet a permis de clarifier les choses et, finalement, de renoncer à impliquer la Banque cantonale seule dans cette situation. En effet, contrairement à ce qui figurait dans l'exposé des motifs de la motion 1870, les banques à Genève ne refusent pas de prêter aux entreprises, cela nous a été confirmé. L'ensemble des banques, notamment celles qui disposent de pas mal de liquidités, ont plutôt des raisons suffisantes de prêter, et c'était assez de se limiter à soutenir la Fondation d'aide aux entreprises pour qu'elle puisse, de manière supplétive, aider les PME.

Ce projet de loi, très légèrement amendé, convient à l'ensemble de la commission et des partis. Il va permettre à cette fondation de jouer ce rôle supplétif sans forcément peindre le diable sur la muraille concernant les banques, qui jouent leur rôle. D'une certaine façon, d'ailleurs, la Fondation d'aide aux entreprises et les banques collaborent. Il est urgent de voter ce projet de loi aujourd'hui, parce que les besoins sont immédiats. On espère surtout que ces derniers ne vont pas perdurer au-delà de 2011 et que nous aurons retrouvé une conjoncture économique favorable.

Nous devrons apprendre de cette crise, notamment de cette crise de liquidités. Il est facile de dire que l'Etat est un mauvais payeur, qu'il paie à soixante jours, pourtant je trouve que s'il le fait à soixante jours, c'est déjà pas mal. Car il y a un autre débiteur, qui s'appelle Confédération; là, si vous arrivez à vous faire payer une facture à moins de nonante ou cent vingt jours, vous êtes excellents ! Tous les mois, les Services industriels de Genève n'arrivent pas à se faire payer les factures, ils doivent attendre la mise en demeure pour cela, car le système de contrôle de facturation est composé de quatre couches et cela monte jusqu'au département des finances.

De cette crise, nous pouvons apprendre que nous devons peut-être permettre aux entreprises de créer des réserves de liquidités défiscalisées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, et introduire dans la gestion un bon sens paysan, puisque les agriculteurs, vous le savez, n'ont pas l'assurance d'avoir de bonnes récoltes et doivent constituer des réserves en cas de grêle, de sécheresse ou d'inondation.

Ainsi, nous soutenons et voterons ce projet de loi. Et nous pensons qu'à l'avenir il faudrait imaginer encore d'autres réponses par rapport à ces problèmes de liquidités au sein de notre économie.

M. Roger Deneys (S). Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes soutiendront ce projet de loi sans hésitation. Nous pensons qu'en période de crise tous les instruments publics doivent être mis à contribution, en plus des instruments privés qui existent notamment du côté des banques, afin de faciliter la gestion des moments difficiles pour les petites entreprises.

Je tiens tout de même à être un peu moins optimiste - ou... grandiloquent, aurais-je presque envie de dire - que Mme von Arx, car je ne suis pas certain que ce montant de 10 millions mis à disposition de la Fondation ainsi que l'avance de trésorerie suffisent à faire passer les moments difficiles aux entreprises genevoises. En effet, le changement de conjoncture avec un retour à des jours meilleurs prend un certain temps. De plus, les questions de liquidités des entreprises ne sont pas forcément qu'un problème conjoncturel aujourd'hui; il y a aussi le temps de traitement des dossiers. D'ailleurs, il va certainement falloir choisir les entreprises que l'on va aider parce qu'on les estime viables; on n'en soutiendra pas d'autres - car on les estime moins viables, à tort ou à raison - pour ne pas prendre trop de risque. Ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que ce n'est pas seulement avec un projet de loi comme celui-ci que l'on va sauver toutes les entreprises genevoises. Cependant, il vient en plus de ce qui existe.

