République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9528-A-I
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur les procédés de réclame (F 3 20)
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (AdG)

Premier débat

Le président. Le rapporteur de majorité est M. Pierre Weiss. Le rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller n'est apparemment pas repris.

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Monsieur le président, il se trouve que je n'ai que le rapport de majorité. Il n'y a qu'un rapport. Je ne sache pas qu'il y ait un rapport de minorité dans le document qui nous est distribué.

Le président. A la page neuf, Monsieur le rapporteur.

M. Pierre Weiss. Je n'ai que la page huit.

Le président. Il serait bon que l'on vous donne un document complet.

M. Pierre Weiss. La propreté de la ville laisse à désirer. Un plan propreté avait été mis sur pied en juin 2003. Il a eu entre autres comme effet de rendre nécessaire le présent projet, élaboré par le département du territoire, qui concerne l'affichage sauvage, que le département entend, à juste titre, selon la commission, réglementer. Les propositions du département se déclinent en quatre points: d'abord, renforcer l'incitation des communes à créer des emplacements d'affichage selon leurs possibilités, cela a été le seul point d'accrochage durant les travaux de la commission; ensuite, sanctionner qui ferait appel à un tiers, qu'il s'agisse d'une personne physique ou morale, pour apposer des affiches de façon sauvage; puis, donner aux communes la possibilité de supprimer sur le champ une affiche non autorisée, de façon simplifiée en termes de procédure, en d'autres termes de donner aux communes une compétence supplémentaire dont elles ont besoin; et enfin, de modifier les dispositions concernant les sanctions prises en violation de la loi sur les procédés de réclame, permettant en particulier à la police cantonale de sanctionner les contrevenants de nuit aux heures où les polices municipales dorment, compte tenu de leurs horaires qui ne connaissent pas le système d'heures supplémentaires du canton.

Lors des débats, nous avons eu l'occasion d'entendre l'Association des communes genevoises qui nous a rappelé les contraintes auxquelles les communes sont soumises en termes de surface des panneaux d'affichage, la Ville de Genève, qui soutient le projet de loi tout en émettant certains doutes sur la capacité physique ainsi mise à disposition, légalisant en quelque sorte par sa présence, ce qui est illégal, un représentant d'une société d'affichage sauvage, toléré dans notre état multiculturel quant à sa conception du respect de la légalité, venu nous expliquer qu'à Zurich un projet de loi, au fond d'inspiration analogue, avait permis la disparition de l'affichage sauvage, et je crois que la commission a été convaincue par les arguments développés avec son éloquence habituelle par le conseiller d'Etat adepte de la propreté et de l'ordre...

Une voix. Et des bonnes moeurs !

M. Pierre Weiss. Et des bonnes moeurs, en matière d'affichage uniquement, ce dont il était l'objet lors de cette audition. Nous ne saurions déborder par ce rappel des faits les termes de l'audition du Conseil d'Etat.

Au final, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi en question a été largement accepté en ce qui concerne son entrée en matière et adopté par une majorité de l'Entente en ce qui concerne ses dispositions finales. Je vous ai dit la réserve émise par les représentants de l'Alternative. Voilà, Monsieur le président, un rappel du contexte, qui permettra peut-être à une discussion de s'ébaucher.

Mme Fabienne Gautier (L). Ce projet de loi s'inscrit tout particulièrement dans le souci qu'a le Conseil d'Etat d'améliorer autant que faire se peut l'image de propreté de notre canton, propreté qui va se détériorant année après année. A cet égard et conscient de cette dégradation, le Conseil d'Etat a mis en place plusieurs mesures en matière de propreté et de salubrité, notamment la campagne d'affichage des serial jeteuses et des serial jeteurs, l'effacement systématique des tags sur les bâtiments publics, la distribution à plusieurs reprises d'un tout-ménage indiquant les moyens et endroits de récupération des déchets ménagers et des déchets électroniques, pour ne citer que ceux-là.

