République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Loly Bolay, présidente.

Assistent à la séance: MM. David Hiler, Robert Cramer, Charles Beer et François Longchamp, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Esther Alder, Caroline Bartl Winterhalter, Christophe Berdat, Antoine Bertschy, Gabrielle Falquet, Jacques Follonier, Renaud Gautier, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Georges Letellier, Sylvia Leuenberger, Claude Marcet, Yves Nidegger, Jean Rossiaud, Louis Serex, René Stalder et François Thion, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

M 1703-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch-Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Guy Mettan, Pascal Pétroz, Pierre-Louis Portier pour l'alignement des salaires des TPG sur ceux de la fonction publique
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. Alberto Velasco (S)

Débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, j'ai le plaisir, pour la troisième fois aujourd'hui, de débattre avec mon collègue et ami Velasco, qui va probablement être surpris - et d'autres aussi - par la façon dont je vais aborder cette proposition de motion.

Au fond, la question mise en évidence par les motionnaires est celle de l'incohérence. Une incohérence dans la façon dont les salaires du petit et du grand Etat sont établis dans le cadre d'un carcan qui semble extrêmement strict. Pour illustrer cette incohérence, je vais vous présenter trois types d'inégalités, non pas individuelles, mais collectives.

Il y a d'abord des inégalités collectives internes au petit Etat en matière d'évolution salariale. J'en veux pour preuve les éléments que nous a fournis le Conseil d'Etat lorsqu'il nous a montré comment ont évolué les salaires de la majorité de la fonction publique du petit Etat et ceux de certaines catégories, probablement fort syndiquées, ou qui ont trouvé des rhéteurs habiles pour les défendre.

Prenons l'évolution de l'indice des prix à la consommation à Genève entre 1991 et 2006, qui est de 26%: la fonction d'inspecteur de police, par exemple, a évolué jusqu'à 147% par rapport aux 126% de l'indice des prix à la consommation. Probablement a-t-elle trouvé de meilleurs défenseurs que les maîtres du secondaire, dont les salaires n'ont évolué «que», si j'ose dire, de 100 à 118% par rapport à 1991. Voilà deux exemples qui montrent combien le petit Etat favorise les uns, désavantage les autres, collectivement, sans prendre en considération les prestations individuelles.

A l'intérieur du grand Etat se trouve un deuxième exemple d'inégalité collective entre les entreprises bénéficiaires, qui n'ont pas besoin de subventions de l'Etat, et celles qui sont déficitaires et qui ont, elles, besoin de l'Etat, c'est-à-dire de nous, contribuables, pour réussir à faire évoluer leurs salaires. Il y a par exemple - certains d'entre nous le savent pertinemment - une évolution des salaires, voire des bonus, à l'intérieur des SIG, alors qu'il n'en va pas de même aux HUG. Je relève au passage que les SIG sont, pour la majeure partie de leurs activités, dans une situation de monopole mais, pour une autre partie, dans une situation concurrentielle et, s'ils ont un public captif, ils ne bénéficient en tout cas pas de subventions de l'Etat. Les HUG, en revanche, sont dans une situation qui les oblige à recevoir une subvention de l'Etat et des assurés, des assurances-maladie, et cet établissement fait donc évoluer différemment ses salaires.

Prenons à présent le troisième exemple, celui qui nous vaut cette proposition de motion: les TPG. Ils sont quant à eux dans une situation déficitaire et, néanmoins, l'évolution des salaires y est supérieure à celle de l'Etat. Bien entendu, les salaires des conducteurs de TPG augmentent nettement plus que ceux des enseignants du secondaire, mais vous me direz que l'utilité des transports est plus grande que celle de la culture, ce qui n'est pas nécessairement mon avis ! Si vous prenez une même classe de fonction, à savoir celle d'un mécanicien, vous voyez qu'à l'Etat de Genève, pour la période 1991-2006, un mécanicien perçoit 80 650 F, lorsqu'il est au maximum - en annuité 13 de la classe 10 - et que, si ce dernier est transposé aux TPG, au lieu de toucher ces 80 650 F, il en perçoit tout à coup 87 871 F et 63 centimes - il ne faut jamais négliger les centimes ! Pour quelle raison les TPG peuvent-ils offrir 7 000 F de plus pour la même fonction, dans la même classe que l'Etat de Genève, alors qu'ils sont subventionnés ?

Cette situation met en évidence les limites de l'autonomie dans la gestion des entités publiques autonomes, mais également la nécessité d'un contrat de prestations pour l'évolution desdits salaires.

J'ajouterai qu'il existe une troisième inégalité collective, celle entre les subventionnés, mais je ne développerai pas davantage ce point.

Pour ces raisons d'incohérence et d'insuffisant regard sur ce qui se passe au sein du petit Etat, entre le petit et le grand Etat, et au sein du grand Etat, il est nécessaire d'adopter cette proposition de motion, bien que les commissaires aux finances n'aient pas tous approuvé les considérants des motionnaires, par exemple celui mentionnant leur souci d'éviter toute disparité. Ce n'est pas le point de vue de certains commissaires, notamment des libéraux. Ils considèrent néanmoins qu'il y a des explications à donner et que celles qui ont été fournies par le Conseil d'Etat en commission méritent d'être développées, ce qui est une façon de dire qu'elles sont insuffisantes. Nous aurons d'ailleurs l'occasion d'en reparler avec le conseiller d'Etat lors de son arrivée prochaine, j'imagine, Madame la présidente ! Pour ces raisons, il est nécessaire, puisqu'il ne nous entend pas aujourd'hui, qu'il nous réponde demain et que nous lui renvoyions donc ce texte qui a bénéficié en commission d'un large soutien des partis de l'Entente et de la majorité parlementaire de droite. Je vous remercie, Madame la présidente, d'avoir accueilli l'annonce de cette proposition de motion avec le sourire !

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, vous êtes donc contre les disparités... (Commentaires de M. Pierre Weiss.) Attendez ! Vous avez relevé de manière critique les disparités collectives qui existent, mais vous ne voulez pas les limiter. Comprenne qui pourra ! En réalité, je peux vous suivre: il existe déjà des disparités entre toutes ces entreprises autonomes, mais qu'il y en ait en plus par rapport à l'Etat, je ne peux que vous l'accorder, cela pose problème ! Mais cela provient de l'autonomie, du type d'autonomie que nous avons accordé. Lorsque nous leur avons octroyé l'autonomie, nous n'avons pas créé des entreprises totalement autonomes, nous avons fait des «indépendances autonomes», qui avaient donc quand même besoin de l'Etat - c'est-à-dire que les risques et les financements appartiennent à ce dernier - mais qui étaient, en revanche, autonomes et indépendantes en ce qui concerne de nombreux autres éléments, comme les salaires, les bonus, etc.

Et vous savez très bien, Monsieur le rapporteur de majorité, que je me suis moi-même élevé contre cela. En effet, je considère qu'il existe une loi, la LGAF, qui cadre très bien cela et stipule clairement que, pour les entreprises autonomes, notamment subventionnées par l'Etat, les niveaux salariaux doivent être compris entre les maxima et les minima de la loi. Ils ne peuvent pas les dépasser. Or, pour pouvoir excéder cette fourchette, on s'arrange pour qu'il y ait des compléments, sous forme de bonus et de prestations autres, qui ne font pas partie du salaire mais des dédommagements, et qui permettent ainsi d'atteindre les salaires qu'on connaît.

Les motionnaires nous disent, je cite: «Cette motion n'a pas pour but de démotiver les employés des TPG, ni de toucher à la qualité et à l'efficience des transports publics genevois. Mais il convient aujourd'hui de mettre fin à une disparité de traitement qui touche les fonctionnaires.» Jusque-là, nous sommes tous d'accord ! Mais alors, cher collègue, que fait-on de la disparité ? Devons-nous niveler par le bas ou par le haut ? Là est la question ! En d'autres termes, doit-on aligner les salaires des TPG sur ceux de la fonction publique, par exemple des enseignants, ou alors relever les salaires des enseignants pour les aligner sur ceux des TPG ? Que fait-on ? Je comprends ce que vous voulez ! Vous souhaitez aligner les TPG sur le dénominateur le plus petit !

M. Pierre Weiss. Non !

M. Alberto Velasco. Vous le direz tout à l'heure, mais j'ai cru comprendre que c'était votre désir.

M. Pierre Weiss. Vous avez mal compris !

M. Alberto Velasco. Peut-être ! Madame la présidente, M. le rapporteur de majorité me dit que j'ai mal compris et qu'il ne veut pas aligner les salaires sur le dénominateur le plus petit. Moi je pense qu'il faut créer un dénominateur commun pour que, à fonction égale et responsabilités égales, il y ait le même salaire. Un fonctionnaire doit avoir droit au même traitement qu'il soit dans le petit ou le grand Etat. C'est extrêmement important ! Sinon, on assiste à ce qu'on a pu voir dernièrement.

En outre, je considère que ces entreprises publiques sont dans des marchés qu'on peut appeler «monopolistiques» - pour moi, ce ne sont pas des marchés, mais certains le croient et ils sont intervenus. Ces entreprises sont des monopoles et fournissent des prestations, elles ne sont, la plupart du temps, pas en concurrence. Si c'est le cas, l'Etat est derrière et se porte garant en cas de déficit ou de situation difficile financièrement. On l'a vu tout à l'heure avec la Banque cantonale de Genève, l'Etat était là: pas de problème !

Par conséquent, je ne pense pas que, dans ces établissements, on puisse parler de risques. Je ne pense pas non plus que les personnes soient obligées de parcourir des milliers de kilomètres - mettant ainsi en cause leur famille - pour attaquer des marchés. On ne leur demande pas non plus d'augmenter la sphère du marché ou des prestations au-delà de la République et canton de Genève... Je veux dire par là que toutes ces entreprises autonomes ont un périmètre d'action entièrement limité à notre république et, par conséquent, on sait très bien quels sont les risques. Et je considère que le moment est arrivé que cette république ait une politique salariale juste et équitable pour tous les fonctionnaires. Toutefois, les TPG, comme vous le savez, ont des CCT - des contrats collectifs de travail.

M. Pierre Weiss. Ils ont aussi des subventions !

M. Alberto Velasco. Oui ! Et ces contrats collectifs de travail ont été négociés entre les syndicats et la direction. Et j'imagine mal que l'on puisse dire aux TPG: «Vous allez devoir vous aligner sur les enseignants; par conséquent, on va baisser vos salaires de 20%.» Cela ne me paraît pas envisageable ! Et c'est l'une des raisons pour lesquelles, nous, socialistes, ne pouvons pas adhérer à cette proposition de motion, parce qu'elle est en réalité très perfide. Elle indique qu'il y a une disparité et qu'il faut arranger les choses, mais elle n'explique pas comment ! Elle ne spécifie pas s'il faut aligner les salaires du bas sur ceux du haut ou l'inverse ! Rien n'est dit à ce propos, Monsieur le rapporteur de majorité ! J'en conclus que, de manière très perfide, on est en réalité en train d'attaquer le pouvoir d'achat d'un certain nombre de personnes. Pas forcément celles des classes du haut, de la direction, non ! On s'attaque précisément au pouvoir d'achat de ceux que j'appelle «les fonctionnaires», qui sont les plus affectés par les non-indexations successives.

M. Pierre Weiss. Le PDC n'est jamais perfide !

M. Alberto Velasco. C'est vous qui le dites ! Vous connaissez ce parti mieux que moi ! Moi je ne côtoie pas ses membres dans le cadre de l'Entente comme vous ! C'est peut-être pour cela que j'ai une vision différente !

En l'occurrence, Mesdames et Messieurs les députés, je pense que le personnel des TPG, notamment le personnel roulant, a un travail très difficile et très stressant. Du reste, il y a presque eu une grève l'année passée, parce que ces gens n'en pouvaient plus. Il a fallu réévaluer leur situation, et j'imagine mal qu'on puisse maintenant dire à ce personnel, qui en plus est celui de production: «Ecoutez, vous avez négocié avec les syndicats, vous avez obtenu de nombreuses choses, c'est très bien, mais il faut revenir en arrière, parce que vous devez maintenant gagner le même montant que la classe salariale du petit Etat.» Si vous agissez ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, ce sera la révolution dans cette république ! Il y aura des grèves aux TPG ! Et savez-vous, Monsieur le rapporteur de majorité, pourquoi, lorsqu'il y a eu les grèves du petit Etat, le personnel des TPG ne s'y est pas rallié ? Parce qu'il avait des conditions financières telles qu'il n'avait pas besoin de se joindre à cette grève et d'imiter les mouvements de la fonction publique du petit Etat ! Alors si vous alignez les salaires des TPG sur ceux de l'Etat, c'est bien pour nous, mais vous allez créer une masse critique telle qu'elle va impulser des mouvements sociaux assez intéressants...

Par conséquent, telle que cette proposition de motion nous est présentée, je pense qu'on ne peut pas l'accepter. En effet, je le répète, il n'y a rien qui indique que les traitements ne seront pas péjorés.

M. Pierre Weiss. On pourrait alors l'amender ?

M. Alberto Velasco. Oui, c'est une possibilité. Nous verrons d'ici à la fin de la séance si mes collègues socialistes ont des propositions à faire à ce sujet. En tous les cas, en l'état, je pense qu'on ne peut pas accepter une proposition de motion qui laisse des portes ouvertes, dans la mesure où l'on ne sait même pas qui va s'aligner sur qui.

