République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1758
Proposition de motion de Mmes et MM. Laurence Fehlmann Rielle, Christian Brunier, Françoise Schenk-Gottret, Loly Bolay, Anne Emery-Torracinta, Roger Deneys, François Thion, Eric Stauffer, Virginie Keller Lopez, Alain Etienne, Anne-Marie von Arx-Vernon : Un moratoire concernant Infor Jeunes

Débat

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous sommes encore en catégorie II: trois minutes par groupe sont imparties, plus trois minutes supplémentaires pour le groupe auteur de la motion. Madame Fehlmann Rielle, je vous passe la parole.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...cette motion date de bientôt un an... Dans l'intervalle, une grande incertitude a régné, ce qui a pesé sur un certain nombre d'institutions liées à l'Hospice général, notamment d'Infor Jeunes.

En fait, le sort d'Infor Jeunes a été résolu - en tout cas temporairement - puisque le conseil d'administration de l'Hospice général a récemment pris la décision de conserver ce centre qui faisait surtout de la prévention, de l'information, et qui dispensait un certain appui éducatif aux jeunes. Dans son communiqué, l'Hospice général indique qu'il veut profiter de l'expertise d'Infor Jeunes pour renforcer le dispositif destiné aux jeunes adultes... Il est donc question de mettre en place un seul lieu d'accueil et de suivi pour les jeunes entre 18 et 25 ans. Par conséquent, en plus du travail de prévention et d'information, les collaborateurs d'Infor Jeunes seront également chargés de distribuer l'aide financière aux jeunes, aide qui est prévue dans la loi sur l'aide sociale individuelle. Cela induira donc des compétences supplémentaires pour les collaborateurs d'Infor Jeunes, et l'on peut dire que cette décision permettra de répondre en partie aux demandes de la motion. Mais, à mon sens, comme cette décision est toute récente et que le dispositif n'est pas encore en place, il faut tout de même l'expérimenter, d'autant plus qu'il s'agit d'une nouvelle mission qui est confiée à Infor Jeunes, ce qui implique aussi des formations supplémentaires. Il faut également voir comment ce dispositif va être établi et quelle synergie va être engagée avec les autres partenaires, notamment les communes.

Ces questions sont donc toutes éminemment importantes, à l'heure où nous constatons qu'un certain nombre de jeunes sont en rupture sociale, qu'ils se retrouvent dans la précarité par manque de formation ou, lorsqu'ils suivent une formation, par manque de moyens pour subvenir à leurs besoins. Nous estimons qu'il serait tout à fait intéressant d'approfondir cette question et d'entendre notamment les responsables d'Infor Jeunes qui vont être investis de cette nouvelle mission.

Je vous propose donc de renvoyer cette motion à la commission des affaires sociales.

Mme Janine Hagmann (L). Mesdames et Messieurs les députés, savez-vous que, mardi, le Grand Conseil vaudois a annulé sa session faute d'objets à traiter ? Nos collègues avaient épuisé leur ordre du jour ! Et nous ? Nous, nous avons cent cinquante-cinq objets à l'ordre du jour, et nous venons de traiter sept motions à la file, dont une seule a été adoptée ! Alors, sommes-nous meilleurs que les Vaudois ou plus mauvais ? Je me pose souvent la question !

La motion que nous sommes en train de traiter en est un exemple... Madame Fehlmann Rielle, c'est invraisemblable ! Vous demandez un moratoire pour une décision qui a été discutée et devra être acceptée par le conseil d'administration de l'Hospice général ! En effet, ce dernier a donné son accord à un projet qui propose de mettre en place une structure unique pour rendre plus efficace l'aide sociale apportée aux jeunes. Les assistants sociaux des vingt centres d'action sociale et les éducateurs d'Infor Jeunes travailleront sous le même toit. L'aide sociale pour les jeunes se trouvera donc ainsi centralisée. Et vous déposez une motion pour demander une étude approfondie ! Mais allons-nous encore longtemps nous mêler de ce qui ne nous regarde pas ? L'Hospice général a un conseil d'administration qui répond exactement à ce que vous vouliez, et vous demandez un moratoire ! C'est tout à fait invraisemblable ! Cette motion est ridicule: elle ne doit pas être acceptée ! (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Jusqu'au dernier moment, j'ai cru être d'accord avec Mme Hagmann. C'est vrai, cette motion est un peu dépassée. D'ailleurs, la motion concernant soi-disant Infor Jeunes... (L'oratrice est interpellée.) Il ne s'agit pas du tout de cela ! L'une des invites demande de mandater une institution comme la HES pour mener une réflexion sur le thème suivant: «Quelle politique sociale de la jeunesse pour le canton de Genève ?». C'est un sujet intéressant; ces invites sont intéressantes, mais n'ont rien à voir avec le moratoire demandé dans le titre de la motion. La mission d'Infor Jeunes se poursuit à l'Hospice général. Une structure nouvelle sera mise en place. Nous refuserons donc cette motion, parce qu'elle n'a plus de sens.

