République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.

Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Je prie les personnes qui se trouvent à la tribune de bien vouloir se lever. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Pierre-François Unger et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Marcel Borloz, Pierre Ducrest, Philippe Guénat, Pierre Losio, Jean Rossiaud et Véronique Schmied, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

E 1468
Prestation de serment de la/du successeur remplaçant M. PLOJOUX Patrice, député démissionnaire

La présidente. Mme Ariane Reverdin est assermentée. (Applaudissements.)

E 1462-A
Prestation de serment de M. BOVEY Grégory élu Juge à la Commission de surveillance des offices des poursuites et des faillites
E 1464-A
Prestation de serment du M. ZEN-RUFFINEN Stéphane élu Juge au Tribunal de première instance
E 1465-A
Prestation de serment de Mme GUEX Séverine élue Juge au Tribunal de première instance
E 1466-A
Prestation de serment de M. FIECHTER Robert élu Juge suppléant à la Cour de justice

La présidente. M. Grégory Bovey, M. Stéphane Zen-Ruffinen, Mme Séverine Guex et M. Robert Fiechter sont assermentés. (Applaudissements.)

E 1463-A
Prestation de serment de Mme TAPPONNIER Catherine élue Substitute du Procureur général

La présidente. Je suis désolée, je vais vous demander de rester debout encore un moment. Mesdames et Messieurs, si vous restez à la tribune, je vous demande de vous lever. Merci !

Mme Catherine Tapponnier est assermentée. (Applaudissements.)

IN 138
Initiative populaire 138 : "S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes"
IN 138-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 138 : S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes

Préconsultation

La présidente. Je vous rappelle qu'il s'agit d'un débat de préconsultation sur la base du rapport du Conseil d'Etat au sujet de la validité et de la prise en considération de l'initiative. Monsieur le député François Thion, vous avez la parole.

M. François Thion (S). Merci, Madame la présidente. Le parti socialiste accueille avec un grand intérêt cette initiative. Pour ce qui est de sa recevabilité, aussi bien formelle que matérielle, nous partageons l'avis du Conseil d'Etat.

Cette initiative respecte l'unité de la matière, je crois. Elle porte sur la loi sur l'instruction publique, la LIP. Le but de l'initiative est d'améliorer la qualité de l'instruction publique, et je crois que c'est une très bonne chose. L'unité de la forme est également respectée: l'initiative est entièrement rédigée. L'unité de genre est aussi respectée, puisque les trois nouvelles dispositions proposées dans cette initiative entrent dans la loi sur l'instruction publique. Cette initiative est également conforme au droit supérieur, je crois qu'il n'y a aucun problème à ce sujet.

En ce qui concerne le fond de l'initiative, puisque je suis le premier à m'exprimer, rappelons que celle-ci comporte trois volets.

Un premier volet concerne le soutien pédagogique, qui est extrêmement important pour les élèves en grande difficulté, que ce soit à l'école primaire, au cycle d'orientation ou dans le postobligatoire. On sait que Genève n'était pas très bien classée dans les résultats de l'enquête PISA, surtout parce qu'une catégorie importante d'élèves connaissent de grandes difficultés. Et l'initiative a pour objectif d'encadrer beaucoup mieux et beaucoup plus tôt ces élèves-là.

Ensuite, un deuxième volet de l'initiative porte sur le dixième degré et le postobligatoire. Ce volet a trait à la reconnaissance des acquis. Un des problèmes constatés à la sortie du cycle d'orientation, c'est qu'un certain nombre d'élèves commencent le collège mais n'y arrivent pas et refont une année. Ensuite, toujours en situation d'échec, ils décident de changer d'orientation ou doivent être redirigés vers une autre école, l'Ecole de culture générale ou l'Ecole de commerce. Les initiants souhaiteraient - à juste titre, je crois - que ces premières années ou semestres passés dans ces écoles du postobligatoire puissent être reconnus, pour que ces jeunes ne perdent pas trop de temps.

Enfin, le troisième volet de l'initiative concerne l'organisation du cycle d'orientation. L'initiative propose notamment que la première année de cycle d'orientation, la «septième», soit hétérogène - je pense que c'est une très bonne chose et qu'il faudra revenir sur ce débat - donc une septième année qui soit hétérogène, de manière qu'il y ait une continuité avec l'école primaire, que le cycle d'orientation puisse vraiment jouer son rôle d'orientation et que la sélection des élèves ne s'effectue pas avant ce moment.

Je suis tombé récemment sur un article relatif à l'éducation en Finlande. Vous savez que les résultats de l'enquête PISA de 2003 placent les Finlandais premiers en lecture, premiers en sciences, premiers en maths et deuxièmes pour la résolution de problèmes. L'école finlandaise est extrêmement intéressante et, si l'on regarde ce qui se passe là-bas, l'initiative va en fait dans le même sens. C'est-à-dire qu'elle demande qu'il y ait des classes hétérogènes et que le rythme d'apprentissage soit adapté aux enfants. L'initiative demande aussi une aide ciblée dès le plus jeune âge, c'est-à-dire que l'on retire un certain nombre de cours aux élèves pour les aider dès les premiers apprentissages. Je crois que ça va dans le sens d'un certain nombre de choses qu'on essaie maintenant de faire à l'école primaire. En Finlande, par ailleurs, les effectifs des classes sont réduits. L'initiative ne parle pas de ça, mais je crois que c'est aussi important et qu'il faut le rappeler. Plus les effectifs sont réduits, mieux ça va dans les classes !

Et puis, cela ne figure pas non plus dans l'initiative mais je tiens à le rappeler aussi, les enseignants finlandais sont bien formés. On demande aux enseignants du primaire l'équivalent d'un master en éducation, c'est-à-dire cinq ans de formation supérieure. Pour les enseignants du secondaire, c'est un master dans la discipline enseignée plus une année ou deux de formation universitaire en éducation qui sont exigés. Ça, c'est la réussite de la Finlande ! Je crois que l'initiative ne pouvait pas évoquer la formation des enseignants sous peine de ne pas respecter l'unité de la matière, mais je crois qu'on va reparler de ce sujet ici, au Grand Conseil.

Je pense donc qu'il faut faire bon accueil à cette initiative. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous rappelle que nous ne sommes pas dans un débat sur le fond, mais sur la recevabilité de l'initiative. La parole est à Mme la députée Ariane Wisard-Blum.

Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Merci, Madame la présidente. Le peuple s'est prononcé en faveur d'une harmonisation scolaire fédérale. Alors même que l'école va évoluer prochainement vers cette harmonisation, il est paradoxal de voir fleurir une multitude d'initiatives populaires cantonales qui viennent bousculer l'école genevoise.

Après celle, acceptée par le peuple, pour le maintien des notes à l'école primaire, les auteurs de l'initiative 134 au titre trompeur «Pour un cycle qui oriente» ont ouvert le feu sur le cycle d'orientation.

En réponse à cette proposition dramatiquement sélective, la Coordination Enseignement a récolté presque 12 000 signatures en faveur de cette nouvelle initiative populaire sur le cycle intitulée «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes».

Si nous, les Verts, y trouvons - y retrouvons - des idées que nous défendons, comme les soutiens pédagogiques pour les élèves en difficulté et une organisation du cycle d'orientation qui se rapproche de celle proposée dans notre programme sur l'école, nous sommes très inquiets de voir l'école à nouveau prise entre deux feux. Suite à l'acceptation par le peuple de l'initiative sur le retour des notes à l'école primaire, il aurait fallu que l'école puisse retrouver un peu de sérénité et de paix.

Certes, une réflexion sur le cycle d'orientation est nécessaire. Actuellement, regroupements «A» et «B» ne satisfont personne. Les adolescents qui se retrouvent en niveau «B» sont très souvent stigmatisés et démotivés; ils perdent espoir en leur avenir scolaire et professionnel. C'est pour cela que l'école doit trouver des nouvelles solutions car, malheureusement, pour lutter contre l'échec scolaire il n'existe pas une seule solution, mais des solutions multiples et variées, les raisons des échecs scolaires étant souvent très différentes.

Une initiative en ayant entraîné une autre, puis une nouvelle, le sujet de l'école se complique pour la population et nous craignons que cela ne permette pas à l'école de demain - qui doit s'adapter à l'évolution de la société et offrir à chaque élève une formation de base - de se construire de manière cohérente.

En conclusion, les Verts pensent que cette initiative est recevable et conforme au droit supérieur.

M. Jacques Follonier (R). Mesdames et Messieurs les députés, je ne parlerai pas ici du fond de l'initiative, puisque ce n'est pas le lieu, mais de la recevabilité. L'unité de matière me pose un problème quant à l'exigence interdisant de mêler dans un objet soumis au peuple plusieurs propositions de natures et de buts différents, qui forceraient ainsi le citoyen à une approbation d'une proposition globale, alors qu'il pourrait n'être d'accord qu'avec une partie des propositions qui lui sont soumises. Or, j'ai la sensation très ferme que, dans le cas de cette initiative, il y a une difficulté en ce qui concerne l'unité de la matière.

Nous avons trois articles. Le premier, l'article 7C qui est modifié, change ainsi toute la loi sur l'instruction publique. Il englobe aussi bien l'école maternelle, l'école primaire - qu'elle soit privée ou publique - que le Collège, y compris l'enseignement tertiaire, tout en touchant l'Ecole de commerce, l'Ecole d'art, voire le Collège du soir pour les adultes. Il ne me paraît pas judicieux d'avoir une telle modification au niveau de la loi par rapport aux articles 44 et 53, proposés après, qui, eux, traitent exclusivement du cycle d'orientation.

Or, la volonté des initiants est très manifestement ciblée sur le cycle d'orientation. On le voit dans le cadre de leur argumentaire où trois constats sont faits: le premier sur l'orientation et la formation, au cycle d'orientation; le deuxième sur l'échec scolaire et l'insertion, au cycle d'orientation; le troisième considérant la réduction des buts de l'école comme un système illégal, toujours dans le cadre du cycle d'orientation ! Dès lors, j'ai un peu de peine à comprendre la démarche.

Nous aurions dû avoir un article 7C modifié le cadre de l'enseignement secondaire et non pas le cadre de la loi générale. J'ai l'impression que nous devrions plutôt partir sur une double initiative, c'est-à-dire scinder cette initiative en deux pour éviter des problèmes de recevabilité.

Alors, j'engage la commission législative à accorder le plus grand intérêt à cette suggestion. Je vous remercie.

M. Yves Nidegger (UDC). Il s'agit d'une initiative qui se caractérise par son esprit réactionnaire. Au fond, on veut répondre à une autre initiative et surenchérir sur la manière de faire des réformes. Ici, on nous propose de ne pas réformer, mais de rajouter plusieurs couches en termes de quantité, de développer plus de moyens. Et l'on retrouve dans l'esprit des initiants ce refus de remise en question du fonctionnement de l'école qui a été la cause des échecs que l'on connaît et celle du succès de l'initiative de septembre, qui tentait d'amener un vent nouveau.

On retrouve évidemment dans cet esprit réactionnaire un certain mélange, et ceci a été souligné par M. Follonier. Cela pose quelques problèmes de recevabilité et un problème encore plus grave au niveau de l'exécutabilité puisque nous sommes en période de vaches maigres et qu'il va falloir dépenser moins d'argent et non pas plus.

Et puis, si l'on fait des comparaisons internationales, on doit constater que ce n'est pas dans les pays où l'on consacre la plus grande quantité d'argent que l'on obtient les résultats scolaires les meilleurs.

Finalement, nous avons quelques doutes sur la recevabilité que nous souhaitons discuter en commission. Sur le fond, nous allons refuser la prise en considération de l'initiative. Je vous remercie.

M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, l'initiative 138 lancée par le groupement «Exclure sans former»... Pardon, «Former sans exclure»... (Rires.) Cette initiative vise essentiellement deux buts. D'abord, un soutien pédagogique pour les élèves en difficulté, ensuite l'introduction de la septième année hétérogène.

En ce qui concerne le premier objectif, les initiants sont évidemment beaucoup plus dégagés de responsabilités et de contraintes que les députés et ils peuvent s'abstenir d'aborder les questions de l'efficacité et de l'efficience des mesures de soutien pédagogique, notamment du coût et du rapport coût-bénéfice de ce qu'ils proposent. Tout le monde veut effectivement et à juste titre lutter contre l'échec scolaire, encore faut-il savoir de quelle façon on le fera. C'est un point que la commission de l'enseignement examinera évidemment, une fois que, par hypothèse, la recevabilité aura été décidée par la commission législative.

En ce qui concerne le deuxième point, l'introduction de la septième hétérogène, il s'agit de bien se rendre compte d'une chose: on peut discuter, comme on l'a fait ce soir, de la lettre et de l'esprit de nos lois... Certains considéraient que l'esprit devait prévaloir sur la lettre. Il est clair qu'ici l'esprit des Genevois serait violé, qu'un déni de démocratie est au fond commis, dans la mesure où le peuple s'est très clairement exprimé il y a quelques années sur le fait qu'il ne voulait pas de la septième hétérogène. Voilà de l'obstination démocratique !

Si la recevabilité sur la forme doit quand même être abordée, les considérations de mon collègue Follonier mériteront d'être rappelées, notamment sur l'unité de la matière. Il faut bien se rendre compte, d'autre part, que la lutte contre l'échec scolaire est un concept polymorphe - peut-être que les psychanalystes parleraient d'un concept polymorphe pervers.

D'autre part, en ce qui concerne la recevabilité sur le fond, le déni des droits populaires méritera d'être rappelé et les libéraux ne se feront pas faute de le remémorer.

Finalement, il s'agit de poser une appréciation politique. L'une de nos collègues, Verte, a dit que la question scolaire faisait fleurir les initiatives... Je crois que le chef du département s'est exprimé avec sagesse lorsqu'il a souhaité qu'une voie pondérée soit adoptée pour sortir l'école des difficultés et des querelles actuelles, pour le bien de tous les Genevois et de ses élèves.

Cette initiative, au fond, est une déclaration de guerre à la majorité de la population. Elle ne répond donc pas à la condition d'aplanir les querelles mais, au contraire, elle les aggrave; elle mine la sérénité que pourrait retrouver l'école. C'est la raison pour laquelle il conviendra de lui opposer, si la recevabilité était accordée, le non le plus résolu.

D'autre part, nous, députation libérale, aborderons cet objet en considérant aussi l'autre initiative qui a été déposée sur une complication des sections dans le cycle, avec le même esprit de raison et de recherche du juste milieu. Je dirai que cette initiative-là ne relève pas de cette philosophie de bombe lancée contre la volonté populaire. Néanmoins, comme toujours, nous chercherons un compromis pouvant bénéficier au plus grand nombre et à nos jeunes en particulier, puisque nous savons fort bien que cette question ne sera qu'un prélude à une discussion plus vaste qu'il conviendra de mener également sur la question qui suivra sur l'organisation du Collège et, notamment, sur la durée des études devant mener à la maturité.