Certainement qu'aux yeux de la population notre canton mérite encore d'être plus propre, mais cette même population doit également prendre conscience des moyens qui sont mis à sa disposition et se responsabiliser. Parlons de l'affichage sauvage, cette forme de squatteur des biens d'autrui, de vandale du paysage, de salisseur de nos rues. Comme le souligne si justement dans son rapport le député Weiss, cet affichage sauvage doit être canalisé, responsabilisé, voire sanctionné. Mais oui, Mesdames et Messieurs les députés, cet affichage sauvage reflète particulièrement la mauvaise image de propreté et de salubrité de notre canton. Lorsque je me permets de comparer cet affichage sauvage à un squatteur, c'est bien parce qu'on le voit tout particulièrement sur les murs d'immeubles, d'abribus, de vitrines d'espaces commerciaux momentanément vides et j'en passe. En résumé, il se colle sur tout ce qui ne lui appartient pas, et ce n'est pas faute d'avoir des emplacements gratuits prévus à cet effet. Certains d'entre vous appelleront cela de la liberté d'expression et d'information, mais, Mesdames et Messieurs les députés, faut-il vraiment en arriver à de la déprédation pour mettre en évidence une vie culturelle et sociale intense ?

En fait, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi répond parfaitement aux associations qui souhaitent s'exprimer ou se faire connaître par voie d'affichage et répond également aux voeux de la population qui ne cesse de proclamer que nous vivons dans une Genève toujours plus sale. En effet, le Conseil d'Etat a désiré inciter avec ce projet de loi les communes à créer, dans la mesure du possible, des espaces gratuits réservés à l'apposition d'affiches pour tous types d'associations ou institutions à but non lucratif et à endiguer ainsi l'affichage sauvage.

Ce projet de loi a également ceci d'intéressant: il offre aux communes la possibilité de garder de l'affichage commercial dans les emplacements qui lui sont réservés et ne sont, eux, pas gratuits et apportent de ce fait des ressources non négligeables aux communes pour l'utilisation du domaine public. C'est pour toutes ces raisons que le groupe libéral votera oui à ce projet de loi.

M. Michel Ducret (R). Il est vrai que l'affichage sauvage participe à une impression de manque de propreté qui se traduit par une sensation d'insécurité - je dis bien «sensation» d'insécurité - qui retombe finalement sur l'ambiance de notre cité. Ce n'est pas une image extrêmement agréable pour les Genevois et leurs hôtes. C'est pourquoi, bien entendu, le groupe radical ne peut que soutenir, et avec satisfaction, un tel projet de loi.

J'ajouterai encore un élément, qui concerne les cas d'infraction. En cas d'infraction, c'est bien d'aller chercher à la fois les bénéficiaires de l'affichage et les gens qui posent les affiches. Mais on a oublié dans notre projet de loi ceux qui soutiennent plus ou moins directement ce type d'affichage, très souvent dans un but commercial ou de notoriété, au travers de la mise à disposition de fonds d'affiches qui portent notamment le slogan de marques de limonade extrêmement connues ou d'autres produits commerciaux. Ces papiers sont très gentiment mis à disposition des sociétés de pompiers ou des associations en faveur de nombre de choses, parfois de bienfaisance. On donc peut aller chercher la société de pompiers, l'association de bienfaisance, l'afficheur, mais on a oublié la société du grand limonadier qui assoit sa notoriété au travers de sa participation à cet affichage qui est répréhensible.

C'est pour cela, Mesdames et Messieurs, que vous avez sur vos tables une demande d'amendement qui ajoute un article 23B, qui introduit la coresponsabilité des soutiens publicitaires financiers et ou prestations en nature. L'article est le suivant: «Les entreprises ou entités qui, par l'apposition de textes ou d'images, soutiennent financièrement ou par prestations en nature les réclames ne respectant pas les dispositions de la présente loi peuvent être poursuivies solidairement avec les annonceurs commanditaires.»

