République et canton de Genève

Grand Conseil

P 1606-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la pétition : Non à l'Opération Victoria
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Alain Charbonnier (S)

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: quatre minutes par groupe.

M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. C'est le 15 décembre 2006 que cette pétition intitulée «Non à l'opération Victoria» a été renvoyée à la commission de la santé. C'est également en décembre 2006 que le plan Victoria a été soumis au conseil d'administration des HUG. Cette pétition est donc contemporaine des décisions du conseil d'administration et ne se base pas sur ce qui s'est passé par la suite.

Parmi les trois éléments demandés par cette pétition se trouve premièrement le refus des mesures proposées par l'opération Victoria: «Pas de diminution d'effectifs !» Cependant, la majorité de la commission a pris acte du fait que les HUG et leur conseil d'administration devaient participer à une série de mesures visant à stabiliser, voire à diminuer les coûts, et elle est donc favorable à cette opération. Elle a pris note que, jusqu'en septembre 2007, 158,35 postes à plein temps ont été apparemment supprimés pour l'ensemble de cette opération, alors que les HUG comptent quelques milliers de collaborateurs.

En deuxième lieu, cette pétition demande le retrait immédiat des mesures imposées par la nouvelle gouvernance opérationnelle: «Pas de subordination des soins infirmiers et des PPS !» A ce sujet, il faut rappeler qu'il fut un temps où l'on avait au sein des HUG des hiérarchies parallèles - il y avait par exemple la hiérarchie médicale, la hiérarchie infirmière, etc. - et que cela ne posait aucun problème, sauf dans quelques cas de conflits où les actes médicaux devaient être approuvés par les infirmiers ou infirmières. Mais il nous paraît logique de penser que, lorsqu'il y a confrontation, ce sont les médecins qui doivent décider des actes médicaux. Par conséquent, de ce point de vue là, la majorité de la commission soutient cette mesure.

Troisièmement, cette pétition réclame le retrait de la facturation par pathologie. Or la majorité de la commission estime que de dire «Pas de mise en concurrence des services et des départements !» constitue une pensée complètement conservatrice, qui est exactement l'opposé de ce qu'on appelle la transparence. C'est comme si l'on disait: «Circulez, il n'y a rien à voir !» Concernant le diagnostic par pathologie, si vous avez une crise d'hémorroïdes à Saint-Gall, Genève, Lausanne ou Sion, il n'y a aucune raison de penser que le traitement de cette pathologie doit être d'un coût excessivement différent. En outre, il est rappelé dans le rapport que la facturation par pathologie est réclamée par la LAMal. Il est important de pouvoir, par transparence, évaluer les coûts et de se demander pourquoi ceux-ci sont supérieurs dans certains hôpitaux ou inférieurs dans d'autres.

Par conséquent, la majorité de la commission estime qu'il faut de la transparence et que la concurrence est absolument utile pour mettre en évidence les zones dysfonctionnelles. En conclusion, la majorité de la commission propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. M. le rapporteur de majorité l'a dit, cette pétition a été déposée au tout début du plan Victoria qui, je le rappelle, demande 30 millions d'économies annuelles, ainsi que la suppression d'une centaine de postes et d'une centaine de lits par année au sein des HUG. Si les pétitionnaires ont déposé cette pétition, ce n'est pas seulement parce qu'ils imaginaient que Victoria risquait d'être difficile à vivre, mais aussi parce que, à ce moment-là déjà, en 2006, nous étions face à une situation pas toujours évidente pour le personnel. Je citerai par exemple la psychiatrie, où le taux d'occupation est régulièrement supérieur au taux d'occupation maximal. On évoque souvent Champ-Dollon lorsqu'on parle de suroccupation, mais en psychiatrie c'est la même chose ! Des chambres à deux lits ont été transformées en chambres à trois lits, et ce n'est de loin pas idéal pour traiter des patients souffrant de pathologies de ce genre. Donc en 2006 déjà, nous étions face à un problème dans ces services, lorsque le plan Victoria a été présenté - en tout cas dans ses grandes lignes - y compris au conseil d'administration. C'était en effet un plan «participatif», on dégageait des grandes lignes, mais il n'y avait pas encore vraiment à cette époque, en 2006, de mesures décrites dans le plan. Je crois donc que les pétitionnaires, c'est-à-dire le personnel - car il y a quand même 2622 employés des HUG qui ont signé cette pétition ! - avaient senti la situation qui allait se présenter et qui était d'ailleurs déjà présente à ce moment-là.