Donc, il conviendra d'avoir ces différents points en tête lorsque nous nous prononcerons. Cette initiative, manifestement, rendrait difficile une «helvétisation» de notre système de formation.

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le groupe démocrate-chrétien, cette initiative ne pose a priori aucun problème de recevabilité. Pour nous, il est évident que cette initiative joue un peu le rôle de contrepoids à l'initiative 134, déposée précédemment.

Les objectifs de cette initiative sont louables. Nous pensons cependant que sa forme pose problème. Il est vrai qu'il devient nécessaire de réformer le cycle d'orientation, mais nous estimons que ni l'une ni l'autre de ces deux initiatives ne nous donnent les bonnes réponses.

Par conséquent, nous croyons qu'il sera indispensable d'élaborer un contreprojet à ces initiatives et nous sommes tout à fait prêts à y collaborer de façon constructive.

Ce qui nous semble essentiel pour les futures discussions concernant ces deux initiatives, c'est avant tout l'esprit dans lequel devraient se dérouler nos travaux. Nous espérons qu'ils se tiendront dans un climat plus serein et moins polititisé que lors du récent débat sur le retour des notes à l'école primaire.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je serai très bref, puisque François Thion a déjà donné largement la position du parti socialiste. J'aimerais juste ajouter deux à trois petites choses.

Premièrement, pour répondre à celles et ceux qui pensent que c'est l'initiative de trop sur le cycle d'orientation, il est vrai qu'aujourd'hui l'école a besoin de sérénité, elle a besoin d'un projet fédérateur.

C'est vrai aussi que le cycle d'orientation, dans sa forme actuelle, ne répond plus vraiment aux besoins des jeunes. Là, je pense qu'on peut tous être d'accord. Il faut redéfinir le cycle d'orientation. Nous avons, selon nos valeurs, des remèdes forts différents et c'est vrai que cette initiative ne reflète pas l'avis de votre majorité puisqu'elle demande plus de suivi pédagogique, un suivi plus personnalisé: plus de moyens, et des moyens adaptés. C'est ce que vous ne voulez pas faire par principe ! Certains ont dit qu'il ne fallait pas donner plus de moyens à l'école... Il faut en tout cas lui donner des moyens appropriés et l'on sait que, selon le corps enseignant, au cycle d'orientation en particulier, ces moyens appropriés ne sont pas toujours au rendez-vous.

Nous voulons aussi une école - et cette initiative va dans ce sens - qui oriente les jeunes et qui ne soit pas une école qui les sélectionne trop tôt. Je vous rappelle qu'on parle aujourd'hui de sélection à 11-12 ans... Alors que la plupart des jeunes ont une carrière professionnelle qui commence maintenant plutôt vers 22-23 ans. Et même pour les apprentis ! Je vous rappelle que l'âge moyen d'entrée en apprentissage est aujourd'hui de 17 ans et demi. Quand vous rajoutez trois à quatre ans d'apprentissage, plus éventuellement une «matu» professionnelle, vous voyez qu'il n'y a aucune raison de sélectionner trop tôt les enfants. Il faut leur laisser un maximum de chances et cette initiative va dans le bon sens !

Et puis, il y a le tronc commun pour l'ensemble des enfants de septième année. M. Weiss dit que nous revenons sur un vote négatif du peuple... Je vous rappelle que le peuple a dit non à l'hétérogénéité durant les trois années du cycle d'orientation. Nous pensons justement qu'une septième année hétérogène est une nouvelle chance pour adapter le système d'enseignement et redonner des chances à certains élèves, et l'on voit que les cycles hétérogènes ont du succès en la matière.

Nous estimons que reposer la question aujourd'hui au peuple n'est pas un abus de démocratie, mais tout simplement une évolution du débat. Si, par exemple, on n'avait pas reposé la question du vote des femmes, les femmes n'auraient aujourd'hui toujours pas le droit de vote, il ne faut pas l'oublier !

Donc, il s'agit d'une initiative utile au débat. J'espère, nous espérons, comme beaucoup de groupes, à première vue, revenir à un débat plus serein sur l'école. Nous avons connu un débat très agité sur l'école primaire, un débat peu constructif... Nous pensons que c'est mauvais pour l'école et que nous devons retrouver un aspect plus fédérateur.

Il faut mener le débat et c'est vrai qu'il y a aussi des attentes du gouvernement pour tenter de réunir les personnes autour d'une table et essayer de concevoir un cycle plus actualisé et un contreprojet rassembleur.

Toutefois, Mesdames et Messieurs les députés, attention ! Rassembleur ne veut pas dire populiste ! Et nous ne voulons pas, sous prétexte de rassembler beaucoup de monde, revenir à une école qui ne correspondrait plus aux besoins de la société, une école dépassée qui ne représente plus les priorités que nous devons fixer aujourd'hui pour les jeunes et pour notre société.

M. Eric Stauffer (MCG). Simplement, et en étant très bref, je veux dire que le MCG va soutenir cette initiative. Pour reprendre les propos de mon collègue Brunier, le titre de l'initiative à lui seul devrait normalement suffire pour être rassembleur: «S'organiser contre l'échec scolaire et garantir une formation pour tous les jeunes». Eh bien, c'est la mission que nous avons en ce début de troisième millénaire. Je pense qu'effectivement le cycle d'orientation ne répond plus aujourd'hui aux attentes des jeunes.

Par contre, quoique je ne le devrais pas, je peux juste m'étonner que certains partis, qui prônent l'école privée et demandaient même des abattements fiscaux pour les parents des jeunes inscrits en école privée, ne veulent pas soutenir l'école publique. Eh bien nous, nous soutiendrons l'école publique, parce que sa mission première est d'instruire les jeunes et de leur donner la meilleure formation possible pour qu'ils puissent réussir dans la vie.

Je conclurai en disant qu'il ne faut surtout pas oublier que Genève obtient un bonnet d'âne depuis des années en ce qui concerne les résultats des enquêtes PISA.

Madame la présidente, je rappellerai encore à certains partis que c'est eux qui avaient le département de l'instruction publique en main, il y a quelques années, et que cela a abouti à la situation qu'on connaît aujourd'hui. Nous espérons que notre excellent conseiller d'Etat Charles Beer fera tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer le niveau d'études à Genève.

M. Charles Beer, président du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite d'abord vous dire que, pour le Conseil d'Etat, la présence de deux initiatives sur le même projet ouvre la perspective d'un grand débat sur le fond, un grand débat clarificateur pour le cycle d'orientation et également, plus généralement, sur les finalités de notre école publique, même si l'on peut déplorer le fait qu'elles aient été lancées avant même la conclusion des réflexions de la commission qui avait été désignée pour cela.

En préambule, j'aimerais vous dire que cette chance, que je souligne, provient d'une simple observation de notre histoire. D'abord pour rappeler que le cycle d'orientation à Genève est une oeuvre qui a engagé profondément le progrès dans notre canton, prévue, conceptualisée et lancée par un conseiller d'Etat radical, avant d'être développée dans la pratique par un conseiller d'Etat socialiste. En effet, Alfred Borel a pensé le cycle d'orientation qu'André Chavanne a réalisé. Ma foi, force est de constater que ce cycle d'orientation, du début des années soixante jusqu'au début des années septante, a constitué une base de rassemblement permettant à Genève d'être fière de son école.

Plus tard, en 1971, André Chavanne proposait le lancement d'une réforme nouvelle pour le cycle d'orientation, la «réforme II». Cette «réforme II» devait accompagner la construction d'un nouveau cycle d'orientation, il s'agissait du cycle de Budé.

En 1971, le cycle de Budé ouvre; il fonctionne selon la «réforme II», il accueille des classes hétérogènes. En 1974, nouveau cycle d'orientation: le cycle des Coudriers. La «réforme II» s'impose à nouveau comme un élément de progrès dans la vision du chef de département André Chavanne. En 1975, ouverture du cycle d'orientation de Bois-Caran. Première décision: ce cycle sera hétérogène. Seconde décision: c'est le cycle traditionnel qui s'appliquera. Troisième et ultime décision: c'est quand même la «réforme II» qui est appliquée ! Les hésitations pointent le bout de leur nez pour trouver un ultime prolongement en 1976, lors de l'ouverture du cycle du Vuillonnex et avec la décision d'André Chavanne de ne plus étendre la «réforme II», donc les cycles hétérogènes.

Finalement, il faudra attendre le début des années 2000-2001 - ou plutôt 2000, sur le plan parlementaire, et 2001 pour la décision populaire - pour voir ressurgir ce débat sous la forme d'une proposition d'une septième hétérogène. La suite, vous la connaissez: le peuple rejette massivement la septième hétérogène, par deux tiers de votants contre un tiers.

Enfin, c'est un autre cycle d'orientation qui va être développé; ce n'est pas le cycle d'orientation plébiscité par la population en 2001, c'est une nouvelle réforme qui propose, à la place des sections, des regroupements qui développent des options, qui donc s'éloignent du schéma plébiscité par la population genevoise qui avait refusé la septième hétérogène.

Alors aujourd'hui, le cycle d'orientation fait l'objet dans son organisation d'un double rejet. Un rejet, d'une part, de celles et ceux qui restent attachés aux sections, voire qui ont eu tendance à vouloir exagérer le nombre de sections - j'allais dire les hypertrophier - par le biais de l'initiative 134. Un rejet, d'autre part, de celles et ceux qui pensaient que le cycle devait à tout prix devenir hétérogène.

Alors, je reviens sur un élément: l'ambiguïté. Notre histoire est chargée d'ambiguïté sur cette question de l'hétérogénéité et des sections, et le débat sur le plan politique n'a jamais eu d'issue définitive: André Chavanne s'est bien gardé de trancher définitivement; Martine Brunschwig Graf s'est bien gardée de trancher définitivement, en faisant une nouvelle proposition et en conservant les trois années de cycle d'orientation hétérogènes - septième, huitième et neuvième.

Nous avons donc avec deux initiatives, Mesdames et Messieurs les députés, la chance d'entrevoir des perspectives qui nous permettront de réunifier le cycle d'orientation dans notre canton.

Je ne m'exprimerai pas sur le fond de l'initiative, je me contente de m'exprimer sur la forme. Quand il y a deux initiatives et que le peuple, in fine, votera, nous aurons à l'arrivée le même cycle d'orientation partout, et je souhaite qu'il ait trouvé, grâce au débat parlementaire, une assise, une nouvelle légitimité, par un vaste rassemblement.

Comment est-ce possible ? Sur le fond, ça va être le travail de commission, je ne vais donc pas m'y engager. En revanche, si nous adhérons au principe de qualité du cycle d'orientation, au principe de la qualité de la formation, au principe de la démocratisation des études, il conviendra probablement de revenir sur une maxime simple, mais ô combien éclairante pour le développement de l'instruction publique: c'est l'école publique, laïque, obligatoire et gratuite dans notre canton. (Brouhaha.) Cela doit pouvoir, sur le fond, à partir du moment où on met le besoin des élèves en priorité, constituer la base des travaux en commission.

Sur le plan de la forme, et je terminerai ici, par rapport à l'initiative 138, le Conseil d'Etat a estimé qu'elle était recevable - sur la forme; il a estimé que l'initiative s'inscrivant dans la même loi, la loi sur l'instruction publique, il n'y avait pas de problème d'unité de matière.

Fidèles à la doctrine du Conseil d'Etat, nous pensons également que, lorsqu'il y a un doute, c'est toujours au peuple de trancher pour éviter qu'une conception en fin de compte politique n'empêche un débat politique particulièrement important. Au-delà de ces éléments, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat souhaite que le travail soit particulièrement rapide, que le débat nous permette de trancher rapidement, parce que ce dont l'école genevoise a besoin, c'est de retrouver une base consensuelle synonyme de confiance et, finalement, seul élément reconnu du point de vue de la qualité par les tests PISA qui font régulièrement référence dans vos débats et dans les débats du Conseil d'Etat.

Mesdames et Messieurs les députés, engageons-nous rapidement sur le fond ! Ne nous noyons pas dans des problèmes de forme ! Nous avons devant nous un travail important qui nous attend. Retrouvez un cycle d'orientation rassembleur ! Trouvez un nouveau cycle d'orientation qui nous permette de conjuguer l'école publique, laïque et républicaine aux couleurs du XXIe siècle. (Applaudissements.)

L'IN 138 est renvoyée à la commission législative.

Le rapport du Conseil d'Etat IN 138-A est renvoyé à la commission législative.

PL 9825-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle du Conseil d'Etat modifiant la Constitution de la République et canton de Genève (A 2 00)
PL 9826-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat d'aliénation découlant d'opérations de transferts d'actifs entre l'Etat de Genève et les Services industriels de Genève

Premier débat

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. Le débat relatif aux transferts d'actifs a déjà eu lieu deux fois, s'agissant des TPG d'une part et, d'autre part, de l'Aéroport international de Genève. Alors, reprendre le débat dans le contexte des Services industriels de Genève n'amènerait rien de nouveau, tout ayant quasiment déjà été dit.

Toutefois, entre les débats de l'automne dernier et celui de ce soir, il s'est produit un événement non négligeable, à savoir deux référendums lancés par l'extrême gauche genevoise, des référendums qui ont abouti. Par conséquent, je ne voudrais pas manquer l'occasion des débats sur les projets de lois 9825 et 9826 pour m'adresser aux Genevois et leur dire - à ceux qui nous regardent en tout cas - combien sont trompeurs, affligeants, indignes, mensongers et démagogique les arguments invoqués par les référendaires et par ceux qui les soutiennent ici pour justifier leur action !

Mesdames et Messieurs les députés, quand les Américains - ou plutôt le président et l'administration américaine - se sont mis en tête de faire la guerre à l'Irak, ils ont inventé le prétexte que les Irakiens disposaient d'armes de destruction massive. Eh bien, l'extrême gauche genevoise - ainsi que ceux qui ici la soutiennent - pour des raisons inavouées mais que nous connaissons tous, s'est, elle, mis en tête de déclarer la guerre au Conseil d'Etat et à ce Grand Conseil sous le prétexte du ou des transferts d'actifs. L'extrême gauche agit en l'occurrence exactement comme le gouvernement américain en Irak. Elle nous accuse - le Conseil d'Etat et ce parlement - d'avoir caché dans ces projets de loi des armes de destruction massive qui ont pour nom «privatisation larvée», qui ont pour nom «perte de contrôle des pouvoirs publics», du Grand Conseil en particulier, qui ont pour nom «bradage des biens de l'Etat», qui ont pour nom «augmentation inéluctable des tarifs» ou encore «mise en danger du service public» !