M. Eric Bertinat (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, bien que j'aie voté non à cette proposition de motion, j'en ai apprécié la question de fond, qui est celle de savoir si une entité publique autonome, largement financée par l'Etat, pouvait avoir la liberté de mener une politique salariale propre à l'établissement, qui tienne compte de son esprit d'entreprise et respecte rigoureusement son contrat de prestations ainsi qu'un plan financier accepté par ce parlement. Pour moi, la réponse est oui, même si la disparité de salaires entre les TPG et ce qu'on appelle communément le petit Etat peut sembler de premier abord quelque peu choquante. Et encore faut-il tempérer cette fameuse différence salariale, car il est difficile de comparer deux salaires pour deux fonctions différentes, qui plus est lorsque des employés des TPG n'ont pas de statut de fonctionnaires.

L'UDC est d'avis qu'il ne faut rien changer, tant la question est complexe et même risquée. Considérez par exemple les comptes 2007 des TPG, qui dégagent un résultat net positif exceptionnel, dont une partie revient à l'Etat, au titre de contribution au renouvellement des infrastructures de transport aériennes et de sol !

En revanche, l'UDC estime que l'on peut régler ce problème par le contrat de prestations, raison pour laquelle elle refusera la proposition de motion 1703.

M. Pierre Losio (Ve). Il a été dit tout à l'heure, à propos d'un autre projet qui nous était soumis, qu'il ne convenait pas que le parlement se mêlât des rapports entre l'employeur et l'employé. En outre, nous avons entendu, lors d'une précédente session du Grand Conseil, de grands discours sur la gouvernance, sur la nécessité de dépolitiser les conseils d'administration et sur le fait qu'il fallait laisser l'entreprise gérer sa politique, dans le cadre notamment des contrats de prestations.

Nous sommes effectivement d'avis qu'il convient de respecter l'autonomie des établissements publics autonomes et voyons d'un très mauvais oeil cette tentative de normaliser et de s'insérer subrepticement dans la politique de l'entreprise. Cette dernière a une culture, une tradition de négociations parfois difficiles entre l'employeur et les employés, et nous pensons ne pas devoir nous en mêler. Si des modifications devaient être apportées, il faudrait d'abord passer par des propositions qui figureraient dans un contrat de prestations et négocier auparavant avec la direction au sein du conseil d'administration et avec les organisations représentatives du personnel.

Nous sommes donc résolument opposés à cette proposition de motion et nous inquiétons en outre de ce qu'une telle entreprise de normalisation pourrait créer un conflit social dont les TPG n'ont vraiment pas la nécessité actuellement, puisqu'ils sont en pleine phase de développement et que la politique de transports publics se dirige vers toujours plus d'offres. Nous y voyons donc également un danger de remise en question de la paix sociale dans cette entreprise.

Pour toutes ces raisons, nous refuserons cette proposition de motion.

M. Ivan Slatkine (L). J'ai été très attentif aux propos de mes préopinants, tant Vert que UDC, voire socialiste. Pour le parti libéral, l'autonomie des établissements publics autonomes est primordiale et il faut pouvoir conserver au sein de ces établissements une politique qui soit détachée du Grand Conseil.

Si on lit cette proposition de motion au premier niveau, on peut approuver les propos qui viennent d'être tenus. Mais qui établit le contrat de prestations ? C'est le Conseil d'Etat ! Il faut donc bien, à un moment, lancer un message politique ! D'ailleurs, cette proposition de motion constitue un tel message, qui consiste à demander au Conseil d'Etat, lors de l'établissement du prochain contrat de prestations, d'étudier et d'insister sur ce problème de la rémunération au niveau des transports publics, rien de plus.

D'autre part, on peut regretter que l'invite n'ait pas été amendée mais, personnellement, n'étant pas un spécialiste des propositions de motions, je ne sais pas si on aurait pu le faire. Il y a là effectivement matière à discussion mais, ce qui compte pour le parti libéral, c'est le message politique.

J'ai moi-même participé à l'établissement de deux contrats de prestations en tant que député au sein de la commission des transports, et à chaque fois la direction des transports publics nous a expliqué que les mécanismes salariaux posaient des difficultés, qui n'étaient pas uniques, mais qui font partie d'un problème au niveau des TPG. Il s'agit donc aujourd'hui d'adresser un message politique. Le parti libéral soutient par conséquent le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat, parce que nous souhaitons que ce dernier fasse passer dans son prochain contrat de prestations un message politique concernant la rémunération des employés des TPG. Pour ces raisons, je vous remercie de soutenir le rapport de majorité.

M. Christian Brunier (S). Je crois que, lorsque le parlement décide de jouer à l'employeur, cela constitue une dérive et, souvent, cela sème plus de désordre que cela n'amène de solutions. La gauche comme la droite - je le reconnais - nous avons joué à ce jeu de temps en temps car, dans plusieurs situations, le parlement a voulu interférer dans les relations de partenaires sociaux qui doivent avoir lieu entre l'Etat patron - pour l'Etat central, il s'agit du Conseil d'Etat et, pour les entreprises publiques, ce sont les conseils d'administration - et les syndicats. Or, lorsque le parlement interfère, je crois qu'il abuse de son pouvoir, parce qu'il est facile en tant que parlementaire - et je le redis, de gauche comme de droite - de donner des leçons au patron Etat sans en assumer les conséquences. Oui, c'est facile ! Car quelles conséquences un parlementaire va-t-il assumer ? Ce n'est pas lui qui va gérer les conflits sociaux, les négociations et toutes les contraintes liées à la rémunération et aux conditions de travail ! Non, ce seront les conseils d'administration, les directions générales et le Conseil d'Etat selon les cas. Restons donc dans notre rôle, car je pense que nous n'avons pas à jouer celui d'employeur; c'est un abus de pouvoir du parlement ! Aujourd'hui, c'est la droite, de temps en temps c'est la gauche qui l'a fait, et je pense qu'à chaque fois cela a été un échec et que la situation ne s'en est en tout cas pas trouvée améliorée.

Aligner les salaires des TPG sur ceux de l'Etat, je crois que c'est vraiment l'antithèse de la création d'un établissement public. A la rigueur, comme on le fait pour l'Hospice général, on peut se poser des questions et se demander s'il est bien que tel établissement ou tel service soit à l'extérieur ou à l'intérieur de l'Etat; c'est sain et, à mon avis, un signe de bonne gouvernance, car le parlement doit se poser de temps en temps ces questions.

Concernant l'Hospice général, nous avons déposé un projet de loi rappelant que cette institution fournit des prestations sociales de base, et nous pensons donc qu'elles doivent être assumées par un service de l'Etat. En revanche, nous estimons que les transports publics doivent être régis par une certaine autonomie, or cette proposition de motion aurait comme conséquence de couper cette autonomie, alors allez jusqu'au bout ! Dites: «Nous voulons que les TPG deviennent un service de l'Etat.» Ce serait un choix de société, un choix de fonctionnement de l'Etat. Personnellement, je pense que ce serait une mauvaise décision, mais au moins il y aurait davantage de cohérence.

C'est également une violation des bonnes règles de gouvernance. On parle souvent de ces règles, parce que c'est à la mode, mais aussi parce que cela peut vraiment améliorer les choses, alors il faut qu'on y réfléchisse.

Lorsqu'un parlement décide d'établir des contrats de prestations, qui sont des contrats dans la durée, il fixe des objectifs politiques et les évalue de temps en temps. Cela peut éventuellement avoir des conséquences budgétaires, si on le désire. On peut également, bien sûr, amender ces objectifs. Voilà le rôle de la politique. Ensuite, il y a la gestion, et nous avons décidé - je crois que ce fut à une large majorité - de dire que les TPG sont gérés par un conseil d'administration. Or aujourd'hui cette proposition de motion constitue une ingérence dans les affaires du conseil d'administration; c'est une dérive de la bonne gouvernance et nous avons pourtant tous des représentants dans ce conseil d'administration ! Vous n'arrêtez pas de demander à ce conseil d'être efficace, vous avez présenté un projet de loi qui doit prétendument améliorer l'efficacité de ces conseils d'administration, alors laissez-les agir ! Laissez-les assumer leurs responsabilités et gérer l'entreprise, et ensuite vous pourrez les sanctionner ! Si vos administrateurs ou les nôtres font mal leur travail, on peut les changer, mais arrêtons de vouloir déléguer un certain nombre de compétences au conseil d'administration puis, ensuite, de temps en temps, d'interférer dans ces affaires lorsque cela nous arrange ou nous amuse. D'autant plus que la commission n'a pas auditionné les TPG ! D'ailleurs, je pense que c'est aussi une erreur, parce qu'on aurait pu demander à des représentants de tous les partis, de gauche comme de droite, de venir nous raconter ce qui se passe dans le conseil d'administration des TPG. J'y ai siégé à un certain moment et je peux vous dire que c'est un conseil d'administration qui fonctionne bien et dans lequel les différences politiques s'effacent pour que l'avenir de cette entreprise publique soit géré au mieux. Je pense donc que l'audition des TPG n'aurait pas été un luxe.

Finalement, on parle de souplesse, et je pense qu'on doit en faire preuve au niveau de la gestion des salaires. Je vous rappelle que si, lors de l'ouverture du concours pour la gestion des transports publics à Annemasse - vous savez que les TPG gèrent avec la RATP les transports publics de la région d'Annemasse - on avait mis en pratique aux TPG cette proposition de motion, c'est-à-dire appliqué la grille salariale de l'Etat à l'ensemble des employés des TPG, ces derniers n'auraient pas pu gagner ce marché. En effet, ils l'ont obtenu parce qu'ils avaient une souplesse des salaires pouvant s'adapter à la concurrence française. Alors, s'il vous plaît, laissez les TPG agir ! Je crois que c'est important ! En effet, là c'est Genève qui a gagné un marché en France mais, demain, ce sont peut-être les Français qui en obtiendront chez nous. Il faut donc laisser les moyens à cette entreprise publique d'avoir un minimum de souplesse pour gérer convenablement ses affaires.

Concernant la rémunération aux TPG, elle a été un levier de motivation du personnel. Dans le conseil d'administration, la droite comme la gauche étaient d'avis qu'il devait y avoir une rémunération adaptée à chaque métier des TPG, parce qu'il existe des professions particulières. Du reste, vous faites des comparaisons qui n'ont rien à voir ! Car vous en faites avec des gens qui travaillent huit heures par jour mais, aux TPG, le travail s'effectue 24h/24, 7j/7 ! De plus, il y a des métiers très spécifiques et des conditions de marché... Vous n'arrêtez pas de parler de l'économie de marché, mais aujourd'hui - et ce n'est pas nous qui l'avons voulu - le marché des transports publics est ouvert ! Il est en concurrence et peut être remis en concession ! D'ailleurs, vous avez dû voir qu'il y a des multinationales qui se sont établies à Genève et qui essaient de piquer des transports dits publics, notamment ceux du Salon de l'auto. A ce propos, je vous rappelle que, certaines années, ce sont des privés qui ont gagné le marché, qui ont battu les TPG !

M. Pierre Weiss. Une fois !

M. Christian Brunier. Une fois, peut-être, parce que les TPG se sont bien battus, Monsieur Weiss ! Et ils ont bien lutté parce qu'ils avaient la liberté de pouvoir agir. Mais si vous leur coupez cette liberté, ils perdront plus qu'une fois ! Alors, de grâce !

On a l'impression qu'il s'agit d'un projet qui viendrait presque de l'Alliance de gauche, où l'on souhaite tout étatiser ! Moi je pense que vous avez été pris dans une dynamique qui n'est pas très naturelle, et la sagesse voudrait que l'on renvoie ce texte en commission - j'en fais la demande officielle ! - parce que, si on le vote ce soir, les députés ne vont pas se déjuger par rapport à ce qu'ils avaient décidé en commission et il va donc y avoir une majorité pour. En conséquence, je pense que, pour le bien des TPG, pour le bien de la bonne gouvernance de cette république, il faut renvoyer ce projet en commission, auditionner tranquillement les TPG, essayer de bien comprendre les problématiques et analyser ce qui se passerait si cette proposition de motion était appliquée à la lettre. Car je suis sûr que nous pouvons nous retrouver, droite comme gauche, unis pour défendre l'avenir des TPG. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous voterons tout à l'heure votre demande de renvoi en commission.

M. Jean-Marc Odier (R). Ingérence, oui, Monsieur Brunier, bien entendu ! Le Grand Conseil s'ingère dans une politique salariale qui devrait être conduite par les TPG. D'ailleurs, je constate que cette séance diffère un peu des autres, où c'est plutôt nous qui parlons d'ingérence. Alors nous sommes à peu près tous d'accord, mais pas au même moment !

Nous allons renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, parce qu'elle constitue un signe politique par rapport à une entité dite autonome. Mais l'est-elle vraiment ? Une entité publique, subventionnée à plus de 50%, est-elle réellement autonome ! En effet, je vous rappelle que nous subventionnons à raison de 150 à 160 millions les TPG et que ces derniers ont une politique salariale qui, d'année en année, fait augmenter la masse salariale de 5 millions. Cela péjorera d'ailleurs leurs possibilités de concurrence vis-à-vis de l'ouverture des marchés, lorsque les entreprises d'autres pays pourront venir à Genève soumissionner pour des lignes. Cela a du reste déjà été le cas notamment pour les transports du Salon de l'auto, qui ont été confiés à d'autres entreprises. Je le répète, et l'ex-directrice des TPG nous l'a confirmé à la commission des transports, la masse salariale et le niveau des salaires péjorent donc la capacité à soumissionner. Voilà pourquoi nous allons renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, car il s'agit d'un signal politique.

