République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 juin 2008 à 14h
56e législature - 3e année - 10e session - 56e séance
PL 10248-A
Deuxième débat (PL 10248-A)
La présidente. Nous étions en troisième débat en ce qui concerne les comptes de fonctionnement et d'investissement du livre jaune, «Compte d'Etat», mais nous poursuivons nos travaux en deuxième débat concernant le projet de loi. Je donne la parole à M. Francis Walpen.
M. Francis Walpen (L). Merci, Madame la présidente. Vous savez que je crains votre courroux comme vos missives, et, pourtant, vous me permettrez de prendre la parole pour vous rappeler la constance des libéraux, qui ont toujours souhaité - et souhaitent encore - que le rapport de gestion du Conseil d'Etat ne soit pas voté en même temps que les comptes. Puisque cela ne semble pas possible, vous me permettrez également d'intervenir à propos de ce rapport de gestion...
Je vous rappelle, Messieurs les conseillers d'Etat, que, sans la liberté de blâmer, il n'y a pas d'éloges flatteurs ! Ce rapport du Conseil d'Etat n'est bon ni sur la forme ni sur le fond. Et je m'en explique.
Quant à la forme, vous savez - et j'ai eu l'occasion de le dire - que ce rapport est un instrument de travail indispensable pour la commission de contrôle de gestion. Si on compare le rapport de gestion de 2006 à celui de 2007, rien ne correspond. La présentation est différente; les chiffres donnés sont différents... Je prends quelques exemples... Sous «Gestion de la dette et des liquidités», page 27, il est écrit dans la rubrique «Résultat à fin 2007» que le taux moyen de la dette est de 2,9%. Mais on se garde bien de nous indiquer que l'an dernier, à la même époque, ce chiffre était de 2,71% ! Il serait pourtant intéressant que nous rendre compte de l'évolution du taux moyen de la dette !
Une rubrique «Indicateurs d'activité de l'OPE» figure en page 29. Mais, est-il vrai que l'office du personnel de l'Etat s'occupe de la santé, des évaluations en cours, du service des paies, etc. ? Pour ma part, j'aurais aimé recevoir d'autres informations, comme le taux de rotation du personnel, le taux de départ des hauts cadres: autant de données qui ne figurent pas dans cette page 29 !
Par contre, pour ce qui est du «Service de la gestion», une indication a retenu mon attention. En 2006, correction du système Thuya: 108 000 F, mais, en 2007, plus aucun chiffre ! Thuya, pour les non-initiés, c'est l'enregistrement mécanique du temps de travail.
Je continue quant à la forme. Page 34, au DIP, il est intéressant de voir qu'entre 2005 et 2006, le primaire a connu une baisse d'un demi-point et qu'entre 2006 et 2007, elle a été d'un point et demi. Dont acte !
Ensuite, «Plans directeurs communaux». On nous a indiqué en 2006 - et c'était fort intéressant, surtout pour un magistrat municipal - que vingt-et-un plans étaient en cours d'élaboration technique, dont, notamment, un qui m'est cher, celui de Chêne-Bougeries. Il est signalé qu'en 2007 huit plans directeurs communaux ont été approuvés... Mais rien au sujet des autres: on ne sait rien ! Pour l'un d'entre eux, je sais pourquoi le projet est en rade, mais qu'en est-il pour les autres ?
Si je poursuis, je dois faire un éloge au département de la solidarité et de l'emploi, parce que j'ai vu avec plaisir - en page 80 - que ce département avait rédigé un chapitre intitulé «Plans de mesures». Et c'est ce que je cherchais ! En 2006, sous «Chancellerie» figurait un tableau fort intéressant, intitulé: «Chancellerie: effets des mesures d'économies appliquées au budget 2006». Mais, en 2007, plus rien ! Par contre, sous «Plans de mesures» du département de la solidarité et de l'emploi, il est écrit: «L'intégralité des mesures adoptées par le Conseil d'Etat dans ses plans P1 et P2 et qui relèvent du département ont été mises en oeuvre.» Puis, des explications sont données sous P1: mesure 15, mesure 49, mesure 50 - et j'en passe - et sous P2... Ça c'est intéressant pour les commissaires de la commission de contrôle de gestion !
