République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, première vice-présidente.

Assistent à la séance: MM. Charles Beer et David Hiler, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Christian Bavarel, Loly Bolay, Mathilde Captyn, Christiane Favre, Renaud Gautier, Philippe Guénat, Michel Halpérin, Georges Letellier, Christian Luscher et Pierre Schifferli, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Discussion et approbation de l'ordre du jour

La présidente. Je vous signale que dans le cadre de la prise d'images pour illustrer les modules d'information citoyenne sur la fonction du Grand Conseil, dont on vous a parlé, un caméraman prendra des images.

Nous reprenons notre ordre du jour au point 32... (La présidente est interpellée.) Nous avons voté à 17h... (Brouhaha.)

Une voix. On devait recommencer à 20h30 avec le département des finances.

La présidente. J'ai compris que nous reprenions à 20h30, avec le traitement des objets concernant le département des finances. Cela a été clairement indiqué. Nous l'avons voté, si je m'en souviens bien.

Une voix. Elle a raison ! Bravo ! (Brouhaha.)

La présidente. C'est ce qui a été voté quand il y a eu la proposition de changement, lors de l'examen de l'ordre du jour...

Une voix. Madame la présidente, vous avez raison.

La présidente. Donc, je poursuis.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Peut-être a-t-il effectivement été décidé qu'il serait repris à 20h30 avec le département des finances, toutefois il y a un point du département de l'instruction publique qui n'a pas été traité. Est-ce que, le cas échéant, on peut accepter de voter sur le fait qu'on examine ce point, puisque M. Hiler n'est pas encore là et que le département des finances n'est donc pas représenté. Je veux bien suppléer à M. Hiler, bien que je ne sois pas son remplaçant, mais je trouve qu'il serait préférable de l'attendre, de manière à éviter le flou dans nos travaux.

La présidente. Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que, pour un changement d'ordre du jour à 20h30, il faut une majorité des deux tiers.

Mise aux voix, la proposition de traiter le dernier point du département de l'instruction publique est rejetée par 14 non contre 25 oui et 1 abstention (majorité des deux tiers non atteinte).

La présidente. Visiblement, la majorité des deux tiers n'est pas atteinte et nous reprenons au point 32 de notre ordre du jour.

M 1662-I
Proposition de motion de MM. Roger Golay, Henry Rappaz, Maurice Clairet : Fixation du nombre de postes de travail pour les fonctions d'enquêteurs et de taxateurs fiscaux au Département des Finances

Débat

La présidente. Monsieur Stauffer, je vous passe la parole. Vous renoncez... Madame Ariane Wisard-Blum, vous avez la parole... Vous renoncez. Monsieur Hiltpold... Vous renoncez. Monsieur Jornot, vous avez demandé la parole ?

M. Olivier Jornot (L). Oui, Madame la présidente, mais je laisse l'un des auteurs s'exprimer en premier.

La présidente. Ils n'ont pas l'air d'être intéressés par cette proposition... (Commentaires. Brouhaha.) Oui, Monsieur Golay ?

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à remercier les collègues qui ont renoncé à prendre la parole pour me laisser leur expliquer cette motion en premier. L'objectif de la motion 1662 est de donner à l'administration fiscale les moyens nécessaires pour qu'elle puisse remplir encore mieux sa mission. Déjà, nous ne pouvons que féliciter M. Hiler, conseiller d'Etat en charge du département des finances, pour la rapidité dont il a su faire preuve dans la mise en place de nombreuses réformes visant à accroître l'efficience de ses services.

Toutefois, nous devons admettre que cette administration souffre encore de quelques maux. En effet, le service de la perception de l'impôt accuse un certain retard dans le traitement de milliers de déclarations fiscales qui ne sont toujours pas taxées, et dont certaines datent de 2001. Il n'est donc pas acceptable qu'au mois de septembre 2006 plusieurs milliers de Genevois n'aient toujours pas reçu leur bordereau pour l'imposition 2004. Les pertes financières dues à ces retards sont inadmissibles, car elles accroissent la dette. Dès lors, nous avons le devoir de faire accélérer les procédures d'encaissement afin d'obtenir rapidement des liquidités pour éviter de recourir à l'emprunt, fort coûteux pour notre République.

Passons maintenant à la fraude fiscale, l'un des grands fléaux de notre société. Dans toute démocratie évoluée, tous les citoyens contribuables sont égaux devant les lois, également celle de l'impôt. C'est bien, mais pour que les citoyens acceptent spontanément de payer leurs impôts et leurs taxes, il est essentiel que ces derniers soient perçus comme nécessaires, justes et équitables, et qu'ils contribuent à assurer leur bien-être et leur sécurité. La tricherie, soit la fraude fiscale, remet en cause le caractère équitable des impôts directs, parce que les montants non versés par certains - ceux qui échappent au fisc - doivent être supportés par les autres contribuables.

La fraude n'est pas une banalité. Pour Genève, il s'agit de plusieurs centaines de millions de francs qui n'entrent pas dans les caisses publiques. D'ailleurs, il faudrait s'interroger sur les raisons qui font que 53% des personnes morales à Genève ne paient pas du tout d'impôts. L'Etat possède les moyens légaux pour faire respecter la loi de l'impôt, alors, qu'il le fasse ! L'augmentation de la population, l'implantation de nouvelles sociétés sur notre territoire, ainsi que des déclarations fiscales nouvelles et compliquées prévues en 2007 nous obligent à prendre les dispositions adéquates pour absorber ce surplus de travail.

Pour cela, il est nécessaire de prendre aujourd'hui les mesures qui s'imposent, soit d'évaluer le nombre de taxateurs ou d'enquêteurs contrôleurs experts en fonction des besoins réels, et ceci sans tenir compte des impératifs rigoureux liés à un budget déficitaire. Un nouveau poste de taxateur rapporte environ une vingtaine de millions de francs, voire plus. Celui d'enquêteur contrôleur, beaucoup moins, mais tout de même quelques millions de francs par année.

Par cette motion, nous ne voulons pas nous acharner ou harceler le contribuable, nous voulons simplement répondre et montrer notre détermination face aux tricheurs patentés qui nuisent à l'Etat de droit et social. Nous constatons que, pour une question de réorganisation, le service des enquêtes a été supprimé en 2004, prétendument pour renforcer le registre fiscal. Aujourd'hui, nous ne pouvons que réaliser l'ampleur de l'échec. En effet, nous avons éloigné du terrain quasiment la totalité des enquêteurs au profit des tricheurs.

Pour mémoire, le service des enquêtes, fondé pendant les années 1950, avait pour mission de procéder à des recherches d'informations - notamment à l'examen de situations familiales et professionnelles et à l'identification de sociétés - d'effectuer des surveillances, de rechercher des personnes assujetties, d'assurer un suivi d'enquête suite à des actes de défaut de biens, de notifier des procédures officielles et de collaborer avec d'autres services de l'Etat. Les enquêteurs pouvaient s'appuyer sur les services d'un inspecteur qui s'occupait des enquêtes spéciales et complexes. Aujourd'hui, les quelques rescapés de la restructuration sont essentiellement occupés à la tenue du fichier informatique des contribuables, personnes physiques et morales. La fonction d'inspecteur a été supprimée. Les investigations sur le terrain ne se font quasiment plus. Les procédures en souffrent avec les effets induits que l'on imagine. Les tricheurs le savent et en profitent pleinement. Nous devons agir pour ne pas avoir à subir.

Cette motion n'est absolument pas contraignante financièrement, bien au contraire, puisqu'elle laisse au Conseil d'Etat une grande liberté d'appréciation pour les besoins réels en personnel ou en matériel. Le Conseil d'Etat pourrait, par exemple, se fixer de nouvelles priorités en engageant plus d'enquêteurs contrôleurs ou de taxateurs au profit d'autres postes de travail déjà attribués au DF. Par conséquent, nous devons encourager le Conseil d'Etat à évaluer et, si nécessaire, à renforcer les services de la perception de l'impôt en fixant le nombre nécessaire de taxateurs et d'enquêteurs contrôleurs pour parvenir aux objectifs fixés.

Cette démarche s'inscrit également dans l'objectif du redressement des finances de l'Etat. Cette motion ne touche pas à une augmentation ou à une diminution de l'impôt, mais elle répond simplement à une volonté de faire respecter l'Etat de droit. Je vous invite donc, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette motion avec conviction et détermination.

Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je souscris totalement à ce qui vient d'être dit par mon collègue M. Golay. Le retard dans les taxations engendre des désagréments pour le contribuable, qui ne connaît que tardivement sa facture finale d'impôt. De plus, il provoque une perte d'encaissement de contributions publiques pour l'Etat. En faisant parvenir au contribuable sa taxation avec retard, l'Etat n'encaisse pas un franc de plus, il court au contraire le risque de se trouver en présence d'un contribuable devenu insolvable entre-temps. Le coût important du travail de recouvrement s'y ajoute et aggrave la perte en cas d'insolvabilité du contribuable.

Afin de réduire sensiblement ce risque, il est urgent que l'Etat se dote d'un personnel en nombre suffisant à l'administration fiscale sous forme de taxateurs bien formés et de contrôleurs de taxation. En ce qui concerne ces derniers, leur responsabilité consiste également à contrôler les taxations avant l'envoi du bordereau afin d'éviter des réclamations inutiles à la suite d'erreurs formelles et/ou de saisie de données.

Dans la situation actuelle, les coûts liés à ces postes supplémentaires seront, je le précise, très largement compensés par l'accroissement des recettes fiscales et une diminution des besoins de recourir à des emprunts en compensation du retard dans les encaissements. Il est de la responsabilité du département des finances d'allouer ces ressources supplémentaires aux secteurs actuellement le plus en souffrance tels que le service immobilier et celui qui s'occupe des taxations des indépendants.

Il faut savoir qu'il faut un certain temps, même un temps certain, pour former un taxateur. En général, il s'agit de près de deux ans. Raison de plus pour laquelle il est dans l'intérêt de l'Etat de ne pas attendre. Pour ces raisons, les socialistes sont favorables à cette motion et vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à l'accepter avec enthousiasme.

M. Olivier Jornot (L). Voilà une motion dont l'exposé des motifs commence de manière fort alléchante, puisqu'il nous est dit qu'une hausse des taux de l'impôt cantonal n'est pas à l'ordre du jour. C'est alléchant, même si ce n'est pas tout à fait exact. Vous savez que, dans cette enceinte même, nous avons traité deux initiatives populaires, les initiatives 130 et 131, qui visent respectivement à revenir sur les bienfaits de l'initiative libérale acceptée par le peuple et à instaurer un impôt de solidarité sur la fortune. Il y a une autre inexactitude dans votre texte, c'est lorsque vous contribuez - c'est le cas de le dire, pardonnez-moi ce jeu de mots involontaire - à nourrir ce mythe, ce monstre du Loch Ness genevois, que tout le monde a vu, sans pouvoir jamais scientifiquement le démontrer, selon lequel il y aurait année après année des retards invraisemblables dans les taxations.

Si l'on se réfère au rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2005, on s'aperçoit que le département s'était fixé pour objectif de taxer 95% des bordereaux dans l'année où ils sont remis aux contribuables - c'est-à-dire 210 000 sur 234 000 - et que cet objectif a presque été atteint, comme on dit dans les tabelles du département de l'instruction publique. En effet, 200 000 bordereaux sur 234 000 ont été émis. Cela signifie que 90% des contribuables ont reçu leur taxation dans l'année. Je crois qu'il faut relativiser le mythe des retards de taxation.

Cela dit, pour en revenir maintenant à l'objet, à ce qui est demandé par les motionnaires, j'ai l'impression, avec les textes qui émanent du MCG, de revivre régulièrement la même situation. Les libéraux partagent les objectifs qui sont décrits dans la motion - qui peut être contre le fait d'améliorer l'efficacité de l'administration fiscale ? qui peut être contre le fait de lutter contre la fraude fiscale ? - mais, comme pour d'autres textes dont nous avons eu l'occasion de débattre ici, si l'objectif est louable, les moyens pour l'atteindre posent par contre de sérieux problèmes.

Le premier problème qui est posé ici, c'est un problème d'ordre institutionnel: si nous commençons à voter des motions pour demander au Conseil d'Etat d'ajouter des postes dans un service, de les retrancher dans un autre, nous faisons tout simplement un travail qui n'est pas celui d'un parlement ou, plus exactement, qui doit être celui d'un parlement une fois par année, lorsqu'il examine le budget et qu'il définit les priorités des affectations de postes dans l'administration. C'est la première problématique de cette motion.