Mesdames et Messieurs, je vous propose d'accepter également cet amendement qui permet d'englober l'ensemble des bénéficiaires dans les éventuelles punitions pour des abus qui peuvent être commis dans l'affichage.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Je souhaitais faire une remarque sur les raisons qui poussent aujourd'hui les démocrates chrétiens à accepter ce projet de loi. La première raison est bien évidemment que l'affichage sauvage enlaidit nos immeubles, le patrimoine financier et administratif de l'Etat, de la Ville, ainsi que les bâtiments des propriétaires privés à qui on n'a pas demandé l'autorisation d'apposer des affiches sur leur immeuble. Pourquoi faut-il aujourd'hui moins qu'avant tolérer l'affichage sauvage ? Eh bien, Mesdames et Messieurs, parce que, les moyens de communication ayant évolué, je crois que nous pouvons demander à tous les comités d'associations de diffuser leurs messages et d'annoncer leurs soirées culturelles ou dansantes par un moyen de communication moderne: l'Internet. Cela se fait de plus en plus. On peut imaginer encore d'autres moyens de communication: des prospectus. On peut imaginer que ces associations à but non lucratif demandent l'autorisation à des cafés-restaurants d'apposer les affiches au sein même des établissements, de façon à faire de la publicité. Il y a donc toute une palette de raisons qui font qu'aujourd'hui nous devons être moins tolérants envers ceux qui se fichent éperdument des lieux qu'ils salissent et des déprédations qu'ils commettent. (Brouhaha.)

Pourquoi ce projet de loi nous semble-t-il important en deuxième lieu ? Parce qu'il donne la possibilité aux différentes communes...

Le président. Mesdames et Messieurs, puis-je prier celles et ceux que le débat n'intéresse pas de se retirer ?! Monsieur le député, vous avez la parole.

M. Guillaume Barazzone. Merci, Monsieur le président. En ce qui concerne les associations culturelles, je tiens à faire remarquer à ce Grand Conseil qu'un certain nombre de communes, dont la plus grande est la Ville de Genève, ont signé des conventions avec des sociétés d'affichage, en l'occurrence la Ville de Genève a signé avec la Société générale d'affichage une convention tripartite qui lie l'Etat, la Ville et la SGA, et qui prévoit précisément des prestations en nature pour toute association subventionnée, par exemple par la Ville de Genève. Un peu plus d'un tiers des affiches apposées aujourd'hui sur le domaine public de la Ville concernent des associations culturelles sans but lucratif. C'est le premier point et c'est encore une raison qui nous fait dire qu'il faut de moins en moins défendre le procédé d'affichage sauvage.

En ce qui concerne les associations qui ont moins d'argent et qui, comme le disait très justement le rapporteur de majorité, n'ont pas les moyens de diffuser leur message, il se justifie aujourd'hui de mettre à disposition des espaces pour que ces associations puissent s'exprimer, puissent transmettre le message qu'elles souhaitent donner à la population.

En ce qui concerne les sanctions, elles nous semblent utiles, mais malheureusement difficiles à mettre en pratique. Néanmoins, en termes de prévention générale, elles peuvent tout à fait servir à dissuader les colleurs d'affiches sur le domaine public, où ils n'ont pas le droit d'apposer des affiches. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, et pour les arguments qui précèdent, je vous prie d'accepter ce projet de loi.

Le président. La parole est à M. Alain Etienne. Sont encore inscrits: M. Christian Brunier, M. Roger Deneys, puis le conseiller d'Etat Cramer. La liste est close.

M. Alain Etienne (S). En commission, les socialistes se sont abstenus sur ce projet de loi, car nous ne sommes pas convaincus par le «propre en ordre». Il y a certes des préoccupations à prendre en compte et c'est vrai qu'il faut prendre certaines mesures, mais, par rapport à l'affichage culturel, permettre aux associations de faire connaître leurs activités et leurs manifestations nous semble important. Ce projet de loi pose un autre problème: il prévoit que, «dans la mesure du possible, les communes créent en nombre approprié des emplacements réservés à l'apposition d'affiches». Bien sûr, dans la mesure du possible. Dans certains coins du canton, il n'y aura tout simplement pas de panneaux. Dans d'autres, il y en aura peut-être un ou deux...