Alors pourquoi ne veulent-ils pas de diminution d'effectifs ? Parce qu'en 2006 déjà, le personnel tournait à plein régime, et qu'ils craignaient d'aller au-devant de difficultés importantes suite à la diminution d'effectifs prévue clairement par Victoria.

S'agissant du retrait immédiat des mesures imposées par la nouvelle gouvernance opérationnelle: «Pas de subordination des soins infirmiers et des PPS !» - le rapporteur de majorité, M. Aubert, l'a signalé tout à l'heure - il y avait auparavant une séparation, et des médecins et des infirmières étaient représentés au comité de direction. Il est donc dommageable - et nous soutenons les pétitionnaires sur ce point - alors qu'il n'y avait des problèmes que dans de rares cas, d'avoir supprimé la façon de fonctionner d'alors, pour subordonner les soins infirmiers aux médecins; la hiérarchie est reconnue de la part des médecins qui prescrivent effectivement les soins, mais ce sont quand même les infirmières et infirmiers qui sont chargés de les exécuter. Il s'agit donc d'une forme de dénigrement - c'est du moins ainsi que le ressentent les infirmières et infirmiers. C'était par conséquent inutile dans le contexte de l'époque, qui était celui de l'introduction de ce plan.

Enfin, la troisième demande des pétitionnaires concerne le retrait de la facturation par pathologie. Evidemment, cela se fait à d'autres endroits, mais on est en droit de s'interroger et de constater aujourd'hui que cela pose aussi des problèmes. Cette disposition ne nous est pas imposée directement par la LAMal, même si cette loi y fait un peu allusion; c'est un choix qui a été fait par les HUG en 2006, alors qu'ils n'y étaient pas obligés à ce moment-là. Aujourd'hui, on s'aperçoit que s'il est pratique, en termes de benchmarking, de pouvoir comparer avec d'autres endroits et de réaliser peut-être des économies, cela devient plus délicat au niveau de la qualité des soins, et l'on se retrouve à demander à des patients de rentrer plus vite chez eux. Cette facturation par pathologie pose donc aussi des problèmes.

Aujourd'hui, le plan Victoria a quand même pour effet que des prestations ont été supprimées aux HUG. Je rappelle en vitesse des sujets qui vont nous concerner tout à l'heure: le service des paraplégiques à Beau-Séjour, la fécondation in vitro qui a été déplacée à Lausanne, le Petit-Beaulieu qui a dû fermer, différents problèmes de fermeture puis de réouverture d'unités à l'Hôpital de Loëx, ainsi que d'unités de soins palliatifs au CESCO, et le manque de transparence qui a été relevé au cours de ces trois dernières années concernant ce plan.

En conséquence, cette pétition a toujours lieu d'être; nous vous demandons de la soutenir et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Michel Forni (PDC). Derrière cette pétition qui a été signée, il est vrai, par plus de 2000 employés des milieux hospitaliers, derrière le secteur de la santé, qui est confronté à ces défis et à ces choix collectifs, il existe une ambiguïté, qui a débouché suite à une réforme. En effet, ce plan Victoria peut être considéré comme une sorte de réforme hospitalière, élément qui n'était pas intervenu à ce niveau-là depuis plus de vingt-cinq ans et qui s'inscrit également dans la réforme, telle qu'elle s'est faite, de certains grands monopoles de l'Etat et de certaines régies. Mais - et c'est un grand mais ! - Genève ne pouvait pas échapper à une réflexion prospective, parce que nous avons deux axes: l'un consiste à analyser ce qui va se passer, et l'autre à l'anticiper, face à l'évolution des structures sociales, économiques et sociétales. Car, dans un hôpital, les transformations existent, elles sont rapides, fondamentales, elles ont aussi des répercussions - comme on l'a dit - économiques, et il y a parfois également des conflits qui peuvent altérer des fonctionnements de société.

