République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1662-I
Proposition de motion de MM. Roger Golay, Henry Rappaz, Maurice Clairet : Fixation du nombre de postes de travail pour les fonctions d'enquêteurs et de taxateurs fiscaux au Département des Finances

Débat

La présidente. Monsieur Stauffer, je vous passe la parole. Vous renoncez... Madame Ariane Wisard-Blum, vous avez la parole... Vous renoncez. Monsieur Hiltpold... Vous renoncez. Monsieur Jornot, vous avez demandé la parole ?

M. Olivier Jornot (L). Oui, Madame la présidente, mais je laisse l'un des auteurs s'exprimer en premier.

La présidente. Ils n'ont pas l'air d'être intéressés par cette proposition... (Commentaires. Brouhaha.) Oui, Monsieur Golay ?

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à remercier les collègues qui ont renoncé à prendre la parole pour me laisser leur expliquer cette motion en premier. L'objectif de la motion 1662 est de donner à l'administration fiscale les moyens nécessaires pour qu'elle puisse remplir encore mieux sa mission. Déjà, nous ne pouvons que féliciter M. Hiler, conseiller d'Etat en charge du département des finances, pour la rapidité dont il a su faire preuve dans la mise en place de nombreuses réformes visant à accroître l'efficience de ses services.

Toutefois, nous devons admettre que cette administration souffre encore de quelques maux. En effet, le service de la perception de l'impôt accuse un certain retard dans le traitement de milliers de déclarations fiscales qui ne sont toujours pas taxées, et dont certaines datent de 2001. Il n'est donc pas acceptable qu'au mois de septembre 2006 plusieurs milliers de Genevois n'aient toujours pas reçu leur bordereau pour l'imposition 2004. Les pertes financières dues à ces retards sont inadmissibles, car elles accroissent la dette. Dès lors, nous avons le devoir de faire accélérer les procédures d'encaissement afin d'obtenir rapidement des liquidités pour éviter de recourir à l'emprunt, fort coûteux pour notre République.

Passons maintenant à la fraude fiscale, l'un des grands fléaux de notre société. Dans toute démocratie évoluée, tous les citoyens contribuables sont égaux devant les lois, également celle de l'impôt. C'est bien, mais pour que les citoyens acceptent spontanément de payer leurs impôts et leurs taxes, il est essentiel que ces derniers soient perçus comme nécessaires, justes et équitables, et qu'ils contribuent à assurer leur bien-être et leur sécurité. La tricherie, soit la fraude fiscale, remet en cause le caractère équitable des impôts directs, parce que les montants non versés par certains - ceux qui échappent au fisc - doivent être supportés par les autres contribuables.

La fraude n'est pas une banalité. Pour Genève, il s'agit de plusieurs centaines de millions de francs qui n'entrent pas dans les caisses publiques. D'ailleurs, il faudrait s'interroger sur les raisons qui font que 53% des personnes morales à Genève ne paient pas du tout d'impôts. L'Etat possède les moyens légaux pour faire respecter la loi de l'impôt, alors, qu'il le fasse ! L'augmentation de la population, l'implantation de nouvelles sociétés sur notre territoire, ainsi que des déclarations fiscales nouvelles et compliquées prévues en 2007 nous obligent à prendre les dispositions adéquates pour absorber ce surplus de travail.

Pour cela, il est nécessaire de prendre aujourd'hui les mesures qui s'imposent, soit d'évaluer le nombre de taxateurs ou d'enquêteurs contrôleurs experts en fonction des besoins réels, et ceci sans tenir compte des impératifs rigoureux liés à un budget déficitaire. Un nouveau poste de taxateur rapporte environ une vingtaine de millions de francs, voire plus. Celui d'enquêteur contrôleur, beaucoup moins, mais tout de même quelques millions de francs par année.

Par cette motion, nous ne voulons pas nous acharner ou harceler le contribuable, nous voulons simplement répondre et montrer notre détermination face aux tricheurs patentés qui nuisent à l'Etat de droit et social. Nous constatons que, pour une question de réorganisation, le service des enquêtes a été supprimé en 2004, prétendument pour renforcer le registre fiscal. Aujourd'hui, nous ne pouvons que réaliser l'ampleur de l'échec. En effet, nous avons éloigné du terrain quasiment la totalité des enquêteurs au profit des tricheurs.

