République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 134
Initiative populaire 134 "Pour un cycle qui oriente"
IN 134-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 134 "Pour un cycle qui oriente"

Préconsultation

Le président. Je rappelle, Mesdames et Messieurs les députés - je l'ai fait l'autre jour à l'attention des chefs de groupe - que nous sommes en débat sur la recevabilité seulement et qu'au terme de ce débat ce projet sera renvoyé à la commission législative. C'est donc uniquement ce débat qui est ouvert ! La parole est-elle demandée ? Ce n'est pas le cas... Si ! Christian Brunier, vous avez la parole.

M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Certes, il ne faut pas, à ce stade, faire un débat de fond, et ce n'est pas mon intention... Nous étudions la recevabilité de cette initiative. Comme le Conseil d'Etat le dit dans son rapport - je pense qu'il faut le commenter un minimum - cette dernière est recevable, et nous soutenons pleinement la position du Conseil d'Etat.

Néanmoins, elle ne l'est que très provisoirement. En effet, vous le savez toutes et tous, le canton de Genève, comme la plupart des cantons suisses - en tout cas romands - est en train d'établir des normes, des directives, pour arriver à une gestion supracantonale et une harmonisation dans le domaine scolaire. Donc, à terme, cette initiative - qui demande le retour au cycle d'orientation d'antan - ne correspond, bien entendu, pas aux besoins de la société ni aux options préconisées par le parti socialiste. Juridiquement, elle sera rapidement non conforme au droit supérieur, puisque des dispositions fédérales ont été prises pour aller dans le sens de plus de collaboration et plus d'harmonisation des programmes scolaires. Et cette initiative va exactement dans le sens contraire de ce que font les autres cantons: plutôt que de se tourner vers un cycle d'orientation qui oriente, un cycle d'orientation qui donne de nouvelles chances aux enfants, elle veut revenir à un cycle du passé, un cycle qui sélectionne, et, qui plus est, sur des aspects qui ne correspondent plus aux besoins de la société !

Par conséquent, nous défendrons la recevabilité de cette initiative, mais nous la combattrons fermement, car nous pensons qu'elle est néfaste pour les jeunes et pour une école qui se veut moderne et répondant aux besoins de citoyenneté de la société ! (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). Nous devons effectivement nous exprimer sur la recevabilité de l'initiative 134. A ce jour, nous reconnaissons qu'aucun obstacle ne rend cette initiative invalide. J'ai bien dit «à ce jour», parce que, comme l'a dit M. Brunier, il faudra voir, après la votation du 21 mai, si cette initiative est toujours compatible avec le droit supérieur. Car HarmoS va probablement exiger un certain nombre d'années d'études.

Quant au rapport du Conseil d'Etat sur la prise en considération, il sera sûrement étudié plus tard à la commission de l'enseignement. Je reconnais donc qu'il est inutile de faire ce soir un long débat à ce sujet.

Mais il faut toutefois relever - cela me paraît important avant le renvoi en commission de cette initiative - les complications introduites par cette initiative. En effet, celle-ci prévoit une modification fondamentale de la structure du cycle, en introduisant, entre autres, une année de transition entre la sixième et la septième, alors que - je vous le rappelle, Mesdames et Messieurs - nous sortons à peine d'une votation populaire qui a abouti au rejet d'une septième hétérogène !

Le fait de mettre sur la place publique des débats qui demandent des modifications structurelles est certes louable, mais ne risque-t-on pas de déstabiliser et le corps enseignant et les parents et les élèves ? Cette initiative - vous le savez - a peiné pour récolter le nombre de signatures nécessaires.

Concernant l'école, chacun a sa logique dans cette enceinte... L'institution scolaire s'efforce d'offrir une scolarisation équitable, tout en s'interrogeant sur les apprentissages nécessaires. L'économie, elle, cherche surtout l'efficacité à court terme et une meilleure efficience des systèmes de formation. Nous, les politiques, nous devons définir notre position par rapport à ces visions. Personnellement - je l'ai déjà dit - je pense qu'il faut valoriser une recherche éducative, afin de développer les dispositifs adéquats à une formation qui vise l'excellence. Le cycle d'orientation a dépassé le stade des maladies de l'enfance. Mais, pour rester concurrentiel, être en phase avec la mutation de la société, il doit continuer sans cesse à se poser des questions sur son efficience.