La deuxième, c'est que le moyen qu'elle prétend employer pour s'attaquer, par exemple, à la fraude fiscale n'est pas un moyen adéquat. Il ne s'agit pas simplement d'augmenter indéfiniment les effectifs de l'administration fiscale tant qu'il y a de la fraude fiscale. Le meilleur moyen pour lutter contre la fraude fiscale, c'est d'atteindre deux objectifs: le premier - et je crois même, Monsieur Golay, que vous l'avez énoncé tout à l'heure - c'est de faire en sorte que le citoyen ait systématiquement le sentiment que chaque franc qu'il verse à l'Etat est bien utilisé et qu'il n'y a ni gaspillage ni dysfonctionnement. Or à l'heure actuelle, ce sentiment n'est pas partagé par la population genevoise, preuve en soi le vote à 85% de la Cour des comptes l'an dernier, qui démontre que nos concitoyens n'ont pas le sentiment que chaque franc qu'ils remettent à l'Etat de Genève est utilisé dans sa totalité de manière parfaitement efficiente et efficace.

Le deuxième objectif qu'il faut atteindre lorsque l'on veut vraiment combattre la fraude fiscale, c'est de faire en sorte que la fiscalité soit ressentie comme étant juste. Cela aussi, Monsieur Golay, vous l'avez dit tout à l'heure. Or la fiscalité genevoise, dans un certain nombre de domaines, n'est pas parfaitement juste. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle taxe, par exemple, des revenus qui n'existent pas, dans le domaine de la valeur locative, même si je sais bien que c'est un impératif fédéral. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle atteint des taux de progressivité qui la rendent totalement injuste pour un certain nombre de contribuables. Elle n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle ne tient aucun compte des cumuls de l'imposition du revenu et de la fortune, ce qui conduit à des situations où elle est confiscatoire. Enfin, comme l'ont relevé les experts qui ont été chargés à la demande du département des finances d'examiner le nouveau système fiscal instauré par les LIPP, cette fiscalité n'est pas parfaitement juste, parce qu'elle n'est pas transparente, en ce sens que le rabais d'impôt rend le système opaque pour le contribuable.

Cela signifie, Mesdames et Messieurs, que, si l'on veut lutter efficacement contre la fraude fiscale, il ne faut pas s'arrêter aux simples effectifs de l'administration, il faut réfléchir en profondeur à notre système fiscal, il faut le réformer. L'examen du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat pour faire en sorte d'adapter notre législation à la loi fédérale d'harmonisation est actuellement en cours en commission fiscale. Cet examen est une bonne occasion de réfléchir aux situations qui rendent notre fiscalité injuste et qui, de ce fait, favorisent la fraude fiscale. Le groupe libéral ne soutiendra pas cette motion.

Mme Michèle Ducret (R). On ne peut pas réclamer à cor et à cri tout à la fois un équilibre des finances, une diminution des charges de l'Etat, une diminution des charges de fonctionnement et une augmentation du nombre de fonctionnaires. C'est exactement le but de cette motion. Nous, les radicaux, sommes évidemment contre cette motion, surtout parce que nous sommes, comme je l'ai entendu plusieurs fois dans la bouche de certains des motionnaires, soucieux des deniers publics. C'est la raison pour laquelle le groupe radical refusera cette motion.

M. Claude Marcet (UDC). Le groupe UDC demandera le renvoi de cette motion à la commission fiscale. Je n'interviendrai pas sur le fond, comme cela a déjà été fait précédemment, j'interviendrai sur deux points. Le premier est l'augmentation du nombre de taxateurs: effectivement, on pourrait envisager d'autres moyens que celui-là. Par exemple, des mesures organisationnelles au sein du département et un certain nombre d'autres principes. Notamment, c'est une piste, éventuellement la taxation provisoire immédiate de la totalité des déclarations entrantes, quitte à évaluer ensuite, de manière statistique ou sur des indices prépondérants, déterminants, quelles taxations devraient être contrôlées. Ce qui permettrait, avec un minimum de taxateurs, de maximiser les capacités de l'administration.

En ce qui concerne les contrôleurs, ce n'est pas une question de quantité, mais de qualité, de compétences et de qualifications. Il est essentiel de dire ici que lorsque l'on se trouve en face d'une déclaration d'une personne qui n'a que l'AVS, ce n'est pas du tout la même chose que de contrôler un groupe multinational, une holding, avec un certain nombre de participations. La qualification des contrôleurs à ce niveau-là n'est pas du tout la même, mais un petit problème se pose ici, parce que, pour avoir des qualifications importantes au niveau de l'administration, il faudrait peut-être revoir un certain nombre de salaires, parce que faire venir experts du privé pour dans l'administration, je peux vous dire que ce ne sera pas facile si on les paie au prix qu'on on les paie actuellement dans l'administration.

La présidente. Vous avez bien demandé le renvoi en commission fiscale ? (M. Claude Marcet répond affirmativement hors micro.) Merci. Nous sommes donc saisis d'une demande de renvoi en commission: un ou une député-e par groupe pourra s'exprimer.

M. Christian Bavarel (Ve). Concernant le renvoi en commission, on va déjà regarder ce que dit cette motion. Cette motion a trois invites qui sont relativement simples et qui me semblent pouvoir être traitées immédiatement. Et qu'invitent-t-elles le Conseil d'Etat à faire ? A engager des taxateurs. Est-ce le bon outil démocratique que nous sommes en train d'utiliser ? Si l'on voulait engager des taxateurs, ne devrait-on pas le faire lors du budget, si c'était le propos ? Il faut savoir aussi si c'est nécessaire. Très clairement, pour les Verts, à la première question - est-ce le bon outil, de passer par une motion - nous répondons non. Et à la deuxième question - quant à savoir si c'est nécessaire - nous répondons non de la même manière.

Nous partageons le souci que les taxations soient faites de manière juste, que les tricheurs éventuels soient débusqués, qu'il y ait une égalité de traitement entre les citoyens - bien sûr que nous partageons ce souci-là. Cependant, les outils que vous nous proposez ne sont pas les bons et c'est pour cette raison que nous refuserons cette motion.

M. Mario Cavaleri (PDC). S'il est vrai qu'au niveau des «considérants» on peut partager la plupart des soucis qui ont été relevés par nos collègues du MCG, il est vrai - et je rejoins en cela mon collègue Bavarel - que, sur les invites, on se trompe d'outils et de moyens. Je vais juste, avant de me prononcer sur la question du renvoi en commission, dire que cette proposition de motion est inopportune pour plusieurs motifs.

Le premier, c'est que, dans le cadre du discours de Saint-Pierre du Conseil d'Etat, ce dernier avait fixé une certaine ligne et, notamment, je crois qu'il y a une volonté manifeste de mettre de l'ordre dans l'organisation des services de l'administration. Vous devriez donc déjà être rassurés sur ce point-là.

Ensuite, et dans le droit fil du discours de Saint-Pierre, il y a les propositions du Conseil d'Etat concernant justement le «programme 1» et le «programme 2» qui viennent d'être distribués ces derniers jours et qui montrent en effet la concrétisation de la volonté du Conseil d'Etat de mettre de l'ordre et de gérer les effectifs de la fonction publique dans l'intérêt de la collectivité.

Par conséquent, on se trompe ici de rôle, dans la mesure où, en tout état de cause, les compétences du Conseil d'Etat sont justement celles de pouvoir se doter des moyens nécessaires à remplir les missions de l'Etat. C'est au Conseil d'Etat que cette responsabilité incombe, et non à notre parlement. S'il y a des interventions à envisager, vous pourrez toujours les faire dans le cadre de l'examen du projet de budget 07, mais ici ce n'est pas le lieu. Par conséquent, chers collègues, je vous invite, au nom du parti démocrate chrétien, à refuser le renvoi en commission et à refuser cette motion dès lors qu'elle n'est plus nécessaire.

M. Roger Golay (MCG). Si je comprends bien les propos de certains, le débat a un peu dérapé sur uniquement la fraude fiscale. Ce n'était pas l'unique but: il faut savoir qu'il y a de nombreux dossiers qui datent de 2001 et dont le traitement nécessite des personnes hautement qualifiées. Cela traîne depuis 2001, ces dossiers s'entassent, et ce sont des contribuables importants au niveau genevois. Malheureusement, c'est une perte fiscale puisque, par la suite, on arrivera certainement à des remises, parce que les années auront passé et qu'il faudra bien trouver une solution.

Ce n'est pas simplement la fraude fiscale. Je l'ai dit, l'impôt doit être équitable et juste envers tout le monde, et tout le monde doit pouvoir toucher une déclaration dans des délais plus ou moins raisonnables, selon qu'il s'agit d'une personne morale, d'une grande société, d'une personne physique, d'un petit contribuable, etc. Ce qui est malheureux, c'est que vous n'attendez pas même les conclusions du Conseil d'Etat par rapport à cela avant de prendre une position aussi tranchée. L'appréciation reste aux mains du Conseil d'Etat.

Ce qui était demandé par cette motion, c'était simplement un état des lieux par rapport au personnel qui est chargé d'expédier ces déclarations fiscales aux personnes. Il y a un retard considérable, il faut arriver au bout de cela, et c'est pour cela que je vous demande de revenir sur votre position. Ecoutez au moins les prochains intervenants avant d'avoir une position aussi tranchée.

M. Jornot l'a dit, il y a 5% de déclarations - l'objectif du Conseil d'Etat, d'après le fameux rapport, c'était d'en envoyer 95%. Et 5% qui n'ont pas trouvé encore de solution, ce sont 5% qui traînent, qui ne sont pas encore à jour. Si vous voulez continuer, ce seront peut-être 10% l'année prochaine, etc.

Il faut donner à l'administration fiscale les moyens nécessaires pour remplir sa mission. C'est tout ce que je demandais, et le groupe MCG, justement pour que l'on puisse trouver la solution à tous ces problèmes. J'espère que le bon sens reviendra et que votre position changera par la suite.

M. Christian Brunier (S). Le groupe socialiste va soutenir la proposition de renvoi en commission parce que les débats que nous venons de vivre pourraient au moins nous amener à discuter de ces aspects sereinement en commission. Pourquoi ? Je vais reprendre deux ou trois arguments.

Le premier, c'est une déclaration de M. Jornot. Je n'ai pas les mêmes idéaux que lui, on ne défend pas les mêmes valeurs. Néanmoins, on a un point commun: je crois que lui et moi avons envie d'un Etat performant, un Etat qui fonctionne bien et qui réponde aux besoins de la population. On n'a pas forcément les mêmes façons de réformer l'Etat, mais ce qui m'étonne, c'est que, vous qui n'arrêtez pas de prétendre que vous voulez un Etat souple, un Etat réactif, un Etat qui réponde très vite aux désirs de la population, qu'est-ce que vous nous dites aujourd'hui ? Vous nous dites que le seul moyen de changer les effectifs de l'Etat, c'est de passer annuellement par le budget. C'est-à-dire que chaque année on fige l'effectif de l'Etat, il n'y a aucune mobilité possible, aucun rajout de forces dans un coin ou de diminution dans un autre... Pendant une année, l'effectif de l'Etat est bloqué parce que M. Jornot pense que le seul moyen de réformer l'Etat, c'est de voter les effectifs au budget et de ne plus bouger. Monsieur Jornot, vous n'allez pas réussir la réforme de l'Etat avec de tels moyens !

Deuxième chose, M. Jornot nous dit: «Si vous voulez que les gens arrêtent de tricher, si vous voulez que les gens paient de manière assez enthousiaste leurs impôts, il faut leur prouver que chaque franc payé, engagé par l'Etat, est un franc bien investi.» Vous êtes en train de nous dire que l'Etat a mal investi pendant des années. C'est bien, Monsieur Jornot, c'est peut-être votre côté maoïste, votre côté d'autocritique. Je vous rappelle quand même que vous avez dirigé l'Etat pendant des décennies... (Protestations.) ... vous avez été majoritaires au parlement et au gouvernement, et aujourd'hui vous êtes en train de nous expliquer que vous avez mal géré l'Etat... (L'orateur est interpellé.) Bravo ! Enfin, vous êtes au moins franc ! (Remarques.)

Troisième chose, vous nous dites sur les enquêteurs contre la fraude fiscale: «Non, non, ce n'est pas efficace, les enquêtes sur la fraude fiscale, ce n'est pas le bon truc !» C'est quand même bizarre. La majorité de ce parlement n'arrête pas de dire qu'il faut plus contrôler les chômeurs parce qu'il y a des tricheurs, et vous avez raison, il y a des tricheurs parmi les chômeurs, mais pourquoi le contrôle des chômeurs marcherait bien ? Vous nous dites que parmi les gens qui reçoivent des prestations sociales, les plus pauvres de notre société, il y en a qui abusent et qu'il faut les contrôler. Il y en a certains qui abusent, mais ce sont des abus qui ne doivent pas coûter très cher à la République.

