République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 novembre 2006 à 17h15
56e législature - 2e année - 1re session - 4e séance
GR 464-A
M. Pascal Pétroz (PDC), rapporteur ad interim. Ce que j'ai dit tout à l'heure vaut mutatis mutandis pour ce dossier où je remplace également au pied levé M. Guillaume Barazzone, retenu par des obligations professionnelles. Vous le verrez, ce dossier est plus délicat que le précédent, qui avait donné lieu à une décision unanime de la commission de grâce. En effet, il a été l'objet d'une décision extrêmement controversée de la commission de grâce, et j'aimerais vous en parler.
M. M. B., alias M. B., né le 17 janvier 1976, est de nationalité guinéenne. Il est arrivé en Suisse en 1999, date à laquelle il a déposé une demande d'asile, qui a été rejetée. Ce monsieur a formé recours, mais ce dernier a été déclaré irrecevable parce qu'il n'avait pas payé l'avance de frais dans le délai requis.
Le 17 février 2000, l'intéressé a été condamné par une ordonnance du juge d'instruction à deux mois d'emprisonnement avec sursis et une expulsion ferme de quatre ans pour violation de la loi fédérale sur les stupéfiants. En effet, il avait cru opportun de se livrer à la vente de cocaïne, raison pour laquelle il a été sanctionné. Quelque temps après, M. M. B. récidive.
Par une ordonnance rendue par le Procureur général le 25 avril 2000, il est à nouveau condamné pour infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants et, aussi, pour dommages à la propriété, parce qu'il a brisé une vitrine dans sa fuite lorsqu'il a été interpellé par la police. Cette condamnation s'élève à une peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis. Le sursis antérieur - je veux parler de la fameuse ordonnance du juge d'instruction qui avait été délivrée quelques mois auparavant - a été révoqué et l'expulsion pénale a été portée à une durée de dix ans, alors qu'elle n'était que de quatre ans lors de la première condamnation.
M. M. B. est resté en Suisse. Apparemment, vu la teneur du dossier - mais les circonstances ne sont pas d'une clarté absolue - le délai de départ de l'intéressé aurait été régulièrement prolongé. Et puis, le 16 avril 2005, ce monsieur se marie avec une Suissesse. Le recours en grâce nous apprend que le couple envisage d'avoir un enfant, que M. M. B. a trouvé un travail de manutentionnaire, qu'il touche un salaire mensuel de 1500 F et qu'il serait suivi par un médecin pour des troubles dépressifs. Le dossier nous indique également que l'office cantonal de la population n'a pas été content. Parce qu'il a octroyé un permis B à M. M. B., compte tenu de son mariage avec une Suissesse, pour ensuite se rendre compte que ce permis avait été obtenu en utilisant un alias... Autrement dit, M. M. B. a donné un autre nom que celui indiqué dans sa condamnation. C'est pourquoi ce dossier est intitulé: «Monsieur M. B. (alias M. B.)». Alors, comme on ne mentionne pas les noms dans cette enceinte, vous ne pouvez pas faire la différence. Mais, quand on voit les noms écrits, il y a quand même une différence substantielle.
Donc, Monsieur M. B., alias M. B., a déposé une demande de grâce, qui a été rejetée le 22 juin 2006 par cette auguste assemblée. M. M. B., alias M. B., a interjeté recours au Tribunal fédéral contre la décision de notre Conseil et ce recours a été déclaré irrecevable.
Mesdames et Messieurs les députés, ce dossier est quelque peu délicat et je vais essayer de vous restituer, de la manière la plus objective possible, les deux points de vue exprimés par la commission de grâce au cours de la séance de lundi, puisque la grâce a été votée par six voix contre cinq. Le courageux qui vous parle s'est abstenu, pour des raisons que j'aurai peut-être l'occasion de vous expliquer dans un autre cadre. Pour la majorité de la commission de grâce, il se justifie d'accorder la grâce à M. M. B. parce que, depuis 2000 - date à laquelle il a été condamné à deux reprises - celui-ci s'est amendé, il a trouvé un emploi. Son travail ne lui confère peut-être pas une indépendance financière extraordinaire, mais M. M. B. a un travail et il est apprécié par son employeur. Par ailleurs, il a épousé une Suissesse - qui est apparemment très amoureuse de lui - et la protection de la vie familiale commande d'accorder la grâce, dans la mesure où une personne qui a fait des bêtises doit pouvoir être pardonnée lorsqu'elle fait preuve d'une réelle et sérieuse volonté d'amendement. Voilà la position de la majorité de la commission !
