République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 juin 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 9e session - 45e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.
Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Pierre-François Unger, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Robert Cramer et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que MM. David Amsler, Pierre Kunz, Guy Mettan, André Reymond, Louis Serex, Alberto Velasco, Pierre Weiss et Daniel Zaugg, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Suite du débat
M. Jacques Follonier (R). Pourquoi ces initiatives ? Parce que le cycle d'orientation ne remplit plus les missions qui lui ont été assignées et que nous, les politiques, n'avons pas su réagir. C'est la population qui a dû réagir à notre place.
Mais aujourd'hui, le cycle d'orientation va mal ! Les élèves qui sortent du cycle vont en grande majorité dans la filière gymnasiale et la moitié d'entre eux ratent leur première année; ils partent à l'Ecole de commerce où ils ratent aussi, se retrouvent à l'Ecole de culture générale et finissent par entreprendre un apprentissage. C'est la raison pour laquelle les apprentis commencent leur apprentissage en moyenne à 17 ans et demi et non pas à 15. Nous n'avons pas su les orienter et c'est inacceptable ! Le cycle d'orientation a perdu sa fonction première d'orienter plus rapidement, plus efficacement, de mieux cibler et surtout, d'être en harmonie avec les élèves qu'il forme.
Nous sommes face à deux initiatives. La première se veut très stricte, avec un nombre impressionnant de filières. La seconde émane des milieux socialistes et ne berne personne, elle a été soumise pour contrer la première. Cette manière de faire - même si elle est tout à fait légale - ne permettra certainement pas la mise sur pied d'un nouveau cycle d'orientation avec une structure efficace. Il faut donc refuser ces deux initiatives et proposer un contreprojet.
Nous devons maîtriser les niveaux d'entrée au cycle d'orientation et nous y arriverons, tout simplement parce que nous avons déjà mis de l'ordre à l'école primaire, et les résultats arriveront d'ici peu. Mais nous devons aussi maîtriser la sortie, c'est-à-dire le niveau des acquis à l'issue du cycle. Il est inadmissible - je l'ai déjà dit plusieurs fois - que des élèves qui sortent du regroupement B du cycle avec une moyenne de 4,8 - et moins de 4,8 - ne soient pas promus. C'est scandaleux ! Et cela provient d'une déviance que le cycle a laissé se former au fil du temps et qui nous met aujourd'hui dans une situation où nous sommes absolument incapables de faire ce que nous souhaitions, c'est-à-dire amener une grande majorité des élèves à bon port, ou tout au moins dans l'orientation que nous aurions dû leur proposer.
Tout cela nécessite un long travail. Le cycle d'orientation doit retrouver ses racines et son rôle: orienter le mieux possible et dans la bonne filière. C'est dans cet axe-là que le parti radical travaillera sur un futur contreprojet.
M. Christian Brunier (S). Tout d'abord, j'aimerais saluer l'ambiance qui a régné dans cette commission. Depuis une année ou deux, on y voyait plutôt des affrontements stériles, mais depuis que l'on a entamé ce débat, l'ambiance est totalement différente et je crois qu'une très grande majorité - si ce n'est l'unanimité - est consciente des problèmes du cycle. Ce corps d'enseignement n'est plus adapté et il faut le changer. Une volonté générale pour trouver un compromis s'est dégagée, et, si nous n'avons pas tout à fait les mêmes idées et les mêmes valeurs sur l'école, nous voulons le bien des élèves. C'est relativement nouveau de trouver cet accord et il fallait le saluer. Le rapport de Mme Hagmann va dans ce sens, on y retrouve cette ambiance, et je crois que personne ne veut une école qui ne fonctionne pas.
Nous sommes face à deux initiatives. La première est celle de REEL, un groupe dissident de l'ARLE, mais avec la même philosophie, et nous sommes heureusement unanimes à combattre leur initiative. Je suis furieux contre cette initiative qui va à l'encontre du bon sens et de la réalité. On a l'habitude de résumer les choses par des mots clés, eh bien, cette initiative pourrait se résumer par: compétition, sélection, exclusion... bref, perdition. Elle ne colle à rien ! Elle veut sélectionner les jeunes à 13 ans ! Et on annoncera aux enfants de cet âge que dans cinq ou six ans, les portes de l'université seront déjà fermées pour eux.
Deuxième tare, cette initiative salit la formation professionnelle. Au-delà de ses clivages politiques, une grande majorité de ce parlement a envie de revaloriser et de revitaliser la formation professionnelle, parce que dans la société les parcours sont différents et on n'a pas besoin que tous les élèves d'aujourd'hui soient universitaires demain; des gens réussissent bien leur vie en ayant des parcours pluralistes et différents. Il faut donc valoriser la formation professionnelle alors que cette initiative de REEL saborde complètement cet aspect.
Monsieur Beer, je fais appel à vous en tant que patron du DIP. Cette initiative a été soumise par des professionnels de l'enseignement, des gens qui côtoient tous les jours des enfants de 13 ans. Et imaginez que ces gens veulent aller dire à un enfant de 13 ans qu'il n'a pas le droit d'aller en filière gymnasiale, alors qu'il finira sa formation vers 24 ou 25 ans ! Et même en apprentissage, on finit vers 22, 23 ou 24 ans ! M. Follonier disait que l'entrée en apprentissage se fait à 17 ans et demi... J'ai revu les dernières statistiques et la moyenne est à 18 ans. Vous ajoutez les années d'apprentissage plus une année de matu professionnelle, et les jeunes sortent à 24 ou 25 ans de l'apprentissage ! Essayer de les sélectionner à 13 ans est donc complètement démagogique. Je ne comprends pas que cette idée vienne de gens travaillant dans l'enseignement et côtoyant tous les jours des gosses de 13 ans... Franchement, c'est un critère d'erreur professionnelle grave ! Et dans certains métiers, si l'on se trompe à ce point, on prend la porte.
Que va-t-on dire à ces élèves ne pouvant pas aller dans les filières prégymnasiales ? On va leur demander... Permettez que je regarde, c'est tellement démagogique... On va leur dire quelque chose comme: «Tu as 13 ans et tu n'as pas le niveau pour aller à l'université - parce que c'est ça l'initiative de REEL - alors on va te faire choisir entre trois formations: veux-tu t'orienter vers les professions commerciales ou administratives dans le domaine social et de la santé ? Ou veux-tu aller vers les professions techniques ou informatiques ? Ou alors, troisième voie, veux-tu aller aux arts et métiers ?». C'est complètement fou ! Des gens qui côtoient tous les jours des gosses de 13 ans veulent leur faire choisir entre ces trois filières qui, de plus, ne veulent rien dire ! Visiblement, ces enseignants - heureusement minoritaires dans la profession - ne connaissent rien au monde du travail. Personnellement, j'ai de la peine à voir la différence entre des professions d'arts et métiers et des professions techniques; alors imaginez un enfant de 13 ans ! Et je ne fixerai pas, comme cela, la limite entre formation commerciale et informatique... Bref, vous voyez bien que cette initiative est complètement inadéquate, mauvaise, et je félicite le parlement d'être unanimement contre.
M. Follonier prétend que la deuxième initiative, l'IN-138, vient des milieux socialistes, mais c'est heureusement plus large que cela. Cette initiative demande des choses importantes, comme des moyens supplémentaires pour le cycle d'orientation et j'ai entendu M. Follonier lui-même dire qu'il fallait peut-être engager des moyens au cycle d'orientation... (Exclamations.) Parce que c'est peut-être là qu'il faut engager des moyens pour éviter des échecs scolaires ensuite !
Deuxième chose, cette initiative demande des soutiens scolaires pour les enfants en difficulté. Les Suisses allemands nous ont montré le modèle: au lieu de faire redoubler les enfants, on engage des soutiens personnalisés dès qu'une difficulté est rencontrée et cela permet de lutter efficacement contre l'échec scolaire. Je crois aussi que nous sommes unanimes sur la question de la pédagogie différenciée. Aujourd'hui on sait que les enfants n'acquièrent pas les mêmes notions au même rythme et qu'il faut différencier les parcours de formation.
L'initiative 138 demande une 7e avec tronc commun... (L'orateur est interpellé.) Non, avec tronc commun ! Parce qu'il n'est pas nécessaire de catégoriser les enfants de 13 ans quand ils finiront leur formation à 25 ou 26 ans.
La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Christian Brunier. Je conclus. Le parti socialiste est donc favorable à cette initiative 138, il est à l'origine de son lancement et la soutiendra ce soir, hormis quelques abstentions dont je vous expliquerai la raison tout à l'heure.
Et nous étions en faveur de cette initiative-ci, mais aujourd'hui notre objectif est d'élaborer un contreprojet avec le plus grand nombre d'entre vous, tout simplement parce qu'il faut ramener la paix scolaire. Le climat en commission est au compromis, nous avons peut-être des chances de bâtir l'école de demain, et c'est pour cela que nous voulons donner toutes ses chances au contreprojet. Nous y participerons activement et sommes prêts à faire quelques concessions - sans trahir complètement nos idées, mais cela, je crois que tous les partis le disent...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. Donc, nous voterons... (Remarques.) Bien sûr ! Nous voterons non à l'initiative REEL... (Exclamations. Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...nous voterons oui à la deuxième initiative et nous lutterons pour un contreprojet.
M. François Gillet (PDC). Je rejoins M. Brunier sur un point: pour saluer la sérénité dans laquelle se déroulent les discussions en commission, pour le moment. J'ose espérer que l'intervention de M. Brunier n'aura pas rallumé les passions.
Nous sommes à la recherche d'un compromis et tous les groupes s'accordent à dire que la structure actuelle du cycle d'orientation n'est plus adaptée à la réalité. Les regroupements A et B n'ont pas fait leurs preuves. Une certaine hypocrisie du système actuel veut qu'environ deux tiers des élèves sortent du regroupement A avec des perspectives d'études ultérieures, alors que la majeure partie d'entre eux échoueront en première année du collège.
L'important taux d'échec au dixième degré doit nous faire réfléchir. Mais les réponses apportées par les deux initiatives ne sont ni l'une ni l'autre adaptées à la situation, cela pour les raisons suivantes: l'initiative 134 n'est plus d'actualité - les initiants l'ont reconnu lors des auditions - parce qu'elle a été rédigée avant le vote sur l'initiative 121. L'entrée en vigueur du nouveau règlement de l'école primaire rend cette initiative caduque sur plusieurs points. (Brouhaha. La présidente agite la cloche). Par exemple, elle prévoit de mettre à disposition des jeunes ne remplissant pas les conditions en sortant de 6e primaire une structure d'adaptation qui n'a plus lieu d'être, puisque les élèves qui sortiront de l'école primaire devront satisfaire aux normes de promotion et auront la possibilité de redoubler.
Par ailleurs, il l'a été dit, les filières proposées par l'initiative 134 sont d'une complexité incroyable et ne correspondent en rien à ce que les jeunes trouveront en sortant du cycle d'orientation. Nous venons de voter à l'unanimité deux projets de lois sur l'orientation et la formation professionnelle, et là encore cette initiative ne correspond pas aux nouveaux pôles de formation professionnelle. Pour toutes ces raisons, cette initiative 134 doit être rejetée sans appel.
Quant à l'initiative 138, elle prévoit une 7e hétérogène qui - faut-il le rappeler ? - a été rejetée par le peuple. Nous ne pouvons pas revenir sur cette question, ne serait-ce que par respect de la volonté populaire.
Une autre chose me paraît plus grave. Cela n'est pas très clair dans le libellé de l'initiative, mais il est apparu lors des auditions que les initiants envisagent que l'orientation puisse se faire après la 9e du cycle d'orientation. C'est-à-dire que le cycle d'orientation perdrait sa fonction première d'orienter ! Permettez-moi de vous dire que le groupe démocrate-chrétien considère au contraire que cette fonction est essentielle. S'il faut éviter de sélectionner trop précocement les enfants sortant de l'école primaire, le cycle doit assumer sa responsabilité d'orientation, en tout cas en 8e et en 9e c'est essentiel ! Il n'est pas envisageable de se décharger de cette mission sur le postobligatoire, même si, comme l'a dit M. Thion, l'orientation peut se poursuivre et s'affiner après la 9e. Nous sommes donc opposés à cette initiative.