Par contre, quand ce sont des gens qui trichent, qui fraudent le fisc, massivement pour certains - le petit employé qui triche a beaucoup de peine à tricher et cela ne va pas ruiner l'Etat... Par contre, pour les grands tricheurs, l'enquête ne serait pas le bon outil, comme par hasard ! Vous défendez quelles valeurs de société, Mesdames et Messieurs de la majorité ?

Quatrièmement, vous nous dites: «Engager des taxateurs supplémentaires, ce n'est pas un bon investissement, ce n'est pas un bon outil.» Qui peut dire réellement ici que de nouveaux taxateurs ou de nouveaux contrôleurs, ce n'est pas un bon outil ? Moi, je ne sais pas si c'est un bon outil ou non. Je crois que peu d'estimations ont été faites. Je sais juste une chose: à une époque - et M. Hiler peut en témoigner - quand on a développé le nombre de contrôleurs, comme par hasard, il y a eu de meilleures rentrées fiscales et cette politique continue, progressivement bien entendu. Je ne pense pas que cela soit un mauvais plan en termes de retour sur investissement - puisque cela vous inquiète souvent - d'engager de temps en temps des ressources supplémentaires qui vont ramener beaucoup d'argent à l'Etat. Cet argent est décemment gagné: c'est l'argent des impôts que les gens doivent payer.

Bref, je crois qu'il faut raison garder: nous sommes face à une motion. Aussi bien, Mesdames et Messieurs du MCG, vous n'allez pas sauver l'Etat avec cette motion; aussi bien, Mesdames et Messieurs de la droite, honnêtement, si la motion passe ou est renvoyée en commission, ce ne sera pas la catastrophe ! Je pense que cela mérite de faire le point.

Une politique volontariste est menée par David Hiler au sein des finances, je crois qu'il y a des mieux, on doit le souligner: le département des finances fonctionne de mieux en mieux. Cela va mettre du temps, les réformes, c'est compliqué à mettre en place, et ce ne sont en tout cas pas les députés qui vont accélérer le mouvement. Je crois qu'il faut laisser travailler le gouvernement, mais envoyer cette motion pour faire le point de la situation en commission calmement, sereinement, je ne crois pas que ce soit un luxe et je ne pense pas que cela soit du temps perdu pour le parlement. (Applaudissements.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Essayons de dire simplement ce qui touche, à vrai dire, un problème un petit peu plus compliqué que ceux qui ont été évoqués, notamment en matière de contrôle. Commençons par le nombre de taxateurs: il est vrai que les retards ont un impact en termes d'image de l'administration. J'ai constaté à plusieurs reprises que ce point frappait les citoyens. Cela les frappe d'autant plus qu'en effet les dossiers peuvent encore remonter à l'année 2001. Encore qu'il faut savoir qu'il y a eu en 2005 de nouvelles taxations concernant 2001; ce n'est donc pas forcément toujours du retard. Le problème, c'est que, généralement, quand un dossier est bloqué sur un point précis, eh bien, les années qui suivent, il y a toujours la même querelle de doctrine, de sorte que le contribuable se trouve bel et bien avec une, deux, trois, quatre, puis cinq années de retard, ce qui n'est pas acceptable.

Les difficultés ont touché, Mme Grobet l'a signalé, les questions liées à l'immobilier et aux indépendants. Le cas le plus connu - je viens d'ailleurs de m'entretenir avec AgriGenève à ce sujet, il y a quelques jours - est celui des agriculteurs, pour qui les retards sont tout à fait conséquents pour diverses raisons, et les promoteurs... (L'orateur est interpellé.) Non, mais les promoteurs, effectivement, pour les mêmes raisons, finalement ! (Remarque.) Mais il y en a peu actuellement à Genève, de promoteurs...

Ceci est un peu plus général. Des mesures organisationnelles ont déjà été prises à l'immobilier en termes d'effectifs, d'organisation. Elles sont vraisemblablement encore insuffisantes. En ce qui concerne les indépendants, nous attendons avec une certaine impatience le rapport sans cesse repoussé de la commission d'évaluation des politiques publiques pour nous déterminer, parce que vous comprenez qu'il eût été un peu imprudent de prendre toute une série de mesures avant d'avoir ce rapport. La taxation, M. Marcet l'a dit, est donc question de qualité autant que de quantité.

Nous n'avons que peu de problèmes avec les retards pour les taxations simples. C'est dire que nous avons besoin de ce que l'on appelle les taxateurs 2, 3, 4, voire des experts fiscaux. Une des raisons qui a amené le retard que vous connaissez en ce qui concerne les agriculteurs, c'est que non seulement il n'y avait plus qu'une personne dans le département des finances qui savait faire ce travail, mais que, de l'autre côté, malheureusement, l'une des deux personnes qui, au niveau des fiduciaires, savaient effectuer ce travail connaissait de lourds problèmes de santé et a laissé énormément de déclarations non faites. C'est dire que tout ceci est fragile, sensible, et qu'il faut bien réfléchir.

Pour le moment, il n'y a pas besoin d'effectifs de taxateurs en plus. Il faudrait déjà que tous les postes soient repourvus en permanence, ce qui n'est pas le cas. C'est le premier levier sur lequel nous allons travailler. Nous devons nous positionner - M. Tanner et son administration doivent se positionner - sur les questions suivantes: est-ce qu'aujourd'hui l'organigramme, la procédure, le flux des taxations sont bien gérés ? Est-ce qu'il faut, comme plusieurs audits l'ont recommandé, cesser de taxer avec des services par lettres, mais en distinguant la nature des déclarations. Ce sont des questions que nous devons trancher, je dirai, dans les six mois.

Pour le contrôle, c'est un peu plus compliqué, parce qu'il y a plusieurs types de contrôles. La première chose, c'est le rôle, l'intégralité du rôle, qui est l'objectif stratégique de demain. Plus les frontières sont ouvertes, plus il est facile de se déplacer, plus il est difficile de déterminer si un contribuable vit à un endroit ou à un autre. Evidemment, il aura quelque avantage à déclarer qu'il vit dans un canton où la fiscalité est moins lourde, particulièrement s'il est fortuné. C'est un vrai souci au niveau basique et cela passe, estime le Conseil d'Etat, d'abord par un début de collaboration entre l'office cantonal de la population et le service des rôles au niveau de l'administration fiscale.

En outre, on en a parlé hier, ce service en particulier, comme l'office des poursuites et faillites, fonctionne encore avec passablement de personnes en occupation temporaire, alors qu'il faudrait maintenant peut-être un peu plus d'informaticiens, puisqu'il y a des possibilités de croiser des fichiers, ce qui nous donnerait de nouvelles potentialités. Derrière cela, et c'est à cela que vous faites référence, Monsieur Golay, il y avait, à la fois rattachés au service du rôle et aux contrôleurs fiscaux, de véritables enquêteurs, on pourrait presque utiliser le terme d'«inspecteurs». Il n'y en a plus qu'un... Ce qui est inquiétant, parce que, que font ces personnes ? Elles font des filatures. Elles se posent devant telle ou telle entreprise qui prétend ne rien gagner - prenons un garage, par exemple - et comptent les voitures qui entrent et qui sortent, et voient qu'il est peu probable que les résultats annoncés soient tout à fait exacts.

Effectivement, nous entendons reconstruire cette unité mais, là encore, la question des postes reste posée. Personne n'a parlé de ce qu'on appelle la vérification. C'est cela, au fond, notre problème ! Aujourd'hui, on ne sait pas toujours bien quelle est la part de vérification, qui est une amélioration de la taxation, et quelle est la part de système qualité, donc de contrôle interne. Pour cela, nous avons effectivement un directeur adjoint qui est chargé de repenser ces questions, qui est entré en fonction - nous l'espérions au 1er mars mais ce fut au 1er septembre - de sorte que nous allons travailler dur sur ces questions - d'autant plus que la personne en charge de ces services a été nommée aujourd'hui à la tête de l'administration fiscale du Tessin.

Nous allons donc devoir structurer de façon un peu nouvelle le service de la vérification. en lien avec le contrôle et le service du rôle. Soyons honnêtes, nous n'avons par pris toutes les déterminations. M. Tanner et son équipe demandent encore un délai pour étudier et choisir la bonne solution. On a reproché, ces derniers temps, au Conseil d'Etat de ne pas beaucoup s'occuper d'intendance... Alors, dans le domaine de l'administration fiscale, je vous assure que je suis prudent, c'est une administration qui est fragile: on ne peut pas, en réorganisation, travailler comme ça, à la hache, de sorte que nous prendrons le temps de réfléchir. Sur le fond, donc, il y a une volonté de taxer plus vite, mais encore faudrait-il que le contribuable renvoie sa déclaration avant la fin de l'année civile, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup, et aussi de contrôler, notamment de ne pas laisser un certain nombre de personnes s'installer à Genève, y vivre en permanence et prétendre résider dans d'autres cantons ou dans d'autres pays.

Pour terminer, que faut-il faire de cette motion, avec ses imperfections, mais aussi ses bonnes intentions ? Le plus raisonnable, me semble-t-il, est bel et bien de la renvoyer à la commission fiscale, afin que nous puissions, dans quelques mois, pas demain, mais dans quelques mois, vous faire un état des lieux et que vous vous prononciez à ce moment sur des recommandations travaillées, parce que je ne pense pas que c'est en plénière que l'on puisse faire de la dentelle avec cette motion. Ce sont tout de même des questions un peu organisationnelles, et cela donnera à la commission fiscale, notamment à ses nouveaux membres, l'occasion de mieux maîtriser les rouages de l'administration fiscale en termes de taxation, vérification, contrôle et service du rôle.

Voilà donc la détermination du Conseil d'Etat, mais, quoi qu'il en soit, quoi que vous décidiez, parce que le parlement est, bien sûr, libre de ses décisions, le Conseil d'Etat, tôt ou tard, présentera un rapport sur ces questions et fera le point, vraisemblablement d'ailleurs en lien avec les comptes 2006. Voilà, j'ai été un peu long, je m'en excuse, mais ces questions sont un peu fines, un peu délicates, et je vous invite donc à envisager avec sérénité un renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1662-I à la commission fiscale est rejeté par 41 non contre 32 oui et 1 abstention.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement, il s'agit d'une nouvelle invite, je crois que vous l'avez toutes et tous reçue... (La présidente est interpellée.) Vous ne l'avez pas reçue ? Je vais vous la lire. La voici: «... à compenser les dettes fiscales des députés avec leurs jetons de présence.» (Brouhaha.)

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 31 oui contre 26 non et 17 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1662-I ainsi amendée est rejetée par 53 non contre 19 oui.

M 1664
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Henry Rappaz, Claude Jeanneret : Faire respecter la loi relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux (LPAC), du 4 décembre 1997

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Cela va être très intéressant, au vu de ce qui vient de se passer, puisque, comme tout le monde le sait, comme la population le sait, nous sommes tous très respectueux des lois. Eh bien, la loi B 5 05 article 15, alinéa 1, est très claire en matière d'engagement de fonctionnaires par rapport à leur lieu de résidence ! Il faut bien comprendre l'esprit de cette motion du Mouvement Citoyens Genevois. Elle ne vise pas tellement le résident genevois qui aurait un problème de logement et qui trouverait hospitalité de l'autre côté de la frontière, parce que cela, ça peut se comprendre et ce serait humainement acceptable, bien que la loi l'interdise et que les exceptions... (Commentaires.) ... soient extrêmement claires. Mais cela induit un effet miroir, c'est-à-dire que les gens qui habitaient à l'étranger peuvent venir travailler à l'Etat, et c'est en fait ce qui est en train de se passer.

Nous avons un problème, nous, au Mouvement Citoyens Genevois, puisque, comme vous l'avez vu, nous avons hier déposé une motion pour faire une force d'intervention - ou une Task Force, Monsieur Weiss - pour aider nos chômeurs à retrouver un emploi au plus vite, motion qui a été balayée par ce Grand Conseil, à notre grand regret et, je pense, au grand regret des 17 000 chômeurs et des plus de 20 000 demandeurs d'emploi de notre canton.