Si vous voulez obtenir des informations sur les jeunes, faire un travail social, il faut une autre motion. Cette motion-ci n'est pas «ridicule», comme l'a qualifiée Mme Hagmann, mais elle date. Il faut simplement la refuser pour ne pas encombrer l'ordre du jour.

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). En tant que signataire de cette motion pour le parti démocrate-chrétien, je craignais effectivement que cette structure ne puisse pas poursuivre ses activités, qui sont hautement importantes en termes de prévention. Et lorsque l'on parle de «prévention», de «réinsertion pour les jeunes», il faut penser à «retour sur investissement»... Pardonnez-moi d'être un peu cynique, mais c'est effectivement très utile !

J'estime que nous avons eu des réponses tout à fait concrètes: Infor Jeunes va non seulement rester dans un dispositif reconnu, qui a fait ses preuves depuis vingt ans, mais il va pouvoir continuer son travail. Nous faisons confiance au Conseil d'Etat, néanmoins nous resterons embusqués. C'est à cette condition que nous pouvons nous abstenir aujourd'hui, en tout cas sur un renvoi éventuel en commission. Pour nous, il était extrêmement important d'être rassurés. Nous allons donc être raisonnables et laisser travailler le Conseil d'Etat.

M. Eric Stauffer (MCG). Cette motion prouve que le MCG est capable de déplacer les clivages politiques, puisque je suis, au nom de mon groupe, l'un des signataires de cette motion. Bien sûr, il a fallu tellement de temps au Grand Conseil pour traiter cette motion en plénière qu'aujourd'hui elle n'a plus lieu d'être - comme l'a expliqué justement ma collègue Mme Hagmann. Quoi qu'il en soit, le chômage des jeunes - et c'est le deuxième texte sur ce sujet à être traité ce soir - est un véritable problème.

Je le répète, le Mouvement Citoyens Genevois est capable de voter avec la gauche ou avec la droite, du moment que les projets sont bons. Or cette proposition de motion va être refusée par la quasi-totalité du parlement, sauf par le parti socialiste qui aurait dû la retirer. Je ne pouvais pas la retirer tout seul, puisqu'il faut l'unanimité des signataires pour ce faire. Néanmoins, je propose, Madame la présidente, le retrait de cette motion, dans la mesure où le parti socialiste est d'accord ainsi que les autres signataires. Si elle est retirée, cela désencombrera effectivement l'ordre du jour de notre Grand Conseil.

Je conclurai en disant une fois de plus qu'il faut dépasser les clivages politiques. Certes, il y a des problèmes à Genève, mais ne fustigeons pas tel ou tel parti: travaillons ensemble pour le bien de nos concitoyens, pour régler ces problèmes !

La présidente. Madame Fehlmann Rielle, vous avez la parole, il vous reste une minute.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Merci, Madame la présidente. Je constate une fois de plus que Mme Hagmann joue à la maîtresse d'école... Le problème, c'est qu'elle n'a pas écouté ce que j'ai dit ! (Remarque. Rires.) J'ai dit que je reconnaissais qu'il avait été partiellement répondu à l'une des invites et que c'était pour cette raison que je ne demandais pas le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat. Il serait en effet absurde de demander un moratoire, puisqu'une partie de ces invites ont été acceptées.