Pour mémoire, le service des enquêtes, fondé pendant les années 1950, avait pour mission de procéder à des recherches d'informations - notamment à l'examen de situations familiales et professionnelles et à l'identification de sociétés - d'effectuer des surveillances, de rechercher des personnes assujetties, d'assurer un suivi d'enquête suite à des actes de défaut de biens, de notifier des procédures officielles et de collaborer avec d'autres services de l'Etat. Les enquêteurs pouvaient s'appuyer sur les services d'un inspecteur qui s'occupait des enquêtes spéciales et complexes. Aujourd'hui, les quelques rescapés de la restructuration sont essentiellement occupés à la tenue du fichier informatique des contribuables, personnes physiques et morales. La fonction d'inspecteur a été supprimée. Les investigations sur le terrain ne se font quasiment plus. Les procédures en souffrent avec les effets induits que l'on imagine. Les tricheurs le savent et en profitent pleinement. Nous devons agir pour ne pas avoir à subir.

Cette motion n'est absolument pas contraignante financièrement, bien au contraire, puisqu'elle laisse au Conseil d'Etat une grande liberté d'appréciation pour les besoins réels en personnel ou en matériel. Le Conseil d'Etat pourrait, par exemple, se fixer de nouvelles priorités en engageant plus d'enquêteurs contrôleurs ou de taxateurs au profit d'autres postes de travail déjà attribués au DF. Par conséquent, nous devons encourager le Conseil d'Etat à évaluer et, si nécessaire, à renforcer les services de la perception de l'impôt en fixant le nombre nécessaire de taxateurs et d'enquêteurs contrôleurs pour parvenir aux objectifs fixés.

Cette démarche s'inscrit également dans l'objectif du redressement des finances de l'Etat. Cette motion ne touche pas à une augmentation ou à une diminution de l'impôt, mais elle répond simplement à une volonté de faire respecter l'Etat de droit. Je vous invite donc, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion avec conviction et détermination.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je souscris totalement à ce qui vient d'être dit par mon collègue M. Golay. Le retard dans les taxations engendre des désagréments pour le contribuable, qui ne connaît que tardivement sa facture finale d'impôt. De plus, il provoque une perte d'encaissement de contributions publiques pour l'Etat. En faisant parvenir au contribuable sa taxation avec retard, l'Etat n'encaisse pas un franc de plus, il court au contraire le risque de se trouver en présence d'un contribuable devenu insolvable entre-temps. Le coût important du travail de recouvrement s'y ajoute et aggrave la perte en cas d'insolvabilité du contribuable.

Afin de réduire sensiblement ce risque, il est urgent que l'Etat se dote d'un personnel en nombre suffisant à l'administration fiscale sous forme de taxateurs bien formés et de contrôleurs de taxation. En ce qui concerne ces derniers, leur responsabilité consiste également à contrôler les taxations avant l'envoi du bordereau afin d'éviter des réclamations inutiles à la suite d'erreurs formelles et/ou de saisie de données.

Dans la situation actuelle, les coûts liés à ces postes supplémentaires seront, je le précise, très largement compensés par l'accroissement des recettes fiscales et une diminution des besoins de recourir à des emprunts en compensation du retard dans les encaissements. Il est de la responsabilité du département des finances d'allouer ces ressources supplémentaires aux secteurs actuellement le plus en souffrance tels que le service immobilier et celui qui s'occupe des taxations des indépendants.

Il faut savoir qu'il faut un certain temps, même un temps certain, pour former un taxateur. En général, il s'agit de près de deux ans. Raison de plus pour laquelle il est dans l'intérêt de l'Etat de ne pas attendre. Pour ces raisons, les socialistes sont favorables à cette motion et vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à l'accepter avec enthousiasme.

M. Olivier Jornot (L). Voilà une motion dont l'exposé des motifs commence de manière fort alléchante, puisqu'il nous est dit qu'une hausse des taux de l'impôt cantonal n'est pas à l'ordre du jour. C'est alléchant, même si ce n'est pas tout à fait exact. Vous savez que, dans cette enceinte même, nous avons traité deux initiatives populaires, les initiatives 130 et 131, qui visent respectivement à revenir sur les bienfaits de l'initiative libérale acceptée par le peuple et à instaurer un impôt de solidarité sur la fortune. Il y a une autre inexactitude dans votre texte, c'est lorsque vous contribuez - c'est le cas de le dire, pardonnez-moi ce jeu de mots involontaire - à nourrir ce mythe, ce monstre du Loch Ness genevois, que tout le monde a vu, sans pouvoir jamais scientifiquement le démontrer, selon lequel il y aurait année après année des retards invraisemblables dans les taxations.