Ce sont là, Mesdames et Messieurs les députés, de pures inventions ! Fondées uniquement sur les ambitions bassement électoralistes de gens sans scrupules et prêts à tous les mensonges, toutes les manifestations et toutes les manipulations pour parvenir à leurs fins.

Or, comme les autres transferts d'actifs, celui concernant les Services industriels est bien dans l'intérêt général, l'intérêt de Genève et l'intérêt des Services industriels. Il n'y a rien de caché derrière cette opération qui, vraiment, n'a que deux objectifs: une meilleure gouvernance des Services industriels et une plus grande transparence de la comptabilité publique. (Quelques applaudissements.)

M. François Gillet (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, au nom du groupe démocrate-chrétien, mais également en tant que rapporteur de la commission de l'énergie et des services industriels qui a consacré plusieurs séances à cet objet, j'aimerais vous faire part de quelques considérations.

En raison de l'actualité liée aux deux référendums sur les précédents transferts d'actifs qui ont abouti, il faut rappeler une fois encore que cette opération n'est en rien une privatisation des SIG. Il n'y a rien non plus dans les dispositions qui vous sont soumises ce soir qui puisse favoriser une hypothétique future privatisation de cet établissement public autonome. Il ne s'agit pas du tout de cela. De quoi s'agit-il ? Il s'agit en fait de finaliser un processus d'autonomisation qui a débuté il y a plusieurs années et qui voit les Services industriels de Genève gérer l'exploitation de plusieurs installations sans en avoir la propriété, ce qui complique singulièrement leurs activités. Le transfert de la propriété des bâtiments aux SIG est l'un des objectifs de ce projet de loi. Il faut rappeler que les terrains - comme cela a été le cas pour les TPG et pour l'aéroport - restent propriétés de l'Etat; ce qui représente une forme de garantie sur l'engagement durable de l'Etat dans ces structures essentielles pour notre canton.

Quels avantages revêt ce transfert d'actifs ? M. Kunz l'a évoqué, il permet tout d'abord une clarification des rôles et des responsabilités entre l'Etat et les Services industriels de Genève, ce qui est important. Il permet également une meilleure efficience - nous en parlons beaucoup ces temps - ainsi que le renforcement d'une autonomie qui a fait ses preuves ces dernières années.

Il faut le dire aussi, même si ce n'est pas l'objectif essentiel, ce transfert d'actifs est de loin celui qui rapportera le plus à l'Etat de Genève en termes de rentrées et en termes d'allégement de la dette qui est, comme vous le savez, très lourde pour notre canton.

La question de la valeur de transfert s'est posée, dirons-nous, de façon très marginale dans nos débats. La valeur retenue est, comme pour les deux précédents projets de lois, la valeur comptable qui est, je vous le rappelle, la seule valeur crédible puisqu'elle repose sur la réalité actuelle de la comptabilité de ces structures et de l'Etat. Toute autre valeur n'aurait aucun sens puisqu'il ne s'agit pas de vendre les SIG à des privés, mais bien de transférer la propriété d'une entité publique à une autre entité publique. C'est pourquoi la valeur comptable est bien la seule valeur qui ait du sens. Sur ce point, la commission n'a pas vu le moindre problème.

En conclusion, il ne s'agit absolument pas d'une privatisation. La commission de l'énergie et des services industriels, qui a adopté à la quasi-unanimité les deux projets de lois concernés, l'a bien compris et il est regrettable que certains groupes politiques, qui ne sont plus représentés dans cette enceinte, feignent de ne pas le comprendre et cherchent, pour des raisons électoralistes, à tromper le citoyen genevois sur ces objets ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je ne vais évidemment pas répéter ce qu'a dit mon excellent collègue M. Kunz, nous avons déjà partagé pas mal de propos et le groupe MCG est tout à fait favorable à ce transfert d'actifs. Néanmoins, j'irai un tout petit peu plus loin que mon collègue parce qu'il faut appeler un chat un chat.

C'est vrai que certains partis - je veux parler de solidaritéS et de l'Alliance de Gauche - qui ne sont plus représentés dans cette enceinte suite à un choix démocratique, un choix de la population, essaient pour des raisons purement électoralistes de tromper la population en prétextant que c'est une privatisation, ce qui n'est absolument pas le cas. Pourquoi ? Je rappellerai à tous ceux qui nous écoutent que les actionnaires des SIG, ce sont l'Etat et les communes. Il n'y a donc aucun problème par rapport à une quelconque idée de privatisation.

D'autre part, je rappellerai que ce même Grand Conseil - c'est-à-dire l'émanation suprême du peuple - a décidé que chaque groupe parlementaire devait être représenté au conseil d'administration des Services industriels de Genève, ce qui est le cas. Donc, encore une fois, le parlement est complètement impliqué dans la gestion des Services industriels et de leurs choix stratégiques, ce qui est normal parce qu'il s'agit d'une entité publique et qu'il n'y a aucune raison que cette entité change de statut.

Donc, le groupe MCG, que j'ai l'honneur de représenter, soutiendra évidemment le transfert d'actifs pour une saine gestion et une bonne gouvernance.

Je terminerai juste en rappelant qu'il y a effectivement un projet de loi qui a été déposé par certains partis pour limiter le nombre d'administrateurs dans différents conseils d'administration. Effectivement, cela pourrait poser un problème. Mais comme nous sommes absolument convaincus que les initiateurs de ce projet de loi visant à diminuer le nombre d'administrateurs se retrouveront dans trois ans avec le plus petit parti dans cette même enceinte, cela ne nous pose pas de problème. Parce que ce sont eux qui sortiront des conseils d'administration !

M. Jacques Jeannerat (R). Mesdames et Messieurs les députés, comme l'excellent rapporteur l'a dit, pratiquement tout a été expliqué sur le principe des transferts d'actifs dans les débats que nous avons eus cet automne. Notre collègue M. Gillet et notre collègue M. Stauffer ont également répété quelques principes.

Donc, je ne vais pas être trop long, j'aimerais juste dire que s'il y a bien un des transferts qui ne doit pas être «loupé» concernant les TPG, l'AIG et les SIG, c'est surtout le dernier, à cause de ce que certains considèrent peut-être comme un tout petit détail. Si c'est un détail, je crois qu'il a un certain poids: les SIG devront faire face, dans quelques années, à des perspectives importantes, notamment celle de l'ouverture des marchés de l'électricité. Même si le peuple suisse en a refusé le principe il y a quelques années, la pression des marchés de l'électricité européens nous obligera un jour à entrer dans le jeu de l'ouverture des marchés de l'électricité. Alors, il s'agit pour les SIG de préparer cette échéance et, au fond, ce transfert d'actifs va permettre aux SIG d'avoir une meilleure prise en main de leur outil de travail, par une meilleure gestion de leurs comptes et par une meilleure prise en considération des coûts.

Finalement, ce transfert d'actifs va permettre aux SIG de s'assurer un avenir. Il est important de préparer cette ouverture des marchés de l'électricité; il est donc fondamental que nous disions oui à ce transfert d'actifs.

Mme Morgane Gauthier (Ve). Comme pour les deux transferts d'actifs précédents proposés à nos suffrages, les Verts voteront ce projet de loi.

Les raisons qui motivent ce vote sont les suivantes. Il y a une clarification nette des responsabilités du point de vue environnemental et du point de vue économique et financier, du fait que les coûts réels figureront intégralement au bilan des Services industriels de Genève. Cela permettra aux SIG d'agir et à l'Etat de contrôler sans qu'il ne prenne part aux deux phases d'exploitation, donc en laissant mener les activités industrielles à une entreprise compétente tout en gardant un pouvoir de contrôle. Pour le Grand Conseil, le parlement conserve ses prérogatives par le biais du contrôle des comptes et des budgets effectué par la commission de l'énergie.

De plus, la constitution et les lois relatives au fonctionnement des SIG sont maintenues tout comme la propriété de l'entreprise, qui reste en mains publiques. Un des seuls éléments qui change réellement, c'est le fait que certains projets de lois d'investissements ne passeront plus obligatoirement devant notre conseil. La transparence comptable apportée par ce projet de loi nous semble également devoir être soulignée. De nombreuses pages de couleur saumon du budget - les autofinancés - pourront enfin être supprimées, ce qui implique une perception de différentes taxes directement par l'entreprise elle-même, sans transit par les comptes de l'Etat.

Un autre élément qui nous semble important à relever ce soir, c'est la bonne santé financière des Services industriels de Genève. Nous relevons depuis quelques années le travail qui a été fait à l'interne, tant pour diminuer la dette de l'entreprise que pour rationaliser son exploitation.

Il est encore à mentionner les changements de gouvernance proposés par l'entreprise elle-même. Aujourd'hui, les enjeux énergétiques ne peuvent plus être ignorés, tout comme ceux liés à la problématique de l'assainissement de l'eau. Ce qui pourrait affaiblir cette entreprise, ce serait une ouverture anarchique du marché de l'énergie ou un affaiblissement de sa direction par des projets de lois trop simplistes, mais, en tous les cas, ce ne sera pas ce transfert d'actifs qui pourra en être la cause.

Ce soir, ne nous trompons pas de problème et, surtout, ne mélangeons pas les risques. C'est pourquoi les Verts voteront ce projet de loi et vous invitent par la même occasion à soutenir l'initiative sur le monopole des Services industriels. (Quelques applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Les socialistes, comme dans le cas des transferts d'actifs précédents, soutiennent le principe économique du transfert d'actifs aux entités concernées. Nous l'avons soutenu dans le cas de l'aéroport, nous l'avons soutenu pour les TPG, nous le soutiendrons évidemment aussi pour les SIG.

Par contre, il est très clair que, pour les socialistes, l'éventuelle hypothèse d'une privatisation future existe dans tous les cas, pour les SIG comme pour les TPG et l'aéroport. Toutefois, ce sont trois cas différents, avec des situations financières différentes et des marchés différents. Donc, pour ce projet-là, nous avons aussi étudié la question. Elle est légitime et nous avons obtenu, je pense, davantage de réponses dans le cadre de ce rapport - et je tiens à remercier M. Gillet pour la qualité de son travail - qui relate très bien les travaux de notre commission, de même que le rapport de M. Kunz, une fois n'est pas coutume ! (Commentaires.) C'est suspect ?

En l'occurrence, nous avons abordé la question d'une éventuelle privatisation, de front: nous avons posé la question et nous avons obtenu des réponses satisfaisantes parce que, comme l'a dit Mme Gauthier, nous avons des garanties constitutionnelles suffisantes, en tout cas à ce stade, pour ne pas imaginer une privatisation à court terme des SIG suite à ce transfert d'actif. D'ailleurs, les SIG sont un cas un petit peu différent aussi, parce que certains actifs sont déjà propriété des SIG. On peut penser à Verbois ou à d'autres objets et, en l'occurrence, ce n'est pas forcément le fait de rajouter les Cheneviers ou la station d'épuration qui va fondamentalement changer la donne en ce qui concerne les SIG. Donc, ce n'est pas ça qui va augmenter ou diminuer les chances de privatisation.

Une de nos craintes concerne évidemment l'usine des Cheneviers, outil qui n'est pas forcément optimal aujourd'hui. Donc, une de nos craintes serait que les SIG décident, suite à ce transfert d'actifs, de sous-traiter à un opérateur privé l'exploitation de l'usine. Cela n'est pas possible aujourd'hui, puisque la loi sur la gestion des déchets prévoit une exclusivité pour les SIG. C'est pour nous une garantie suffisante pour qu'il n'y ait pas de privatisation à court terme avec ce transfert d'actifs.

Une chose était pour nous intéressante, comme dans les cas précédents: il s'agissait de vérifier la pertinence économique de ces transferts d'actifs et, dans ce sens, c'est vrai que le transfert de ces objets aux SIG est intéressant d'un point de vue économique parce que cette entité pourra décider elle-même des investissements et des rénovations d'équipements devenant obsolètes - et ça, ça nous semble extrêmement important.

Paradoxalement, ce qu'on peut relever, c'est qu'en fait beaucoup d'entreprises privées ne sont pas propriétaires de leurs locaux et qu'elles doivent faire avec des propriétaires extérieurs, comme c'était un peu le cas des SIG avec l'Etat propriétaire, à la différence fondamentale qu'ici on a une sorte de double étage. Ce qui est un peu particulier, c'est que les SIG pouvaient proposer des investissements, mais c'était le Grand Conseil qui les avalisait et qui les décidait. Il est vrai que c'était un peu particulier... On a un conseil d'administration qui prend des décisions, puis le Grand Conseil qui les avalise. Donc, ce double étage n'est pas très sain, on a pu le vérifier à l'occasion, et il nous semble opportun de faire ce transfert d'actifs.

Maintenant, il est vrai que le contrôle du Grand Conseil sur les SIG pose une vraie question. Parce qu'aujourd'hui nous avons un conseil d'administration avec des représentants des partis politiques, et il y a un projet libéral qui vise à diminuer les représentants au sein des conseils d'administration. Cela nous semble relativement inquiétant parce que le Grand Conseil n'aura plus un contrôle direct sur ce bien de la collectivité ! Ça, c'est une vraie question, c'est le petit «a». Le petit «b», c'est le fait que nous avons actuellement des délais extrêmement courts, tant pour adopter le budget des SIG que pour prendre acte des comptes auxquels, de toute façon, nous ne pouvons pas changer grand-chose. Adopter le budget des SIG qui tourne aux alentours d'un milliard de francs en quelques séances de commission, ce n'est pas un véritable contrôle du Grand Conseil. Et permettez-moi de dire que ça mérite des réformes ! M. Cramer a d'ailleurs aussi relevé que ce travail méritait peut-être une autre approche, mais je pense qu'on arrive à le faire de façon satisfaisante. Cela demande des adaptations et on y arrivera. Pour le reste, je ne pense pas qu'il y ait grand-chose à ajouter.

Comme on a parlé de l'école et des notes, j'espère que tout le monde a vu qu'à la page 15 du rapport de M. Gillet - et j'ai beaucoup apprécié - était écrit: la «pose» estivale ! C'était très sympathique, vous relirez ! Et, Monsieur Kunz, à la page 5 de votre rapport vous parlez des «fiancés», mais vous avez oublié l'accent aigu ! (L'orateur est interpellé.) En orthographe, ce sera donc une note de 1 sur 6, mais vos rapports étaient quand même excellents ! (Applaudissements.)

M. Renaud Gautier (L). On peut évidemment gloser ad nauseam sur le fait de savoir si, très éventuellement, ceci amènera cela ou pas dans le futur. Ce que je vous propose ce soir, c'est de vous pencher sur le rapport qui vous est fourni et non pas sur des hypothèses futuristes qui, en effet, sont discutables.