Une voix. Ils seront recouverts tout de suite.

M. Alain Etienne. L'autre problème, c'est qu'il faut peut-être distinguer ce qui est de l'affichage culturel et de l'affichage commercial. Nous connaissons tous ces affiches culturelles pour annoncer des manifestations qui sont tout de suite recouvertes par celles concernant des manifestations plus commerciales, à but lucratif. Il y a là un problème, et je ne suis pas sûr que le projet de loi le résolve.

On sait aussi que la Ville de Genève a passé des conventions - M. Barazzone parle d'une convention avec la SGA, mais d'autres conventions sont passées - avec Affichage Vert, par exemple, pour dire comment l'affichage doit se faire, proprement, avec du scotch, afin que l'enlèvement des affiches puisse se faire plus facilement. Nous sommes pour le droit à l'expression des milieux associatifs et pour le maintien, dans une certaine mesure, de cet affichage dit sauvage.

Enfin, l'Etat aura-t-il vraiment les moyens de sa politique ? Pour ce projet de loi, faudra-t-il un gendarme derrière chaque colleur d'affiche ?

M. Christian Brunier (S). En commission, les socialistes avaient beaucoup de doutes et se sont d'ailleurs abstenus lors du vote. Il est vrai que lorsque des affiches sont collées sur des arbres ou contre des vitrines de magasins, c'est inacceptable. Mais quand j'entends ce que j'entends ce soir dans ce parlement... Je trouve qu'il faut raison garder ! Tout à l'heure, en matière de finances publiques, je disais: «un peu de pragmatisme et de réalisme» ! Quand on parle de sentiment d'insécurité, parce qu'une affiche est mal collée: stop ! Il faut quand même dire les choses d'une manière sérieuse. Vous ne pouvez pas dire cela... Dire que Genève est sale à cause de l'affichage sauvage: stop aussi ! Si vous commencez à tout bloquer, vous allez tuer tout le monde associatif, la plupart des manifestations sportives, la plupart des manifestations culturelles. Vos copains qui font des lotos dans plein d'associations - et c'est très bien - c'est essentiellement de l'affichage sauvage ! (Brouhaha.) Donc, différenciez bien ceux qui font de l'affichage n'importe où, de n'importe quelle manière, et arrêtez d'entrer dans des caricatures qui faussent complètement les débats !

Quant à l'amendement du parti radical, si vous faites cela, il faudra prévoir un financement par l'Etat ! Vous êtes en train de tuer ce que l'on appelle le sponsoring et le mécénat. Vous présentez un amendement qui prévoit que dès qu'une entreprise décide de soutenir un événement et qu'elle appose son logo sur l'affiche, si cette affiche est mal collée, elle en fera les frais. On sait que dans les associations, même dans nos associations, il y a toujours des personnes qui collent les affiches d'une manière un peu limite. Cela veut dire que l'entreprise qui aurait mis son logo serait amendable. Je peux vous dire qu'il n'y aura plus de sponsoring. Plus de sponsoring pour le sport, plus de sponsoring pour la culture, et qui devra payer ? L'Etat ! Ou alors, on abandonne complètement le monde culturel et le monde sportif à Genève. J'espère que ce n'est pas la volonté de ceux qui ont présenté cet amendement.

Je demande donc au parti radical de faire preuve d'un peu de sagesse. Je sais que le parti radical n'arrête pas de dire qu'il est très impliqué, notamment dans le sport... Retirez cet amendement, vous êtes en train de tuer le monde sportif ! Ou alors, allez jusqu'au bout de la démarche et décidez de supprimer le sponsoring pour étatiser le sport - je ne pensais pas que c'était la position du parti radical, mais pourquoi pas - et demandez des subventions massives ! Ce n'est pas la politique du parti socialiste, en tout cas.