Quant au volet «soutien pédagogique aux élèves en difficulté», il est évidemment légitime. Tout le monde souhaite lutter contre l'échec scolaire et nous pensons qu'il faut dégager les moyens à un soutien pédagogique efficace. Mais ce n'est pas forcément par une initiative sur la structure du cycle qu'il faut intervenir. Ce souci est légitime et le dispositif peut tout à fait être mis en oeuvre par voie réglementaire ou dans le cadre d'une autre loi, or ce volet est à distinguer de la structure du cycle d'orientation, aujourd'hui en discussion.
Le groupe démocrate-chrétien est prêt à travailler à l'élaboration d'un contreprojet équilibré proposant un cadre mieux adapté pour l'avenir du cycle d'orientation. Il faudra impérativement éviter toute sélection précoce et prévoir une réelle orientation à travers un certain nombre de filières ou de sections, mais ces dernières devront être les plus perméables possible jusqu'à la sortie du cycle, pour éviter qu'un jeune n'ayant pas pu démarrer dans la filière qu'il souhaitait puisse, en fonction de son évolution, prendre une orientation différente. Il faudra bien sûr des moyens et des structures adaptées, mais nous sommes prêts à y travailler.
Ce contreprojet devra également être cohérent par rapport à la structure actuelle du primaire, par rapport à la structure du postobligatoire: notamment au niveau des filières professionnelles mais aussi par rapport à l'harmonisation scolaire romande dans laquelle nous nous inscrivons.
Pour toutes ces raisons, le contreprojet est indispensable et nous sommes prêts à y travailler avec toutes les forces constructives de ce parlement. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). C'est justement parce que les enfants n'apprennent pas au même rythme qu'il faut prévoir des cursus tenant compte de leur profil. Vouloir mettre tout le monde au même niveau dans des classes hétérogènes, c'est le début de l'échec. Nous serons appelés à nous prononcer à ce sujet dans le contreprojet.
La Constitution fédérale garantit à chacun un enseignement de base suffisant et gratuit. A Genève, le droit constitutionnel de chaque enfant à recevoir un enseignement suffisant et gratuit est violé. Au terme de rénovations nombreuses et délétères, les logopédistes constatent une progression significative de la proportion d'enfants dyslexiques. Et le fait que le mandat du conseiller d'Etat socialiste à l'instruction publique corresponde à l'éclatement de la pire crise du DIP est tout un symbole - cette crise est d'ailleurs reflétée par les initiatives. Depuis plusieurs décennies, le parti de Charles Beer milite - de l'intérieur comme à l'extérieur de l'école - pour une forme d'égalité dans l'illettrisme. Par la mort d'un enseignement traditionnel, qui a le tort d'avoir fait ses preuves, et par l'affaiblissement de l'enseignement privé qui se voit paradoxalement contraint de refuser du monde tant l'école publique est devenue insuffisante, personne ne peut plus douter de l'échec de cette prétention à favoriser l'intégration par le bannissement de toute sélection. Cela aboutit - avec l'école ainsi rénovée - à la pire de toutes les formes d'exclusion, c'est-à-dire l'illettrisme au terme de la scolarité. Chaque année, plusieurs centaines de jeunes achèvent leur scolarité obligatoire et ne sont promus à rien: ni admis dans une filière supérieure, ni autorisés à refaire la 9e ! Ils n'ont d'autres sources que de confier leur sort à l'école privée et payante, que les socialistes ne cessent de prendre pour cible au Grand Conseil.
L'école genevoise est un échec: les savoirs de base ne sont pas transmis au terme de la scolarité obligatoire de neuf ans ! Alors qu'une pléthore d'objectifs d'apprentissage vagues et utopiques - tels que «épanouir son individualité, se déterminer en fonction de ses projets, développer une meilleure communication, s'engager personnellement, s'autoévaluer, être solidaire...», etc. - accompagne une absence de moyens méthodologiques précis.
L'étude PISA n'a pu que constater l'échec genevois. Parents, élèves et professeurs sont déroutés. Constatant l'absence de pilote dans l'avion, ils ont réagi en s'appropriant la nécessaire mission de refaire l'école. Les deux initiatives sont le reflet de ce climat malsain et feignent de s'attaquer à l'échec scolaire ou d'apporter une réponse aux parents désarmés face au bilan du CO. Les parents et les élèves n'ont plus confiance dans l'institution et ils ont de bonnes raisons de s'inquiéter.
Dans le rapport de majorité, le syndicat qui représente les enseignants du cycle d'orientation déclare: «L'école n'est pas au service des parents (ni même des élèves), mais de la République. Même si les intérêts des parents sont très présents dans l'esprit des enseignants, ce ne sont pas eux qui font l'école.»
Les initiants sont unanimes sur le constat: l'échec scolaire au CO est trop important. Ils divergent par contre sur les remèdes. Dans les classes hétérogènes, les résultats sont dramatiquement faibles. Pour un parent soucieux de l'avenir de son enfant, le salut passe par le regroupement A, en latine ou en scientifique. Le changement des structures ne nous garantit absolument pas d'effets positifs sur les résultats. Les succès du cycle d'orientation passeront d'abord par la motivation des élèves qui doit être entretenue par le feu sacré d'un corps enseignant loyal et disponible.
L'initiative 134 a été lancée avant l'acceptation par le peuple de l'initiative sur les notes à l'école et perd donc un peu de sa raison d'être. En fait, les deux initiatives font l'impasse sur les réelles causes de l'échec scolaire. Ni les initiants, ni les commissaires, ni le DIP n'ont été en mesure de considérer la situation d'échec au cycle d'orientation.
Le groupe UDC vous recommande de refuser l'initiative 138 qui contient en elle les germes d'une dégradation des compétences de nos élèves et vous recommande de ne pas soutenir l'initiative 134 - bien qu'il en partage l'esprit, il reconnaît que sa mise en oeuvre sera problématique.
Le groupe UDC est favorable à tout contreprojet, pour autant qu'il place la transmission des savoirs et du savoir-faire au centre de l'école, qu'il permette une validation des établissements et des résultats, et enfin qu'il clôture la scolarité obligatoire par un certificat de fin de scolarité reconnu par le secondaire II en milieu d'apprentissage et par les milieux économiques en charge de la formation. Ce contreprojet doit favoriser l'intégration réelle des élèves dans le secondaire II et dans la formation professionnelle. (Applaudissements.)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Nous pouvons critiquer ces initiatives, mais le peuple a la légitimité de déposer des initiatives. Et maintenant, c'est le rôle du parlement d'élaborer un contreprojet de grande qualité, qui répondra non seulement aux attentes de la population mais aussi aux besoins des élèves. Quelques principes devront guider nos travaux.
Ces initiatives ont été déposées - comme l'a rappelé entre autres M. Follonier - à cause du malaise lié à l'échec scolaire. Il me faut préciser d'emblée qu'il n'y a pas une seule forme d'échec, mais peut-être autant de formes d'échecs que d'élèves qui échouent. Se demander comment enrayer l'échec scolaire n'est pas une bonne question: il faut plutôt se demander comment le reconsidérer, l'intégrer et le gérer. Il y a toujours eu des échecs scolaires, il y en a maintenant et il y en aura encore. Pour contrer cela, il faut chercher à analyser et à comprendre pour savoir quelles mesures prendre. Malgré une compréhension fine des mécanismes de l'échec, trouver la bonne solution ne sera toutefois pas chose facile, étant donné que nous sommes dans un domaine lié au fonctionnement humain, où tout n'est pas connu ou résolu de façon logique ou scientifique.
Le contreprojet devra comprendre un système scolaire de base, simple, lisible et surtout cohérent - comme l'a dit M. Gillet - entre les différents degrés du primaire, du cycle et du secondaire. L'harmonisation romande devra aller dans ce sens et réduire ses disparités.
L'analyse des contenus pédagogiques est également un facteur déterminant pour l'échec scolaire, mais il y a encore trop de méthodes dont l'efficacité n'est pas forcément prouvée. En revanche, le système doit acquérir de la maniabilité et de la souplesse pour les 20% d'élèves en échec et doit offrir des solutions plurielles, variées, concertées et adaptées. Ces solutions devront être adoptées en concertation avec les parents, les profs et les professionnels impliqués. L'école doit proposer une palette de choix, comme des classes à petit effectif, des maîtres de soutien, des aides pédago-thérapeutiques, et peut-être, pour des cas non réglés, l'école privée. Seule une offre variée diminuera l'échec scolaire, car davantage d'enfants pourront trouver leur voie. Et rester en constante évolution ne pourra se faire sans dépenses supplémentaires.
Dans ce sens, l'initiative 138 défendait en partie ces idées. C'est pour cela que nous l'avions soutenue dans un premier temps. Mais nous nous sommes abstenus en commission, pour favoriser l'élaboration d'un contreprojet consensuel. Nous refuserons donc l'initiative 134, nous nous abstiendrons sur la 138 et nous voterons le contreprojet.
M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG ne soutiendra bien évidemment pas cette initiative. Je crois - et nous croyons - que le cycle d'orientation, dans sa configuration actuelle, fait partie du passé. Il faudra élaborer un contreprojet pour modifier, rénover, dynamiser le cycle d'orientation.
Imposer des choix et des critères de sélection à de très jeunes adolescents fait que certains ont mal tourné - regardez, je suis devenu député... Bref, le contreprojet devra aussi s'appliquer à ce que l'Etat ne se substitue pas à l'éducation des parents. Car le premier rempart de l'échec scolaire, c'est l'éducation que les parents prodiguent à leurs enfants. Alors, ne tombons pas dans le piège de la «légiférite» aiguë qui risque de voir l'Etat se substituer à l'éducation des parents ! Il faudra élaborer un contreprojet rassembleur, juste et performant, qui permettra à nos générations futures de bénéficier d'un niveau d'études supérieur pour affronter la vie professionnelle.
En conclusion, le groupe MCG travaillera et soutiendra un contreprojet rassembleur.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. C'est vraiment merveilleux, on se croirait dans une classe ! On y voit exactement les mêmes réactions; dans une classe, il y a toujours deux ou trois élèves qui ne respectent pas les consignes, et c'est exactement ce qui se passe dans cette enceinte ! Avant la pause, nous avions décidé de ne parler que de l'initiative 134, d'ailleurs plusieurs personnes vont encore parler de la 138. Messieurs Brunier et Gillet, vous êtes de mauvais élèves ! Vous n'avez pas respecté les consignes... (Remarques.) Mais ce n'est pas grave, cela nous aura fait gagner du temps !
Nous avons mentionné un état d'esprit consensuel et que nous voulions travailler pour le bien de l'école... Le «bien de l'école» signifie l'améliorer, non la brûler ! Et je ne peux admettre certaines déclarations, selon lesquelles jusqu'à maintenant aucun élève genevois n'a bien réussi.
L'autre jour, plusieurs d'entre nous étions à Thoiry pour le Conseil du Léman, où l'on a essayé avec des enseignants et des directeurs français de trouver un modus vivendi pour mettre sur pied d'égalité le bac et la matu. Eh bien, cela n'a pas été possible ! Les reconnaissances ne peuvent s'établir parce que la maturité est de loin supérieure en exigences au baccalauréat français - vous savez bien que si vous n'avez pas une mention au baccalauréat français, vous ne pouvez pas entrer à l'Université de Genève.