Concernant les salaires, si l'on regarde le tableau de la page 14 du rapport, on peut lire que, en 2006, un collaborateur des TPG exerçant la fonction de conducteur gagnait 91 987 F. C'est juste 50% de plus que les salaires dans le privé, qui s'élèvent à environ 5 000 F par mois, soit 60 000 F par année ! Alors qu'aux TPG, c'est 90 000 F !

Voilà pourquoi nous nous permettons, contrairement à d'autres soirs, de dire que, même s'il y a ingérence, il faut donner un signal politique au Conseil d'Etat, pour qu'il soit attentif à ce sujet lorsqu'il renégociera le contrat de prestations, car le Grand Conseil ne suivra plus longtemps à ce rythme-là.

Une voix. Très bien ! Bravo !

M. Guy Mettan (PDC). Si le parti démocrate-chrétien a déposé cette proposition de motion, c'est pour toutes les raisons qui ont été soulignées tout à l'heure par nombre d'entre vous, à savoir qu'il était important à nos yeux et à ceux des personnes qui soutiennent ce texte de donner un signal politique afin d'éviter les dérives salariales, même dans les établissements publics autonomes. En effet, il nous est apparu qu'il existait aux TPG un certain risque de surchauffe salariale et qu'il était dès lors bon que nous exercions notre simple autorité de surveillance.

J'ai bien écouté les propos de M. Brunier, et il a raison de dire que cette proposition de motion est exactement à l'intersection de la problématique de l'autonomie et de notre devoir de surveillance. Mais nous y avons réfléchi d'un autre point de vue, comme d'ailleurs lorsque nous avons rédigé avec MM. Weiss et Hiltpold un préprojet de loi sur la gouvernance des établissements publics visant à renforcer l'autonomie de ces derniers: si on en renforce l'autonomie, il faut également que l'autorité de surveillance remplisse pleinement son rôle. Or, selon nous, en surveillant cette politique salariale au moment où elle menace de surchauffer, nous sommes en plein dans ce rôle de surveillance, je dirai même dans ce devoir.

C'est également pour cette raison que nous avons déposé une proposition de motion. Ce n'est donc pas un projet de loi, ce n'est pas un acte législatif intrusif dans la politique des TPG, mais simplement un avertissement délivrant le message suivant: «Attention ! L'autorité de surveillance vous demande de surveiller votre politique salariale !» Et là, nous sommes en plein dans notre rôle. En effet, il est important d'éviter de trop grandes disparités entre établissements publics autonomes, alors si nous voulons remplir ce devoir de surveillance, nous devons veiller, en tant qu'autorité - soit le Conseil d'Etat, soit le Grand Conseil - à ce qu'il n'y ait précisément pas de trop grandes disparités entre les établissements dont nous avons la responsabilité, et cela par la mise en place de contrats de prestations.

Dès lors que nous voyons qu'aux TPG il existe un risque, nous nous devons de le signaler. C'est la raison pour laquelle nous avons rédigé cette proposition de motion et que nous vous demandons de la renvoyer au Conseil d'Etat. Ce n'est pas une ingérence, c'est simplement notre devoir que d'agir ainsi.

M. Ivan Slatkine (L). Je vais être très bref. Après avoir entendu M. Brunier appeler à un renvoi en commission, je voudrais vous indiquer que le groupe libéral s'y oppose. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit: le but est de donner un message politique afin que, lors de l'établissement du prochain contrat de prestations, la problématique des salaires aux TPG soit mieux contrôlée. En outre, j'ajoute que j'ai pris bonne note de l'éloge du parti socialiste sur l'autonomie des établissements publics autonomes, et qu'on aura tout loisir d'en débattre encore à l'avenir, plus particulièrement le 1er juin, lors de la votation populaire sur la bonne gouvernance.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Un seul conseiller d'Etat nous manquait et ce parlement était dépeuplé ! Par bonheur, M. Hiler est arrivé, nous pouvons donc... (Commentaires.) Accompagné de deux assesseurs de qualité, s'il en est ! Il serait difficile de faire mieux !

La proposition de motion qui est soumise à ce Grand Conseil et pour laquelle une majorité propose le renvoi au Conseil d'Etat est un texte dont j'ai dit tout à l'heure qu'il posait le problème de l'incohérence dans les évolutions collectives salariales au sein du petit Etat, entre le petit et le grand Etat, et au sein même du grand Etat. Pour ces raisons, une clarification est nécessaire de la part du Conseil d'Etat, étant entendu que le dogme de l'autonomie doit être préservé. Encore faut-il que, lorsqu'il y a subventions, et subventions aussi fortes que celles qui sont accordées aux TPG par exemple, des précautions soient prises dans le contrat de prestations - et là je rejoins certains orateurs qui se sont exprimés sur ce point, tel M. Losio - pour éviter des dérives. Il y a manifestement eu dérive salariale par faiblesse face aux syndicats dans le cas de cette entreprise.

Il est vrai que nous ne sommes pas dans une situation de statuts individualisés, que j'appelle de mes voeux, mais je relèverai néanmoins que, lorsque nous avons examiné en commission ad hoc un projet de loi de l'Entente sur le statut de la fonction publique - dont je vous signale qu'il est toujours suspendu à l'ordre du jour de ce Grand Conseil - il avait été dit que rien n'était jamais acquis. Un avis de droit avait d'ailleurs été fourni, selon lequel le principe même des droits acquis salariaux avait été considéré comme nul et non avenu.

On peut donc très bien entendre les menaces qui sont faites sur le risque de conflits sociaux mais, en ce qui concerne les conditions juridiques, on ne peut pas exciper de la situation actuelle pour empêcher son évolution dans un sens qui serait défavorable aux intérêts de tel ou tel. Je rappelle cela parce que nous aurons probablement l'occasion d'y revenir, s'agissant du treizième salaire.

En conclusion, je relève simplement qu'il y a eu, dans le cas de l'entreprise ici considérée, dérive de la gouvernance; il y a eu abandon de la bonne gouvernance et il s'agit de faire en sorte qu'à l'avenir le contrat de prestations évite ce genre de problèmes et les exagérations qui ont été rappelées par notre collègue Odier. Lorsque l'on compare les salaires qui sont ceux d'un chauffeur de bus dans le secteur privé, la surprime ou le bonus - peu importe la façon dont vous voudrez l'appeler - qu'offrent les TPG est de 50% et, en tant que gardienne respectueuse des intérêts des contribuables de ce canton, la majorité de la commission - et les libéraux notamment - ne peut accepter pareille situation, raison pour laquelle il nous semble nécessaire non plus de tergiverser, mais de renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat plutôt qu'en commission.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Tout d'abord, j'aimerais dire que ce sont les libéraux qui président les TPG, par conséquent... (Remarque.) C'est un président libéral qui dirige les TPG ! Il faudra donc que vous vous réunissiez entre vous et que vous mettiez les choses au point, parce qu'il y a un problème !

Par ailleurs, je constate que ce que vous voulez, Mesdames et Messieurs, et surtout les libéraux, c'est que, s'il y a détérioration des salaires dans le privé, notamment dans une entreprise de transport privée, on aligne les transports publics sur cette détérioration. En d'autres termes, vous voulez que, chaque fois qu'on baisse les salaires dans le privé - par concurrence, etc. - les TPG s'alignent sur les rémunérations du privé, ce qui oblige cet établissement à les diminuer. Or, s'il existe des CCT entre syndicats et directions, c'est pour fixer des conditions de travail adéquates; je ne sais pas si elles le sont dans le privé, mais je considère que c'est le cas dans le public.

D'autre part, j'aimerais savoir si M. Mettan aurait déposé la même proposition de motion si les employés des TPG avaient gagné beaucoup moins que les fonctionnaires du petit Etat. Supposons qu'il ait fait le constat que les travailleurs des TPG étaient à un niveau salarial inférieur à celui de l'Etat: est-ce qu'il aurait... (Remarque de M. Pierre Weiss.) Oh, mais ils sont subventionnés bien plus que cela ! Est-ce qu'on aurait vu tomber sur ce Grand Conseil une proposition de motion demandant que les salaires des travailleurs des TPG soient alignés sur ceux de l'Etat ? J'en doute ! On aurait vu un texte réclamant que les fonctionnaires de l'Etat s'alignent à la baisse sur les TPG !

Ce que vous voulez en réalité, et c'est la raison pour laquelle je ne suis pas d'accord avec ce texte, c'est une baisse salariale ! Vous voulez une baisse des prestations salariales de toutes ces entreprises publiques autonomes ! De la même manière que vous le faites à l'Etat, où vous vous attaquez aux charges salariales et de fonctionnement, vous vous en prenez aux prestations salariales des entreprises autonomes. C'est cohérent dans votre politique !

Il y a effectivement une dérive, je suis d'accord avec vous - je le pense, pas pour les mêmes raisons - il y a une dérive dans la conception des établissements publics autonomes, on l'a vu dernièrement ! Et l'autorité de contrôle en place à l'époque aurait dû veiller à ce qu'il y ait une cohérence salariale entre les établissements publics autonomes et l'Etat. Mais, pour les raisons que l'on connaît, c'est vous qui avez poussé - ce n'est pas la gauche ! - à encore davantage d'autonomie dans ces entreprises. Vous avez souhaité cela dernièrement avec les transferts d'actifs et vous l'avez voulu à l'époque où vous avez autonomisé ces entreprises. En effet, vous auriez pu prévoir des clauses de contrôle ! Mais vous ne l'avez pas fait et vouliez aller de l'avant. Seulement, tout système a ses côtés pervers ! En l'occurrence, le côté pervers c'est que les directions ont négocié directement avec les travailleurs, parce qu'elles ont un problème et qu'elles doivent le résoudre...

M. Pierre Weiss. Et les syndicats !

M. Alberto Velasco. Et avec les syndicats, effectivement ! Les directions ont négocié et obtenu des améliorations des conditions de travail, et c'est ce que vous remettez en question aujourd'hui avec cette proposition de motion.

Par conséquent, si le Conseil d'Etat devait donner à ce projet une réponse allant dans le sens de ce que vous souhaitez, il est vrai qu'on irait vers des conflits sociaux assez importants. Et je pense que nous avons actuellement d'autres chats à fouetter dans cette république que d'aller dans ce sens-là !

En revanche, il faudra effectivement qu'un jour il y ait une politique salariale des établissements publics autonomes. Cela, je vous l'accorde ! Mais ne commençons pas par demander d'entrée une baisse des prestations et des charges salariales de ces entreprises autonomes ! Non, demandons au Conseil d'Etat d'avoir une cohérence dans la politique salariale entre les établissements publics autonomes et la fonction publique. Sur ce point, je suis d'accord et je pense que le gouvernement devrait aller dans ce sens. Cependant, eu égard au but que vous vous êtes fixé et à l'esprit que vous avez donné à cette proposition de motion, mon groupe considère qu'il faut la rejeter.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le problème soulevé est assez important et je crains qu'on n'en ait pas tout à fait fixé le périmètre. J'aimerais d'abord vous dire que la masse salariale déterminée par la loi concernant les fonctionnaires de l'Etat est appliquée aujourd'hui dans plusieurs établissements autonomes: les hôpitaux, l'Hospice général, l'Université de Genève, les EMS - structures pourtant privées pour la plupart d'entre elles - et les établissements pour handicapés. Cette extension a une logique, je tiens tout de suite à le dire. En effet, les professions exercées dans les EMS, les EPH et aux HUG sont voisines et il serait extrêmement complexe de gérer un réseau de soins où l'on aurait des changements spectaculaires de salaires selon qu'on travaille dans un EMS, aux HUG, à Joli-Mont ou que sais-je.

Cependant, la masse salariale se monte à 4,2 milliards de francs et, sur celle-ci, le petit Etat ne représente que 2 milliards. On doit donc d'ores et déjà considérer que, dans un certain nombre de cas, l'indexation et le déclenchement des mécanismes salariaux pour des établissements publics autonomes sont faits de façon totalement simultanée. C'est tellement vrai que le Conseil d'Etat va vous présenter des projets de contrats de prestations pour ce type d'établissements, qui sont en francs constants, dans la mesure où il nous est impossible, à vous comme à nous, de deviner ce que sera l'inflation de demain. C'est donc dans le cadre du contrat de prestations que ces questions doivent être réglées, et chacun dans sa compétence - le Conseil d'Etat pour l'indexation, le parlement pour les mécanismes salariaux, puisque c'est une modification légale - doit donner un signal de départ cohérent.

On en arrive ensuite à d'autres établissements publics autonomes. Certains ne sont pas subventionnés, d'autres le sont, comme les TPG, où il existe un mécanisme salarial adapté au métier. Or, pour autant que je m'en souvienne exactement, le problème que connaissaient les TPG, c'est que le métier qu'ils proposent est une activité que les gens faisaient volontiers pendant la période de formation et quelques années, avant de s'orienter vers d'autres professions, raison pour laquelle la pente des mécanismes salariaux doit être pensée en conséquence.