Ce rapport sur ces deux projets de lois a un mérite. D'abord, une fois n'est pas coutume, je salue ici la marche en avant - quoique timide - du Conseil d'Etat en vue de désenchevêtrer les rapports qui peuvent exister entre différentes entités publiques. Je crois que ce geste était bienvenu et qu'il est arrivé au bon moment. Deuxièmement, on l'a dit ici plus d'une fois, si la gouvernance occupe notre gouvernement au moment du budget ou lorsque l'on finance quelque stade de football, c'est effectivement un sujet d'importance et les propositions qui sont faites en termes de gouvernance dans ces projets de lois ne peuvent qu'être salués.

Nous ne discuterons pas ici de la valeur économique, parce qu'il y a 100 députés et vraisemblablement 98 ou 99 moyens différents de calculer la valeur financière de ce transfert. Le moyen qui a été choisi - la valeur comptable - n'est probablement pas économiquement le plus intéressant, mais en tout cas il se défend.

Mesdames et Messieurs, objectivement, s'opposer aujourd'hui à ces projets, c'est, de fait, «plomber» la fin de la législature dans la mesure où le Conseil d'Etat pourrait redevenir «frileux» sur des projets de lois si, par hasard, l'un ou l'autre d'entre nous ou la majorité de ce Grand Conseil décidaient de ne pas soutenir ces projets de lois qui, une fois de plus, sont absolument nécessaires même s'ils sont modestes dans leur finalité.

Il faut donc soutenir ces projets comme vous avez soutenu les autres. Il ne faut donc pas aujourd'hui se lancer dans un débat comme pour d'autres projets qui font l'objet de référendums. Il faut au contraire favoriser toute démarche que peut faire le Conseil d'Etat pour un désenchevêtrement et une meilleure gouvernance, pour un impact économique favorable pour notre canton, à terme. Nous rediscuterons dans trois, quatre ou cinq législatures s'il existe objectivement un risque de privatisation. Ce risque serait effectivement inacceptable pour ce Grand Conseil.

Comme tant d'autres, je vous suggère d'accepter, avec l'enthousiasme qui vous caractérise en ce début d'année, ces projets de lois qui sont dans la droite ligne de ceux que nous avons déjà adoptés.

M. Yves Nidegger (UDC). L'UDC, bien évidemment, ne partage pas l'agitation des gauchistes qui jouent à se faire peur avec le spectre de la privatisation là où il n'y en a pas, mais ne partage pas non plus l'enthousiasme de ceux qui voient, dans ces toilettages des bilans respectifs de l'Etat et de certaines régies autonomes, un début de panacée ou de solution aux graves problèmes financiers du canton. C'est certainement une très bonne idée que de désenchevêtrer les bilans, mais il ne s'agit finalement que de toilettage et d'ordre. Il n'y a là que peu de mesures véritablement aptes à nous donner de l'espoir pour sortir du tunnel en matière financière.

Ensuite, j'ai un regret, celui qu'on ait, s'agissant des deux premiers transferts d'actifs, déjà inclus dans le budget 2007 en tant que recettes ce que l'Etat doit recevoir pour ces transferts alors même qu'une loi du Grand Conseil n'est rien tant et aussi longtemps qu'elle n'est pas entrée en vigueur, c'est à dire que le délai référendaire n'est pas écoulé. On n'a aujourd'hui, effectivement, pas de recettes, parce qu'il y a des référendums, auxquels il fallait s'attendre, et je souhaiterais qu'on reste très prudent s'agissant de ce transfert d'actifs que l'UDC soutiendra parce que c'est une bonne mesure. Il ne s'agit pas là d'une recette, loin s'en faut, et ce n'est pas de nature à nous donner déjà de l'espoir quant à un rééquilibrage ou un sauvetage de nos finances publiques.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deneys, vous souhaitiez reprendre la parole ?

M. Roger Deneys (S). C'est M. Gautier qui me fait penser à ce qui est peut-être une petite frustration pour la commission de l'énergie. Vous verrez que, concernant le projet de loi 9826, en commission de l'énergie, un membre libéral s'est abstenu, notamment parce qu'il pensait qu'il serait opportun que la commission des finances étudie la question du prix de la transaction.

En fait, c'est une bonne question, mais la commission des finances ne l'a, semble-t-il, pas abordée. Alors, moi je veux bien qu'on dise qu'on fait comme pour les autres transferts, en prenant la valeur avec les amortissements aujourd'hui, ça tient la route, mais il aurait peut-être été opportun de consacrer un petit moment d'une séance pour étudier d'autres hypothèses et revenir au fait que c'était la meilleure des solutions qui a été choisie.

En l'occurrence, on n'a pas répondu à cette question et c'était donc une petite frustration par rapport au travail de la commission des finances.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur. J'aimerais simplement faire remarquer à M. Deneys que le prix de la transaction est finalement une histoire sans importance. C'est une histoire purement comptable et qui ne pourrait prendre un certain intérêt que si les SIG devaient être vendus. Mais comme il n'est pas question de les vendre, c'est une question totalement sans intérêt.

Donc, soyez tranquille, le jour où il s'agira - ou s'agirait - de réaliser les SIG, eh bien, ce jour-là, les actifs seront évalués à leur vraie valeur, y compris ceux qui viennent d'être transférés ! Et ce jour-là, qui empochera l'argent ? Nous autres, les citoyens, respectivement l'Etat.

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Pour vous montrer la parfaite collégialité du Conseil d'Etat en matière de transferts d'actifs, une fois n'est pas coutume, j'aurai le privilège de vous fixer la position du Conseil d'Etat qui sera le miroir de la parfaite collégialité de ce parlement, si j'en crois les diverses interventions qui viennent d'être faites.

Le projet qui est vous est présenté ce soir est le troisième pan d'un triptyque qui a déjà fait l'objet de débats très vastes au sein de votre Conseil, à propos des transferts d'actifs. Il est bon de le rappeler, puisque le peuple genevois aura l'occasion de se prononcer au mois de juin sur ce projet. Ces transferts d'actifs ont pour but de rendre plus transparentes les relations entre l'Etat et un certain nombre de régies et d'améliorer les règles de gouvernance qui président à la gestion de ces établissements. Dans le cas des Services industriels de Genève, nous avons une histoire des règles de gouvernance qui est évidemment différente puisque le peuple genevois a eu l'occasion, à deux reprises déjà, de se prononcer sur des dispositions constitutionnelles.

C'est ce qui fait sans doute la différence avec les deux projets précédents et c'est ce qui explique que ce projet de loi - contrairement à ceux qui concernaient les TPG et l'aéroport - sera soumis à un référendum obligatoire. Il améliore les règles de gouvernance dans une activité, dans une politique - celle de l'eau, celle de l'énergie, celle des déchets - qui est aussi essentielle au bon fonctionnement de notre république que l'est la politique des transports avec les TPG ou avec l'Aéroport international de Genève.

A celles et ceux qui, hors de cette assemblée, évoquent toujours le spectre des privatisations rampantes, je répéterai au nom du Conseil d'Etat ce qui a été dit pour tous ces débats en ce qui concerne les transferts d'actifs, à savoir que là n'est nullement notre intention. Si telle elle était, cela supposerait de toute façon un certain nombre de votes populaires.

Enfin, nous considérons qu'il s'agit là de tâches qui sont essentielles à l'exercice de politiques publiques. Il importe donc que nous puissions assurer, dans le cadre d'une gestion modernisée, dans le cadre de règles de gouvernance qui soient claires, la gestion de ces politiques publiques avec des établissements - ici les Services industriels de Genève - qui soient capables de remplir leur mission.

C'est pour cela qu'au nom du Conseil d'Etat, collégial, unanime et uni sur cette affaire comme sur les autres, je vous invite à soutenir avec ardeur ce projet de loi pour démontrer la parfaite cohérence de cette politique et permettre au peuple genevois de se prononcer sur ces sujets le même jour. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 9825 est adopté en premier débat par 79 oui et 2 abstentions.

La loi 9825 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9825 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui et 3 abstentions.

Loi 9825

Mis aux voix, le projet de loi 9826 est adopté en premier débat par 74 oui et 3 abstentions.

La loi 9826 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9826 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui et 3 abstentions.

Loi 9826

La présidente. Nous passons à la deuxième urgence de ce soir, le point 88.

R 516
Proposition de résolution de Mmes et MM. Jean Rossiaud, Sylvia Leuenberger, Antonio Hodgers, Emilie Flamand, Ariane Wisard-Blum, Pierre Losio, Michèle Künzler, Hugo Zbinden, Catherine Baud, Damien Sidler, Brigitte Schneider-Bidaux, Christian Bavarel, Esther Alder, Alain Etienne, Carole-Anne Kast, Elisabeth Chatelain, François Thion, Anne Emery-Torracinta, Gabrielle Falquet, Mariane Grobet-Wellner, Véronique Pürro, Laurence Fehlmann Rielle, Roger Deneys, Françoise Schenk-Gottret, Christian Brunier, Alain Charbonnier, Virginie Keller Lopez, Henry Rappaz, Sébastien Brunny, Claude Jeanneret, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Claude Marcet, Eric Leyvraz, Luc Barthassat, François Gillet, Guy Mettan Respect des Conventions de Genève et du droit d'asile dans la ville d'Ashraf

Débat

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Que veut cette résolution ? Cette résolution demande de faire connaître au Conseil fédéral notre inquiétude sur le sort des réfugiés d'Achraf, afin qu'il s'assure auprès du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés que leurs droits de réfugiés sont pleinement respectés.

Certains demanderont pourquoi nous sommes concernés. Parce que des sympathisants réclament depuis le mois d'août, sur notre territoire, la confirmation du statut de réfugiés de 3500 membres de leur mouvement vivant à Achraf en Irak ! Et en cas d'extradition vers l'Iran, on pourrait craindre le pire pour les droits de l'homme. De plus, une pétition signée par des milliers de personnes soutenant ces réfugiés a été déposée à Genève. Enfin, nous sommes concernés parce que la conférence des Nations Unie qui a adopté la Convention relative au statut des réfugiés s'est tenue à Genève en 1951.

Pour toutes ces raisons, il est tout à fait normal que nous nous inquiétions du sort de 3500 personnes réfugiées en Irak qui n'ont pas tout à fait les droits des réfugiés, pour nous assurer que les autorités fédérales veillent à l'application de cette convention que nous avons signée.

Pour nous, il s'agit vraiment d'un soutien et d'une déclaration d'intention. On sait qu'il suffit souvent que plusieurs personnes parlent pour que les grandes causes avancent. Je vous remercie d'avance de renvoyer cette résolution au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Il y a souvent débat entre nous pour savoir si nous devons traiter ici de sujets de solidarité internationale. Je crois que, de part et d'autre, on a fait attention de ne pas multiplier ces projets juste pour se donner bonne conscience. Néanmoins, de temps en temps, il y a des projets qui sont importants et qui rassemblent les députés au-delà des clivages politiques habituels.

Comme l'a dit Sylvia Leuenberger, on doit être sensible à cette résolution, premièrement parce que Genève est détentrice des conventions de Genève et que nous devons veiller à leur application.

Deuxièmement, nous savons que dans notre région, il y a un grand nombre de personnes qui ont fui la dictature iranienne pour venir s'établir à Genève - je vous rappelle que Kazem Radjavi, l'un des leaders de l'opposition iranienne a été exécuté tout près de Genève. Donc, nous sommes aussi impliqués, parce que de nombreuses manifestations ont eu lieu devant les Nations Unies au cours de ces dernières semaines, pour essayer de défendre les droits des personnes qui ont trouvé asile à Achraf.

Je rappelle qu'Achraf est un endroit où bon nombre de démocrates iraniens qui ont dû fuir l'Iran, des gens qui luttent contre le pouvoir des mollahs, qui luttent pour un pouvoir démocratique et laïque, ont trouvé une terre d'asile sur le territoire irakien à Achraf. Ils vivent là-bas depuis un certain nombre d'années et, aujourd'hui, ils sont persécutés, vraisemblablement parce qu'il y a un accord entre l'Iran et le pouvoir irakien proche des milieux américains pour essayer d'éviter une implication de l'Iran dans ce conflit.

Donc, cette zone d'Achraf subit aujourd'hui toutes sortes de pressions: il y a eu des bombardements; il y a aujourd'hui un blocage au niveau des médicaments et des vivres, une augmentation sensible des prix de tous les biens de consommation utiles simplement pour vivre. Nous ne pouvons pas tolérer cela, et il y a une vraie menace d'expulsion de ces résistants à la dictature iranienne, une vraie menace d'expulsion vers le territoire iranien où ils seraient bien sûr arrêtés, torturés, condamnés, etc.

Nous devons donc réagir et cette résolution, qui est minimaliste, demande simplement l'application des droits élémentaires de la personne et des réfugiés. Nous invitons l'ensemble des partis politiques représentés au Grand Conseil à la voter dans la dignité et à soutenir ce qui nous rassemble peut-être tous. Quasiment tous les partis ont salué la dynamique lancée par l'abbé Pierre; aujourd'hui, il s'agit des mêmes valeurs ! La défense de l'être humain, des plus défavorisés - qui ne sont pas sur notre territoire, ils sont sur le territoire d'Achraf - et nous devons nous retrouver pour défendre la dignité humaine.

M. Pierre Weiss (L). Peu importe de savoir quelles sont les réelles orientations politiques des personnes concernées par cette résolution, de savoir en particulier s'il s'agit d'islamo-marxistes qui, opposés au régime des mollahs, allaient, avec l'appui de l'ancien dictateur irakien aujourd'hui pendu, frapper ceux auxquels ils s'opposaient avec les mêmes armes que ces derniers. Ce n'est pas ce qui est important. Ce qui est important, c'est effectivement ce qui a été rappelé: c'est l'application des conventions de Genève qui doivent de façon impartiale bénéficier à tous ceux qui pourraient être victimes de situations aussi graves que celle dont il est fait état ici.

Toutefois, la question n'est pas là ! La question, c'est de connaître d'abord, pratiquement, la situation actuelle des personnes dont il est fait état dans cette résolution. En particulier, il nous avait été dit qu'il y avait une date limite qui était celle du 31 décembre, au-delà de laquelle l'expulsion serait effectuée. Cette date est passée, il serait souhaitable de la part de ceux qui ont déposé ce projet de résolution de donner davantage d'informations.

