République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 10h20, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assiste à la séance: M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. David Hiler, président du Conseil d'Etat, François Longchamp, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Christophe Aumeunier, Caroline Bartl Winterhalter, Eric Bertinat, Maurice Clairet, Edouard Cuendet, René Desbaillets, Nathalie Fontanet, Pablo Garcia, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Pierre Losio, Claude Marcet, Yves Nidegger, Ariane Reverdin, Jean Rossiaud, Lydia Schneider Hausser, Louis Serex, Ivan Slatkine, René Stalder, Pierre Weiss et Daniel Zaugg, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

M 1866
Proposition de motion de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Alain Charbonnier, Anne Emery-Torracinta, Alain Etienne, Véronique Pürro, Françoise Schenk-Gottret, Lydia Schneider Hausser pour des mesures concrètes en faveur des proches aidants de personnes âgées ou en situation de handicap
M 1846
Proposition de motion de M. Thierry Cerutti : Valorisation de la prise en charge de nos aînés et personnes en situation de handicap par les membres de leur famille

Débat

Le président. Je vous rappelle que nous sommes en catégorie II: quatre minutes par groupe, auxquelles s'ajoutent trois minutes pour les auteurs des motions.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, avec le phénomène du vieillissement de la population, on relève de plus en plus l'importance des proches aidants - que l'on appelle aussi aidants naturels - en complémentarité des structures de soins. Cependant, malgré le temps consacré - en général à titre bénévole - par les proches aidants qui soutiennent soit un membre âgé de leur famille, soit une personne en situation de handicap, ces derniers ne bénéficient d'aucune reconnaissance formelle.

Je rappelle qu'en février dernier - c'est donc une question d'actualité - l'Assemblée nationale française a voté un projet de loi qui prévoit un congé indemnisé permettant d'accompagner un proche en fin de vie. Ce que je trouve intéressant, c'est que cette loi a été adoptée en faisant l'objet d'un consensus et n'a pas du tout donné lieu aux traditionnels clivages gauche-droite, tels qu'on peut les voir parfois. Pourtant, il est demandé que l'Etat s'investisse pour indemniser les personnes qui s'occupent d'un proche de leur famille.

Pour en revenir à Genève, le département de l'économie et de la santé a organisé il y a deux ans un grand symposium sur le sujet, et il en est ressorti un catalogue très impressionnant de mesures possibles à mettre en oeuvre. Je cite notamment l'ancien directeur général de la santé, M. Jean-Marc Guinchard, qui disait: «Il ne suffit plus de parler des besoins des aidants, il faut maintenant accueillir les propositions de solution, telles qu'énoncées en cette fin de symposium, afin de mettre en oeuvre les plus urgentes d'entre elles.» Or il y a bientôt deux ans que ce symposium a eu lieu, et l'on n'a encore rien vu venir ! Je pense donc qu'il serait important que des mesures concrètes soient maintenant mises en place afin de vraiment reconnaître ce statut des proches aidants.

La proposition de motion socialiste a été déposée après celle du MCG qui porte sur le même sujet, mais la nôtre est peut-être un peu plus concrète. Elle demande dans un premier temps que l'Etat ou les collectivités publiques reconnaissent ce statut des proches aidants en faisant un effort, par exemple en leur accordant des facilités par rapport aux congés, afin qu'ils ne soient pas prétérités par tout cet engagement qu'ils mettent au service de leur famille.

Parmi toutes les mesures qui ont été citées dans ce symposium, quelques-unes peuvent être étudiées assez rapidement, mais il conviendrait de discuter et de prioriser l'ensemble des autres mesures citées, et ce sera aussi le travail du département.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de renvoyer cette proposition de motion à la commission de la santé.

M. Thierry Cerutti (MCG). Comme l'indique l'intitulé de la proposition de motion 1846, il s'agit de valoriser la prise en charge de nos aînés et de personnes en situation de handicap par les membres de leur famille. Sachant que nous traversons une période difficile, notamment au point de vue économique et financier, il serait intéressant - et c'est précisément ce que demande cette proposition de motion - de revaloriser la prise en charge dans le cadre familial de nos aînés et des personnes handicapées. Nous avons aujourd'hui des structures telles que les EMS ou les crèches, lesquelles sont onéreuses et lourdes non seulement en termes de fonctionnement mais également au niveau du déficit humain, puisque l'on a de la peine à trouver des employés et employées compétents et qualifiés pour gérer ce genre de problématiques.

Pour nous, MCG, il faut revaloriser la notion de famille, raison pour laquelle nous avons déposé cette motion. En effet, je vous rappelle que, dans la conception méditerranéenne de la famille, les parents vont bien souvent vivre chez leurs enfants, ce qui leur permet en outre de s'occuper de leurs petits-enfants. Mais, pour ce faire, il faut que l'on apporte des moyens économiques, notamment en allégeant fiscalement les familles qui sont prêtes à entrer dans ce système de valorisation.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de soutenir cette proposition de motion et de la renvoyer à la commission fiscale.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est extrêmement important de parler de ceux qui s'occupent des personnes ayant besoin d'aide à domicile. Les Verts sont favorables à ce que nous soutenions très clairement les proches aidants de personnes handicapées ou âgées et à ce que ces aidants naturels soient reconnus. C'est pourquoi il est essentiel que cet objet soit discuté dans ce parlement. J'ajoute que nous avions du reste déposé en son temps un projet de loi sur le congé paternité.

A la commission de la santé, nous avons longuement parlé des personnes âgées ou en situation de handicap; nous savons que la loi actuelle sur l'aide à domicile ne suffit pas. Il faudrait - et nous en avons discuté en commission - des projets beaucoup plus concrets et que l'on étudie la manière dont on pourrait aider financièrement, ou peut-être d'une autre façon, les aidants naturels. Je vous propose donc de renvoyer ces deux propositions de motions à la commission de la santé, afin qu'elles soient éventuellement renvoyées par la suite à la commission de l'économie.

Mme Beatriz de Candolle (L). Voici deux propositions de motions qui partent d'un bon sentiment. En effet, qui d'entre nous ne voudrait pas valoriser la prise en charge de nos aînés et des personnes en situation de handicap par les membres de leur famille ? Qui d'entre nous refuserait des mesures concrètes en faveur des proches aidants de personnes âgées ou en situation de handicap ? Si les titres de ces deux motions sont humainement corrects, que dire de leurs invites ? Vous savez tous combien les libéraux en appellent à la responsabilité de chacun d'assumer entre autres ses proches, et combien nous trouvons plus humain - si c'est possible - de garder nos aînés à la maison et nos proches handicapés dans un cadre qui les rassure. Mais comment adhérer à des invites qui sont discriminatoires par rapport aux employés en dehors de la fonction publique ? Comment imaginer de verser un salaire à une personne qui s'occupe d'un parent ? Nous, libéraux, serions par exemple favorables à une incitation telle qu'un rabais d'impôt, raison pour laquelle nous vous invitons à renvoyer ces deux propositions de motions à la commission fiscale, afin que les objectifs puissent être atteints sans utopie et sans populisme.

M. Michel Forni (PDC). Comme cela a été dit, nous sommes face à deux propositions de motions qui concernent les aidants naturels et qui nous rapprochent du handicap, des fins de vie, mais aussi des détresses de nos proches. L'une insiste sur le statut de ces proches aidants, notamment pour les employés de la fonction publique, et l'on se propose d'y associer des mesures compensatoires, principalement en termes d'assurances; il est également suggéré de réviser la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile - cela a été dit. Il est évident que, derrière cette motion, il y a une reconnaissance officielle d'utilité publique, car cela peut sembler une forme de pénalité, notamment pour ceux qui travaillent à mi-temps et qui consacrent une autre partie de leur temps à s'occuper de leurs proches.

L'autre démarche est un peu différente, puisqu'elle propose une allocation sous forme de contribution financière - donc d'encouragement ou de compensation - ainsi que des mesures concrètes qui doivent soutenir cet accompagnement à domicile et qui vont jusqu'à une forme de partenariat - je n'ai pas très bien compris ce point ! - entre l'Etat et le citoyen, entité qu'il conviendra peut-être de redéfinir plus précisément.

De ces deux démarches découle aussi une allusion indirecte à un réexamen de la LIPP - la loi sur l'imposition des personnes physiques, qui a déjà été l'objet de gros efforts de la part du PDC, notamment de Mme Leuthard - dans le but de voir si les problèmes soulevés par la défiscalisation concernant ce temps d'accompagnement pourraient être pris en compte. Malheureusement, cela n'a pas encore abouti, et nous connaissons d'ailleurs le même problème pour l'allusion au rang d'impotence de l'AVS, sous l'angle d'une contribution pour ce que l'on appelle les impotences faibles.

Derrière ces motions, il existe aussi des situations, et j'aimerais citer une petite boutade de M. Talleyrand, qui disait: «En politique, il n'y a pas de convictions, il n'y a que des circonstances.» Il est évident qu'au fur et à mesure que les individus avancent en âge et que la médecine en repousse les limites par ses techniques et ses connaissances, on parvient à maintenir à domicile des personnes handicapées ou atteintes d'affections chroniques de longue durée, et il y a bien sûr d'un côté la qualité de vie étonnante que l'on peut garder - ce qui est fort intéressant et très humain - mais de l'autre aussi un prix qui intervient, comme cela a été dit, pour les acteurs ainsi que pour la démarche.

Derrière cet acte de solidarité sociale et de responsabilité se trouvent une forme d'empathie, mais aussi des obstacles. Ces derniers comprennent non seulement la détresse des assistés et de leur famille, mais également le prix et l'impact financier que ces mesures peuvent représenter pour la collectivité, dans le cadre d'un travail collectif. A ce sujet, il faut d'ailleurs relever que, lorsque l'on conserve ses proches à domicile, on réalise des économies par rapport aux frais hospitaliers. Pour reprendre une expression de l'un de nos députés, il existe donc une forme de retour sur investissement.

Il y a en outre un intérêt pour les assurances à bien saisir la souplesse du dispositif d'élargissement de cette prise en charge, qui pourrait peut-être aboutir - je parle bien au conditionnel ! - à une quantification d'un éventuel apport financier, en comparaison des dépenses hospitalières.

Il y a aussi cette révision de la loi et, comme je l'ai dit, le PDC est très attaché à agir dans ce domaine dans un futur assez rapproché, qui permet donc d'y intégrer non seulement les techniques et les mesures fiscales ou de défiscalisation, mais aussi une dimension humaine.

Il conviendra bien sûr de maintenir le droit de protection du malade et de confirmer son cadre de dignité dans l'espace qui lui est assigné. Ce faisant, nous sommes donc face à des mesures financières d'une part, et humaines d'autre part, et dans ce contexte je pense qu'il est bon que nous puissions bien définir l'enveloppe qui va y être associée. En effet, rappelez-vous ce qui a été fait récemment chez nos voisins français à l'Assemblée nationale: ce thème de l'allocation a été traité et il a été estimé une somme quand même de l'ordre de 50 à 80 euros par jour.