Mais alors, ce qui est paradoxal, c'est que cette loi devrait être appliquée, et qu'elle ne l'est pas. Et le débat sera très intéressant pour nous, Mesdames et Messieurs, et pour la population, parce que cette motion invite le Conseil d'Etat à faire respecter la loi. Quel message allons-nous envoyer à nos concitoyens ? Allons-nous leur dire: «Non, nous n'envoyons pas cette motion au Conseil d'Etat et qu'il continue à violer la loi !» Ou est-ce que nous allons dire: «Oui, nous, parlement, sommes respectueux des lois et nous entendons qu'elles soient respectées, nous allons demander au Conseil d'Etat de la faire respecter.» Quel message allons-nous, chers collègues, envoyer ce soir à nos concitoyens ? Violer la loi ? Ou respecter la loi ? Parce que c'est le fond de cette motion, Mesdames et Messieurs, Madame la présidente.

Partant de ce principe-là, pour les raisons et les motifs exposés, et par respect pour nos concitoyens à qui nous demandons de respecter la loi - faute de quoi ils sont punis - nous vous demandons de voter cette motion.

M. Sébastien Brunny (MCG). Comme vous le savez sûrement, Genève a toujours su travailler de connivence avec ses voisins limitrophes. Le labeur de ces gens venant de contrées différentes a permis de conférer à Genève le rayonnement culturel et international qu'on lui connaît. Malheureusement, cette histoire d'amour, qui aurait dû perdurer, à commencé à péricliter. En effet, l'équilibre judicieux qu'on maintenait avec un apport équitable de travailleurs frontaliers a été complètement chamboulé avec l'avènement des bilatérales. Ces dernières ont eu une incidence directe sur le marché du travail genevois, générant une concurrence perfide ainsi qu'un dumping salarial...

Une voix. C'est pas vrai !

M. Sébastien Brunny. ... ces changements ont entraîné une tension palpable sur le marché de l'emploi, autrefois serein. Il serait réducteur d'émettre un jugement négatif à l'égard du groupe MCG, car nous désirons en premier lieu protéger et défendre les intérêts des résidents et résidentes genevois.

Je tenais également à vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que plus de 50% de notre population genevoise sont composés d'étrangers venant de tous les horizons. Pour conclure, il est vital que notre Etat de droit fasse appliquer de manière rigoureuse et surtout effective la loi relative au personnel de l'administration cantonale et des établissements publics médicaux, ceci afin de limiter la casse sur un marché de l'emploi devenu très tendu.

Pour conclure, et conformément à l'Etat de droit qui est le nôtre, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir la présente motion.

M. Alberto Velasco (S). Permettez-moi de faire une petite digression, Madame la présidente, sur le point antérieur. J'ai trouvé que les moyens qui ont été employés par une certaine majorité pour détruire une motion et empêcher que le vote démocratique se fasse comme il faut étaient assez regrettables. En effet, nous avons introduit un amendement à cette motion, qui détruit le vote, et cela, vis-à-vis d'un groupe, c'est inadmissible. Je trouve que, dans la pratique des institutions, c'est bien «normal»... (Applaudissements.) Cela dit, Madame la présidente, cela a empêché le groupe socialiste de pouvoir appuyer la motion, entre autres. Et ça, ce n'est pas normal, vous devez respecter les opinions des groupes... (Remarques. Applaudissements.) ... et ne pas utiliser des subterfuges antidémocratiques. Avoir la majorité, cela ne veut pas dire empêcher la minorité de faire son travail ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Madame la présidente, je vais m'exprimer maintenant sur la motion 1664. Vous savez qu'en commission ad hoc l'UDC a présenté un projet de loi pour, justement, permettre aux fonctionnaires de ce canton d'être domiciliés en France voisine. Nous, les socialistes, n'avons pas appuyé le projet UDC et nous en avons expliqué les raisons. Effectivement, nous comprenions que quand on est employé de l'Etat il est juste que les citoyens soient près, le plus près possible, des administrés, et c'est pour cette raison que la moindre des choses, puisqu'on est fonctionnaire de l'Etat, c'est de cohabiter avec ses contribuables directs.

Monsieur Stauffer, vous savez, dans les motions, il y a les considérants, l'invite et l'exposé des motifs. Et quand on vote une motion, on la vote totalement ! Or votre motion, telle qu'elle nous est présentée, nous ne pouvons pas la voter. Le respect de la loi B 5 05, je crois que, dans ce parlement, tous les députés ne peuvent que l'accepter... Quel député, ici, est contre le fait que l'on respecte une loi de la République ? Il n'y en a aucun. Aucun ! Par contre, quand vous liez ce respect au fait qu'il y a 50 000 frontaliers dans ce canton, vous commettez un abus de pouvoir ou vous usez d'un subterfuge, et je peux vous faire la même critique que j'ai émise tout à l'heure.

Vous n'avez pas le droit de faire cela... Et si j'avais même une intention minime de soutenir votre motion, eh bien, je ne l'ai plus ! Non, on ne peut pas lier, Monsieur Stauffer, le fait que l'Hôpital veuille employer des frontaliers à des missions de l'Etat au respect de la B 5 05. Même si je ne suis pas d'accord, il se peut que le Conseil d'Etat, pour des raisons de gestion, pour des raisons de nécessité de personnel, pour des nécessités de formation, de qualification, etc. estime qu'il a besoin d'employer ces personnes. Je peux vous dire, Monsieur Stauffer, que l'Etat de Genève a utilisé la formation - je dis bien «la formation» - des infirmières françaises, que l'Etat français a payées pendant des années.

Je me souviens bien que, quand j'allais aux commissions franco-genevoises, on me disait justement que la région avait besoin de ces infirmières et qu'elles étaient attirées à l'Hôpital de Genève. Mais ces infirmières ont été financées par le Trésor français et elles sont venues, ensuite, prêter service à Genève, parce que l'Etat de Genève, l'Hôpital, considérait qu'il n'avait pas les moyens d'engager des personnes à Genève et a fait appel à ces personnes ! Nous devons remercier la France voisine. Je remercie l'Etat français et la France voisine pour ce personnel.

Mais je veux aller plus loin: j'ai assisté à ces commissions franco-genevoises, et les Français se plaignaient que les apprentis que l'on forme aujourd'hui dans la vallée de l'Arve, les décolleteurs, les mécaniciens, sont précisément attirés dans notre canton. Et les entrepreneurs, les entreprises de la vallée de l'Arve se plaignaient justement, parce qu'elles formaient des apprentis et que c'est l'Etat de Genève qui en profitait ensuite, sans avoir participé à la formation et sans permettre que ces jeunes Français puisse faire un apprentissage dans notre canton ! C'est la vérité: les jeunes Français ne peuvent pas faire un apprentissage dans notre canton: par contre, les entreprises peuvent les embaucher. Voyez-vous, il y a à boire et à manger dans tout ! Voilà.

La position du parti socialiste est la suivante: nous sommes effectivement...

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le député !

M. Alberto Velasco. Je vais conclure, Madame la présidente ! Je donne la position du PS, Madame ! La position est la suivante: nous sommes pour que les fonctionnaires résident dans le canton, nous sommes pour le respect de la B 5 05. Par contre, nous ne sommes pas pour une discrimination envers les frontaliers. Et nous refusons la motion.

M. Olivier Jornot (L). Je voudrais tout d'abord dire que je ne suis pas loin de partager ce que M. Velasco a dit tout à l'heure à propos de ce qu'il convient de faire ou pas avec les amendements. C'est vrai que lorsque l'on présente une liste commune à une élection populaire, entre alliés on ne se fait pas des coups pareils, à moins que, par respect de la volonté populaire, ce soit l'inverse qui doive être juste.

Pour revenir à l'objet qui nous occupe, il s'agit d'obtenir par voie de motion le respect de l'article 15 de la loi sur le personnel de l'administration. C'est un débat qui est totalement anachronique, puisque, comme vous le savez, ce Grand Conseil a été saisi d'un projet de loi par le biais de la commission ad hoc sur le personnel de l'Etat. Ce projet de loi a d'ailleurs été déposé par vos alliés pour l'élection populaire en question. Il s'agit du projet de loi 9116 qui a été voté et qui supprime purement et simplement l'article 15 de la loi sur le personnel, qui supprime complètement l'obligation de résidence et qui rend donc complètement surréaliste le débat que nous avons aujourd'hui à propos du respect de cette proposition.

C'est au point 91 de l'ordre du jour que nous aurons à traiter de cet objet et que le Grand Conseil pourra donc se prononcer non pas sur les moyens de faire respecter cet article, mais simplement sur la question de savoir si cet article doit toujours exister. Il est vrai que la question de l'obligation de résidence a beaucoup évolué. Autrefois, le représentant de l'Etat était vraiment une parcelle de l'autorité de l'Etat et, par conséquent, ce «morceau» de l'Etat ne pouvait pas se trouver dans un autre Etat, si vous me passez ce résumé.

Aujourd'hui, avec l'augmentation de la mobilité, avec les difficultés à se loger qu'éprouve tout simplement tout le monde et avec les frontières qui s'estompent, notamment par le biais des accords bilatéraux, la question de l'obligation de résidence n'a tout simplement aucun sens. Elle a d'autant moins de sens que, comme on l'a rappelé tout à l'heure, il y a des secteurs dans lesquels on ne pourrait tout simplement pas fonctionner si l'on appliquait l'obligation de résidence. Lorsqu'on constate que 60% des infirmières de nos hôpitaux habitent de l'autre côté de la frontière, on se rend compte que ce débat sur l'emploi et sur ceux d'ici qui sont bien meilleurs que ceux d'ailleurs n'a tout simplement aucun sens. Nous avons besoin de cette main-d'oeuvre et nous avons besoin de prendre compte des réalités du temps, tout simplement.

La seule raison qui subsiste aujourd'hui et qui fait que l'on peut encore vouloir maintenir une obligation de résidence, c'est, comment dirais-je, l'intérêt fiscal, alors même que le Tribunal fédéral a exprimé à réitérées reprises que l'intérêt fiscal ne pouvait pas fonder une obligation de résidence. Bien entendu, lorsque nous aborderons le point 91 de l'ordre du jour, nous constaterons que les fronts ne sont pas forcément ceux qui se dessinent ce soir. En effet, en tout cas en commission, les représentants de la gauche ont voté contre cette amélioration de la situation de la fonction publique, voulant que le fonctionnaire reste attaché à son lieu de séjour... (L'orateur est interpellé.) ... comme le serf à sa glèbe, et en effet, Mesdames et Messieurs, pourquoi est-ce que la gauche soutient cette position ? Simplement parce qu'elle a le sentiment que chaque fois que l'on enlève une disposition du statut, même si cette disposition est totalement...

La présidente. Monsieur le député, sur la motion, s'il vous plaît !

M. Olivier Jornot. J'en viens à la motion, Madame la présidente, mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est impossible de traiter le respect d'une disposition alors que ce Grand Conseil s'apprête à l'abroger. Nous verrons en effet au point 91 de l'ordre du jour ce qu'il y a lieu de penser du fond. Il en résulte donc la conséquence, s'agissant de la motion qu'il faut traiter aujourd'hui, qu'elle est en effet anachronique, qu'elle va à l'encontre des intérêts de Genève et de sa population, qui a besoin précisément des prestations qui sont fournies par les personnes visées par la motion. Il y a lieu par conséquent de la rejeter.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Je ne vais pas répéter ce qu'a dit M. Jornot...

Des voix. Non !

M. Guillaume Barazzone. ... mais pour le PDC, la position est claire: c'est niet à votre motion pour deux raisons. La première, c'est qu'elle est démagogique: on essaie de faire croire à ce parlement que le taux de chômage va être résorbé en donnant plus de travail aux résidents genevois, on sait pourtant que, comme le disait M. Jornot, les 60% du personnel infirmier viennent de France voisine, que le critère prédominant qui doit peser sur la marché du travail, c'est la compétence, et qu'éventuellement, à compétence égale, on peut envisager d'engager un Suisse. Je crois que les autorités et l'Etat s'efforcent de le faire. Mais quand il s'agit des compétences, je crois qu'il faut absolument qu'on prenne les meilleurs pour les postes qui sont à repourvoir.

Venons-en à cette motion, au-delà de la question démagogique et des raccourcis que vous faites en matière de chômage. Vous parlez de droit et de l'application du droit. Vous avez raison, cette disposition est en vigueur, mais ce que vous ne dites pas, c'est que la jurisprudence est telle que, la plupart du temps, quand un futur fonctionnaire demande une dérogation et ne l'obtient pas du Conseil d'Etat, en règle générale, les tribunaux se chargent de la lui octroyer. Un certain nombre de principes juridiques et d'accords bilatéraux ou de nouvelles lois entrés en vigueur après la loi dont nous parlons, ont permis, justement, à ces fonctionnaires, d'obtenir le droit d'habiter loin de leur domicile... (Exclamations.) Pardon, loin de leur lieu de travail !