Sans même s'inquiéter des orientations politiques, sans même s'inquiéter de la situation actuelle de ces réfugiés terroristes, la vraie question est de savoir si ce parlement cantonal, au motif que la Croix-Rouge se trouve à Genève, a à débattre davantage que d'autres parlements cantonaux de ce qui est de la compétence du gouvernement fédéral, respectivement du département fédéral des affaires étrangères. De ce point de vue, je crois savoir qu'un certain nombre de parlementaires fédéraux, l'un d'entre eux a d'ailleurs signé cette résolution, sont au courant de cette question et qu'il leur est évidemment tout à fait loisible d'agir dans l'enceinte du palais fédéral.

Je souhaiterais par conséquent que non seulement nous abordions avec réserve dans notre parlement cantonal les questions de ce type, mais que nous les abordions avec une réserve extrême, c'est-à-dire que nous n'entrions pas en matière, le cas échéant que nous nous abstenions, pour ne pas donner un faux message d'un appui qui serait illusoire.

M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes donc saisis d'une résolution de portée internationale et j'aborderai le sujet sur le plan de la compétence de ce parlement à traiter de cette résolution, voire de la rédiger ou, en tout cas, de la traiter à ce stade.

Lorsque ce parlement a décidé de renvoyer au Conseil d'Etat la résolution 491 concernant l'édification d'une barrière de sécurité en Cisjordanie, Mme la conseillère fédérale a dû faire profil bas en arrivant en Israël et les autorités israéliennes ont clairement indiqué à Mme la conseillère fédérale qu'il fallait remettre au pas le parlement genevois, puisqu'il agissait en dehors de ses compétences. En date du 23 février 2005, dans le cadre d'un déjeuner de travail, le Conseil d'Etat a d'ailleurs tancé les chefs de groupes sur le traitement des résolutions en rappelant les compétences du pouvoir exécutif d'une part et du pouvoir législatif d'autre part. (Brouhaha.) Lorsque ce point est arrivé à l'ordre du jour, j'ai donné copie de toute la correspondance qui a été échangée entre le Conseil d'Etat et le Bureau et chefs de groupe, notamment en annexant la note rédigée par la Chancellerie fédérale à l'intention du Chancelier M. Robert Hensler. Dans ce courrier du 21 février 2005, la Chancellerie fait toute une analyse juridique des compétences de ce parlement en matière de politique étrangère. Ceci n'a servi à rien parce que le Bureau, pour une raison que j'ignore, a décidé de maintenir à l'ordre du jour cet objet qui, force est de constater, n'aurait jamais dû y être inscrit.

Je vais donc juste vous lire deux citations de cette note du 21 février 2005 qui a été transmise au Bureau du Grand Conseil et aux chefs de groupes: «Relations extérieures. Article 128 de la constitution. Le Conseil d'Etat est chargé des relations extérieures dans les limites de la constitution fédérale. Dans tous les cas où le Grand Conseil est appelé à statuer sur les relations extérieures et les affaires fédérales, le préavis du Conseil d'Etat est nécessaire». Le commentaire de la Chancellerie est le suivant: «De manière tout à fait traditionnelle et à l'instar de ce qui se passe en droit fédéral, c'est en droit le pouvoir exécutif et non législatif qui est très généralement chargé des relations extérieures. Il apparaît en outre très clairement qu'avant d'adopter la résolution considérée - donc, on parle de la résolution sur la barrière en Cisjordanie - qui a trait de manière évidente aux relations extérieures du canton, le Grand Conseil aurait dû demander l'avis du Conseil d'Etat, ce qui n'a pas été fait.» Et il est ajouté: «Ce défaut ne constitue pas dès lors pas une simple informalité, mais bien un vice procédural rendant à lui seul la résolution 491 inconstitutionnelle.»

Nous sommes dans le même cas de figure aujourd'hui. Si nous devions voter cette résolution, nous nous assiérions sur le droit alors que nous devons montrer l'exemple à la population. Nous sommes l'exemple et non pas l'inverse ! Donc, nous négligerions aussi les compétences du Conseil d'Etat.

A la page 7 il est indiqué: «En l'espèce, la résolution 491 entend condamner les agissements d'un Etat étranger n'ayant aucune frontière commune avec la Suisse et encourager les efforts du canton en faveur de la paix au Proche-Orient. On se trouve donc indubitablement dans le cas de ce qu'il est convenu d'appeler «les grandes affaires étrangères» et il ne s'agit aucunement d'une question transfrontalière que les cantons pourraient traiter directement avec les autorités étrangères de niveau inférieur au sens de l'article 56 de la Constitution. Force est donc de constater que le Canton de Genève n'est pas habilité à intervenir dans ce domaine, ce qui signifie non seulement qu'il ne doit pas prendre contact lui-même avec les autorités israéliennes, mais également que le simple fait que l'un de ses organes politiques prenne publiquement et officiellement position sur ce type de questions constitue une violation de la répartition des compétences telle qu'elle résulte de la Constitution fédérale.»

Mesdames et Messieurs, sur la base de cette note de la Chancellerie, sur le fait que ce parlement n'a pas respecté la répartition des compétences entre le Conseil d'Etat et le parlement, qu'il n'a pas demandé le préavis du Conseil d'Etat, je vous invite à ne pas entrer en matière sur cette résolution.

M. Luc Barthassat (PDC). J'ai signé cette résolution, donc je la soutiens. Je vous rappelle quand même que cette population d'Achraf est composée d'à peu près 3500 personnes qui ont reçu un ultimatum d'expulsion. Si elles sont expulsées, c'est une mort certaine qui les attend. Je vous rappelle que 25 000 Genevois ont signé cette pétition de soutien. Je vous rappelle encore que, même si la manière de faire n'est pas toujours très positive par rapport à ce qui se fait d'habitude dans ce parlement, nous soutenons ces gens de manière humanitaire parce que nous sommes quand même dans le canton où se trouve le siège des Nations Unies, ce qui est quand même une chose importante, même quand on siège à Berne.

Je vous rappelle aussi qu'à l'époque, quand elle siégeait encore dans ces rangs, notre présidente de la Confédération, Mme Calmy-Rey, en charge du département fédéral des affaires étrangères, a soutenu ce genre de résolution, même si la manière de faire prêtait parfois un petit peu à confusion.

Je ne vais pas trop m'étendre et redire ce que les autres ont raconté, mais il est quand même un petit peu de notre devoir de soutenir des gens qui n'ont aucune réponse à leurs demandes, à leurs courriers, et qui n'ont aucun statut - ils n'ont même pas le statut de réfugiés. Le CICR, le HCR, la communauté internationale et Mme Calmy-Rey et ses services n'ont jamais daigné répondre à leurs demandes de statut de réfugiés.

Alors, la question qui se pose est de savoir à quoi sert le HCR dans cette région du monde ? La question est donc posée et nous attendons toujours une réponse nette, claire et précise, car la situation est urgente et nous nous devons, en tant que Genevois, en tant que siège des Nations Unies, de soutenir quand même ces gens-là, même si la manière ne plaît pas à tout le monde. (Applaudissements.)

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je voulais quand même répondre à M. Catelain parce que j'ai aussi le courrier qu'il mentionne. Je crois qu'on peut faire dire au texte un peu ce qu'on veut. Moi, je lis à la page 4: «Une résolution peut en revanche indiscutablement être une déclaration, une prise de position du Grand Conseil sans effets obligatoires.» Plus loin, on voit qu'il y a eu douze résolutions envoyées au Conseil d'Etat et transmises par ce dernier au Conseil fédéral, sans aucun préavis du Conseil d'Etat depuis 2001. Même la Ville de Genève l'a fait, elles ont été votées !

Et il faut encore savoir lire la résolution, Monsieur Catelain ! Que demande-t-elle ? Elle ne demande pas de s'ingérer dans l'histoire d'un pays étranger, elle demande de relayer une inquiétude auprès des autorités fédérales pour savoir si la convention signée à Genève est respectée. C'est tout ! (Brouhaha. Commentaires.)

Donc, c'est notre droit de résolution et ça veut dire que nous sommes soucieux de gens qui ont un statut précaire. Et si vous n'êtes capable que d'être procédurier et de faire parler votre raisonnement, il serait temps d'ouvrir votre coeur ! D'ailleurs, l'abbé Pierre, personnalité mondialement reconnue, a dit qu'on n'est jamais illégal lorsque l'on veut faire respecter les droits humanitaires. (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). Je pense que notre débat ne doit pas tourner au ridicule. Le débat de procédure n'a aucun sens et si d'aucuns évoquent des résolutions qui ont pu déplaire à certains Etats, il y aussi des points qui ont été excessivement positifs dans ce parlement.

Je vous rappelle que quasiment tous les partis avaient signé une résolution contre les violations des droits de l'homme en Birmanie, qu'une délégation interpartis composée de gens de droite et de gauche s'était rendue à Berne pour une rencontre avec la commission des affaires étrangères du Conseil des Etats, et que cette résolution a eu un certain poids dans la politique suisse. D'ailleurs, lorsqu'il y a eu une rencontre avec l'opposition birmane, une année après, ses représentants nous avaient dit leur reconnaissance. Le poids d'une résolution du parlement d'une ville internationale avait été très important pour cette opposition démocratique en Birmanie, une opposition qui regroupe des courants de droite et de gauche. La même chose après l'attentat terroriste du 11 septembre 2001 contre les deux tours à New York: une résolution a été votée - à l'unanimité, je crois - par ce parlement, et heureusement ce jour-là personne ne s'est posé la question de savoir si nous avions le droit ou pas de voter cette résolution. Il y a des moments où la défense de la liberté et la défense des droits de l'homme doivent sortir du débat de règlement ou de procédure pour ne pas tomber dans le ridicule.

Je le dis, ou le redis, aujourd'hui les droits de l'homme n'ont pas de couleur politique, n'ont pas d'idéologie. Il y a des gens, heureusement, qui ont des avis complètement différents en politique, qui ont des valeurs philosophiques différentes, mais qui défendent en commun les droits de l'homme. Et ici, je crois qu'il y a des gens de droite comme de gauche qui ont les mêmes valeurs en ce qui concerne la défense des droits de la liberté et des droits de l'homme.

J'ai été l'auteur de la résolution condamnant le mur en Israël; je suis aujourd'hui partisan de condamner le pays qui veut détruire Israël, c'est-à-dire l'Iran. Nous sommes en train de défendre les droits démocratiques de l'opposition iranienne, qu'elle soit de droite ou de gauche. L'important, c'est de défendre des valeurs démocratiques et des valeurs laïques, et c'est pour défendre la démocratie dans cette région du monde qui est très tourmentée qu'on vous demande de voter cette résolution dans la dignité et la sérénité.

La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau a décidé de clore la liste. Sont encore inscrits: MM. Weiss et Leyvraz, ainsi que le conseiller d'Etat M. Laurent Moutinot.

M. Pierre Weiss (L). C'est précisément parce qu'il s'agit de défendre aussi, et peut-être d'abord, ceux qui en Iran sont en faveur des valeurs laïques et démocratiques qu'il convient de faire preuve d'un peu d'esprit critique ! Qui, parmi vous, s'est informé auprès de représentants, en Iran ou ici, non pas du régime des mollahs mais des représentants des courants - par exemple, de gauche marxiste ou des courants des bazaris ? Je ne sais pas combien parmi vous l'ont fait, moi je l'ai fait à titre personnel. Ces deux courants, vraiment très différents, sont l'un et l'autre fortement opposés à un soutien qui serait manifesté par Genève à cette résolution. Parce que les gens qui sont visés par cette résolution, qui sont concernés par cette résolution, sont précisément des gens qui ne soutiennent pas les valeurs démocratiques, républicaines, laïques et démocratiques. Ce sont, je l'ai dit tout à l'heure, des islamo-marxistes terroristes ! (Exclamations.) C'est le premier point.

Le deuxième point: nous nous sommes couverts de ridicule, ou plus exactement certains se sont couverts de ridicule à d'autres occasions. Monsieur Brunier, vous vous en rappelez parfaitement ! Non seulement avec l'affaire du mur, mais plus encore avec l'affaire du tram à Jérusalem, en allant soutenir une résolution qui, dans les faits, a été complètement démolie dans son argumentation. Piteusement, certains ont eu le courage néanmoins de faire machine arrière, d'autres, pour des raisons que je laisse à leur conscience, n'en ont rien fait. Aujourd'hui, avec le même aveuglement dû à l'éloignement des terrains, certains ici s'apprêtent à refaire la même chose ! Raison pour laquelle je crois qu'il convient de faire preuve d'esprit critique, de discernement, de savoir quelles sont nos priorités et de ne pas agir en matière de politique étrangère comme certains aimeraient le faire, confondant les bons sentiments avec une réalité du terrain qui est un peu plus complexe que celle que certains bons esprits genevois croient connaître !

M. Eric Leyvraz (UDC). Je pense que mon collègue M. Catelain a tout à fait raison quand il dit que la politique étrangère est la prérogative de la Confédération. Je serai extrêmement bref: là, il ne s'agit pas d'un mur, il ne s'agit pas d'un tram, il s'agit de la vie de 3500 personnes ! Et c'est pour cela que j'ai signé cette pétition !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, M. le député Catelain a eu raison de rappeler que le parlement genevois n'a pas de compétences en politique étrangère. En revanche, le parlement genevois a évidemment des compétences en matière de politique interne et notamment celle de faire prévaloir, cas échéant, son point de vue auprès de la Confédération, à condition que cela ne soit pas une ingérence dans la sphère de compétence des affaires étrangères fédérales. Or, à lire avec attention la résolution qui vous est soumise, il n'est demandé aux autorités fédérales qu'une et une seule chose: vérifier que le droit international est respecté, et en particulier les dispositions protectrices des réfugiés, dont l'interdiction du refoulement.

En soi, c'est une résolution qui n'est pas comme certaines qu'on a connues, où il était demandé de publier dans «La Vanguardia», le «New York Times» et «Le Monde» un petit cri de protestation. On n'est pas dans cette situation-là, on est dans la situation où le Grand Conseil - s'il accepte cette résolution - entend que le Conseil d'Etat s'adresse aux autorités fédérales pour leur demander leur appréciation et de veiller à l'application du droit. Là aussi, avec une prudence évidente, les auteurs de la motion invitent le Conseil d'Etat «à relayer cette inquiétude auprès des autorités fédérales compétentes». Je ne pense pas que ce soit sortir de la sphère de compétence du Grand Conseil que de demander au Conseil d'Etat de se faire ce relais, ce d'autant moins que, ce relais, nous n'allons pas le faire par voie de presse, nous n'allons pas le faire avec fifre et tambour, mais évidemment d'une manière telle qu'elle évite que l'on puisse vous reprocher - ou nous reprocher - de sortir de nos domaines de compétence.

Nous allons donc, si vous acceptez cette résolution, la suivre dans tout ce qu'elle demande, de manière extrêmement nuancée. Effectivement, Monsieur Catelain, c'est vrai que nous n'aurions pas pu l'exécuter, nous n'aurions tout simplement pas eu le droit de l'exécuter, s'il s'était agi de condamner un Etat étranger, par exemple. Cela n'est ni de notre compétence, ni de la vôtre.

