République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 23 juin 2006 à 8h
56e législature - 1re année - 10e session - 47e séance
PL 9677-A
Premier débat
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. En préambule, j'aimerais que l'on puisse ajouter une première page à mon rapport - je l'avais oubliée - où figurent les noms des personnes ayant participé à nos travaux et les remerciements qui leurs sont présentés. J'aimerais que cette page figure avant l'introduction.
Concernant le budget qui vous est présenté, et comme il l'est écrit dans mon rapport, il est important de retracer le contexte dans lequel nos travaux se sont déroulés - la minorité le fait aussi dans le sien. Il y a eu un changement de majorité au gouvernement, le parlement a été modifié dans sa composition politique et la commission a vu le groupe AdG partir et le groupe MCG arriver. Au mois de décembre, nous avons donc dû suspendre les travaux sur le budget de l'ancienne composition du Conseil d'Etat et attendre début janvier pour connaître les dispositions du nouveau Conseil d'Etat. L'exercice fut d'autant plus compliqué qu'il y a eu une modification des départements - des nouveaux départements ont même été créés - dans un contexte de douzièmes provisionnels, ce qui a vraiment compliqué la tâche du Conseil d'Etat et celle des députés. Nous nous sommes donc retrouvés dans des conditions très difficiles pour travailler sur le budget.
Néanmoins, il faut saluer le travail réalisé par le gouvernement et par les fonctionnaires de l'administration fiscale qui ont pu mettre à disposition les documents nécessaires pour que nous puissions aujourd'hui voter ce budget.
Concernant la chronologie financière, ce budget a été déposé en décembre 2005, avec, au départ, un déficit de 305 millions. Il est ensuite passé par une phase à 318 millions et, à un moment donné, on a même informé la commission des finances que le déficit pourrait dépasser les 400 millions, car le Conseil d'Etat a décidé de ne pas adjoindre au budget des recettes liées à un possible vote du peuple.
Au mois de décembre, le Conseil d'Etat annonçait qu'il y avait une possibilité pour que le déficit dépasse largement les 305 millions et atteigne en réalité 450 millions. Or, au mois de mai, nous avions un autre chiffre de 318 millions, et enfin de 305 millions. Il est évident que ce chiffre de 305 millions a pu être obtenu grâce à une réévaluation des recettes de l'Etat.
Le retrait du projet PL 9706 - un projet fiscal - a représenté une diminution de 126 millions dans les recettes de l'Etat, mais une actualisation des provisions fiscales a eu comme effet une augmentation des recettes de 110 millions, ce qui fait que l'on vous présente les chiffres que vous connaissez aujourd'hui.
De plus, une série d'amendements du Conseil d'Etat et de la commission des finances - vous les connaissez, car ils sont retracés dans mon rapport - totalise une somme de 11 millions. A la sortie de la commission des finances, le déficit s'élève donc à 294 millions.
Une voix. C'est déjà pas mal !
M. Alberto Velasco. Effectivement, c'est un déficit acceptable en regard de la LGAF, mais je dirai qu'il a été «amélioré» par la commission des finances. Ainsi, les charges de l'Etat se montent à 7,109 milliards - environ - et les revenus à 6,816 milliards. D'après les informations qui m'ont été données par le département des finances, les charges courantes sans imputations internes et subventions redistribuées sont en légère baisse de 1,7% et les revenus sans imputations internes et subventions redistribuées ont augmenté de 0,39%.
On va parler du rapport de minorité, puisqu'une partie de ce parlement n'a pas désiré suivre la majorité votante de ce budget. J'ai constaté que les éléments fondamentaux de discorde étaient plutôt des éléments de forme. Le rapport de minorité s'attache à nous dire que les conditions de travail dans notre commission ont rendu difficile le vote de ce budget, mais je peux vous dire que la raison fondamentale pour laquelle le groupe libéral n'a pas voté ce budget est surtout la reconduite partielle des mécanismes salariaux, car il a considéré cela comme inadmissible. C'est d'autant plus vrai que le rapporteur de minorité en question devait faire le rapport de majorité, et c'est au moment du vote final qu'il a pris la décision contraire. En somme, le groupe libéral n'a pas désiré voter ce budget pour les raisons que je vous expose, c'est-à-dire la reconduction des mécanismes salariaux.
Dans le contexte que nous connaissons aujourd'hui, si nous voulons obtenir une certaine stabilité de fonctionnement dans cette république, il est important d'appuyer le Conseil d'Etat dans cette initiative qui va dans le sens d'une politique de concertation et de voter l'attribution de ces 12 millions à des mécanismes salariaux.
En ce qui concerne l'UDC, la raison était toute autre. Ce groupe a considéré que les économies faites ou présentées n'étaient pas à la hauteur de ses espérances; il aurait souhaité voir beaucoup plus de coupes, même s'il n'a pas dit lesquelles à la commission des finances. C'est ce qui a conduit le groupe UDC à refuser ce budget.
Par conséquent, vous avez une majorité composée des Verts, des socialistes, des radicaux, du MCG et du PDC. Ces groupes n'ont pas voté le budget sans aucun a priori, puisqu'il y a quand même....
Le président. Monsieur le rapporteur, je voudrais vous rendre attentif à l'écoulement du temps. Il est déjà largement dépassé.
M. Alberto Velasco. Je termine. Toute une série d'éléments faisaient que tous ces groupes auraient aussi pu ne pas voter le budget, le problème de l'Hospice, la Solidarité Internationale, les fonds d'équipements, etc. Enfin, les uns et les autres auraient pu trouver suffisamment d'arguments pour ne pas voter le budget, mais il nous a semblé qu'il en allait d'une certaine responsabilité politique que de voter le premier budget de ce nouveau Conseil d'Etat et, surtout, il fallait affirmer la volonté de stabiliser les dépenses et arriver à un équilibre budgétaire. Il nous a donc semblé important de donner ce signal fort, signifiant l'appui à ce gouvernement, en votant le présent budget.
M. Renaud Gautier (L), rapporteur de minorité. Sans vouloir répéter les propos que m'accorde très généreusement le rapporteur de majorité, je voudrais quand même attirer votre attention sur un ou deux points qui m'ont l'air «cardinalement» importants, si tant est que cette expression ait encore cours à Genève.
L'une des missions fondamentales du parlement réside dans le contrôle des activités gouvernementales. Ce contrôle s'exerce notamment à travers le vote du budget et des comptes, comme l'indique très clairement l'article 2 de notre loi portant règlement du Grand Conseil. Les articles 137 à 139 de la même loi codifient le déroulement de ces votes, tandis que l'article 201 précise le rôle de la commission des finances chargée d'examiner les comptes du budget ainsi que les demandes de crédits supplémentaires extraordinaires. Le pouvoir donné au parlement est donc discrétionnel, car il a tout loisir d'accepter, de modifier ou de refuser le budget et les comptes d'Etat. Mais la loi B 101 se garde bien d'énoncer les critères qui pourraient présider au choix des députés; de tels critères n'auraient d'ailleurs pas leur place dans une telle loi. Pourtant, des critères qui conditionnent nos votes de députés existent et ils sont de deux ordres, j'aimerais les rappeler ici. Le premier relève du champ du politique: soit on accepte le budget parce que l'on appartient à la majorité gouvernementale et que l'on se doit d'avaliser un projet concocté par son bord, soit on refuse le budget parce que l'on est dans l'opposition et que c'est là une occasion fort belle de manifester son antagonisme. L'autre ordre des critères du vote relève de nos responsabilités personnelles. Comme nous sommes élus, nous nous engageons, à chaque séance, à remplir consciencieusement notre mandat et faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées. Il s'agit donc de dépasser les options partisanes pour travailler dans le réalisme le plus impartial à des choix profitables à tous. En l'occurrence, il faut se poser les questions de fond concernant le budget, comme celle de sa véracité, de sa pertinence, de sa viabilité, et celle de ses conséquences socio-économiques et des choix politiques que cela implique.
Les travaux de la commission des finances n'échappent pas à ces critères tant politiques que réalistes. Nous devons en commission nous forger une conviction en étudiant, en interrogeant, en débattant, et nous devons aussi essayer de trouver au sein de cette commission des majorités qui nous permettent in fine d'évaluer, de statuer, de recommander, afin de préaviser pour la séance plénière, le parlement étant le seul à décider des suites qu'il entend donner aux travaux des commissions.
Au-delà du jeu politique, les députés membres d'une commission parlementaire devraient donc théoriquement bénéficier de toutes les informations et de tous les moyens disponibles pour se prononcer de la manière la plus éclairée possible, si ce n'est en leur âme et conscience. Dans le cas contraire, il nous apparaît qu'il est du devoir desdits députés, hors de toute prise de position partisane, de refuser de se prononcer à l'aveuglette, ou tout au moins sans la clairvoyance désirée, sur un sujet aussi complexe que le budget de l'Etat.
C'est la situation dans laquelle nous nous trouvons avec le budget 2006. Le Conseil d'Etat nous demande de nous prononcer sans nous fournir tous les moyens de nous forger une conviction. Les décisions que nous devons prendre et les recommandations que nous devons faire ne se basent nullement sur des arguments objectivement vérifiables, mais sur la foi que l'on nous demande d'accorder aux promesses qui nous sont faites.