J'avais quand même gardé le meilleur pour la fin: en page 50, département des institutions, sous «Marché du travail». A ce sujet, je dois faire mon mea culpa, parce que j'avais dit à M. le président du Conseil d'Etat que nous auditionnions à la commission de contrôle de gestion: «Monsieur le président, il s'agit d'un copier-coller de 2006 !» Mais je me suis aperçu entre-temps que l'on avait procédé à une correction orthographique... En effet, dans la deuxième colonne de la page 56, en 2006, on parlait du «service des Autorisations de travail» avec un «A» majuscule, alors qu'en 2007 le texte est le même, mais avec un «a» minuscule. Il ne s'agit donc pas vraiment d'un copier-coller... Je vous prie donc d'excuser mon erreur: c'est pire ! (Rires.)
Quant au fond, il m'a été indiqué que l'essentiel de ce rapport figurait dans les premières pages, où sont véritablement expliquées les priorités du Conseil d'Etat. Alors, j'ai relu attentivement ces priorités: «Finances publiques», «Modernisation de la gestion des ressources humaines»... Moi, je reste toujours sur ma faim ! Combien de cadres supérieurs ont quitté l'administration en 2007 ? Quel est le taux de rotation du personnel en 2007 ? «Lutte contre le chômage, dialogue social et promotion de l'emploi», «Maintien d'un cadre favorable pour l'économie et la santé», etc. Et j'arrive au point 7... Grande découverte ! Il s'agit de l'une des priorités du Conseil d'Etat: «Déontologie de la police et du personnel pénitentiaire». Etonné, j'ai demandé à M. le chef du département ce qu'il en était, et il m'a répondu: «qu'il avait fallu bricoler quelque chose parce que l'on en avait parlé»... Vous avouerez que cela ne fait pas très sérieux !
Dans ces conditions, les libéraux ne pourront pas voter l'article 5, qui approuve votre rapport de gestion ! (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). Comme l'a dit mon préopinant, c'est parce que nous n'avons pas débattu sur les chiffres eux-mêmes et sur la gestion que nous sommes obligés d'intervenir au cours du deuxième débat... Si j'interviens à ce niveau, c'est pour faire une déclaration politique.
Vous aurez pu constater que deux commissaires socialistes se sont abstenus concernant le vote en commission et que les socialistes ont posé un certain nombre de questions tout au long des discussions. Mais cela ne nous a pas empêchés, Monsieur le président, d'approuver la gestion du Conseil d'Etat, et je vous en explique la raison. Nous avons eu un débat en interne et nous avons décidé d'approuver la gestion du Conseil d'Etat, malgré les critiques, parce que la droite ne rend pas la vie très facile au gouvernement. Et je suis bien placé pour le savoir, puisque je participe aux travaux de la commission des finances. Eh oui, Mesdames et Messieurs, parce que la marge de manoeuvre du gouvernement n'est pas fixée par lui: c'est vous, la droite, qui la déterminez, lorsque vous votez le budget, lorsque vous limitez les postes pour réaliser les prestations nécessaires ! C'est vous qui obligez le Conseil d'Etat à fournir plus de prestations ! Et je constate de votre part, tout au long de l'année, une certaine schizophrénie. En effet, je suis membre de plusieurs commissions, comme d'autres collègues, et nous ne pouvons que nous rendre compte de vos demandes continuelles en matière de prestations en qualité, en quantité, mais, au moment de voter le budget, vous demandez au Conseil d'Etat de réduire le nombre des postes ! C'est de la schizophrénie ou, plutôt, vous oubliez tout ce que vous aviez dit avant, suite à une lobotomie ! C'est sans doute ce qui explique qu'au moment de voter le budget vous voulez limiter le nombre de postes... C'est pour cela que nous avons émis toutes ces critiques au long de la discussion: nous ne pouvons pas continuer comme cela ! (Brouhaha.)
Par rapport aux investissements... Je vois que le Conseil d'Etat n'est plus là, Madame la présidente, mais cela ne fait rien, je peux tout de même en parler.
La présidente. Je ne peux quand même pas l'attacher !
M. Alberto Velasco. Non, c'est une question de sens des responsabilités, effectivement ! Par rapport aux investissements, nous considérons qu'il est important de maintenir un taux élevé d'investissements, et, comme le Conseil d'Etat l'a dit ce matin, il faut un excédent aux comptes de 300 millions par année pour pouvoir équilibrer les comptes et maintenir une vitesse de croisière acceptable en matière d'investissements. Mais, pour cela, il faut des recettes. Or, nous estimons que les recettes ne s'obtiendront pas en supprimant des postes, en restreignant les prestations... Il faut simplement que l'économie fonctionne. Et, pour que l'économie fonctionne, il faut mettre à disposition des infrastructures, du personnel qualifié, donc du personnel qui a reçu une formation adéquate, et pour cela, il faut effectivement investir.