En conclusion, sans vouloir devenir fiscaliste, je vous suggère au nom du PDC d'adresser cette proposition de motion à la commission fiscale dans un premier temps, afin de bien définir l'impact financier de ce type de mesures.

M. Alain Charbonnier (S). Beaucoup de choses ont été dites au sujet de ces proches aidants, mais je tiens à ajouter un élément: on a voté l'année dernière un projet de loi sur le réseau de soins qui effleure le domaine des proches aidants, car il encourage la participation des familles et des proches, mais maintenant je crois qu'il faut que l'on passe à la vitesse supérieure. Différents facteurs nous le font penser, comme le vieillissement de la population évidemment, qui va avoir pour conséquence que de plus en plus de personnes âgées seront à domicile, puisque c'est le but du projet de loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile - j'avais oublié la deuxième partie du titre de la loi au début de mon intervention, oubli défavorable pour le sujet qui nous occupe ! Il convient certes d'encourager le maintien à domicile, mais il faut aussi faire très attention à ce que nos aînés ne soient pas complètement isolés chez eux. En effet, même si des gens de la FSASD, des physiothérapeutes indépendants - comme je peux l'être par moments - leur rendent visite, il faut absolument que ces personnes ne soient pas isolées et seules dans leur appartement. S'agissant de nos aînés, il semble donc très clair que le proche aidant peut amener énormément pour encourager le maintien à domicile, mais il ne va pas remplacer les professionnels de la santé, comme le laissait entrevoir M. Cerutti tout à l'heure. Ce n'est pas sur ce plan que l'on va réaliser des économies, mais dans la mesure où ces personnes intégreront plus tard un EMS, si c'est possible.

Maintenant, concernant le problème des personnes handicapées, je pense que c'est aussi un bienfait que d'encourager et de favoriser toutes les mesures possibles. Et pas seulement au niveau fiscal ! Certes, il en est question dans notre proposition de motion, mais il existe encore d'autres mesures, comme le fait d'encourager ou de former les gens afin qu'ils puissent entourer leurs proches à domicile, car ce n'est pas rien, cela ne s'invente pas du jour au lendemain, et ce serait aussi le rôle de l'Etat que de pourvoir à cette formation.

Pour ce qui est des personnes handicapées, je m'étonne quelque peu de la position de certains - notamment de M. Cerutti - qui disent: «Oui, tout à fait, il faut encourager ces mesures, c'est très bien !», car je vous rappelle que le MCG a encouragé à voter oui à la 5e révision de l'AI, laquelle a précisément supprimé la rente pour conjoint qui permettait à des proches aidants - en l'occurrence les conjoints - de rester à domicile, puisqu'une partie de leur salaire était compensée par l'AI. Vous avez encouragé à voter oui à cette révision de l'AI, et maintenant vous demandez à l'Etat de compenser le manque à gagner des personnes qui doivent s'occuper de leurs proches ! Un peu de cohérence, Monsieur Cerutti ! Ou alors lisez les textes que vous faites voter, cela vaudrait mieux !

Pour finir, j'aimerais dire que renvoyer ces deux propositions de motions à la commission fiscale est complètement aberrant. Il s'agit en effet des proches aidants, et nous en avons un peu discuté lorsque nous avons étudié le projet de loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile. Il faut que ces deux propositions de motions soient renvoyées à la commission de la santé, quitte à ce que, dans un deuxième temps, la commission fiscale s'en saisisse pour examiner les mesures que l'on pourra prendre.

M. Antoine Bertschy (UDC). Je commencerai par parler de la proposition de motion 1846, dont l'auteur nous a dit que c'étaient essentiellement des mesures fiscales qu'il voulait. Je crois que, à l'heure actuelle - et M. le président de la commission fiscale le sait bien - il existe déjà des mesures de ce genre au sein de la LIPP, car il est d'ores et déjà possible de faire des déductions lorsque l'on aide un proche. C'est donc une mesure qui existe déjà ! En outre, nous sommes en train de revoir la LIPP, donc ces propositions de motions arriveront après ou en même temps que nous effectuons ce travail, mais, quoi qu'il en soit, les renvoyer à la commission fiscale ne sert strictement à rien ! Nous sommes en ce moment même en train de revoir de fond en comble la LIPP, et voilà que ces motions arrivent pour apporter des modifications ! C'est, à mon sens, absurde de le faire et de renvoyer ces textes en commission fiscale.

Concernant la M 1866 du parti socialiste, les deux premières invites sont juste hallucinantes ! Quel est le coût que peuvent engendrer ces invites ? On demande à ce que les entreprises, en période économique extrêmement difficile, supportent encore des coûts supplémentaires. C'est absolument inacceptable, surtout en cette période ! Quant à l'invite qui demande à compléter la loi sur le réseau de soins et le maintien à domicile, Mesdames et Messieurs les socialistes, si vous voulez compléter cette loi, ne déposez pas une proposition de motion: rédigez un projet en proposant de compléter cette loi!

En résumé, déposer une motion et demander au Conseil d'Etat de faire le travail que vous devriez effectuer n'est pas acceptable, raison pour laquelle le groupe UDC refusera ces deux propositions de motions.

M. Patrick Saudan (R). Je crois que tout a été dit par mes préopinants, je précise donc simplement que le parti radical soutiendra le renvoi à la commission fiscale de ces deux propositions de motions. En effet, ces textes, qui proposent un soutien financier aux proches aidants, qu'il soit direct, comme c'est exprimé dans la M 1846 - ce qui nous laisse un peu dubitatifs, parce que nous nous demandons si c'est bien à l'Etat d'assurer la solidarité intergénérationnelle - ou qu'il passe par une assurance perte de gain ou des déductions fiscales, comme le préconise le parti socialiste, méritent une réflexion approfondie. Nous pensons que la commission fiscale est la plus à même de traiter ces problématiques, raison pour laquelle nous soutiendrons le renvoi de ces deux textes à cette dernière.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais d'abord vous dire la satisfaction qui est la mienne de voir qu'il y a un réel intérêt pour cette politique de reconnaissance des proches aidants, laquelle n'avait de loin pas fait l'unanimité lorsque je l'avais évoquée il y a trois ans environ, mais qui a l'air aujourd'hui de vous convaincre. Et si c'est le cas, c'est tout simplement parce que les proches aidants existent et qu'ils ont besoin d'une forme de reconnaissance, laquelle peut se manifester par de très nombreuses variétés de mesures prises en leur faveur.

Gentiment, comme il le fait souvent, le député Charbonnier a prétendu que le Conseil d'Etat n'avait rien fait. Pour être exact, Monsieur Charbonnier, si vous n'avez rien vu, c'est à n'en pas douter parce que vous n'étiez pas encore doté de ces lunettes qui vous vont si bien et que vous portiez tout à l'heure ! Manifestement, vous allez voir maintenant que les choses avancent, mais il est vrai qu'elles avancent à un rythme qui est celui que l'on peut imprimer à des structures qui doivent changer.

Tout d'abord, je dois vous dire que la reconnaissance des proches aidants passe par l'identification de ces personnes qui, au fond, sacrifient une partie de leur activité en faveur du soulagement du système de soins, mais sans le remplacer. Il s'agit donc de leur trouver une place entre les acteurs traditionnels de la santé, les professionnels, et les purs bénévoles, lesquels n'arrivent pas forcément, lorsqu'ils ont besoin de gagner leur vie, à rester de purs bénévoles très longtemps. Et l'on voit à travers cette simple approche qu'il existe une multitude de moyens d'encourager. On peut notamment citer le moyen fiscal, qui est souvent évoqué: il s'agit au fond de dire que l'on va effectuer une déduction fiscale pour les gens qui consacrent du temps, de l'énergie et des heures, et qui se privent d'une partie de leurs revenus afin d'assister la personne qu'ils aident à garder à domicile.

Toutefois, suite à un échange que j'ai eu avec le président du Conseil d'Etat, responsable des finances, il semble que cette possibilité nous soit interdite actuellement dans les termes du droit fédéral connu. Il n'est pas exclu que cela change mais, pour le moment, il semble que ce ne soit pas le cas. Et c'est sans doute là l'intérêt soit de renvoyer ces propositions de motions à la commission fiscale, soit de faire venir un expert fiscal à la commission de la santé. Vous en déciderez comme vous voulez, mais c'est important, car on ne peut évidemment pas introduire une notion qui serait contraire au droit supérieur.

En revanche, l'idée de changer le droit supérieur, si cette mesure lui était contraire, mérite d'être examinée, parce que personne n'a jamais contesté le principe de la déduction des frais de garde pour ce qui est des enfants. Lorsque les gens arrivent à l'autre extrémité de la vie, il ne s'agit plus d'enfants, mais de personnes qui génèrent également, dans un sens bien compris, des frais de garde, parce qu'elles doivent être encadrées à des moments donnés pour pouvoir rester à leur domicile. Il y a donc là des pistes que je vous suggère d'examiner avec vous.

Mais il existe également d'autres dispositifs. Il faut former les aidants naturels, et ne pas les mettre dans une situation dans laquelle ils risquent tout à la fois de s'épuiser et de présager de leurs forces s'agissant de telle ou telle intervention qui a clairement un objectif thérapeutique. Il convient réellement de leur indiquer en quoi et comment ils peuvent être de l'aide la plus grande pour leurs proches, sans toutefois se mettre eux en danger. Et pour éviter justement qu'ils ne se mettent en danger dans l'épuisement - et c'est là que nous avons beaucoup avancé, Monsieur Charbonnier - on a développé une nouvelle politique des unités d'accueil temporaire; ces dernières comportent très clairement, pour une moitié d'entre elles, des lits de répit, lesquels permettent aux familles de respirer le temps d'une semaine, de quinze jours ou d'un mois, le cas échéant, alors qu'elles ont consacré une bonne partie de l'année à aider des proches. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que, dans le canton de Fribourg, ce sont des indemnités qui sont versées aux aidants naturels, parce que cela, ce n'est pas contraire au droit fédéral. Cela signifie simplement qu'il faut trouver les sommes nécessaires à générer ces indemnités.

Vous le voyez donc, vous êtes désormais unanimes pour dire que les aidants naturels existent, et qu'ils doivent être reconnus, formés et encouragés. Nous travaillerons en commission sur le ou les meilleurs moyens d'y parvenir, en sachant que ce n'est pas du tout ou rien: cela peut être l'adjonction d'un certain nombre d'éléments. Je vois par exemple l'encouragement que l'on a pu donner à Pro Senectute et à l'association contre la maladie d'Alzheimer pour former les proches aidants à s'occuper à la maison de patients souffrant de cette maladie. Il s'agit d'une action concrète, elle s'est développée, elle a lieu, et c'est un phénomène d'importance capitale, tant on sait que la maladie d'Alzheimer a une prévalence qui s'accroît année après année et qu'elle pose des problèmes extrêmement délicats. En conclusion, nous évaluerons ensemble les différentes pièces du puzzle à réunir pour offrir aux aidants naturels la reconnaissance et les compétences auxquelles ils ont droit.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord nous prononcer sur la proposition de motion 1866, pour laquelle nous sommes saisis de deux demandes de renvoi en commission. La première consiste à renvoyer cet objet à la commission de la santé.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1866 à la commission de la santé est rejeté par 39 non contre 22 oui.