Si l'on se réfère au rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2005, on s'aperçoit que le département s'était fixé pour objectif de taxer 95% des bordereaux dans l'année où ils sont remis aux contribuables - c'est-à-dire 210 000 sur 234 000 - et que cet objectif a presque été atteint, comme on dit dans les tabelles du département de l'instruction publique. En effet, 200 000 bordereaux sur 234 000 ont été émis. Cela signifie que 90% des contribuables ont reçu leur taxation dans l'année. Je crois qu'il faut relativiser le mythe des retards de taxation.

Cela dit, pour en revenir maintenant à l'objet, à ce qui est demandé par les motionnaires, j'ai l'impression, avec les textes qui émanent du MCG, de revivre régulièrement la même situation. Les libéraux partagent les objectifs qui sont décrits dans la motion - qui peut être contre le fait d'améliorer l'efficacité de l'administration fiscale ? qui peut être contre le fait de lutter contre la fraude fiscale ? - mais, comme pour d'autres textes dont nous avons eu l'occasion de débattre ici, si l'objectif est louable, les moyens pour l'atteindre posent par contre de sérieux problèmes.

Le premier problème qui est posé ici, c'est un problème d'ordre institutionnel: si nous commençons à voter des motions pour demander au Conseil d'Etat d'ajouter des postes dans un service, de les retrancher dans un autre, nous faisons tout simplement un travail qui n'est pas celui d'un parlement ou, plus exactement, qui doit être celui d'un parlement une fois par année, lorsqu'il examine le budget et qu'il définit les priorités des affectations de postes dans l'administration. C'est la première problématique de cette motion.

La deuxième, c'est que le moyen qu'elle prétend employer pour s'attaquer, par exemple, à la fraude fiscale n'est pas un moyen adéquat. Il ne s'agit pas simplement d'augmenter indéfiniment les effectifs de l'administration fiscale tant qu'il y a de la fraude fiscale. Le meilleur moyen pour lutter contre la fraude fiscale, c'est d'atteindre deux objectifs: le premier - et je crois même, Monsieur Golay, que vous l'avez énoncé tout à l'heure - c'est de faire en sorte que le citoyen ait systématiquement le sentiment que chaque franc qu'il verse à l'Etat est bien utilisé et qu'il n'y a ni gaspillage ni dysfonctionnement. Or à l'heure actuelle, ce sentiment n'est pas partagé par la population genevoise, preuve en soi le vote à 85% de la Cour des comptes l'an dernier, qui démontre que nos concitoyens n'ont pas le sentiment que chaque franc qu'ils remettent à l'Etat de Genève est utilisé dans sa totalité de manière parfaitement efficiente et efficace.

Le deuxième objectif qu'il faut atteindre lorsque l'on veut vraiment combattre la fraude fiscale, c'est de faire en sorte que la fiscalité soit ressentie comme étant juste. Cela aussi, Monsieur Golay, vous l'avez dit tout à l'heure. Or la fiscalité genevoise, dans un certain nombre de domaines, n'est pas parfaitement juste. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle taxe, par exemple, des revenus qui n'existent pas, dans le domaine de la valeur locative, même si je sais bien que c'est un impératif fédéral. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle atteint des taux de progressivité qui la rendent totalement injuste pour un certain nombre de contribuables. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle ne tient aucun compte des cumuls de l'imposition du revenu et de la fortune, ce qui conduit à des situations où elle est confiscatoire. Enfin, comme l'ont relevé les experts qui ont été chargés à la demande du département des finances d'examiner le nouveau système fiscal instauré par les LIPP, cette fiscalité n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle n'est pas transparente, en ce sens que le rabais d'impôt rend le système opaque pour le contribuable.

Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que, si l'on veut lutter efficacement contre la fraude fiscale, il ne faut pas s'arrêter aux simples effectifs de l'administration, il faut réfléchir en profondeur à notre système fiscal, il faut le réformer. L'examen du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat pour faire en sorte d'adapter notre législation à la loi fédérale d'harmonisation est actuellement en cours en commission fiscale. Cet examen est une bonne occasion de réfléchir aux situations qui rendent notre fiscalité injuste et qui, de ce fait, favorisent la fraude fiscale. Le groupe libéral ne soutiendra pas cette motion.

Mme Michèle Ducret (R). On ne peut pas réclamer à cor et à cri tout à la fois un équilibre des finances, une diminution des charges de l'Etat, une diminution des charges de fonctionnement et une augmentation du nombre de fonctionnaires. C'est exactement le but de cette motion. Nous, les radicaux, sommes évidemment contre cette motion, surtout parce que nous sommes, comme je l'ai entendu plusieurs fois dans la bouche de certains des motionnaires, soucieux des deniers publics. C'est la raison pour laquelle le groupe radical refusera cette motion.

M. Claude Marcet (UDC). Le groupe UDC demandera le renvoi de cette motion à la commission fiscale. Je n'interviendrai pas sur le fond, comme cela a déjà été fait précédemment, j'interviendrai sur deux points. Le premier est l'augmentation du nombre de taxateurs: effectivement, on pourrait envisager d'autres moyens que celui-là. Par exemple, des mesures organisationnelles au sein du département et un certain nombre d'autres principes. Notamment, c'est une piste, éventuellement la taxation provisoire immédiate de la totalité des déclarations entrantes, quitte à évaluer ensuite, de manière statistique ou sur des indices prépondérants, déterminants, quelles taxations devraient être contrôlées. Ce qui permettrait, avec un minimum de taxateurs, de maximiser les capacités de l'administration.

En ce qui concerne les contrôleurs, ce n'est pas une question de quantité, mais de qualité, de compétences et de qualifications. Il est essentiel de dire ici que lorsque l'on se trouve en face d'une déclaration d'une personne qui n'a que l'AVS, ce n'est pas du tout la même chose que de contrôler un groupe multinational, une holding, avec un certain nombre de participations. La qualification des contrôleurs à ce niveau-là n'est pas du tout la même, mais un petit problème se pose ici, parce que, pour avoir des qualifications importantes au niveau de l'administration, il faudrait peut-être revoir un certain nombre de salaires, parce que faire venir experts du privé pour dans l'administration, je peux vous dire que ce ne sera pas facile si on les paie au prix qu'on on les paie actuellement dans l'administration.

La présidente. Vous avez bien demandé le renvoi en commission fiscale ? (M. Claude Marcet répond affirmativement hors micro.) Merci. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission: un ou une député-e par groupe pourra s'exprimer.

M. Christian Bavarel (Ve). Concernant le renvoi en commission, on va déjà regarder ce que dit cette motion. Cette motion a trois invites qui sont relativement simples et qui me semblent pouvoir être traitées immédiatement. Et qu'invitent-t-elles le Conseil d'Etat à faire ? A engager des taxateurs. Est-ce le bon outil démocratique que nous sommes en train d'utiliser ? Si l'on voulait engager des taxateurs, ne devrait-on pas le faire lors du budget, si c'était le propos ? Il faut savoir aussi si c'est nécessaire. Très clairement, pour les Verts, à la première question - est-ce le bon outil, de passer par une motion - nous répondons non. Et à la deuxième question - quant à savoir si c'est nécessaire - nous répondons non de la même manière.

Nous partageons le souci que les taxations soient faites de manière juste, que les tricheurs éventuels soient débusqués, qu'il y ait une égalité de traitement entre les citoyens - bien sûr que nous partageons ce souci-là. Cependant, les outils que vous nous proposez ne sont pas les bons et c'est pour cette raison que nous refuserons cette motion.

M. Mario Cavaleri (PDC). S'il est vrai qu'au niveau des «considérants» on peut partager la plupart des soucis qui ont été relevés par nos collègues du MCG, il est vrai - et je rejoins en cela mon collègue Bavarel - que, sur les invites, on se trompe d'outils et de moyens. Je vais juste, avant de me prononcer sur la question du renvoi en commission, dire que cette proposition de motion est inopportune pour plusieurs motifs.

Le premier, c'est que, dans le cadre du discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat, ce dernier avait fixé une certaine ligne et, notamment, je crois qu'il y a une volonté manifeste de mettre de l'ordre dans l'organisation des services de l'administration. Vous devriez donc déjà être rassurés sur ce point-là.