Plus de 2600 signataires, c'est un nombre important, mais chaque profession s'interroge sur son avenir. D'autre part, il convient de tenir compte des nouveaux besoins techniques et professionnels, et c'est aussi au monde de la santé de les définir. Et, surtout, il faut que Genève puisse se positionner, puisqu'il y a derrière ce programme Victoria et cette réforme une innovation des soins et de nouveaux progrès qui ne vont pas, je le rappelle, rester au niveau de quelques technologies, car nous arrivons à l'échelle des nanotechnologies.

Il y a en outre un problème de compétitivité qui, bien sûr, doit aussi peut-être différer de ce que certains appelaient dans la presse «les palmarès de l'excellence». Vous avez probablement tous lu cet hiver des enquêtes réalisées dans des grands périodiques suisses ou français, qui définissaient de nouveaux cadres fondés sur les concepts du savoir de la médecine, de préemption, de participation, etc. Mais cela, c'est pour les spécialistes; ce qui est intéressant, c'est qu'il y a quand même des caractéristiques paradoxales. Et, dans un sens, il est vrai qu'il existe une expansion des milieux hospitaliers, parce que cela répond à une demande et, nous l'avons dit tout à l'heure, cela se quantifie aussi par des frais.

Il faut le reconnaître, il y a eu une certaine suppression de postes mais, d'autre part, il y a aussi des engagements qui se font dans d'autres secteurs. Je crois que le grand péché de ce plan Victoria, c'était un manque d'information ainsi que de communication.

Mais revenons à ce qui a été fait et ce qui se fait actuellement. L'hôpital a donc opéré une véritable réforme. Et, si vous prenez le temps de regarder ce qui a été réalisé dans d'autres hôpitaux du même genre, vous verrez que malheureusement Genève est à la pointe du progrès et que la réforme accomplie nous permet maintenant d'arriver à un autre passage. Alors vous me direz: «Oui mais, attention, nous sommes en période de crise !» Lorsque le plan Victoria a été élaboré, ce n'était pas la crise, et l'on en revient toujours à la même chose: avant la crise, il ne faut pas accomplir de réformes, car elles vont amener la crise; pendant la crise, il ne faut pas en faire non plus, parce qu'après ce sera la crise, et puisqu'après il y a la crise, eh bien l'on va se reposer sur cette crise ! Le plan Victoria a heureusement été élaboré hors de cette crise, mais, comme je l'ai dit, il s'inscrit dans ce cadre de réformes.

Le débat qu'il nous faut avoir et l'analyse qu'il nous faut faire aujourd'hui, nous, politiques, doivent aller dans le sens d'une interrogation, parce que nous ne sommes pas des économistes ou des plaideurs en faveur de ce qui a été accompli par la commission de la santé - le député Aubert a du reste clairement pris note et décrit ce qui a été voté dans cette commission. Nous sommes interrogés parce que nous avons des enjeux individuels et collectifs à maintenir et que nous voulons également éviter - comme cela a été dit ou suggéré - qu'une dictature des fournisseurs s'installe dans les milieux hospitaliers, de même qu'une dictature des prescripteurs. C'est pour cela que nous devons maintenir une clarté dans notre débat !

Dans ce contexte, le PDC vous propose, après l'analyse qui a été faite, de déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil.

M. Régis de Battista (S). C'est un plaisir de prendre la parole dans cette enceinte. Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour la tenue des débats de ce matin. C'est un changement par rapport à ces longues soirées que vous connaissez !

Pour en revenir à cette pétition, le parti socialiste demande qu'elle soit directement renvoyée au Conseil d'Etat. En effet, lorsqu'on lance un débat sur le projet Victoria - qui demande des coupures de 30 millions par année - il faut bien sûr s'attendre à une discussion avec le personnel des HUG, surtout les médecins, etc. Et je pense que déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, c'est faire fi des 2622 personnes qui l'ont signée, ce qui serait vraiment dommage. J'estime que la majorité du Grand Conseil et du Conseil d'Etat qui, en quelque sorte, a accepté le projet Victoria, doit assumer le débat, et ce débat social doit se faire avec les personnes concernées, soit les infirmiers et les médecins. Ce n'est pas facile non plus pour l'administration de l'hôpital, et j'imagine qu'il y aura encore peut-être bien des discussions et des pétitions par la suite.