Par le passé, les autorités de cette république n'ont cessé de se ruiner en promesses; et même si les engagements pris par l'actuel gouvernement s'avéraient plus sincères, ils ne sont accompagnés d'aucune garantie de réalisation et ne sauraient donc représenter une base d'appréciation pour le budget 2006, encore moins un élément de décision pour l'approbation de l'avenir financier de l'Etat.
A ce stade, j'estime donc que la commission des finances n'est pas en mesure de se prononcer sur le budget 2006. Le faire malgré tout reviendrait à trahir notre mandat et la confiance des députés qui nous ont désignés, et donc aussi celle des citoyens qui nous ont élus et envers qui nous sommes redevables.
De la même manière, Mesdames et Messieurs les députés, vous allez devoir choisir entre une acceptation purement partisane ou l'examen critique et réaliste du projet du Conseil d'Etat. Dans le deuxième cas - ce qui nous prendra du temps - je n'ai aucun doute que vous rejoindrez rapidement mon point de vue. Le budget sous sa forme actuelle n'est pas recevable, dès lors qu'il n'est pas formulé d'une manière telle que nous puissions exercer notre mandat avec tout le discernement voulu.
Le président. Je rappelle que chaque groupe bénéficie d'un débat de prise en considération d'un total de dix minutes par groupe.
M. Gabriel Barrillier (R). Lorsqu'à la fin de l'année dernière le groupe radical a voté le renvoi de la première mouture de ce budget 2006 au nouveau Conseil d'Etat, j'avais indiqué clairement que nous attendions que soient mises en oeuvre des réformes structurelles de l'Etat que notre parti attend depuis très longtemps. Depuis lors, le gouvernement s'est mis au travail avec détermination et, semble-t-il, avec collégialité. Il a ouvert les chantiers les plus urgents pour être en mesure de rétablir d'ici fin 2009 l'équilibre des finances. Il n'a d'ailleurs pas le choix, puisque le peuple a maintenant voté un mécanisme tout à fait clair pour freiner le déficit des finances et réduire l'endettement faramineux de notre canton.
Durant ces six mois, le groupe radical a pu se convaincre que les sept magistrats s'étaient mis d'accord pour fixer le cap, tracer la route et définir les délais pour sortir Genève et ses finances de l'ornière dans laquelle elle se trouve depuis fort longtemps. Même s'il n'est pas de la même majorité que le parlement, nous observons que le Conseil d'Etat gouverne, fixe une politique et s'engage. Certes, il n'a jusqu'ici pas encore proposé les remèdes de cheval que nous appelions de nos voeux au mois de décembre... Le premier train de mesures P-1 relève plutôt de l'homéopathie. Nous attendons avec impatience, le second train P-2 qui doit, nous l'exigeons, accompagner le projet de budget 2007 de cet automne.
Pour l'heure, Mesdames et Messieurs les députés, notre confiance à l'égard de cette équipe volontariste est encore grande et permet à notre groupe de voter ce budget 2006, qui est cette fois un budget-vérité. Nous ne le faisons pas par manque d'esprit critique ou par faiblesse politique, nous le faisons parce que nous avons le sens de la continuité de l'Etat et de l'intérêt général et que nous prenons nos responsabilités: nous n'entendons pas jouer les Ponce Pilate en laissant les autres mettre les mains dans le cambouis pour réparer l'appareil d'Etat ! (Remarques.)
Dans son bref rapport, notre collègue Renaud Gautier a justement rappelé que l'une des missions fondamentales du parlement réside dans le contrôle des activités gouvernementales... Et notamment par le vote du budget. Plus loin, il explique pour quelles raisons les députés peuvent l'accepter ou le refuser. Selon lui, ce peut être un pur acte d'opposition, fondé sur un simple rapport de majorité gouvernementale, ou bien relever de nos responsabilités personnelles d'élus pour - et je souligne ce passage - dépasser les options partisanes et travailler dans le réalisme le plus impartial à des choix profitables à tous. Eh bien, Monsieur le député - il est parti... Je ne sais pas où il est... - c'est en nous conformant à ce second principe que nous avons décidé de voter le budget 2006, et nous ne comprenons pas pourquoi le groupe libéral ne fait pas la même chose. Mais attention, Messieurs les conseillers d'Etat, il ne s'agit ni d'un chèque en blanc, ni d'une manifestation de confiance éternelle. En effet, le déroulement des négociations - si on peut les appeler comme cela - entre l'Etat employeur et la fonction publique nous inquiète beaucoup et motive notre extrême méfiance à l'égard du PL 9833-A, sur lequel mon collègue Kunz s'exprimera tout à l'heure.
Enfin, notre groupe se déterminera durant le débat sur les amendements qui seront présentés, mais je vous informe d'ores et déjà que nous ne nous prêterons pas à des marchandages d'épiciers pour des queues de cerises. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Cinq minutes seront décomptées au groupe radical. (Un problème de micro interrompt la séance pendant quelques minutes.)
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je suis contente de voir que les radicaux ont cédé la parole et le micro. En préambule, le groupe socialiste salue le travail effectué par la commission des finances pour la mise sous toit du budget 2006 qui, comme on le sait, a été réalisé dans des conditions très difficiles. Tout cela est relaté dans l'excellent rapport de notre collègue Alberto Velasco. Nous relevons également le travail de l'administration qui a dû s'adapter à la fois à la réorganisation des départements, au projet 2006 amendé et au bouclement des comptes.
Concernant le budget proprement dit, nous tenons à rappeler le leitmotiv du Conseil d'Etat, à savoir qu'il entend assainir les finances publiques à petits pas, sans baisses de prestations ni hausses d'impôts - cela a été dit à maintes reprises.
Les socialistes se reconnaissent dans une politique qui prône le rétablissement en douceur des finances publiques pour arriver à une gestion durable des finances de l'Etat. Mais au-delà des discours rassurants, il est à craindre que l'assainissement des finances de l'Etat ne puisse se réaliser avec seulement des mesures de rationalisation, dont certaines comportent des baisses de prestations déguisées - je fais référence aux septante-trois mesures dont un certain nombre n'ont pas encore été chiffrées. A notre avis, il faudra certainement trouver de nouvelles recettes, soit en comptant sur la reprise économique, soit en rétablissant une fiscalité plus équitable. Mais cela concerne le budget 2007.
Pour l'heure, nous reconnaissons également au Conseil d'Etat le mérite d'avoir renoué le dialogue avec la fonction publique, même si le rythme des négociations s'est ralenti ces dernières semaines - budget oblige - et si l'on attend toujours des propositions de sa part concernant les amendements au projet inique de la droite qui veut supprimer le statut de la fonction publique. Cependant, le rétablissement des mécanismes salariaux, même partiel, représente à nos yeux un signe très positif.
Pourtant, il y a quand même des points noirs dans ce budget. Nous constatons que la seule mesure d'économie a été faite au détriment des bénéficiaires de l'assistance. En effet, vous le savez, les forfaits vêtements et TPG ont été supprimés au premier janvier 2006. Cette mesure, qui sera couplée à l'entrée en vigueur des normes CSIAS, représente une économie de 18 millions pour l'Etat.
Les socialistes et les Verts ont récemment déposé une motion pour demander au Conseil d'Etat de revenir sur cette décision, parce qu'il nous semble tout à fait inacceptable de faire passer à la caisse les plus démunis si on ne demande pas parallèlement un sacrifice aux plus nantis de notre société. C'est une question de cohérence et de justice sociale ! Nous avons donc déposé un amendement qui sera défendu par la suite, quand on passera en revue les départements.
De la même manière, nous ne pouvons pas admettre les baisses de subventions qui concernent Solidarité Internationale. Je rappelle que notre canton dispose encore de ressources suffisantes et que nous sommes loin du 0,7% du budget de fonctionnement qui devrait être normalement affecté au soutien à des développements dans les pays du Sud. On constate, une fois de plus, que ceux qui se font les chantres de la Genève internationale n'hésitent pas à opérer des coupes quand il s'agit de soutenir concrètement certains projets, et cela est inacceptable.
Donc, malgré les réserves que nous émettons sur le budget et contrairement aux libéraux et à l'UDC qui, cette fois, font cause commune, les socialistes estiment qu'il est primordial d'avoir un budget 2006. Et c'est pourquoi nous entrons en matière sur ce projet. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Vous avez parlé pendant quatre minutes et dix secondes.
M. Claude Jeanneret (MCG). Le groupe MCG - ni gauche ni droite - a examiné le budget proposé avec impartialité. Nous avons eu le plaisir de constater une volonté manifeste du nouveau gouvernement de travailler de manière collégiale et dans la direction souhaitée, à savoir un retour à l'équilibre du budget par une approche intéressante qui se focalise principalement sur la gestion des coûts, c'est-à-dire sur ce qui peut être géré dans l'immédiat, avec une projection de diminution des coûts sur une période de quatre ans qui devrait conduire à l'équilibre du budget.
L'équilibre dépend aussi des recettes, et il est difficile de parler d'équilibre avant de savoir ce que l'on va recevoir comme recettes. Mais il est surtout important de dire que l'on neutralise l'évolution des coûts, et il est clair qu'à partir de là on peut travailler sur les recettes.