Pour la minorité de la commission - vous avez pu constater tout à l'heure que les votes étaient très serrés - octroyer la grâce à M. M. B., alias M. B., poserait toute une série de problèmes. Tout d'abord, certains trouvent tout à fait inacceptable, sur le plan des principes, de gracier un dealer, c'est une infraction qui ne peut être pardonnée. Et puis, d'autres ont relevé que M. M. B. avait déjà déposé une demande de grâce, et que celle-ci, à tort ou à raison, a été rejetée par notre Conseil le 22 juin 2006; ils pensent que le fait de redéposer une nouvelle demande de grâce trois mois après est tout à fait constitutif d'un abus du système. Notre Grand Conseil a le droit d'avoir raison, notre Grand Conseil a le droit d'avoir tort, mais l'on n'a pas le droit de formuler une nouvelle demande de grâce trois mois après la première pour solliciter une nouvelle décision. C'était le second argument de la minorité de la commission.
Pour ma part, comme je vous l'ai indiqué, je me suis abstenu. Je suis ici pour relayer le préavis de M. Barazzone, qui, lui - soutenu en cela par la majorité de la commission - vous recommande d'accepter la demande de grâce qui vous est soumise, compte tenu du fait que, depuis 2000, M. M. B., alias M. B., n'a plus commis aucune infraction, qu'il s'est marié, qu'il travaille et qu'il est bien intégré.
M. Christian Luscher (L). Le groupe libéral s'opposera vigoureusement à ce que la grâce soit accordée à M. M. B., alias M. B., et cela pour plusieurs raisons. La raison principale - ou, peut-être, la raison la plus évidente, qui saute aux yeux immédiatement - est que, si nous acceptions cette grâce, nous nous exposerions à une avalanche de demandes toujours renouvelées. Je vous le rappelle, le rapporteur remplaçant vient de l'indiquer, nous avons déjà - et assez nettement, sauf erreur dans une proportion de deux tiers/un tiers - refusé la grâce pour cette personne, il y a deux ou trois mois de cela. Et si le Grand Conseil, dans un laps de temps aussi bref, commence à être l'autorité de recours de ses propres décisions, nous ne nous en sortirons jamais: il faudrait que la commission de grâce siège sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pour traiter les demandes ! Car le message serait relativement limpide: il suffit d'insister ! Si la première demande de grâce est refusée, il suffit de la redéposer deux mois plus tard et ainsi de suite. Et les recourants obtiendraient que, de guerre lasse, ce Grand Conseil se déjuge et qu'il se départe des principes qui sont les siens pour accorder la grâce. Cela me semble être constitutif d'une dérive que nous ne pouvons pas cautionner.
S'agissant du fond, s'il est un monsieur qui ne mérite pas la grâce, c'est bien M. M. B ! Non seulement il s'est livré à des trafics de stupéfiants - on y reviendra - mais, en plus, postérieurement aux condamnations qui lui ont été infligées à réitérées reprises, voilà que ce monsieur, récemment encore, a trahi la confiance des autorités genevoises, puisqu'il a obtenu son permis B sur la base d'un faux nom ! Alors, voilà un monsieur dont on va nous dire qu'il se repent, qu'il a vécu à une certaine période de sa vie dans le péché... mais que tout cela est terminé, puisque maintenant il s'est marié ! On ne connaît pas l'âge de son épouse, mais cela serait intéressant, peut-être qu'elle a vingt ou trente ans de plus que lui ! (Protestations. Exclamations et rires.) On n'en sait rien ! Quoi qu'il en soit, M. M. B. n'hésite pas à tromper les autorités genevoises en demandant un permis B sous un faux nom ! Alors, je suis désolé de vous dire, cette fois tout à fait sérieusement - et vous voudrez bien excuser ma remarque polémique, qui était vraisemblablement déplacée ! - qu'il est hors de question, sauf à déjuger nos autorités administratives, sauf à leur marquer une certaine forme de défiance, que notre Grand Conseil accorde la grâce à une personne qui, il y a quelques mois ou quelques petites années, a trompé nos autorités en donnant un faux nom ! Et puis, généralement, notre Grand Conseil refuse de gracier des personnes qui se sont livrées au trafic de stupéfiants. Alors chacun a droit à l'erreur, et l'on pourrait comprendre que nous accordions la grâce à une personne qui, une fois dans sa vie, s'est fait prendre la main dans le sac à trafiquer quelques grammes de haschisch... Si cette personne, quelques années plus tard, présentait à ce Grand Conseil une demande de grâce pour la faute commise, parce qu'elle souhaite s'intégrer, travailler, et que sa condamnation inscrite au casier judiciaire lui porte préjudice dans sa recherche d'emploi, cela, nous pourrions le comprendre ! Or en l'occurrence, ce monsieur est récidiviste ! Il s'est livré à du trafic, il a été condamné à une peine de prison et il n'a pas hésité, malgré cette peine de prison, à continuer ou à recommencer ce trafic de drogue ! Cela n'est pas acceptable !