En plus de cela, il faut quand même relever certaines réussites à l'Université de Genève. Et quand je pense à nos chercheurs, je ne supporte pas que l'on démolisse comme cela l'école qui a existé jusqu'à maintenant ! On peut évidemment l'améliorer, mais dans la situation actuelle on se rend surtout compte de la nécessité de trouver une solution qui ne laisse personne en rupture de formation.
Je m'adresse au groupe UDC: en demandant à l'école d'aller totalement à contre-courant des modèles véhiculés par la société actuelle, vous risquez de provoquer une sorte de hiatus. L'environnement proposé - par les médias, entre autres - ne prône que rarement l'effort, ne souligne pas les difficultés et ne promeut pas le dépassement de soi - sauf en sport, mais c'est une activité facultative. Toutes les images démontrent qu'il est aisé d'accéder au bien-être, au confort, à la facilité, à la joie de vivre... Et vous croyez qu'un enfant de 12 à 15 ans a envie de faire autre chose que ce que la société lui montre en exemple ?! Mais ce n'est pas possible ! Et c'est justement là que la tâche des enseignants est affreusement difficile: ils doivent non seulement avoir l'accord des parents, mais aussi fournir un effort pour réhabiliter le mot «persévérance». En effet, dans combien de familles n'a-t-on pas pris l'habitude de jeter ? Un enfant fait du judo pendant trois mois, puis cela devient difficile; alors il commence le solfège. Mais cela devient difficile, alors il fait du karaté. Et après le karaté, on l'inscrira au cours de danse... ! C'est notre société Kleenex; on prend et on jette.
Je crois donc que, malgré leur bonne volonté, les enseignants ne peuvent lutter seuls contre un état de fait ! Il faut certes que l'école soit exigeante, mais les parents doivent l'être aussi.
Veuillez me pardonner cette digression, j'ai moi aussi dépassé le cadre de l'initiative 134, mais je l'avais sur le coeur et il me fallait le dire. (Applaudissements.)
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Celles et ceux qui cherchent à expliquer le lancement pratiquement parallèle de ces deux initiatives autour du cycle d'orientation ont raison de se poser un certain nombre de questions. Il n'est pas coutume de voir deux initiatives irrémédiablement opposées sur un même thème. Nous sommes donc déjà devant un défi de la forme, c'est-à-dire organiser un grand débat qui ne soit pas père de tous les vices de l'incompréhension et de la confusion.
Mesdames et Messieurs les députés, si nous tentons de nous interroger, prenons déjà un minimum de distance - j'ai déjà eu l'occasion de le faire - en considérant un certain nombre de repères historiques.
M. Hiltpold et Mme Hagmann ont rappelé que le cycle d'orientation est une oeuvre du parti radical et du parti socialiste correspondant au pacte républicain de l'époque - pour une école publique laïque, républicaine et gratuite.
Lors du lancement du cycle d'orientation, il y avait le modèle des sections qui posait déjà la question de savoir comment faire travailler ensemble tous les élèves, quel que soit leur niveau, en partageant les mêmes enseignants et enseignements. C'étaient les germes de la réforme II qui a commencé dans les cycles d'orientation nouvellement construits.
En 1971, le premier cycle d'orientation achevé est celui de Budé, puis vient en 1974 le cycle des Coudriers et, en 1975, Bois-Caran. Mais à cet instant, l'histoire a quelque peu bégayé - si j'ose dire - car mon très illustre et impressionnant prédécesseur André Chavanne a un peu hésité entre la réforme II et le cycle à sections, étant donné l'opposition du corps enseignant à cette réforme et un certain nombre d'autres résistances.
Dès 1976, nous constatons le retour des sections au cycle du Vuillonnex et cela signifie qu'André Chavanne a arrêté la réforme II en 1975, il y a donc - vous avez compté avec moi - trente-deux ans.
Depuis, le cycle a continué a évoluer entre les deux mondes des sections et de l'hétérogénéité, jusqu'au jour où ce parlement a été saisi d'un projet de loi sur la 7e hétérogène, projet qui aurait pu être un peu plus consensuel car un certain nombre d'acteurs politiques se posaient clairement la question de l'intérêt de cette année de transition.
Il faut savoir tirer des leçons de l'histoire, y compris parlementaire et récente. Un certain nombre de volontés d'aller trop vite et d'imposer un rapport de force dans un parlement exceptionnellement à majorité de gauche - ceci peut expliquer cela - nous a amenés à dire que la période de transition pour venir à la 7e hétérogène devait être fixée par la loi elle-même en deux ans. C'est en troisième débat que l'on a imposé, à gauche, cette vision des choses, au même moment où un parti de gauche - ou plutôt du centre, ou du centre-gauche - a voulu proposer sa propre démarche avec le dépôt d'un projet de loi visant la 7e, la 8e et la 9e hétérogènes. Dès lors, les partis modérés - démocrates-chrétiens, radicaux et les libéraux prêts à discuter aussi - ont dit: «Puisque c'est comme cela, on vote non et vous aurez le référendum !» Je me souviens encore de Bernard Lescaze qui disait: «Cette fois, vous l'aurez cherché, on lancera le référendum !» Il a été lancé et a été gagné au-delà de toutes les espérances des référendaires.
Là où les choses deviennent moins claires, c'est qu'à la suite de la votation nous avons gardé trois cycles hétérogènes - 7e, 8e et 9e - et les autres cycles, 14 à l'époque, sont restés sous le système à sections. Plus original encore, parce que l'histoire l'a voulu ainsi, une nouvelle réforme sur la grille horaire - avec les regroupements A et B, et sur l'installation des options - est entrée en vigueur, sans que le peuple n'ait eu l'occasion de se prononcer. Ce cycle d'orientation, jamais voulu par le peuple parce que jamais choisi, n'est pas le résultat du fait que le département de l'époque ou que le conseiller d'Etat se fussent trompés: il a été conçu politiquement au moment où le projet de loi sur la 7e hétérogène devait représenter le rempart contre cette nouvelle réforme dont une partie du corps enseignant ne voulait pas.
Mesdames et Messieurs les députés, cela fait trente ans que l'on est dans la panade avec le cycle d'orientation, que l'on est incapable de prendre une décision autre que de stabiliser ou de calmer les choses pour réconcilier les Genevois; mais les Genevois sont-ils réconciliables autour de l'école ? Je le souhaite, et nous - tout au moins les représentants de ce Grand Conseil - sommes en train d'en prendre le chemin. Je ne peux que saluer cela.
En revanche, je ne peux pas, évidemment, accepter un certain nombre de griefs qui, au nom de ce non-choix ou de cette non-clarté des directions, sont erronés ou tout simplement diffamants pour des élèves, pour des enseignants, pour l'institution en général et, en fin de compte, pour la République !
Et nos élèves qui ont 22 ans aujourd'hui et qui sont pour certains encore à mi-chemin entre le postobligatoire et l'université - pour d'autres déjà à l'université - constituent la génération la mieux diplômée du postobligatoire en Suisse ! Le taux de formation postobligatoire et le taux de maturité à Genève sont également plus élevés que dans les autres cantons suisses ! Alors, je veux bien qu'en prenant beaucoup d'élan, on se tape sur le front ou sur le nez avec un marteau, puisque décrier notre système est logique dans le cadre de joutes électorales... Mais cela est profondément injuste pour celles et ceux qui le suivent, pour celles et ceux qui le font.
A propos d'apprentissage, on ne peut que saluer l'unanimité de tout à l'heure sur la loi sur l'information et l'orientation. MM. les députés Brunier et Follonier relevaient que l'âge d'entrée en apprentissage était d'environ 18 ans... La vérité, c'est qu'aucune entreprise n'engage plus à 15 ans, et elles n'ont pas tort ! La plupart des élèves, quel que soit leur niveau scolaire, ne sont pas jugés suffisamment forts pour commencer un apprentissage. Et je vais vous donner l'explication.
Ces élèves, aujourd'hui, lisent les conditions d'entrée en apprentissage. Savez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que pour entrer dans la chimie genevoise comme apprenti-laborantin, il faut un diplôme de l'Ecole de culture générale ? A partir de là, vous pouvez faire tous les procès que vous voulez à l'école ! Je ne fais pour ma part aucun procès aux entreprises, je remarque simplement qu'elles doivent aussi s'adapter et que les choses sont bien plus complexes qu'un certains nombre de réponses entendues dans ce parlement peuvent le laisser croire !
Je tenais à le dire aujourd'hui, les conséquences de l'échec scolaire et de l'absence d'un titre postobligatoire privent un élève d'avenir, et c'est cela qui a changé en 20 ans ! Autrefois, quand on n'avait pas de titre, on pouvait très bien se contenter de petits boulots, or ils ont disparu.
Je salue le travail qui a commencé en commission, parce qu'il s'intéresse en priorité aux élèves. Ces deux initiatives, quels que soient leur limites et leur intérêt - j'ai beaucoup de peine à trouver un intérêt à l'initiative 134, hormis sa signification - doivent nous amener à imaginer un cycle d'orientation sur des bases acceptées par la République, qui consacrent la qualité de l'école genevoise et l'égalité des chances, qui en est le corollaire. A Genève, il ne peut pas y avoir d'école de qualité sans égalité des chances, et l'ensemble des chefs du département de l'instruction publique, de M. Borel à Mme Brunschwig Graf, ont toujours honoré cet aspect dans leurs actions et dans leurs décisions politiques.
Heureusement que le climat est propice à la discussion. Nous montrerons ainsi que nous sommes capables de privilégier le nouveau cycle d'orientation.
Et puis, un tout petit mot, à l'adresse d'un parti que je n'ai pas envie de mentionner - ou tout au moins à son chef de groupe, entendu tout à l'heure: c'est pour rappeler que vouloir réduire un certain nombre de plaidoiries et de recherches de voix à une espèce de dérive partisane de la part du chef du département n'est pas tout à fait conforme à la réalité et, surtout, c'est décalé par rapport à l'état d'esprit que nous essayons de privilégier. Je le regrette vivement, d'autant plus que vous n'avez pas forcément montré qu'à une autre génération on était capable de former de brillants élèves. (Applaudissements.)
Mise aux voix, l'initiative 134 est refusée par 71 non contre 1 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 80 oui (unanimité des votants).
L'initiative 134 est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation pour l'élaboration du contreprojet.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 134-C.
Débat
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Il n'est pas question de refaire le débat - n'ayez pas d'inquiétude - mais tout de même, cette initiative mérite quelques mots, puisque nous avons aussi donné notre point de vue sur l'IN 134.
L'initiative 138 porte un titre très attractif: «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes». Qui pourrait ne pas être d'accord avec cela ? Si l'on va au fond des choses, on voit que cette initiative a été lancée pour faire antidote à la 134. Elle a aussi récolté plus de 12 000 signatures, cela signifie que, sur Genève, il y a plus de 12 000 personnes en faveur des filières très strictes et plus de 12 000 personnes en faveur d'un cycle hétérogène... Pauvre Monsieur Beer, comment allez-vous faire ? Si l'initiative 138 était acceptée, il faudrait 50 classes supplémentaires - on a fait le calcul. Je ne sais pas très bien où, dans le budget actuel de l'Etat, on trouverait de quoi faire ces 50 classes...
Cette initiative 138 est donc idéaliste, mais irréaliste. Elle défend des principes utopiques d'égalité de réussite, elle n'accepte pas une orientation nécessaire des élèves, elle ne tient pas compte des demandes toujours plus exigeantes du marché de l'emploi. Personne ne veut laisser des jeunes au bord de la route, mais personne ne doit laisser des jeunes affamés d'apprendre !
L'initiative 138 préconise d'augmenter le soutien, mais quel soutien ? Aux apprentissages ? Au métier d'élève ? A l'orientation ? A l'insertion ? Et par quels professionnels ? Les possibilités existent déjà, je ferais honte aux directeurs de cycle en disant qu'ils ne se sont pas déjà inquiétés de cela; les directions s'en préoccupent.