Le président. Nous votons donc sur la deuxième demande: le renvoi à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1866 à la commission fiscale est adopté par 43 oui contre 5 non et 11 abstentions.

Le président. Concernant la proposition de motion 1846, nous sommes saisis des deux mêmes demandes. Je vous fais d'abord voter la demande de renvoi à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1846 à la commission fiscale est adopté par 32 oui contre 16 non et 11 abstentions.

R 572
Proposition de résolution de Mmes et MM. Fabiano Forte, Guy Mettan, Michel Forni, Béatrice Hirsch, Anne-Marie von Arx-Vernon, Mario Cavaleri du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal à propos de la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie
R 573-I
Proposition de résolution de Mme et MM. Jacques Follonier, Charles Selleger, Frédéric Hohl, Michel Ducret, Jacques Jeannerat, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Patrick Saudan du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal à propos de la modification de la Loi fédérale sur l'assurance-maladie (LAMal) (introduction d'un plafond pour les réserves)
R 574-I
Proposition de résolution de Mme et MM. Charles Selleger, Jacques Follonier, Frédéric Hohl, Michel Ducret, Jacques Jeannerat, Patricia Läser, Jean-Marc Odier, Patrick Saudan du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonal en vue d'instaurer la transmissibilité de la réserve en matière d'assurance obligatoire des soins (LAMal)

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: chaque groupe dispose de cinq minutes, auxquelles s'ajoutent trois minutes pour les auteurs, soit MM. Forte, Follonier et Selleger. M. Forte étant momentanément absent, je passe la parole à Mme von Arx-Vernon.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Permettez-moi de vous présenter la proposition de résolution 572 qui a un aspect très technique, mais qui concerne en droite ligne le pouvoir d'achat des familles qui considèrent qu'elles paient trop cher leurs primes d'assurance-maladie.

Cette proposition de résolution demande à l'Assemblée fédérale de modifier l'article 60, alinéa 1, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, afin que les réserves en matière d'assurances soient constituées de manière distincte pour chaque canton dans lequel les assureurs pratiquent l'assurance obligatoire des soins, car ce n'est pas le cas actuellement et cela pose un réel problème ! En effet, le taux de réserves est dans une fourchette acceptable lorsqu'il se situe entre 10 et 20%, or, à Genève, ce taux est passé à 41,7% du montant total des primes annuelles ! Il est donc extrêmement important de pouvoir modifier la loi fédérale, puisqu'il n'existe actuellement pas de base légale pour la répartition des réserves par canton.

En pratique, cela signifierait que les assurés du canton de Genève n'auraient plus, comme c'était le cas ces dernières années, à financer les primes des assurés des autres cantons, et cela sans aucune justification objective. Seule une modification de la loi fédérale - et, bien sûr, de son ordonnance d'application - permettra d'obliger les assureurs à présenter des taux de réserves sur le plan cantonal, taux qui, je le répète, peuvent être parfaitement acceptables entre 10 et 20% - et non pas 41,7%, comme c'est le cas aujourd'hui à Genève ! Cela permettra un réel contrôle transparent, auquel le parti démocrate-chrétien tient particulièrement. En vous remerciant de prendre en considération cette proposition de résolution, nous vous demandons de la renvoyer à la commission de la santé, afin qu'elle soit étudiée avec l'attention qu'elle mérite.

M. Jacques Follonier (R). La proposition de résolution 573-I vise à introduire un plafonnement des réserves, le but ultime étant la diminution des primes pour les assurés genevois. Les caisses maladie, comme vous le savez, sont organisées en différentes entités, la première étant bien sûr celle de la caisse maladie, laquelle est à charge de la LAMal et ne doit pas faire de bénéfice. Toutefois, les caisses maladie se sont diversifiées, notamment dans les assurances complémentaires, mais aussi dans les assurances-vie et même, plus récemment - on l'a vu avec le cas du Groupe Mutuel - dans les assurances automobiles.

Dans le cadre de cette récolte d'argent que font les caisses par rapport aux primes, il y a bien sûr des clés de répartition, lesquelles amènent généralement les caisses à agir de deux manières: soit en répartissant ces fonds dans les autres entités qu'elles possèdent - ce qui est en principe formellement interdit - soit en augmentant leurs réserves, option qu'elles choisissent bien souvent. En outre, il existe pour les caisses une troisième possibilité qui consiste à baisser les primes pour chaque assuré dans un canton bien précis. Malheureusement, on le voit à Genève, cela n'a pas été le cas: alors qu'entre 2000 et 2006 les coûts de la santé ont augmenté à Genève de 18% les primes, elles, ont augmenté de 25% dans la même période.

La situation que nous vivons aujourd'hui est inacceptable, et il y a vraiment lieu de faire quelque chose pour les concitoyens genevois. La meilleure solution consiste bien sûr à agir sur les réserves, afin qu'elles soient plus transparentes et, surtout, qu'on puisse les rendre les plus minimales possible. J'irai encore plus loin - mais cela, c'est un voeu pieu et personnel ! - je serais même prêt à abolir ces réserves, parce qu'elles n'ont carrément aucun sens. Imaginez un jour qu'une grande caisse maladie, comme Helsana, qui compte un ou deux millions d'assurés, se retrouve en situation de faillite: il est clair et net que la Confédération devrait intervenir et que les réserves ne suffiraient même pas à surmonter cette difficulté ! Dès lors, on aurait meilleur temps de supprimer carrément ces réserves, avec une garantie de la Confédération. Reste quand même que ces réserves existent, et qu'elles sont pour certaines caisses très importantes, puisqu'elles peuvent représenter jusqu'à 1, voire 2 milliards; vous imaginez les intérêts que rapportent ces sommes ? Nous n'avons jamais su et ne savons toujours pas où vont ces intérêts, de même que nous ignorons où vont les intérêts des sommes qui transitent par les caisses et qui restent parfois deux ou trois mois en suspens avant de permettre de payer les acteurs de la santé. Tout cet argent, qui représente une masse importante, sert peut-être à faire en sorte que les caisses maladie se construisent des sièges magnifiques ou en tout cas les enrichissent d'une manière ou d'une autre, ce qui est carrément inacceptable et totalement à l'encontre de ce que la LAMal souhaite.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de renvoyer cette proposition de résolution à la commission de la santé et de faire de même pour les deux autres.

M. Charles Selleger (R). J'aimerais parler de la R 574-I, qui a trait à la transmission de la réserve. Cette proposition de résolution se base sur trois observations: d'abord, l'article 60 de la LAMal, qui stipule que les assureurs doivent constituer des réserves suffisantes afin notamment de garantir leur solvabilité à long terme. Et l'article 78 de l'Ordonnance sur l'assurance-maladie - OAMal - précise que ces réserves sont constituées pour chaque assuré sous la forme d'un pourcentage des primes à recevoir.

Deuxième constatation: tous les efforts sont effectués par nos autorités fédérales et par l'Office fédéral de la santé publique pour inciter les assurés à faire jouer la concurrence et à privilégier les caisses bon marché. C'est ainsi que - et c'est la troisième observation - beaucoup d'assurés se dirigent vers les assurances les moins onéreuses.

Le corollaire de tout cela, c'est que, puisque la concurrence aidant et que les assurés se tournent vers les caisses dont les primes sont les moins élevées, ces caisses doivent reconstituer des réserves pour cet afflux de nouveaux assurés. Ce qui fait que, l'année suivante, elles deviennent plus chères, et on en arrive ainsi à une distorsion de la concurrence. En effet, les caisses maladie qui étaient les moins coûteuses doivent augmenter leurs primes et deviennent donc plus chères, et, en parallèle, les caisses onéreuses qui sont délaissées gardent les réserves qu'elles avaient constituées pour les assurés qui les ont quittées. Tout cela est un peu compliqué, mais nous demandons en fait à ce que la situation soit celle qui prévaut en matière de deuxième pilier, à savoir que les assurés puissent changer de caisse en apportant avec eux chez leur nouvel assureur la réserve qu'ils ont constituée, ce qui serait beaucoup plus transparent et bien plus logique.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Effectivement, le sujet qui nous est proposé est extrêmement technique et compliqué. De quoi parle-t-on ? Je suis très heureuse d'apprendre que les radicaux sont en faveur de ce que nous, nous avons soutenu il y a quelque temps, à savoir la caisse unique. Parce que c'est exactement ce que vous présentez ! Ce sont précisément nos arguments pour constituer une caisse unique ! Je suis très heureuse de les entendre maintenant, et de pouvoir renvoyer tous ces textes à la caisse... (Rires.) ...non, à la commission de la santé, afin que l'on puisse voir et comprendre comment tout cela fonctionne.

En outre, nous avons trois propositions de résolutions qui touchent des sujets différents mais en même temps semblables, et il serait beaucoup plus intelligent de ne renvoyer qu'une seule résolution au Conseil fédéral et non trois. C'est également la raison pour laquelle je vous propose de renvoyer ces trois textes en un bloc à la commission de la santé.

Concernant la R 574-I, il y a un point qui, selon moi, est totalement inacceptable. Nous parlons d'assurance-maladie, or à quoi sert-elle ? Elle sert à mutualiser les risques face à la maladie. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face à la maladie, tout le monde le sait: certaines personnes souffrent de maladies chroniques, d'autres ne sont malades qu'une fois dans leur vie, d'autres encore tous les six ans, et les coûts sont donc différents pour les uns et pour les autres. C'est la réalité de chacun d'entre nous. Or si vous souhaitez changer d'assurance-maladie et prendre les réserves que vous y avez constituées, comment voulez-vous savoir combien vous avez consommé dans la caisse que vous quittez afin d'apporter le reste dans la nouvelle caisse ? Cela n'est simplement pas possible. Alors renvoyons ces trois propositions de résolutions à la commission de la santé, étudions-les et rédigeons une résolution intelligente et non pas un texte complètement aberrant.

M. Claude Aubert (L). J'aimerais d'abord faire un commentaire, puis je vous parlerai de thermomètre, et enfin de prestidigitation. Nous avons suivi dans les médias depuis quelques mois, voire quelques années, le combat qui est mené concernant ces fameuses réserves, de même que nous avons suivi attentivement ce que MM. les conseillers d'Etat Unger et Maillard, dans le canton de Vaud, ont fait, fait et refait. Par conséquent, ce n'est pas un scoop ! Il s'agit d'un problème important et il faut bien évidemment s'y attaquer.