Concernant la pertinence du projet de loi de l'UDC - qu'on aurait finalement pu traiter avec cette motion - je crois qu'il est très important d'abroger cette disposition légale tout en tenant compte de la complexité de la fonction publique. Il est vrai qu'un certain nombre de fonctions doivent absolument être assumées par des gens qui habitent près de leur lieu de travail. Je pense notamment aux policiers ou aux assistants sociaux, qui doivent connaître le terrain, ou par exemple à des médecins de garde qui travaillent aux urgences. On peut imaginer d'obliger éventuellement ces gens par voie contractuelle à habiter à une distance raisonnable de leur lieu de travail, mais je ne crois pas que c'est avec cette motion-là qu'on arrivera à résorber le chômage ou à régler le problème des fonctionnaires et de la fonction publique.

Vous démontrez encore une fois, Monsieur Stauffer, avec votre parti, votre incapacité à comprendre ce que «région genevoise» veut dire: vous envisagez notre bassin de population et notre bassin d'entreprises et de travail comme étant confinés au canton de Genève; je crois qu'il faut envisager la région de manière beaucoup plus large. Le Conseil d'Etat l'a bien compris, et c'est à lui que le PDC fait confiance en la matière.

M. Eric Stauffer (MCG). Encore une fois, le Mouvement Citoyens Genevois ne peut être que désolé d'entendre ces propos d'un député qui préjuge par avance du vote que ce Grand Conseil ferait, puisqu'il parle du point 91 à l'ordre du jour, Madame la présidente. Donc, force est de constater qu'aujourd'hui la loi est violée et que, face à cette habitude qui... (Protestations.) ... a été prise, le point 91 de l'ordre du jour ne fera que rétablir ce qui est fait usuellement pour la bonne gouvernance. Eh bien, ce n'est pas tolérable, Mesdames et Messieurs les députés, parce que si nous votons ici des lois et que nous ne les appliquons pas à l'extérieur, encore une fois, le message que nous envoyons à nos concitoyens n'est pas satisfaisant !

Certaines choses ont été dites ici, comme concernant les infirmières, mais je crois, encore une fois, que vous ne connaissez pas très bien vos dossiers. Quand on parle de l'Etat, on ne parle pas des institutions publiques autonomes comme les HUG... (Protestations.) Alors, quand vous dites, Mesdames et Messieurs, qu'il y a une pénurie d'infirmières, c'est vrai, cette pénurie existe depuis vingt ans... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... mais moi je vous pose la question d'une manière très respectueuse: est-ce que, depuis vingt ans, ce Grand Conseil n'aurait pas pu se saisir du problème de la formation ! Puisque cela fait vingt ans qu'on a ce problème ! On aurait peut-être pu le régler en amont, mais, évidemment, cela ne vous intéressait pas...

Ensuite, vous dites que, dans certains départements, des mesures cantonales sont appliquées. Eh bien oui, mais alors, ce qui est incroyable, Mesdames et Messieurs les députés, et il faut le dire clairement, c'est que des chômeurs vont bénéficier de mesures cantonales dans un département, après douze mois; ils seront licenciés, ce qui va leur rouvrir un droit aux indemnités chômage; et puis, en parallèle, certains de leurs collègues - qui venaient, je ne sais pas, de Bruxelles, de Marseille, de Madrid - qui habitent en France voisine ont, eux, obtenu un contrat fixe.

Une voix. Et alors ?

M. Eric Stauffer. Eh bien cela, ce n'est pas tolérable !

Une voix. Si !

M. Eric Stauffer. Mais, Mesdames et Messieurs les députés... (Protestations. La présidente agite la cloche.) ... vous êtes élus députés de la République et canton de Genève, vous n'êtes pas élus députés de la région franco-valdo-genevoise !

La présidente. Monsieur le député, vous vous adressez à la présidente ! Il me semble que cela serait une bonne idée...

M. Eric Stauffer. Cela me paraît effectivement bien. Ensuite, ce qui me désole, et vraiment il faut que le public le sache, c'est l'UDC qui dépose ce projet qui sera au point 91 de l'ordre du jour ! L'UDC qui joue la carte de la protection de la population... Je ne comprends pas ce projet de loi !

La présidente. Monsieur le député, nous ne sommes pas au point 91 de notre ordre du jour: nous sommes au point 33 et je souhaiterais que nous avancions dans nos débats. Je vous remercie.

M. Eric Stauffer. Oui, Madame la présidente, mais je tiens quand même à dire que c'est peut-être dû au fait qu'il y a deux députés frontaliers à l'UDC... (Exclamations. Brouhaha.)

La présidente. Monsieur le député, vous vous concentrez sur votre motion, votre temps de parole va prendre fin... (Exclamations.)

M. Eric Stauffer. Bien sûr ! J'aimerais juste un peu de silence, Madame la présidente, si c'est possible !

Une voix. Des noms, des noms ! (Chahut. La présidente agite la cloche.)

M. Eric Stauffer. Alors, Madame la présidente, aujourd'hui, en conclusion... J'aimerais pouvoir conclure, parce que mon temps de parole n'est pas écoulé,... (Protestations.) ... je n'ai pu parler quatre minutes et trente secondes jusqu'à maintenant ! C'est à cause du bruit, je dois à chaque fois m'interrompre, Madame la présidente, et j'en suis désolé.

Des voix. Oh !

M. Eric Stauffer. Alors, Madame la présidente, en conclusion, voilà ce que j'aimerais dire: chaque fois que le MCG aborde un sujet important, ce n'est pas le bon moyen, les invites ne sont pas les bonnes... (Exclamations.) C'est à se demander, Madame la présidente, si le MCG est le seul à prendre conscience de ce qui se passe. Nous, ce que nous demandons, c'est qu'à l'Etat, à l'administration - et, encore une fois, nous faisons abstraction des fortes valeurs ajoutées dans des spécialisations pour lesquelles on ne trouverait pas les compétences ici - mais dans l'administration, Madame la présidente, nous pensons que parmi les 17 000 chômeurs on va trouver une réceptionniste, une secrétaire, une assistante de direction compétentes. C'est cela que nous voulons défendre, Madame la présidente !

Et aujourd'hui, c'est un constat que nous devons partager avec nos concitoyens, la loi est violée ! La loi B 5 05, article 15, est violée aujourd'hui ! Il faut que les gens le sachent, et il faut aussi qu'ils sachent que certains partis ont rédigé un nouveau projet de loi pour pouvoir, simplement, comme l'a dit mon collègue Jornot, annuler cette disposition, ce qui ouvrira l'Etat, l'Etat civil, dans vos communes, où vous allez faire votre passeport, à n'importe quel Européen ! Et cela, au Mouvement Citoyens Genevois, nous ne pouvons pas l'accepter. Nous voulons protéger les résidents genevois, aussi pour des problèmes fiscaux, puisque vous savez qu'avec la péréquation, Madame la présidente, ce sont 40% de la manne fiscale qui sont reversés à la France. Et le conseiller d'Etat David Hiler l'a dit: c'est un problème au niveau des finances genevoises. (Brouhaha.)

Pour toutes ces bonnes raisons, Madame la présidente, j'invite mes collègues à voter la présente motion pour donner le bon signal. Sinon, cela voudra dire que nos concitoyens ne sont plus obligés de respecter les lois, parce que le parlement ne les respecte pas.

La présidente. Je crois que nous avons bien compris quelles sont vos convictions, vous avez eu plusieurs fois l'occasion de les répéter, et je crois qu'il faut laisser aussi le temps de parole aux autres.

M. Roger Golay (MCG). S'il y a un sujet que je connais bien, c'est le statut de la fonction publique. J'ai eu l'occasion de participer à la commission de travail sur la B 5 05 et sur tous les effets que l'on connaît aujourd'hui, puisqu'il en est ressorti en 1997 une loi qui était tout à fait raisonnable. Alors, il y a quelque chose de vraiment paradoxal aujourd'hui, en particulier de la part de la droite: tout d'un coup, il faut tout libéraliser, il faut permettre aux fonctionnaires genevois de s'établir en France et vice-versa... C'est déjà le cas depuis bien des années, pour le côté français. Et les principaux arguments de vos milieux, c'était surtout de ne pas laisser aller les fonctionnaires genevois de l'autre côté parce qu'il fallait que le fonctionnaire qui était dans l'administration cantonale soit imprégné de la mentalité genevoise. Il y avait également la question fiscale, et aussi la question de résidence, pour qu'il puisse intervenir le plus rapidement possible sur le canton en cas de nécessité. Autant de sujets qui faisaient qu'à l'époque, lorsque le cartel demandait justement de pouvoir étendre à l'ensemble de la fonction publique un droit de résidence à l'extérieur des frontières genevoises, vous aviez refusé . Aujourd'hui, c'est totalement le contraire ! Depuis qu'il y a les bilatérales, tout d'un coup vous avez changé d'avis et, maintenant, pour une question économique, il faut engager un maximum de frontaliers, aussi bien dans le milieu économique privé que dans l'administration cantonale. Tout d'un coup, cela s'est modifié comme par enchantement, comme Merlin l'Enchanteur avec sa baguette magique: on change les choses et on y va ! OK. (Brouhaha.)

Simplement, aujourd'hui, on ne peut constater qu'une seule chose. Au niveau de la B 5 05, un de vos collègues du groupe démocrate-chrétien a évoqué la police. La police... ce sont encore peut-être les seuls fonctionnaires, aujourd'hui, qui peuvent aller habiter en France. Dans la loi sur la police, il n'y a rien de prévu au niveau du lieu de résidence - aussi bizarre que cela puisse paraître, cela n'a pas été prévu. En revanche, tout le restant des membres de l'administration ne peut toujours pas habiter au-delà des frontières. Vous voulez maintenant libéraliser la chose, mais il faut savoir aussi... Il faut tenir compte du fait qu'aujourd'hui il est moins intéressant pour l'ensemble de la fonction publique d'aller s'établir de l'autre côté, parce que les prix ont grimpé et le coût de la vie n'est plus le même. Maintenant, vous leur ouvrez la frontière - le projet, du moins, puisqu'on n'a pas encore décidé... Vous ouvrez les frontières à des gens alors qu'ils n'auront peut-être plus les moyens, les possibilités, de s'établir comme cela aurait pu être le cas à l'époque; en revanche, vous avez toléré dans l'autre sens, France-Suisse, que des milliers de fonctionnaires, employés de l'administration, viennent travailler avec des permis G à Genève. Alors, pour une question de solidarité - parce qu'on disait à l'époque qu'il y avait du chômage en France et qu'à Genève on manquait de personnes dans les milieux hospitaliers et dans d'autres milieux de l'administration, par exemple dans l'informatique notamment - on a permis à des milliers de personnes de venir s'établir à Genève, notamment à des centaines de personnes qui sont entrées dans l'administration cantonale.

Si je reviens à la B 5 05, c'est vrai que, comme vous l'avez dit, ce sujet va certainement être modifié. Mais au niveau de la solidarité, quand nous disons: «Donnons la priorité aux résidents genevois !», il faut savoir quels sont les différents taux de chômage. Je vais vous donner des chiffres. D'abord, je vais commencer par Genève même, ce sera plus intéressant. On a un taux de chômage de 6,9%, et c'est un taux saisonnier, on sait très bien qu'après l'été il va augmenter. Le taux national est de 3,1%. En France, il y a 9% de taux de chômage. Dans l'Ain, c'est 5,7% - par rapport au taux national ! En Haute-Savoie, on arrive à 6,1%. Ces deux départements ont un taux de chômage inférieur à celui de Genève. Donc, renversons maintenant un peu la solidarité dans notre sens et privilégions les chômeurs genevois pour qu'ils puissent trouver un emploi dans l'administration cantonale !

Il n'est pas admissible qu'aujourd'hui on aille chercher des Eurofrontaliers à Marseille - pour prendre des places de réceptionnistes - alors qu'il y a tant de mères de famille qui ont lâché leur travail pendant dix ans pour se consacrer à l'éducation de leurs enfants. Depuis leur formation au niveau commercial, elles ont perdu un bout de terrain, mais elles pourraient occuper ces postes ! Non, on privilégie toujours d'embauche d'un pourcentage de personnes venant d'au-delà de nos frontières pour ce genre de places... Je le regrette ! C'est vrai que la loi va changer, mais, pour l'instant, cette loi est toujours d'actualité, jusqu'à ce que ce projet passe éventuellement le cap du parlement et qu'il soit accepté.