Finalement, la preuve que cette personne se moque de nous, c'est qu'elle revient maintenant devant nous alors que nous lui avons refusé la grâce il y a deux mois ! Et je n'ai pas entendu dans les propos du rapporteur - il est vrai que ce n'était pas le rapporteur le plus convaincu de la journée... - un seul élément qui expliquerait pourquoi nous devrions changer d'avis par rapport à notre décision d'il y a deux mois !
Mesdames et Messieurs, je vous invite vivement à refuser la grâce proposée par la commission ! (Applaudissements.)
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des orateurs. Sont inscrits: M. Damien Sidler, Mme Virginie Keller Lopez, M. Guillaume Barazzone, M. André Reymond, M. Roger Deneys et M. le rapporteur interim Pascal Pétroz.
M. Damien Sidler (Ve). Cette demande de grâce, renouvelée devant notre Grand Conseil, a interpellé la commission. J'ai été rapporteur dans un premier temps, M. Barazzone - maintenant présent - l'a été dans un deuxième temps, et bien que nous ne soyons pas tout à fait du même bord politique nous avons abouti exactement aux mêmes conclusions après examen approfondi de ce dossier. Examen que n'a pas fait M. Luscher, qui n'a pas pu avoir accès au dossier puisque le règlement l'interdit ! Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de ne pas prendre pour argent comptant les propos qui sont tenus ici. M. Luscher répète exactement ce qu'il a dit au mois de juin devant ce plénum, mais il n'en sait pas plus puisqu'il n'est pas membre de cette commission.
Certes, M. M. B. a utilisé un alias, mais, si mes souvenirs sont bons - étant donné que je n'ai plus accès au dossier - cet alias reprend quand même de façon substantielle le prénom et le nom. Il s'agit du diminutif du prénom, ce qui est une pratique assez courante dans le pays de M. M. B. Selon les ethnies les prénoms peuvent varier, et la commission a tout à fait admis cela.
Pour ce qui est du dossier, j'aimerais tout de même vous dire que cette personne a été condamnée à une peine de prison et qu'elle l'a purgée. Par contre, elle subit ce que nous appelons chez nous la «double peine». Cela signifie que si M. M. B. était suisse, sa peine serait purgée; mais comme il est étranger, la peine d'expulsion vient s'ajouter à la première. Or cette peine d'expulsion a été prorogée à dix ans et ce monsieur en a déjà effectué six. Par ailleurs, un gros problème se pose, et le rapporteur n'a peut-être pas assez insisté sur ce point, c'est que nous sommes dans l'incapacité de renvoyer cette personne dans son pays, la Guinée. Parce que ce pays, pour des raisons probablement ethniques ou autres, ne reconnaît pas cette personne ou ne veut pas la reprendre.
M. M. B. est parfaitement intégré aujourd'hui: il y a peu de temps, il a eu l'occasion de passer un permis suisse de manutentionnaire avec chariot élévateur, il a un travail. M. M. B. demande simplement un permis B en règle, car le permis B qu'il a obtenu suite à une erreur de notre administration lui a été retiré... Ce qui fait qu'il se retrouve dans l'incapacité de continuer à travailler, alors qu'il a un emploi.
A mon avis, si le droit de grâce existe - ce que M. Luscher et d'autres députés semblent contester - eh bien, il doit s'appliquer dans ce dossier ! J'en suis convaincu ! J'ai été rapporteur la première fois et je ne peux que vous dire que je voterai à nouveau la grâce, car, je le répète, si nous devons utiliser ce droit de grâce, c'est bien dans ce type de dossier ! (Applaudissements.)
Mme Virginie Keller Lopez (S). Quelle déception, cette commission de grâce ! Je n'y siège pas depuis très longtemps, mais je suis déçue car je pensais que nous allions vraiment pouvoir étudier les dossiers à fond, réellement donner une chance à chaque personne - puisque c'est un droit qui figure dans notre constitution - et que nous allions pouvoir argumenter et faire connaître notre position par rapport à une condamnation. Or on assiste en l'occurrence à la condamnation unilatérale des recourants, ce qui finalement risque - je le dirai plus tard - de poser de graves problèmes.