Il est donc contradictoire de restreindre les moyens du Conseil d'Etat, car, ainsi, il ne peut pas mener la politique qui permettrait d'engendrer des recettes.
Nous sommes tout à fait conscients des difficultés auxquelles est soumis ce gouvernement à cause de ce parlement. Celui-ci n'a pas pour objectif fondamental de diminuer la dette, sinon vous auriez refusé les projets de lois sur les baisses fiscales - nous en avons vu deux ou trois, cette année. Par conséquent, si vous étiez tellement soucieux de diminuer la dette, vous refuseriez ces projets de lois proposant des baisses fiscales.
Je le répète, votre démarche politique relève de la schizophrénie, ou, pour le moins, votre position est extrêmement idéologique en vous en prenant à la structure de l'Etat et en réduisant la marge de manoeuvre de l'Etat.
C'est conscients de cette attitude de la majorité de droite de ce parlement que nous allons voter, justement, l'article 5 approuvant la gestion du Conseil d'Etat, car nous savons que cette gestion est tributaire des moyens qu'il a à sa disposition et que vous restreignez.
M. Renaud Gautier (L). Madame la présidente, permettez à une vipère schizophrène de répondre à M. Velasco pour lui exprimer toute l'admiration qu'elle a... Monsieur Velasco, vos arguments sont si prévisibles qu'ils en sont touchants et rafraîchissants dans un débat qui traîne un peu, mais ils méritent probablement aussi que l'on vous rappelle deux ou trois points importants.
Ce débat porte sur les comptes et, plus particulièrement, sur le rapport de gestion. Que vous soyez directeur d'une association qui a un budget de 1000 F ou que vous dirigiez l'Etat qui a un budget de 6 milliards, le rapport de gestion montre la manière dont l'argent mis à disposition a été utilisé. Le problème n'est pas de savoir si c'est la faute du tsunami, de l'âge du capitaine, de M. Bush ou de qui que ce soit d'autre ou si le gouvernement a assez d'argent ou pas. Nous devons maintenant porter un jugement sur la manière dont l'Etat a utilisé les moyens qui lui sont alloués. Un certain nombre de remarques ont été faites tout à l'heure, entre autres sur le fait que certains conseillers d'Etat dupliquent d'année en année les mêmes arguments, ce qui est ennuyeux. Cela prouve, dans le fond, qu'ils accordent fort peu d'importance au rapport de gestion: ils pensent que, de toute façon, ils n'ont pas à se justifier étant donné que les comptes sont déjà acceptés. C'est de cela que nous parlons maintenant ! Ce n'est pas de savoir si l'Etat a assez d'argent pour mener son action et si la majorité de droite tord le cou au Conseil d'Etat, qui est majoritairement de gauche et qui doit être pendu aux plus hautes branches du marronnier de la Treille ! Nous parlons - je le répète - de la manière dont le Conseil d'Etat fait usage de l'argent mis à disposition de l'Etat: c'est tout !
Et je pense, comme cela a été dit tout à l'heure, que ce parlement est en droit d'attendre de l'Exécutif qu'il fasse un effort plus grand pour expliquer ce qu'il fait avec les moyens qui lui sont alloués, même si ces derniers sont le fait d'une majorité de droite arrogante qui entend liquider l'entier du Conseil d'Etat ! C'est le fond de la discussion !
Prétendre que le rapport de gestion n'est pas bon parce que l'Etat ne dispose pas de suffisamment de moyens est tout simplement un contresens: ce n'est pas l'objet du débat ! Par contre, nous pouvons attendre du Conseil d'Etat qu'il soit capable de nous expliquer clairement ce qu'il fait. C'est un élément de transparence, qui est nécessaire pour que les députés qui ne siègent pas à la commission des finances - j'ai cru entendre dire tout à l'heure que c'était un problème - et tout un chacun à Genève sachent exactement la manière dont est utilisé l'argent qui est mis à la disposition de l'Etat. C'est de cela qu'il s'agit !