La situation des personnes qui se trouvent à Achraf est extrêmement préoccupante. Vous avez, Monsieur Weiss, exposé que quelques critiques pouvaient être faites à leur égard. Il ne m'appartient pas, pour les raisons rappelées par M. Catelain, de dire si vous avez tort ou raison. Toutefois, en toute hypothèse, quel que soit l'être humain, ses droits sont les mêmes, qu'il se trouve à Guantanamo, à Achraf ou à Goumoens-le-Jux. Nous avons tous les mêmes droits en tant qu'être humains.

M. Roger Deneys. Ou à Champ-Dollon !

M. Laurent Moutinot. Oui, Monsieur Deneys, à Champ-Dollon aussi ! Je saisis l'occasion de vous dire aussi, s'agissant des manifestations, que le Conseil d'Etat est fermement attaché au droit de manifester garanti par notre ordre juridique, mais qu'il y a un moment où une manifestation ne peut pas arriver à la situation d'accaparement exclusif d'un lieu public sans limitation de durée. J'ai eu l'occasion de le dire aux manifestants qui se réunissent devant le HCR; ils ont accepté à ce moment-là de se déplacer sur un terrain privé de l'Etat et de ne venir qu'à intervalles raisonnablement réguliers devant le HCR, ne serait-ce que parce que ce domaine public-là peut être utilisé - est utilisé dans la pratique par d'autres groupes, d'autres personnes, qui entendent aussi à cet endroit-là faire valoir des revendications - qu'ils ont le droit d'exposer à raison du droit à manifester.

Cela pour qu'on ne vienne pas me dire un jour que j'ai brimé ces manifestations ! Non ! Nous faisons en sorte que les espaces destinés à manifester, qui sont toujours les mêmes pour des raisons de visibilité évidente, ne soient pas accaparés sans limite de temps ou sur des durées trop longues par un et un seul groupe.

Il est possible que l'un ou l'autre d'entre vous en entende parler, je vous aurai à l'avance prévenu de notre doctrine qui me paraît parfaitement conforme, et au droit de manifester, qui n'est pas un droit d'appropriation du domaine public, et au droit de tout un chacun d'utiliser ledit domaine public. Voilà, Mesdames et Messieurs, sur ce sujet délicat, ce que le Conseil d'Etat peut vous dire.

Mise aux voix, la résolution 516 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 46 oui contre 31 non et 3 abstentions.

Résolution 516

PL 9899-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat octroyant à Centre Balexert SA une concession d'occupation du domaine public
Rapport de majorité de M. Christophe Aumeunier (Ve)
Rapport de minorité de M. Alain Etienne (S)

Premier débat

M. Christophe Aumeunier (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous invite à accepter le projet de loi octroyant une concession d'occupation du domaine public en faveur de Balexert SA. (Brouhaha.)

Ce soir, en définitive, il s'agit de cadrer notre débat pour traiter des conditions dans lesquelles notre Grand Conseil peut avaliser une concession d'une durée de cinquante ans, une concession visant à réaliser une voie couverte le long de la façade de Balexert qui longe la route de Meyrin. Il s'agit de la façade opposée à l'entrée de Balexert, le dos de Balexert, si vous me prêtez cette expression, celle que l'on voit depuis la route de Meyrin, celle qui nous laisse la vue sur les parkings de Balexert. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Ce qui est projeté, c'est la construction d'une passerelle publique, ouverte 7 j/7 et 27 h/24 permettant de traverser la route de Meyrin et d'accéder au tramway Cornavin-Meyrin-CERN - le TCMC - ainsi qu'au quartier. Il s'agit d'une passerelle qui sera entièrement financée par Balexert. En outre, il s'agit aussi de permettre la création d'une galette commerciale vitrée de deux étages, située au-dessus de la route de Meyrin.

L'octroi de cette concession répond à un intérêt public manifeste. En effet, la passerelle présente des avantages indéniables. Il s'agit d'une passerelle publique qui sera à la charge de Balexert; elle sera ouverte 7 j/7 et 24 h/24 et créera une mobilité de quartier, elle permettra d'éviter cet enclavement du quartier du Creuset et permettra aussi une forme de transversalité. Ce sera également un avantage immense pour le TCMC, qui ne se retrouvera pas au milieu de nulle part - parce qu'il me semble, et cela n'engage que moi, que les quais projetés pour le TCMC sont incroyablement étroits à cet endroit... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) Merci, Madame la présidente ! Et il me semble que le TCMC aura beaucoup de mal à assurer la circulation de ses passagers. Alors, ce qui est prévu, c'est une passerelle au centre de la route de Meyrin, qui permettra aux passagers de circuler en toute sécurité et de les désenclaver, de permettre qu'ils puissent circuler et utiliser le TCMC, parce que c'est bien de cela qu'il s'agit.

Il s'agit également de réaliser des surfaces commerciales. On doit encourager les surfaces commerciales, on doit encourager le commerce, on doit encourager l'économie à Genève. De ce point de vue-là, ce projet apporte une dynamique économique indéniable qui aboutira très certainement à créer 150 emplois. Alors, s'il est un intérêt public qui est manifeste aujourd'hui, alors que Genève est toujours le canton suisse qui compte le taux de chômage le plus élevé, c'est bien la création d'emplois. Et, de ce point de vue, il y a un intérêt public manifeste à favoriser la création de ces 150 emplois.

En outre, la création de la galette permet, par un effet induit, d'assainir les immeubles situés le long de la route de Meyrin, du côté du quartier du Creuset. Deux immeubles sont soumis à des nuisances sonores au-delà des limites acceptables. Et la voie couverte permettra d'assainir les façades de ces immeubles.

Les garanties contenues dans la convention jointe au projet de loi sont des garanties extrêmement larges qui permettent en définitive d'être tout à fait favorable à ce projet de loi. Ce sont des garanties qui prévoient que Balexert finance l'intégralité du projet. Les garanties prévoient aussi que Balexert s'engage à remettre en état le site, cas échéant, lorsque la concession s'éteindra. La convention prévoit aussi que Balexert entretiendra l'ensemble du site, y compris celui ouvert au public et cela en tout temps. La concession prévoit en outre une redevance de 140 000 F par année.

Au bénéfice de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi.

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la construction du tram Cornavin-Meyrin-CERN, TCMC, est effectivement une réelle opportunité pour Genève, car ce chantier va permettre une requalification de la route de Meyrin. Comme le plan directeur cantonal l'indique, lorsque l'on construit un tram, un équipement public de transports, cela permet d'aménager et d'améliorer les équipements urbains qui lui sont liés. C'est donc une occasion pour Genève de requalifier cette avenue, d'y aménager des pistes cyclables, d'en agrandir les trottoirs, d'améliorer la desserte des piétons et de planter des arbres le long.

Comme on l'a vu pour le tramway sur la route des Acacias, on sent que la ville se transforme et qu'il y a une amélioration du cadre de vie. Pour Genève, la réalisation du tram est donc un bon projet.

Par contre, le projet d'extension du Centre commercial de Balexert sur le domaine public vient compromettre cet objectif principal. Ce projet implique un obstacle visuel avec une façade de quand même 130 mètres de long, il faut bien se le dire, et le rapporteur de majorité ne l'a pas indiqué. Un obstacle de 130 mètres de long sur toute la largeur de la route et de 14 mètres de haut environ, donc c'est véritablement... (Remarques. La présidente agite la cloche.) Mais oui, c'est effectivement ça ! Et il ne faut pas tromper la population quand on parle de projets de constructions ! Parce qu'avec les images graphiques qu'on nous a présentées, le projet semble très beau, mais c'est véritablement d'un tunnel et d'un bâtiment de 14 mètres de haut qu'il s'agit ici. Cela correspond à cinq niveaux de constructions ! Ce ne sont pas que deux étages, ce sont quatre étages sur rez !

Alors oui, nous sommes d'accord. Puisqu'un tram passera sur la route de Meyrin, il est normal de prévoir une passerelle pour faciliter l'accès au centre commercial, car Balexert profitera de l'arrivée du tram. Il est normal de prévoir une passerelle, parce que les quais seront un peu étroits, mais il faut aussi que le Centre Balexert SA fasse un effort. Donc, la minorité n'est pas opposée à cette passerelle.

Par contre, il n'est pas acceptable d'offrir aussi facilement de nouvelles surfaces commerciales sur le domaine public, car Genève n'a pas pour vocation de couvrir ses routes avec des bâtiments. On l'a vu, il y a eu quelques projets exceptionnels de ce type... Il y a eu Palexpo, mais Palexpo se trouve dans un contexte particulier, dans un système autoroutier où il n'y a pas de piétons ni de bicyclettes ! Imaginez-vous circuler à vélo dans un tunnel de 130 mètres de long ? Je ne sais pas si vous l'avez imaginé... Il y a aussi eu le CCC, Centre Commercial de Carouge, et c'est là encore un cas particulier, puisque ce bâtiment n'est pas sur le domaine public mais sur un terrain privé. C'est le privé qui a autorisé le passage des véhicules sous ce bâtiment.

Cet ouvrage du centre commercial Balexert serait un obstacle visuel. Vous pouvez, certes, vous moquer des perspectives ouvrant sur le grand paysage de Genève, mais les rues qui sortent de Genève et les perspectives sur les montagnes environnantes caractérisent et sont une des qualités de notre ville... Alors, ne venez pas vous moquer des associations de protection du patrimoine et du paysage qui nous parlent des qualités du cadre de vie dans notre ville !

Cette extension fait aussi peser des craintes sur l'emploi. Très rapidement, je rappelle que vous nous avez dit qu'il fallait encourager l'économie et autoriser les surfaces commerciales, que 150 emplois et la dynamique économique de Genève étaient en jeu; pour nous, ce projet amènera plutôt une déstabilisation des surfaces commerciales de quartier. On sait que, lorsqu'on crée un emploi dans un grand centre commercial, on perd des emplois ailleurs, ce qui est extrêmement grave. Nous avons demandé en commission qu'il y ait une vérification économique. Cette dernière ne s'est pas faite, alors j'aimerais qu'au niveau des départements une vérification ait lieu. Ce n'est pas parce que le dossier est traité au département des constructions et des technologies de l'information qu'il ne faut pas qu'il y ait une vérification au département de l'emploi et de la solidarité ! Parce que, pour ces emplois qui vont être créés à Balexert, combien de pertes d'emploi au centre-ville et dans tous les centres commerciaux de quartier ? On sait très bien que le centre commercial des Avanchets va fermer, alors que ce centre commercial est un lieu de vie très important. Lorsqu'on a créé cette cité, on y a justement prévu un centre commercial pour que les gens s'y rencontrent... Et que vont devenir les commerces du Bouchet, de Châtelaine, de Meyrin, du Lignon, et ceux situés le long de la rue de la Servette ?! Parce que ce sera tellement plus facile de prendre le tram et d'aller un peu plus loin... Et que vont dire les commerçants de la Servette ?

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur.

M. Alain Etienne. Je conclus et reprendrai la parole un peu plus tard. Alors nous, ce que nous demandons, c'est une vérification économique des aspects du projet liés à l'emploi. Puisque j'arrive au terme de mon temps de parole, je reprendrai la parole un peu plus tard.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau du Grand Conseil clôt la liste. Sont encore inscrits: Mmes et MM. Thierry Cerutti, Jean-Michel Gros, Jacques Jeannerat, Alain Charbonnier, Michèle Künzler, Olivier Wasmer, Gabrielle Falquet, Sandra Borgeaud, Christian Brunier, Mario Cavaleri, Michel Ducret, Fabienne Gauthier, Alain Etienne et Eric Stauffer.

M. Thierry Cerutti (MCG). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra ce projet de loi qui associe en effet plusieurs facteurs positifs: l'intégration d'un centre commercial au réseau des Transports publics genevois, en complète harmonie avec les lieux. Le projet intègre également toutes les conditions d'un développement durable du point de vue énergétique. Il tient aussi compte de manière globale des différents impacts sur l'environnement.

De surcroît, tout développement commercial ou industriel est créateur d'emplois et contribue ainsi à la prospérité de notre république. C'est pourquoi le groupe MCG vous invite à accepter ce projet de loi. Merci !

M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, Balexert est un centre commercial important à Genève et son développement contribue à assurer des avantages concurrentiels à notre canton, surtout par rapport à la France voisine. Et si jamais, Monsieur Etienne, vous maintenez cet argument d'éventuelles pertes d'emplois, je vous signale que le tramway de Meyrin est projeté en définitive jusqu'à Saint-Genis. Je peux vous assurer que si le centre commercial de Balexert n'est pas attractif par le tram, eh bien, Saint-Genis le sera, avec ses Intermarché, ses Champion et ses Leclerc. Et c'est cela qu'il faut voir également dans ce projet.

Le projet de loi contribue au développement de ce centre, et de manière particulièrement intelligente, chers collègues ! Premièrement, il se fait aux frais exclusifs du centre commercial. Deuxièmement, il est adapté au tracé du tram de Meyrin et permettra d'assurer la sécurité des piétons qui viendront avec ce moyen de transport. Ensuite, il réduit les nuisances sonores des habitations voisines, tous les spécialistes sont convenus de cela en commission. Le projet de Balexert va donc dans le sens de favoriser ce que les techniciens appellent «le transfert modal».

Alors, on peut ressentir une certaine stupéfaction en lisant le rapport de M. Etienne qui aurait dû applaudir un tel projet, puisqu'il va dans le sens des idées qu'il défend généralement. Mais la minorité évoque des arguments pour le moins bizarres pour s'y opposer. Par exemple, je vais juste citer la fin du rapport de M. Etienne: «La route de Meyrin a un grand potentiel d'amélioration et possède une dimension historique indéniable.» Je ne veux pas revenir sur le débat des voies historiques que nous avons eu tout à l'heure, mais on voit bien où cette notion de voies historiques peut mener. Le paysage y est splendide, Mesdames et Messieurs les députés ! Il faut croire que M. Etienne n'habite pas cette région ou qu'il n'emprunte jamais la route de Meyrin. Mais parler de paysage splendide au sujet de la route de Meyrin... Il faut quand même s'accrocher ! Et M. Etienne ajoute que seuls les clients d'un éventuel restaurant pourront admirer la vue sur le Jura pour le prix d'un café... Eh bien, oui ! J'admets tout à fait que, pour le prix d'un café, les gens puissent avoir le privilège d'admirer le Jura. Parce qu'au volant de sa voiture il est difficile de l'admirer. (Commentaires.)