Il y a effectivement une crise qui est lancée au sein de cette institution suite à ces coupures de budget qui sont extrêmement importantes. Le seul moyen de limiter cette crise, c'est d'en discuter et d'essayer de comprendre surtout le personnel. En effet, le personnel, ce sont ceux qui se trouvent sur le terrain. Il faut absolument les écouter et les entendre. Et je crois que c'est le travail du Conseil d'Etat, en particulier de M. Unger - avec tout le respect que je lui dois - de suivre ce qui se passe.

Concernant les questions d'économie, on ne peut pas traiter un hôpital comme une PME. Un hôpital est une entreprise à caractère social, si l'on peut dire, et c'est vrai que de telles coupures de budget ne sont pas tolérables, elles ne sont pas possibles. Nous savons tous que chacun d'entre nous doit un jour aller à l'hôpital pour une raison de santé ou une autre. Pour ma part, j'ai eu la chance d'y séjourner pendant deux mois, il y a un peu plus d'une année, et pendant ce long séjour j'ai pu voir comment les infirmiers et infirmières étaient dépassés par le travail. La nuit, ce n'était pas facile pour les infirmiers et infirmières tout seuls, et je crois donc qu'il faut les entendre.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous prie de renvoyer cette pétition directement au Conseil d'Etat.

Mme Michèle Ducret (R). Nous comprenons bien les préoccupations du personnel des HUG. Nous savons qu'ils ont subi des pressions, qu'ils en subissent encore et que ce ne sera certainement pas terminé. En outre, nous comprenons bien la difficulté qu'il doit y avoir à travailler avec des pressions sur le budget et les horaires. Nous partageons donc totalement leurs préoccupations. Le problème, c'est qu'ils n'ont peut-être pas choisi le meilleur moyen pour faire entendre leur voix ! Ou alors, ils l'ont fait entendre correctement puisque nous avons maintenant ce texte devant nos yeux. Nous pensons donc pour notre part qu'ils se sont bien fait comprendre, le reste du travail sera à effectuer avec la direction. Et je crois qu'il y a aux HUG assez de personnes actives dans les domaines syndicaux pour qu'ils puissent s'entendre avec la direction.

Par conséquent, nous estimons qu'il est inutile de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et qu'il suffit de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. J'espère que M. le rapporteur de minorité l'expliquera aux pétitionnaires, puisqu'il a l'air très soucieux de les soutenir.

Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas refaire tout l'historique du plan Victoria, qui date d'il y a plusieurs années. Cette pétition a été déposée en réaction aux propositions et à la mise en place de ce plan, mais c'est maintenant chose faite et des adaptations sont réalisées. Il y a toujours des diminutions de personnel lorsque les besoins des patients le permettent, mais la réalité c'est qu'on a procédé à la réouverture de certaines unités, parce qu'il y avait trop de patients et trop de demandes, il faut aussi le dire. Alors qu'il existe une souplesse dans la gestion de l'ouverture des unités, oui, probablement, mais il faut aussi agir en respectant en premier lieu les patients et, en second lieu, le personnel.

Le problème, c'est qu'il y avait une culture d'entreprise propre à l'Hôpital cantonal, une culture d'entreprise propre à Loëx, une culture d'entreprise propre à Belle-Idée, bref, une culture d'entreprise propre à chaque établissement. Mais, en raison du regroupement de ces établissements et du fait que le personnel peut être placé dans une institution ou une autre, ces cultures d'entreprise tendent à disparaître. Or, qui dit culture d'entreprise dit également qualité des soins ! En effet, si vous écoutez les personnes concernées, c'est-à-dire les patients qui sortent de l'hôpital actuellement, vous verrez qu'il apparaît plusieurs problèmes dans la qualité des soins, parce que le personnel est surchargé, et c'est bien dommage. Et lorsque j'entends des collègues travaillant à l'hôpital qui disent: «Dans le fond, l'hôpital fonctionne bien, mais ce serait encore mieux s'il n'y avait pas les patients, parce que... voilà !», cela me fait extrêmement mal en tant qu'ancienne travailleuse à l'Hôpital cantonal, il y a fort longtemps. Il existe des façons de travailler et une qualité des soins qu'il est essentiel, à mon sens, de soutenir; le personnel trouve également qu'il est important de pouvoir le faire, mais s'il y a plus de pressions, c'est difficile. Cette pétition permet d'en discuter, raison pour laquelle je vous propose de la renvoyer au Conseil d'Etat, afin que l'on obtienne un rapport circonstancié.