Aujourd'hui, on a un taux de chômage. Jusqu'à ce changement de loi, le Mouvement Citoyens Genevois estime qu'il est encore temps d'octroyer, au niveau de nos départements, quelques places à des personnes qui sont résidentes à Genève. C'est tout ce qu'on veut aussi dans l'esprit de cette motion. Donc, on vous invite à la soutenir. Ensuite, on verra, lorsque le projet de loi aura peut-être été accepté par le parlement, pour ouvrir alors les frontières dans tous les sens. Mais n'oubliez pas une chose: un principe, c'est un peu comme une écluse. Il faut attendre un peu que tout le monde soit à niveau avant d'ouvrir les vannes, autrement c'est des vagues dans tous les sens. Et c'est ce que vous êtes en train de proposer aujourd'hui, parce qu'on n'a pas encore résolu le problème du chômage, et on a un taux d'attractivité à Genève qui est nettement supérieur à celui de bien des régions françaises. Alors, prenons garde, afin de ne pas, précisément, empêcher tous les jeunes qui sont en train de sortir des écoles de commerce, d'apprentissage, ou autres dans des professions manuelles, de trouver des places de travail. Aujourd'hui, je vous invite vraiment à penser à ces gens-là, à ces jeunes qui sont sans emploi à leur sortie d'école. Je vous invite à leur offrir une formation adéquate mais aussi une occupation dans des services de l'Etat pour qu'ils puissent vivre décemment. (Applaudissements.)

La présidente. Croyez bien, chers Collègues, que tout est minuté: mes voisins veillent au grain et il n'y a pas de dépassement de temps de parole. Sont encore inscrits: M. Catelain, M. Jeannerat, Mme Künzler, M. Stauffer... (Protestations.) ... et ensuite, M. Hiler. La liste est close, bien sûr.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je tâcherai de ne pas être trop long, puisque mes prédécesseurs ont déjà dit beaucoup de choses. Effectivement, cette motion 1664 déposée par le MCG est le contre-pied du projet de loi 9116 voté par la commission ad hoc. Il s'agit donc d'une motion de barrage qui vise à contrer un projet de loi accepté par la commission et qui sera traité par ce Grand Conseil prochainement... Je reviens sur un point: M. Stauffer, au moins à deux reprises, a pris ce parlement à témoin du fait qu'il ne respectait pas la loi et que c'était une incitation pour l'ensemble des citoyens de ce canton à faire de même. Ce qu'oublie le MCG - M. Stauffer, et pas seulement lui, puisqu'il y a également un représentant du MCG à la commission ad hoc - c'est que la loi B 5 05, qui est relativement vieille, ne respecte tout simplement pas le droit supérieur qui est la Constitution fédérale. Et la moindre des choses, c'est de se mettre en conformité avec la loi fédérale ! C'est pourquoi l'UDC ne peut pas soutenir un projet de motion qui va à l'encontre du droit supérieur et, donc, de la jurisprudence du Tribunal fédéral, dont les commissaires ont eu toutes les références en commission.

Le département des finances nous a donné la liste complète des arrêtés du Tribunal fédéral, qui milite pour abroger l'article 15 de la loi B 5 05. (Commentaires. Brouhaha.) Depuis l'introduction de la loi B 5 05, il faut aussi prendre en considération que le peuple suisse, et le peuple genevois en particulier, a accepté les accords bilatéraux. On peut le regretter ! C'est votre droit de regretter que le peuple ait accepté les accords bilatéraux, mais c'est une volonté populaire. Et la moindre des choses, c'est que, dans l'esprit, nous respections cette volonté populaire exprimée par le peuple.

En résumé, ce parlement ne viole pas la loi. Le Conseil d'Etat ne viole pas la loi lorsqu'il accorde des dérogations, il se met simplement en conformité avec le droit supérieur.

Cela étant, j'aimerais aussi rappeler que la Suisse est, par définition, un Etat libéral. La Constitution de ce pays, l'essence même de ce pays est fondée sur les libertés individuelles, sur la défense des libertés individuelles. Et la liberté d'établissement est une liberté fondamentale que le Tribunal fédéral a martelée à de multiples reprises... (Commentaires. Brouhaha.)

Je regrette aussi que le motionnaire ne se soit focalisé que sur la loi B 5 05, puisque, comme l'a dit M. Golay, la loi sur la police ne prévoit pas cette obligation de résider. Il aurait donc été plus logique que le MCG nous propose de modifier et la B 5 05 et la loi sur la police. Je ne comprends pas cette incohérence... Il y aurait deux catégories de fonctionnaires: ceux qui sont habilités à maintenir l'ordre, et qui devraient justement s'insérer dans le tissu social, ne sont pas obligés de résider sur le canton de Genève. Cela, on le trouve tout à fait normal... Mais de l'autre côté, là où il n'y a aucune conséquence pour le canton, on oblige les gens à y résider. Il y a donc vraiment une incohérence.

Concernant le taux de chômage, je crois qu'on ne peut pas faire de parallèle entre taux de chômage et obligation de domicile. Par contre, on peut, à juste titre, remarquer que dans les départements voisins, là où le chômage est moins bien traité socialement, les gens font effectivement preuve de davantage de mobilité. Je rappelle aussi qu'il n'y a pas besoin d'avoir une obligation de domicile pour recruter du personnel - d'ailleurs, même la police genevoise éprouve toujours des difficultés à recruter du personnel, elle ne parvient pas à remplir ses effectifs alors qu'elle dispose sur place d'un nombre important de travailleurs potentiels, qui pourraient embrasser cette profession.

J'aimerais encore souligner que les responsables des ressources humaines, y compris l'ancien chef de la police genevoise, se sont déclarés favorables à la suppression de l'obligation de domicile et ont même affirmé que cette obligation de domicile était une entrave à la pratique d'une réelle politique du personnel au sein de la fonction publique.

Pour tous ces motifs, je vous propose de refuser la motion 1664.

M. Jacques Jeannerat (R). Je ne vais pas répéter les propos de MM. Barazzone et Jornot, dont je partage l'avis, mais juste apporter un ou deux compléments. En effet, si certaines dispositions relatives aux employés de l'Etat, notamment concernant le lieu de domicile, ne sont pas complètement respectées, c'est peut-être aussi à cause de la politique d'aménagement du territoire qui est menée dans ce canton sous la pression de milieux qui veulent parfois abusivement sauvegarder l'environnement et refusent de déclasser... (Protestations.) ... ne serait-ce qu'une toute petite parcelle de la zone agricole pour y construire du logement. Sans cela, il serait peut-être plus facile de respecter certaines règles.

Ceci dit, vous parlez du chômage, alors parlons justement du taux de chômage. Vous savez comment est calculé le taux de chômage: c'est le nombre de demandeurs d'emploi divisé par le nombre d'actifs travailleurs dans un canton. Pour toute la Suisse, c'est comme cela. Alors, on arrive à un taux de chômage de près de 7% pour Genève, mais on oublie d'y ajouter les 80 000 Français ou Vaudois et le calcul est faux. En réalité, si on voulait le comparer le véritable taux de chômage de Genève à celui des autres régions de Suisse, excepté peut-être les régions frontalières de Bâle ou de Chiasso, eh bien, on serait largement à 1,5% en dessous...

M. Roger Deneys. Explique cela à Kunz, il n'a pas compris !

M. Jacques Jeannerat. Essayez de vous amuser à comparer le taux de chômage d'autres régions de Suisse similaires à Genève. Si vous prenez la ville de Lausanne et les communes urbaines qui sont autour, le taux de chômage est exactement le même qu'à Genève, n'est-ce pas ? On est un canton-ville et on subit le fait que le taux de chômage est plus fort dans les zones urbaines. C'est une chose importante.

Maintenant, votre motion, c'est un peu un méli-mélo, Monsieur Stauffer. Vous ne voulez pas parler du personnel médical, alors que le titre de la motion parle précisément du personnel hospitalier, puis vous mélangez le secteur privé et le secteur public... Monsieur Golay, si les entrepreneurs de ce canton, tous secteurs économiques confondus, vont chercher leurs collaborateurs de l'autre côté de la frontière alors qu'il y a un certain nombre de demandeurs d'emploi à Genève, c'est que les gens qui sont en recherche d'emploi ne correspondent peut-être pas aux besoins des entreprises, en raison de leurs compétences, de leur formation ou de leurs expériences professionnelles. Je vous défie, Monsieur Golay, de trouver un boucher ou une fleuriste à Genève... Il y a, par exemple, pénurie totale dans ces deux professions. Donc, les gens qui exploitent des entreprises dans ces deux secteurs sont obligés d'aller chercher les collaborateurs de l'autre côté de la frontière.

Et puis, quel que soit le secteur où les gens travaillent, qu'il s'agisse du secteur public, des établissements médicaux, ou du secteur privé, que les gens soient suisses ou français, quand ils habitent de l'autre côté de la frontière, les règles de citoyenneté sont quand même observées, parce que tous paient une bonne partie de leurs impôts sur le lieu du travail pour le canton de Genève.

Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais déjà réagir aux propos de M. Jeannerat. J'aimerais rappeler ici, une fois pour toutes, que les Verts ont voté tous les déclassements de ces dernières années et qu'il faut cesser d'entretenir des fables à ce sujet. Nous voulons un développement. Si certaines personnes ne veulent pas de développement à Genève, c'est peut-être plutôt dans les rangs de droite qu'il faut les chercher, ils veulent toujours minimiser...

Une voix. Merci, merci... (Rires.)

Mme Michèle Künzler. Les communaux d'Ambilly sont un exemple flagrant... (Applaudissements.) Par ailleurs, on parle d'une motion qui voudrait, au fond, empêcher le chômage et qui propose surtout de licencier des gens. Alors, je ne comprends pas très bien ! En principe, quand on licencie, cela favorise plutôt le chômage. De plus, vous affirmez sans preuve que l'Etat engage à tour de bras des frontaliers: vous n'en savez rien ! Dans le rapport sur le point 91, que je vous conseille de lire, on lit qu'il y a eu chaque année une centaine ou 170 dérogations: en tout, durant les cinq dernières années, 500 dérogations ont été accordées. Je ne pense pas que cela crée un problème.

Par contre, ce qui crée un problème, c'est la tension que vous générez dans la région en soulevant des problématiques, de façon que les gens d'un bord et de l'autre se sentent agressés: les frontaliers français se sentent agressés par vos attitudes; les chômeurs d'ici se sentent aussi agressés par les propos tenus par M. Jeannerat. Et on commence aussi à en avoir assez d'entendre sans arrêt que les gens d'ici ne sont pas qualifiés, qu'ils sont trop nuls pour être engagés ! Non, ce n'est pas vrai ! (Protestations.) Il y a simplement des situations qui sont difficiles et peut-être que les professions proposées ne sont pas forcément adéquates... (Commentaires. Rires. La présidente agite la cloche.) ... pour les professions actuellement recherchées... (Brouhaha.) ... et les conditions qu'on demande ne sont pas adéquates pour tout le monde. Parce qu'on doit aussi parfois rechercher des gens de manière très dure, et les gens qui ont été licenciés actuellement, certains chômeurs que vous critiquez, sont dans des situations tellement difficiles du point de vue personnel que vous ne pourrez pas les engager. Mais ce ne sont pas des questions de formation, ce sont des questions de problèmes psychologiques... (Rire.) Moquez-vous, Monsieur, mais vous verrez que, pour certaines personnes, c'est vraiment d'un problème délicat ! On ne peut pas simplement jeter des personnes comme vous le préconisez.

En l'occurrence, cette motion, il faut la refuser, elle ne sert à rien ! Les Verts ont voté la liberté... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... d'établissement sous condition. La seule condition, c'est que le Conseil d'Etat puisse statuer, pour certaines professions, la nécessité de résider à Genève. Pour le reste, nous vivons dans une région, les accords bilatéraux ont été votés par la population, et c'est cela qu'il faut respecter. (Applaudissements.)

La présidente. Monsieur Stauffer, vous avez la parole. Vous seriez gentil de ne pas la monopoliser. Ensuite, je passerai la parole au conseiller d'Etat David Hiler.

M. Eric Stauffer (MCG). Ecoutez, le temps va me manquer pour vous répondre à tous...

Des voix. Oh ! (Rires.)

M. Eric Stauffer. Néanmoins, bien que nous ne partagions pas du tout les mêmes idéaux et que nous n'ayons pas la même manière de protéger nos concitoyens... (Protestations.) ... je suis quand même choqué d'entendre qu'on veut refaire l'amalgame et tromper les gens en parlant des accords bilatéraux I et II avec la présente motion que nous avons déposée. J'aimerais répondre au député frontalier UDC qui s'est exprimé avant moi pour lui expliquer que les accords bilatéraux, c'est pour des gens qui veulent justement venir résider en Suisse...