Cependant, j'aimerais mettre en garde notre Grand Conseil contre ceci: il ne faut pas changer de débat. Si vous indiquez que c'est à cause du thermomètre que vous avez de la fièvre, vous allez supprimer le thermomètre, mais la fièvre, elle, va rester. Ainsi, dire que ce sont les caisses maladie qui, par leur fonction, sont quasiment les responsables des coûts de la santé, ce n'est pas forcément admissible; un thermomètre, c'est un thermomètre ! Et il ne suffit pas de le casser pour dire que le problème est réglé.

Nous avons maintenant la prestidigitation, et l'on peut voir un tour de passe-passe... (Brouhaha.) Si mes collègues sont d'accord que je poursuive, je le ferai avec plaisir ! Dans la R 573-I, il est indiqué ceci dans la note 2 de bas de page: «Entre 2000 et 2006, les coûts de la santé à Genève ont augmenté de 18%. Les primes, quant à elles, ont bondi de 25% [...].» Le tour de passe-passe est très clair: on s'occupe du fait que les primes ont bondi mais le vrai problème, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'entre 2000 et 2006 les coûts de la santé ont augmenté à Genève de 18%, alors que nous savons tous que ces derniers sont un sujet d'inquiétude ! Et par quoi cette augmentation de 18% est-elle justifiée ? Il faut d'abord s'occuper de ce 18% ! La question des réserves est certes elle aussi un problème, mais secondaire. En effet, à qui profite le crime ? Je pense qu'à force de désigner les assurances comme étant les responsables de tout - celles-ci ne sont pas blanches, il existe certainement des problèmes - cela signifie que les acteurs du système de santé peuvent tout simplement renoncer à assumer leurs responsabilités, parce que l'on désigne toujours un bouc émissaire pour pouvoir mieux, si vous me permettez l'expression, se tirer des flûtes. Il faut donc que les acteurs du système de santé assument leurs responsabilités et nous indiquent comment, eux, les acteurs, peuvent contribuer à la diminution des coûts de la santé. Donc, non à la prestidigitation !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je m'exprimerai sur la proposition de résolution 573-I et, au passage, je remarquerai que ce sont apparemment surtout les médecins et les pharmaciens qui s'intéressent aujourd'hui à ce débat !

Cette résolution concernant les réserves nous semble importante; c'est en effet un problème récurrent qui se pose, puisque des réserves trop grandes ont forcément un impact sur les primes que paient les assurés. A ce propos, je relèverai les chiffres du Groupe Mutuel, qui a indiqué sur son site que les assurés étaient gagnants pour 2008. Evidemment, avec un bénéfice de plus de 151,6 millions en 2007... On s'aperçoit donc que tout ce débat sur les réserves n'est pas vain !

J'aimerais en outre rappeler que le principe des réserves est contraire à l'esprit de la LAMal concernant l'assurance de base, qui n'a pas pour objectif d'assurer aux caisses maladie des trésors de guerre, mais bien de permettre à tous les assurés de bénéficier de soins de qualité, et cela en toute transparence. Nous sommes du reste contents de voir que d'autres s'en inquiètent; Mme Schneider-Bidaux a tout à l'heure rappelé que les socialistes avaient lancé une initiative sur la caisse unique - qui n'avait pas fait beaucoup recette à l'époque - on voit donc que le problème est récurrent et que l'on a peut-être manqué une occasion de prendre une bonne décision.

Je rappelle en outre qu'un projet de loi déposé par les socialistes et demandant une caisse publique cantonale est actuellement en discussion à la commission de la santé. C'est évidemment un projet beaucoup plus modeste que la caisse unique, mais il est davantage conforme au droit fédéral et pourrait constituer une première réponse à ce problème des réserves.

En conclusion, les socialistes accepteront de renvoyer ces propositions de résolutions à la commission de la santé.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes donc saisis de trois propositions de résolutions qui traitent du même thème et, au cours des débats, une quatrième proposition s'y est ajoutée, qui consiste à supprimer purement et simplement les réserves. Ces questions méritent donc un débat en commission, sans faire le procès des assureurs, car je crois qu'il faut être attentif à ce qu'a dit M. Aubert; il est effectivement important de prendre un certain nombre de précautions. Il s'agira en commission de ressortir avec une proposition de résolution, qui tiendra également compte des enseignements qui auront été tirés par le département sur ses tractations avec l'Office fédéral des assurances sociales. Il faudra voir quelle a été l'évolution du dossier ces dernières semaines et ces derniers mois, et examiner quelles sont les pistes que l'on peut envisager, car il ne sert à rien d'avoir une excellente proposition si l'on sait que, de l'autre côté de la Sarine, on risque de se heurter à un mur.

En résumé, le groupe UDC soutiendra le renvoi de ces trois propositions de résolutions à la commission de la santé.

M. Alain Charbonnier (S). Beaucoup de choses ont été dites. M. Aubert nous indiquait tout à l'heure que l'on se trompait peut-être de combat, que c'était sur les coûts de la santé qu'il fallait agir, etc. Mais je ne crois pas que l'on se trompe de combat ! On sait très bien que les coûts de la santé augmentent, même si beaucoup de gens font des efforts pour les diminuer, au premier chef notre conseiller d'Etat, ainsi que son homologue dans le canton de Vaud, Pierre-Yves Maillard. De nombreuses personnes ont pris les choses à bras-le-corps, les prestataires de soins eux aussi accomplissent de gros efforts, les tarifs sont bloqués depuis de nombreuses années, etc., et l'on voit du reste les attaques actuelles...

Par ailleurs, on a voté dernièrement une résolution en faveur des médecins généralistes, puisqu'on envisage au niveau du Conseil fédéral de diminuer fortement les honoraires de laboratoire. Or, si cette mesure est appliquée, cela fera disparaître une partie des médecins généralistes. A ce niveau-là, je crois donc que l'on est très conscient du problème.

Maintenant, nous, assurés, donnons des milliards par année aux caisses maladie, lesquelles doivent gérer ces milliards, et l'on s'aperçoit qu'elles le font très mal. On en est même persuadé maintenant, à voir le nombre de résolutions... En effet, tous partis confondus, de la gauche à l'extrême droite, nous sommes ici tous d'accord pour dire que l'on soupçonne lourdement une mauvaise gestion de notre argent par ces caisses maladie - il s'agit du moins d'une gestion sans aucune transparence.

Ces résolutions vont toutes dans le même sens: elles demandent d'une part qu'il y ait de la transparence et, d'autre part, que la gestion s'améliore, en modifiant certains points, comme cette accumulation de réserves totalement inexplicable... Sauf évidemment qu'elle aide certains autres cantons grâce aux primes d'assurance-maladie des Genevois. Lorsque M. Aubert dit que ce n'est pas le problème essentiel... Quand même ! Lorsque l'on paie autant de primes d'assurance-maladie par mois et par année, que l'on s'aperçoit au bout du compte qu'une partie de cet argent va à d'autres cantons et qu'en outre on ne cesse de nous dire que nos primes vont encore augmenter l'année prochaine à Genève, parce que l'on coûte trop cher, il y a un moment donné où il faut dire stop ! Stop à ce système ! Et ces trois propositions de résolutions vont justement dans le sens voulu - que nous soutenons totalement - d'une meilleure transparence et d'un arrêt du profit de ces caisses maladie.

J'aimerais quand même demander aux partis qui nous sont opposés d'ordinaire qu'ils pratiquent aussi leur lobbying au niveau fédéral, parce que c'est à ce niveau-là que tout se joue sur ces thèmes, et on le voit bien, puisque ces propositions de résolutions sont adressées à Berne. D'ailleurs, certains auront sûrement l'occasion d'y aller pour donner la position genevoise, mais c'est aussi au sein des partis qu'un progrès doit s'effectuer. Il faut qu'il y ait une influence forte des députés genevois, vaudois et autres, de façon qu'au niveau suisse les partis prennent une autre position. C'est évidemment délicat, lorsqu'on voit le nombre de conseillers nationaux ou aux Etats qui siègent dans les conseils d'administration des assurances, comme Helsana, qui a été évoquée tout à l'heure. Essayez d'avoir de l'influence au sein de vos propres partis au niveau national d'abord, de manière à faire changer ces points.

En conclusion, nous soutiendrons bien entendu ces propositions de résolutions.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG votera en faveur d'un renvoi de ces propositions de résolutions non pas à la commission de la santé, mais directement au Conseil d'Etat, parce que nous nous battons depuis quelques années aux côtés de Pierre-François Unger pour que cette problématique des assurances-maladie trouve une issue.

Je le dis et le répète, le système actuel correspond pour moi à une escroquerie au niveau fédéral, car nous n'avons aucune transparence concernant les réserves des assurances-maladie. Nous savons par d'autres sources qu'elles ont subi avec la crise économique mondiale quelques pertes sur les marchés boursiers, parce qu'avec les réserves qu'elles constituent sur le dos des Genevois, eh bien elles spéculent, mais nous n'arrivons pas à voir la comptabilité des assurances, ce qui est un véritable scandale, et même une escroquerie au niveau de l'Etat et de la Confédération suisse.

Il convient par conséquent de soutenir sans réserve notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger, qui a accompli un excellent travail avec M. Maillard du canton de Vaud, et il faut absolument continuer à exercer cette pression au niveau des autorités fédérales, pour qu'enfin la voix des Genevois soit entendue à Berne. Il y a en outre, comme l'a très justement relevé mon collègue Charbonnier, un problème d'incompatibilité s'agissant des personnes qui sont à la commission de la santé au niveau fédéral et qui siègent dans les conseils d'administration des assurances-maladie, puisqu'elles votent systématiquement pour ces compagnies d'assurance-maladie, et cela, évidemment, au détriment de la population suisse !

Ce serait bien sûr une très bonne chose si l'on pouvait avoir un droit d'initiative cantonal sur les primes d'assurance-maladie, parce qu'alors on ferait tomber le premier des jeux de dominos, ce qui provoquerait une réaction en chaîne, et tout le système des assurances-maladie en Suisse devrait être revu en respectant la volonté des citoyens et, surtout, leur porte-monnaie. En effet, pour moi, c'est un impôt déguisé, or toute augmentation d'impôt, vous le savez, est soumise à une votation populaire, ce qui n'a pas été le cas pour les primes d'assurance-maladie.

En conclusion, nous soutiendrons sans réserve ces propositions de résolutions, en demandant à ce que notre conseiller d'Etat tape encore et encore du poing sur la table à Berne, afin que la voix des Genevois soit entendue.

M. Jacques Follonier (R). Je ne sais pas si c'est parce que nous siégeons le matin, mais j'ai de la peine à «imprimer» certaines choses que j'ai entendues. La caisse unique, cela n'a rien à voir avec les réserves ! Je ne vois pas l'intérêt de parler de caisse unique lorsqu'on aborde la question des réserves ! Les réserves existent quel que soit le type de caisse, et cela n'a aucun sens de remettre ce sujet sur le tapis, même si l'on peut se poser la question de savoir ce qui s'est passé lors de la votation et si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Reste que nous sommes aujourd'hui confrontés à un problème clair; il n'existe plus une multitude de caisses puisque, même si beaucoup de gens l'ignorent, de nombreux groupes ont fusionné. On se retrouve donc avec des noms de caisses maladie qui appartiennent en réalité quasiment toutes, par exemple, au Groupe Mutuel, ce qui permet à ce dernier de couvrir plus de la moitié des assurés genevois. Bref, c'est un élément qui m'a surpris.