Je crains que les motifs de cette initiative ne soient eux aussi pas acceptés dans le concept «HarmoS». A ce propos, M. le président pourra peut-être nous le confirmer, j'ai entendu à la radio que le concordat «HarmoS» a été signé aujourd'hui par la CDIP. Cette signature demandera une évaluation, c'est une chose positive, et elle exigera des standards nationaux de formation avec des objectifs clairement fixés et un contrôle pour savoir si ces derniers ont été atteints.
La solution est meilleure que l'initiative 138, que nous refuserons, et à nouveau pour demander un contreprojet. Plus précisément, la commission ne sait pas encore si elle préparera un ou deux contreprojets. Pour l'instant, la piste est lancée et suscitera des approfondissements.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Le parti socialiste appuiera l'initiative 138, mais j'expliquerai un peu loin pourquoi nous soutiendrons avant tout un contreprojet unique. Il est important, essentiel, indispensable que la population genevoise se réconcilie avec son école, avec son corps enseignant et les partis politiques de même.
Le président a déjà dit beaucoup de choses, mes préopinants aussi, mais j'aimerais quand même féliciter Mme Hagmann pour son excellent rapport sur l'IN 138. Elle rend formidablement bien compte des enjeux et des débats autour de ces deux initiatives.
Si l'on fait un petit retour en arrière, on s'aperçoit qu'en 1984 déjà le Conseil d'Etat nous rendait attentif - par la voix de M. Föllmi - au fait que la question des structures est tout à fait secondaire concernant la réussite ou l'échec scolaire. En 2001, une étude du SRED visait à comparer les enfants qui sortent des systèmes hétérogènes et les enfants qui sortent des systèmes homogènes et démontrait qu'il n'y avait aucune différence dans la poursuite du parcours scolaire de ces enfants.
De la même manière, l'étude PISA nous montre que les deux pays en tête des résultats ont, pour le premier, un système totalement hétérogène et, pour le second, un système totalement homogène. Toutes ces indications nous montrent bien que le débat que nous avons sur ces deux initiatives est certes un débat important - il vient du peuple et d'une grande partie des enseignants en désaccord sur cette question - mais il ne faut pas occulter le fait que c'est peut-être un faux débat et que les enjeux pour lutter contre l'échec scolaire sont ailleurs, et ni du côté de l'initiative 134, ni malheureusement du côté de l'initiative 138.
L'UDC reproche à l'école d'aujourd'hui d'avoir une pléthore d'objectifs inutiles, comme « la capacité de communiquer», comme «la capacité de réaliser un projet ou de s'adapter»... Mais, Mesdames et Messieurs les députés, c'est exactement ce que l'on demande à l'être humain d'aujourd'hui dans l'entreprise ! Vous proposez aux enfants et aux jeunes une école qui n'a rien à voir avec ce qui les attend à la sortie, cela manifeste un total manque de responsabilités vis-à-vis des futures générations.
Il est évident que l'école doit s'adapter, et si en 1848 l'école publique et obligatoire avait aussi pour mission d'enseigner aux enfants l'hygiène, la santé ou la propreté, elle a évidemment pour mission aujourd'hui d'apprendre le monde moderne, l'informatique, les langues étrangères, la capacité de comprendre la mondialisation, etc. On ne peut pas échapper à ces enjeux ! Et toutes ces missions que l'école doit remplir sont une véritable difficulté pour les enfants qui ont davantage de peine à acquérir les bases nécessaires à des études ou une formation.
C'est pourquoi le parti socialiste soutiendra l'initiative 138 par un vote tout à fait symbolique, car son grand mérite est de s'adresser essentiellement à ces 20% d'enfants en difficulté, à ces peut-être 600 ou 800 enfants qui sortent du cycle chaque année sans être promus à quoi que ce soit. Le problème de l'école aujourd'hui, ce ne sont pas les enfants qui vont bien, qui apprennent déjà l'allemand, qui apprendront l'anglais dans quelques années, qui manient parfaitement l'informatique et qui, en plus, le mercredi après-midi ou le samedi, font du karaté, du judo et du solfège, ainsi que Mme Hagmann l'a indiqué. Ce ne sont pas pour ces enfants-là que nous sommes en souci. Comme le président l'a très bien rappelé tout à l'heure, Genève est le canton ayant le plus de maturités de toute la Suisse, c'est le canton où les enfants sont le mieux formés et où il y a plus de diplômes postsecondaires. Donc, nos formations sont d'ores et déjà excellentes et nous n'avons aucun complexe à avoir sur ce terrain. En revanche, dans une école chaque jour plus exigeante, nous devons nous préoccuper avant tout des enfants en difficulté.
C'est en cela que le parti socialiste est sensible aux arguments de l'initiative 138 qui s'intitule «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes.» Il est pour ces jeunes-là le vrai défi, pas pour les autres !
Nous trouvons que l'inscription dans la loi, par exemple du soutien pédagogique pour les élèves en difficulté est une chose tout à fait positive. Nous devons aujourd'hui prendre nos responsabilités vis-à-vis de ces enfants-là et la question du 10e degré, la question des passerelles entre filières et la question du soutien pédagogique sont aujourd'hui essentielles, auxquelles nous ne pourrons échapper.
Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons l'initiative 138. Et lorsque nous travaillerons tous ensemble sur un contreprojet consensuel et unanime, ce serait bien que les propositions de l'initiative 138 y trouvent un écho.
Une personne qui m'est très chère et avec qui j'avais fait mes études, Charles Magnin, professeur en histoire de l'éducation, rappelait dans un article du «Temps» que l'école est le lieu du contrat social. En tant que députés, nous avons l'immense responsabilité de faire en sorte que le contrat social soit respecté, que l'école ne soit pas l'enjeu de batailles politiciennes ni l'occasion de se faire entendre lors des élections. Je vous rappelle que hier soir, lors de nos débats, plusieurs d'entre vous ont rappelé la nécessité de respecter notre police, nos institutions...
La présidente. Il va vous falloir conclure, Madame la députée.
Mme Virginie Keller Lopez. J'ai tout à fait fini. Eh bien, l'école et le corps enseignant ont le même besoin. Et quand nous respecterons nos enfants, quand les partis politiques travailleront ensemble, nous trouverons un système où les enfants s'en sortiront mieux. En 1964, André Chavanne...
La présidente. Il faut conclure, Madame la députée.
Mme Virginie Keller Lopez. C'est ma dernière phrase. En 1964, André Chavannne avait obtenu l'unanimité dans ce Grand Conseil pour l'introduction et la généralisation du cycle d'orientation: J'espère que nous aurons bientôt un contreprojet qui trouvera également l'unanimité parmi nous. (Applaudissements.)
La présidente. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: Mmes et MM. Wisard-Blum, Aubert, Gillet, Follonier, Catelain, Rappaz, Pürro, Bertinat, Mme la rapporteure et M. le conseiller d'Etat.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Pour répondre à l'initiative 134, sélective, et partant de la même problématique de l'échec scolaire, Coordination Enseignement propose une vision de l'école totalement différente au travers de l'initiative 138.
En effet, si l'initiative 134 prévoit une école qui accueille les élèves en difficulté en les séparant des autres et sans vraiment répondre à la question de l'échec scolaire, l'initiative 138 propose une école qui accueille tous les élèves, y compris ceux en difficulté, en prévoyant des soutiens pédagogiques et des moyens pour lutter contre l'échec sans stigmatiser ni exclure.
Que prévoit cette initiative ? En sortant de 6e, les élèves promus seraient inscrits dans un 7e degré identique pour tous. Les Verts sont toujours favorables à l'hétérogénéité. A droite, certains s'y opposent en prétextant un vote populaire négatif, ce sont d'ailleurs les mêmes qui souhaitent relancer une traversée de la rade malgré un vote populaire également négatif... Selon nous, une 7e hétérogène permettrait enfin au cycle de jouer son rôle d'orientation. En 8e et 9e, l'enseignement serait donné à tous les élèves, mais avec des niveaux et des options. L'avantage évident de cette initiative est aussi la souplesse qu'elle laisse au département pour sa mise en oeuvre. Toutefois, cette initiative va bien plus loin, car elle modifie l'article 7 de la loi sur l'instruction publique en prévision de soutiens pédagogiques pour les élèves en difficulté. Oui, un tel article est essentiel si l'on souhaite réellement lutter contre l'échec scolaire, car depuis 10 ans ces soutiens ne vont qu'en diminuant.
Selon les derniers chiffres à disposition, notre part de dépenses publiques pour l'éducation est la plus basse de Suisse et les dépenses par élève au cycle d'orientation ont diminué de 20% depuis 1999 et de 25% à l'école primaire.
Nous devons impérativement prévoir un soutien efficace et différencié aux élèves en difficultés. Comme Sylvia Leuenberger le soulignait, il n'existe pas un échec scolaire, mais plusieurs: il y a une multitude de raisons d'être en difficulté et les réponses à apporter doivent être diverses.
Les Verts soutiennent une école de la diversité et cette initiative mériterait notre soutien, néanmoins, souhaitant travailler sur un contreprojet dans lequel nous tenterons d'imposer notre vision de l'école, nous avons choisi de nous abstenir pour marquer notre ouverture au dialogue et pour que l'élaboration d'un contreprojet se déroule dans un esprit serein et constructif.
Toutefois, si le contreprojet ne répondait pas à nos préoccupations, nous reviendrions sans problèmes sur ce vote et nous soutiendrions cette initiative 138 devant le peuple.
M. Claude Aubert (L). Quatre remarques. D'abord, un immense bravo: 80% des élèves genevois terminent leur scolarité avec succès. Bravo aux enseignants, ils peuvent être fiers de leur engagement. Par contre, 17% d'entre eux éprouvent des difficultés importantes et, d'après les données de la littérature, 1% à 3% de la totalité des élèves sont dans des difficultés majeures qui handicapent gravement leur scolarité - cela représente environ 300 à 600 élèves. Les libéraux estiment nécessaire de tenir compte de ces données. Structurer l'école en référence à la seule notion d'échec est idéologique et non pédagogique.
Deuxièmement, vous savez que l'adolescence est une création de nos sociétés occidentales. Entre l'enfance et l'âge adulte s'étend une zone floue, souvent faite d'indépendance autoproclamée et de dépendances réelles. Allonger l'orientation comme le suggèrent les initiants, c'est-à-dire jusqu'à 16, 17 voire 18 ans, nous paraît douteux. Tout se passe comme si notre société tenait à garder le plus longtemps possible les jeunes dans l'immaturité et la dépendance. A ce propos, suggérer un droit de vote à 16 ans pourrait être le sain réflexe de jeunes ne supportant plus ces adultes qui les infantilisent.
Troisièmement, les libéraux rejettent toutes les dénominations ou les astuces qui mystifient les élèves en leur faisant croire qu'ils sont dans la bonne voie alors qu'ils sont proches des bas-côtés.
Quatrièmement, tout le monde parle de l'exclusion, et c'est une réalité, mais on la conçoit comme si le système scolaire en était la raison. L'idée de réformer le système - pour qu'il n'exclue plus - provient de là. Mais il ne s'agit pas de minimiser le phénomène inverse: le refus des jeunes, voire des très jeunes, d'entrer dans le système scolaire.
L'échec scolaire résulte aussi d'un refus de s'intégrer, pour de nombreuses raisons. Aider les jeunes à s'intégrer est une autre piste pour lutter contre l'échec scolaire. Elle nécessite de la part des enseignants un charisme, une liberté de manoeuvre, une inventivité et un génie que les structures d'aide, paradoxalement, sont susceptibles d'asphyxier. Déléguer l'aide, c'est aussi renoncer à en donner. Or, l'élève a besoin de l'enseignant, non pas de l'expert.
Les libéraux refusent cette initiative au profit du contreprojet. Comme cela a été dit, 59 organismes d'appui scolaire - 59 ! - luttent contre l'échec scolaire dans ce canton et, selon les experts, il n'y aucune garantie que les moyens proposés par cette initiative améliorent nettement la situation.