M. Gilbert Catelain (UDC). Le parlement a voté ces comptes. Il est satisfait du boni 2007, et il faut effectivement s'en réjouir puisqu'un résultat aussi fabuleux n'avait pas été atteint depuis longtemps.
Par contre, au niveau de la gestion, je n'ai pas trouvé dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, respectivement du département des finances, quelle est la politique du Conseil d'Etat en matière de gestion des engagements hors bilan.
Il y a quelques années, le groupe UDC avait déposé un projet de motion qui visait à changer la primauté des prestations par la primauté des cotisations pour les caisses de pension, et, à cette époque, les engagements de l'Etat pour les caisses de pension étaient de 5 milliards. Le groupe MCG s'est beaucoup engagé pour dénoncer le scandale de la BCG, qui représente toujours 4 milliards d'engagements pour l'Etat. Ce problème est en voie d'être maîtrisé, mais il est clair que c'est un scandale: nous partageons cet avis. Toutefois, on ne parle pas de cet autre scandale: celui des caisses de pension de l'Etat ! En effet, si vous lisez la page 63 des comptes, vous constaterez que les engagements de l'Etat pour les caisses de pension de l'Etat sont passés à 14 milliards ! Donc, gentiment, en quelques années, ces engagements ont triplé ! Et si ce parlement voulait aujourd'hui prendre la décision politique de créer des caisses autonomes, il n'aurait plus la liberté de manoeuvre de le faire, parce qu'il serait dans l'impossibilité de dégager ces 14 milliards, et ce d'autant plus que l'on nous a déjà expliqué qu'il n'était pas possible de dégager 5 milliards.
Je serais donc intéressé de connaître quelle est la politique que le Conseil d'Etat entend mener à l'avenir, car le chef de département nous avait indiqué l'année dernière, lors du débat sur la primauté, qu'il ne voulait pas que le problème des caisses de pension prenne la même ampleur que celle de la Banque cantonale de Genève - ce que je veux bien croire - pour que les engagements de l'Etat ne dépassent pas ces 14 milliards et pour éviter, comme pour la caisse de pension de la police, que l'Etat doive garantir 90 millions de francs chaque année juste pour arriver à payer les pensions et les indexations.
M. Alberto Velasco (S). Je voudrais remercier M. Gautier de son cours magistral, mais tout de même légèrement pédant... Je le remercie néanmoins.
M. Renaud Gautier. C'est toujours avec plaisir !
M. Alberto Velasco. Quoi qu'il en soit, et que je sache, pour atteindre des objectifs en matière de gestion, il faut des moyens ! Cela ne sert à rien d'assigner des objectifs au Conseil d'Etat en matière sociale, en matière de logement, et j'en passe, si on ne lui en donne pas les moyens ! Surtout pour le critiquer ensuite, en disant qu'il n'a pas atteint ses objectifs ! Eh oui, Monsieur, pour atteindre des résultats, il faut des moyens ! Et j'affirme que vous êtes constamment en train de restreindre les moyens mis à disposition du Conseil d'Etat ! Je persiste et signe !
Le jour où l'on aura un budget par objectifs, on pourra effectivement mieux contrôler les moyens qui ont été affectés et si ces derniers sont en corrélation avec les objectifs fixés au Conseil d'Etat ! Alors, ne venez pas affirmer des choses que je n'ai pas dites ici, notamment que je n'interviens pas sur le fond du débat. Et tout dépend effectivement des moyens !
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse. Finalement, en politique, la schizophrénie, c'est comme la vanité: personne n'est à l'abri d'une crise ! Et puis, comme il n'existe pas encore de vaccin - cela se saurait ! - peut-être seront-nous encore un peu fragiles...
Je vous entends et, par rapport aux discussions qui ont eu lieu au sein de la commission, je trouve cette idée de schizophrénie très intéressante. En effet, certains ont toujours la tentation d'assécher l'Etat pour justifier une réduction des prestations ou, alors, d'utiliser les bonis des comptes pour les redistribuer systématiquement sans tenir compte de l'importance du remboursement de la dette, comme j'ai pu l'entendre. Cette schizophrénie est donc très dangereuse.