Concernant les crédits bancaires, j'aimerais tout de même vous dire ceci, Monsieur Catelain: certes, les banques, surtout la Banque cantonale, prétendent que les prêts bancaires sont accordés aux entreprises sans problème particulier... Sauf que l'on joue sur les mots, et on le sait très bien: les crédits bancaires sont accordés aux entreprises qui répondent à toutes les garanties habituelles de mise à disposition de liquidités ! Donc en gros, avec ceinture et bretelles, si vous avez 120% de garantie et une existence d'une certaine durée, on va vous prêter de l'argent; mais dès que vous êtes un peu en dehors de ces normes, c'est extrêmement difficile. Et si des entreprises sont très saines et existent depuis longtemps, cela ne veut pas dire que d'autres, qui le sont beaucoup moins, ne fournissent pas de travail et qu'il ne faut pas les aider ! (Brouhaha.) Pour moi, la Fondation d'aide aux entreprises sert à pallier les lacunes du système bancaire ou le manque de souci quant au soutien à l'économie, notamment aux petites entreprises et aux indépendants. Voilà pourquoi cette mesure vient en plus, et je pense qu'il faut l'encourager.

Les socialistes ont un bémol à mettre sur l'alinéa 2 de l'article 7A, qui vise à limiter dans le temps l'avance des trésoreries. On n'en fera pas un amendement, mais j'aimerais seulement expliquer pourquoi nous, socialistes, sommes perplexes quant à cette restriction temporelle. L'idée de limiter à une année l'avance des trésoreries ne correspond pas vraiment à quelque chose de réel, si ce n'est au souhait du législateur ou d'une majorité du Grand Conseil de dire: «Cette aide ne doit pas être fournie ad aeternam.»

Le président. Il faudra terminer, Monsieur le député !

M. Roger Deneys. Oui, Monsieur le président. Pour les socialistes, ce serait bien mieux de dire que la FAE dispose d'un instrument supplémentaire qui permet de prêter de l'argent aux entreprises, et quand elle n'a plus besoin de cet instrument, elle arrête de l'utiliser. Mais c'est la FAE qui le gère.

En conclusion, Mesdames et Messieurs les députés, les socialistes soutiennent ce projet de loi. J'invite encore tout le monde à bien lire le rapport de M. Jornot, qui est excellent et digne de Victor Hugo. Je l'en félicite !

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Je soutiendrai bien évidemment ce projet de loi, comme tout le monde, mais je me pose tout de même des questions. Peut-être que le Conseil d'Etat pourra y répondre.

J'aimerais tout d'abord savoir à qui l'on va s'adresser pour bénéficier de cet argent, et à quel taux. En effet, j'ai pu lire dans le rapport que l'on ne veut pas fixer le taux dans la loi. Mais cela me paraît tout de même important, car, si c'est pour se retrouver au même taux que dans une banque, ce n'est pas franchement utile. (Brouhaha.)

J'aimerais aussi savoir comment l'on va procéder quand une entreprise est considérée comme persona non grata auprès des banques parce qu'elle a, par le passé, été victime de vol, par exemple, et que, à cause de cela, elle a énormément de peine à se remettre financièrement. Cela donne lieu à un cercle vicieux: puisqu'elle ne peut pas honorer ses paiements, il y a des poursuites. Or, dans les banques, vous savez qu'on n'aime pas prêter de l'argent à des gens faisant l'objet de poursuites. Et une entreprise qui a malheureusement fait faillite une fois est quasiment interdite en matière bancaire. (Brouhaha.)

Qu'advient-il d'une entreprise qui a plus de 100 000 F de dettes et qui est créancière de plus d'un million, comme on peut l'imaginer pour une entreprise saine ? Comment, dans ce cas-là, va-t-on faire pour l'aider avec 80% ? Je comprends bien qu'une somme de 100 000 F ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, mais ce n'est pas forcément la panacée.