Du côté du MCG, nous portons notre attention sur les actions du nouveau gouvernement pour augmenter les recettes. Je pense notamment à l'accroissement des logements disponibles, pour conserver les travailleurs à Genève et qu'ils dépensent leur argent sur place. Par cette action, nous allons augmenter les recettes, ce qui est très important. Il ne faut pas oublier qu'aujourd'hui, si on fait une estimation - ce ne sont pas des chiffres précis - on peut dire qu'on exporte à peu près un quart de notre PIB hors du canton, autant dans le canton de Vaud qu'en France voisine.
Si l'on imaginait qu'une partie de ces recettes demeure à Genève, avec le mouvement d'accélération que cela génère, cela occasionnerait des profits et permettrait la création de petites entreprises, donc du travail sur place, et il faudrait également loger les gens.
La première phase du budget que nous acceptons aujourd'hui est une phase de contrôle des coûts, raison pour laquelle le MCG se montrera favorable à cette proposition de budget. Nous surveillerons avec attention le développement de l'activité de notre république, car nous attendons maintenant que les recettes s'accroissent, dans une politique de négociation avec nos différents partenaires, non par une augmentation ou modification des impôts, mais par l'accroissement des contribuables sur place.
Le président. Deux minutes et quarante secondes sont décomptées au MCG.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC regrette les conditions dans lesquelles ce parlement a dû travailler en commission pour empoigner ce projet de loi sur le budget 2006. Nous regrettons que ce projet de loi ait été soumis tardivement à la commission et qu'un vrai travail de commission n'ait pas pu être effectué, car, version après version, les commissaires ont dû jongler et se contenter du minimum pour faire un choix important pour notre canton.
Dans le débat d'entrée en matière sur ce projet de loi 2006, je constate que la majorité des groupes va choisir de continuer à dévaler sur l'autoroute du surendettement qui se chiffre aujourd'hui à 13 milliards, uniquement pour l'endettement financier, sans compter les engagements de l'Etat. Ces différents groupes, parmi lesquels je compte les radicaux et certainement les démocrates-chrétiens qui vont, pour une fois, faire alliance avec la gauche et avec un Conseil d'Etat de gauche, vont donc nous endetter, et endetter les générations futures, et sur plusieurs générations, pour financer l'immobilisme de ce canton ! (Remarques. Brouhaha.)
Aujourd'hui, nous allons nous contenter de régresser du rôle de décideur politique, qui prend des options politiques en matière budgétaire, à celui de chambre d'enregistrement budgétaire. Observons ce qui se passe au sein de l'OCDE dans les pays occidentaux - le Canada, la Suède, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, et j'en oublie... (Rires.) Tous ces pays ont été confrontés à la même situation financière que notre canton, et ils sont parvenus à inverser la tendance et rétablir un équilibre budgétaire ! Il est quand même assez surprenant de voir que l'Espagne atteint un équilibre budgétaire - en plus, c'est un pays socialiste - avec une dette qui, en proportion du produit intérieur brut, est nettement inférieure à celle de notre canton. Tous les pays que j'ai cités ont été confrontés à ces difficultés d'endettement et de déficit budgétaire, ils ont dû prendre des décisions, et ils les ont prises. Ils ont pris une décision de principe: la réduction des dépenses publiques. Et depuis quatre ans que je siège dans ce parlement, je n'en ai jamais vu ! Depuis des années, ce canton ne cesse de vivre au-dessus de ses moyens: cette année, à hauteur de 5%, au moins, dans ses capacités financières, et dans les comptes cela évoluera négativement.
Nous n'avons apparemment pas pris la mesure de la menace à laquelle nous sommes confrontés. Nous devrions prendre une décision politique qui passe notamment par une réduction des dépenses budgétaires, car cela permet généralement de préparer le retour à la croissance et à la réduction du chômage. Il est d'ailleurs assez intéressant de relever que les cantons - notamment Genève - qui ont des déficits budgétaires et qui laissent exploser leur endettement sont confrontés à une faible croissance et à un taux de chômage élevé.
Ce que nous devons mettre en oeuvre par l'intermédiaire de notre politique budgétaire, c'est inciter à travailler davantage, restreindre l'Etat providence et imposer des normes de productivité et de modernisation à l'administration.
Le groupe UDC ne voit dans ce projet de loi aucune volonté d'assainissement, ni de préparation à la croissance économique, ni de retour au plein-emploi. Pour ces motifs, notre groupe sera contraint de ne pas voter l'entrée en matière de ce budget 2006.
Le président. Cinq minutes et vingt secondes seront décomptées à votre groupe.
M. Pierre Weiss (L). Le groupe libéral va s'opposer à ce budget, à regret, mais peut-être avec une prescience de ce que l'avenir, notamment le budget 2007 et l'action du Conseil d'Etat, va nous réserver. Je dois tout d'abord remercier M. Hiler et ses services pour avoir fait de leur mieux possible dans des circonstances difficiles, compte tenu du changement de gouvernement et dans la circonstance d'une restructuration des départements qui a modérément contribué à accroître la lisibilité de l'action de celui-ci et la compréhension par la commission des finances de ce qui était proposé. Il fallait donc des lunettes à plusieurs foyers pour réussir à voir où étaient les problèmes.
Il y a des chiffres; il y a aussi la signification des chiffres. Le déficit, on l'a dit, est environ de 300 millions, avec des retouches par amendement d'à peine une dizaine de millions de francs. C'est aussi, vous l'avez vu ce matin, non pas des queues de cerises, mais déjà 17 millions, ou davantage, d'amendements pour augmenter - à votre bon coeur - les dépenses de l'Etat, et souvent à des motifs sociaux, grâce à des gens que l'on connaît très bien et à des associations dont on est très proches et pour lesquelles on fait évidemment preuve de clientélisme.
Pourquoi allons-nous nous opposer à ce budget ? Parce qu'au fond une condition mériterait d'être remplie pour qu'il soit véritablement convainquant. Cette condition, le nouveau Conseil d'Etat l'a supprimée, car il a décidé de s'y opposer: c'est la question de la reprise des mécanismes salariaux. M. Velasco, excellent rapporteur de majorité, y a fait allusion tout à l'heure, et c'est effectivement la condition que les libéraux exigent pour l'adoption de ce budget, pour autant qu'il y ait entrée en matière - nous le verrons tout à l'heure - sur le projet de loi suivant qui concerne cette reprise. Là, on a affaire à un Conseil d'Etat qui a décidé de céder sur quelque chose d'important face à une pression, non pas de la rue mais une pression de ce qu'ils croyaient être la rue - un quarteron, trente-neuf personnes, peut-être quarante en moyenne pondérée horaire, qui se pressaient hier soir dans la rue de l'Hôtel de Ville...
Mais ce Conseil d'Etat a fait autre chose. Il a d'abord abandonné le précédent plan financier quadriennal qui avait le mérite d'exister. Il était accusé d'être un alignement de lois sur un bâton. Eh bien, pour le moment, le premier plan de mesures est un alignement de quelques chiffres partiellement articulés et inégalement précisés. Il faut effectivement louer la collégialité de l'action du nouveau Conseil d'Etat, mais c'est également le fait que ce Conseil d'Etat procrastine - en français courant «repousse» - les décisions. Il repousse, par exemple, la présentation du deuxième plan de mesures après la présentation du budget 2007, de même qu'il entend repousser la mise en vigueur du frein aux dépenses, avec des arguments juridiques qui, pour certains, ressembleraient à des arguties.
Ce budget se caractérise aussi dans la perspective de l'abandon du «ninisme» gouvernemental - le «ninisme», c'est pas de hausse d'impôts, pas de baisse de prestations. Mais - mais ! - on nous dit déjà qu'il y a des circonstances imprévues, des circonstances extérieures face auxquelles on ne peut rien faire... On ne peut rien faire quand la Confédération fait des erreurs de calcul, nous dit-on... Et nous fait passer de 1 million à 85 millions pour la nouvelle répartition des tâches... On additionne... Et on additionnera aussi, car, si la nouvelle loi fédérale sur les allocations familiales entre en vigueur, ce seront 30 millions que l'on devra additionner. Les conséquences... 17, 34, 51, au fil des ans. Dans deux ans, avec la reprise des mécanismes salariaux, ce n'est pas compliqué, ce seront 200 millions en plus - toute chose égale, par ailleurs - qu'il faudra considérer dans le total de l'addition.
On additionne d'un côté, de l'autre on se contente d'un protocole d'accords avec un cartel dit «de la fonction publique». Ce protocole d'accords n'a rien produit pour le moment. Pourquoi ? Les chefs de groupe des partis du centre et de la droite de ce parlement avaient demandé des indications au gouvernement, qui avait fixé un délai au 15 mai pour ces négociations et une annonce de résultats. Nous avons envoyé une lettre et, évidemment, nous n'avons pas encore reçu de réponse. Il y a toujours des retards, y compris dans les réponses aux lettres que l'on envoie ! Un simple accusé de réception de la part du Conseil d'Etat aurait pu sembler bien placé en la matière.
On nous dit que la dette se stabilise... Mais en réalité, il faut bien se rendre compte que cette stabilisation est faite partiellement d'artifices, ou d'aides extérieures, comme les 500 millions qui nous été versés par la Banque nationale, ou comme ce transfert d'actifs du petit et grand Etat au très grand Etat. Mais avec l'entrée en vigueur des normes IPSAS, nous nous rendrons bientôt compte que cela n'a rien changé à l'endettement général. Il est de 19 milliards, il sera de 20 milliards, voilà les chiffres ! Il faut le savoir. Alors évidemment, cela importe beaucoup moins que d'augmenter de 100 000 F les subventions à telle ou telle association caritative - le bon coeur dont je parlais tout à l'heure.