Par ailleurs, s'agissant de la gestion, le Conseil d'Etat, en particulier le conseiller d'Etat présent, chef du département des finances, a été plus précis oralement, selon la tradition, que dans le rapport de gestion du Conseil d'Etat, puisqu'il nous a déjà fourni des précisions en commission. Et puis, la gestion du Conseil d'Etat recouvre bien évidemment les comptes, mais derrière ces comptes, il y a des femmes et des hommes... Et les commissaires de la commission des finances ont quand même été tous attentifs aux conséquences des exigences du politique en matière d'économies sur la gestion du personnel, sur la gestion tout court. Les exigences des députés et les contrôles imposés au sein des services sur le travail effectué doivent se réaliser dans climat de confiance et dans la transparence. C'est quelque chose à quoi l'on peut s'attendre dans le prochain rapport de gestion du Conseil d'Etat, dans la mesure où M. Hiler nous a toujours affirmé qu'il attachait une très grande importance à la gestion du personnel pour justifier des moments difficiles que risquent de vivre les fonctionnaires et qu'il fallait que ces derniers se sentent suffisamment considérés.
En conclusion, je crois que tous les commissaires de la commission des finances peuvent affirmer qu'aucune refonte de l'Etat, aucune économie durable, aucun respect des plans de mesures du Conseil d'Etat, ne pourront être efficaces si la qualité de vie au travail n'est pas meilleure pour celles et ceux qui doivent les mettre en oeuvre. Et ce n'est pas qu'une question de salaire ! Ce n'est pas qu'une question d'argent ! C'est pour cela que les comptes ont aussi du sens en termes de gestion des ressources humaines !
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. La parole est à M. le conseiller d'Etat, David Hiler... Excusez-moi, mais M. Marcet était déjà inscrit ! Monsieur Marcet, vous vous êtes inscrit à la dernière seconde: voulez-vous toujours prendre la parole ?
M. Claude Marcet. Oui, si vous le permettez !
La présidente. La parole est à vous, Monsieur le député.
M. Claude Marcet (Ind.). Merci, Madame la présidente. Je voudrais revenir sur le problème des caisses de retraite, parce qu'il me semble très important.
En effet, sur le plan de la technicité, dès lors qu'il y a un risque avéré, le déficit actuariel global des caisses de retraite devrait figurer dans les comptes de l'Etat au niveau du compte de résultat. Malheureusement, on se cache derrière l'Etat pérenne pour éviter de montrer dans le compte de résultat ce que les normes IPSAS exigent, normes que l'on ne veut plus avoir sous forme de certification, justement parce que la norme 25 le rendrait obligatoire.
Eh bien, nous arrivons à une situation - comme l'a dit très justement le député de l'UDC - où nous ne pourrons manifestement plus nous cacher derrière l'Etat pérenne, que l'on invoque régulièrement, pour prétendre qu'il n'y a pas de problème. C'est un peu comme pour la BCG: on nous avait assuré qu'il n'y avait pas de problème, que les dettes seraient lissées dans le temps et que les bénéfices futurs permettraient de les couvrir.
Je suis tout à fait d'accord avec les propos tenus par mon collègue de l'UDC: nous devons absolument dire la vérité à ce sujet à la population qui nous regarde ! Parce que, en plus du déficit actuariel global, qui se situe à environ 4 milliards actuellement, nous avons manifestement un déficit structurel annuel, et ce déficit signifie que nous sommes en insuffisance permanente au niveau des cotisants par rapport aux engagements futurs des caisses de retraite !
Et je rappelle, Mesdames et Messieurs, qu'en ce qui concerne les CFF, uniquement s'agissant du déficit structurel globalisé des seuls cotisants, le renflouement a été à hauteur de 1,5 milliard - 1,5 milliard ! - sans tenir compte du déficit global actuariel qui, lui, se montait à un certain nombre de milliards supplémentaires.
Je le dis d'autant plus facilement que j'étais - si vous me permettez de le rappeler - totalement opposé à ce qu'il y ait des dérogations aux normes IPSAS, c'est-à-dire des genevoiseries comptables que nous connaissons sous le nom de DiCo-GE ! Pourquoi ? Parce que cela permet à l'Etat d'entrer dans des considérations comptables que l'éthique et, surtout, le principe de l'image fidèle, réfutent absolument !
Je me permets encore de vous signaler que lorsque, dans le cadre du comité exécutif des IPSAS à l'automne dernier, la décision a été prise de faire entrer en force la norme 25, trois Etats au monde s'y sont opposés: la France, le Canada et Genève ! Et l'un des professeurs de l'Université, à Zurich, m'a posé la question écrite suivante: y a-t-il à Genève un problème culturel que nous ne connaissons pas ? Et je lui ai répondu que tel était le cas, parce que nous faisons exactement comme en France: nous cachons un certain nombre de choses, au niveau des avantages au personnel, et nous n'avons pas le courage de faire paraître dans les comptes ce qui devrait y figurer !