La présidente. Non, Monsieur le député, nous n'allons pas faire un cours sur les accords bilatéraux...

M. Eric Stauffer. Je ne fais pas un cours, mais je suis obligé de réagir à cela, parce que ce sont des contrevérités, Madame la présidente...

La présidente. Venez-en au fait rapidement, s'il vous plaît !

M. Eric Stauffer. Donc, nous, ce que nous voulons prôner, c'est ce que la loi dit. Et que nous dit la loi, Madame la présidente ? On nous dit que cette motion serait contraire au droit supérieur, c'est-à-dire aux accords bilatéraux I et II et aux accords de libre circulation. Eh bien non ! Si vous prenez la peine de lire les accords bilatéraux, vous verrez qu'il est fait mention spécifiquement de l'administration. Et il y a certaines administrations où les Européens ne peuvent pas travailler, seuls les nationaux peuvent y travailler ! Mais nous, nous ne sommes pas aussi restrictifs à Genève, parce que nous sommes une ville internationale. C'est un bien, mais pour ceux qui y résident. En revanche, dans la B 5 05, Mesdames et Messieurs, celle que justement...

La présidente. Monsieur le député, la B 5 05, c'est le sujet du projet de loi. Nous sommes là sur une motion...

M. Eric Stauffer. C'est le sujet de ma motion !

La présidente. Oui, mais nous n'allons pas traiter la B 5 05 en long en large et en travers !

M. Eric Stauffer. Madame la présidente, je suis désolé,...

La présidente. J'aimerais que vous avanciez...

M. Eric Stauffer. ... c'est l'intitulé de la motion ! Je suis désolé, Madame la présidente, je suis obligé de parler de la B 5 05, c'est la motion qu'on a déposée ! Vous ne pouvez pas m'empêcher de parler...

La présidente. Vous l'avez déjà largement fait, je vous demande d'avancer.

M. Eric Stauffer. Vous ne pouvez pas m'interrompre de cette manière, Madame la présidente, je vous le dis avec beaucoup de respect... (Protestations.) C'est le sujet de la motion. (Exclamations.) Vous ne pouvez pas agir de la sorte, Madame la présidente, vous devez me laisser m'exprimer ! Je représente ici une partie de la population, comme le groupe du Mouvement Citoyens Genevois...

Une voix. Assez !

M. Eric Stauffer. Vous ne pouvez pas agir comme cela !

La présidente. Je ne vous empêcherai pas de vous exprimer: je respecte votre temps de parole, mais j'aimerais que vous avanciez sur la motion.

M. Eric Stauffer. C'est ce que j'étais en train de faire ! Que qu'indique la loi B 5 05 ? Elle stipule à l'article 15: «Les membres du personnel occupant une fonction permanente et qui sont au bénéfice d'un engagement de durée indéterminée doivent avoir leur domicile et leur résidence effective dans le canton de Genève. A la condition que l'éloignement de leur domicile ne porte pas préjudice à l'accomplissement de leurs devoirs de service,... (Remarques. Brouhaha.) ... le Conseil d'Etat ou le conseil d'administration peut accorder aux fonctionnaires des dérogations pour tenir compte de la propriété d'immeubles antérieure à l'engagement, de contraintes familiales graves, de la nationalité, du taux d'activité réduit ou de la fin prochaine des rapports de fonction d'un membre du personnel.»

Vous voyez, Madame la présidente, c'est bien la preuve que des exceptions ont été prévues. Et c'est bien la preuve que ce règlement n'est pas contraire au droit supérieur, puisqu'il est bien marqué: «... à condition que l'éloignement de leur domicile ne porte pas préjudice à leurs devoirs de service...». Donc, ce règlement est tout à fait applicable ! Cette loi est tout à fait applicable. Et elle l'est, puisqu'elle est en vigueur, Mesdames et Messieurs ! Encore une fois, vous ne pouvez pas dire que cette loi est désuète ou contraire au droit supérieur. Nous prenons à témoin la population, Madame la présidente, pour demander à ce parlement de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat pour que la loi soit respectée.

J'en terminerai, Madame la présidente, à propos des fonctionnaires de police, qui sont si chers...

M. Gabriel Barrillier. Les plus chers du monde !

M. Eric Stauffer. ...à l'UDC. (Exclamations.) Eh bien, sachez, Monsieur le député, que les policiers sont tout à fait d'accord de résider en Suisse ! Mais il faudrait que la loi soit modifiée dans ce sens - or ils y sont tout à fait favorables. Donc, c'est simplement pour répondre à votre interrogation, puisque vous avez, en tant que douanier, focalisé sur la force de gendarmerie. Resterait à se poser cette question: n'avez-vous pas été écarté de la gendarmerie genevoise ? (Remarques. Brouhaha.)

M. David Hiler, conseiller d'Etat. En tout cas, vous cultivez avec un certain talent l'art de la digression ! Il faut suivre ces débats ! Si je ne me suis pas déconcentré - vous savez que j'ai eu quelques voyages susceptibles de me fatiguer - et si j'ai bien compris, nous parlons de l'application de la loi actuelle par le Conseil d'Etat. Je puis témoigner que, depuis que je suis au Conseil d'Etat, nous accordons des dérogations sur les critères mentionnés dans la loi. Elles ne m'ont pas paru extraordinairement nombreuses au niveau de ce que nous gérons au Conseil d'Etat. Mais ce qui a été dit est vrai: il y a des dérogations que nous n'accordons pas et qui sont accordées par le Tribunal, parce qu'il est également vrai que le droit supérieur, c'est le droit fédéral. Eh oui !

En outre, il faut bien le dire: dans les invites de votre motion, vous citez la phrase suivante: «Le conseil d'administration peut déléguer cette compétence.» Le Conseil d'Etat, ma foi, a certainement beaucoup de défauts, mais il n'est pas encore un conseil d'administration... Je pense donc que vous faites référence au conseil d'administration des HUG, si j'ai bien compris le reste de la discussion. Le conseil d'administration des HUG, lui, doit effectivement appliquer cette loi en tenant compte d'une contrainte: que les gens soient soignés, simplement ! Vous savez tous dans cette salle que, depuis de très nombreuses années, les HUG ne peuvent pas fonctionner sans des infirmières qui résident en France voisine, et cela ne date pas des bilatérales.

Au fond, si l'on voulait répondre à vos préoccupations, Mesdames et Messieurs les députés du groupe MCG, il faudrait en revenir à une phrase de M. Golay, c'est-à-dire former plus d'infirmières dans notre canton, ouvrir de nouvelles places. Ceci peut être étendu à l'informatique, très certainement, puisque c'est là qu'il y a eu passablement d'engagements. Encore faut-il deux choses: que les personnes qui résident dans notre canton, les jeunes en particulier, souhaitent en nombre suffisant se diriger vers ces professions... Parce qu'effectivement nous sommes un pays de libertés individuelles et qu'on n'a pas encore trouvé le moyen d'obliger les gens à devenir infirmiers ou infirmières. Par ailleurs, c'est vrai que, de façon générale, la Suisse, à un moment donné, a pris un retard assez inquiétant en matière de formation informatique, notamment parce qu'elle l'a conservée de façon trop spécifique dans l'université, à un niveau qui impliquait d'être bon théoricien en mathématiques. Mais voilà, c'est le passé... On peut encore essayer d'avoir des filières en meilleure adéquation avec le marché de l'emploi, mais, dans le cas du conseil d'administration de l'Hôpital, s'il n'engage pas quand même - je suis désolé de vous le dire - des infirmières qui viennent de l'autre côté de la frontière, il n'engage pas tout court ! Ce qui n'est pas le but. D'autant moins qu'un autre volet de la politique suisse lui interdirait de faire venir des infirmières de pays misérables, notamment de Haïti, comme le font d'autres pays d'Europe - ce que je trouve par ailleurs peu souhaitable.

Pour le moment, je ne vois pas que nous puissions faire autre chose qu'appliquer la loi. Je ne vois pas que le Tribunal puisse faire autre chose que nous imposer le droit supérieur. Vous avez l'air, ce qui est un peu désagréable, de sous-entendre, mais vous n'avez rien précisé, qu'à un endroit donné de l'Etat, semble-t-il l'Hôpital, il y aurait des gens qui favorisent les frontaliers... Si tel est le cas, envoyez une dénonciation à l'office du personnel de l'Etat en indiquant les noms et deux ou trois bricoles comme cela. Mais, pour le moment, cela reste des ragots et il est difficile d'intervenir.

Sur le fond, vous l'avez tous dit, les frontaliers sont en bonne partie des Genevois. La région existe, la période d'ouverture du marché du travail est une période de transition difficile à vivre pour bien de nos concitoyens. Il faut s'en préoccuper, mais je crains que nous demander de faire ce que nous faisons déjà n'ait pas beaucoup de sens. Et de nous demander de ne pas nous soumettre aux tribunaux, même si nous en avons très envie, n'a pas plus de sens, de sorte que cette motion, dans l'ensemble, est sans objet.

J'aimerais, pour terminer, réfuter une petite affirmation en termes d'intérêt fiscal. Si je m'enferme dans mon rôle d'argentier, la seule chose qui m'intéresse vraiment est de savoir si les dérogations concernent le canton de Vaud ou la France... (Exclamations.) Parce que si elles concernent la France, Mesdames et Messieurs, les recettes sont là ! Si elles concernent le canton de Vaud, j'essaie par patriotisme de faire malgré tout bonne figure, mais les recettes ne sont plus là. (Applaudissements.)

La présidente. La liste est close, Monsieur Golay. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous faire voter sur cette motion... (La présidente est interpellée.) Je n'ai pas entendu parler de renvoi, à part le renvoi au Conseil d'Etat. donc, je vais vous faire voter sur cette motion: si elle est acceptée, elle sera renvoyée au Conseil d'Etat.

Mise aux voix, la proposition de motion 1664 est rejetée par 61 non contre 8 oui.

La présidente. Nous passons à la proposition de motion 1668 et je vous propose de clore nos débats après ce point. (Exclamations. Applaudissements.)

M 1668
Proposition de motion de Mme et MM. Gilbert Catelain, Caroline Bartl, Eric Bertinat, Philippe Guénat, Eric Ischi, Eric Leyvraz, Claude Marcet, Yves Nidegger, André Reymond, Pierre Schifferli, Olivier Wasmer pour le remplacement de l'indexation des salaires au renchérissement par une prime unique non assurée (Loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'Etat et des établissements hospitaliers B 5 15)

Débat

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion s'inscrit dans le cadre des mesures structurelles que le Conseil d'Etat s'est engagé à prendre pour assainir la situation financière de l'Etat. Les mesures structurelles qu'avaient prises l'ancien Conseil d'Etat et ce parlement à plusieurs reprises consistaient surtout à supprimer les mécanismes salariaux prévus par la loi B 5 05. Cela avait des effets pervers. En effet, sur le plan purement comptable, au niveau du budget annuel, nous pouvions maintenir - ou en tout cas maîtriser - une certaine hausse des dépenses salariales. Mais, d'un autre côté, on accroissait l'inégalité de traitement entre fonctionnaires de l'Etat. Tous les collaborateurs, notamment les jeunes collaborateurs, ceux qui ont les plus bas revenus, ne bénéficiaient pas de l'augmentation prévue par les mécanismes salariaux, alors que les collaborateurs les plus expérimentés, mais aussi les mieux payés, bénéficiaient, eux, automatiquement de l'indexation de renchérissement. Il s'ensuivait donc, en résumé, une sorte de fracture sociale au sein même de la fonction publique, que certains groupes ne pouvaient pas accepter.

Jusqu'à ce jour, aucune proposition n'est venue pour essayer de compenser cet effet pervers et permettre à l'Etat de maintenir la progression de la masse salariale dans des normes acceptables.

Le deuxième effet pervers consistait aussi à pénaliser les jeunes collaborateurs de l'Etat, puisque, leur revenu n'augmentant pas, ils ne pouvaient pas alimenter davantage leur caisse de retraite. Ce déficit de recette pour les caisses de retraite devait être compensé par la garantie de l'Etat au niveau des caisses de pension.

La proposition qui vous est soumise se soir consiste en fait à instaurer une sorte de solidarité à l'intérieur de la fonction publique afin de maintenir les mécanismes salariaux qui sont prévus par la loi. Il s'agit de supprimer simplement le renchérissement et de le compenser par une adaptation unique d'un montant équivalent qui permette de garantir... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ... le revenu des salariés de la fonction publique, mais qui soit non assuré.