S'agissant de l'indexation, nous allons étudier le sujet, si vous votez cette proposition de motion mais, en dernière analyse, c'est bien le Grand Conseil qui devra prendre ses responsabilités. En effet, de deux choses l'une: soit le contrat est en francs constants, comme tous ceux qui sont liés par les lois et par les conventions collectives établies sur les lois, auquel cas l'indexation devra être appliquée de part et d'autre - c'est la décision du Conseil d'Etat - soit c'est un contrat tout à fait à part et il faudra en évaluer les avantages et les inconvénients.

Je dois dire que, comme historien ayant une certaine mémoire, c'est un vrai délice d'écouter ce débat. En effet, lorsque la rupture a été faite entre l'indexation des TPG et celle du reste de la fonction publique, ce fut une mesure de prévention, parce qu'à l'époque l'Entente souhaitait se prémunir - c'était l'ère du gouvernement monocolore - contre la terrible puissance de frappe d'une grève des TPG, car il y a des grèves plus embêtantes que d'autres ! Bien entendu, cette dissociation avait été à l'époque une immense défaite pour le mouvement de la fonction publique, parce qu'en réalité il avait perdu son principal atout dans la négociation, ce qui s'est vérifié par la suite.

Cela dit, ce que le Conseil d'Etat comprendra de cette proposition de motion, si vous la lui renvoyez, c'est la question de l'indexation, et celle-ci seulement, bien que l'invite, il faut le reconnaître, soit un peu mystérieuse. Mais ce qui a été dit lors des débats en commission, nous l'intégrerons dans ce sens.

Mesdames et Messieurs les députés, à un certain moment, le parlement sera saisi d'un contrat de prestations, et ce n'est pas mon cher collègue, sauf erreur, qui le présentera...

M. Robert Cramer. Je le préparerai !

M. David Hiler. ...mais ce jour-là, il faudra faire une pesée de risques et il sera intéressant de voir ce qui se dit alors.

Quoi qu'il en soit, il est vrai que le problème - et, en cela, je diverge quelque peu d'opinion par rapport à certains députés qui ont soutenu la proposition de motion - c'est à l'évidence le système de l'Etat, de non-indexation en non-indexation, de blocages partiels ou totaux des mécanismes salariaux et, parfois, de rattrapages par la petite porte pour certaines fonctions par des requalifications individuelles. Je rappelle qu'il y a quelque 2000 fonctions qui ne concernent qu'un seul poste, alors que tous les autres sont couverts par 500 fonctions.

Evidemment, on peut imaginer que, d'une façon ou d'une autre, il y avait quelques raisons de privilégier ceux-ci plutôt que les autres, mais, entre les réévaluations collectives acceptées - les unes en 2000, les autres, plus récemment, en 2006 - celles qui ne sont pas acceptées et celles sur lesquelles on a transigé ou qu'on a remplacées par des indemnités, nous avons un système qui défie toutes les règles de l'établissement d'un régime salarial, ce d'autant plus qu'il a vieilli, puisque ses grandes lignes ont été fixées dans les années 70. Nous devons donc nous intéresser à cette question. Une première étape est en cours de discussion, nous en parlerons demain à la commission des finances. La deuxième consistera à établir un système d'évaluation des fonctions mais, en tout cas, il est certain que cela ne peut pas durer ainsi et qu'il faut redonner un minimum de cohérence.

J'ajouterai qu'il faut toutefois être prudent, et là je m'adresse à quelques orateurs du parti socialiste. Il existe un excellent livre écrit par un socialiste français, qui s'appelait de Closets - il s'appelle toujours, d'ailleurs, il est vivant ! - Il en a du reste rédigé d'autres... (Commentaires.) Oui, il est socialiste, de Closets ! Il avait écrit un excellent ouvrage intitulé «Toujours plus», dans lequel il essayait de comprendre ce qui créait les différences de salaires. Assez logiquement, il y avait la branche, c'est-à-dire qu'une secrétaire gagne mieux dans une banque que dans l'industrie du cuir, ce qui est concevable. Il y avait également un autre phénomène, assez fort en France, c'était la capacité de nuisance. Ainsi, la devinette est la suivante: qui, parmi toutes les catégories de salariés, avait la meilleure rémunération ? C'était la Banque de France, évidemment ! En effet, on imprimait à l'époque les billets de banque et le simple arrêt de cette activité, ne serait-ce que deux jours, était très préjudiciable.

La façon la plus simple de résoudre le problème que nous connaissons aujourd'hui, c'est d'indexer régulièrement les salaires de l'Etat et de cesser ce jeu de «stop and go» où les graphiques sont assez parlants: il y a des fonctions où les gens ont tout simplement perdu du pouvoir d'achat à l'Etat; il y en a d'autres qui en ont gagné raisonnablement, et d'autres encore qui sont au milieu. Et cela, depuis 1990. Il n'y a aucun système là-derrière, c'est donc le même appel que celui que je vous ai fait tout à l'heure: si vous voulez qu'on puisse agir comme toutes les collectivités suisses correctement gérées, y compris celles, d'ailleurs, où l'UDC et les radicaux sont assez présents, le plus simple est d'admettre - et de faire l'inverse de ce qu'on a fait à certaines périodes - qu'on indexe et qu'on applique des mécanismes salariaux, mais en calculant les effets qui baissent le coût - ce que nous n'avons pas vraiment vérifié pour les TPG, pas plus que pour l'Etat - c'est-à-dire les changements consécutifs au départ d'employés, et qu'on dimensionne exactement les prestations en fonction de cela. En tous les cas, faire plus désordonné que ce que nous avons, c'est impossible !

Le Conseil d'Etat étudiera cette proposition de motion, si vous la lui renvoyez, mais un jour, la balle sera dans votre camp et ce sera à vous de dire si vous entendez indexer les TPG en même temps que le reste de la fonction publique, c'est-à-dire faire des chiffres en francs constants, ou si vous préférez garder une spécificité. Le Conseil d'Etat, d'ici là, aura pris position sur cet intéressant objet.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous vous êtes exprimé pendant près de onze minutes. Nous votons à présent le renvoi en commission de cette proposition de motion, tel qu'il a été demandé tout à l'heure.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1703 à la commission des finances est rejeté par 48 non contre 22 oui et 3 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1703 est rejetée par 36 non contre 35 oui et 1 abstention. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat. Brouhaha.)

La présidente. Nous allons... (Le brouhaha persiste.) Nous n'avons pas terminé, Mesdames et Messieurs les députés ! Passons au point suivant !

M 1739-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Anne-Marie von Arx-Vernon, Guy Mettan, Luc Barthassat, Jean-Claude Ducrot, Michel Forni, François Gillet, Béatrice Hirsch-Aellen, Pascal Pétroz, Véronique Schmied : Pour un congé paternité
Rapport de majorité de M. Pierre Kunz (R)
Rapport de minorité de M. Renaud Gautier (L)

Débat

La présidente. Nous sommes au point 28 de notre ordre du jour. Mme la deuxième vice-présidente remplace le rapporteur de majorité, M. Pierre Kunz, et M. Cuendet remplace M. Renaud Gautier en tant que rapporteur de minorité. (Brouhaha.) Merci de faire silence: celles et ceux qui le souhaitent peuvent toujours aller boire un verre à la buvette ou faire un brin de causette dans la salle des Pas-Perdus !

Mme Patricia Läser (R), rapporteuse de majorité ad interim. Comme vous avez pu vous en rendre compte à la lecture de ce rapport, la nette majorité qui s'est dessinée au sein de la commission des finances pour soutenir la proposition de motion 1739 n'est pas homogène. En effet, si les députés Verts et du parti socialiste ont adopté... (Brouhaha.)

La présidente. Madame la rapporteure, attendez quelques instants ! J'aimerais pouvoir faire régner le silence. (Quelques instants s'écoulent.) Nous avons tout notre temps...

Des voix. Oui !

La présidente. Mais oui... Vous pouvez continuer, Madame Läser.

Mme Patricia Läser. Je disais donc que, si les députés Verts et du PS ont approuvé sans retenue l'ambition des auteurs de ce texte de mettre en oeuvre des dispositions facilitant la conciliation de la vie professionnelle et familiale, tant pour les femmes que pour les hommes, les radicaux s'y sont ralliés avec des réserves, qui ont finalement conduit les commissaires libéraux et UDC à rejeter, eux, cette proposition de motion.

Si l'on admet, comme l'a souligné M. Bruttomesso, directeur des ressources humaines de Migros Genève, que le congé paternité représente une tendance lourde au sein des entreprises, on ne voit pas pourquoi on devrait empêcher par principe l'employeur Etat de Genève d'accorder une telle prestation à ses collaborateurs. Or, sur ce plan, la motion ne demande pas davantage qu'un doublement du congé actuel, soit de le porter de cinq à dix jours, ce qui représente un coût annuel supplémentaire de 400 000 F. A noter que cette durée de dix jours est celle en vigueur au sein du groupe Migros. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Pour une partie des commissaires soutenant la proposition de motion, il ne saurait être pourtant question de mettre en oeuvre cette prestation dans le contexte actuel des finances publiques, caractérisées par un déficit qui n'est pas structurellement résorbé et par un endettement massif. En revanche, ils considèrent qu'une telle prestation, dans un contexte financier assaini, peut constituer pour l'Etat un instrument de fidélisation utile de son personnel.

L'adoption de ce texte ne vise qu'à soutenir par principe le Conseil d'Etat lorsqu'il prendra cette décision, s'il la juge financièrement possible et pratiquement utile.

Une réserve toutefois concerne la troisième invite de la proposition de motion, qui demande au Conseil d'Etat d'étudier la possibilité de favoriser, par le biais d'allégements fiscaux, le développement du congé paternité au sein des entreprises privées. Contrairement à leurs collègues libéraux et UDC, les radicaux, qui sont tout aussi opposés à cette attitude interventionniste de l'Etat dans le tissu des PME, n'en ont finalement pas proposé l'élimination, tant elle demeure d'une portée insignifiante. En effet, pour qu'elle trouve sa concrétisation, il faudrait d'abord que le Conseil d'Etat en décide ainsi, puis qu'il soumette au Grand Conseil, voire au peuple, un projet... (Brouhaha.)

La présidente. Excusez-moi, Madame la rapporteure ! J'aimerais que vos collègues radicaux au fond de la salle vous écoutent... Parce que vos propos sont très intéressants. (Exclamations.) Merci !

Mme Patricia Läser. Donc, pour que cette troisième invite trouve sa concrétisation, il faudrait d'abord que le Conseil d'Etat en décide ainsi, puis qu'il soumette au Grand Conseil, voire au peuple, un projet de loi en bonne et due forme. Le Grand Conseil reste donc maître du jeu, et nous aurons tout loisir d'en reparler.

Ces éléments étant précisés, je vous invite, au nom de la majorité de la commission des finances, à adopter la proposition de motion 1739.

M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité ad interim. J'ai l'insigne honneur de remplacer Renaud Gautier comme rapporteur de minorité.

Je relève que, dans cette motion, comme cela arrive de temps en temps, le PDC, qui en est à l'origine, se trouve à nouveau dans une position d'équilibriste, dans la mesure où, fidèle à sa tradition, il adopte une attitude favorable à la famille, alors que, à l'inverse, il est hostile aux PME, comme je vais le démontrer tout à l'heure. Ce grand écart est donc difficile à gérer.

En ce qui concerne les arguments avancés lors de ce débat, la vérité vient souvent du Conseil d'Etat, et notamment du chef des finances... (Exclamations.) ...qui, lors des discussions, a rappelé quelques vérités qu'il me semble utile de mentionner ici.

Tout d'abord, M. Hiler a démenti une affirmation contenue dans l'exposé des motifs de la proposition de motion, selon laquelle cette mesure n'aurait pas de coût pour l'Etat, puisque les départs en congé paternité ne seraient pas remplacés. Il a très justement relevé que si, dans certains services, une telle option serait envisageable, il est évident que dans l'enseignement - qui, bon gré mal gré, représente quand même un certain nombre de collaborateurs de l'Etat - des remplacements seraient indispensables.

M. Hiler s'est également inscrit en faux contre un autre argument avancé dans la proposition de motion, à savoir que le congé paternité permettrait de résorber l'absentéisme galopant de l'Etat. Il a rappelé à ce propos que, au contraire, la surcharge de travail causée par les absences des heureux pères risquerait... (Commentaires.) Si si ! Le rapport indique que l'absentéisme «pourrait même s'en trouver accru à cause de la surcharge de travail et le stress induits sur ses collègues par l'absence d'un collaborateur.»

Ensuite, M. Hiler, dans sa grande sagesse, a rappelé les mesures que l'Etat avait déjà mises en place pour favoriser la présence des heureux pères auprès de leurs enfants. Tout d'abord, il y a un congé de naissance de cinq jours. Puis, il existe la possibilité de prendre un congé parental non rémunéré pouvant aller jusqu'à deux ans, de demander un congé extraordinaire non rémunéré de trois mois au maximum et, enfin, en cas de maladie d'un enfant, de bénéficier d'un congé de trois semaines. En outre, il y a eu un renforcement des places de crèche pour le personnel de l'Etat. On voit donc que l'Etat n'est pas en reste en la matière et que la seule portée pratique de cette proposition de motion serait de doubler le congé paternité existant déjà, en le portant de cinq à dix jours.