Ensuite, et dans le droit fil du discours de Saint-Pierre, il y a les propositions du Conseil d'Etat concernant justement le «programme 1» et le «programme 2» qui viennent d'être distribués ces derniers jours et qui montrent en effet la concrétisation de la volonté du Conseil d'Etat de mettre de l'ordre et de gérer les effectifs de la fonction publique dans l'intérêt de la collectivité.

Par conséquent, on se trompe ici de rôle, dans la mesure où, en tout état de cause, les compétences du Conseil d'Etat sont justement celles de pouvoir se doter des moyens nécessaires à remplir les missions de l'Etat. C'est au Conseil d'Etat que cette responsabilité incombe, et non à notre parlement. S'il y a des interventions à envisager, vous pourrez toujours les faire dans le cadre de l'examen du projet de budget 07, mais ici ce n'est pas le lieu. Par conséquent, chers collègues, je vous invite, au nom du parti démocrate chrétien, à refuser le renvoi en commission et à refuser cette motion dès lors qu'elle n'est plus nécessaire.

M. Roger Golay (MCG). Si je comprends bien les propos de certains, le débat a un peu dérapé sur uniquement la fraude fiscale. Ce n'était pas l'unique but: il faut savoir qu'il y a de nombreux dossiers qui datent de 2001 et dont le traitement nécessite des personnes hautement qualifiées. Cela traîne depuis 2001, ces dossiers s'entassent, et ce sont des contribuables importants au niveau genevois. Malheureusement, c'est une perte fiscale puisque, par la suite, on arrivera certainement à des remises, parce que les années auront passé et qu'il faudra bien trouver une solution.

Ce n'est pas simplement la fraude fiscale. Je l'ai dit, l'impôt doit être équitable et juste envers tout le monde, et tout le monde doit pouvoir toucher une déclaration dans des délais plus ou moins raisonnables, selon qu'il s'agit d'une personne morale, d'une grande société, d'une personne physique, d'un petit contribuable, etc. Ce qui est malheureux, c'est que vous n'attendez pas même les conclusions du Conseil d'Etat par rapport à cela avant de prendre une position aussi tranchée. L'appréciation reste aux mains du Conseil d'Etat.

Ce qui était demandé par cette motion, c'était simplement un état des lieux par rapport au personnel qui est chargé d'expédier ces déclarations fiscales aux personnes. Il y a un retard considérable, il faut arriver au bout de cela, et c'est pour cela que je vous demande de revenir sur votre position. Ecoutez au moins les prochains intervenants avant d'avoir une position aussi tranchée.

M. Jornot l'a dit, il y a 5% de déclarations - l'objectif du Conseil d'Etat, d'après le fameux rapport, c'était d'en envoyer 95%. Et 5% qui n'ont pas trouvé encore de solution, ce sont 5% qui traînent, qui ne sont pas encore à jour. Si vous voulez continuer, ce seront peut-être 10% l'année prochaine, etc.

Il faut donner à l'administration fiscale les moyens nécessaires pour remplir sa mission. C'est tout ce que je demandais, et le groupe MCG, justement pour que l'on puisse trouver la solution à tous ces problèmes. J'espère que le bon sens reviendra et que votre position changera par la suite.

M. Christian Brunier (S). Le groupe socialiste va soutenir la proposition de renvoi en commission parce que les débats que nous venons de vivre pourraient au moins nous amener à discuter de ces aspects sereinement en commission. Pourquoi ? Je vais reprendre deux ou trois arguments.

Le premier, c'est une déclaration de M. Jornot. Je n'ai pas les mêmes idéaux que lui, on ne défend pas les mêmes valeurs. Néanmoins, on a un point commun: je crois que lui et moi avons envie d'un Etat performant, un Etat qui fonctionne bien et qui réponde aux besoins de la population. On n'a pas forcément les mêmes façons de réformer l'Etat, mais ce qui m'étonne, c'est que, vous qui n'arrêtez pas de prétendre que vous voulez un Etat souple, un Etat réactif, un Etat qui réponde très vite aux désirs de la population, qu'est-ce que vous nous dites aujourd'hui ? Vous nous dites que le seul moyen de changer les effectifs de l'Etat, c'est de passer annuellement par le budget. C'est-à-dire que chaque année on fige l'effectif de l'Etat, il n'y a aucune mobilité possible, aucun rajout de forces dans un coin ou de diminution dans un autre... Pendant une année, l'effectif de l'Etat est bloqué parce que M. Jornot pense que le seul moyen de réformer l'Etat, c'est de voter les effectifs au budget et de ne plus bouger. Monsieur Jornot, vous n'allez pas réussir la réforme de l'Etat avec de tels moyens !