J'aimerais maintenant souligner un aspect concernant le combat sur les coûts de la santé. En effet, je crois que tous ceux qui sont dans le milieu professionnel savent quel effort a été fourni par l'ensemble des acteurs de la santé et des consommateurs également; donc, déclarer aujourd'hui qu'il faut commencer par diminuer les coûts revient tout simplement à dire qu'il y a à Genève des filous, des gens qui profitent, et qu'ils ne savent pas s'autoréguler. Or ce sont des propos que je ne saurais tolérer ! Lorsqu'on est malade, on a le droit d'être soigné et, à mon sens, personne - ou peu de gens - ne devrait ou pourrait profiter d'être malade, s'agissant des soins que l'on peut obtenir.

J'aimerais ajouter deux choses au sujet de l'attitude du Groupe Mutuel. Vous nous disiez, Madame Schneider-Bidaux, que suivre les réserves vous paraît inadmissible et incompréhensible. J'ai personnellement de la peine à admettre l'idée de la solidarité telle que vous la prônez par rapport à la LAMal, parce que ce sont les assureurs, les caisses maladie qui aujourd'hui rompent cette solidarité. Actuellement, lorsque vous avez ne serait-ce que deux francs d'arriéré, que cela pèche pour une raison administrative et que l'on n'arrive pas à savoir pourquoi, la caisse maladie Mutuel vous met dehors, elle vous renvoie. Et entre le moment où vous ne payez plus vos primes et celui où l'Hospice vous prend en charge, vous vous retrouvez dans un espace de temps - qui peut durer de six mois à une année - pendant lequel vous n'avez droit à plus aucun soin, puisque la caisse en suspend la prise en charge. C'est exactement ce que la LAMal souhaitait éviter, ce que la LAMal a réintroduit par l'article 64a, ce que les assureurs ont réussi à mordre - si j'ose m'exprimer ainsi - sur les bienfaits qui leur appartiennent, et c'est vrai que le lobby des caisses maladie est très fort à Berne et qu'il faudra que l'on se batte relativement durement.

S'agissant de la proposition de résolution PDC concernant l'identification des réserves, j'aimerais aussi vous rappeler quelque chose: il y a deux statistiques, celle des assureurs et celle des assurés. Qu'est-ce que cela signifie en clair ? Si vous prenez pour les assureurs les coûts de la santé à Genève et que vous les divisez par le nombre des Genevois, cela donne ce qu'utilisent les caisses maladie: c'est la statistique des assureurs. Mais vous êtes tous conscients que les Vaudois consomment aussi à Genève lorsqu'ils travaillent dans notre canton. C'est donc par ce nombre-là qu'on devrait diviser les coûts de la santé genevoise: ils seraient beaucoup plus bas et nos primes seraient de facto beaucoup plus basses elles aussi ! Et je suis persuadé - j'engage d'ailleurs la commission de la santé à le contrôler - qu'il existe exactement le même problème avec les réserves, et que nous ne bénéficions pas, dans le cadre des réserves du canton de Genève, de la majorité des réserves de ceux qui consomment, comme les Vaudois qui viennent travailler chez nous et qui sont assurés dans le canton de Vaud. Cette distorsion devra être étudiée, parce qu'elle pourrait se révéler très intéressante pour le canton de Genève et permettre de baisser très rapidement les primes dans notre canton.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Aubert, à qui il reste deux minutes.

M. Claude Aubert (L). Il est évident qu'il faut s'occuper du problème des réserves mais, on l'a dit, c'est un combat qui est déjà mené. Moi je me fie aux chiffres: si, entre 2000 et 2006, les coûts de la santé ont connu une hausse de 18%, on peut imaginer que, entre 2000 et 2010, ils auront aussi augmenté de l'ordre de 30 à 33%. Par conséquent, si tout le monde se donne de la peine et essaie de limiter les coûts de la santé, mon seul problème est de savoir comment, sachant qu'un tel effort est réalisé par tous, on en arrive à une hausse de 30 à 35%, laquelle est bien supérieure à celle du coût de la vie. Je me réjouis donc de pouvoir discuter de ces chiffres en commission, parce que si l'on additionne des moins, cela ne fait jamais des plus.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Selleger. Il vous reste cinquante secondes !

M. Charles Selleger (R). J'aimerais juste dire que ces propositions de résolutions ne sont pas un tour de passe-passe pour résoudre tous les problèmes des coûts de la médecine, loin de là. Ce sera peut-être simplement une modeste contribution pour rendre le système de l'assurance obligatoire de soins plus transparent.

Pour répondre à Mme Schneider-Bidaux concernant la solidarité qui serait perdue lorsqu'un assureur verrait partir la réserve de l'un de ses assurés qui le quitte, je dirai que les réserves ne sont pas faites pour cela ! Pour cela, il y a le principal de la prime, qui sert justement à redistribuer aux personnes qui en ont besoin les primes de ceux qui n'ont pas connu de coûts de la santé pendant l'année. Quant à la réserve, elle est technique, je l'ai dit tout à l'heure, et n'a rien à voir avec cette solidarité globale entre les assurés.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme von Arx-Vernon, qui dispose de trois minutes trente.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Lorsqu'on évoque un tour de passe-passe, de quoi parlons-nous ? Il est quand même inacceptable que, au fil des années, les assurés du canton de Genève aient vu leurs primes augmenter davantage que celles des assurés des autres cantons. Et pourquoi ? Eh bien il est là, le tour de passe-passe ! Parce que ce tour est fait par les caisses d'assurance-maladie, dont les réserves sont artificiellement gonflées.

Vous savez, Monsieur le président, les caisses sont toutes en lien avec les mêmes grands groupes, ces fameux groupes importants qui verrouillent. Nous sommes donc en réalité des clients captifs, et c'est pourquoi nous voulons, à travers cette proposition de résolution, que les réserves soient constituées par canton, parce que tant qu'il n'y aura pas de réserves par canton en toute transparence, nous ne pourrons pas faire baisser les primes d'assurance-maladie à Genève, et c'est ce que nous revendiquons dans cette proposition de résolution.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je crois que l'on va se circonscrire à la question des réserves, même si un jour ou l'autre - le député Aubert a raison de l'évoquer - il faudra que l'on parle des coûts. Les réserves sont effectivement un problème un peu technique sur lequel on se bat parce qu'il y a des injustices et qu'il convient donc de rendre la situation moins injuste, mais un jour il faudra bien s'atteler au problème des coûts. A ce propos, je vous présenterai probablement le mois prochain un système de surveillance des coûts mois par mois, afin que l'on puisse suivre leur évolution et voir ce qui bouge et comment cela bouge, de telle manière que l'on puisse bien identifier les problèmes qui, d'ailleurs - et ce n'est pas une surprise - ne sont pas sans lien avec le malaise des médecins généralistes. Nous aurons donc là une jolie matière à travailler, qui nous permettra de savoir de quels outils on se dote pour faire de cette profession libérale, mais captive dans un marché non concurrentiel, un métier qui puisse donner envie à des gens de le pratiquer - parce que, sans médecins, on aura de la peine à assurer l'accès aux soins - mais qui puisse en même temps être pratiqué de manière raisonnable. En effet, ceux qui doivent constituer les prix - qui le sont par les impôts, pour un tiers, les primes, pour un autre tiers et ce que les patients eux-mêmes paient pour le troisième tiers - doivent pouvoir comprendre ce qu'ils font et pourquoi.

Si je devais résumer ces trois propositions de résolutions et leur impact sur les réserves, je dirais que la première consiste à les régionaliser, la deuxième à les plafonner, et la troisième à rendre ces réserves transférables. De mon point de vue et de celui du comité de la Conférence des directeurs sanitaires - que j'ai saisi de cette question en septembre dernier - régionaliser les réserves est une question qui devrait découler de l'interprétation de la LAMal telle qu'elle existe maintenant, puisque cette loi prévoit et a prévu, au moment où elle devait être votée par le peuple, que l'on établirait par région une moyenne de coûts permettant de déterminer une moyenne de primes. Et si l'on souhaitait cela à l'époque, c'est parce que de nombreux petits cantons insistaient pour ne pas être les payeurs des grands cantons dépensiers, dont Genève. Toutefois, on s'est aperçu que le Tessin, le Lichtenstein et Bâle - qui nous a désormais dépassés dans les coûts de la santé - étaient également très touchés.

Par conséquent, on a isolé ce problème en disant qu'il ne faut pas de primes uniques en Suisse par catégorie d'âge et de sexe, mais bien des primes régionales. Du reste, lorsqu'on sait que les réserves sont constituées sur la base de la différence entre l'encaissé et le dépensé, on comprend bien que cela se fait aussi de manière régionale, et c'est donc tout naturellement que, à la lecture de la LAMal, le bon sens vous dit que les réserves devraient être régionalisées. Toutefois, il se trouve que bon sens et droit ne font pas toujours bon ménage, raison pour laquelle il conviendra de clarifier le droit pour qu'il corresponde au bon sens, lequel consiste à dire que, puisque les primes sont régionales et que les réserves sont le reflet des primes, ces dernières doivent être régionales elles aussi.

Nous y serons très attentifs, parce que cette année, comme l'a souligné le député Stauffer, les caisses ont déjà annoncé des hausses du coût des primes de 10%, alors qu'elles n'ont pas annoncé d'augmentation des coûts de la santé de 10%. Alors je ne vous cache pas que je serai extrêmement attentif au fait qu'elles ont un cadre légal pour disposer de leurs réserves, notamment des 25% qu'elles ont le droit de mettre en bourse. Nous serons très vigilants, parce que si le canton de Genève comptait à fin 2007 41% de réserves, le canton de Berne en comptait moins 3% ! Et je ne suis pas sûr qu'on laissera cantonaliser les pertes. En effet, si l'Office fédéral de la santé publique a pendant des années toléré que des cantons n'adaptent pas leurs primes à leurs dépenses réelles, la péréquation financière nous impose très naturellement dans la solidarité confédérale de reverser, en vertu des richesses qui sont les nôtres, des sommes astronomiques à certains cantons, et il ne s'agit pas de passer au râtelier quinze fois. La RPT est faite et décidée, nous versons des montants, qui augmentent chaque année, et il n'est pas question que les Genevoises et les Genevois qui ont constitué ces réserves avec les primes qu'ils paient - plus exactement avec la différence entre le montant total des primes et le montant total des dépenses - les voient s'évader vers des cantons qui n'ont pas fait l'effort d'adapter leurs primes aux coûts réels. Et j'ai pris Berne comme exemple, mais je pourrais en choisir bien d'autres ! Il existe en réalité quatre cantons qui ont thésaurisé et dans lesquels on va aller se servir pour venir au secours du reste de la Suisse. Bien sûr que nous aiderons ces cantons et que nous pratiquerons la solidarité confédérale, mais au prix qu'ils s'adaptent désormais aux coûts qu'ils génèrent.