J'ai gardé pour la bonne bouche la toute fin de ce rapport qui s'achève sur un prêchi-prêcha. Je cite: «C'est toujours plus grand, toujours plus de choses à acheter, à consommer et au bout du compte toujours plus de déchets.» C'est à pleurer, Monsieur Etienne ! (Rires.) On se croirait revenu trente-neuf ans en arrière ! Eh bien, le groupe libéral préfère regarder vers l'avant et encourager le dynamisme d'un centre commercial dont personne ne peut nier l'impact positif pour l'ensemble de la vie économique de ce canton. (Applaudissements.)

M. Jacques Jeannerat (R). Merci, Madame la présidente ! Je suis vraiment très étonné par le rapport de minorité de M. Etienne. Pour une fois qu'on prévoit d'utiliser une route pour faire passer autre chose que des voitures, on s'y oppose. Pour un parti qui tire à boulets rouges sur les voitures à chaque débat sur le sujet, c'est drôle ! C'est vraiment étonnant ! Et puis alors, l'argument de M. Etienne, de dire que ça va être un projet très coûteux... Mais on s'en fiche complètement, puisque c'est Balexert qui va le payer ! Ça va être tout bon pour l'économie et la construction ! Je ne comprends pas cet argument ! Ça ne tient pas la route, si je puis me permettre le jeu de mot. Idem pour les normes de sécurité !

Une voix. Elles sont importantes !

M. Jacques Jeannerat. Oui, elles sont importantes pour une construction au-dessus d'une route ! Eh bien, le rôle de l'Etat, c'est de les imposer à Balexert et de vérifier que ces normes de sécurité soient respectées ! Voilà le rôle du département dirigé par M. Muller ! Quant à la théorie sur l'emploi de M. Etienne, c'est extraordinaire... Incroyable ! De la part du PS qui, à chaque virage, veut défendre l'emploi ?! Et voici qu'avec une théorie comme celle que M. Etienne tiendra tout à l'heure en reprenant la parole... Eh bien, comme l'a dit M. Gros, on va favoriser l'emploi où ?! A Saint-Julien ou à Saint-Genis ! C'est complètement délirant !

Quant à la notion de patrimoine historique, là c'est le «sommet du blues» ! Vous imaginez «le patrimoine» de la route de Meyrin ? Moi je suis étonné que le PS ne fasse pas un amendement général pour transformer le Centre commercial de Balexert en un Musée en l'honneur du dieu Macadam !

M. Alain Charbonnier (S). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je reviendrai juste un petit peu en arrière, sur une réponse à une motion des partis de l'Entente, rédigée entre autres par M. Mark Muller, alors député. L'intitulé de cette motion, la M 1455, indiquait qu'elle était «relative à l'exploitation des surfaces-volumes disponibles au-dessus des axes routiers ou des voies ferrées». Et la réponse du Conseil d'Etat à ladite motion était plutôt mitigée par rapport à ces couvertures, c'est le moins que l'on puisse dire. Je vous lirai juste une partie du résumé contenu dans la réponse: «Des constructions en superstructure des voies de communication ne se justifient économiquement que lorsque le programme et les enjeux, publics ou privés, sont exceptionnels;». Peut-on parler d'un enjeu exceptionnel dans cette extension de Balexert ?

Tout d'abord, au niveau des emplois, lorsque nous avons auditionné les dirigeants de Balexert et leur architecte, ils nous ont parlé de 150 emplois directs et 300 emplois indirects qui seraient créés grâce à cette extension. La directrice nous a même dit que cela irait largement au-dessus de 150 emplois. Plus tard, nous avons reçu une étude d'impact - ou plutôt nous avons été priés d'aller la consulter au département. Les commissaires n'ayant pas eu directement un accès aux documents, ils ont dû se déplacer pour aller consulter cette étude. C'est un document qui fait quand même une centaine de pages en tout. C'était un peu difficile, mais j'y suis allé, j'ai fait quelques photocopies. A ma grande surprise, d'après cette étude d'impact, ce ne sont plus 150 à 300 emplois qui pourront être créés, mais entre 60 et 80. On a donc posé des questions aux personnes qui ont calculé ces emplois pour l'étude d'impact; celles-ci ont tout simplement considéré la surface existante et le nombre d'emplois actuels à Balexert. Elles ont utilisé ce rapport et l'ont appliqué au projet d'extension en considérant la surface du centre qu'il y aura en plus, et elles arrivent à 60 ou 80 emplois. On n'est donc plus à 150 ou 300 emplois ! Et pour - il faut l'appeler ainsi - un «monument» de la sorte, on est entre 60 et 80 emplois.

Vous avez ricané quand mon collègue Etienne a parlé de 14 mètres... Je ne sais pas si vous vous rendez compte, il s'agit de 14 mètres à partir de la dalle. Dessous, il y a une route qui sera à 5,60 mètres du sol... (Brouhaha.) Donc, il faut encore rajouter 5,60 mètres. Vous continuez à ricaner, mais on arrive à une hauteur de 20 mètres ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) On est presque au-dessus de la hauteur de la halle 7 de Palexpo ! Et la surface totale de l'agrandissement projeté est égale à la moitié de la surface de la halle 7 ! Je ne sais pas si vous vous baladez de temps en temps sur l'autoroute, mais quand vous arrivez à la hauteur de ce véritable monument, eh bien, imaginez que vous aurez un monument semblable sur la route de Meyrin ! La seule petite différence - et M. Gros est évidemment parti, parce que les arguments des autres ne l'intéressent pas - c'est qu'il y a des habitants en face de Balexert. Juste en face ! Il y a un immeuble - pas deux, Monsieur Aumeunier - qui est concerné directement par cet agrandissement. Cet immeuble se trouve à une quinzaine de mètres de l'agrandissement projeté. La vue sur le Jura sera autorisée pour ceux qui iront prendre leur café dans le Centre commercial Balexert, par contre les habitants, eux, n'auront plus de vue. Et ça, c'est quand même un problème important !

En ce qui concerne l'accessibilité au centre, c'est vrai que c'est magnifique, le tram va arriver devant le centre... Il faut quand même dire qu'aujourd'hui il y a déjà un excellent bus, soit la ligne 9 qui est très fréquentée et qui arrive déjà au centre commercial de Balexert. Effectivement, l'accès au centre n'a pas été tellement amélioré ces dernières années, malgré toutes les demandes qui ont été faites par les habitants du quartier, les TPG et les usagers des TPG: jusqu'à maintenant, depuis, je crois, une trentaine d'années que le centre commercial existe, on laisse les piétons cheminer dans le parking, dans les gaz d'échappement... Cela n'a jamais posé aucun problème à la direction de Balexert. Or là, tout d'un coup, ses membres deviennent des «pro-développement durable»... D'ailleurs, ils vont peut-être recevoir un prix pour ça, on ne sait pas !

En ce qui concerne l'augmentation du nombre de places de parking, vous vous gardez bien, Monsieur Aumeunier, de nous raconter l'historique du parking de ce centre commercial. Vous dites qu'il n'y aura aucune augmentation du nombre de places disponibles... Aucune augmentation après le mois de décembre 2006, puisqu'au mois de décembre 2006 s'est ouvert un nouveau parking de 400 places qui jouxte le centre commercial !

Pour la construction de ce nouveau parking, l'ATE, qui défend en général le développement durable, avait signé un arrangement avec la direction du centre commercial, disant qu'elle ne ferait pas opposition à la réalisation de ce parking pour autant que la direction du centre promette de ne pas faire payer la deuxième heure de parking et de renoncer à la première heure gratuite. Lors de son audition, qu'a répondu Mme Moinat, directrice du centre commercial, à la question du député Gros qui, lui, était très inquiet de devoir payer le parking à Balexert ? Elle nous a répondu que le centre ferait son possible pour maintenir la gratuité totale du parking. Alors, que veulent les gens de la direction de Balexert, les rois du développement durable et du transfert modal ?! La gratuité totale de leur parking !

Comme l'a dit la directrice du centre, on peut envisager un transfert modal pour obtenir 4 ou 5% supplémentaires de clients, mais pas plus. Parce que les gens, quand ils viennent à Balexert, c'est pour faire leurs commissions. Et comment viennent-ils ? En voiture ! Ils ont certainement bien raison, mais il ne faut pas nous faire croire que les gens vont utiliser le tram pour venir faire leurs courses à Balexert ! D'autant moins que qui viendrait en tram faire ses commissions à Balexert ? Ce sont des gens qui habitent soit Meyrin, soit la Servette. Et que trouve-t-on à Meyrin ou à la Servette ? Des centres commerciaux et des grandes surfaces ! Je ne vois donc pas l'utilité, pour ces gens, de prendre le tram et venir se balader jusqu'à Balexert. Donc, le transfert modal, de ce côté-là, on n'y croit pas trop !

On espère simplement qu'il y aura une augmentation des utilisateurs du tram parmi les personnes qui viennent au cinéma à Balexert. Et encore, le cinéma c'est un autre exemple de problème économique, puisqu'on sait qu'aujourd'hui Balexert concentre à lui seul 55% des entrées de cinéma de tout le canton.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député.

M. Alain Charbonnier. Encore une petite chose concernant la construction elle-même. On nous vante l'extension du centre commercial qui, pour les habitants de l'immeuble concerné, fera rempart contre le bruit... Mais la construction projetée, donc toute proche de l'immeuble de ces habitants-là, supprimera la vue qu'ils ont actuellement sur le Jura ! On s'est effectivement aperçu, dans l'étude d'impact, que l'extension était un mur, pas tout à fait homogène toutefois, car il y aura un espace - ouvert - de 30 cm dans ce mur. Et à quoi sert cet espace ? A l'évacuation des fumées ! C'est très sympathique pour les habitants d'en face ! Bien qu'on leur ait dit qu'il n'y aurait plus de bruit du tout, il y en aura quand même ! Parce que vous imaginez bien qu'une ouverture de 30 cm sur une longueur de 130 mètres, ça laisse quand même passer du bruit. En plus, c'est pour l'évacuation des fumées ! Donc, ouvrez vos fenêtres, vous aurez toujours un petit peu de bruit et, en plus, des fumées à loisirs !

La cerise sur le gâteau, c'est que, dans l'étude d'impact, on nous explique la sécurité - parce que j'ai posé des questions sur la sécurité...

La présidente. Il va falloir conclure !

M. Alain Charbonnier. Je termine. Eh bien, les voitures passeront dans une tranchée fermée, hermétique sur 130 mètres. Et depuis l'accident du tunnel du Mont-Blanc, on sait ce qui peut se passer en termes de sécurité dans ces tunnels, surtout sur 130 mètres. Or que lit-on dans l'étude d'impact ? Ceci: «En ce qui concerne les accidents majeurs régis par l'OPAM... (Brouhaha.)

La présidente. Monsieur le député... (Commentaires. Brouhaha.)

M. Alain Charbonnier. ...  correspond à une voie de communication à fort trafic. Il s'agira en étape II de déterminer la nécessité de mettre à jour, voire de réaliser, un rapport succinct de l'OPAM au fait que les conditions de circulation et de sécurité sont notablement modifiées.» Evidemment, on couvre la route ! Donc, on n'a pas assez d'études d'impact, et tant qu'on n'a pas assez d'études d'impact il est prématuré de voter ce projet de loi, sans parler de tous les autres arguments qu'on a pu trouver ! (Applaudissements.)

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est 22h40 et il reste dix intervenants sans compter les rapporteurs. Je pense que le mieux est de s'exprimer de manière brève - mais non moins percutante. Je vous en remercie. Madame Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Au départ, les Verts étaient assez favorables à ce projet. On nous parlait de développement durable, de transfert modal... En fait, lors de l'étude du projet en commission, nous - les deux commissaires Verts - avons changé d'avis et nous voterons plutôt non. La liberté de vote sera donc de mise au sein du groupe des Verts.

Quant à moi, je défendrai la position défavorable. Je pense que l'argument principal qui doit vraiment être pris en compte, c'est l'urbanisme. Et ici, c'est une grave faute contre l'urbanisme ! Jamais, à aucun endroit en ville, vous ne feriez la même chose ! Imagineriez vous que l'on fasse un ouvrage semblable par-dessus la route de Florissant, pour la Migros de Rieu ? Imaginez que l'on fasse un accès directement depuis le tram pour accéder à Eaux-Vives 2000 ! Ou à Planète Charmilles ? Est-ce qu'on pourrait encore agrandir par-dessus la route ? Non, vous ne le feriez jamais parce que c'est en milieu urbain !

Il est vrai qu'on a de la peine à voir que Balexert se situe maintenant en milieu urbain. Comme on l'a évoqué tout à l'heure, cette route a été établie par des ingénieurs français et elle n'a pas été raccordée à Genève avant 1930, parce que la Ville de Genève n'a pas voulu s'étendre de ce côté. On a de la peine à s'étendre, on voudrait rester une petite ville ! Or, à cet endroit-là, il faut urbaniser ! Il y a des projets ! Et j'ai été vraiment sidérée par la faiblesse des arguments avancés par le département en commission de l'aménagement. On sait que la route de Meyrin va être urbanisée, de même que les jardins familiaux; on coupe les Avanchets de la ville, on les exclut du périmètre urbain en mettant à cet endroit-là un élément, qu'on peut éventuellement accepter au-dessus d'une autoroute mais pas en milieu urbain ! Or il faut vraiment requalifier cet espace, faire un aménagement digne de ce nom, et l'on pourra urbaniser.

Je crois que ce qui est important, c'est que la ville puisse s'agrandir de manière harmonieuse sur tout ce périmètre et ne pas créer des no man's land. Comme on l'a dit, les Avanchets seront désavantagés: le centre commercial du quartier est déjà défaillant et, désormais, les habitants seront encore coupés de la ville par un élément urbanistique qui est tout sauf magnifique ! Vous n'avez qu'à aller voir le bâtiment sur Palexpo ! Et ici, ce sera un bâtiment qui aura exactement la même hauteur sur la moitié de la surface. On nous a présenté de magnifiques images, mais les perspectives sont tronquées et vous feriez mieux d'y réfléchir à deux fois. Je vous invite vraiment à refuser ce projet de loi ! Merci.

M. Olivier Wasmer (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, certains se posent encore la question de savoir pourquoi le canton de Genève a le taux de chômage le plus important de Suisse. La réponse, tout le monde ou la grande majorité d'entre nous la connaît: chaque fois qu'on a un grand projet pour Genève, il y a des opposants. (Remarques. Brouhaha.) Vous ne pouvez dès lors pas vous étonner qu'on ne construise pas et que ce soit bloqué.