M. François Gillet (PDC). Je m'excuse tout d'abord auprès de Mme la rapporteure d'avoir tout à l'heure anticipé le débat sur l'initiative 138. Je serai donc bref et éviterai de me répéter. Cette initiative traite essentiellement d'hétérogénéité - en tout cas pour la 7e - et, sur ce point, il faut quand même savoir de quoi l'on parle.
L'hétérogénéité - cela a été rappelé par le président - existe encore dans trois collèges à Genève. Mais elle n'est pas la même aux Coudriers et à Bois-Caran, par exemple. La configuration socioculturelle de ces différentes communes ou régions fait que l'hétérogénéité est vécue très différemment d'un collège à l'autre. Vouloir la généraliser, ce serait engendrer de nouvelles inégalités.
Il faut également relever qu'il n'est pas très sérieux de prétendre pratiquer l'orientation en ne différenciant que les niveaux de maths et d'allemand. Dans sa mission d'orientation, le cycle doit aller au-delà de ce genre de pratiques.
Je rejoins par contre les initiants, c'est pour dire que nous devrons tenir compte dans le contreprojet de la nécessité de trouver une structure limitant autant que possible l'échec scolaire. Cette structure devra surtout offrir une perméabilité entre les sections ou les filières, c'est essentiel. Il faut éviter une sélection trop précoce à la sortie de l'école primaire. Nous devons tenir compte de la période particulière que représente l'adolescence et des déclics pour les études, parfois tardifs, durant cette période particulière de mutation.
Il est essentiel d'avoir cela à l'esprit, mais aussi - le groupe démocrate-chrétien en est convaincu - rejeter cette initiative 138; et ceci même si un certain nombre d'objectifs louables de cette initiative pourront éventuellement être repris dans le cadre du contreprojet.
M. Jacques Follonier (R). Hier, la CDIP - la commission des directeurs de l'instruction publique - a voté «HarmoS». L'harmonisation suisse est en marche. C'est un bien pour notre pays et pour Genève, mais c'est totalement en contradiction avec l'initiative 138 qui ne va absolument pas dans ce sens. Elle va dans un sens carrément inconnu, puisque nulle part en Suisse n'est utilisé le système préconisé par cette initiative. C'est donc fondamentalement une bêtise.
On peut en outre qualifier cette initiative d'opportuniste. Pourquoi ? Déjà par son titre, tout simplement. J'ai déjà eu l'occasion de le souligner, «Lutter contre l'échec scolaire» n'est pas un titre pour traiter des problèmes au cycle, c'est un racolage pour obtenir des signatures. A part deux petits articles - dont un sur l'échec scolaire depuis l'école maternelle jusqu'à la sortie du gymnase - cette initiative ne sert à rien. Mais il faut reconnaître qu'elle est là. Elle a été soumise en opposition à l'initiative 134 et cette manière de faire est regrettable, car elle provoque des complications énormes au Conseil d'Etat, au département et dans notre parlement: gérer deux initiatives où l'une n'a le but que de détruire l'autre, c'est malsain, et nous aurons beaucoup de peine à construire le futur contreprojet.
Je suis particulièrement déçu d'entendre le parti socialiste dire qu'il faut construire un cycle d'orientation pour ceux qui ne vont pas bien. Je n'ai jamais pu comprendre cela et je ne l'admettrai jamais. Une école est faite pour tous les élèves, qu'ils aillent bien ou mal ! Nous souhaitons une école laïque, publique, républicaine et gratuite, et c'est comme cela qu'elle doit être et nous ne ferons pas autrement !
Et cette initiative 138 ne va absolument pas dans ce sens.
M. Gilbert Catelain (UDC). On a beaucoup vanté l'école genevoise et il est vrai que nous n'avons pour fonction de la discréditer. L'école genevoise travaille dans des conditions difficiles, avec une population particulièrement variée qui pose des difficultés supplémentaires aux enseignants, mais ce n'est pas non plus une raison pour se tirer des autogoals et renforcer la difficulté de cette école à remplir sa mission.
Beaucoup parmi vous ont établi une relation entre la certification, le taux de maturité de ce canton et la qualité de l'école. Personne n'a mis en parallèle la certification, la qualité de la formation et le taux de chômage des jeunes.
En France, il y a 80% de bacheliers et 20% de chômeurs. A Genève, on a un taux élevé de maturités et de maturités commerciales et un taux de chômage des jeunes nettement plus élevé que la moyenne nationale. A Zurich et dans les autres cantons alémaniques, un taux de maturités beaucoup plus faible mais un taux de chômage des jeunes aussi beaucoup plus faible. Vous avez une philosophie de l'instruction publique et de la formation qui vise à intégrer les jeunes dans la société sur le marché du travail et non pas à les exclure de la société.
Je ne crois pas que le bilan de l'école se mesure uniquement sur le seul fait que l'on obtienne ou pas une maturité. D'ailleurs, certains d'entre vous l'ont dit, on ne peut pas établir l'harmonisation entre la maturité et le bac, puisque le bac a tellement perdu de valeur par rapport à cet objectif des 80% que, finalement, c'est une usine à chômeurs qui renvoie à l'université les jeunes dont les employeurs ne veulent pas. Par contre, si vous faites une école de commerce supérieure en France, vous avez 100% de chances de trouver un emploi.
Pour ma part, je ne suis pas fier de ces 20% d'échecs scolaire. On nous a parlé d'un plancher incompressible, ces fameux 20%, de la courbe de Gauss qui se vérifie dans tous les phénomènes. Le seul problème que l'on a est que, si nous parlons positivement, les 80% de nos jeunes qui réussissent le passage du cycle d'orientation ne correspondent pas forcément aux 80% de Valaisans ou de Fribourgeois qui arrivent au terme du postobligatoire ! Nous le savons fort bien ! L'étude PISA le démontre ! Le niveau PISA à Genève pour les 13-15 ans, c'est le niveau français; alors que les Fribourgeois et les Valaisans, pour cette même tranche d'âge, nous sont nettement supérieurs. Ces pourcentages ne veulent donc pas forcément dire grand-chose.
L'IN 138 s'adressait essentiellement aux 20% les plus faibles. L'IN 134 s'adresse à l'ensemble. Elle respecte en cela la philosophie du cycle d'orientation qui est là pour orienter. Dans une société qui veut accorder le droit de vote à 16 ans et qui considère que l'on devient adulte à 16 ans et que l'on est capable de faire des choix qui vont engager une société, il est normal que l'on puisse, à 14 ou 15 ans, s'orienter. Beaucoup de jeunes peuvent déjà vous dire que les maths, cela ne les intéresse pas et qu'ils préfèrent aller dans une filière artistique ou linguistique; d'autres, au contraire, ne sont pas du tout intéressés par les langues et préfèrent prendre une orientation scientifique... Il y a donc un faux problème à propose de cette notion d'orientation. Et je réfute le terme de sélection, car il ne s'agit pas de sélection, dans l'une ou l'autre des initiatives, il s'agit d'orientation.
Ce qui me fait souci dans l'initiative 138, ce n'est pas son fond, ni même le texte, mais c'est l'esprit des initiants. Quand ils vous déclarent, à propos de l'initiative 134 qui veut orienter, qu'elle «a pour objectif de distinguer les élèves entre eux sur la base de leurs capacités intellectuelles» et que, pour leur part, ils ne voient pas de grande différence avec la volonté de certains de procéder à une distinction raciale, ou sociale, entre les riches et les pauvres... Mesdames et Messieurs, on a un siècle de retard ! La lutte des classes, c'est terminé ! C'est fini ! Le léninisme et le marxisme sont morts ! La société a changé !
Une voix. Bravo !
M. Gilbert Catelain. Les initiants nous déclarent également qu'un autre problème provient du regroupement des élèves plus faibles, alors que toutes les théories actuelles indiquent qu'il faut répartir les élèves en difficultés dans les groupes constitués de bons élèves pour leur permettre de bénéficier d'un effet d'entraînement et leur épargner le risque d'une exclusion progressive. Alors, on peut l'accepter dans le cadre d'une société qui a peu de problèmes, qui est homogène, où il n'y a qu'un ou deux faibles élèves par classe... Permettez un parallèle avec le monde sportif: je ne connais pas une équipe de foot, pas une seule équipe nationale qui mettrait deux pommes dans une équipe de onze ! Et il n'y en a pas un parmi vous qui serait d'accord que Köbi Kuhn engage des joueurs de deuxième ligue pour jouer en équipe nationale. Et qu'a-t-on fait pour permettre aux joueurs d'atteindre l'équipe nationale ? On a justement fait des niveaux. On joue d'abord en première ligue, ensuite en «Challenge League». Et même des socialistes ont trouvé ce système parfaitement viable, puisqu'ils l'ont cautionné en jouant et en participant à des compétitions dans ce domaine.
La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.
M. Gilbert Catelain. Je conclus, Madame la présidente. Personnellement, je ne donne pas de mauvaise note à qui que ce soit et il ne m'appartient pas de juger du comportement d'un conseiller d'Etat ou d'un autre. J'aimerais seulement rappeler que le chef du département a, dans cette enceinte, à l'époque, clairement soutenu - et c'est son droit - une certaine philosophie de l'école qui n'est pas forcément la nôtre. Mais à partir du moment où ce Grand Conseil va décider de refuser ces deux initiatives et de s'orienter sur un contreprojet, il faudra absolument que le chef du département soit au-dessus de la mêlée. Et qu'il puisse présider. C'est-à-dire faire preuve d'une certaine neutralité, et non pas forcément, comme je l'ai vu ce soir, être de mèche avec l'un des auteurs de l'initiative «Pour un cycle qui oriente», ce qui laisse présumer un parti pris.
En dernier lieu, je vous signale que nos voisins français ont à une large majorité approuvé «l'Ecole des flics», sauce Sarkozy, qui va à l'encontre de l'initiative soutenue par certains d'entre vous. Le nouveau président est contre l'hétérogénéité et le peuple français l'a largement suivi, les élections de ce week-end...
La présidente. Il faut conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Pour ces motifs, le groupe UDC refusera cette initiative.
M. Henry Rappaz (MCG). Pour ne pas refaire le long travail effectué en commission de l'enseignement et de l'éducation, je rappelle que cette dernière, dans son ensemble, est en faveur du rejet de l'initiative 138 et vous propose en échange un contreprojet, que le MCG soutiendra avec vigueur.
Mme Véronique Pürro (S). J'ai hésité à intervenir après ce long débat, mais l'intervention de M. Follonier m'a laissée perplexe. Quand il dit que l'initiative 138 est opportuniste et qu'il est regrettable qu'elle ait été déposée, je trouve que c'est faire peu de cas des 12 000 personnes qui l'ont soutenue et de nos institutions démocratiques. Et surtout, c'est avoir la mémoire très courte, Monsieur Follonier. Cela fait deux heures que nous répétons que nous voulons un compromis et un consensus, que nous ne voulons pas reproduire ce que nous avons fait à l'école primaire... Eh bien, si tel est vraiment notre objectif, je salue et remercie les auteurs de la 138 ! En s'opposant diamétralement à l'IN 134, cette initiative nous obligera à trouver le compromis et à faire preuve de consensus. Si nous n'y arrivons pas, ces deux initiatives seront soumises au peuple. Et là, Monsieur Follonier, vous savez tout comme moi que ce sont souvent les réponses les plus simplistes émises par les plus grands démagogues qui l'emportent, et cela serait regrettable. Vous savez aussi, puisque vous êtes un démocrate - j'en suis convaincue - que les solutions simplistes ne résolvent pas les problèmes complexes.