La deuxième proposition de résolution vise à introduire un plafonnement. Plafonner paraît indispensable, mais nous avons quand même la leçon d'une crise qui montre qu'il faut être prudent avec ces plafonds: si l'on fixe le plafond trop bas, on sera alors en dessus et l'on devra adapter les primes en cours d'année si de l'argent est perdu. On ne leur souhaite pas d'en perdre ni trop amplement ni trop souvent, mais, à n'en pas douter, certains en ont là perdu beaucoup. Je vous rappelle d'ailleurs qu'en 2002 cela avait déjà été le cas avec une grande assurance qui avait dû adapter ses primes en cours d'année, ce que nous avions trouvé relativement scandaleux. En effet, il nous semblait qu'un autre mécanisme, à savoir la compensation des risques, pouvait faire que s'ils prennent des risques sur la santé, ils peuvent en prendre sur les finances, car finalement la gestion du risque est un processus économique que n'importe quelle entreprise devrait maîtriser. Ma foi, s'ils ont une fois plus de malades et une fois moins d'argent, c'est la même gestion d'un même risque, et il faut savoir le gérer. La compensation des risques a été prévue dans la LAMal et elle aurait donc pu fonctionner.

S'agissant de la transférabilité, en revanche, j'ai de très grandes difficultés à comprendre, Mesdames et Messieurs les résolutionnaires. En effet, les réserves que l'on a, on ne les possède pas à titre personnel ! Elles existent parce qu'il y a une différence entre ce que l'on a versé comme primes et ce que l'on a dépensé pour sa santé. Que ferons-nous des gens qui auront dépensé beaucoup plus qu'ils n'ont versé, lorsqu'ils voudront changer de caisse ? Auront-ils un malus ? Leur interdira-t-on de changer de caisse ? Il y a un certain nombre de malades - je ne sais pas de combien il s'agit, mais probablement pas loin d'un tiers - qui sont en déficit par rapport aux primes qu'ils ont versées et, partant, ils ont des réserves négatives. Réserves négatives que, solidairement dans une région de primes, nous prenons en charge toutes et tous. Ces gens-là seraient donc stigmatisés et l'on retournerait à un système ancestral qui est précisément celui que l'on a voulu quitter en votant la LAMal en 1996, à savoir en quelque sorte la capitation de la prime: chacun paie pour lui-même et pour personne d'autre. On s'éloigne donc très gravement de l'esprit de solidarité partielle de la LAMal.

Vous le voyez, ces sujets sont complexes, et je me réjouis de pouvoir en discuter avec vous en commission, tout en soulignant une fois encore que l'état d'esprit des partenaires est en train de changer: nous rencontrons beaucoup plus facilement qu'auparavant les soignants et les caisses pour parler de ces questions et, surtout, la semaine prochaine a lieu la première rencontre pilotée par l'Office fédéral de la santé publique, afin que l'on discute avec les cantons des mesures possibles ou non et de ce que nous tolérerons ou pas dans la hausse des coûts telle qu'elle a été décrite par les assureurs. Si je devais dire il y a deux ans que nous nagions chacun pour nous, nous sommes désormais dans le même bateau: espérons que nous avancions plus vite à coups de pagaies qu'à coups de gaffes. Gardons donc les deux premières propositions de résolutions, et renonçons à la troisième.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 572 à la commission de la santé est adopté par 65 oui (unanimité des votants).

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 573-I à la commission de la santé est adopté par 62 oui contre 2 non.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 574-I à la commission de la santé est adopté par 41 oui contre 18 non et 2 abstentions.

P 1606-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier la pétition : Non à l'Opération Victoria
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (L)
Rapport de minorité de M. Alain Charbonnier (S)

Débat

Le président. Nous sommes en catégorie II: quatre minutes par groupe.

M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité ad interim. C'est le 15 décembre 2006 que cette pétition intitulée «Non à l'opération Victoria» a été renvoyée à la commission de la santé. C'est également en décembre 2006 que le plan Victoria a été soumis au conseil d'administration des HUG. Cette pétition est donc contemporaine des décisions du conseil d'administration et ne se base pas sur ce qui s'est passé par la suite.

Parmi les trois éléments demandés par cette pétition se trouve premièrement le refus des mesures proposées par l'opération Victoria: «Pas de diminution d'effectifs !» Cependant, la majorité de la commission a pris acte du fait que les HUG et leur conseil d'administration devaient participer à une série de mesures visant à stabiliser, voire à diminuer les coûts, et elle est donc favorable à cette opération. Elle a pris note que, jusqu'en septembre 2007, 158,35 postes à plein temps ont été apparemment supprimés pour l'ensemble de cette opération, alors que les HUG comptent quelques milliers de collaborateurs.

En deuxième lieu, cette pétition demande le retrait immédiat des mesures imposées par la nouvelle gouvernance opérationnelle: «Pas de subordination des soins infirmiers et des PPS !» A ce sujet, il faut rappeler qu'il fut un temps où l'on avait au sein des HUG des hiérarchies parallèles - il y avait par exemple la hiérarchie médicale, la hiérarchie infirmière, etc. - et que cela ne posait aucun problème, sauf dans quelques cas de conflits où les actes médicaux devaient être approuvés par les infirmiers ou infirmières. Mais il nous paraît logique de penser que, lorsqu'il y a confrontation, ce sont les médecins qui doivent décider des actes médicaux. Par conséquent, de ce point de vue là, la majorité de la commission soutient cette mesure.

Troisièmement, cette pétition réclame le retrait de la facturation par pathologie. Or la majorité de la commission estime que de dire «Pas de mise en concurrence des services et des départements !» constitue une pensée complètement conservatrice, qui est exactement l'opposé de ce qu'on appelle la transparence. C'est comme si l'on disait: «Circulez, il n'y a rien à voir !» Concernant le diagnostic par pathologie, si vous avez une crise d'hémorroïdes à Saint-Gall, Genève, Lausanne ou Sion, il n'y a aucune raison de penser que le traitement de cette pathologie doit être d'un coût excessivement différent. En outre, il est rappelé dans le rapport que la facturation par pathologie est réclamée par la LAMal. Il est important de pouvoir, par transparence, évaluer les coûts et de se demander pourquoi ceux-ci sont supérieurs dans certains hôpitaux ou inférieurs dans d'autres.

Par conséquent, la majorité de la commission estime qu'il faut de la transparence et que la concurrence est absolument utile pour mettre en évidence les zones dysfonctionnelles. En conclusion, la majorité de la commission propose de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité. M. le rapporteur de majorité l'a dit, cette pétition a été déposée au tout début du plan Victoria qui, je le rappelle, demande 30 millions d'économies annuelles, ainsi que la suppression d'une centaine de postes et d'une centaine de lits par année au sein des HUG. Si les pétitionnaires ont déposé cette pétition, ce n'est pas seulement parce qu'ils imaginaient que Victoria risquait d'être difficile à vivre, mais aussi parce que, à ce moment-là déjà, en 2006, nous étions face à une situation pas toujours évidente pour le personnel. Je citerai par exemple la psychiatrie, où le taux d'occupation est régulièrement supérieur au taux d'occupation maximal. On évoque souvent Champ-Dollon lorsqu'on parle de suroccupation, mais en psychiatrie c'est la même chose ! Des chambres à deux lits ont été transformées en chambres à trois lits, et ce n'est de loin pas idéal pour traiter des patients souffrant de pathologies de ce genre. Donc en 2006 déjà, nous étions face à un problème dans ces services, lorsque le plan Victoria a été présenté - en tout cas dans ses grandes lignes - y compris au conseil d'administration. C'était en effet un plan «participatif», on dégageait des grandes lignes, mais il n'y avait pas encore vraiment à cette époque, en 2006, de mesures décrites dans le plan. Je crois donc que les pétitionnaires, c'est-à-dire le personnel - car il y a quand même 2622 employés des HUG qui ont signé cette pétition ! - avaient senti la situation qui allait se présenter et qui était d'ailleurs déjà présente à ce moment-là.

Alors pourquoi ne veulent-ils pas de diminution d'effectifs ? Parce qu'en 2006 déjà, le personnel tournait à plein régime, et qu'ils craignaient d'aller au-devant de difficultés importantes suite à la diminution d'effectifs prévue clairement par Victoria.

S'agissant du retrait immédiat des mesures imposées par la nouvelle gouvernance opérationnelle: «Pas de subordination des soins infirmiers et des PPS !» - le rapporteur de majorité, M. Aubert, l'a signalé tout à l'heure - il y avait auparavant une séparation, et des médecins et des infirmières étaient représentés au comité de direction. Il est donc dommageable - et nous soutenons les pétitionnaires sur ce point - alors qu'il n'y avait des problèmes que dans de rares cas, d'avoir supprimé la façon de fonctionner d'alors, pour subordonner les soins infirmiers aux médecins; la hiérarchie est reconnue de la part des médecins qui prescrivent effectivement les soins, mais ce sont quand même les infirmières et infirmiers qui sont chargés de les exécuter. Il s'agit donc d'une forme de dénigrement - c'est du moins ainsi que le ressentent les infirmières et infirmiers. C'était par conséquent inutile dans le contexte de l'époque, qui était celui de l'introduction de ce plan.

Enfin, la troisième demande des pétitionnaires concerne le retrait de la facturation par pathologie. Evidemment, cela se fait à d'autres endroits, mais on est en droit de s'interroger et de constater aujourd'hui que cela pose aussi des problèmes. Cette disposition ne nous est pas imposée directement par la LAMal, même si cette loi y fait un peu allusion; c'est un choix qui a été fait par les HUG en 2006, alors qu'ils n'y étaient pas obligés à ce moment-là. Aujourd'hui, on s'aperçoit que s'il est pratique, en termes de benchmarking, de pouvoir comparer avec d'autres endroits et de réaliser peut-être des économies, cela devient plus délicat au niveau de la qualité des soins, et l'on se retrouve à demander à des patients de rentrer plus vite chez eux. Cette facturation par pathologie pose donc aussi des problèmes.

Aujourd'hui, le plan Victoria a quand même pour effet que des prestations ont été supprimées aux HUG. Je rappelle en vitesse des sujets qui vont nous concerner tout à l'heure: le service des paraplégiques à Beau-Séjour, la fécondation in vitro qui a été déplacée à Lausanne, le Petit-Beaulieu qui a dû fermer, différents problèmes de fermeture puis de réouverture d'unités à l'Hôpital de Loëx, ainsi que d'unités de soins palliatifs au CESCO, et le manque de transparence qui a été relevé au cours de ces trois dernières années concernant ce plan.