Je demande qu'on retire cet amendement qui est irréaliste et qui va tuer le monde sportif et culturel. Et ça, je crois que c'est mauvais. Si vous voulez condamner quelque chose qui est vraiment inacceptable, alors condamnez le monopole de l'affichage officiel ! Vous défendez le libéralisme économique... (Brouhaha.) ... vous défendez le libéralisme économique... (Remarques.) Vous avez confié un monopole, en plus avec des rentes de situation, à une entreprise privée qui a tout le monopole de l'affichage officiel à Genève.

M. Christian Luscher. Comme les S.I. !

M. Christian Brunier. Ceci n'est pas acceptable. (L'orateur est interpellé.) Excusez-moi, Monsieur Weiss, mais comparer la distribution de l'énergie et de l'eau à l'affichage... (Commentaires. L'orateur est interpellé.) ... et dire qu'une activité peut avoir un monopole... Monsieur Weiss, vous ne pouvez pas comparer la distribution de l'eau, qui est un monopole naturel, avec l'affichage, qui peut être en concurrence ! Moi je suis pour la concurrence de l'affichage officiel. Vous avez donné une rente de situation à des gens qui affichent de manière illicite, et je rappellerai quand même au gouvernement que les socialistes... (Brouhaha.) ... par la voix de M. Velasco, ont déposé une motion qui condamnait un affichage massif officiel - je ne parle pas de l'affichage sauvage. Aujourd'hui, il y a des trottoirs où l'on ne peut plus faire passer une poussette à cause des panneaux de la SGA; pas à cause d'affiches qui donnent prétendument un sentiment d'insécurité. L'affichage officiel aujourd'hui est trop massif dans ce canton... (Brouhaha intense.) Il est affiché n'importe comment ! Une motion avait été votée massivement par ce parlement, qui demandait de condamner cette attitude, le gouvernement ne l'a toujours pas fait, et vous êtes en train de soutenir aujourd'hui cet affichage officiel abusif ! (Brouhaha.)

Pour toutes ces raisons, en tout cas personnellement, je voterai contre ce projet de loi.

Une voix. Très bien ! (Applaudissements.)

M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de mon collègue Brunier et de M. Etienne, j'aimerais insister sur le fait que ce projet de loi institue une inégalité de traitement claire et nette entre ceux qui ont les moyens de se payer de la publicité officielle SGA et les autres. Parce que c'est très clair: les panneaux d'affichage mis à disposition dans la mesure du possible par les communes, on ne sait déjà pas s'ils vont exister, mais, en plus, comme cela a été relevé, les affiches seront recouvertes sans laps de temps minimum, contrairement à ce qui se passe avec les panneaux de la SGA.

Il est important de savoir que, par exemple en ville de Genève, de nombreux panneaux sont déjà mis à disposition aujourd'hui, mais la politique actuelle, c'est plutôt de les réduire, pour une raison très simple: la publicité officielle, comme la publicité sauvage, c'est de la pollution visuelle ! Il n'y a pas de différence de ce côté-là ! Alors, pourquoi aujourd'hui, avec ce projet de loi, vouloir pénaliser l'affichage sauvage tout en maintenant l'affichage payant qui est à disposition des entreprises qui en ont les moyens ?

Cela n'est pas acceptable pour les socialistes et nous vous demandons donc de refuser ce projet de loi. S'il était accepté, on devrait au moins demander à ceux qui affichent par la SGA de payer les fameux panneaux mis à disposition gratuitement pour les associations. A ce stade, nous vous demandons de refuser ce projet de loi.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. L'inconvénient des débats sur les textes de lois qui reviennent de commission, surtout lorsque les travaux du parlement prennent un certain temps, c'est que l'on finit par en oublier totalement le contexte. Permettez-moi de vous le rappeler. Je pense qu'il sera de nature à relativiser fortement un certain nombre de propos qui ont pu être tenus ici ou là. Le contexte dans lequel se situe ce projet de loi, et il a été rappelé d'ailleurs tout à l'heure par Mme Gautier, c'est celui du plan propreté canton-communes du 11 juin 2004, lui-même issu d'un travail qui a duré plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années, entre l'Etat et les communes.