Par contre, ce qui est scandaleux dans cette opposition, ce sont les arguments avancés par les opposants, de piètres arguments. Comme argument principal, on vous dit aujourd'hui qu'on n'a pas l'habitude de construire par-dessus des ouvrages du domaine public. L'autre argument majeur, je cite le rapport de minorité: «Cela revient à poser une imposante "boîte" sur la route de Meyrin. C'est considérable et complètement fou !» Voilà l'argument majeur des opposants pour repousser un projet de 50 millions de francs, un projet qui va donner, bien entendu, du travail aux entrepreneurs genevois et créer des emplois. Il permettra à l'Etat de Genève d'encaisser environ 150 000 F par année à titre de droits de superficie. Et 150 000 F, cela fait 1,5 million de francs tous les dix ans. Multiplié par cinq - je ne compte pas très bien - cela fait un peu plus de 6 millions de francs que l'Etat encaissera.

Aujourd'hui, ces arguments tout à fait spécieux sont totalement scandaleux. (Brouhaha.) A Genève, on a le taux de chômage le plus élevé de Suisse, on s'oppose systématiquement à tout projet par dogmatisme totalement inexplicable, puisque ces mêmes milieux qui prétendent qu'on ne doit pas favoriser la voiture ont voté eux-mêmes la construction du parking P3 sur la commune de Vernier ! Je parle du parti socialiste en particulier, comme me l'a soufflé mon voisin de parti, qui est aussi conseiller municipal à Vernier. Donc, d'un côté les socialistes prétendent que ça dénature les petits commerces, alors qu'on sait que ces derniers ont fermé aux Avanchets à cause des vols et non pas à cause de la construction de Balexert... (Protestations.) Mon voisin, conseiller municipal, me l'a également dit, et je crois qu'il est mieux placé que quiconque pour le savoir !

Donc, je le redis: les arguments avancés sont totalement spécieux, et l'UDC soutiendra, bien entendu, ce projet de loi avec force ! Je vous remercie.

Mme Gabrielle Falquet (S). Mesdames et Messieurs les députés, tout a été dit par rapport au problème économique, environnemental, etc. Il est vrai que ce projet a quelque chose d'attrayant. Il est vrai que ce projet - alors que l'Etat est fortement endetté - peut paraître mirobolant à la population puisque ce n'est pas l'Etat et les contributions des citoyens qui le paieront.

Toutefois, il y a un aspect dans ce projet qui me tient particulièrement à coeur. Quelqu'un a parlé de développement durable et tout le monde se gargarise en disant qu'il faut faire des choses en tenant compte de l'environnement, du bien-être des gens et que ce soit inscrit dans la société. Eh bien, pour moi, avec ce développement, il y a un manquement essentiel: c'est la réflexion par rapport à l'aspect social, la réflexion par rapport au bien-être des gens. Vous allez me dire que ce n'est peut-être pas le propos, mais je tiens quand même à le relever !

Nous avons aujourd'hui dans ce centre commercial, nous le savons, un espace qui est un lieu de vie. Lorsque j'étais au Conseil administratif, j'ai eu l'occasion d'assister à l'inauguration de la première extension de Balexert. M. Pierre Kunz, qui était alors encore directeur de Balexert et le président de Migros Suisse, a expliqué en long et en large que ce centre commercial était un lieu de vie où les gens pouvaient venir, pour jouer, consommer, aller au cinéma ou même voir un médecin. C'était fabuleux ! La seule chose qui manque, ce sont des lits pour dormir... Les gens sont quand même obligés d'avoir un appartement qui est aux frais du contribuable et de l'Etat !

Par là, je voudrais vous dire qu'actuellement dans le centre commercial c'est vrai qu'il y a de la consommation, mais c'est vrai aussi qu'on est en train de créer de grands problèmes sociaux. Il y a une multitude de jeunes qui fréquentent ce centre commercial et il y a une multitude de jeunes qui fréquentent les écoles aux alentours du centre commercial. Ces jeunes sont confrontés continuellement à la consommation: ils sont confrontés continuellement à une envie d'acheter. Malheureusement, les trois quarts des jeunes n'ont pas les moyens d'acheter ce qu'ils voient continuellement dans le centre commercial... Donc, que se passe-t-il ? Et je ne vous parle pas de la problématique des vols parce que c'est un autre problème... Eh bien, ce qui se passe, c'est que de plus en plus de nos jeunes s'endettent, de plus en plus de nos jeunes ont affaire au petit crédit et l'ensemble des partis - surtout la gauche - ont envie de lutter contre l'endettement des jeunes... Vous aussi vous le dites ! Eh bien voilà ! Simplement, je pense qu'on peut offrir aux jeunes autre chose que ces lieux de consommation et ces grands centres commerciaux.

Nous devrions plutôt nous poser la question de ce qu'on peut faire en partenariat avec les entreprises privées, qui souhaiteraient tant mettre de l'argent à disposition de la collectivité, et qu'est-ce que cet argent pourrait permettre d'offrir à ces gens.

Mesdames et Messieurs les députés, c'est également pour cette raison que nous souhaitons que ce projet soit refusé. Parce que je vous rappelle aussi que, si vous soutenez ces projets privés, dans le même temps, vous ne vous gênez pas pour supprimer un maximum de prestations sociales qui permettraient précisément d'aider ces jeunes à se désendetter.

Donc, Mesdames et Messieurs les députés, par tous les moyens, essayez de ne pas soutenir ce projet ! Merci. (Applaudissements.)

Mme Sandra Borgeaud (Ind.). J'avoue que ce projet de loi a été très instructif; il n'a pas été évident de décider de ce qui était le mieux à entreprendre. En ce qui me concerne, j'aimerais peut-être bien dire oui... Uniquement pour l'économie, car cela pourrait permettre d'engager du monde. Le seul problème - et c'est la question que je me pose: est-ce que cela va vraiment diminuer le taux de chômage à Genève ? Est-ce que ce sont vraiment les gens qui ont besoin de travail qui bénéficieront de ces postes ? Malheureusement, j'ai des doutes à ce sujet - il est clair que c'est le patronat qui décide, nous n'avons pas à usurper nos droits, à dire ce qu'il faut faire ou non... Il est de notre devoir de prendre soin de notre population qui, malheureusement, subit un fort taux de chômage. Si l'on pouvait me garantir que ce sont les personnes qui ont besoin de travail qui seront prioritaires, je dirais oui. Hélas, je suis pessimiste et n'y crois pas.

Par ailleurs, les Avanchets sont déjà une sorte de cité. Alors, couper davantage les Avanchets de la ville, ce n'est pas forcément une bonne chose. Quant au genre de construction, nous n'en avons encore jamais vu de pareille dans tout Genève. Ce serait quand même lourd de conséquences et je ne pense pas qu'aujourd'hui nous sommes prêts à prendre de telles responsabilités. C'est pourquoi je voterai finalement contre ce projet de loi.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous devrions réfléchir tous ensemble... (Remarques.) ... à notre mode de développement. Il y a quelques années, et ce n'est pas si loin que ça, lorsqu'on se rendait dans les grandes villes françaises, lorsqu'on allait aux Etats-Unis, on se moquait quasiment de leur mode de développement en disant que c'était complètement aberrant ! On disait: «Ils ont vidé les centres-villes de leurs habitants; ils ont concentré l'emploi dans des grandes zones de bureaux, dans des grandes zones industrielles, et ils ont construit des centres commerciaux où l'on est obligé de se rendre en voiture, tuant ainsi le commerce local...». Je crois qu'à l'époque aussi bien la droite que la gauche étaient relativement unies pour dire que nous ne voulions pas ce mode de développement ! Aujourd'hui, qu'est on en train de faire ?! Et malheureusement, Genève n'est pas une exception... Dans quasiment toutes les villes européennes, on est dans ce mode de développement. Mais est-ce le bon mode de développement ?

Aujourd'hui, le centre-ville de Genève s'est vidé ! Il n'y a quasiment que des bureaux, il n'y a quasiment plus de commerces. Si vous voulez aller boire un verre le soir ou vous amuser, vous ne trouvez plus rien, et l'habitation s'est exportée au-delà du centre-ville ! Nous avons réalisé des zones entières de bureaux, nous avons vidé les quartiers de leur tissu social... (Brouhaha.) Nous n'avons plus de tissu social dans les quartiers ! Comme à Saint-Jean... Aujourd'hui il n'y a quasiment plus de commerces, et l'on voulait même fermer la poste ! On concentre tout le commerce au même endroit. On devrait vraiment réfléchir à cela parce que, sincèrement, ce n'est pas un mode de développement très satisfaisant pour les êtres humains, pour les citoyens de Genève, quels que soient leurs votes et quels que soient leurs choix politiques ! Et ce n'est pas une question d'idéologie.

Quand même, dans la zone qu'on est en train d'évoquer on va retrouver: Conforama, Interio, Media Markt, Carrefour, le futur Ikea, et un «super-Balexert»... On est en train de faire une gigantesque zone de commerce ! Tous les Genevois ou une bonne partie des Genevois et des gens de la région française devront prendre leur voiture pour s'y rendre et aller consommer. Dans les partis de droite, vous évoquez souvent la fluidité du trafic... Mais là, vous êtes en train de générer un immense bouchon ! Heureusement, il y aura le tram pour compenser un petit peu ce flux automobile. Ce sera toutefois une maigre consolation. Parce que le transfert modal qu'on est en train de mettre en place avec ce tram ne sera pas important par rapport à toutes les voitures qu'on est en train de diriger dans cette zone. Je peux vous dire que ce sera ingérable... Ingérable pour les habitants, ingérable pour les gens qui voudront se rendre dans ces commerces !

Je pense qu'on fait véritablement une erreur de développement en matière économique. J'entends souvent les partis de droite s'ériger en défenseurs de l'économie... Je crois qu'aujourd'hui il y a beaucoup de théories. Même s'il y a certainement un sentiment sincère de vouloir défendre l'économie, je pense que vous vous trompez parfois de voie. Vous n'arrêtez pas de dire que vous voulez sauver le petit commerce et le moyen commerce - les députés de vos rangs représentent les milieux du petit et du moyen commerce... Aujourd'hui, en développant ces grandes zones, ces mégacentres commerciaux où l'ensemble des gens seront obligés de se rendre, on est en train de tuer le petit commerce ! On est en train de tuer le moyen commerce, on est en train de tuer les petites entreprises ! Je crois que ce n'est vraiment pas une politique économique satisfaisante pour Genève.

De plus, ce n'est - je l'ai dit - pas satisfaisant au niveau de l'environnement, ce n'est pas satisfaisant au niveau social et du bien-être de la population, et ce n'est pas satisfaisant au niveau économique ! Pourquoi défendre ceci ?! Nous avons voté tous ensemble une série de projets pour favoriser le développement durable; les radicaux nous ont même dit qu'il fallait, dans les écoles, sensibiliser les jeunes au développement durable. Nous avons tous été émus en voyant le film «Une vérité qui dérange» d'Al Gore... Très bien ! Aujourd'hui, il ne faut plus seulement s'émouvoir mais aussi mettre en pratique ! C'est-à-dire renoncer à un développement aussi néfaste pour Genève. Ce n'est pas le bon développement pour les Genevoises et les Genevois, et je vous invite à voter contre ce projet de loi !

En outre, je rappelle que les ingénieurs qui s'occupent de ce chantier disent qu'aujourd'hui, au niveau de la sécurité, il faut compléter les études - cela figure dans un des documents que les ingénieurs de B+C Ingénieurs SA ont remis aux commissaires. Nous sommes donc en train de voter un projet pour lequel la sécurité n'est aujourd'hui pas assurée sur le papier. Là, je fais appel à la sagesse des députés: qu'ils soient pour ou contre ce projet, je pense qu'il faut attendre cette étude d'impact, et il faut le renvoyer sagement en commission tant qu'on n'est pas certain que la sécurité des Genevoises et des Genevois sera assurée. (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur Brunier. Si je comprends bien, vous avez demandé un renvoi en commission. Je demande donc à M. le député Mario Cavaleri de s'exprimer sur ce dernier. Ensuite, je lèverai la séance à 23h. La suite du débat aura lieu demain à 17h.

M. Mario Cavaleri (PDC). Effectivement, on va se prononcer sur le renvoi ou non en commission. Mais pourquoi le groupe démocrate-chrétien va-t-il s'opposer au renvoi en commission ? Pour des raisons très simples, que je vais m'efforcer de résumer en quelques secondes. Quelques secondes, c'est le temps nécessaire pour transiter sous cette voie couverte... (Commentaires.) Alors, combien ? Eh bien, 10 secondes à 50 km/h ! C'est vrai que, comme on a déjà bien fait tout le nécessaire - ça existe déjà maintenant - on va rouler à 30 km/h. Et l'on mettra quelques secondes de plus, il est vrai !

C'est abominable d'imaginer qu'on va couvrir cette route, alors qu'on a couvert des portions de voies de circulation nettement plus grandes, comme la couverture des voies CFF à Saint-Jean, vous le savez bien, pour y placer des équipements privés et publics. Alors voyez-vous, avec votre théorie - et c'est pourquoi nous nous opposerons au renvoi en commission - c'est que, finalement, on ne peut plus rien faire, sauf quand ça vous arrange ! Et je ne comprends pas ! Parce que la commune de Vernier, sauf erreur, n'est pas tout à fait à droite ou très à droite: elle est plutôt à gauche ! Et vous allez lui refuser des ressources financières, puisqu'il y aura plus d'activités économiques...

Des voix. Bravo ! (Brouhaha.)

M. Mario Cavaleri. Par conséquent, cela fera des rentrées fiscales au niveau de la taxe professionnelle ! Mais ça, évidemment, ce n'est pas votre problème, on trouve de l'argent partout, il tombe du ciel, bien entendu !

Puisque vous dites que c'est un cas unique... Mais non ! Je vais vous citer une autre municipalité de gauche: Carouge ! Le centre commercial de Carouge, vous avez vu ce gros cube ?! Et vous allez même, vous aussi, à Radio Cité... Eh bien, vous avez constaté que cet immeuble couvre aussi un espace sur une voie publique. Mais là, ça ne vous dérange pas, c'est à Carouge ! Finalement, ce ne sont pas les beaux quartiers, n'est-ce pas ? Alors, arrêtez... Opposons-nous !

Madame la présidente, votons ce projet ! Parce qu'il est bon: il est économiquement intéressant pour la commune. Il est intéressant aussi pour l'Etat, puisque la voirie sera prise en charge par le privé. C'est quand même à relever ! (Applaudissements.)

La présidente. Comme annoncé, je suspends ici les débats. En ce qui concerne les intervenants qui sont encore inscrits, nous reprendrons ce débat demain à 17h, après la séance de 15h consacrée aux extraits. Je vous souhaite un bon retour chez vous.

Fin du débat: Session 04 (janvier 2007) - Séance 19 du 26.01.2007

La séance est levée à 23h.