M. Gilbert Catelain (UDC). En préambule, je tiens à préciser que je n'ai aucun lien d'intérêts ni avec l'hôpital, ni avec les milieux de la santé, ni avec le Forum Santé. En conséquence, je suis relativement libre pour m'exprimer sur cette pétition.

Victoria, c'est un projet d'organisation qui touche 12 000 collaborateurs, et qui est donc d'importance. Le vote de la commission sur cette pétition a été clair: 8 voix pour le dépôt sur le bureau du Grand Conseil contre 5 voix pour un renvoi au Conseil d'Etat. Cette pétition a été déposée le 15 décembre 2006, votée le 19 octobre 2007, et je crois qu'entre-temps le plan Victoria s'est mis en oeuvre; nous sommes donc en train de parler d'un processus qui arrive en voie de réalisation, ce qui, à mon avis, rend déjà la pétition caduque. Même le rapporteur de minorité a apporté peu d'appui à cet objet d'importance, puisqu'il n'y a consacré que six pages, sachant que, de toute manière, cette pétition entre dans le cadre d'un processus de changement. C'est le principe du quatre pièces: la première pièce de cet appartement, c'est le refus, mais il est tout à fait logique que, lorsqu'on introduit des changements, on passe par une phase de refus.

Tout à l'heure, nous avons voté sur des résolutions concernant les réserves, dont on disait que c'était un élément pour maintenir des primes maladie à un niveau acceptable, ou du moins proche de la réalité. Mais le plan Victoria n'est finalement rien d'autre qu'une adaptation de la structure et du fonctionnement de l'hôpital, visant aussi à maintenir des primes de la santé et un système de soins qui puissent être financés par les Genevois. Sachant que les HUG représentent 50% des coûts de la santé, rationaliser le fonctionnement de l'hôpital, c'est la mission du directeur de cet établissement, et c'est la base métier de tout manager. Ne rien faire serait suicidaire ! Regardez ce qui se passe actuellement dans un pays où il y a une caisse unique et la sécurité sociale: l'hôpital de Limoges court après les clients, parce qu'il n'est pas organisé de manière rationnelle. C'est la directrice de l'hôpital elle-même qui prend son bâton de pèlerin pour aller voir les médecins et qu'ils envoient des clients à l'hôpital, parce qu'elle subit la concurrence des cliniques privées, payées par la sécurité. Dans une clinique privée bien organisée, on fait une opération de la cataracte toutes les douze minutes.

Dans le cadre de la proposition de motion 1790, vous trouverez beaucoup d'informations. Il faut savoir certaines choses concernant cette mesure d'économies: on dit que l'on va économiser 30 millions, mais c'est faux ! C'est qu'on a un manque de financement de 30 ou de 24 millions, et que les coûts ont augmenté durant cette période. Or pourquoi ont-ils augmenté ? C'est notamment parce qu'il y a quelques années - comme vous pouvez le lire dans le rapport - la direction de l'hôpital et le cartel ont signé un accord qui, à terme, engendrait 200 millions de coûts de fonctionnement supplémentaires par année...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député !

M. Gilbert Catelain. ...et ces 200 millions de coûts nécessitent des mesures d'organisation pour être absorbés, puisqu'ils ne peuvent pas être financés par l'assurance-maladie exclusivement. Et l'une des mesures qui a été proposée, c'est notamment de réduire le pourcentage d'absentéisme: en réduisant d'1,8 point l'absentéisme, vous absorbez quasiment les mesures d'économies préconisées par le plan Victoria.