Plusieurs questions se posent à ce sujet: tout d'abord, est-ce que dix jours sont suffisants pour qu'un lien se crée entre un père et son fils ?

Une voix. Dépose un amendement !

Une autre voix. Et pourquoi pas sa fille ?

M. Edouard Cuendet. Ou entre un père et sa fille ! Merci ! Est-ce que dix jours sont suffisants pour qu'une telle relation se crée, alors qu'on sait que les liens entre les parents et les enfants se structurent sur toute une vie, du moins dans la plupart des cas.

Ensuite, je suis bien obligé de constater qu'il y aurait une inégalité de traitement crasse avec le secteur privé, si une telle mesure venait à être instaurée. Prenons l'exemple des enseignants, qui remplissent une mission extrêmement importante dans la population et pour nos enfants, justement. Ces derniers bénéficient quand même d'un régime de vacances relativement favorable, pour utiliser un euphémisme, même si leur tâche n'est pas simple, il faut en convenir. Bref, les enseignants ont déjà congé durant toutes les vacances scolaires; or selon cette motion, aux cinq jours dont les pères enseignants disposent déjà on ajouterait cinq jours de vacances supplémentaires, ce qui commence à faire beaucoup, il faut l'avouer !

Ensuite, dans l'exposé des motifs de la motion PDC ainsi que dans le rapport - et c'est là que j'en viens à l'élément de l'hostilité vis-à-vis des PME - on cite des entreprises minuscules, telles que Migros, UBS, Novartis... Qu'y a-t-il d'autre ? Je vais vous en trouver ! Bref, ce ne sont que des grosses entreprises pour qui, comme l'a très justement dit M. Bruttomesso, chef du personnel de la Migros, accorder un congé paternité de dix jours ou plus ne représente évidemment aucun impact sur la marche des affaires, puisque la structure permet d'absorber ce congé. En revanche, il n'y a pas eu un mot sur les PME qui seraient, elles, totalement prétéritées par ce système. En effet, même si celui-ci devait être financé par des allégements fiscaux, il faut déjà que les PME, qui se trouvent souvent dans des situations difficiles, paient des impôts - ce qui n'est pas le cas pour un bon nombre d'entre elles - puis, que la baisse d'impôt envisageable soit incitative, parce que, à mon avis, l'incitation fiscale pour les PME sera de faible portée.

En revanche, aussi faible sera l'incitation fiscale, aussi forte sera l'absence des collaborateurs concernés par le congé paternité ! Prenons par exemple une entreprise dans le bâtiment, qui emploie moins de dix personnes: si un ouvrier spécialisé prend un congé paternité, son remplacement sera très difficile et pourra même mettre en péril la marche de l'entreprise selon sa taille.

On crée donc avec cette proposition de motion une inégalité de traitement qui ne me paraît pas du tout souhaitable, raison pour laquelle le groupe libéral vous invite à ne pas entrer en matière.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur ! Se sont encore inscrits M. Bavarel, Mmes von Arx-Vernon, Captyn, Favre, Borgeaud et Gautier, MM. Deneys et Catelain, Mme Pürro et M. le conseiller d'Etat David Hiler. Le Bureau décide de clore la liste.

M. Christian Bavarel (Ve). Vous savez que les Verts ont déposé un projet nettement plus ambitieux concernant le congé paternité, toutefois notre groupe salue la démarche du PDC. Qui peut le plus peut le moins, et nous soutiendrons bien évidemment cet objet qui constitue déjà un petit pas. Nous souhaitons certes aller bien plus loin, mais, pour l'instant, prenons tout ce qu'il y a à prendre.

En commission des affaires sociales, où quelques membres de la commission des finances sont venus siéger - ce changement d'une législature à l'autre est d'ailleurs assez curieux, on retrouve ainsi les mêmes personnes... - eh bien, on s'est rendu compte que les dépenses sociales étaient importantes.

Par ailleurs, le professeur Oris a relevé que, pour travailler sur des problèmes de natalité, il fallait que nous soyons capables d'affirmer que les enfants sont bienvenus. Or sommes-nous capables de le dire dans notre société genevoise, celle que nous organisons ? Je n'en suis malheureusement pas persuadé. Les contraintes qui pèsent sur les familles en général, et monoparentales en particulier, sont telles que le message que nous donnons est celui que les enfants ne sont pas bienvenus.

En outre, on nous parle régulièrement de responsabilité individuelle. A force de le dire et de le répéter, il semblerait qu'un revenu de moins de 200 000 F par année ne soit pas suffisant pour pouvoir envisager d'avoir des enfants... Nous le déplorons ! En revanche, le signe donné par cette proposition de motion est, lui, positif: il montre aux familles et à tous que les enfants sont bienvenus et que nous souhaitons qu'il y en ait davantage dans notre société ou, en tout cas, que l'on ait la possibilité d'en avoir dans de bonnes conditions. C'est la raison pour laquelle les Verts soutiendront cet objet.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Sans jeu de mots, cela fait neuf mois que j'attends ce moment. Eh oui ! Car c'est en août 2007 que les travaux en commission des finances ont pu commencer.

Il est important de dire que, même si c'est un petit pas pour l'homme, c'est un grand pas pour l'humanité. Oui, c'est M. Armstrong qui a dit cela ! Mais je peux affirmer que, pour le parti démocrate-chrétien, ce n'est en aucun cas demander la lune !

Lorsqu'un chef d'entreprise indique qu'il s'agit d'une évolution naturelle de la société et d'une demande légitime de la part des hommes, ce n'est pas le parti démocrate-chrétien qui le dit, mais le directeur de Payot. Et lorsqu'un autre chef d'entreprise déclare que ce n'est pas un effet de mode, mais une véritable évolution, ce n'est, encore une fois, pas le parti démocrate-chrétien qui l'affirme, mais le responsable des ressources humaines de Migros !

Bien sûr, ce sont de grandes entreprises qui ont commencé à instaurer de tels congés paternité, mais je veux tout de suite rassurer l'éminent représentant du non moins éminent rapporteur de minorité: il n'y a aucune contrainte dans notre proposition, ni aucune obligation pour les PME ! Ce sont des suggestions, qui ont d'abord été évoquées par la ministre de notre économie suisse, Mme Doris Leuthard, qui a édicté une proposition de règlement pour les PME, afin de faciliter la vie de famille et l'organisation du temps entre activités professionnelles et familiales. On ne peut pas aller contre le progrès, et je crois que la plupart des hommes et des femmes qui sont dans la génération ambitieuse, désireuse à la fois de mener une carrière et d'avoir des enfants, se rendent compte que c'est un minimum que d'imaginer un congé paternité, surtout sous la forme où il a été proposé, qui est extrêmement modeste.

Nous vous remercions donc de réserver un bon accueil à ce rapport et de tenir compte du fait que, lorsqu'on prend acte des besoins d'une famille, on prend également acte de ceux d'un pays comme la Suisse, et cela signifie avoir une économie forte grâce à des familles épanouies. Et nous pensons qu'il est possible de concilier travail et vie de famille ! (Applaudissements.)

Mme Mathilde Captyn (Ve). Comme l'a dit précédemment mon collègue, on ne peut pas refuser d'augmenter la durée du congé paternité au sein de l'Etat d'une à deux semaines, mais il faut replacer cette prestation dans le contexte de la pénurie importante de places en crèche à Genève. Or cette mesure ne changera rien à la difficile conciliation entre vie familiale et activité professionnelle.

Pour résoudre cette question, il faut, d'une part, augmenter le nombre de places en crèche et, d'autre part, instaurer un congé parental, à l'exemple des pays scandinaves, non seulement pour le personnel de l'Etat de Genève, mais surtout pour l'ensemble de la population active genevoise. Congé qui serait financé par le biais de cotisations paritaires employeurs-employés sur les salaires. Ce n'est que par ces mesures que l'on arrondira les angles de la quadrature du cercle que représente trop souvent la conciliation entre vie professionnelle et familiale. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Christiane Favre (L). Je ne reviendrai pas sur l'aspect économique des propositions contenues dans cette proposition de motion, le rapporteur de minorité les ayant parfaitement mises en évidence. Mais ce texte, au moment de son dépôt, m'avait interpellée sur un autre plan. Il y avait d'abord l'affirmation, qu'on pouvait lire dans l'exposé des motifs, selon laquelle, en France, depuis que les nouveaux pères pouvaient prendre onze jours consécutifs de congé paternité, le taux de natalité avait grimpé jusqu'à un niveau inégalé. Nous n'avions pas de précisions quant à ce niveau inégalé, mais je me suis posé une question de fond: pourquoi fait-on un enfant ? La réponse la plus courante est par amour, par amour de l'autre, par désir d'avoir un enfant commun à aimer. Mais on peut en trouver d'autres: on peut faire des enfants pour perpétuer sa lignée, pour faire plaisir à ses parents, voire même par habitude ou par distraction ! (Rires.) Mais la seule réponse que vous n'attendrez jamais, la plus improbable, est la suivante: «J'ai fait un enfant - ou un enfant de plus - parce que maintenant j'ai dix jours de congé paternité !» (Exclamations.) Dès lors, j'attendais ce rapport avec impatience, dans l'espoir qu'on m'éclaire sur ce redoutable mécanisme qui avait fait exploser le taux de natalité des Français pour seulement un jour de plus. Personne n'ayant visiblement posé la question, je reste sans réponse !

Revenons à des motifs un peu plus sérieux d'offrir un congé paternité supplémentaire: la disponibilité d'un père et son implication émotionnelle dès l'arrivée d'un enfant. L'expression «implication émotionnelle», que je me suis fait expliquer par notre éminent collègue Claude Aubert, a des subtilités tellement savantes que j'aurais peur de les piétiner. Alors parlons plutôt de cet attachement qui se construit entre le père et son bébé; il peut être instantané comme un coup de foudre, mais c'est dans la plupart des cas un apprivoisement réciproque qui prend du temps et se tricote dans une succession de petits moments privilégiés pendant un certain nombre de jours, de semaines, voire de mois, qu'on pourrait difficilement contenir dans un congé de cinq jours supplémentaires à prendre dans l'année qui suit.

La disponibilité d'un père est donc importante, mais elle ne l'est pas seulement dans les premiers mois. Et si l'on imagine qu'il faut lui accorder des vacances pour la garantir, on devrait alors songer à lui offrir des congés supplémentaires annuels pendant les quinze ans qui suivent cette naissance ! (Exclamations. Applaudissements.) Et quinze ans, c'est dans le meilleur des cas, compte tenu des problèmes qui se présentent à l'adolescence ! Vous ne l'avez pas fait, parce que vous convenez tout comme moi qu'il y a un moment où, pour atteindre un idéal en matière de disponibilité paternelle, il faut y mettre du sien et organiser sa vie et ses vacances en conséquence. Alors accordez ou non cette deuxième semaine, mais n'en faites pas dépendre l'amour paternel ! Cela n'a vraiment rien à voir !

Pour toutes ces raisons, le groupe libéral suivra l'avis de son rapporteur de minorité et refusera cette proposition de motion. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'ai entendu plusieurs choses qui m'ont choquée. Je relève aussi dans le rapport le texte suivant: «M. Hiler exprime des doutes quant à la corrélation que veulent faire certains entre congé paternité et absentéisme. Celui-ci pourrait même s'en trouver accru à cause de la surcharge de travail et le stress induits sur ses collègues par l'absence d'un collaborateur.» Lorsqu'une femme s'en va pendant quatre mois en congé maternité, est-ce que l'on se soucie de savoir si ses collègues vont avoir davantage de travail ou non ? C'est un fait avéré, les femmes disposent de quatre mois, cela a été voté.

D'autre part, nous avons décidé qu'il était temps de revenir à un modèle d'éducation un peu meilleur que celui de ces dernières années. Je ne vois pas pourquoi ce serait toujours la mère qui devrait éduquer seule son enfant, avec un père totalement inexistant. Ce n'est pas l'apanage de la femme d'avoir seule un enfant, le père a aussi le droit de s'en occuper et en a même le devoir !

Je pense également qu'il n'y a pas que l'Etat qui devrait être privilégié: le secteur privé - que ce soient de petites ou de grandes entreprises - doit aussi pouvoir bénéficier du congé paternité. On ne peut pas avoir un système à deux vitesses. C'est un dilemme !

De plus, cela a été dit, Mme Leuthard a aussi introduit le congé paternité dans son département et cela n'a pas mis en péril quoi que ce soit. Son département tourne très bien, avec ou sans les pères. (Commentaires.) Parce qu'on le sait !

Enfin, pourquoi la mère devrait-elle systématiquement tout gérer seule ? La famille, le travail, le ménage, les enfants, cela représente seize à dix-huit heures de travail par jour. Alors, Messieurs, si vous voulez avoir des enfants pour assurer votre descendance, vous vous devez de participer de manière égale, de vous occuper des enfants et d'exercer une autorité ! En effet, certains se plaignent de ce que les jeunes sont mal élevés et manquent de respect... Mais je crois que ce sont les parents qu'il faudrait d'abord éduquer !

Comme j'ai entendu dire qu'à Genève on n'est pas si sûr qu'un enfant soit le bienvenu, alors je conclurai ainsi: si les enfants ne sont pas les bienvenus, abstenez-vous d'en faire !