D'autre part, qui s'est demandé ce que les élèves allaient trouver à la sortie du cycle ? Cette initiative a le mérite de proposer des solutions - pas forcément bonnes... Quoi qu'il en soit, nous nous réjouissons de connaître le résultat de la réflexion de la commission générale de la formation de l'enseignement secondaire 1. (Brouhaha.) Nous attendons des propositions concrètes réalisables, mais en accord avec HarmoS.

L'initiative 134 est réductrice. Le groupe libéral souhaite une étude plus vaste, et il s'associera volontiers à une réflexion qui permette d'améliorer la gouvernance des systèmes de formation. Il demande que chacun tire à la même corde. (Brouhaha.) Il n'est pas admissible - Monsieur le président du DIP, c'est pour vous que je le dis ! - d'évoquer un manque de décharges lorsqu'il faut fournir un effort, comme c'est demandé aux profs d'allemand ! L'école genevoise doit être au top !

M. Jacques Follonier (R). Je reconnais que cette initiative est recevable, mais j'ai quelque peine à comprendre la position du Conseil d'Etat. Nous avons évoqué tout à l'heure HarmoS - M. Brunier en a parlé... HarmoS définit l'âge d'entrée à l'école, il règle la reconnaissance des diplômes, s'occupe de la durée de la scolarité et des objectifs des niveaux d'enseignement, cela dans le but de favoriser l'harmonisation, mais, aussi, la mobilité des élèves et des enseignants. Et le parti radical y souscrit pleinement.

Le Conseil d'Etat nous dit que cette initiative touche la durée de l'enseignement ainsi que les objectifs d'enseignement... Il oublie simplement de préciser que cette initiative ne préconise ces mesures que dans des cas très particuliers et ponctuels. Il faut donc nuancer ce propos. Je vous le rappelle, HarmoS est simplement un socle d'harmonisation et, de plus, dans le cadre du secondaire 1, très peu de règles sont liées aux types de filières, aux contrôles des connaissances ou aux redoublements.

Alors, connaissant les problèmes du cycle d'orientation, qu'ils soient structurels, organisationnels, voire, même, de formation, cela me dérange quelque peu que l'on déclare cette initiative sans grand fondement. Je pense qu'elle a un mérite - le même mérite que l'initiative précédente ARLE - c'est d'aborder un sujet important: le problème grave du cycle d'orientation. Au moins, elle aborde ce sujet, alors que la plupart des gens sont au courant, le connaissent mal et n'osent pas l'aborder ouvertement !

En tous les cas, le groupe radical se réjouit de suivre l'évolution des travaux sur ces points.

M. Eric Bertinat (UDC). Si, lors du débat qui a eu lieu peu avant la pause, nous n'étions pas d'accord avec le parti radical nous partageons ce qui vient d'être dit - sur ce sujet tout au moins. Le groupe UDC prend acte de la recevabilité de l'initiative 134, mais ne suivra pas, lui non plus, l'avis du Conseil d'Etat qui propose de refuser sa prise en considération.

Par contre, notre groupe reste favorable à l'élaboration d'un contreprojet. Le texte de l'initiative, grosso modo, rétablit un cycle d'orientation ancien - dix ans - et réintroduit, entre autres, des sections ou des filières d'orientation - sans doute trop nombreuses. Il y a une certaine logique dans la proposition qui nous est faite après le retour des notes en primaire. Cette prise de conscience est bienvenue. L'enseignement actuel ne donne plus satisfaction et les degrés A et B ont rapidement montré leurs limites.

Mais il faut se donner le temps d'examiner ce projet avec attention et prendre en compte le résultat de la votation de dimanche sur la formation, comme chacun s'est plu à le rappeler.