En résumé, Monsieur le président, nous avons deux choix: soit nous votons le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, ce qui signifie que nous donnons la possibilité aux Hôpitaux universitaires de Genève de relever le défi et que nous permettons l'application de l'accord salarial qui a été négocié entre les syndicats et les HUG, soit nous refusons ce dépôt et nous renvoyons cet objet au Conseil d'Etat, mais il faudra alors être très conséquent, car c'est la solution de l'immobilisme, et nous revenons donc également en arrière au niveau de cet accord salarial qui a été signé entre les partenaires sociaux.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Hirsch, à qui il reste quinze secondes !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Très brièvement, en tant qu'employée des HUG, de même que mon collègue radical M. Saudan, qui m'a demandé d'être son porte-parole, nous nous abstiendrons de voter.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons le privilège d'avoir à Genève un hôpital de qualité. Il faut le redire ici, parce que cela n'a pas toujours été le cas.

D'autre part, j'aurais souhaité que chacun d'entre vous puisse lire les journaux de ce jour... (Remarque.) ...à part M. Barrillier, qui n'a pas eu le temps ! En effet, l'un de ces journaux comporte un article très intéressant sur un hôpital anglais qui est dans un état de délabrement parfait, puisqu'il est comparé à certains hôpitaux du tiers-monde.

Je pense donc que le rôle de ce parlement consiste à soutenir les efforts qui sont réalisés à l'hôpital, de façon à garder la qualité des soins que nous avons, car on a entendu ici beaucoup de critiques mais peu de compliments sur notre hôpital, qui est en outre fort bien géré, et j'entendais ici le souligner.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous discutons au moins trois fois par année depuis trois ans du plan Victoria, pour dire que nous n'en parlons pas. Alors je ne sais pas ce que nous faisons lors de ces échanges ! D'ailleurs, des entretiens avec le parlement dans son ensemble trois fois par an, et avec la commission de la santé un peu plus souvent, me paraissent constituer des échanges normaux, et l'on ne peut donc pas dire que le parlement soit tenu à l'écart de ce qui se passe au niveau du plan Victoria. Pas plus d'ailleurs qu'on ne peut le dire s'agissant du personnel puisque, comme vous le savez, la loi actuelle prévoit trois représentants du personnel au conseil d'administration ainsi qu'un représentant du personnel dans chaque comité de gestion; et comme les décisions essentielles qui touchent la gouvernance de l'hôpital se prennent soit au niveau du conseil, soit dans les comités de gestion, on ne peut résolument pas dire que les structures mises en place ne permettent pas la concertation. Par ailleurs, et vous le savez bien, dans une maison de cette ampleur-là, il est indispensable d'avoir d'autres plates-formes d'échanges, notamment avec les organisations représentatives du personnel, que ce soient des médecins, des infirmiers et des infirmières, ou encore des aides-soignants. Tout cela est normal et a bien lieu.

Maintenant, il est vrai qu'au tout début de l'opération Victoria - et je l'ai reconnu à plusieurs reprises - la communication avait été un peu précipitée et n'était pas optimale. Nous avions donc décidé, avec M. Gruson, d'améliorer cette manière de faire, de façon à mieux associer le personnel à ce processus de changement qui était rendu indispensable tout simplement par l'accroissement des coûts hospitaliers, lesquels n'étaient plus gérables ni sur le plan des primes d'assurance-maladie, ni sur le plan des finances publiques. En effet, nous avons tout à l'heure trouvé une union sacrée pour parler des réserves et pour dire qu'un jour il faudrait aborder la question des coûts, alors lorsque nous le ferons, nous en parlerons à la lumière des budgets hospitaliers.

A ce propos, Monsieur de Battista, vous avez dit à deux reprises que les budgets hospitaliers avaient été rognés et réduits. Excusez-moi, mais si vous prenez les budgets des vingt dernières années, vous verrez que chaque année le budget de l'hôpital augmente ! On ne peut donc pas simplement dire des choses fausses, en faisant croire au monde qu'elles sont vraies, lorsqu'elles sont définitivement fausses. Les 100 millions d'économies sont 100 millions de mesures de rationalisation, qui ont permis de ne pas augmenter de 100 millions la dépense hospitalière. Mais, chaque année, le budget de l'hôpital augmente de 30 à 35 millions ! Il faut le savoir et l'on ne peut donc pas dire qu'il est amputé ou réduit.