Mesdames et Messieurs les députés, personne ne détient la recette miracle, ni la potion magique. Nous avons discuté de deux initiatives totalement opposées, mais Genève n'est pas un cas si particulier: l'école est en questionnement et en réforme partout dans le monde, parce que la société change et que l'école doit s'adapter. Vous savez très bien que les deux systèmes coréen et finlandais ont les meilleurs résultats dans les études internationales alors qu'ils sont diamétralement opposés. Le premier est très hiérarchique et rigide, le second plus hétérogène et beaucoup plus souple. A Genève, il n'y aura ni l'un ni l'autre et j'espère que nous aurons l'intelligence de trouver le juste milieu. J'espère aussi que nous ferons chacun un pas vers l'autre et que nous serons capables de proposer un contreprojet qui satisfera également les deux groupes d'initiants. Nous devons consacrer les mois qui viennent à trouver les solutions qui donneront un peu de satisfaction aux uns et aux autres et qui instaureront la paix scolaire que nous appelons tous de nos voeux. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Mme Pürro vient de nous dire que personne ne détient la solution miracle - c'est juste. Elle dénonce aussi des solutions simplistes... Vous me permettrez de revenir sur l'hétérogénéité, cette curieuse proposition mise en place dans certains cycles bien que largement refusée en votations en mars 2001. Dans le rapport de Mme Hagmann, on trouve la définition de ce terme par REEL, et nous la jugeons fort exacte à l'UDC: l'hétérogénéité «n'est que l'autre nom d'une pédagogie compassionnelle qui sursoit aux disparités d'apprentissages par la pratique de notes de complaisance. Complaisance plus favorable à l'image de l'école et à la tranquillité des parents.»
L'initiative 138 est fondamentalement idéologique. C'est une vision de l'enseignement passéiste et dont les résultats ne sont pas bons pour les jeunes qui veulent poursuivre des études, ni pour ceux qui veulent s'engager dans un apprentissage ou entrer au CEPTA. Relevons que l'apprentissage permet à de nombreux élèves de trouver du travail bien que plusieurs professeurs au CEPTA m'aient exprimé maintes fois leur découragement face à des élèves sortant du cycle et dont les connaissances scolaires étaient dramatiquement faibles.
Ce n'est donc pas une surprise si les structures d'enseignement sont mises en cause. A la lecture de l'historique des cycles d'orientation, remarquablement décrit par Mme Hagmann dans son rapport, on observe de perpétuels changements dans la forme de l'enseignement secondaire. Et si l'on comprend la nécessité de la recherche d'une meilleure formule, on constate que trente ans de panade - selon les termes du président du DIP - ont fourni une multiplicité de solutions, de formules et d'expériences qui n'ont certainement pas aidé les élèves, ni les parents, à appréhender le cycle d'orientation.
On comprend par contre moins que cette perpétuelle recherche de nouveauté et de solutions aboutisse à un véritable nivellement par le bas au nom d'une sacro-sainte égalité des chances, que rien sur le marché du travail ne justifie. Ces fameuses structures hétérogènes ne sont pas acceptables: elles font perdre du temps à tous ceux qui ont des capacités intellectuelles et elles n'aident pas ceux qui ont besoin de davantage d'encadrement.
Les moyens mis à disposition du département de l'instruction publique sont énormes et il n'est pas question d'en engager de supplémentaires en continuant sur la même voie.
L'UDC refusera donc cette initiative et attend avec impatience un contreprojet qui placera l'école au service des élèves, contrairement à la surprenante déclaration - qui n'est pas la seule - d'un représentant de la FAMCO.
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. Deux heures de débat pour une unanimité de commission, n'est-ce pas un record ? En citant, de mémoire, Charles de Gaulle, je terminerai par ce souhait : «Dans les temps faciles, les intelligences formées mécaniquement suffisent. Dans les temps de crise, il faut en plus de l'intelligence, du coeur et du caractère.» Puisse cette citation résumer l'esprit avec lequel la commission abordera l'étude du contreprojet. (Applaudissements.)
M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. J'aimerais remercier l'ensemble des députés pour leur contribution en commission et pour ce débat en plénière. Personnellement, je suis convaincu que c'est aussi à partir d'une certaine modestie que nous pourrons rechercher, et surtout trouver, des solutions à tous ces maux.
Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons nous quereller pour savoir si l'hétérogénéité ou les sections sont préférables. Je remarque toutefois - cela a été dit par Mme Pürro à l'occasion de l'étude PISA et des deux meilleurs scores réalisés par la Finlande et la Corée - qu'il n'y a aucune corrélation entre la forme d'organisation des élèves et les résultats.
En Suisse, oui, il existe des classes hétérogènes au niveau du cycle d'orientation et les élèves qui s'y trouvent ne sont ni moins bons ni meilleurs que les autres. Toutes celles et tous ceux qui ont cherché à établir des corrélations entre les résultats et une quelconque variable dans le système sont arrivés à une seule hypothèse: les cantons catholiques réussissent mieux que les protestants... Je vous laisse le soin d'y réfléchir... Au-delà de l'anecdote, j'aimerais vous faire remarquer que la plupart des cantons catholiques en Suisse romande - et c'est peut-être là qu'il y a quelque chose à chercher - sont à prédominance rurale et, surtout, ils ont la chance, nous avons pu le vérifier, d'avoir une forme de cohésion et de contrat social beaucoup plus forts qui les soudent autour de l'école.
Finalement, on réussit bien en Finlande parce que la population finlandaise fait confiance à l'école et au corps enseignant, tout comme en Corée. Or ici, nous sommes les champions du monde de la défiance ! Mais c'est notre tradition, notre système politique.
Le Service de la recherche en éducation a montré dans sa publication de 2001, à l'occasion du débat populaire, qu'il n'y avait aucune différence entre les résultats des classes hétérogènes et ceux des classes à sections. C'était en 2001 ! Et PISA l'a confirmé pour Genève: il n'y a pas de différences dans les résultats.
Alors, on peut continuer à entretenir une guerre de religion là autour, on peut dire que les uns sont très nettement supérieurs aux autres et réciproquement... Nous n'allons pas avancer comme cela. Vous avez ouvert beaucoup de pistes de travail qui nous montrent que nous devons chercher à dépasser ce modèle.
J'aimerais attirer votre attention sur un autre point. Genève s'est effectivement enlisée dans un problème de confiance et de défiance que nous retrouvons très largement à l'intérieur de l'institution scolaire et je remarque un certains nombre de baromètres.
Premièrement, la violence des jeunes. Les statistiques publiées il y a quelques jours par la police genevoise nous le démontrent, il n'y a pas d'augmentation des faits de violence chez les jeunes, il y a en revanche une augmentation de la violence dans les délits des jeunes. Ce n'est pas tout à fait la même chose ! Cela nous montre que les jeunes en perdition aujourd'hui ne sont pas forcément plus nombreux, mais ils sont bien davantage en rupture qu'ils ne l'étaient auparavant.
Sur le plan de l'échec scolaire, c'est à peu près la même chose. L'échec scolaire a toujours existé, il est aussi vieux que les institutions scolaires, et nous remarquons que l'écart s'est aggravé. Et si nous cherchons à réfléchir sur les conditions économiques et sociales de notre canton, alors nous voyons qu'au cours des quinze dernières années il y a bien sûr eu des réformes scolaires; mais à côté de ces réformes, le taux de chômage est passé de 1,3% à pratiquement 7% et le chômage de longue durée est devenu la règle. Les personnes à l'assistance publique - dont une grande partie ont fréquenté nos écoles - ont été multipliées par cinq. Les inégalités se sont creusées dans notre canton et lorsque l'on évoque le retour de la carie dentaire, ou le retour de maladies pulmonaires comme la tuberculose, eh bien, on ne le dit pas assez: ce n'est pas dans tous les quartiers, ce n'est pas dans toutes les écoles, c'est dans un certain nombre de régions qui sont déterminées en fonction de cette montée des inégalités et de divers éléments de politique publique et qui sont cantonnées dans les mêmes endroits du canton, créant ainsi des couches de pauvreté.
Mesdames et Messieurs les députés, quels que soient les moyens que nous donnerons à l'école, quelle que soit la forme, si nous oublions que les inégalités sont en train de croître et qu'un certain nombre de personnes parmi les moins privilégiées souffrent davantage tous les jours, eh bien, nous passerons malheureusement à côté de notre obligation.
Nous avons à réfléchir et c'est en cela que je salue, malgré tout, l'esprit de l'initiative 138 qui a le défaut de ne pas prendre en compte la volonté populaire exprimée en 2001, mais qui montre bien que l'on ne réussira pas en laissant une partie des nôtres au bord de la route, surtout quand on sait à quel point le bord de la route est devenu dangereux. Après trente-cinq années d'incertitudes, nous avons une chance historique et nous pouvons la saisir: nous pouvons prendre en compte un certain nombre de choses pour l'école, nous pouvons être rationnels et réalistes, nous pouvons exiger la qualité, l'ouverture pour tous et, finalement, une obligation de réussite pour tous. Voilà de quoi ont besoin notre école et notre République ! Mais encore une fois, comptons également sur nos autres débats parlementaires pour trouver des solutions qui n'accroissent pas les inégalités mais qui fassent en sorte que tous les enfants de la République aient une chance de réussir. (Applaudissements.)
Mise aux voix, l'initiative 138 est refusée par 46 non contre 19 oui et 12 abstentions.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est accepté par 73 oui et 5 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
L'initiative 138 est renvoyée à la commission de l'enseignement et de l'éducation pour l'élaboration du contreprojet.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 138-C.
Débat
Mme Mathilde Captyn (Ve), rapporteuse. Nous vivons en ce moment une banalisation de l'endettement et il me paraît opportun de signaler que les poursuites ont augmenté en Suisse ces dernières années. C'est malheureusement un contexte qui est particulièrement marqué à Genève, où l'on a procédé en 2006 à environ 270 000 poursuites et 160 000 saisies. En trois ans, il y a eu une augmentation de 30% du nombre des poursuites et de 50% du nombre des saisies.
L'audition de Caritas nous a par ailleurs permis de savoir que quatre jeunes sur cinq ont commencé à être endettés avant l'âge de vingt-cinq ans, ce qui montre bien l'importance d'agir tôt. Des mesures doivent être prises dans un premier temps sur le plan de la sensibilisation des jeunes. «Le Courrier» citait par exemple que la Ville de Lausanne a tout récemment interdit la publicité pour le petit crédit.
La majorité de la commission des affaires sociales vous engage donc à renvoyer ce rapport au Conseil d'Etat pour qu'il nous fasse part de sa politique en la matière.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi d'abord de remercier une fois de plus la commission pour la qualité de ses débats et l'accueil qu'elle a réservé à cette proposition de motion.
Le groupe démocrate-chrétien attache une très grande importance à ce problème de société qui dépasse la sphère familiale. D'aucuns s'évertueront à rendre parfois les parents responsables voire coupables de toutes les difficultés qu'ils rencontrent avec leurs enfants, mais nous, nous pensons qu'il faut aider ces parents face à la spirale de l'endettement des jeunes et qu'il y va de la responsabilité de la société et des politiques.
Accompagner et aider les parents dans l'éducation, cela s'appelle de la prévention et elle a porté ses fruits dans bien des domaines. Aujourd'hui, le parti démocrate-chrétien sait - mais il n'est pas le seul - qu'il suffit de peu de chose aux familles pour se trouver en difficulté en cas d'endettement et combien il est ardu de s'en sortir. Or, pour les jeunes, le problème est encore plus aigu. Les professionnels le savent et s'en alarment, comme Mme la rapporteure l'a très bien résumé. Trop de jeunes deviennent assistés, et nous ne voulons pas que ces jeunes endettés voire surendettés deviennent des adultes accablés et assistés.
Or ce travail de prévention a déjà été couronné de succès à Fribourg, et récemment l'Etat de Vaud a également empoigné cette problématique qui dépasse, comme je l'ai déjà dit, la sphère privée.