Mme Fabienne Gautier (L). S'il est vrai que les entreprises, quelles qu'elles soient, publiques ou privées, sont toujours plus conscientes de l'importance que revêt la conciliation entre vie privée et activité professionnelle, il est également nécessaire de souligner que ces entreprises doivent demeurer libres de mettre en place les mesures qu'elles jugent utiles, adaptées à leurs propres besoins et surtout qu'elles peuvent assumer financièrement. La satisfaction des collaboratrices et collaborateurs constitue un élément moteur dans la compétitivité et la créativité d'une entreprise, qu'elle soit publique ou privée, je le précise bien.

S'agissant des invites de cette proposition de motion, ce n'est pas seulement à la naissance d'un enfant que les pères doivent être présents, mais on doit pouvoir attendre de leur part une prise au sérieux de leurs obligations familiales tout au long de l'enfance et de l'adolescence de leurs enfants.

Avant de penser à introduire un congé paternité, je pense qu'il faut d'abord réaliser des chantiers beaucoup plus essentiels de la politique familiale, plus particulièrement en agissant au niveau des normes d'encadrement et des frais de réalisation des crèches, qui bloquent un grand nombre de projets qui coûtent tant aux collectivités publiques qu'à l'économie privée. Pour toutes ces raisons, le groupe libéral vous demande de refuser cette proposition de motion.

M. Roger Deneys (S). Les socialistes sont extrêmement préoccupés par les questions de congé des nouveaux parents. Il ne s'agit pas simplement de congé maternité - c'est pour cela que j'ai utilisé le terme de «parents»: c'est un congé parental qu'il faut instaurer.

Fondamentalement, notre société a besoin d'un temps spécifique suite à la naissance d'un enfant, mais pas simplement - comme Mme Favre a l'air de le faire croire à cette assemblée et à celles et ceux qui nous écoutent - pour faire des «guili-guili, areu-areu» ! Ce n'est pas pour cela qu'on a besoin d'un congé parental et, en l'occurrence, d'un congé paternité ! Non, c'est parce que, à la naissance d'un enfant, des charges lourdes, importantes, prioritaires et vitales reposent aujourd'hui essentiellement sur les mères. Et cela n'est pas acceptable pour les socialistes. Nous estimons utile et prioritaire de répartir cette charge importante et ces nouvelles tâches entre les partenaires du couple. Il s'agit fréquemment de s'installer dans un appartement trop petit, au loyer exagéré, et souvent également de gérer d'autres enfants, qui doivent, eux aussi, aller à la crèche ou à l'école. Et je parle en connaissance de cause ! Même si je ne suis pas l'égal de la femme !

Alors il s'agit vraiment de donner la possibilité aux hommes d'être présents à ce moment crucial que représente l'arrivée d'un enfant au sein d'une famille, et c'est un pas extrêmement modeste qui est franchi avec cette proposition de motion. Ce n'est certainement pas un grand pas pour l'humanité, mais ce sera un petit pas pour la femme si ce texte est accepté... (Commentaires.) Eh oui, pour la femme ! Parce qu'enfin les hommes seront présents ! Et le fait de permettre une meilleure répartition des tâches lors de ces moments importants est l'une des priorités des socialistes.

J'aimerais maintenant revenir sur la notion de congé parental. Une petite recherche permet de voir que, par exemple, en Suède, le congé accordé au niveau parental est de trois cent nonante jours, que les parents se répartissent comme ils le souhaitent. En Finlande, ce congé dure deux cent soixante jours: les cents premiers sont pour la femme, le reste étant réparti entre les deux parents. Ce sont des modèles dans lesquels l'un et l'autre peuvent contribuer dans ces moments particulièrement délicats de l'arrivée d'un nouvel être humain dans une famille. Ce n'est pas toujours simple, et l'on sait très bien que les mères ont beaucoup de choses à gérer à cette occasion. Je pense donc que cet accompagnement, dans une société qui en a les moyens comme la nôtre, n'est pas si compliqué.

En outre, il s'agit simplement de faire passer le congé paternité au sein de l'Etat de cinq à dix jours. Nous ne sommes pas en train de demander un congé d'un mois, comme cela existe d'ailleurs dans des entreprises suisses ! J'ai un exemple en tête, c'est celui de la Banque alternative, une entreprise privée qui offre quatre semaines de congé aux nouveaux pères. Et on peut s'en féliciter ! Bien entendu, cela dépend dans le cas présent des capacités financières de l'entreprise. Mais l'Etat de Genève, j'en suis convaincu, a les moyens de financer un passage de cinq à dix jours pour les pères qui le souhaitent et qui pourront ainsi accompagner l'arrivée d'un nouvel être humain dans leur famille.

D'autre part, j'aimerais revenir sur l'aspect des entreprises. Une fois n'est pas coutume, j'aurais tendance à approuver malgré tout les remarques de M. Gautier, qui est absent, et de M. Cuendet: c'est vrai que, malheureusement, la proposition qui est faite ici ne touchera pas les PME, mais les grandes entreprises. En effet, comme l'a dit M. Cuendet tout à l'heure, il est tout simplement illusoire de croire que l'échange d'un congé paternité contre un rabais fiscal peut favoriser cette mesure, mais si cela permet au moins à des entreprises d'une certaine taille de le faire, pourquoi pas !

Bien entendu, la seule façon viable à long terme d'avoir un congé paternité est de suivre un modèle basé sur le même système que celui de l'assurance-maternité, c'est-à-dire une assurance perte de gain, pour laquelle ce sont les collaborateurs qui cotisent et peut-être aussi les patrons - car ce peut être paritaire, mais cela se discute et se négocie. C'est ainsi qu'on arrivera à un modèle qui permettra de toucher toutes les entreprises, et pas seulement certaines privilégiées.

Pour toutes ces raisons, les socialistes vous invitent à accepter cette proposition de motion, avec l'espoir qu'on puisse avancer un peu.

Une voix. Très bien !

M. Gilbert Catelain (UDC). La proposition de motion qui nous est présentée par le PDC est un copier-coller de la décision prise par Mme la conseillère fédérale Doris Leuthard dans le cadre de son département. La grande différence, c'est qu'au niveau du département de Mme Leuthard, respectivement de l'administration fédérale, on a d'abord mis en oeuvre un plan budgétaire qui s'est traduit par 12% de réduction d'effectifs, et ensuite, pour bien plomber le fonctionnement de l'administration, on a rajouté un congé parental ni financé par des mesures budgétaires, ni compensé par une augmentation de personnel, puisqu'il a fallu mettre ce plan budgétaire en oeuvre. Et ce type de décision idéologique a plombé la motivation des collaborateurs, puisqu'il n'y a pas de remplacement pour compenser cette pseudo-politique familiale.

Un conseiller d'Etat PDC a d'ailleurs déclaré en commission de la santé que l'introduction des trente-cinq heures en France avait engendré des milliers de morts dans les hôpitaux. Il est clair que ce n'est pas avec un congé de deux semaines qu'on va causer de tels résultats, mais lorsqu'on voit la difficulté à recruter du personnel de soins - nous sommes d'ailleurs saisis de pétitions, notamment récemment pour les aides-soignantes, parce qu'il devient difficile de trouver du personnel soignant - ce n'est pas ce type de mesure qui va faciliter la vie du personnel hospitalier et lui donner du coeur à l'ouvrage.

En 2007, le PDC a voté le contrat de prestations des TPG, qui impliquait une augmentation de 20% de la prestation, moyennant une subvention constante. Typiquement, ce type de mesure - dont j'imagine, puisqu'on parle d'Etat et non pas de petit Etat, qu'elle sera aussi appliquée aux établissements autonomes - pénalise la politique du personnel et de l'exploitation des établissements autonomes.

Enfin, cette proposition de motion introduit une inégalité de traitement au sein de l'administration cantonale, puisque certaines catégories professionnelles disposent de congés extrêmement généreux. On sait par exemple qu'à l'Etat de Genève le corps enseignant dispense une centaine d'heures en moins que dans d'autres cantons et bénéficie donc déjà de temps libre en suffisance, mais il n'est pas le seul.

Ce texte entraîne également une inégalité de traitement vis-à-vis de l'économie privée, qui n'aura pas les moyens, et vous le savez très bien, d'introduire ce congé paternité dans l'immédiat. Nous sommes donc en train de créer un fossé social entre l'Etat et l'économie privée.

De plus, on peut dire que le personnel de l'Etat de Genève bénéficie déjà d'un congé parental chaque année, puisque, vous le savez, et vous avez refusé de revenir sur cet acquis social, ce dernier a droit chaque année au pont de fin d'année, c'est-à-dire qu'il a entre trois et quatre jours de congé offerts. On peut donc dire que, finalement, le congé paternité est déjà en oeuvre au sein de l'Etat genevois ! (Protestations.)

Dans cette proposition de motion, on observe aussi que le souci de cette politique familiale du PDC et que le but fixé, si c'en est un, ne se traduisent pas dans les invites, puisqu'il n'est même pas demandé que le bénéficiaire de ce congé parental fasse ménage commun au sein de la famille, ce qui est une aberration ! Dans bien des cas, ce congé parental va donc se limiter, pas pour tous mais pour beaucoup, à deux semaines de vacances supplémentaires.

En conséquence, puisque la commission des affaires sociales a dans son ordre du jour le projet de loi 10105, sauf erreur, sur le congé parental et le congé paternité, puisque nous attendons des décisions au niveau fédéral, puisque nous souhaitons éviter une inégalité de traitement entre deux catégories de citoyens et que, en commission des affaires sociales, on nous a dit qu'il n'y aurait pas de coût pour l'Etat - alors qu'à la commission des finances on a osé affirmer qu'il y en aurait un - il serait tout à fait logique de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Tout à l'heure, nous mettrons aux voix votre proposition.

Mme Véronique Pürro (S). J'ai l'impression que nous n'avons pas lu la même proposition de motion. A entendre M. Catelain, on est en train de proposer aux fonctionnaires de l'Etat un congé gigantesque. Mais ce sont cinq jours ! Oui, cinq jours !

Une voix. On veut faire passer à dix jours !

Mme Véronique Pürro. Cinq jours, cela représente une semaine supplémentaire, Monsieur Catelain ! Vous avez eu des enfants, moi j'en ai eu un il n'y a pas si longtemps et, comme l'a dit très justement mon camarade Roger Deneys, je crois que les dix premiers jours qui suivent la naissance, ainsi que le laisse entendre l'invite... (Commentaires.) Je vous ai écouté, Monsieur Catelain, si vous n'êtes pas d'accord avec moi, ce n'est pas un problème !

Je disais donc que les dix premiers jours, comme l'a justement relevé M. Deneys, sont très importants pour pouvoir soutenir la maman, parce que je peux vous assurer qu'on ne se remet pas très facilement d'un accouchement - et là, Monsieur Catelain, vous n'avez pas vraiment d'expérience ! Alors dix jours, ce n'est rien du tout !

J'ai l'impression qu'on va accorder aux fonctionnaires de l'Etat une prestation extraordinaire mais, comme l'ont justement souligné les motionnaires, de nombreuses entreprises, et pas des moindres, ont déjà fait cet effort: Migros, Swisscom, les CFF, l'UBS, la Banque Coop ou le CSP. Il y a de petites institutions et certainement aussi de petits employeurs qui, conscients de l'importance de ce moment privilégié et du soutien que le père doit pouvoir apporter à son épouse lors de la naissance d'un enfant, accordent ces cinq jours. On a le sentiment que ces cinq jours vont plomber l'économie... Mais ce sont des arguments que les opposants du congé de maternité ont avancés pendant des années, Monsieur Catelain ! Des années durant il a été dit que le congé maternité allait faire écrouler notre économie ! Jusqu'à preuve du contraire, et pourtant il ne s'agit pas de cinq jours mais de bien davantage... Il y a également le service militaire, comme le disent certaines... Je vais m'arrêter là parce que, de même que Mme Gautier, je pense que cette proposition de motion n'a pas la prétention de régler tous les problèmes des familles et je crois que, ce qui manque dans notre canton, comme en Suisse en général, c'est une véritable politique familiale. Et ce texte constitue une petite goutte, un pas dans cette direction.

En outre, nous, socialistes, avons l'ambition de proposer ces prochains temps plusieurs projets qui iront dans le sens d'une politique familiale. Nous allons notamment parler du droit que nous devons accorder à tous les enfants d'avoir une place dans les structures d'accueil pour la petite enfance et revoir les tarifs qui y sont prohibitifs, en particulier pour la classe moyenne - et je sais que vous y êtes sensibles, car nous traiterons ultérieurement une motion qui viendra de vos rangs sur cette catégorie de la population. Nous allons également aborder le thème des allocations et des primes de naissance que nous devons augmenter, ainsi que des logements que nous devons construire pour les familles. Il y a donc tout un catalogue de mesures et c'est vers celles-ci que doivent tendre ceux qui veulent soutenir la famille. Je me réjouis donc de voir M. Catelain, qui se dit favorable à la famille et qui veut la soutenir, encourager les mesures que nous proposerons ces prochains mois. (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Très rapidement, j'aimerais compléter certaines informations. D'abord, est-ce qu'une telle mesure a un coût ? Oui, elle en a un ! Est-ce que ce coût est élevé ? Vous pouvez faire le calcul: si l'on part d'une moyenne de deux enfants par famille, on peut imaginer que, dans une carrière professionnelle, il y aura deux fois cinq jours de congé; c'est nettement moins que la grippe !