Deuxième chose, M. Jornot nous dit: «Si vous voulez que les gens arrêtent de tricher, si vous voulez que les gens paient de manière assez enthousiaste leurs impôts, il faut leur prouver que chaque franc payé, engagé par l'Etat, est un franc bien investi.» Vous êtes en train de nous dire que l'Etat a mal investi pendant des années. C'est bien, Monsieur Jornot, c'est peut-être votre côté maoïste, votre côté d'autocritique. Je vous rappelle quand même que vous avez dirigé l'Etat pendant des décennies... (Protestations.) ... vous avez été majoritaires au parlement et au gouvernement, et aujourd'hui vous êtes en train de nous expliquer que vous avez mal géré l'Etat... (L'orateur est interpellé.) Bravo ! Enfin, vous êtes au moins franc ! (Remarques.)

Troisième chose, vous nous dites sur les enquêteurs contre la fraude fiscale: «Non, non, ce n'est pas efficace, les enquêtes sur la fraude fiscale, ce n'est pas le bon truc !» C'est quand même bizarre. La majorité de ce parlement n'arrête pas de dire qu'il faut plus contrôler les chômeurs parce qu'il y a des tricheurs, et vous avez raison, il y a des tricheurs parmi les chômeurs, mais pourquoi le contrôle des chômeurs marcherait bien ? Vous nous dites que parmi les gens qui reçoivent des prestations sociales, les plus pauvres de notre société, il y en a qui abusent et qu'il faut les contrôler. Il y en a certains qui abusent, mais ce sont des abus qui ne doivent pas coûter très cher à la République.

Par contre, quand ce sont des gens qui trichent, qui fraudent le fisc, massivement pour certains - le petit employé qui triche a beaucoup de peine à tricher et cela ne va pas ruiner l'Etat... Par contre, pour les grands tricheurs, l'enquête ne serait pas le bon outil, comme par hasard ! Vous défendez quelles valeurs de société, Mesdames et Messieurs de la majorité ?

Quatrièmement, vous nous dites: «Engager des taxateurs supplémentaires, ce n'est pas un bon investissement, ce n'est pas un bon outil.» Qui peut dire réellement ici que de nouveaux taxateurs ou de nouveaux contrôleurs, ce n'est pas un bon outil ? Moi, je ne sais pas si c'est un bon outil ou non. Je crois que peu d'estimations ont été faites. Je sais juste une chose: à une époque - et M. Hiler peut en témoigner - quand on a développé le nombre de contrôleurs, comme par hasard, il y a eu de meilleures rentrées fiscales et cette politique continue, progressivement bien entendu. Je ne pense pas que cela soit un mauvais plan en termes de retour sur investissement - puisque cela vous inquiète souvent - d'engager de temps en temps des ressources supplémentaires qui vont ramener beaucoup d'argent à l'Etat. Cet argent est décemment gagné: c'est l'argent des impôts que les gens doivent payer.

Bref, je crois qu'il faut raison garder: nous sommes face à une motion. Aussi bien, Mesdames et Messieurs du MCG, vous n'allez pas sauver l'Etat avec cette motion; aussi bien, Mesdames et Messieurs de la droite, honnêtement, si la motion passe ou est renvoyée en commission, ce ne sera pas la catastrophe ! Je pense que cela mérite de faire le point.