Dans le cadre d'une interpellation urgente que j'avais déposée avant de rédiger cette motion, le Conseil d'Etat avait reconnu que ce mécanisme aurait permis d'économiser plusieurs dizaines de millions sur le budget de l'Etat, peut-être 50 millions - je ne me souviens plus du chiffre, en tout cas plusieurs dizaines de millions sur quatre ans.

Au niveau de la Confédération, cette mesure a été perpétuée sur plusieurs années et ce mécanisme a permis à la caisse de pension PUBLICA d'économiser 54 millions. Par voie de conséquence, de gagner en taux de couverture. La caisse de pension PUBLICA atteint aujourd'hui un taux de couverture de 107%, ce qui n'est pas le cas des différentes caisses de pension de l'Etat de Genève, à part la caisse de la police qui, elle, est mieux alimentée.

Il ne s'agit pas ce soir, vu l'heure tardive de nos débats, de prendre position sur cette motion et de forcer la main au Conseil d'Etat, je vous suggère simplement de renvoyer cette motion en commission des finances...

Une voix. D'accord !

M. Gilbert Catelain. Afin de permettre un vrai débat et aussi d'auditionner les personnes qui ont été confrontées au niveau des ressources humaines, voire des caisses de pension, à la mise en oeuvre de ce type de mécanisme.

Une voix. D'accord !

M. Roger Golay (MCG). M. Catelain évoque le fait que, par les blocages de l'annuité, les jeunes à l'administration sont pénalisés... Mais c'est vous qui les pénalisez, Messieurs, en bloquant chaque fois les progressions salariales, les mécanismes salariaux ! Je pense qu'il faut un certain culot pour dire des choses comme celles que l'on vient d'entendre. Il faut savoir que vous proposez de supprimer carrément l'indexation des salaires des fonctionnaires...

La présidente. Monsieur le député, sur le renvoi en commission !

M. Roger Golay. Oui, oui, j'y viens, j'expliquerai pourquoi on va s'y opposer ! Simplement, pour dire à M. Catelain que, effectivement, on peut supprimer l'indexation ! On vous suivra sur cette motion si vous arrivez à supprimer l'inflation ! Cela n'a pas de sens. Il faut savoir que la loi sur l'indexation est générale. Lorsque vous voulez supprimer l'indexation uniquement pour la fonction publique, vous la supprimez aussi pour toutes les rentes de personnes qui sont à la retraite, les pensions pour les personnes défavorisées qui bénéficient de l'aide sociale, etc. Donc, vous allez pénaliser tout le monde avec votre projet. On ne peut pas faire une coupe de saucisson en supprimant simplement l'indexation pour la remplacer par une prime exceptionnelle et unique, qui ne sera pas forcément renouvelée l'année prochaine... Non, Monsieur Catelain, votre motion est totalement insensée !

Je vous rappelle encore une chose avant de conclure, Madame la présidente: l'indexation sur les quinze dernières années a été bloquée quatre fois. Elle a été négociée à cinq reprises sur quinze ans. L'indexation complète, c'était vraiment lorsque les taux étaient au plus bas, quand c'était du 1% environ; on accordait une progression salariale au personnel de l'administration et à toutes les personnes qui en avaient besoin.

Le taux de cette perte de pouvoir d'achat, Messieurs de l'UDC, Madame la présidente, représente aujourd'hui pour l'ensemble de la masse salariale une perte de l'administration, du personnel, d'environ 400 millions ! Voilà le sacrifice qui a été fait par l'ensemble du personnel de l'Etat aujourd'hui par rapport à toutes ces coupes budgétaires et à ces restrictions salariales. Quatre cents millions de perte de pouvoir d'achat ! Pour les fonctionnaires, on arrive bientôt à 15% de perte de pouvoir d'achat par rapport aux années 1980. Alors, ne venez pas nous dire aujourd'hui que c'est nécessaire, etc. ! Je pense que la fonction publique a largement fait son sacrifice.

Arrêtez maintenant de toujours vouloir abaisser les taux d'impôt. On souffre encore aujourd'hui de la baisse d'impôts proposée, ces fameux 12%, qui fait qu'on a un déficit. Non, Madame la présidente, nous ne pourrons pas suivre la demande de l'UDC de renvoyer cette motion à la commission des finances. Nous la refuserons.

M. Pierre Weiss (L). Je m'exprimerai uniquement sur le renvoi en commission et, avec l'autorisation de mon aimable collègue, chef de groupe radical, je m'exprimerai aussi au nom de son groupe, par souci d'efficacité... (Commentaires.) Madame la présidente... (L'orateur est interpellé.) Je vous ai bien dit: uniquement sur ce point !

Madame la présidente, la motion qui nous est proposée, au fond, dessine un tableau qui est celui des finances cantonales, un tableau dont nous connaissons encore mieux après l'avoir lu, la situation désolante, si nous ne la connaissions pas avant.

Cette motion nous montre deux problèmes essentiels: d'une part le problème du déficit des finances publiques, d'autre part la situation délicate, pour dire le moins, des caisses de pensions étatiques. Face à ce double problème, elle propose un remède que l'on peut résumer par un mot: une gratification. Une gratification qui serait proposée aux employés de l'Etat de Genève - pour prendre le terme que nous employons avec la future loi sur le statut du personnel de l'administration cantonale que nous avons déjà adoptée en commission.

Dans cette perspective, nous considérons effectivement que - quelles que soient les opinions que l'on puisse avoir sur les causes du déficit budgétaire, quelles que soient les opinions que l'on puisse avoir sur les moyens d'assainir les caisses de pension publiques - la proposition qui est faite mérite un examen attentif. La commission des finances nous semble être le lieu pour le faire. Nous nous rallions donc, radicaux et libéraux, à la proposition faite par notre collègue Catelain et nous voterons en ce sens quand vous nous soumettrez cet objet. J'ai tenu ma parole, Madame la présidente !

M. Christian Bavarel (Ve). Le sujet...

Une voix. On parle aussi pour les radicaux ! (Brouhaha.)

M. Christian Bavarel. ... qui nous occupe maintenant est un sujet important, même si nous sommes en fin de soirée. Il s'agit des collaborateurs de l'Etat. La motion qui est là est inacceptable. Vous êtes face à une attaque contre la fonction publique... (Remarque.) ... et j'aimerais qu'on soit très clair: nous ne réformerons pas l'Etat de Genève contre la fonction publique ! Nous réformerons l'Etat de Genève avec la fonction publique. Le Conseil d'Etat a fait des pas dans ce sens-là, nous entendons soutenir le Conseil d'Etat dans cette démarche.

Je pense que cette motion est inopportune, qu'elle va simplement raviver les tensions entre la fonction publique et le Conseil d'Etat. Les Verts sont soucieux d'avoir une fonction publique qui avance avec l'ensemble de la population de ce canton pour améliorer l'ensemble des prestations de l'Etat. Nous vous invitons simplement à ne pas renvoyer cette motion en commission et à la refuser de la manière la plus ferme.

Mme Carole-Anne Kast (S). Dans le même ordre d'idées, nous pensons qu'il est temps que ce parlement arrête de jouer aux apprentis sorciers sur le dos de la fonction publique. Comme vous le savez très bien, effectivement, on ne va pas réformer la fonction publique contre les partenaires que sont les représentants des employés de l'Etat. Dans la mesure où le Conseil d'Etat est l'interlocuteur indiqué pour faire ces négociations, pour trouver un accord, pour équilibrer les concessions qui peuvent être faites de part et d'autre, il serait de bon ton que les groupes ultra-minoritaires de ce parlement cessent de s'amuser à dire au Conseil d'Etat que c'est mieux de faire comme ceci ou que c'est mieux de faire comme cela, sans être allés consulter le personnel de l'Etat. Par conséquent, nous vous invitons évidemment à refuser cette motion et son renvoi en commission.

M. Mario Cavaleri (PDC). Cette proposition de motion est d'autant plus malvenue qu'en fonction du développement de l'actualité le Conseil d'Etat, qui est responsable de la gestion des ressources humaines, a pris certaines mesures. Et je ne pense pas qu'il incombe à notre Grand Conseil d'interférer dans les relations que le Conseil d'Etat entretient avec le personnel de l'administration. (Brouhaha.)

Par conséquent, il faut dire très fermement que, faute de pouvoir travailler sur la question du statut, toutes les manoeuvres consistent finalement en des attaques qui sont totalement gratuites et tout à fait malvenues. Si nous voulons avoir une discussion sereine sur le statut du personnel de l'administration, ce n'est pas avec ce genre de motion que nous aurons le climat propice.

Par conséquent, le groupe démocrate-chrétien s'opposera et au renvoi en commission et à l'adoption de cette motion.

M. David Hiler, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat, dans le discours de Saint-Pierre, a indiqué qu'il entendait revenir à l'équilibre en assainissant les finances d'ici à 2009. Il a également défini la notion d'équilibre comme intégrant la capacité de l'Etat à payer les mécanismes salariaux et à assurer une indexation pleine et entière.

Pour l'heure, nous sommes loin de l'assainissement et, donc, loin aussi d'assurer l'ensemble des mécanismes et une indexation totale. Pour l'année 2006, vous vous le rappelez, il a été décidé de verser l'année à partir du 1er juillet, ce qui a donc coûté une demi-annuité et une indexation de 0,4%, alors que l'inflation était de 1,2%. Pour l'année 2007, le budget prévoit le maintien de cette indexation décalée et une indexation de 0,4%. Cette fois, sur 1,4% d'inflation annoncée, avec une possibilité - et c'est là la nouveauté - de revoir cette indexation à la fin de l'exercice dans le cas où les résultats de l'Etat seraient meilleurs que ceux qui figurent dans le budget.

Ces éléments ont fait l'objet d'un accord. Ils ont fait l'objet d'un accord, même s'ils ne sont pas très favorables du point de vue des employés du service public. Ceux-ci, au vu de la gravité de la situation de l'Etat, les ont acceptés. Pour le reste, le Conseil d'Etat a indiqué clairement dans les négociations qu'il entendait systématiquement privilégier le paiement de l'annuité et négocier l'indexation en fonction des ressources de l'Etat. Cette position vise en effet à assurer le mieux possible l'égalité de traitement entre les fonctionnaires.

Pour ce qui concerne des mesures qui seraient de nature à aider les caisses de retraite publiques à conserver des taux immédiats - mais aussi, et surtout, qui permettent à moyen terme le paiement des prestations sans opération de renflouement par les pouvoirs publics - nous avons proposé le remplacement d'un treizième salaire qui, lui, serait soumis en partie aux caisses de retraite, contrairement à la prime de fidélité que nous entendons supprimer. Une négociation a été acceptée sur ce point et le principe de la contrepartie a été accepté par les organisations représentatives du personnel. Cette contrepartie consiste en une moindre progression des annuités qui aurait au moins l'avantage de nous permettre de les payer chaque année sans bloquer totalement la possibilité de l'Etat de faire face à des besoins nouveaux.

C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat n'entend pas utiliser l'expédient qui est proposé. Il en use d'autres, d'expédients, mais celui-là, il n'entend pas l'utiliser. Cependant, il est vrai que l'assainissement des finances publiques est nécessaire, parce que le chiffre de 15% de pouvoir d'achat perdu par la fonction publique depuis 1990 est parfaitement exact. On le voit d'ailleurs: dans certains secteurs, en période de haute conjoncture - et pas seulement pour les cadres - nous commençons à ne pas être concurrentiels sur le marché de l'emploi, notamment dans des fonctions financières, notamment dans des fonctions d'acheteurs, pour les biens de l'Etat. Là où nous sommes en concurrence avec le tertiaire haut de gamme, dirons-nous, qui, lui, accorde des enveloppes de 2 à 3, ou 2 à 4% d'augmentation de sa masse salariale depuis plusieurs années, eh bien, l'Etat commence à avoir du mal à maintenir sa capacité concurrentielle, sa compétitivité, en tant qu'employeur.

C'est la raison pour laquelle, le Conseil d'Etat ayant fixé une politique, l'ayant négociée avec le personnel, l'accord sur la LPAC étant intimement lié à ces éléments, je vous suggère effectivement de donner un signal clair pour la suite des événements en rejetant cette motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1668 à la commission des finances est rejeté par 46 non contre 36 oui.

Mise aux voix, la proposition de motion 1668 est rejetée par 46 non contre 26 oui et 11 abstentions.

La présidente. Je vous souhaite un excellent week-end !

La séance est levée à 22h35.