Un point pour conclure, Monsieur le président. L'Entente - l'UDC aussi - porte la même appréciation sur un futur qui n'est pas souriant. Et ce matin, j'avoue que je suis inquiet. La différence entre une partie de l'Entente et le parti libéral, c'est que nous nous sommes réveillés plus tôt, pour nous rendre compte que le budget 2007 - que certains considèrent comme le vrai test - est, dans son essence comme dans ses conséquences, déjà inscrit dans le budget 2006. On nous annonçait un retour à l'équilibre, mais c'est la poursuite d'une dérive. Et si la condition d'une reprise en main se marquant notamment par le stop à la reprise des automatismes salariaux n'est pas remplie, nous considérerons que la dérive est inscrite dans les faits et qu'elle va nous mener à la fin de cette législature vers un autre désastre, et c'est cet autre désastre que les libéraux veulent éviter au nom de leur conception de l'intérêt public (Applaudissements.).
Le président. Il est décompté sept minutes et cinquante secondes au groupe libéral.
M. Jean-Marc Odier (R). Cinq minutes pour retracer un peu plus de 6 milliards de budget, vous conviendrez que c'est chose impossible. Je m'en tiendrai donc à commenter trois aspects: les travaux de la commission, les chiffres et une position politique.
Tout d'abord, je souhaite adresser des remerciements aux commissaires de la commission des finances qui ont travaillé dans des conditions difficiles et qui l'ont fait de manière constructive. J'adresse également des remerciements à l'administration qui a dû, si vous me permettez l'expression, «mouliner» pendant quatre mois pour nous présenter des chiffres sur lesquels on pouvait travailler: la commission a travaillé durant un mois et demi au lieu des trois mois consacrés habituellement à n'importe quel budget. Ce furent donc des conditions difficiles. J'adresse enfin des remerciements aux rapporteurs: à M. Velasco, pour son rapport de majorité clair, facile à lire, et qui probablement vous présente, Mesdames et Messieurs les députés, un résumé tout à fait fiable des travaux de la commission et des chiffres; mes remerciements vont aussi à M. Gautier pour son rapport de minorité, qui exprime une position que je ne partage pas, bien entendu, mais qui s'est engagé dans ce rapport pour que tout le monde sache quelles étaient les positions des différents groupes.
La commission a adopté le principe de recevoir les documents trois jours avant de pouvoir les traiter et j'entends que ce principe soit respecté à l'avenir. C'est un souhait, mais cela devrait être le cas pour les commissaires qui présentent leur rapport, ainsi que pour l'administration qui nous présente les documents. Et si nous ne bénéficions pas d'un tel délai, nous ne pouvons pas travailler sérieusement.
Quelque chose de nouveau cette année: les subventions ont été votées par sous-rubriques. Il faut relever cela et y être attentif, pour que ce soit poursuivi en 2007.
Considérons les chiffres. Ce budget deuxième version n'est pas bien différent du premier, nous avons 300 millions de déficit. Vous me direz que c'est incroyable et comment cela se fait-il que les radicaux acceptent ce budget ? J'aimerais tout d'abord dire qu'il y a une grande différence: nous n'avons pas de projets de lois liés à la présentation du budget qui ne sont pas approuvés par le souverain. Et ça, c'est de l'ordre du bricolage, qui nous a été présenté par l'ancienne cheffe du département jusqu'à maintenant, et je m'étonne que les libéraux reprennent ce terme pour critiquer la version du budget actuel.
Si nous avons 100 millions de mieux, c'est qu'il s'agit de recettes fiscales sur les personnes morales. Et nous retrouvons la situation de 1998, quand Mme Calmy-Rey est arrivée au département des finances. Cette année, la différence est qu'un engagement du Conseil d'Etat de ne pas augmenter les charges pour les quatre prochaines années de plus de 1% est lié à ces recettes supplémentaires et, au cas où l'équilibre est retrouvé, l'engagement est de ne pas dépasser de plus de 1,5%, et ensuite - si les investissements sont autofinancés - de 2%.
Autrement dit, nous améliorons les recettes, mais nous bloquons les charges. C'est ce qui n'a pas été fait en 1998, et c'est ce que nous réclamions à Mme Calmy-Rey, car les recettes sont conjoncturelles et il ne faut pas engager de charges supplémentaires. Cela n'a pas été fait en 1998, et c'est pour cela que nous nous sommes retrouvés avec des déficits supplémentaires. Je remercie le Conseil d'Etat et le chef du département d'arriver enfin à cette situation.
Cependant, je regrette qu'un plan financier quadriennal n'accompagne pas ce budget. M. Hiler nous a confirmé que ce PFQ arriverait à partir de 2007. Soit, je l'accepte, mais je maintiens que c'est un bémol par rapport à ce budget. Vous avez quatre ans pour revenir à l'équilibre, et, normalement, nous aurions dû avoir cet engagement par PFQ, par projet de loi, qui venait...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Jean-Marc Odier. Je conclus en disant que le groupe radical donnera sa confiance au Conseil d'Etat, pourvu qu'il poursuive dans cette direction, et je dirais aussi, Monsieur Hiler, que vous avez quatre ans pour remettre les finances de l'Etat en ordre.
Le président. Le groupe radical a maintenant épuisé son temps de parole.
M. Guy Mettan (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous vous souvenez qu'il y a deux mois et demi, le parti démocrate-chrétien avait, pour une fois, joué les provocateurs en disant qu'il était content de ce budget. Beaucoup d'esprits forts s'étaient évidemment empressés de sourire à cette remarque, mais je me dois de vous décevoir, Messieurs les esprits forts, en disant qu'aujourd'hui aussi le parti démocrate-chrétien n'est peut-être pas ravi mais il reste content. Pourquoi ? Parce que j'aimerais quand même savoir d'où l'on vient. Je rappelle aux détracteurs de ce budget que, nous, nous avons toujours affirmé - déjà en décembre 2005 - qu'un déficit limité à 300 millions de francs pouvait nous satisfaire. Ce n'est pas que nous étions contents du déficit, c'est que nous étions contents que ce déficit soit limité.
J'aimerais vous rappeler que des chiffres énormes ont été évoqués. Pas plus tard qu'il y a quatre mois, on parlait d'un déficit de 400, de 500, de 600 millions de francs... Et là, Messieurs les libéraux et les UDC, nous aurions été tout à fait d'accord de vous suivre, si ces craintes s'étaient matérialisées: ce n'est pas du tout le cas. Depuis que ce gouvernement est entré en fonction, non seulement la limite du déficit a été contenue mais elle s'est même légèrement améliorée, en dépit de toutes les rumeurs extrêmes qui ont circulé sur le déficit budgétaire. Alors, vous m'excuserez du fait que le parti démocrate-chrétien refuse de considérer la grimace comme une marque de savoir-vivre dans cette république, et que, de temps en temps, nous conservions un petit sourire zen sur le coin des lèvres. Parce que j'aimerais aussi mentionner les points positifs contenus dans ce budget: si les 294 millions de déficit sont effectivement déplaisants, il faut aussi considérer les point positifs, et il y en a sept ou huit.
Premièrement, on a assisté à une réorganisation complète des départements qui a été prise en considération dans le nouveau budget amendé. Cela n'est pas simple de réorganiser de fond en comble les départements d'une administration que l'on sait extrêmement lourde et bureaucratique, et cela a été fait.
Deuxième chose, M. Odier en a parlé, c'est le blocage des charges. Très nouveau dans notre république, c'est aussi quelque chose qui est effectif.
Troisième chose: blocage de l'engagement de nouveaux fonctionnaires. C'est carrément une petite révolution, parce que c'est la première fois que cela arrive depuis au moins quinze ans. C'est donc aussi un fait positif à rappeler. J'étais rapporteur pour le budget 2004, où le déficit était supérieur à celui que l'on va accepter aujourd'hui mais où le nombre de nouveaux fonctionnaires était de 525... Aujourd'hui, il est de zéro. C'est un point qu'il faut prendre en considération.
Ensuite, M. Barrillier l'a rappelé, il s'agit d'un budget-vérité. On sait que l'on a pu apurer les comptes 2005 grâce à l'or de la Banque nationale et travailler sur des bases beaucoup plus claires, car tout cela était noyé dans un magma incompréhensible - d'ailleurs soigneusement élaboré pour que l'on n'y voie rien. Eh bien maintenant, nous pouvons y voir plus clair ! Car je défie quiconque à la commission des finances - ou même dans certains secteurs de l'Etat - de comprendre quoi que ce soit à cette nébuleuse budgétaire qui avait prévalu jusqu'ici. Et maintenant, cet effort de transparence est en cours.
Le plan de mesures est la cinquième raison positive. Ce plan de mesures vaut ce qu'il vaut et, effectivement, certaines mesures paraissent anecdotiques - mais d'autres sont beaucoup plus sérieuses. Il faudrait que ces mesures soient chiffrées, cela manque encore, mais enfin, ce plan de mesures a le mérite d'être concret et d'exister. Parce qu'un plan financier quadriennal sans mesures, comme vous le savez, c'est du bouillon pour les morts. Et au moins, des mesures, on peut en parler, on peut essayer de les chiffrer et de les mettre en pratique.