Une politique volontariste est menée par David Hiler au sein des finances, je crois qu'il y a des mieux, on doit le souligner: le département des finances fonctionne de mieux en mieux. Cela va mettre du temps, les réformes, c'est compliqué à mettre en place, et ce ne sont en tout cas pas les députés qui vont accélérer le mouvement. Je crois qu'il faut laisser travailler le gouvernement, mais envoyer cette motion pour faire le point de la situation en commission calmement, sereinement, je ne crois pas que ce soit un luxe et je ne pense pas que cela soit du temps perdu pour le parlement. (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Essayons de dire simplement ce qui touche, à vrai dire, un problème un petit peu plus compliqué que ceux qui ont été évoqués, notamment en matière de contrôle. Commençons par le nombre de taxateurs: il est vrai que les retards ont un impact en termes d'image de l'administration. J'ai constaté à plusieurs reprises que ce point frappait les citoyens. Cela les frappe d'autant plus qu'en effet les dossiers peuvent encore remonter à l'année 2001. Encore qu'il faut savoir qu'il y a eu en 2005 de nouvelles taxations concernant 2001; ce n'est donc pas forcément toujours du retard. Le problème, c'est que, généralement, quand un dossier est bloqué sur un point précis, eh bien, les années qui suivent, il y a toujours la même querelle de doctrine, de sorte que le contribuable se trouve bel et bien avec une, deux, trois, quatre, puis cinq années de retard, ce qui n'est pas acceptable.

Les difficultés ont touché, Mme Grobet l'a signalé, les questions liées à l'immobilier et aux indépendants. Le cas le plus connu - je viens d'ailleurs de m'entretenir avec AgriGenève à ce sujet, il y a quelques jours - est celui des agriculteurs, pour qui les retards sont tout à fait conséquents pour diverses raisons, et les promoteurs... (L'orateur est interpellé.) Non, mais les promoteurs, effectivement, pour les mêmes raisons, finalement ! (Remarque.) Mais il y en a peu actuellement à Genève, de promoteurs...

Ceci est un peu plus général. Des mesures organisationnelles ont déjà été prises à l'immobilier en termes d'effectifs, d'organisation. Elles sont vraisemblablement encore insuffisantes. En ce qui concerne les indépendants, nous attendons avec une certaine impatience le rapport sans cesse repoussé de la commission d'évaluation des politiques publiques pour nous déterminer, parce que vous comprenez qu'il eût été un peu imprudent de prendre toute une série de mesures avant d'avoir ce rapport. La taxation, M. Marcet l'a dit, est donc question de qualité autant que de quantité.

Nous n'avons que peu de problèmes avec les retards pour les taxations simples. C'est dire que nous avons besoin de ce que l'on appelle les taxateurs 2, 3, 4, voire des experts fiscaux. Une des raisons qui a amené le retard que vous connaissez en ce qui concerne les agriculteurs, c'est que non seulement il n'y avait plus qu'une personne dans le département des finances qui savait faire ce travail, mais que, de l'autre côté, malheureusement, l'une des deux personnes qui, au niveau des fiduciaires, savaient effectuer ce travail connaissait de lourds problèmes de santé et a laissé énormément de déclarations non faites. C'est dire que tout ceci est fragile, sensible, et qu'il faut bien réfléchir.

Pour le moment, il n'y a pas besoin d'effectifs de taxateurs en plus. Il faudrait déjà que tous les postes soient repourvus en permanence, ce qui n'est pas le cas. C'est le premier levier sur lequel nous allons travailler. Nous devons nous positionner - M. Tanner et son administration doivent se positionner - sur les questions suivantes: est-ce qu'aujourd'hui l'organigramme, la procédure, le flux des taxations sont bien gérés ? Est-ce qu'il faut, comme plusieurs audits l'ont recommandé, cesser de taxer avec des services par lettres, mais en distinguant la nature des déclarations. Ce sont des questions que nous devons trancher, je dirai, dans les six mois.

Pour le contrôle, c'est un peu plus compliqué, parce qu'il y a plusieurs types de contrôles. La première chose, c'est le rôle, l'intégralité du rôle, qui est l'objectif stratégique de demain. Plus les frontières sont ouvertes, plus il est facile de se déplacer, plus il est difficile de déterminer si un contribuable vit à un endroit ou à un autre. Evidemment, il aura quelque avantage à déclarer qu'il vit dans un canton où la fiscalité est moins lourde, particulièrement s'il est fortuné. C'est un vrai souci au niveau basique et cela passe, estime le Conseil d'Etat, d'abord par un début de collaboration entre l'office cantonal de la population et le service des rôles au niveau de l'administration fiscale.