J'aimerais également savoir quel pouvoir a la Fondation de faire payer les débiteurs qui mettent plus de deux ans pour régler les factures des entrepreneurs; on sait que dans le secteur du bâtiment, pour la plupart des cas, c'est un problème récurrent, les architectes, ingénieurs et autres ont énormément de mal à payer les factures des entrepreneurs qui ont achevé les chantiers depuis bien longtemps. Quel pouvoir a cette Fondation de, éventuellement, relayer un appui ? En effet, c'est souvent là que le bât blesse: l'entreprise est saine, comme on l'a dit, mais quand elle a des centaines de milliers de francs de créances parce que les factures ne sont pas honorées, comment peut-on faire ? Si une entreprise met deux ans pour vous payer, vous comprendrez bien qu'en une année vous n'allez pas pouvoir régler la situation. Ainsi, vous allez lui prêter de l'argent pendant un an, mais elle ne va pas pouvoir vous rembourser. Dès lors, une entreprise qui ne peut pas s'adresser à une banque a-t-elle la possibilité, éventuellement ultérieurement, de refaire une demande si cela est nécessaire...

Le président. Il faudra terminer, Madame la députée.

Mme Sandra Borgeaud. ...ou envisagez-vous la fermeture de l'entreprise, qui compte peut-être une centaine d'employés ? Si le Conseil d'Etat peut répondre à toutes ces questions, cela me rassurerait, car je n'ai pas trouvé toutes les réponses dans ce projet de loi, Monsieur Catelain.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par remercier le rapporteur d'avoir pu, avec tant de célérité, rédiger un rapport entre le vote d'hier et une arrivée tardive en train tout à l'heure; si j'ai bien compris, les trains de Lucerne avaient une fois de plus un peu de retard. J'aimerais également remercier votre Bureau et vous-même, Monsieur le président, d'avoir accepté, non pas de faire une entorse, mais d'avoir mis le maximum de votre énergie pour que nous puissions, ce soir, voter ce projet de loi qu'un certain nombre de petites et moyennes entreprises ou industries attendent à Genève afin de pouvoir passer un cap, car c'est de cela qu'il s'agit. Enfin, j'aimerais bien sûr remercier votre Conseil - je le fais par anticipation - de voter très largement et peut-être unanimement ce projet.

Il convient de rappeler - j'essaierai d'être bref - la chronologie, de telle manière que l'on comprenne quel sens a ce projet de loi, qui a d'ailleurs été rebaptisé - le rapporteur ne l'a pas précisé - pour bien montrer à quoi il sert. Ce projet de loi se situe dans le contexte d'une crise financière majeure et initiale qui intervient dans un pays où il y a de la spéculation immobilière - tout cela prend la forme des subprimes et de leur terrible aventure - et dont les ménages, parallèlement, sont très endettés. Partant de cela, la crise financière fait que l'argent ne circule plus. Les banques ne font plus confiance à leurs clients; elles ne se font plus confiance entre elles; à l'intérieur même des banques, d'un secteur à l'autre, les gens ne se font plus confiance... Et c'est cet effet boule de neige qui précipite une crise financière mondiale en quelques semaines, pour ne pas dire quelques jours ! Puisque c'est tout de même au début du mois d'octobre de l'année dernière qu'un certain nombre d'établissements bancaires font faillite, brutalement, alors même que la veille ils étaient cotés par des organes de cotation, dont on peut d'ailleurs s'interroger de la performance - performance AA - juste avant la mort de Lehman Brothers, par exemple.

Tout cela a des conséquences sur l'économie réelle. Pourquoi ? Parce que l'économie réelle impose des flux d'argent entre les clients, les fournisseurs, les producteurs, les distributeurs et à nouveau les clients. Et c'est la paralysie de ces flux d'argent qui bloque maintenant l'économie. (Brouhaha.) La profondeur, la brutalité de cette crise est tout à fait particulière, en tout cas chez nous. La raison pour laquelle la Suisse est un peu moins touchée, pour le moment en tout cas, et Genève un peu moins que d'autres cantons - pour longtemps, on l'espère - c'est que notre économie est saine et que nous ne vivons pas la spéculation immobilière. Ces deux éléments sont cardinaux.