M. Mario Cavaleri (PDC). S'il est vrai que nous pouvons constater la recevabilité d'une telle initiative, il me semble - et je le dis au nom du groupe démocrate-chrétien - qu'il y a erreur sur l'intitulé dans la mesure où cette initiative ne propose pas d'orienter, mais de sélectionner, et, de surcroît, beaucoup trop précocement. L'intitulé de cette initiative est donc erroné !

Ensuite, si vous preniez la peine d'examiner dans le détail le système proposé dans cette initiative - et ses conséquences - vous verriez qu'il ne s'agit pas d'un système limpide, mais d'une usine à gaz, voire une raffinerie - ce dont nous n'avons nul besoin !

Enfin - et je crois qu'il faut le rappeler - il y a un total manque de cohérence par rapport aux filières du postobligatoire. Vous le savez - et nous le savions avant même le lancement de l'initiative au travers des explications qu'il a données - le Conseil d'Etat avait déjà l'intention de réformer, dans la mesure où c'est nécessaire, le cycle d'orientation, puisque un groupe de travail s'attelle déjà à cette tâche.

Donc, au nom du groupe démocrate-chrétien, je vous invite à accepter la recevabilité de cette initiative, mais à refuser sa prise en considération.

M. Damien Sidler (Ve). Monsieur le président, je serai peut-être le seul ce soir à respecter vos consignes, puisque je me bornerai à m'exprimer sur la recevabilité de cette initiative...

Le président. Je vous en remercie vivement ! (Rires.)

M. Damien Sidler. Nous pensons en effet qu'elle est recevable. Le Conseil d'Etat n'a relevé aucun problème, nous nous en assurerons tout de même en commission.

Mais nous devrions nous demander, étant donné que la procédure prévoit trois passages devant ce plénum pour traiter les initiatives, s'il n'y en a pas un de trop - surtout quand un texte comme celui-ci ne semble poser aucun problème - et s'il ne serait pas possible de les renvoyer directement en commission, comme nous le faisons pour certains projets de lois.

Le président. Vous parlez d'or, Monsieur le député ! Je donne la parole à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. J'interviendrai rapidement, étant donné qu'il s'agit du premier débat sur la recevabilité, pour dire que, effectivement et contrairement à certains travaux préalables sur le sujet scolaire, cette initiative ne pose aucun problème de forme. C'est un élément relativement important: il s'agit même de l'élément central pour ce soir.

J'aborde le fond très brièvement. Nous sommes saisis de cette initiative; une autre initiative est en voie de récolte de signatures, et, par ailleurs, le département est en train de procéder à une consultation ouverte, qui a démarré avant même le lancement de l'initiative que nous traitons ce soir. Donc, trois voies au moins seront explorées !

Sachez en outre qu'indépendamment de ces trois voies le Conseil d'Etat est suffisamment attentif à l'état actuel du cycle d'orientation - qui a besoin de changements - et suffisamment fort de ses composantes, pour venir, le cas échéant, vous proposer certaines modifications fondées sur le bon sens pour rendre le cycle d'orientation plus efficace, afin de rassembler - je l'espère, une fois n'est pas coutume ! - une majorité de ce parlement.

Je terminerai mon propos en rappelant ceci: Genève risque d'avoir une guerre de retard en évoquant uniquement la question de la structure, à savoir l'hypersélection et les sections multipliées, en opposition à un niveau hétérogène qui rassemblerait tout le monde. En effet, alors que nous sommes en difficulté par rapport aux tests PISA - qui est l'élément de mesure unanimement reconnu - il faut simplement préciser que les deux meilleurs pays sont respectivement la Finlande, qui a un système hétérogène, et la Corée du Sud, qui a un système très hiérarchique. Il n'y a donc pas de rapport direct - et nous retrouvons la même observation aux niveaux strictement européen et suisse - entre la formule choisie - structure intégrative ou sélective - et le résultat à PISA.

Il faut donc tout d'abord retrouver un climat de confiance, et c'est autour de cette notion que, le moment venu, le Conseil d'Etat vous proposera de travailler.

Le rapport du Conseil d'Etat IN 134-A est renvoyé à la commission législative.

L'IN 134 est renvoyée à la commission législative.