Autre avantage - qui n'est pas lié directement au budget - c'est l'adoption par le peuple du frein au déficit. Le Conseil d'Etat nous a dit qu'il le respecterait, et je sais qu'il le respectera. Et s'il ne le respectait pas, c'est nous-mêmes, au parlement, qui serions autorisés à prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'il le soit.
Et enfin, une volonté politique. Ce n'est pas quelque chose de palpable, mais on a bien pu constater que, depuis six mois que ce gouvernement est entré en fonction, c'est aussi une première que de voir sept conseillers d'Etat avoir l'air unis - et à mon avis ils le sont effectivement - derrière des objectifs qui nous paraissent à tous assez clairs. Voilà pour les points positifs qui font que nous adopterons ce budget sans états d'âme, on reviendra plus tard sur les amendements.
Il existe aussi, il faut le reconnaître, des points plus négatifs, plus sombres. Depuis quelques semaines, on a l'impression que cette volonté de réforme gouvernementale s'enlise un peu dans les sables mouvants de la bureaucratie et de la gestion plus quotidienne, mais on sera rassurés dès le mois de septembre. Comme ce sera le moment de vérité, avec la présentation du budget 2007, je pense que nous devons maintenant nous focaliser sur l'avenir, c'est-à-dire sur ce budget 2007 et sur les comptes 2006 qui nous seront rendus l'année prochaine. C'est lors de ces deux étapes que le moment de vérité arrivera pour ce gouvernement et pour nous-mêmes. A ce moment, nous serons autorisés, si les engagements n'ont pas été respectés, à prendre nos ciseaux, et le parti démocrate-chrétien s'engage - si ces conditions ne sont respectées - à apporter une paire de ciseaux à chacun des députés de ce parlement.
Le président. J'espère que cela ne grèvera pas trop votre budget. Vous avez décompté sept minutes et vingt secondes sur le temps du PDC.
M. Pierre Losio (Ve). Bien des choses ont été dites, ce qui me permettra d'être un peu plus bref que prévu. Je tenais tout d'abord, au nom du groupe des Verts, à m'associer aux remerciements qu'a adressés notre président Odier à tous ceux qui ont contribué à ce travail budgétaire, au sein de cette commission. Ce fut un travail difficile pour des miliciens et compliqué pour l'administration des finances, et même le chef du département a déclaré que c'était à la limite de l'acceptable.
Le split des départements a touché un nombre considérable de personnes - plusieurs milliers - dès le début 2006. Pour arriver à la fin de ce travail budgétaire, il a fallu notamment - et ce n'est pas indifférent de le rappeler - assurer le suivi des comptes, l'historique des services et des départements qui ont été splittés, ouvrir l'exercice 2006 avec une nouvelle structure et, en même temps, avec un budget en douzièmes. Il a aussi fallu créer de nouveaux départements - le Grand Conseil, le pouvoir judiciaire et la Cour des comptes - avec un problème informatique qui a surgi, puisque l'application utilisée ne permettait que de gérer neuf départements alors que désormais il y en a dix. Il a fallu aussi boucler les comptes 2005 sur l'ancienne structure, les publier, puis les republier dans la nouvelle structure. Et enfin, il a fallu lancer la nouvelle procédure budgétaire. C'est dire le travail considérable auquel la commission des finances et toute l'administration ont été confrontées, et nous devons véritablement les saluer !
Evidemment, le Conseil d'Etat aurait pu prendre son temps et procéder à ce redécoupage des départements pour le budget 2007. Il a montré une cohérence avec son discours de Saint-Pierre, ainsi que de la détermination, et la volonté de son travail politique. On glose beaucoup sur la couleur politique de ce gouvernement, rose, vert, centre-gris... En ce qui me concerne, je le trouve fort teinté de bleu. Non pas bleu comme le bleu du ciel de l'été qui permet la rêverie - car aujourd'hui on n'est plus dans la rêverie mais face à de cruelles réalités à résoudre - mais un bleu beaucoup plus franc, net et gras. Un bleu comme les bleus de travail, comme les bleus de chauffe que le Conseil d'Etat a enfilés avec détermination pour descendre dans la salle des machines - j'allais dire dans la salle des grandes machines.
Qu'observe-t-on dans ce budget que les Verts soutiendront, mais que les Verts également amenderont ? Tout d'abord, un souci de réalité et de vérité dans la méthode. Il s'agit de ne plus déposer, dans le cadre des projets de budgets, des projets de lois qui présument de l'appréciation que pourraient donner le Grand Conseil ou le peuple. Le dernier exemple en date - catastrophique - étant celui du budget 2005 qui prévoyait un déficit de 293 millions alors qu'aux comptes 2005 l'ardoise affichait un déficit de 433 millions, notamment suite au vote populaire du 24 avril. Cette façon de faire nous permet donc d'avoir, pour 2006, un budget certainement plus fiable.
Qu'observe-t-on encore ? Un changement de cap politique. En sortant de la logique duelle «hausse d'impôts-baisse de charges», on marque désormais une volonté de gestion beaucoup plus entrepreneuriale. On constate une actualisation réaliste et proche de la volonté de vérité budgétaire des projections fiscales par rapport à la première version du budget: à la baisse pour le revenu et la fortune, à la hausse pour le bénéfice et le capital.
On observe un accord avec la fonction publique. Et là, je ne peux pas suivre les propos du préopinant libéral qui prétend que le Conseil d'Etat a cédé. Il n'a pas cédé, il a pris lui-même l'initiative de renouer les discussions avec la fonction publique. Cela nous paraît indispensable et raisonnable, car il est inconcevable que le Conseil d'Etat puisse ignorer la fonction publique dans le cadre des réformes entreprises à l'heure actuelle, et c'est un geste que nous saluons.
Nous constatons également des coupes sur les dépenses générales, le retrait des projets de lois sanctionnés en avril, la limitation de la croissance des charges de 1% inférieure aux comptes et un accroissement de 23 à 24 millions pour les mesures cantonales en matière d'emploi, tout cela associé à l'annonce de la présentation, à l'automne, d'une importante réforme concernant le traitement du chômage. L'affaire du fonds d'équipement cantonal et celle des SIG sont deux mesures discutables, parce qu'elles restent des expédients, mais, fort heureusement, elles ne s'inscrivent pas dans la durée. De plus, ce budget est conforme aux textes qui régissent les lois financières et budgétaires de notre république.
Nous ne voterons pas seulement ce budget. Il convient pour nous - et le Conseil d'Etat l'a montré - d'avoir une vision en perspective de la législature sur laquelle ce Conseil d'Etat a pris des engagements précis, fixé des objectifs clairs et présenté un échéancier. Une législature pour résorber le déficit de fonctionnement et stabiliser la dette, puis, dans un peu plus de trois ans, l'important et indispensable travail lié à la diminution de la dette. A ce propos, le groupe des Verts rappelle avec aigreur que les charges liées à cette dette représentent quelque chose comme 3000 postes de travail.
Nous ne soutiendrons pas seulement des chiffres mais une démarche qui s'annonce difficile: elle requiert l'appui responsable et déterminé des forces politiques qui souhaitent que notre canton ait des chances de s'en sortir à l'issue de cette législature. Le gouvernement est, à nos yeux, crédible et nous nous associons à sa démarche. Nous tenons cependant à dire très clairement - comme l'avait fait notre collègue Morgane Gauthier dans un débat budgétaire précédent - que nous nous opposerons toujours à toute mesure visant à priver de ressources les gens qui vivent dans la plus grande précarité.
On a longtemps entendu parler, dans la presse, dans le parlement, dans le monde politique - et de façon récurrente - du fameux «grand projet pour Genève». Finalement, ce grand projet pour Genève ne serait-il pas, simplement, le grand chantier entrepris par le Conseil d'Etat ? La réforme de l'Etat, longtemps annoncée, est maintenant empoignée avec énergie: l'assainissement des finances publiques pour assurer la pérennité d'un Etat social auquel la population a droit, et dont une partie toujours plus grande d'entre elle a besoin; une nouvelle manière de traiter le chômage, pour redonner rapidement dignité et motivation aux exclus de l'emploi; l'élaboration d'une nouvelle donne pour s'attaquer au problème du logement. Tout cela, bien sûr, dans le paysage, n'est pas aussi spectaculaire qu'un stade ou qu'un pont sur la Rade. Mais enfin, ces objectifs ne sont-ils pas véritablement un grand projet pour Genève ? De plus, cela représente une perspective assez réjouissante: toute la population est concernée par ces problématiques et pourra profiter des effets positifs que les chantiers ouverts courageusement par le Conseil d'Etat auront contribué à résoudre.
Nous pensons que ces objectifs seront atteints en fin de législature et, à ce sujet, il n'est peut-être pas inutile de rappeler le dernier rapport du LEA-Pictet qui prévoit une phase d'expansion de dix ans, ce qui pourrait être une chance supplémentaire pour le Conseil d'Etat. Je pense qu'à la fin de la législature ceux qui doutent maintenant reconnaîtront le positionnement politique de ce gouvernement. Ce sera à gauche - pas «A Gauche toute», comme d'aucuns le souhaiteraient - mais ce sera en tous cas à gauche du rêve et des illusions, et je dirais même à gauche de l'impossible, ou pour le moins, de ce que certains croient encore aujourd'hui impossible (Applaudissements.)