Ensuite, y a-t-il un effet bienfaisant sur des éléments de stress dans l'entreprise ? La réponse est non. C'est factuel. Mais cela signifie-t-il quoi que ce soit sur la conclusion que vous devez en tirer ? Non, bien sûr.

Essayons d'être clairs: si l'on parle de congé parental sur le modèle nordique, cela ne peut être fait que dans le public et le privé en même temps. Un tel projet est à la commission sociale, et j'y suis extrêmement favorable, car son instauration constituerait à mon avis un plus pour Genève et ne serait pas une catastrophe d'un point de vue économique. En revanche, c'est un projet qui paraît difficile à gérer dans un seul canton pour des raisons de balises.

D'autre part, certains se demandent s'il est judicieux d'introduire une distinction entre public et privé. Très catégoriquement, il ne s'agit pas d'une distinction entre public et privé, mais entre grandes et petites entreprises, avec quelques exceptions dans le secteur à but non lucratif, où de petites structures appliquent le congé d'un mois ou de quinze jours.

En conséquence, si votre parlement accepte cette proposition de motion, que va-t-il se produire ? Sur le plan fiscal, je dois vous décevoir, il ne se passera rien du tout. En effet, la mise en oeuvre du contrôle pour allouer des rabais - qui seront forcément modestes, puisqu'on parle de cinq jours - est un non-sens par rapport à l'efficacité de la mesure. Ce n'est pas le bon moyen, retour à l'intervention congé parental.

Pour le reste, cela va constituer un intéressant cadeau dans la corbeille des négociations, puisque les organisations représentatives du personnel demandent à ce stade de l'argent, c'est-à-dire l'indexation, en d'autres termes, le doublement de l'allocation naissance. Si votre parlement demande du temps, je dois vous dire que le Conseil d'Etat défendra fidèlement cette position. A l'évidence ! (Exclamations.)

Maintenant, j'aimerais souligner certains éléments qui n'ont pas été relevés par les personnes qui ont eu le plaisir de me citer. Le mieux que nous puissions faire en faveur à la fois de la promotion de l'égalité mais aussi du droit inaliénable des enfants à voir de temps en temps leurs deux parents, c'est de promouvoir à l'Etat de Genève la politique des temps partiels que nous connaissons. Elle offre en effet beaucoup d'avantages au niveau de la souplesse.

Ce que nous pouvons également faire - et à ce propos j'ai été sensible à l'intervention de Mme Borgeaud - c'est de veiller à ce que jamais, en principe, un congé maternité ne soit pas remplacé. Car il doit l'être ! Et vous avez raison de dire que ce n'est pas toujours le cas. C'est une erreur, c'est regrettable et cela peut générer des problèmes, comme de ne pas remplacer une longue absence. Il y a malgré tout, hélas, quelques professions à l'Etat, notamment dans les cadres, où l'on ne remplace pas les employés pour quatre ou cinq mois. Ce n'est pas si facile ! Par exemple, pour les taxateurs, ce n'est pas simple, parce qu'il faut qu'ils aient une formation, donc dans certains cas cela ne se fait pas, mais ce ne doit pas être la norme.

En somme, le fait que des parents puissent choisir le temps total qu'ils entendent travailler et consacrer à leur famille est aussi la meilleure protection de l'Etat contre les congés importants qui sont dus - et autorisés - à une maladie non pas des parents, mais des enfants, et qui entraînent alors des conséquences beaucoup plus lourdes que les cinq jours dont vous parlez.

Mesdames et Messieurs les députés, soyez donc sûrs que votre vote sera significatif, mais pas sur un point: le fisc. A ce sujet, nous rédigerons un rapport pour vous expliquer que c'est un non-sens. Pour le reste, si vous souhaitez que l'Etat rejoigne le rang des grandes entreprises qui accordent ce congé, ce sera fait. Nous ne sommes pas obligés de partager avec l'UBS quelques déboires, nous n'aurons en commun que ce point, enfin espérons-le !

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, tout ce que le Conseil d'Etat m'a chargé de vous communiquer à ce stade. Ne dites pas que cela n'occasionnera aucun frais, car cela coûtera un peu, et pesez le pour et le contre pour savoir si ce peu apportera quelque chose. Ce n'est pas la panacée, personne ne l'a prétendu, et pour le reste ce n'est pas une simple discussion de bistrot ! Il va bel et bien se passer quelque chose à la suite de votre décision.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons nous prononcer sur la demande qui a été formulée tout à l'heure, de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1739 à la commission des affaires sociales est rejeté par 66 non contre 8 oui.

Mise aux voix, la motion 1739 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 30 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 1739

M 1787
Proposition de motion de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Anne Emery-Torracinta, Mariane Grobet-Wellner, Alberto Velasco, Loly Bolay, Virginie Keller Lopez, Roger Deneys, Alain Etienne, François Thion, Lydia Schneider Hausser, Elisabeth Chatelain : Pour des rémunérations transparentes et équitables dans les établissements autonomes de droit public et régies publiques

Débat

La présidente. Nous abordons maintenant le point 29 de notre ordre du jour. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons pas fini nos travaux ! Je vous rappelle que ce point est en catégorie II, c'est-à-dire trois minutes de parole par groupe.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Cette proposition de motion qui s'intitule «Pour des rémunérations transparentes et équitables dans les établissements autonomes de droit public et régies publiques» a été rédigée en octobre 2007, dans le sillage de la polémique qui a agité... (Brouhaha.)

La présidente. Pardonnez-moi, Madame la députée, mais je dois à nouveau demander le silence et rappeler à cette assemblée que nous n'avons pas encore fini nos travaux... Merci ! Vous pouvez poursuivre, Madame la députée.

Mme Laurence Fehlmann Rielle. Merci, Madame la présidente. Je disais donc que ce texte a été rédigé dans le sillage de la polémique qui a agité notre république concernant les rémunérations excessives de certains présidents de conseils d'administration. Cela avait fait couler beaucoup d'encre et, dans cette enceinte, nous avions également utilisé beaucoup de salive. A l'époque, j'avais demandé que cette proposition de motion soit discutée en urgence. Bien évidemment, cela avait été refusé, mais j'estime que ce texte garde toute son actualité, même s'il porte essentiellement sur la question de la transparence dans la rémunération des administrateurs, et en particulier des présidents des établissements autonomes de droit public; il contient également une réflexion concernant des rémunérations équitables entre ces différents établissements.

Nous sommes toujours en attente d'un projet de loi du Conseil d'Etat concernant l'ensemble de la gouvernance de ces établissements autonomes de droit public; il nous l'a promis, mais j'imagine qu'il attend aussi le résultat de la votation du 1er juin concernant le référendum sur la composition des conseils d'administration des SIG, des HUG et des TPG. Cela me semble sage, mais cette réflexion sur la transparence a toute sa signification et je souhaite donc que cette proposition de motion soit renvoyée directement au Conseil d'Etat. Il n'est pas forcément question que l'on demande à ce dernier de réaliser en tous points les invites de cet objet, mais c'est en tout cas un signal pour qu'il intègre ces éléments dans la réflexion de son projet de loi.

Je rappelle en outre que vous avez accepté il y a quelques semaines une motion de l'Entente qui contenait la demande d'un projet de loi concernant la gouvernance et dans les invites de laquelle figurait la question de la transparence des rémunérations. Par conséquent, j'imagine que cette proposition de motion ne doit pas faire problème et je vous demande donc de la renvoyer au Conseil d'Etat.

La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à Mme Borgeaud, à qui il reste une minute et demie.

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Il est inadmissible de voir les sommes colossales qui sont accordées à des présidents et à des administrateurs, surtout dans certains cas, où ces derniers sont payés à ne rien faire. Preuve en est que le Grand Conseil passe la majeure partie de son temps à devoir régler des problèmes.

Lorsqu'on doit réaliser des économies, on les fait toujours dans la fonction publique, par exemple en supprimant 5% des effectifs. En revanche, on ne baisse pas les bonus accordés aux administrateurs et aux présidents, ce qui n'est ni normal, ni acceptable !

Ce sont toujours les mêmes qui s'enrichissent à ne rien faire, alors que les autres triment pour trois francs six sous. Ça doit changer, et je suis pour le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat ! Si cela fait rire certains d'entre vous qui ont de l'argent à dépenser, grand bien leur fasse ! Moi je pense à ceux qui peinent à trouver du travail, à payer leurs factures et qui, eux, sont honnêtes et mériteraient davantage. A aucun moment, on ne leur dit ne serait-ce qu'un merci, alors que c'est gratuit !

M. Pierre Weiss (L). Je pense que cette proposition de motion est intéressante sur le fond. Sur la forme, j'espère simplement que, à la différence d'un précédent texte concernant les TPG et la rémunération de leurs collaborateurs, les administrateurs qui sont dans cette salle et qui représentent lesdites entités se réfugieront dans une prudente abstention, voire suivront les consignes de vote de leur groupe; je pense notamment aux administrateurs membres des partis de l'Entente. En effet, il y a un minimum de décence et de respect à observer vis-à-vis du peuple et, avant cela, du groupe auquel on appartient.

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Slatkine, à qui il reste deux minutes et vingt secondes.

M. Ivan Slatkine (L). Que dire de cette proposition de motion ? Elle traite du problème fondamental de la gouvernance, mais par le petit trou de la lorgnette, si vous me permettez l'expression.

Mme Fehlmann Rielle a rappelé que ce Grand Conseil, avec le soutien du groupe socialiste, a renvoyé au Conseil d'Etat il y a un mois et demi la motion 1809 qui, dans son cinquième considérant, mentionne «le manque de transparence au niveau de la rémunération et du fonctionnement des conseils d'administration des établissements publics autonomes» et qui appelle le Conseil d'Etat à nous soumettre dans les plus brefs délais, soit avant le début de l'été 2008, un projet de loi qui règle d'une manière générale les problèmes de gouvernance. Il y a donc, dans cette proposition de motion, des redites, et renvoyer cet objet au Conseil d'Etat n'amènera strictement rien, puisqu'il est déjà saisi d'une motion de la part de l'Entente et de l'UDC, qui l'appelle à rédiger un projet de loi. J'estime qu'il ne sert à rien de surcharger le gouvernement avec des questions redondantes, raison pour laquelle le groupe libéral vous suggère de refuser cette proposition de motion.

M. Christian Bavarel (Ve). Contrairement à ce qui a été dit par mon préopinant, cette proposition de motion demande simplement de la transparence. Le Conseil d'Etat est, je pense, suffisamment compétent pour regrouper les différents objets traitant de ce thème. La transparence réclamée par le groupe socialiste est donc parfaitement légitime ! D'ailleurs, demander que les entités autonomes soient transparentes et que l'on puisse connaître les rémunérations des différents organes de ces entités me semble indispensable, c'est la moindre des choses vis-à-vis de la population qui est propriétaire. En effet, nous ne sommes que les représentants de cette population, alors que le Conseil général, c'est-à-dire l'ensemble des citoyens de notre canton, est, lui, propriétaire de ces entités autonomes. Nous demandons simplement une transparence vis-à-vis de ces différents organes et, en tant que représentants, nous surveillerons bien évidemment le niveau de ces représentations. Néanmoins, ce n'est pas contraire aux demandes précédentes.

Cette proposition de motion a été déposée le 17 octobre 2007 et il se trouve que nous la traitons aujourd'hui. D'autres objets portent également sur ce thème et il reviendra donc au gouvernement d'assembler ses réponses, or ces demandes sont parfaitement légitimes et nous les soutenons.

M. Stéphane Florey (UDC). Avant que le groupe UDC entre en matière sur une proposition de motion ou autre, deux conditions sine qua non doivent être remplies. Premièrement, que ses objectifs soient justes et légaux et, deuxièmement, que les raisons qui les sous-tendent soient honnêtes et dénuées d'intérêt particulier.

Force est de constater que, dans le cas de la proposition de motion 1787 déposée par le parti socialiste, nous sommes à mille lieues d'atteindre l'une ou l'autre de ces conditions. La publication des revenus d'une partie de la population est profondément injuste pour les personnes ciblées par rapport aux autres citoyens qui n'auront pas à voir leur salaire et émoluments exposés sur le site internet de l'Etat et assurément repris en pleine page dans les journaux. Et cela, au risque de voir les hauts cadres de nos établissements publics se faire débaucher. On peut aussi légitimement s'interroger sur la légalité d'une telle mesure au point de vue du respect de la sphère privée.

Du fait de cet objectif, violant allègrement le droit de chacun à avoir un espace de liberté individuelle inaliénable, et de ses motifs aussi obscurs que visiblement égotistes, le groupe UDC n'entrera pas en matière sur cet objet et vous invite à en faire de même.

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Roger Deneys, à qui il reste trois minutes et vingt secondes.

M. Roger Deneys (S). Je crois qu'il ne faut pas se moquer du monde ! Tout à l'heure, j'ai entendu M. Slatkine nous dire qu'une motion avait déjà été adoptée sur ce sujet et que, par conséquent, il ne fallait pas accepter celle-là ! D'abord, rien ne nous empêche d'exprimer deux fois les même idées et, surtout, Monsieur Slatkine, si l'Entente avait été sérieuse - ce qui est loin d'être démontré - elle aurait voté les amendements que nous avions déposés lorsque nous avons parlé des lois réformant les conseils d'administration des TPG, des SIG et de l'Aéroport de Genève.