Je vous rappelle tout de même qu'au moment où le problème était brûlant, vous avez plusieurs fois refusé que l'on traite cette question en urgence, ce qui montre le peu de cas que vous faites de la politique pour la jeunesse et de la précarité que connaissent certains jeunes ! (Remarque. La présidente agite la cloche.) Cela dit, quand on renvoie une motion en commission, on peut l'amender. Cela permet justement de se poser quelques questions, parce que, même si une décision plutôt positive a été prise, le dispositif n'en est qu'à son début ! Et je pense, précisément, qu'il serait extrêmement important de se demander ce qu'entend faire le Conseil d'Etat en termes de politique de la jeunesse. La deuxième invite n'est donc pas aussi absurde que cela !

En conséquence, je maintiens la demande de renvoi en commission de cette motion. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Madame la députée. Je voudrais juste vous poser une question: à quelle commission souhaitez-vous la renvoyer ? (Mme Laurence Fehlmann Rielle répond hors micro.) Affaires sociales, très bien, je vous remercie ! La parole est à M. Gilbert Catelain.

M. Gilbert Catelain (UDC). Les problèmes évoqués dans l'exposé des motifs sont tout à fait fondés. La plupart d'entre eux ont été discutés à la commission des affaires sociales, notamment celui du surendettement des jeunes. Et ce parlement a apporté un certain nombre de réponses par le biais de travaux et de projets de lois présentés par le Conseil d'Etat.

La première chose qu'il faut rappeler, c'est que l'Hospice général est un établissement autonome, c'est-à-dire qu'il bénéficie d'une certaine autonomie de gestion et, aussi, d'une certaine autonomie pour remplir un certain nombre d'objectifs. D'ailleurs, ce parlement a adopté massivement une nouvelle loi sur l'aide sociale, pas plus tard que l'an dernier, qui fixe très clairement les objectifs de l'aide sociale et détermine qui sont les bénéficiaires de cette aide sociale. Le débat sur Infor Jeunes a d'ailleurs été conduit dans le cadre des travaux du projet de loi sur l'aide sociale. Nous attendons maintenant les résultats... Laissons au Conseil d'Etat le soin de mesurer l'efficacité de cette loi, avant de lui demander, par le biais d'une motion, d'intervenir dans la gestion de l'Hospice général ! Ensuite, nous avons décidé, au sein de ce parlement, une nouvelle gouvernance de l'Hospice général, avec de nouvelles prérogatives pour le conseil d'administration, auquel il appartient finalement de conduire la politique de l'Hospice général.

Dernier point: la commission des affaires sociales traite actuellement le mandat de prestations que le Conseil d'Etat entend donner à l'Hospice général; il s'agit d'un mandat de prestations très détaillé, avec des critères d'évaluation qui, finalement, reprennent toutes les facettes de l'activité de l'Hospice général. (Brouhaha.)

Donc, en résumé, nous avons la possibilité au sein de la commission des affaires sociales de nous prononcer sur le bien-fondé de ce mandat de prestations. Utilisons notre compétence dans le cadre du traitement de ce mandat de prestations ! Donnons notre préavis si nous le souhaitons, et laissons à l'Hospice général le soin de mettre en oeuvre ce mandat de prestations qui va le lier au Conseil d'Etat, plutôt que de lui mettre des bâtons dans les roues, alors qu'il est en train de se réformer, qu'il a amélioré ses chiffres puisqu'il ne fait plus de déficit et qu'il obtient un certain nombre de résultats satisfaisants dans le domaine qui est le sien, à savoir l'aide sociale, y compris pour les jeunes !

Pour ces motifs, je vous invite à refuser le renvoi de cette motion en commission ou au Conseil d'Etat.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Madame la présidente, je vous sais soucieuse de l'avancement de l'ordre du jour... Je vais juste vous confirmer ce qui a déjà été dit, à savoir que cette motion n'est plus guère d'actualité. Suite aux décisions prises par le Conseil d'Etat sur recommandation d'un groupe de travail qu'il avait mandaté, l'Hospice général a pris certaines mesures cette semaine qui la rendent sans objet. Il me paraît donc difficile de vous recommander autre chose que de bien vouloir la refuser. Je puis garantir à Mme von Arx, que je sens en embuscade, que le Conseil d'Etat veillera à la bonne application des principes et des décisions qui ont été prises mardi.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1758 à la commission des affaires sociales est rejeté par 53 non contre 13 oui et 5 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1758 est rejetée par 55 non contre 13 oui.