Alors de quoi s'agit-il ? Il s'agit de procéder au tarissement d'une hémorragie. Le malade saigne, il faut comprimer le point et sans doute l'opérer, mais il n'est pas en mauvais état. On n'est pas du tout dans la situation des années nonante, où nous cumulions crise financière, spéculation immobilière et économie paralysée par une certaine vétusté des outils de production et des modes d'innovation. (Brouhaha.) C'est la raison pour laquelle ces procédés vous sont proposés ce soir dans ce projet de loi: le renforcement du dispositif de cautionnement, l'allégement des conditions posées à la prise de participations - auparavant c'était 2/3-1/3 entre le privé et la Fondation, c'est maintenant 55%-45%, donc on incite les privés en montant un peu nos taux de participation - l'augmentation des moyens de coaching, notamment, et de traitement des dossiers de la Fondation, et enfin le nouveau système, le seul tout à fait nouveau système, que constitue l'avance des liquidités.

Je ne pourrai pas, Madame la députée, répondre à l'ensemble de vos questions. En revanche, elles peuvent être posées à la Fondation, qui est là pour cela. Elle a un Conseil de fondation, des organes directeurs, des employés, qui répondent au quotidien aux questions que vous vous posez et qui lui sont soumises. Elle a reçu un peu plus de deux cents demandes depuis que nous avons instauré la «hotline» ou «ligne chaude» - je ne sais pas comment vous voulez qu'on l'appelle - de la promotion économique, comme d'ailleurs mon collègue François Longchamp a mis en place une «hotline» pour les problèmes du maintien de l'emploi. Elle est aussi extrêmement «chaude»... Mais il ne faudrait pas en rire, parce que ce sont des éléments qui sont fondamentaux compte tenu de la vitesse et de la brutalité avec lesquelles les événements sont survenus.

Encore une fois, merci à la commission de ses travaux, que je qualifierai de «préalables», qui ont permis indiscutablement d'améliorer le projet en enlevant toute suspicion de distorsion de concurrence. Merci à la Fondation d'accepter de prendre ces charges supplémentaires, dans un moment où ce n'est pas la faillite du système bancaire, comme je l'ai entendu tout à l'heure, qui pose le vrai problème. Mais c'est ce problème de confiance, qui ne peut se rétablir qu'avec un certain nombre de signes que l'on donne.

Le premier signe, vous l'avez donné tout à l'heure, s'agissant de la crise, en votant la résolution émanant du parti radical et qui est devenue la résolution de tout le parlement, parce qu'elle avait été élargie. Le deuxième élément concret est l'adoption, maintenant, de ce projet de loi d'aide aux entreprises, avec des compétences nouvelles et des montants recalibrés. Et puis, vous aurez dans la soirée, avec des urgences, d'autres éléments que vous pourrez mettre en évidence, avec un dispositif de soutien notamment aux industries de construction, en particulier aux investissements en termes d'infrastructures, qui sont nécessaires pour Genève.

Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a confirmé mettre ce dispositif sur pied tout en s'engageant à une autre chose, qui devrait rassurer ceux qui ont émis quelques craintes: nous ne cautionnerons aucun projet s'il ne s'inscrit pas dans une perspective de durabilité. Notamment s'agissant de ce projet-là, il est prévu dans le contrat de prestations que l'Etat a conclu avec la Fondation d'aide aux entreprises que, dans le management, dans le coaching et la restructuration d'une entreprise, la dimension du développement durable soit une condition sine qua non à l'octroi de prêts. En effet, nous ne sommes pas là pour pallier une structure entrepreneuriale qui serait démodée ou moribonde. Nous sommes là, au contraire, pour lui permettre de survivre dans un moment où elle est plutôt tonique, avec la possibilité de s'adapter préalablement aux conditions qui lui seront nécessaires pour s'épanouir au sortir de la crise. Encore merci de réserver un bon accueil à ce projet.

Mis aux voix, le projet de loi 10459 est adopté en premier débat par 76 oui (unanimité des votants).

La loi 10459 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 10459 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 79 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'issue du vote.)

Loi 10459