Le président. Neuf minutes sont décomptées à votre groupe.
M. Claude Marcet (UDC). J'ai entendu beaucoup de belles choses, beaucoup de grandes choses, beaucoup de mots, enfin, du verbiage. Le seul à mes yeux qui a dit quelque chose de correct, de sensé et d'intéressant dans le cadre de ce budget, c'est M. Weiss. Je me permets simplement de vous rappeler une chose, Mesdames et Messieurs, j'aimerais remettre le débat exactement au niveau où il se doit, en matière technique. C'est-à-dire de savoir ce qu'est un budget. C'est un ensemble de charges et un ensemble de recettes. Je vais prendre un exemple. Lorsque, dans votre ménage, vous faites un budget, le premier des budgets que vous faites, c'est lequel ? C'est le budget des recettes ! Et en fonction des recettes, vous déterminez ce que vous allez dépenser. L'Etat, depuis des décennies, fait le contraire ! Il dit ce qu'il va dépenser, et envisage éventuellement de pouvoir couvrir, par ci ou par ça, mais sans savoir réellement s'il a la capacité d'aller dans le sens de ce qu'il a envie.
J'aimerais bien que l'on remette un peu les choses là où elles se doivent d'être. Il y a un peu plus de dix ans, en 1993, on a fait des grandes théories sur l'avenir, on a voulu remettre les finances de l'Etat à flot et on a dit qu'on allait y arriver... Résultat: néant ! Pourquoi ? Parce que tout le monde croit que lorsqu'il a acquis quelque chose, c'est définitif. Rien n'est jamais acquis en ce bas monde, Mesdames et Messieurs ! Tout se gagne. Et en fonction de ce que l'on fait, pas en fonction de ce que l'on croit éventuellement avoir plus tard.
On a préparé le plan quadriennal, puis on l'a jeté aux orties ! Pourquoi ? Parce que, à nouveau, on parle dans cet hémicycle de grandes choses, de grands problèmes, de grands trucs, mais on ne se pose pas la question de savoir si nous avons les moyens d'agir et si nous avons les moyens de couvrir. On préfère, excusez-moi de vous le dire - je vais être assez direct - s'empiffrer pendant cinq ans, sans savoir si, après, on pourra manger, que de faire ce que nous devrions faire, c'est-à-dire de manger correctement sur la durée totale de notre vie. Nous avons des enfants et nous ne regardons même pas ce qu'ils devront assumer à cause de nos incohérences, à cause de notre verbiage, à cause de notre incompétence en matière de gestion de fonds publics !
J'ai entendu que ces budgets sont vrais. Mais vous me faites rigoler ! Et qu'est-ce que l'on fait ? On fait éventuellement ce que nous pouvons faire, mais en essayant de cacher ce que nous n'avons pas envie de montrer. Un exemple-type: pendant des décennies, on nous a soumis des budgets avec des amortissements que l'on nous a présentés comme corrects - je vous rappelle qu'un amortissement, c'est une rétention de fonds pour nous permettre de réinvestir. Que s'est-il passé ? Dès que nous avons eu les fonds de la BNS, on s'est empressés de passer tous les amortissements que nous n'avions pas faits - cela veut donc dire que nos bilans antérieurs étaient faux - pour les couvrir par l'argent de la BNS. Et on nous dit qu'il n'y a pas de problème et que notre endettement a diminué ! Mais il a diminué simplement par quelque chose d'exceptionnel, point barre ! Si nous n'avions pas eu l'or de la BNS, nous serions au-dessus des 13 milliards. Et c'est effectivement ce montant que nous devrions prendre en compte. On nous dit qu'on est descendu en-dessous des 12 milliards... Mais simplement parce qu'il y a eu une recette extraordinaire.
On me dit que ce budget est juste. Les caisses de retraite ?! On évacue chaque fois le problème. Je vous rappelle que dans une grande corporation publique de Genève, pour un écart très faible du taux technique, on a eu 23 millions d'augmentation des charges. L'Etat, c'est la même chose - nous sommes dans le même environnement, eux n'habitent pas à New-York et nous à Genève. Cela veut dire qu'à l'Etat c'est le même principe ! La diminution du taux technique, elle est où dans les comptes de votre budget ? Cela veut dire que, demain, ceux qui ne sont pas ici aujourd'hui devront prendre des mesures que nous sommes incapables de prendre maintenant, car nous sommes incapables de comprendre que nous sommes - excusez-moi de vous le dire - dans une merde financière épouvantable et nous n'avons pas la volonté politique de prendre les décisions qui s'imposent. Un jour, nous devrons prendre ces décisions ! Mais ce n'est pas nous qui le ferons, et ceux qui le devront diront que ceux qui étaient là avant eux étaient vraiment une bande de charlots. Je m'excuse, mais personnellement je n'ai pas envie...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député,
M. Claude Marcet. Je vais terminer. On nous parle des normes IPSAS, je me réjouis de voir quel argument avancera le gouvernement pour nous dire que dans tel et tel cas on ne peut pas les appliquer, parce que manifestement, on n'aura pas envie de nous montrer exactement ce qui se passe.
Le président. Il vous faut conclure !
M. Claude Marcet. Je terminerai sur une chose: je souhaiterais que ce gouvernement aille chercher les documents qui ont traité des faits qui se sont passés à New-York dans les années 70, car peut-être que dans les années 2010 nous serons à Genève dans la situation des années 70 des New-Yorkais.
Le président. Le groupe UDC a épuisé son temps de parole, et même dépassé.
M. Eric Stauffer (MCG). Comme vous l'avez entendu, le groupe Mouvement Citoyens Genevois va soutenir le budget. Néanmoins, ce n'est pas une carte blanche pour le gouvernement. Le MCG sera particulièrement vigilant... (Rires) ... en matière de logement, en matière de péréquation intercantonale. Parce que, comme vous le savez, Genève reverse énormément d'argent à la Confédération, et cela est sans doute à revoir - nous savons de source bien informée que le gouvernement s'est penché sur ce sujet pour voir ce qu'il faut faire. Ensuite, le MCG sera aussi très vigilant concernant certaines procédures en cours qui ont coûté quelques milliards aux contribuables genevois.
Maintenant, j'aimerais maintenant revenir très brièvement sur ce qui a été dit dans cet hémicycle. Nous avons entendu le groupe UDC qui va s'opposer à ce budget. Il a des arguments, mais j'aimerais quand même qu'il soit attentif à une chose: il faut retenir le contribuable sur le territoire genevois. Et si l'on allait, comme certains à l'UDC, habiter en territoire étranger, c'est-à-dire en France, eh bien, ce seraient 40% de la manne financière fiscale qui seraient reversés à l'Etat français ! Alors, quand on veut balayer devant la porte des autres, on ferait mieux commencer par la sienne.
Le groupe libéral refuse le budget: bien ! Mais, Monsieur le président, j'aimerais quand même relever que la dernière grande argentière MBG - Martine Brunschwig-Graf - était libérale. Qu'ont-ils fait, les libéraux, pendant ces années où ils étaient aux commandes des finances ?! Rien ! Ils ont fait des trous abyssaux...
Une voix. Ils ont payé leurs impôts !
M. Eric Stauffer. Et ils ont laissé des trous abyssaux aux contribuables ! Aujourd'hui, il faut saluer le travail du gouvernement qui essaie - avec un consensus - de remettre de l'ordre, et il est à noter que c'est la première fois qu'il y a une telle collégialité pour atteindre les objectifs.
Outre le fait que les libéraux ont trouvé des laquais en l'UDC - puisque ce sont les deux groupes qui refusent... (Exclamations.) ... le budget et qui sont les empêcheurs de tourner en rond de cette république - je dirais en conclusion: «Les gens vertueux se vengent souvent des contraintes qu'ils s'imposent par l'ennui qu'ils inspirent.» Je vous remercie.
Le président. Monsieur le député, cette citation mise à part, je vous rappelle à l'ordre: vous n'avez pas à traiter des groupes ou vos collègues de la manière dont vous l'avez fait il y a un instant ! Pas d'écart de langage, je vous prie ! (Remarques. Brouhaha.) Le temps décompté pour vous est de deux minutes et cinquante secondes, qui s'ajoute à ce qui a été décompté tout à l'heure.
M. Alain Etienne (S). Le groupe socialiste entend soutenir l'action du Conseil d'Etat visant un retour à l'équilibre des finances publiques. En effet, il n'est pas bon pour notre république de vivre avec le système des douzièmes provisionnels, surtout en ce début de législature avec le nouveau Conseil d'Etat.
Le parti socialiste tient à saluer la reprise des négociations avec la fonction publique et l'accord que le Conseil d'Etat a passé sur le rétablissement partiel des mécanismes salariaux. Tout à l'heure, M. Weiss a dénoncé ce protocole d'accord. Monsieur Weiss, expliquez-nous comment vous voulez appliquer des réformes dans la fonction publique sans le rétablissement de la confiance entre la fonction publique et le Conseil d'Etat ? Vous avez proposé le projet de loi sur le personnel de l'administration cantonale, mais avec ce projet vous cassez la fonction publique. Expliquez-nous, Mesdames et Messieurs du groupe libéral, comment vous voulez réformer l'Etat dans de telles conditions ?!