Enfin, lorsque nous avons un engagement potentiel lié à une garantie quelconque et que le risque est avéré, nous devons le faire figurer dans les comptes, que nous devrions suivre les normes IPSAS ou pas ! Nous ne le faisons pas, et je prétends, pour ma part que les comptes sont absolument faux en ce qui concerne ce principe. Et, je le répète, je suis tout à fait d'accord avec les propos tenus par le député du groupe UDC !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas parce que certains haussent le ton ou que d'autres cherchent de plus ou moins bons motifs pour refuser un rapport de gestion que l'on va s'énerver...
J'en viens aux choses sérieuses. Il y en a deux dans ces interventions. La première est la suivante: pourquoi n'y a-t-il pas ce que l'on appelle un bilan social annexé ? La raison est simplement que j'ai donné - de façon totalement transparente - instruction de réaliser ce bilan social à la fin novembre de l'année passée. Mais il se trouve que les calculs sont liés aux modules de gestion des postes des SIRH, que les restitutions, dans un premier temps, étaient loin d'être parfaites et qu'elles n'avaient pas été validées par les départements. Et, depuis plusieurs mois, M. Bouzidi travaille avec les collaborateurs de l'informatique sur une première mouture d'un bilan social qui indique les caractéristiques pour l'Etat, puis par département, puis, si possible, par direction générale - parce que, par département, ce n'est pas très significatif - c'est-à-dire qui ils sont, leur sexe, leur âge. En ce qui concerne le DF, d'ailleurs, une partie assez développée figure dans le compte plus que dans le rapport de gestion: le taux de vacance, le taux de rotation, les rapports hommes-femmes selon les catégories, le salaire médian par type d'exigence quant à la formation. Tous ces renseignements seront fournis, au même titre que le bilan carbone, demandé par d'autres personnes. Cela fait partie des outils de gestion contemporains pour les grandes structures. Nous ne sommes pas vraiment en avance sur ce point, mais, je le répète, ces éléments vous seront fournis: ces statistiques sont nécessaires.
Au sujet des caisses de pension, je peux entendre ce que vous dites, Monsieur Catelain... Oui, il y a un problème ! Oui, j'ai alerté non seulement le parlement, mais l'opinion publique sur ce problème, par conférence de presse: les journaux, à l'époque, en avaient fait leurs grands titres. Effectivement, nous avons devant nous un grand défi à relever. Qu'est-ce qui a été fait ? La création d'une structure de projet; convaincre les représentants employeurs et employés de se mettre autour d'une table pour trouver une solution qui soit raisonnablement coûteuse. Ce processus, après un certain nombre de doléances plus ou moins agréables à entendre - mais, enfin, nous sommes payés pour cela, donc ce n'est pas grave; les personnes concernées se sont assises autour d'une table; il y a une structure de pilotage, avec des groupes de travail, qui se réunit régulièrement. Nous pouvons commencer à imaginer assez clairement quelle sera la structure retenue et, au milieu de cet été, les actuaires nous donneront leur réponse concernant le plan de prévoyance commun CIA-CEH. Et, à partir de là, les choses difficiles commenceront, parce qu'elles représentent ce à quoi nous devrons renoncer... Par conséquent, le processus est en cours et devrait aboutir, d'une façon ou d'une autre, soit par un projet de loi, soit par un accord avec toutes les parties et un projet de loi ensuite. Nous avons un ou deux ans au maximum pour aboutir à un changement de situation.
Du côté fédéral, dans le pire des cas, nous serons pendant quarante ans au régime dit «des experts», et puis, ensuite, la capitalisation intégrale sera exigée. Donc, du point de vue comptable, nous respecterons le nouveau modèle des comptes au niveau fédéral, intercantonal, qui demande que l'on mentionne dans le bilan les insuffisances de couverture, comme un engagement hors bilan, qui s'appellera chez nous un «passif éventuel».
En revanche - en revanche ! - en ce qui concerne les exigences du système mixte, version solution des experts, au rythme où vont les choses il faudrait commencer à noter des provisions, dans le bilan cette fois, dès 2016, et exiger des caisses qu'elles prennent les mesures nécessaires pour que nous n'ayons pas à décaisser. Ce n'est donc pas si loin que cela !