Il est important de se mêler de ce qui - prétendent parfois certains - ne nous regarde pas, mais je vous signale que nous disions la même chose de la violence domestique ! Alors oui, il faut parfois s'occuper de ce qui ne nous concerne pas plutôt que de garder des oeillères !
Là, nous faisons vraiment un appel à la prévention, car le fait d'informer et de sensibiliser dans le cadre de l'instruction publique nous semble indispensable. Et nous faisons confiance au Conseil d'Etat. Nous avons compris qu'il s'inquiétait de cette problématique, induite finalement par notre société de consommation abusive.
Le PDC renverra donc au Conseil d'Etat cette proposition de motion et vous remercie de bien vouloir en faire autant.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je rappelle que ce débat est en catégorie II, c'est-à-dire avec trois minutes de parole par groupe.
Mme Christiane Favre (L). L'endettement des jeunes gens n'est pas un phénomène nouveau, il suffit de relire Molière ou Alexandre Dumas pour s'en assurer. Mais ce n'est pas parce que le problème est ancien qu'il ne faut pas s'en soucier. D'autant qu'il concerne une part non négligeable de cette jeune population, même si les chiffres et les affirmations alarmants des considérants ont été très nettement relativisés lors des travaux de la commission.
Les causes de ce phénomène sont connues: premier salaire, premier crédit, découverte tardive de ses obligations légales, impôts, assurances, retard de paiement... et la spirale est engagée. Le retour à une meilleure situation, vous avez raison, est long et difficile.
Mais gérer son argent est sans doute la première responsabilité personnelle que nous avons à prendre en entrant dans la vie adulte, or c'est un savoir qui ne tombe pas du ciel. Les professionnels auditionnés étaient unanimes: ce phénomène d'endettement vient tout droit d'un déficit éducatif familial ou, pire, de la reproduction de schémas familiaux calamiteux en matière de surconsommation et d'endettement.
Ces auditions nous ont aussi éclairés sur les nombreuses initiatives étatiques ou associatives qui ont été lancées pour faire de la prévention et de l'aide au désendettement: groupes de réflexion mis en place par le département des institutions et celui de l'instruction publique, structures proposées par les associations telles que Caritas ou le Centre social protestant - dont on peut au passage saluer l'engagement et la qualité des offres - coaching personnel, séances d'information, sites d'aides et de conseils sur internet, fonds social privé de désendettement, et j'en oublie certainement.
Sur un sujet de ce type, on peut certes avoir l'impression de ne jamais en faire assez, bien sûr. Mais vouloir initier une politique d'information et de prévention, c'est nier de fait qu'elle existe déjà. Demander un inventaire des institutions et des associations concernées pour en dégager une politique commune, c'est ignorer volontairement que les acteurs de cette politique travaillent déjà ensemble.
Certains ont jugé qu'on pouvait accepter cette proposition de motion parce qu'elle va dans le bon sens et qu'il n'est finalement pas si ambitieux d'affirmer qu'il est nécessaire de faire un peu de prévention. Mais tous ceux qui oeuvrent déjà sur le terrain apprécieront qu'on enfonce aussi brutalement des portes ouvertes !
Je crois surtout qu'on peut faire preuve d'un peu d'humilité et admettre qu'ont déjà été mises en place, sans nous, un certain nombre de mesures efficaces et qu'il n'est donc pas nécessaire de mettre le Conseil d'Etat au pied du mur afin qu'il élabore des inventaires et des politiques de prévention communes, alors que tout le monde s'accorde à dire que l'action préventive la plus adéquate serait d'apprendre aux élèves à établir un budget avant qu'ils touchent leur premier salaire.
Préférant que les énergies se concentrent au bon endroit, soit dans l'action plutôt que dans la rédaction, nous ne soutiendrons pas cette proposition de motion. (Applaudissements.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Mesdames et Messieurs les députés, on peut être surpris d'entendre les propos de Mme Favre qui, après avoir reconnu les problèmes d'endettement des jeunes, finit par dire qu'on en fait assez et qu'on ne peut pas agir davantage. Pourtant, lorsque nous avons auditionné le Centre social protestant... (Brouhaha.) Je vous ai écoutés, alors vous pourriez en faire de même !
Je disais que, lors des auditions du Centre social protestant, de Caritas ainsi que de l'Hospice général, on nous a bien confirmé l'importance de cette problématique et il est aussi notamment apparu que les jeunes évoluant dans une famille qui a déjà des problèmes de dette sont plus vulnérables.
Comme c'est le cas pour d'autres problématiques, il faut avant tout informer les jeunes et leur entourage, mais cela ne suffit pas, il convient aussi de promouvoir des programmes de soutien plus ciblés, et c'est justement dans ce domaine qu'ont effectivement déjà été accomplies des choses importantes: il y a par exemple un programme au niveau suisse qui s'appelle Max.Money; le CSP a lui aussi un programme efficace puisqu'il associe l'information au soutien personnalisé et à la prise en charge individuelle, avec justement des aides pour apprendre par exemple à gérer un budget.
Je ne veux pas répéter ce que d'autres ont dit sur les réalisations en matière de sensibilisation et de responsabilisation, etc. - je pense que là on est presque tous d'accord - mais ce qui me semble en revanche assez hypocrite et incohérent, c'est qu'on veut à la fois sensibiliser et responsabiliser les jeunes ainsi que leur entourage, mais qu'on continue à tolérer des campagnes de publicité souvent extrêmement agressives - on l'a vu il y a quelques mois - et qui sont de véritables incitations à la consommation. Elles s'adressent certes à tout le public, mais il est évident que les jeunes sont particulièrement visés par ces annonces qui promettent tout de suite de l'argent pour une voiture, un voyage, etc.
On devrait donc pouvoir limiter ce genre de publicités, parce qu'il ne suffit pas simplement d'informer, il faut aussi prendre des mesures peut-être plus contraignantes dans ce sens-là.
Par ailleurs, je rappellerai à nos collègues du PDC, qui semblent aussi très sensibles à ce problème, que les socialistes avaient essayé de modifier sur le plan suisse la loi sur le petit crédit, justement pour ne plus que l'on n'incite plus autant les jeunes. Mais les socialistes suisses n'ont malheureusement pas du tout été suivis par leurs collègues du PDC. Il faudrait donc peut-être leur transmettre un message pour qu'une fois pour toutes on soit un peu plus cohérent.
Enfin, il conviendrait aussi qu'on puisse inciter les entreprises à faire preuve d'un peu plus d'éthique.
C'est ainsi que les socialistes soutiendront cette proposition de motion, car je pense qu'il est important que nous disposions d'un rapport du Conseil d'Etat qui fasse, sans que cela prenne trop de temps, un panorama général de ce qui existe, et surtout qu'il prenne des mesures plus contraignantes.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Verts soutiendront cette proposition de motion pour une raison très simple: le surendettement des jeunes est une réelle problématique dont certaines personnes semblent ne pas avoir tout à fait conscience.
Lorsque vous vous retrouvez jeune célibataire surendetté, vous avez une saisie sur votre salaire et on vous laisse 2000 francs par mois pour vivre; jusque là, tout va bien pour fonctionner. Maintenant, prenons l'exemple d'un jeune d'une vingtaine d'années, qui a un salaire petit ou normal de 4000 à 5000 francs par mois - il paie donc généralement le double en impôts par an - et qui, en plus de sa saisie de salaire, doit encore régler 1000 à 1500 francs d'impôts supplémentaires. La situation devient difficile à ce moment-là: les gens se retrouvent réellement dans une spirale de surendettement, parce que, bien évidemment, ils vont vivre avec les 2000 francs, ne pas payer leurs impôts et, donc, s'endetter vis-à-vis de l'Etat. Et le danger de cette spirale est qu'au bout d'un certain moment les gens n'ont presque plus intérêt à travailler... Cela coûte cher à l'Etat, à la société - il est difficile de réinsérer ces personnes - simplement parce qu'on ne s'est pas rendu compte des conséquences de ce que l'on voulait.
Les Verts ont toujours été pour une amélioration de la qualité de la vie, et pas forcément pour une augmentation des quantités de ce qu'on consomme. Par cette proposition de motion, nous tentons aussi de soutenir le fait que vivre heureux ne signifie pas consommer plus. Même au contraire: vivre heureux dans une société, c'est augmenter sa qualité de vie, ce n'est pas consommer un maximum.
M. Eric Bertinat (UDC). La proposition de motion du groupe démocrate-chrétien s'inquiète de l'endettement des jeunes, s'appuyant sur un bilan alarmant de la Commission fédérale de la consommation qui a étudié ce sujet et constaté que quatre personnes endettées sur cinq l'ont été une première fois avant l'âge de vingt-cinq ans. Désintégration sociale et dépendance à l'assistance les attendent au bout de ce chemin de misère. Ce sont la publicité sans vergogne, les modes de paiement simplifiés, les crédits facilités et le manque de volonté - souvent hérité d'une éducation insuffisante - qui jettent ces jeunes dans des dépenses auxquelles ils ne peuvent faire face.
Certes, le regard du voisin, la nouvelle automobile du copain, les virées de fin de semaine ne sont pas toujours faciles à repousser et il faut souvent du courage pour ne pas céder à toutes ces tentations.
Que faire pour ces jeunes, se demandent en substance les auteurs de cette proposition de motion ? J'ai retenu la deuxième invite, modifiée en commission des affaires sociales, qui propose d'intégrer la thématique du budget et de l'endettement des jeunes dans le cadre, par exemple, des cours de comptabilité donnés en classes secondaires et professionnelles. En effet, des situations réalistes, telles que les comptes du ménage ou la comptabilité d'une petite entreprise, inciteront les jeunes à réfléchir sur le pouvoir d'achat limité. Et pourquoi ne pas même pousser l'exercice jusqu'à son paroxysme ? Si l'on incluait au programme les notions de poursuite, de saisie et de dépôt de bilan, celles-ci démontreraient mieux que les discours moralisateurs toute la batterie d'ennuis que ces procédures provoquent à l'aube d'une vie d'adulte, et pour longtemps, jusqu'à l'empoisonner.
In fine, ces exercices doivent provoquer une prise de conscience que l'on espère salutaire dans le cadre d'une politique de sensibilisation nécessaire.
L'UDC soutiendra donc le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. Mais, entre nous, qui à Genève donne l'exemple à ces jeunes ? En 2006, il y a eu 270 000 poursuites et 160 000 saisies. Au cours de ces trois dernières années, on a constaté une augmentation de 30% du nombre des poursuites et de 50% du nombre des saisies. Notons que, pour 40% des cas, il s'agit de poursuites concernant des primes d'assurance ou des dettes résultant des impôts.
Et ce n'est pas davantage le gouvernement qui donne l'exemple: 13 milliards de dette, soit 32 000 francs par habitant, jeunes y compris, et dès leur naissance ! Après pareil exploit, allez donc expliquer aux jeunes qu'il ne faut pas vivre au-dessus de ses moyens ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo, Eric !
M. Pierre Kunz (R). J'ai là dans les mains un livre intitulé «La France prépare mal l'avenir de sa jeunesse». C'est un ouvrage qui a été publié par la très prestigieuse Académie française des sciences morales et politiques, sous la signature d'intellectuels et de chercheurs renommés. On peut résumer les constats de ce livre de la manière suivante: premièrement, à force de réformes partielles contradictoires et incohérentes, segmentées à l'excès, notamment en matière d'emploi, mais dans les autres domaines aussi, la France a brisé la voie de l'intégration de sa jeunesse à une vie d'adulte responsable.
Deuxièmement, à force de prétendre protéger et aider la jeunesse, la France a fini par faire d'une partie d'entre elle une sous-catégorie sociale, convaincue de son impuissance, convaincue de sa discrimination, convaincue aussi que son avenir ne dépend plus d'elle-même mais de l'Etat - et des assistants sociaux - et qui excuse par avance ses ratés. Mesdames et Messieurs, c'est ce que nous avons aussi eu tendance à faire à Genève ! Les résultats, nous le savons tous, sont calamiteux ! Par exemple, nulle part ailleurs en suisse une partie aussi importante des cas sociaux traités par l'Hospice général est constituée par des moins de vingt-cinq ans.