Dans le cadre de ce budget, les socialistes ne peuvent pas, non plus, accepter les atteintes aux allocations sociales des prestataires de l'Hospice, notamment en ce qui concerne la suppression du forfait pour les vêtements et du forfait TPG en faveur des personnes bénéficiaires du RMCAS.
Nous n'acceptons pas non plus la diminution des montants alloués à Solidarité internationale, et le parti socialiste soutiendra les amendements présentés au chapitre: «Prestations aux personnes physiques et aide aux pays en voie de développement.»
Le président. Il vous est décompté une minute et cinquante secondes.
M. Pierre Weiss (L). Je voulais - parce qu'il faut être objectif - rendre un hommage modéré au Conseil d'Etat sur un point. Il a fait, c'est vrai, un pas dans la bonne direction, alors qu'il fallait en faire trois ! Je ne peux donc pas me déclarer, comme M. Mettan, un adepte de la philosophie du contentement de Poliana, car c'est à cela que nous avons affaire quand on croit que l'action menée par le Conseil d'Etat est suffisante.
Je voudrais aussi rappeler que le problème essentiel réside dans le contrôle de la masse salariale. Ce contrôle est évidemment dicté par le nombre de collaborateurs - le Conseil d'Etat s'est engagé à le réduire de 5% d'ici à la fin de la législature - mais aussi par les traitements en eux-mêmes. De ce point de vue, le protocole d'accord n'a rien produit. La solution réside dans le projet de loi que l'Entente et l'UDC ont adopté sur la fonction publique - nous allons y revenir.
Nous avons parlé de la stabilisation des dépenses, ou plutôt de la stabilisation de la hausse des dépenses. Mais c'est la dette qu'il faut diminuer et pour cela je rappelle que nous aurons bientôt à débattre de l'initiative libérale sur la baisse de la dette.
Je terminerai par un seul point, Monsieur le président. Nous avons un débat genevo-genevois. Bien entendu, par rapport à certains moments du passé, nous pouvons nous féliciter, mais je rappelle que, dans les années 90, le nombre de collaborateurs de la fonction publique avait baissé de 2500 - M. Mettan l'avait oublié. Il y a une amélioration par rapport à certaines années récentes, mais sortons de nos frontières, regardons et comparons ce que font les autres cantons. Et là, nous verrons, Monsieur le président,...
Le président. Il va vous falloir conclure.
M. Pierre Weiss. ... que nous sommes dans une situation qui reste déplorable. Ayons donc un regard comparatif - c'est mon souhait - pour apprécier ce budget.
Le président. Le groupe libéral a épuisé son temps de parole.
M. Guy Mettan (PDC). Tout à l'heure, j'ai parlé du cadre général du budget, j'aimerais maintenant entrer sur deux petits problèmes de fond qui nous chagrinent encore trop pour que nous adoptions ce budget avec un large sourire, et non pas un petit comme tout à l'heure. C'est que le parti démocrate-chrétien, avec la collaboration d'autres partis, est très attaché à ce que nous améliorions encore le budget en adoptant - avec les Verts, les socialistes et les radicaux qui n'ont pas signé mais qui sont d'accord avec cette proposition - quelques amendements qui portent d'abord sur la solidarité internationale.
Nous souhaiterions rétablir la coupe qui avait été faite concernant la solidarité internationale, c'est-à-dire l'aide à la Fédération genevoise de coopération et l'aide aux pays du Sud. Cela paraît très important, d'autant plus que durant les débats budgétaires précédents nous avions déjà opéré des coupes dans ces deux lignes budgétaires. Pour des raisons à la fois humaines et philosophiques, je pense qu'il est bon que notre Conseil rétablisse la ligne originelle qui avait été prévue pour la solidarité internationale.
Le deuxième amendement concerne l'Université. Dans un accès de mauvaise humeur, la commission des finances avait enlevé 6,5 millions de francs à l'université. On a vu après coup qu'il est toujours peu indiqué d'agir dans la mauvaise humeur et que cette coupe n'était pas judicieuse. Pour une raison toute simple: si l'Université connaît des problèmes, et connaît effectivement quelques moutons noirs, il est totalement erroné de frapper les gens qui travaillent correctement. Or, c'est ce que font ces deux coupes: elles pénalisent les milliers de personnes - étudiants, professeurs, assistants, etc. - qui travaillent correctement, alors que, ce que nous devons faire, naturellement, c'est poursuivre et sanctionner les vrais auteurs de malversations ! Et pour cela, il faut évidemment attendre les résultats des enquêtes, et notamment de l'enquête pénale. En attendant, il nous paraît complètement faux de s'attaquer à toutes celles et tous ceux qui, dans notre université, travaillent correctement. Je voulais juste vous rendre attentifs à cela...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Guy Mettan. Je termine. Je suis sûr que vous y prêterez la plus grande attention au moment du vote de ces lignes.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de majorité. J'ai entendu la position des minoritaires, notamment MM. Weiss et Catelain, qui reflètent ce que j'avais annoncé dans mon rapport de majorité. Ce qui a motivé fondamentalement le refus du parti libéral, ce sont les accords passés avec la fonction publique - les 12 millions - et pour le parti UDC, c'est ce catéchisme constant, la baisse de charges, etc. Malheureusement, Monsieur Catelain, vous n'écoutez pas: je vous ai dit dans mon intervention que ce sont des chiffres donnés par le département. Ce n'est donc pas moi-même qui les produis ! Les charges sont en baisse de 1,7% ! Donc, c'est davantage la gauche qui devrait se préoccuper de ces choses, à savoir ce qu'il se passe et pourquoi... Mais vous n'écoutez pas ! Je ne sais pas si vous voulez 20% de diminution de charges ou 30%... A un moment donné, il faut aussi que l'UDC sorte des chiffres dogmatiques et nous dise exactement ce qu'elle veut comme réductions, et où, et pourquoi, et comment ! Il ne suffit pas de déclarer: «baisses des charges !» constamment. Il est évident que l'Etat a des obligations à remplir et, pour cela, il faut qu'il se donne une politique de recettes: mais de manière solidaire, Monsieur Catelain - et votre groupe !
Ensuite, M. Weiss se comporte comme Cassandre... Il n'y a rien de positif dans son discours. Rien ! Pour lui, tout est mauvais ! Tout ce qui a été fait pendant ces mois avec ce Conseil d'Etat est mauvais ! Et pourquoi tout est mauvais ? C'est bizarre, car le parti libéral avait commencé les travaux en se proposant pour le rapport de majorité. Je vous le dis, c'est seulement au moment où l'on votait ce réajustement de la politique salariale - les 12 millions - que la chose a bifurqué. Le parti libéral veut-il que le Conseil d'Etat n'arrive pas à un accord avec la fonction publique ? On sait - et M. Weiss le devrait - qu'il faut bien que les gens soient rémunérés pour le travail qu'ils font ! On ne peut pas constamment, même dans une entreprise, année après année, péjorer le salaire des employés ! Tout le monde essaie d'obtenir une valorisation du travail qu'il effectue. Et tout le monde désire que son salaire soit reconsidéré à un certain moment. Pourquoi les fonctionnaires ne pourraient-ils pas avoir droit à de tels égards, comme tous les autres travailleurs du privé ? Et à ce propos, excusez-moi, Monsieur Weiss, mais vous êtes vraiment une Cassandre !
Mesdames et Messieurs les députés, je vous recommande donc d'accepter ce budget.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Quelques rappels pour répondre à un certain nombre d'interrogations ou de recommandations - recommandations contradictoires, comme il se doit, puisque nous sommes en démocratie - qui n'ont évidemment pas manqué, comme dans tout débat budgétaire.
Dans la perspective du discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a fixé un axe stratégique, le retour à l'équilibre pas à pas, avec une échéance en 2009 et une doctrine de base de ne pas s'en prendre à l'argent des citoyennes et citoyens de ce canton, ni en diminuant les prestations, ni en recourant à l'impôt, aussi longtemps que nous n'aurons pas réformé l'Etat, c'est-à-dire fait preuve que son organisation était optimale par rapport aux tâches que la loi lui confie.
Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai qu'il a fallu deux mois au Conseil d'Etat pour affiner, développer ces axes et vous présenter le premier plan de mesures. Les fonctionnaires n'ont eu qu'un petit mois pour faire une première évaluation chiffrée des mesures sur quatre ans. Nous avons eu ce problème, très réel au niveau de l'administration, qui a compliqué la vie de la commission des finances - je peux me mettre encore pendant quelque temps à la place d'un commissaire à la commission des finances, après y avoir moi-même siégé onze ans, et comprendre ces difficultés.
Vous devez vous rappeler que l'administration a dû faire son premier bouclement avec la comptabilité financière intégrée. Cela, on l'oublie un peu. C'était le premier bouclement appuyé sur le nouveau système informatique, et tout en le faisant à double ! Une fois dans les structures anciennes et une fois dans les nouvelles structures. L'administration a donc dû procéder à des opérations de bilan qui sont un peu compliquées - on en reparlera lorsque nous discuterons des comptes au mois de septembre - et, sur la lancée, il a fallu faire un budget pour assurer la comparabilité entre le budget présenté au mois de septembre et les amendements qui doivent déboucher sur le budget dans la nouvelle structure. On a donc refait deux fois le budget.