J'aimerais maintenant revenir sur le premier argument du rapporteur de minorité, qui a dit qu'on avait décidé de faire des économies, qu'on avait par conséquent supprimé des postes et que, n'ayant plus de postes, on avait donc supprimé des lits. Tout cela est juste, mais, malheureusement, pas dans le bon ordre ! Je rappelle qu'au début des années 2000 des études avaient été réalisées sur les journées inappropriées d'hospitalisation. Vous conviendrez que, au-delà des coûts, avoir des journées inappropriées est embêtant pour les gens. En effet, ce n'est pas particulièrement drôle d'être à l'hôpital, et c'est en outre dangereux pour les patients, puisque chaque journée superflue passée à l'hôpital est une exposition inutile à ce fléau des infections nosocomiales, ces maladies que l'on attrape dans les hôpitaux. Or sachez qu'en médecine interne, dans les gros services de l'hôpital, il y avait 25% - oui, 25% ! - de journées inappropriées. Et l'on comptait plus de 40% de journées inappropriées sur les sites hébergeant de la gériatrie, et ce pour des motifs bien compréhensibles, qui étaient la pénurie d'EMS. Il ne s'agit donc pas de faire des procès ni aux gens qui occupaient les lits, ni à ceux qui auraient oublié de les vider. C'était peut-être dû à une planification qui était restée quiescente un peu trop longtemps pour que l'on puisse réorganiser le système de soins.

Devant autant de journées inappropriées, on a donc décidé qu'il fallait les diminuer; or le fait de les réduire a permis de diminuer les lits et, pensant qu'il n'était pas d'une utilité formidable de garder du personnel devant des lits vides, on a redistribué ce dernier là où il manquait, et on a laissé les départs naturels se faire. A ce propos, vous avez dit qu'il y avait eu 100 postes de moins par an; je ne vous contredis pas sur ce chiffre, mais il vaut la peine de préciser qu'il n'y a pas eu un seul licenciement et qu'il ne s'est agi que de départs naturels.

Cette histoire d'épouvante que vous essayez de montrer est en réalité d'une tout autre nature, et je conclurai en disant que cette opération était difficile, et cela pour tout le monde: pour les dirigeants, pour les gens qui travaillent sur le terrain, etc. Cela a également pu être parfois difficile pour les malades, parce que les allocations internes de personnel aux hôpitaux méritent un jour qu'on en parle. En effet, il y a quand même des structures historiquement relativement bien loties, pour d'autres structures historiquement mal loties, alors même que leur activité s'accroît, et les fameux APDRG auxquels vous faisiez référence, ce terme horrible qui désigne les facturations par diagnostic, groupe homogène de malades - bref, on voit à peu près de quoi l'on parle: des coûts par pathologie - je ne suis pas sûr qu'ils permettent de bien facturer, je suis d'accord avec vous ! En revanche, ils permettent fantastiquement bien d'identifier comment se fait l'allocation des ressources internes. Et je me réjouis que l'entraînement que les HUG ont voulu faire dès 2006 - sachant qu'à partir de 2010 ce serait obligatoire au niveau fédéral - leur permette d'adapter précisément l'allocation de ressources à l'intérieur de l'hôpital.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois réellement qu'il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, non pas qu'elle ne nous ait pas intéressés, non pas qu'on n'y ait pas travaillé, mais l'opération Victoria arrive à son terme à fin 2009; elle s'est réalisée, elle a connu des moments de grand succès, elle a rencontré un certain nombre de difficultés, mais tous ensemble nous faisons le maximum pour que nos hôpitaux gardent la qualité exceptionnelle qui est la leur et qui leur est reconnue, de même que le respect des malades et celui des collaborateurs, et qu'ils gardent surtout l'enveloppe budgétaire dans laquelle nous travaillons à l'intérieur de ce qui est finançable. En effet, la politique du pire à ce sujet, c'est de laisser aller et d'arriver à un jour où l'on doit rationner les soins, puisque l'on n'a pas fait l'effort de les rationaliser.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur la demande formulée dans le rapport de majorité, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1606 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 35 oui contre 21 non.