Pourtant, s'agissant de l'endettement des jeunes - qui, il faut le dire, ne constituent pas une catégorie à risque particulière, et ça nous l'avons entendu en commission - certains persistent à prétendre que notre jeunesse est à priori totalement incapable de résoudre, sans l'aide publique, ses problèmes de trésorerie ou d'apprendre à mesurer son train de vie à l'aune de ses moyens financiers. Ceux-là entendent-ils donc faire de cette jeunesse, ou du moins d'une partie d'entre elle, une nouvelle et permanente catégorie d'assistés ? Nos jeunes ne méritent-ils pas plutôt que nous commencions par leur accorder le respect qu'ils méritent et par les responsabiliser, afin qu'ils apprennent par eux-mêmes, même si c'est parfois dans la douleur, le rôle d'adulte ?
Mesdames et Messieurs, il n'est pas impossible qu'il se trouve ce soir une majorité pour soutenir cette proposition de motion ! Mais cette majorité, en toute incohérence, va-t-elle aussi un jour nous demander d'accorder à Genève le droit de vote aux jeunes de 16 ans ?!
Cette proposition de motion est certes pleine de bons sentiments, mais c'est justement pour cela que son message et ses conséquences sont particulièrement dangereux. Ce que les jeunes attendent des adultes, ce qu'ils attendent de nous, ce soir, ce sont des marques de confiance, des encouragements, des exemples, des repères et, par-dessus tout, de l'exigence.
Alors je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les députés, rejetons avec courage cette proposition de motion et laissons aux familles, et à l'école qui sait assez ce qu'elle doit faire, le soin d'éduquer leurs enfants et de les éveiller à la problématique de l'endettement. (Applaudissements.)
M. Maurice Clairet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, derrière la proposition de motion 1678, il y a beaucoup d'hypocrisie. D'un côté, on veut sensibiliser les jeunes à lutter contre l'endettement et, de l'autre, on leur fournit des cartes de crédit avant même qu'ils gagnent leur premier sou.
Je peux donc raisonner comme suit: ce qui est important dans notre société, c'est de former des jeunes capitalistes, accros à la consommation et à la surconsommation.
Avec ce principe, les jeunes perdent tout repère de la réalité de la vie. C'est ainsi que les enfants ne se sentent plus encadrés; ils franchissent donc les barrières impunément et imitent les adultes et leur logique capitaliste, parfois pour le pire. Il ne faut pas se leurrer: un jeune de quatorze ans de notre époque sait plus de choses qu'un jeune de dix-huit ans dans les années cinquante, par l'utilisation intensive d'internet, de la télévision et de la médiatisation de la société.
Quand on veut sensibiliser un jeune sur le risque de l'endettement, il nous rit presque au nez, en nous faisant comprendre qu'il est au courant des rouages des poursuites. Ou alors, il joue à l'ignorant. De toute façon, j'ai constaté chez les jeunes que l'attrait de consommer est beaucoup plus fort que le risque d'une poursuite.
Le groupe MCG est donc pour le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Merci à tous les groupes qui viennent d'exprimer leur soutien à cette proposition de motion. J'aimerais tout de même faire quelques observations au sujet de ce qui a été dit, en particulier par M. Kunz.
Monsieur Kunz, ce que vous nous avez indiqué à propos du livre que vous avez cité était éminemment intéressant, mais peut-être auriez-vous pu lire aussi les invites de cette proposition de motion, car cela vous aurait permis de vous rendre compte qu'il ne s'agit pas du tout de stigmatiser une catégorie particulière de la population, les jeunes ou moins jeunes, mais simplement, si vous me passez l'expression, de prendre le problème à la racine.
Il y a un constat très simple: l'endettement des gens, et celui des jeunes en particulier, est tout à fait préoccupant. Alors par quel biais peut-on régler ce problème-là ? Par l'éducation. C'est ainsi que nous pourrons apporter des solutions adéquates à cette véritable problématique.
D'autre part, Monsieur Kunz, vous avez indiqué que cette proposition de motion était dangereuse et j'ai un peu de peine à comprendre pourquoi ! Une proposition de motion est un instrument qui est envoyé au Conseil d'Etat, lequel est tenu dans les six mois de rendre un rapport. Ce que nous allons voter vraisemblablement ce soir, c'est la possibilité, pour le Conseil d'Etat, de nous offrir des orientations visant à lutter contre l'endettement des jeunes.
Mais si vous estimez que la lutte contre l'endettement des jeunes est dangereuse, alors il ne faut effectivement pas que vous votiez en faveur de cette proposition de motion. Or les auditions auxquelles nous avons procédé en commission nous ont convaincus, en particulier celles de Caritas et du Centre social protestant, qu'il s'agissait d'un véritable problème de société. Vous avez d'ailleurs pu voir dans le rapport que 600 nouveaux dossiers étaient ouverts par Caritas en matière d'endettement des jeunes !
Donc, dire que notre proposition de motion est dangereuse et que c'est un faux problème est totalement fallacieux, et c'est la raison pour laquelle nous voterons avec enthousiasme ce texte.
M. Georges Letellier (Ind.). Mesdames et Messieurs les députés, je tiendrai un langage quelque peu différent de mes collègues. C'est le système de consommation dans lequel nous vivons qui amène les jeunes à consommer et à s'endetter. Et comme l'éducation parentale et scolaire sont les deux mamelles de la formation de nos jeunes, commençons donc par bien former les éducateurs et le problème sera en partie résolu.
Il y a par conséquent un problème de fond à résoudre, qui dépend entièrement de notre système politique.
La présidente. La parole est à M. Eric Stauffer, à qui il reste une minute et trente-et-une secondes.
M. Eric Stauffer (MCG). C'est largement suffisant ! En fait, je voulais simplement réagir aux propos de nos amis libéraux parce que je suis quand même étonné que vous vous opposiez à ce texte, même s'il vient du PDC, qui prône l'adage «faites ce que je dis mais pas ce que je fais» - j'en veux pour preuve une certaine campagne électorale dans une commune genevoise - donc je suis étonné, Mesdames et Messieurs les libéraux, parce que c'est un problème qui est important.
Aujourd'hui, vous ne pouvez plus occulter que c'est un phénomène de société qui a pris une importance absolument dramatique. Quand on regarde les chiffres, on voit 270 000 commandements de payer en 2006. Mais non, Mesdames et Messieurs les libéraux, pas tous les citoyens de Genève gagnent un demi-million par année, pas tous les jeunes citoyens de Genève sont des fils à papa, à qui on va éponger les dettes et acheter la dernière voiture décapotable ! Cela ne marche pas comme ça ! Et je trouve désolant que vous ne souteniez pas un tel projet. J'en ai terminé, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Qui, Madame la présidente... (Rires.) ...vient de se camoufler. De telle manière que je vais surseoir à son absence momentanée pour vous dire que l'endettement est, à l'évidence, un vrai problème - on ne peut pas le nier, Monsieur le député Kunz - parce qu'il existe et qu'il entraîne effectivement dans une spirale très particulière.
Il y a un élément qui n'a pas été évoqué dans vos discussions et qui m'étonne un peu, c'est que, pour être endetté, il faut que quelqu'un ait été d'accord d'être votre créancier.
Qui sont les créanciers des jeunes endettés en Suisse ? Une étude, commanditée par M. Couchepin, il y a un peu plus d'une année, est assez claire à cet égard et montre que les créanciers des gens endettés, notamment des jeunes endettés, sont de trois catégories: les banques, les proches ou les parents, et les impôts. Il n'y a qu'un seul créancier féroce, c'est l'Etat, et vous l'avez vu à travers les auditions que vous avez faites. En effet, si mes souvenirs sont exacts, M. Levrat avait dit très clairement que le plus fort taux d'endettement était celui des gens qui devaient de l'argent aux impôts. C'est probablement la preuve que soit les gens s'arrangent mieux avec les privés, soit les créanciers privés renoncent plus facilement à leur argent au moment où ils se rendent compte de l'endettement de leurs débiteurs.
Et puis, il y a les parents. Vous m'excuserez, sans doute suis-je un peu simple, mais si, comme parents, vous prêtez à un enfant de l'argent et qu'il n'est pas capable de vous le rendre, soit vous avez mal évalué la situation, soit vous renoncez. Car imaginer qu'on reste le créancier de ses enfants, c'est un peu singulier.
Les banques, elles, semblent relativement bien le comprendre; on parle là d'endettement de petites gens, si j'ose dire - en l'occurrence de jeunes - pas d'endettements faramineux. Quand les banques acceptent un leasing et qu'il ne fonctionne pas, les poursuites qu'elles engagent ne vont pas très loin, pour le simple motif qu'elles se rendent bien compte qu'au fond elles sont largement coauteurs de la situation dans laquelle elles se retrouvent.
Ce partenariat du mandat que l'on se donne les uns aux autres, lorsque l'on se prête de l'argent - et qu'on le revoit, cas idéal; ou qu'on ne le revoit pas, cas moins idéal - c'est en quelque sorte un partenariat entre deux personnes. Et, jusqu'à preuve du contraire, à ce moment-là il ne faut pas s'en mêler. Si je vous dis cela, ce n'est pas pour combattre la proposition de motion, mais pour vous indiquer qu'on ne trouvera pas de solution si on n'analyse pas la nature des créanciers dans le phénomène de l'endettement.
De plus, cet endettement, vous l'avez dit, est parfois dû à une consommation effrénée, voire à un phénomène de mode. Il est très frappant de voir que notamment des familles assez démunies dépensent de l'argent pour que leur enfant - et là ce sont des endettements de jeunes parents - puisse avoir le même code vestimentaire - absurde ! - que les autres élèves de la classe. Et ces mêmes parents vont jusqu'à accepter de payer 400 francs pour une paire de jeans, au motif que si l'on n'a pas cette marque-là on n'a plus le code d'entrée dans la classe. Ce sont des éléments qu'on a déjà eu l'occasion d'évoquer dans ce parlement et qui sont particulièrement perturbantes - en tout cas, ces éléments me perturbent bien plus au niveau du comportement des parents que de celui des enfants.
Je conclurai en disant - et ce n'est pas par plaisir, à vrai dire, Monsieur Bertinat, que je soufflerai pour une fois dans une trompette parallèle à la vôtre - que lorsque l'on veut rétablir l'autorité de l'Etat et rendre les gens responsables, il convient de savoir donner l'exemple. Et cela, quelles que soient nos appartenances politiques, parce que nous sommes tous responsables du fait qu'en 1990 nous possédions un milliard en banque et que nous avons en 2007 une dette de 13 milliards. Je pense que charité bien ordonnée commence par soi-même, et nous, Conseil d'Etat, nous engageons très fermement à restaurer les finances publiques puis à se désendetter.
Et pour cela, nous avons besoin de votre aide, puisque vous votez les lois et les budgets, mais ça ne nous empêchera pas du tout, au demeurant, de répondre aux invites de la proposition de motion que vous allez nous renvoyer. Je vous remercie. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le Conseiller d'Etat. Je suis désolée que votre intervention n'ait pas débuté dans les règles, mais je vous signale que lorsque vous appuyez sur le bouton situé à la place de M. Moutinot, c'est son nom qui s'affiche à l'écran.
Mise aux voix, la motion 1678 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 50 oui contre 21 non et 3 abstentions.
La présidente. Nous allons... (Commentaires. Brouhaha.) Je vois que, la fatigue aidant, votre souhait est d'arrêter là nos travaux. Il est vrai que nous avons eu de très longs débats. Je vous souhaite donc une bonne rentrée et un excellent week-end.
La séance est levée à 22h40.