En outre, on en a parlé hier, ce service en particulier, comme l'office des poursuites et faillites, fonctionne encore avec passablement de personnes en occupation temporaire, alors qu'il faudrait maintenant peut-être un peu plus d'informaticiens, puisqu'il y a des possibilités de croiser des fichiers, ce qui nous donnerait de nouvelles potentialités. Derrière cela, et c'est à cela que vous faites référence, Monsieur Golay, il y avait, à la fois rattachés au service du rôle et aux contrôleurs fiscaux, de véritables enquêteurs, on pourrait presque utiliser le terme d'«inspecteurs». Il n'y en a plus qu'un... Ce qui est inquiétant, parce que, que font ces personnes ? Elles font des filatures. Elles se posent devant telle ou telle entreprise qui prétend ne rien gagner - prenons un garage, par exemple - et comptent les voitures qui entrent et qui sortent, et voient qu'il est peu probable que les résultats annoncés soient tout à fait exacts.

Effectivement, nous entendons reconstruire cette unité mais, là encore, la question des postes reste posée. Personne n'a parlé de ce qu'on appelle la vérification. C'est cela, au fond, notre problème ! Aujourd'hui, on ne sait pas toujours bien quelle est la part de vérification, qui est une amélioration de la taxation, et quelle est la part de système qualité, donc de contrôle interne. Pour cela, nous avons effectivement un directeur adjoint qui est chargé de repenser ces questions, qui est entré en fonction - nous l'espérions au 1er mars mais ce fut au 1er septembre - de sorte que nous allons travailler dur sur ces questions - d'autant plus que la personne en charge de ces services a été nommée aujourd'hui à la tête de l'administration fiscale du Tessin.

Nous allons donc devoir structurer de façon un peu nouvelle le service de la vérification. en lien avec le contrôle et le service du rôle. Soyons honnêtes, nous n'avons par pris toutes les déterminations. M. Tanner et son équipe demandent encore un délai pour étudier et choisir la bonne solution. On a reproché, ces derniers temps, au Conseil d'Etat de ne pas beaucoup s'occuper d'intendance... Alors, dans le domaine de l'administration fiscale, je vous assure que je suis prudent, c'est une administration qui est fragile: on ne peut pas, en réorganisation, travailler comme ça, à la hache, de sorte que nous prendrons le temps de réfléchir. Sur le fond, donc, il y a une volonté de taxer plus vite, mais encore faudrait-il que le contribuable renvoie sa déclaration avant la fin de l'année civile, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup, et aussi de contrôler, notamment de ne pas laisser un certain nombre de personnes s'installer à Genève, y vivre en permanence et prétendre résider dans d'autres cantons ou dans d'autres pays.

Pour terminer, que faut-il faire de cette motion, avec ses imperfections, mais aussi ses bonnes intentions ? Le plus raisonnable, me semble-t-il, est bel et bien de la renvoyer à la commission fiscale, afin que nous puissions, dans quelques mois, pas demain, mais dans quelques mois, vous faire un état des lieux et que vous vous prononciez à ce moment sur des recommandations travaillées, parce que je ne pense pas que c'est en plénière que l'on puisse faire de la dentelle avec cette motion. Ce sont tout de même des questions un peu organisationnelles, et cela donnera à la commission fiscale, notamment à ses nouveaux membres, l'occasion de mieux maîtriser les rouages de l'administration fiscale en termes de taxation, vérification, contrôle et service du rôle.

Voilà donc la détermination du Conseil d'Etat, mais, quoi qu'il en soit, quoi que vous décidiez, parce que le parlement est, bien sûr, libre de ses décisions, le Conseil d'Etat, tôt ou tard, présentera un rapport sur ces questions et fera le point, vraisemblablement d'ailleurs en lien avec les comptes 2006. Voilà, j'ai été un peu long, je m'en excuse, mais ces questions sont un peu fines, un peu délicates, et je vous invite donc à envisager avec sérénité un renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1662-I à la commission fiscale est rejeté par 41 non contre 32 oui et 1 abstention.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement, il s'agit d'une nouvelle invite, je crois que vous l'avez toutes et tous reçue... (La présidente est interpellée.) Vous ne l'avez pas reçue ? Je vais vous la lire. La voici: «... à compenser les dettes fiscales des députés avec leurs jetons de présence.» (Brouhaha.)

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 31 oui contre 26 non et 17 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1662-I ainsi amendée est rejetée par 53 non contre 19 oui.