En d'autres termes, cela signifie que les personnes - elles ne sont pas des centaines - de l'administration des finances de l'Etat et de la direction du budget qui ont travaillé sur le budget ont réalisé quatre fois le travail qu'elles font d'habitude sur la même période. Je souhaitais le rappeler et les en remercier. Et sachez que du côté de l'Office du personnel, qui travaille avec une application informatique qui fait frémir, ce sont des week-ends et des week-ends, des soirées et des soirées, avec très peu de collaborateurs, qui ont permis finalement de présenter à la commission des finances des documents dont, à vrai dire, le Conseil d'Etat n'avait pas disposé lorsque lui-même a reconstruit le budget 2006. Merci à eux et merci à la commission des finances !
Effectivement, les délais étaient courts. Dans certains cas, notamment avec telle ou telle institution du grand Etat, nous avons eu quelques difficultés à obtenir les documents dans délais raisonnables. Les directeurs financiers de chaque département ont beaucoup travaillé, eux aussi, pour être en mesure de répondre aux questions des commissaires, et je les en remercie.
Maintenant, entrons dans la partie peut-être un peu plus politique. Le Conseil d'Etat ne demande pas de chèque en blanc. Il demande une adhésion, ou un refus, à une politique qu'il a fixée, avec une feuille de route qui reste tout de même relativement précise: quatre ans pour atteindre l'objectif. En passant de 433 millions à 293 millions, nous avons parcouru largement plus du quart du chemin et j'espère qu'au vu des premiers chiffres sur le premier trimestre 2006, qui montrent des fondamentaux de l'économie très solides, nous ferons mieux. Mais, la confiance ne va pas plus loin que cela. Nous savons que nous devons faire plus que nos objectifs sur des années comme 2006 et 2007 qui sont prévues comme excellentes, mais nous n'avons pas l'intention, non plus, de changer à tout bout de champ, sous la pression des uns et des autres, le rythme que nous avons fixé.
J'en viens au plan financier quadriennal. Oui, en principe, et pour le Conseil d'Etat en premier lieu, il aurait été fort souhaitable que nous puissions présenter un véritable plan financier quadriennal qui permette de situer très précisément quelles sont les dépenses qui vont augmenter, celles qui pourraient diminuer et comment vont se comporter les recettes, et cela prestations par prestations, et en fonction de la situation économique, de la démographie, et de ce que l'on croit savoir de l'impact de nos mesures sur le marché de l'emploi et dans le domaine du logement. Je dois vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que nous étions en mesure de présenter deux ou trois pages A4, mais cela n'aurait été qu'aligner des chiffres sur un bâton... Nous y avons renoncé, dans la mesure où nous avons l'impression que ce travail est d'une importance à l'égal de l'outil que constitue un plan financier quadriennal qui sera, dès que nous présenterons une première version, amélioré et réajusté chaque année, de sorte à tenir compte des éléments nouveaux, dont M. Weiss prétend que nous ne faisons que prendre note... Oui, oui, oui ! Je peux citer l'exemple de la RPT. Et je dois vous dire qu'il y a quelques années le Conseil d'Etat avait pris position sur un certain nombre de points, et la manière dont on calcule l'indice de capacité financière ne nous est clairement pas favorable ! Si vous intégrez les frontaliers dans les calculs, mais que vous faites l'indice de capacité financière par habitant en ne prenant que les résidents, vous pouvez vous attendre à ce qu'à chaque augmentation du nombre de frontaliers nous ayons un indice de capacité financière qui nous desserve, c'est l'évidence !
Que peut-on encore faire ? Nous avons engagé un directeur de projet RPT pour la dernière étape. J'aimerais vous dire à ce propos que ce qui m'inquiète le plus dans cette affaire, c'est la perte de contrôle à peu près généralisée. Nous avons perdu le plus d'argent dans la RPT, certes, mais je peux vous assurer que la situation du canton du Jura est autrement plus préoccupante que la nôtre, dans la mesure où la variation qui le concerne est de 27 millions sur un total de 700 millions ! Selon toute apparence, de telles variations sont désormais possibles tous les deux ans, selon des formules de calcul dont je ne veux pas que le Conseil d'Etat ait l'exclusivité, et que j'aurai un grand plaisir à livrer à la commission de contrôle de gestion, de sorte qu'elle étudie, avec tout l'intérêt qu'elle porte aux questions de l'Etat, le facteur alpha et le facteur bêta. Personnellement, jusqu'à la page 20 de ce document, je crois avoir compris; je compte sur vous pour les 30 dernières pages ! Et c'est cela qui détermine la répartition des tâches !
D'ailleurs, nous ne faisons pas mieux, car le système d'évaluation fiscale que nous avons mis en place, où nous avons des évaluations sur les comptes, n'est pas facile pour l'Etat, d'où ces projections qui partent un peu dans tous les sens. Mais, pour les communes, c'est exactement la même chose que la RPT par rapport aux cantons. C'est un effet statistique que l'on connaît: les variations aléatoires sont plus fortes sur un petit groupe que sur un grand groupe. Nous avons donc des instruments de pilotage qui nous font penser qu'il faudra tout de même réfléchir au grand retour des politiques par rapport à l'économétrie et à la technologie.
Avons-nous cédé à la pression de la rue ? Je n'ai pas vu qui que ce soit dans la rue avant-hier - en fait, j'étais à l'assemblée des délégués de la CIA. Nous voulons renouer le dialogue et j'ajoute, car cela n'a pas été compris, que nous pensions aller plus vite. Et à vrai dire, à ce stade, nous n'avons pas commencé les négociations au sens strict: nous avons exploré des pistes en groupe de travail, cela a d'ailleurs pris un temps assez considérable au Conseil d'Etat pendant deux mois, et aujourd'hui, à partir de la prise de position du Conseil d'Etat dans sa dernière séance, qui sera communiquée la semaine prochaine, nous commençons une négociation sur les changements légaux et les changements réglementaires que nous proposons.
Enfin, concernant les normes IPSAS... M. Marcet se demande quelles arguties nous allons trouver pour ne pas les respecter. D'abord, je dirai à M. Marcet - je le lui ai déjà dit à quelques reprises, en privé et en commission - qu'effectivement, il n'était pas dans l'intention du Conseil d'Etat de chercher la certification pour l'année 2008, qu'il y aurait des dérogations et que la dérogation la plus probable concernerait la réévaluation des actifs pendant un certain nombre d'années, ce qui n'a pas eu l'air de le choquer outre mesure. Pour le moment, nous n'estimons pas - ce sont les techniciens qui le disent - être en dérogation vis-à-vis des caisses de pension. Monsieur Marcet, si vous le voulez bien, nous aurons l'occasion d'en discuter en commission de contrôle de gestion à la rentrée.
En revanche, je dois vous informer - vous recevrez un document - que nous sommes en train de partir un peu tous seuls: les cantons suisses dans leur majorité refusent la consolidation et refusent la réévaluation des actifs ! Et quand je dis que c'est dans leur majorité, c'est-à-dire tout le monde sauf nous. Le seul espoir viendrait de Zurich, où le travail technique est achevé mais où le parlement est, semble-t-il, un peu moins enthousiaste que le nôtre.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons une loi, nous commencerons le 1er janvier 2008 - sauf si vous la changez. J'attire votre attention sur le fait que si nous pouvions, avec un «IPSAS light», dans un premier temps, rester en phase avec le nouveau modèle des comptes des autres cantons suisses... Comment me disait-on ? «Voir au-delà de nos frontières»... Ce serait peut-être une bonne chose, mais c'est vous qui en déciderez, vous pèserez le pour et le contre.
Pour le reste, je terminerai par des faits et des chiffres. Oui, nous essayons d'aller de l'avant: les comptes étaient à 433 millions de déficit, le budget est à 293 millions, c'est un bel effort. Nous sommes aidés par la conjoncture, nous le savons, et nous savons aussi que l'année 2008 sera celle de tous les dangers, à cause de la RPT et des impacts IPSAS que nous maîtrisons encore mal au niveau de l'administration, et aussi parce que l'on peut imaginer que la conjoncture pourrait être un peu différente.
Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre cap, nous demandons à être jugés par rapport à nos engagements et non par rapport aux souhaits des uns ou des autres. Et ces derniers temps, j'avais un peu l'impression d'une double contrainte: d'un côté, il fallait aller plus vite, parce qu'il était inacceptable que dans le cadre de la négociation nous n'ayons pas fini le 15 mai; d'un autre côté, on nous demandait s'il y avait assez de fonctionnaires pour mener à bien les projets. Et les mêmes personnes, d'ailleurs, nous demandaient enfin de diminuer les postes, tout en nous disant que nous devrions affecter plus de gens aux projets... Bien ! On ne fera pas tout cela à la fois, Mesdames et Messieurs les députés ! Je suis désolé de vous le dire ! Simplement, nous ferons humblement et du mieux que nous pourrons pour respecter le cadre que nous nous sommes fixé. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le projet de loi 9677 est adopté en premier débat par 70 oui contre 5 non.
Suite des débats: Session 10 (juin 2006) - Séance 48 du 23.06.2006
Le président. Nous passons au projet de loi 9833-A. Cette fois-ci, les groupes ont cinq minutes à leur disposition.