De quoi s'agit-il ? Un recourant s'est permis - ce qui a choqué un certain nombre de commissaires - de faire une deuxième demande de grâce à deux mois d'intervalle ! Nous avons longuement discuté en commission de ce droit, ou pas, de déposer une nouvelle demande de grâce. Le droit de grâce est un droit constitutionnel. Il n'est stipulé nulle part dans la loi que ce droit est limité à une seule demande de grâce ! Il n'est stipulé nulle part dans la loi qu'il est inconvenant de déposer un recours, une deuxième ou une troisième fois ! C'est un droit, et ce n'est pas à nous de juger si ce droit peut être appliqué ou pas: il existe, il est objectif !
On m'a expliqué en commission que l'on pouvait entrer en matière sur un deuxième recours à condition qu'un élément nouveau soit intervenu entre-temps... L'élément nouveau, et M. Barazzone l'avait très bien expliqué en tant que rapporteur, c'est tout simplement que ce dossier avait été extrêmement mal évalué lors de son examen. Cela peut arriver, Mesdames et Messieurs les députés ! La commission de grâce n'a pas la science infuse, elle peut se tromper ! Elle peut aussi vouloir revenir sur une décision, et ce n'est pas se déjuger que de revenir sur une décision ! Cela peut simplement signifier que l'on s'est rendu compte que le travail a été mal fait, que certains éléments ont été mal évalués et que cela vaut la peine de revenir dessus. Et heureusement que nous avons cette capacité, nous députés, de pouvoir parfois revenir sur certaines décisions !
Dans le cas qui nous occupe, nous avons affaire à une personne qui a commis il y a quelques années des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il est vrai que, d'une manière générale, la commission n'est pas encline à accorder la grâce pour ce type d'infractions, et le groupe socialiste adopte généralement la même position que la commission sur ce point. Mais il s'agit en l'occurrence d'une personne qui n'a plus commis aucune infraction depuis l'année 2000, qui a démontré qu'elle était capable de s'intégrer, qui a suivi une formation, qui a trouvé du travail et qui s'est mariée.
Un autre élément est aussi très important dans ce dossier: étant donné que la Guinée ne reconnaît pas cette personne et n'accepte pas de la reprendre, elle restera de toute façon en Suisse, quoi que décide ce parlement... (Brouhaha.) Ne pas lui accorder la grâce, ne pas lui accorder la possibilité de travailler et de s'intégrer, c'est la condamner définitivement ! La condamner à l'exclusion ! La condamner - à quoi ? - peut-être à recommencer à trafiquer ! Quelles possibilités aura-t-elle de s'en sortir ? Aujourd'hui, vous avez non seulement le droit de grâce, mais le droit de décider de l'avenir d'une personne qui a deux routes devant elle: une qu'elle a commencé à tracer elle-même, qui est celle de l'intégration, pour s'en sortir; en l'obligeant à prendre l'autre, vous enfoncez cette personne à tout jamais.
C'est effectivement une décision difficile à prendre, et je pense qu'il faut faire appel à sa conscience face à un tel cas. La commission en a très longuement discuté, et la position des uns et des autres n'était pas forcément le reflet du clivage gauche-droite comme c'est parfois le cas; certains députés ont certainement eu du mal à prendre position.
Je vous demande fermement, Mesdames et Messieurs les députés, de laisser à cette personne la chance de s'en sortir et de se maintenir sur le chemin qu'elle a prouvé qu'elle pouvait suivre depuis l'an 2000 ! (Applaudissements.)
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur. Je ne vais pas revenir sur tous les aspects relatifs au fond, mais je voudrais quand même faire deux remarques. M. Luscher a évoqué les principes généraux... Lorsque j'ai repris ce dossier, j'ai pu l'examiner totalement et me suis rendu compte que les arguments invoqués en juin, lorsque cet objet est passé devant ce Grand Conseil, n'étaient malheureusement pas axés sur le cas particulier de ce monsieur, mais au contraire sur les principes généraux concernant la grâce.
Certes, le droit de grâce pose des problèmes. Nous n'arrivons pas toujours à déterminer jusqu'où nous pouvons aller, quels sont les principes à appliquer pour accorder ou refuser une grâce. En ce qui me concerne, après avoir étudié ce dossier dans ses moindres détails, j'ai considéré que les motifs pour accorder la grâce étaient suffisants. Pour quelles raisons ? C'est vrai, M. M. B. a commis une infraction à la loi sur les stupéfiants, qui est condamnable - il a d'ailleurs été condamné pour cela. Mais j'estimais que la décision du juge, de lui interdire de rester sur le territoire suisse en raison de cette infraction, certes grave, mais qui reste unique - il y a eu deux infractions aux mois de février et de mars, il y a environ cinq ans - était sévère. Je pense que M. M. B. a droit à une seconde chance, car il s'est marié depuis lors, a trouvé un travail en Suisse, s'est bien intégré et n'a commis aucune infraction depuis lors.