En conséquence, cette pétition a toujours lieu d'être; nous vous demandons de la soutenir et de la renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Michel Forni (PDC). Derrière cette pétition qui a été signée, il est vrai, par plus de 2000 employés des milieux hospitaliers, derrière le secteur de la santé, qui est confronté à ces défis et à ces choix collectifs, il existe une ambiguïté, qui a débouché suite à une réforme. En effet, ce plan Victoria peut être considéré comme une sorte de réforme hospitalière, élément qui n'était pas intervenu à ce niveau-là depuis plus de vingt-cinq ans et qui s'inscrit également dans la réforme, telle qu'elle s'est faite, de certains grands monopoles de l'Etat et de certaines régies. Mais - et c'est un grand mais ! - Genève ne pouvait pas échapper à une réflexion prospective, parce que nous avons deux axes: l'un consiste à analyser ce qui va se passer, et l'autre à l'anticiper, face à l'évolution des structures sociales, économiques et sociétales. Car, dans un hôpital, les transformations existent, elles sont rapides, fondamentales, elles ont aussi des répercussions - comme on l'a dit - économiques, et il y a parfois également des conflits qui peuvent altérer des fonctionnements de société.

Plus de 2600 signataires, c'est un nombre important, mais chaque profession s'interroge sur son avenir. D'autre part, il convient de tenir compte des nouveaux besoins techniques et professionnels, et c'est aussi au monde de la santé de les définir. Et, surtout, il faut que Genève puisse se positionner, puisqu'il y a derrière ce programme Victoria et cette réforme une innovation des soins et de nouveaux progrès qui ne vont pas, je le rappelle, rester au niveau de quelques technologies, car nous arrivons à l'échelle des nanotechnologies.

Il y a en outre un problème de compétitivité qui, bien sûr, doit aussi peut-être différer de ce que certains appelaient dans la presse «les palmarès de l'excellence». Vous avez probablement tous lu cet hiver des enquêtes réalisées dans des grands périodiques suisses ou français, qui définissaient de nouveaux cadres fondés sur les concepts du savoir de la médecine, de préemption, de participation, etc. Mais cela, c'est pour les spécialistes; ce qui est intéressant, c'est qu'il y a quand même des caractéristiques paradoxales. Et, dans un sens, il est vrai qu'il existe une expansion des milieux hospitaliers, parce que cela répond à une demande et, nous l'avons dit tout à l'heure, cela se quantifie aussi par des frais.

Il faut le reconnaître, il y a eu une certaine suppression de postes mais, d'autre part, il y a aussi des engagements qui se font dans d'autres secteurs. Je crois que le grand péché de ce plan Victoria, c'était un manque d'information ainsi que de communication.

Mais revenons à ce qui a été fait et ce qui se fait actuellement. L'hôpital a donc opéré une véritable réforme. Et, si vous prenez le temps de regarder ce qui a été réalisé dans d'autres hôpitaux du même genre, vous verrez que malheureusement Genève est à la pointe du progrès et que la réforme accomplie nous permet maintenant d'arriver à un autre passage. Alors vous me direz: «Oui mais, attention, nous sommes en période de crise !» Lorsque le plan Victoria a été élaboré, ce n'était pas la crise, et l'on en revient toujours à la même chose: avant la crise, il ne faut pas accomplir de réformes, car elles vont amener la crise; pendant la crise, il ne faut pas en faire non plus, parce qu'après ce sera la crise, et puisqu'après il y a la crise, eh bien l'on va se reposer sur cette crise ! Le plan Victoria a heureusement été élaboré hors de cette crise, mais, comme je l'ai dit, il s'inscrit dans ce cadre de réformes.

Le débat qu'il nous faut avoir et l'analyse qu'il nous faut faire aujourd'hui, nous, politiques, doivent aller dans le sens d'une interrogation, parce que nous ne sommes pas des économistes ou des plaideurs en faveur de ce qui a été accompli par la commission de la santé - le député Aubert a du reste clairement pris note et décrit ce qui a été voté dans cette commission. Nous sommes interrogés parce que nous avons des enjeux individuels et collectifs à maintenir et que nous voulons également éviter - comme cela a été dit ou suggéré - qu'une dictature des fournisseurs s'installe dans les milieux hospitaliers, de même qu'une dictature des prescripteurs. C'est pour cela que nous devons maintenir une clarté dans notre débat !

Dans ce contexte, le PDC vous propose, après l'analyse qui a été faite, de déposer ce rapport sur le bureau du Grand Conseil.

M. Régis de Battista (S). C'est un plaisir de prendre la parole dans cette enceinte. Permettez-moi tout d'abord de vous féliciter pour la tenue des débats de ce matin. C'est un changement par rapport à ces longues soirées que vous connaissez !

Pour en revenir à cette pétition, le parti socialiste demande qu'elle soit directement renvoyée au Conseil d'Etat. En effet, lorsqu'on lance un débat sur le projet Victoria - qui demande des coupures de 30 millions par année - il faut bien sûr s'attendre à une discussion avec le personnel des HUG, surtout les médecins, etc. Et je pense que déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, c'est faire fi des 2622 personnes qui l'ont signée, ce qui serait vraiment dommage. J'estime que la majorité du Grand Conseil et du Conseil d'Etat qui, en quelque sorte, a accepté le projet Victoria, doit assumer le débat, et ce débat social doit se faire avec les personnes concernées, soit les infirmiers et les médecins. Ce n'est pas facile non plus pour l'administration de l'hôpital, et j'imagine qu'il y aura encore peut-être bien des discussions et des pétitions par la suite.

Il y a effectivement une crise qui est lancée au sein de cette institution suite à ces coupures de budget qui sont extrêmement importantes. Le seul moyen de limiter cette crise, c'est d'en discuter et d'essayer de comprendre surtout le personnel. En effet, le personnel, ce sont ceux qui se trouvent sur le terrain. Il faut absolument les écouter et les entendre. Et je crois que c'est le travail du Conseil d'Etat, en particulier de M. Unger - avec tout le respect que je lui dois - de suivre ce qui se passe.

Concernant les questions d'économie, on ne peut pas traiter un hôpital comme une PME. Un hôpital est une entreprise à caractère social, si l'on peut dire, et c'est vrai que de telles coupures de budget ne sont pas tolérables, elles ne sont pas possibles. Nous savons tous que chacun d'entre nous doit un jour aller à l'hôpital pour une raison de santé ou une autre. Pour ma part, j'ai eu la chance d'y séjourner pendant deux mois, il y a un peu plus d'une année, et pendant ce long séjour j'ai pu voir comment les infirmiers et infirmières étaient dépassés par le travail. La nuit, ce n'était pas facile pour les infirmiers et infirmières tout seuls, et je crois donc qu'il faut les entendre.

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous prie de renvoyer cette pétition directement au Conseil d'Etat.

Mme Michèle Ducret (R). Nous comprenons bien les préoccupations du personnel des HUG. Nous savons qu'ils ont subi des pressions, qu'ils en subissent encore et que ce ne sera certainement pas terminé. En outre, nous comprenons bien la difficulté qu'il doit y avoir à travailler avec des pressions sur le budget et les horaires. Nous partageons donc totalement leurs préoccupations. Le problème, c'est qu'ils n'ont peut-être pas choisi le meilleur moyen pour faire entendre leur voix ! Ou alors, ils l'ont fait entendre correctement puisque nous avons maintenant ce texte devant nos yeux. Nous pensons donc pour notre part qu'ils se sont bien fait comprendre, le reste du travail sera à effectuer avec la direction. Et je crois qu'il y a aux HUG assez de personnes actives dans les domaines syndicaux pour qu'ils puissent s'entendre avec la direction.

Par conséquent, nous estimons qu'il est inutile de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et qu'il suffit de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. J'espère que M. le rapporteur de minorité l'expliquera aux pétitionnaires, puisqu'il a l'air très soucieux de les soutenir.

Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je ne vais pas refaire tout l'historique du plan Victoria, qui date d'il y a plusieurs années. Cette pétition a été déposée en réaction aux propositions et à la mise en place de ce plan, mais c'est maintenant chose faite et des adaptations sont réalisées. Il y a toujours des diminutions de personnel lorsque les besoins des patients le permettent, mais la réalité c'est qu'on a procédé à la réouverture de certaines unités, parce qu'il y avait trop de patients et trop de demandes, il faut aussi le dire. Alors qu'il existe une souplesse dans la gestion de l'ouverture des unités, oui, probablement, mais il faut aussi agir en respectant en premier lieu les patients et, en second lieu, le personnel.

Le problème, c'est qu'il y avait une culture d'entreprise propre à l'Hôpital cantonal, une culture d'entreprise propre à Loëx, une culture d'entreprise propre à Belle-Idée, bref, une culture d'entreprise propre à chaque établissement. Mais, en raison du regroupement de ces établissements et du fait que le personnel peut être placé dans une institution ou une autre, ces cultures d'entreprise tendent à disparaître. Or, qui dit culture d'entreprise dit également qualité des soins ! En effet, si vous écoutez les personnes concernées, c'est-à-dire les patients qui sortent de l'hôpital actuellement, vous verrez qu'il apparaît plusieurs problèmes dans la qualité des soins, parce que le personnel est surchargé, et c'est bien dommage. Et lorsque j'entends des collègues travaillant à l'hôpital qui disent: «Dans le fond, l'hôpital fonctionne bien, mais ce serait encore mieux s'il n'y avait pas les patients, parce que... voilà !», cela me fait extrêmement mal en tant qu'ancienne travailleuse à l'Hôpital cantonal, il y a fort longtemps. Il existe des façons de travailler et une qualité des soins qu'il est essentiel, à mon sens, de soutenir; le personnel trouve également qu'il est important de pouvoir le faire, mais s'il y a plus de pressions, c'est difficile. Cette pétition permet d'en discuter, raison pour laquelle je vous propose de la renvoyer au Conseil d'Etat, afin que l'on obtienne un rapport circonstancié.

M. Gilbert Catelain (UDC). En préambule, je tiens à préciser que je n'ai aucun lien d'intérêts ni avec l'hôpital, ni avec les milieux de la santé, ni avec le Forum Santé. En conséquence, je suis relativement libre pour m'exprimer sur cette pétition.

Victoria, c'est un projet d'organisation qui touche 12 000 collaborateurs, et qui est donc d'importance. Le vote de la commission sur cette pétition a été clair: 8 voix pour le dépôt sur le bureau du Grand Conseil contre 5 voix pour un renvoi au Conseil d'Etat. Cette pétition a été déposée le 15 décembre 2006, votée le 19 octobre 2007, et je crois qu'entre-temps le plan Victoria s'est mis en oeuvre; nous sommes donc en train de parler d'un processus qui arrive en voie de réalisation, ce qui, à mon avis, rend déjà la pétition caduque. Même le rapporteur de minorité a apporté peu d'appui à cet objet d'importance, puisqu'il n'y a consacré que six pages, sachant que, de toute manière, cette pétition entre dans le cadre d'un processus de changement. C'est le principe du quatre pièces: la première pièce de cet appartement, c'est le refus, mais il est tout à fait logique que, lorsqu'on introduit des changements, on passe par une phase de refus.