Le Centre de compétences IPSAS a étudié ces questions. Il a commencé à élaborer un certain nombre de formalisations mathématiques avec les actuaires pour savoir à quel moment il faudrait constater que les exigences du système des experts, propres à un système mixte, ne soient plus respectées. C'est vous dire, premièrement, que l'information est parfaitement disponible; deuxièmement, que nous prenons cette affaire tout à fait au sérieux - tout à fait au sérieux ! Et que, troisièmement, c'est un débat dont le moins que l'on puisse dire c'est que l'enjeu est extraordinairement important lorsqu'il aura abouti à une proposition d'ordre parlementaire: fusion CIA-CEH, mandat de gestion de la CP sur cette caisse fusionnée pour ce qui est de la gestion des avoirs, d'autres modifications éventuelles concernant l'ACP, plan de prévoyance commun et mesures d'assainissement obligatoires pour le comité de caisse prévues par la loi. Eh bien, nous allons évidemment en entendre parler ! Je le répète: l'enjeu est extraordinairement important. Nous pouvons le gérer encore convenablement, mais pas sans coût - ça, à l'évidence, non ! - parce que nous sommes en partie dans un système de répartition et que, comme tous les systèmes de ce type, il est sensible à la démographie.
C'est donc vers 2020-2030 que la conjoncture connaîtra un pic difficile, avec, vraisemblablement, autant de pensionnés que de cotisants ! Et nous devons nous y préparer !
Je signale tout de même que c'est la première fois qu'un Conseil d'Etat veut bien affronter cette question, que nous sommes trois dans la structure de pilotage, avec mon collègue Unger et M. Moutinot. Donc, oui, nous sommes en train d'y travailler ! Oui, nous avons cherché à travailler avec les partenaires concernés, comme d'habitude ! Oui, les choses prennent toujours plus de temps quand on travaille avec les partenaires que lorsqu'on agit seul ! Néanmoins, vous aurez peut-être remarqué que Neuchâtel, qui avait commencé plusieurs années avant nous, est arrivé à la fin de ce processus et qu'un référendum a été lancé.
C'est vous dire que nous prenons réellement ce problème à bras-le-corps, que nous ne cherchons pas à le cacher et, encore moins, à nous le cacher. A mon avis, il faudra que, dans les deux ans, vous preniez des décisions qui ne feront probablement plaisir à personne, mais qu'il faudra bien prendre une fois !
La présidente. Merci beaucoup, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, rappelle que, concernant le PL 10248-A lui-même, nous sommes en deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 4.
La présidente. A l'article 5, M. Francis Walpen veut s'exprimer. Je vous donne la parole, Monsieur le député.
M. Francis Walpen (L). Merci, Madame la présidente. Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire tout à l'heure, malheureusement et à leur «coeur» défendant, les libéraux ne pourront pas voter l'article 5 !
La présidente. Dans ce cas, je suis obligée de mettre l'article 5 aux voix.
Mis aux voix, l'article 5 est adopté par 45 oui contre 22 non et 3 abstentions.
Troisième débat
La loi 10248 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 10248 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 66 oui et 3 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais, si vous le permettez, remercier particulièrement tous les collaborateurs du département des finances, notamment M. Pangallo et ses collègues. (Applaudissements.) Je voudrais remercier encore - nous l'avons fait à plusieurs reprises - les membres du service du Grand Conseil pour leur collaboration, leur gentillesse... (Applaudissements.) ...et leur professionnalisme. Je tiens enfin à tous vous remercier, Mesdames et Messieurs les députés, de la haute qualité de ce débat. Merci beaucoup ! (Applaudissements. La présidente est interpellée par M. Francis Walpen.) Eh oui, tout à fait, il faut dire quand les choses sont bien faites, Monsieur Francis Walpen ! Je remercie également Mme la rapporteure. (Applaudissements.)
Maintenant nous reprenons le cours de nos travaux... (Exclamations.) Vous voulez faire une petite pause ? Allez, je vous accorde une pause de quelques minutes ! Nous reprendrons nos travaux ensuite, avec le point 106.
La séance est suspendue à 15h15.
La séance est reprise à 15h30.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons nos travaux avec le point 106 de notre ordre du jour.