A cette occasion, nous avions demandé que les rémunérations soient publiées dans les rapports d'activité. Vous avez refusé ces amendements, vous avez souhaité maintenir la politique de non-transparence et favoriser les principes faisant les choux gras de l'UDC et du MCG, qui fonctionnent sur les ragots la plupart du temps. Mais nous, socialistes, sommes pour la transparence des rémunérations... (Remarque de M. Eric Stauffer.) ...lorsque c'est le peuple - justement le peuple que vous aimez tant, Monsieur Stauffer ! - qui est propriétaire. Il est normal que les citoyens et citoyennes puissent être informés des rémunérations des administrateurs des entités que nous gérons. Et c'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que nous estimons que c'est un souci de transparence de base et qu'il est légitime et élémentaire que les rémunérations soient connues du public.

Pour atteindre cet objectif, nous pensons qu'il est certainement souhaitable d'avoir plusieurs textes, et pas simplement des projets de lois visant à privatiser les entités parapubliques. J'espère d'ailleurs que les Genevoises et les Genevois qui nous écoutent ce soir sont bien conscients que, si ces projets de lois sont acceptés le 1er juin, c'est à une privatisation déguisée de ces trois entités que nous assisterons et, de façon plus précise, nous aurons encore moins de transparence qu'aujourd'hui, puisque les représentants des partis politiques ne siègeront plus dans leurs conseils. Alors la plus élémentaire des mesures qui peut être prise aujourd'hui, c'est de publier ces rémunérations. Et, Monsieur Slatkine, si vous l'avez indiqué dans une autre motion, rien ne vous empêche de soutenir cette idée une deuxième fois, cela montrera simplement que vous avez une vision globale et cohérente des choses !

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à soutenir cette proposition de motion.

M. François Gillet (PDC). Je crois qu'il serait illusoire de croire qu'il suffit de publier les rémunérations des différents établissements publics autonomes pour régler les problèmes réels de gouvernance de ces entités, nous avons eu l'occasion d'en parler à plusieurs reprises.

Les aléas de la gestion de notre ordre du jour font que cette proposition de motion arrive seulement maintenant en discussion. Il est vrai que, depuis lors, plusieurs événements sont intervenus, cela a été dit: la Cour des comptes a rendu un rapport et la motion 1809 a été adoptée. En outre, nous savons que le Conseil d'Etat travaille sur un projet de loi qui devrait redéfinir et clarifier le cadre pour ces établissements, notamment sur le plan des rémunérations et de la transparence. Il est vrai que ces deux points doivent être améliorés dans nos établissements publics autonomes mais, je le répète, le Conseil d'Etat y travaille déjà. La motion 1809 demande un projet de loi avant l'été; on peut avoir des doutes que les délais soient tenus, mais le gouvernement s'est attelé à cette tâche, comme il l'a rappelé à plusieurs reprises. Il semble donc au groupe démocrate-chrétien qu'il n'est pas utile de rajouter cette nouvelle motion sur la table du Conseil d'Etat.

M. Eric Stauffer (MCG). Comme nous l'avons dit à réitérées reprises, lorsque les projets sont bons, qu'ils proviennent de la droite ou de la gauche, le MCG vote pour. Or cette proposition de motion socialiste est bonne, parce qu'elle prône la transparence et que la population genevoise a besoin de cette transparence, notamment en matière de rémunérations des régies publiques autonomes.

J'en veux pour preuve que le MCG a certainement été l'un des détonateurs de cette polémique de la fin de l'année passée...

M. Gabriel Barrillier. Qui a explosé !

M. Eric Stauffer. Oui, qui a explosé, comme vous voulez ! Mais qui a abouti à plusieurs choses. D'abord, on a découvert qu'un poste à 40% aux Services industriels de Genève était rémunéré 400 000 F par année. Je rappelle, pour ceux à qui la mémoire ferait défaut, que le poste de président de conseil d'administration n'est pas un poste opérationnel, c'est-à-dire que le président d'un tel conseil n'a pas le droit de diriger des employés en leur disant: «Vous, vous allez monter cela, et vous, tirer tel câble !» Non, il est là pour représenter les Services industriels à l'extérieur et pour présider les séances du conseil d'administration. Lorsqu'on sait qu'il touche environ 400 000 F par année, cela paraît indécent.

Mais, dans cette république, il existe ce que l'on appelle les renvois d'ascenseur. Je ne voudrais pas dire que le président du conseil d'administration des SIG, qui était conseiller administratif de gauche et qui a soutenu le CEVA, a été nommé par M. Cramer aux SIG par retour d'ascenseur, parce qu'il avait encouragé ce projet... Je ne le dirai pas parce que ce ne serait pas convenable dans cet hémicycle et, de plus, on ne pourrait pas le divulguer publiquement. Mais soyons sérieux ! Il faut absolument qu'il y ait de la transparence, d'autant plus que, depuis qu'il y a eu cette polémique et que le Conseil d'Etat in corpore a mis le nez dans les salaires des administrateurs, il s'est passé aux SIG quelque chose d'assez surprenant, si je puis dire: tous les jetons de présence encaissés dans les conseils d'administration extérieurs par le président du conseil d'administration, qui faisait des cumuls pour arriver à 400 000 F par année, sont maintenant à reverser dans les caisses des Services industriels. On se dit donc: «Tant mieux ! Ils ont enfin compris !» Mais non, pas du tout ! Je vais vous expliquer pourquoi. En effet, corollairement, le président de ce conseil a obtenu une indemnité, ce qui fait que son salaire est exactement le même qu'avant...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député !

M. Eric Stauffer. ...sauf qu'il est payé directement par les Services industriels. Alors de qui se moque-t-on dans cette république ?! J'attends avec impatience que M. Cramer vienne nous expliquer comment...

La présidente. Vous devez conclure maintenant, Monsieur le député, vous avez dépassé votre temps de parole de huit secondes !

M. Eric Stauffer. Oui, voilà ! Alors je renonce...

La présidente. Merci ! La parole est à Mme Emery-Torracinta, à qui il reste cinquante-cinq secondes.

Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mesdames et Messieurs les députés des bancs d'en face, soit vous ne savez pas compter, soit vous êtes vraiment de mauvaise foi ! En effet, la proposition de motion 1787 date du 17 octobre 2007, alors que celle de l'Entente, qui porte le numéro 1809 - un chiffre donc postérieur à 1787 ! - est datée du 21 février 2008. Par conséquent, j'ai un peu de mal à vous suivre lorsque vous affirmez que nous sommes en train de répéter des choses qui ont déjà été dites.

D'autre part, lorsque vous aviez demandé l'urgence sur votre motion, j'étais allée voir l'un de vos chefs de groupe et avais proposé qu'on lie les deux motions pour gagner du temps au niveau parlementaire. Or cela a été refusé par certains d'entre vous. En conséquence, si nous perdons du temps dans ce parlement, ce n'est certainement pas à cause de la gauche, mais plutôt peut-être de quelques députés de vos rangs.

Quant à l'UDC, je m'étonne, Monsieur Florey ! Vous devriez regarder qui était signataire de la motion 1809. Je vois notamment M. Gilbert Catelain, qui demande plus de transparence au niveau de la rémunération, du fonctionnement, etc., dans les établissements publics autonomes...

La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée !

Mme Anne Emery-Torracinta. J'ai donc beaucoup de mal à comprendre pourquoi vous êtes contre une proposition de motion qui demande simplement de la transparence dans la gestion des jetons de présence des conseils d'administration. Et c'est cette transparence, de même qu'un rapport au Grand Conseil, que demande la Cour des comptes dans son propre rapport.

La présidente. Merci, Madame la députée. La parole est à M. Slatkine, à qui il reste une minute.

M. Ivan Slatkine (L). Je me suis permis de reprendre la parole, puisque j'ai été personnellement cité par M. Deneys. J'aimerais juste lui rappeler que, en matière de transparence, il faudrait quand même que le parti socialiste règle ses comptes, puisqu'il n'arrivait même pas à obtenir les niveaux de rémunération de ses propres administrateurs dans les conseils où ils siègent. Alors je m'amuse à entendre ces propos !

Ensuite, Monsieur Deneys, vous parlez du sérieux de l'Entente... Mais cette dernière a simplement une vision globale des choses, elle ne se concentre pas uniquement sur la rémunération, car la gouvernance recouvre des notions beaucoup plus larges !

Si vous avez déposé votre proposition de motion le 17 octobre 2007, l'Entente et l'UDC en ont, elles, présenté une, beaucoup plus globale, le 21 février 2008. La majorité de ce parlement a compris que le problème de la gouvernance ne se traite pas que sous l'angle de la rémunération: d'où l'urgence qui a été acceptée, ainsi que le renvoi au Conseil d'Etat de cette motion 1809. Etant donné que l'urgence et ce renvoi ont été approuvés, il ne sert à rien de créer un doublon avec la M 1787 !

Maintenant, sur le fond, je l'ai dit dans mon intervention, nous sommes pour davantage de transparence, nous attendons de la part du Conseil d'Etat un projet de loi qui fixe des règles, mais il n'est pas nécessaire de le surcharger de motions qui portent toutes sur le même sujet. Soyons pragmatiques ! On veut que le Conseil d'Etat aille de l'avant, et nous, ce que nous attendons, c'est un projet de loi-cadre sur la gouvernance d'ici au début de l'été. C'est-à-dire qu'il lui reste six semaines pour pondre son texte, que nous nous réjouissons de lire.

Pour finir, je vous rappellerai...

La présidente. Oui, il vous faut conclure !

M. Ivan Slatkine. Je conclus, Madame la présidente ! Pour la prochaine votation du 1er juin, il faudrait revoir un peu votre position, Mesdames et Messieurs les socialistes, parce qu'on ne sait plus vraiment où vous vous situez ! Nous, en revanche, savons très bien où nous nous situons, et c'est pour cela que nous souhaitons une meilleure gouvernance. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Catelain, à qui il reste une minute et trente secondes ! (Exclamations.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC soutient la proposition de motion 1809 concernant la gouvernance, puisqu'il a toujours dit que, au lieu de travailler sur des objets partiels, les uns après les autres, il était préférable, même vis-à-vis du peuple, de lui donner un projet de loi global sur la gouvernance, qui ne se limite en tout cas pas...

M. Roger Deneys. Il fallait voter nos amendements !

M. Gilbert Catelain. ... aux salaires pratiqués au sein de ces établissements. D'ailleurs, je pense que l'on fait une usurpation des mots: il s'agit de ne pas confondre «transparence» et «curiosité malsaine» ! En effet, lorsqu'on lit dans votre proposition de motion que le Conseil d'Etat est invité à tenir à jour et à publier sur le site de l'Etat la liste des bonis pratiqués dans les différents établissements publics autonomes, qu'est-ce sinon de la curiosité ? Si ce n'est alimenter les polémiques ? Ce n'est rien d'autre ! Ce que nous voulons - et là je donne raison en partie à M. Stauffer qui, dans le cas présent, est lié par l'article 24, puisqu'il siège au conseil d'administration des SIG et qu'il en a parlé - c'est connaître, en tant que députés, ces rémunérations, si on les demande au Conseil d'Etat. Que ce dernier soit au clair sur les rémunérations pratiquées au sein de ces établissements nous semble tout à fait normal ! En revanche, que tout un chacun puisse faire ce qu'il entend de ces chiffres...

La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député ! Vous aviez une minute et trente secondes !

M. Gilbert Catelain. ... me paraît beaucoup plus discutable. Raison pour laquelle nous maintenons notre refus de soutenir le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. En un mot, si cette proposition de motion est renvoyée au Conseil d'Etat, elle sera, bien sûr, traitée en même temps que la précédente.

Je relève un élément, celui de la transparence, qui, en principe, devrait être réalisé par les normes IPSAS. En effet, dès 2010, lorsque ce sera consolidé, mais dès 2008 déjà, vous devriez, dans les comptes de chaque entité, trouver à tout le moins la rémunération du président du conseil d'administration, l'enveloppe allouée aux autres administrateurs, le salaire du directeur général et ceux de l'ensemble de la direction générale, de façon non nominale. Une division de la somme permettra de connaître à peu près le montant attribué à chacun...

Pour le reste, la question des faussement nommés bonis, parce qu'il ne s'agit en réalité pas de bonis mais de compléments de salaire, devra également être traitée, de sorte qu'elle soit connue par le Conseil d'Etat - ce serait déjà un début - puis, par le Grand Conseil, puisque j'ai tout de même été frappé par le temps qu'il nous a fallu pour démêler l'écheveau.

Quant à la question de savoir s'il fallait voter cette proposition de motion ou l'autre en urgence, moi je n'ai pas de conseils à donner, mais le plus économique en temps aurait été de la voter sans en discuter !

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je demande le vote nominal ! (Appuyé.)

Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1787 est rejetée par 34 non contre 27 oui et 1 abstention.

Appel nominal

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à vous dire que, lors des séances de jeudi, vendredi et aujourd'hui, nous avons traité soixante-et-un points de notre ordre du jour, sans compter bien évidemment les renvois sans débat, ni les points initiaux. Cela signifie que l'on a quand même bien travaillé !

D'autre part, j'aimerais vous souhaiter à tous une bonne fête de l'Ascension. Bonne nuit ! (Applaudissements.)

La séance est levée à 22h40.