Tout à l'heure, nous avons voté sur des résolutions concernant les réserves, dont on disait que c'était un élément pour maintenir des primes maladie à un niveau acceptable, ou du moins proche de la réalité. Mais le plan Victoria n'est finalement rien d'autre qu'une adaptation de la structure et du fonctionnement de l'hôpital, visant aussi à maintenir des primes de la santé et un système de soins qui puissent être financés par les Genevois. Sachant que les HUG représentent 50% des coûts de la santé, rationaliser le fonctionnement de l'hôpital, c'est la mission du directeur de cet établissement, et c'est la base métier de tout manager. Ne rien faire serait suicidaire ! Regardez ce qui se passe actuellement dans un pays où il y a une caisse unique et la sécurité sociale: l'hôpital de Limoges court après les clients, parce qu'il n'est pas organisé de manière rationnelle. C'est la directrice de l'hôpital elle-même qui prend son bâton de pèlerin pour aller voir les médecins et qu'ils envoient des clients à l'hôpital, parce qu'elle subit la concurrence des cliniques privées, payées par la sécurité. Dans une clinique privée bien organisée, on fait une opération de la cataracte toutes les douze minutes.

Dans le cadre de la proposition de motion 1790, vous trouverez beaucoup d'informations. Il faut savoir certaines choses concernant cette mesure d'économies: on dit que l'on va économiser 30 millions, mais c'est faux ! C'est qu'on a un manque de financement de 30 ou de 24 millions, et que les coûts ont augmenté durant cette période. Or pourquoi ont-ils augmenté ? C'est notamment parce qu'il y a quelques années - comme vous pouvez le lire dans le rapport - la direction de l'hôpital et le cartel ont signé un accord qui, à terme, engendrait 200 millions de coûts de fonctionnement supplémentaires par année...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député !

M. Gilbert Catelain. ...et ces 200 millions de coûts nécessitent des mesures d'organisation pour être absorbés, puisqu'ils ne peuvent pas être financés par l'assurance-maladie exclusivement. Et l'une des mesures qui a été proposée, c'est notamment de réduire le pourcentage d'absentéisme: en réduisant d'1,8 point l'absentéisme, vous absorbez quasiment les mesures d'économies préconisées par le plan Victoria.

En résumé, Monsieur le président, nous avons deux choix: soit nous votons le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, ce qui signifie que nous donnons la possibilité aux Hôpitaux universitaires de Genève de relever le défi et que nous permettons l'application de l'accord salarial qui a été négocié entre les syndicats et les HUG, soit nous refusons ce dépôt et nous renvoyons cet objet au Conseil d'Etat, mais il faudra alors être très conséquent, car c'est la solution de l'immobilisme, et nous revenons donc également en arrière au niveau de cet accord salarial qui a été signé entre les partenaires sociaux.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à Mme Hirsch, à qui il reste quinze secondes !

Mme Béatrice Hirsch (PDC). Très brièvement, en tant qu'employée des HUG, de même que mon collègue radical M. Saudan, qui m'a demandé d'être son porte-parole, nous nous abstiendrons de voter.

M. Renaud Gautier (L). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, nous avons le privilège d'avoir à Genève un hôpital de qualité. Il faut le redire ici, parce que cela n'a pas toujours été le cas.

D'autre part, j'aurais souhaité que chacun d'entre vous puisse lire les journaux de ce jour... (Remarque.) ...à part M. Barrillier, qui n'a pas eu le temps ! En effet, l'un de ces journaux comporte un article très intéressant sur un hôpital anglais qui est dans un état de délabrement parfait, puisqu'il est comparé à certains hôpitaux du tiers-monde.

Je pense donc que le rôle de ce parlement consiste à soutenir les efforts qui sont réalisés à l'hôpital, de façon à garder la qualité des soins que nous avons, car on a entendu ici beaucoup de critiques mais peu de compliments sur notre hôpital, qui est en outre fort bien géré, et j'entendais ici le souligner.

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous discutons au moins trois fois par année depuis trois ans du plan Victoria, pour dire que nous n'en parlons pas. Alors je ne sais pas ce que nous faisons lors de ces échanges ! D'ailleurs, des entretiens avec le parlement dans son ensemble trois fois par an, et avec la commission de la santé un peu plus souvent, me paraissent constituer des échanges normaux, et l'on ne peut donc pas dire que le parlement soit tenu à l'écart de ce qui se passe au niveau du plan Victoria. Pas plus d'ailleurs qu'on ne peut le dire s'agissant du personnel puisque, comme vous le savez, la loi actuelle prévoit trois représentants du personnel au conseil d'administration ainsi qu'un représentant du personnel dans chaque comité de gestion; et comme les décisions essentielles qui touchent la gouvernance de l'hôpital se prennent soit au niveau du conseil, soit dans les comités de gestion, on ne peut résolument pas dire que les structures mises en place ne permettent pas la concertation. Par ailleurs, et vous le savez bien, dans une maison de cette ampleur-là, il est indispensable d'avoir d'autres plates-formes d'échanges, notamment avec les organisations représentatives du personnel, que ce soient des médecins, des infirmiers et des infirmières, ou encore des aides-soignants. Tout cela est normal et a bien lieu.

Maintenant, il est vrai qu'au tout début de l'opération Victoria - et je l'ai reconnu à plusieurs reprises - la communication avait été un peu précipitée et n'était pas optimale. Nous avions donc décidé, avec M. Gruson, d'améliorer cette manière de faire, de façon à mieux associer le personnel à ce processus de changement qui était rendu indispensable tout simplement par l'accroissement des coûts hospitaliers, lesquels n'étaient plus gérables ni sur le plan des primes d'assurance-maladie, ni sur le plan des finances publiques. En effet, nous avons tout à l'heure trouvé une union sacrée pour parler des réserves et pour dire qu'un jour il faudrait aborder la question des coûts, alors lorsque nous le ferons, nous en parlerons à la lumière des budgets hospitaliers.

A ce propos, Monsieur de Battista, vous avez dit à deux reprises que les budgets hospitaliers avaient été rognés et réduits. Excusez-moi, mais si vous prenez les budgets des vingt dernières années, vous verrez que chaque année le budget de l'hôpital augmente ! On ne peut donc pas simplement dire des choses fausses, en faisant croire au monde qu'elles sont vraies, lorsqu'elles sont définitivement fausses. Les 100 millions d'économies sont 100 millions de mesures de rationalisation, qui ont permis de ne pas augmenter de 100 millions la dépense hospitalière. Mais, chaque année, le budget de l'hôpital augmente de 30 à 35 millions ! Il faut le savoir et l'on ne peut donc pas dire qu'il est amputé ou réduit.

J'aimerais maintenant revenir sur le premier argument du rapporteur de minorité, qui a dit qu'on avait décidé de faire des économies, qu'on avait par conséquent supprimé des postes et que, n'ayant plus de postes, on avait donc supprimé des lits. Tout cela est juste, mais, malheureusement, pas dans le bon ordre ! Je rappelle qu'au début des années 2000 des études avaient été réalisées sur les journées inappropriées d'hospitalisation. Vous conviendrez que, au-delà des coûts, avoir des journées inappropriées est embêtant pour les gens. En effet, ce n'est pas particulièrement drôle d'être à l'hôpital, et c'est en outre dangereux pour les patients, puisque chaque journée superflue passée à l'hôpital est une exposition inutile à ce fléau des infections nosocomiales, ces maladies que l'on attrape dans les hôpitaux. Or sachez qu'en médecine interne, dans les gros services de l'hôpital, il y avait 25% - oui, 25% ! - de journées inappropriées. Et l'on comptait plus de 40% de journées inappropriées sur les sites hébergeant de la gériatrie, et ce pour des motifs bien compréhensibles, qui étaient la pénurie d'EMS. Il ne s'agit donc pas de faire des procès ni aux gens qui occupaient les lits, ni à ceux qui auraient oublié de les vider. C'était peut-être dû à une planification qui était restée quiescente un peu trop longtemps pour que l'on puisse réorganiser le système de soins.

Devant autant de journées inappropriées, on a donc décidé qu'il fallait les diminuer; or le fait de les réduire a permis de diminuer les lits et, pensant qu'il n'était pas d'une utilité formidable de garder du personnel devant des lits vides, on a redistribué ce dernier là où il manquait, et on a laissé les départs naturels se faire. A ce propos, vous avez dit qu'il y avait eu 100 postes de moins par an; je ne vous contredis pas sur ce chiffre, mais il vaut la peine de préciser qu'il n'y a pas eu un seul licenciement et qu'il ne s'est agi que de départs naturels.

Cette histoire d'épouvante que vous essayez de montrer est en réalité d'une tout autre nature, et je conclurai en disant que cette opération était difficile, et cela pour tout le monde: pour les dirigeants, pour les gens qui travaillent sur le terrain, etc. Cela a également pu être parfois difficile pour les malades, parce que les allocations internes de personnel aux hôpitaux méritent un jour qu'on en parle. En effet, il y a quand même des structures historiquement relativement bien loties, pour d'autres structures historiquement mal loties, alors même que leur activité s'accroît, et les fameux APDRG auxquels vous faisiez référence, ce terme horrible qui désigne les facturations par diagnostic, groupe homogène de malades - bref, on voit à peu près de quoi l'on parle: des coûts par pathologie - je ne suis pas sûr qu'ils permettent de bien facturer, je suis d'accord avec vous ! En revanche, ils permettent fantastiquement bien d'identifier comment se fait l'allocation des ressources internes. Et je me réjouis que l'entraînement que les HUG ont voulu faire dès 2006 - sachant qu'à partir de 2010 ce serait obligatoire au niveau fédéral - leur permette d'adapter précisément l'allocation de ressources à l'intérieur de l'hôpital.

Mesdames et Messieurs les députés, je crois réellement qu'il faut déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, non pas qu'elle ne nous ait pas intéressés, non pas qu'on n'y ait pas travaillé, mais l'opération Victoria arrive à son terme à fin 2009; elle s'est réalisée, elle a connu des moments de grand succès, elle a rencontré un certain nombre de difficultés, mais tous ensemble nous faisons le maximum pour que nos hôpitaux gardent la qualité exceptionnelle qui est la leur et qui leur est reconnue, de même que le respect des malades et celui des collaborateurs, et qu'ils gardent surtout l'enveloppe budgétaire dans laquelle nous travaillons à l'intérieur de ce qui est finançable. En effet, la politique du pire à ce sujet, c'est de laisser aller et d'arriver à un jour où l'on doit rationner les soins, puisque l'on n'a pas fait l'effort de les rationaliser.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant voter sur la demande formulée dans le rapport de majorité, à savoir le dépôt de cette pétition sur le bureau.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de la santé (dépôt de la pétition 1606 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 35 oui contre 21 non.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je lève la séance, nous reprenons nos travaux de 14h à 17h, et je vous remercie de votre excellent travail de ce matin. Bon appétit !

Je rappelle aux membres du Bureau que nous avons rendez-vous à la salle du Commissaire général. Merci !

La séance est levée à 12h.