Bien sûr, les principes généraux existent ! Mais le fait que M. Pascal Pétroz, qui me remplace aujourd'hui, ne partage pas mon avis vous démontre que, face à des cas particuliers, nous nous retrouvons finalement face à notre conscience, face à nos propres convictions. Alors, évoquer les principes généraux ne suffit pas !
Quant au droit de grâce, c'est un droit constitutionnel, un droit inhérent à chaque personne. Et dire que le Grand Conseil ne doit pas être l'autorité de ses propres décisions, il me semble que c'est faire fausse route ! Parce que de deux choses l'une: soit on supprime le droit de grâce accordé constitutionnellement à tout le monde, et à ce moment-là plus personne n'y a droit - soit chacun bénéficie du droit constitutionnel de demander sa grâce - en tout temps ! - et on ne peut pas lui reprocher de le faire !
En parlant de cohérence, je rappellerai à ce Grand Conseil que la majorité du Grand Conseil a voté contre la grâce et que la commission, déjà à l'époque, l'avait accordée. Je ne vois pas aujourd'hui pourquoi la commission se déjugerait. Dans le même ordre d'idée, par souci de cohérence et pour les raisons qui ont trait à ce cas particulier, je vous recommande d'accepter la grâce. Et j'espère que c'est ce que fera mon groupe en son âme et conscience. (Applaudissements.)
M. André Reymond (UDC). Il en va ici de la crédibilité de la commission de grâce et de la crédibilité du Grand Conseil. Nous sommes souvent en présence de recours en grâce déposés par des trafiquants, des récidivistes, des personnes qui font usage de faux papiers, et je pense qu'il ne faut pas donner un mauvais signal. En effet, il ne faut pas laisser penser à des personnes qui n'obtiendraient pas satisfaction la première fois devant ce Grand Conseil qu'elles finiront par avoir gain de cause si elles déposent à nouveau des recours. Comme M. le député Luscher l'a dit tout à l'heure... (L'orateur est interpellé.) Eh bien, je me permets de le répéter, car c'est tout à fait exact ! A ce moment, il faudrait doubler, tripler ou quadrupler la commission, rien que pour traiter les cas des personnes qui déposent plusieurs fois des recours pour parvenir à obtenir la grâce. On peut même se demander si cette commission est vraiment justifiée, à voir certains passe-droits et les décisions, mauvaises ou bonnes, qui peuvent être prises !
Je vous dirai simplement que la motion UDC déposée il y a peu de temps, indiquant que l'office de la population délivre des autorisations sur la base de faux papiers, a sa raison d'être ! Cette motion est en commission, vous en discuterez.
Je ne vais pas refaire le débat relatif à la loi sur l'asile ou à la loi sur les étrangers, mais je vous rappelle tout de même que la population les a acceptées massivement le 24 septembre.
Je vous prie donc, au nom du groupe UDC, de refuser cette grâce. Je le répète: il en va de la crédibilité de notre Conseil ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). L'essentiel a été dit... Mais dans les propos tenus par M. Reymond à l'instant, deux éléments sont incorrects. D'abord, la grâce est un droit constitutionnel, donc il n'y a aucune raison de porter un jugement sur l'exercice de ce droit. (Brouhaha.) L'exercice de ce droit est garanti par la constitution, et vous devez modifier la constitution si vous n'êtes pas d'accord avec cela. Mais, en l'état actuel, on ne peut pas reprocher à cette personne de déposer sa demande de grâce.
Pour le reste, que demande la commission dans son préavis ? D'accorder la grâce partielle de la peine d'expulsion en la ramenant à cinq ans ! Cette personne avait été condamnée à dix ans d'expulsion, et il s'agit de ramener cette peine à cinq ans. Actuellement, ce monsieur travaille, il est marié, dans tous les cas il reviendra en Suisse et cherchera du travail en Suisse... Alors, Monsieur Reymond, soyez cohérent ! Il est bien plus logique dans ce cas précis, puisque cette personne est déjà en Suisse et qu'on ne pourra pas l'expulser parce qu'elle n'a pas de papiers, de favoriser son intégration de façon continue et de lui garantir son avenir, comme l'a très bien dit ma collègue Virginie Keller Lopez tout à l'heure ! Et il me semble particulièrement raisonnable dans ce cas-ci, alors que les faits reprochés datent de 2000, d'accorder aujourd'hui le solde de la mesure d'expulsion !
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce partielle de la peine d'expulsion en la ramenant à cinq ans) est rejeté par 43 non contre 40 oui et 2 abstentions.