Pour revenir à un débat qu'on a eu plus tôt dans la soirée, l'Etat et les communes travaillent ensemble et travaillent beaucoup. Quel était l'enjeu de ce débat ? C'était de traquer certaines incivilités à partir d'une problématique de gestion des déchets. Dans ce plan propreté Etat-communes, on trouve un programme d'actions qui portent notamment sur les déjections canines, sur les tags et les affichages sauvages, sur les détritus et sur les déchets encombrants. Sur chacun de ces points, un plan de mesures a été mis en place. Dans certains cas, il a fallu changer des règlements, c'était de la compétence du Conseil d'Etat; dans d'autres, il a fallu changer des législations, et c'est la raison pour laquelle ce projet de loi vous est soumis. Parce que, de ce grand panel de mesures prises, il en est une, celle relative à l'affichage sauvage, qui est réglée par la loi, de sorte que le Grand Conseil a eu à la connaître.

Ce que je vous demande simplement de retenir ici, c'est qu'il ne s'agit pas d'un projet isolé, il s'agit d'un projet qui s'inscrit dans un contexte et ce dernier est encore plus général, puisque, dans le cadre de ce plan, il y a non seulement la volonté de lutter contre un certain nombre d'incivilités, mais également celle de s'en donner les moyens, et notamment de mettre en place, ce qui a été fait, un système de monitoring qui vise à savoir, mois après mois, année après année, si les efforts fournis produisent effectivement des résultats, si, commune après commune, il y a moins de tags, moins de déchets encombrants, moins de détritus, moins d'affichage sauvage.

Quand j'entends que l'on place ce débat sur le thème de la liberté d'expression, je me dis que l'on se trompe, que c'est consternant et que c'est affligeant, cela à un double égard: pour qui se bat-on ? Pour ma part, je me bats pour les plus démunis, pour les plus faibles et pour ceux qui ont à subir jour après jour les conséquences de ces incivilités. Et ceux-là ne partent pas en week-end en Valais, à Megève ou je ne sais où: ils vivent ici, et ce sont eux qui subissent au quotidien ces agressions qui, petit à petit, pourrissent l'existence ! Voilà. (Applaudissements.)

La volonté qu'il y a à travers cet ensemble de projets de lois, c'est de reconnaître la responsabilité de la collectivité, c'est d'organiser le mieux-vivre ensemble, c'est d'organiser un peu plus de solidarité, c'est aussi de donner un peu plus de sentiment de confiance, et cela passe aussi par la lutte contre ces incivilités. Non pas par des mesures exagérément répressives - on ne demande pas de sanctions exemplaires contre ceux qui commettent ces incivilités - mais plutôt par toute une série de mesures qui sont d'ordre préventif.

Pour en revenir à l'affichage sauvage, je trouve touchant que l'on veuille placer cette question sur le terrain de la liberté d'expression, mais nous savons bien tous que ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Les affiches que l'on trouve aujourd'hui sur les murs ne sont pas des proclamations politiques, ce ne sont pas des affiches faites dans le cadre de campagnes électorales: ces affiches, ce sont des affiches publicitaires, qui sont faites par des gens qui veulent s'enrichir à travers cela, à tel titre que l'on parle maintenant des sponsors. C'est dire que le projet de loi, dans son esprit évidemment, le Conseil d'Etat vous demande de le soutenir, parce qu'il vient à l'appui d'un effort de toutes les collectivités de ce canton, de l'Etat et des communes.

J'en viens maintenant à l'amendement de M. Ducret. Monsieur Ducret, votre amendement est tout simplement irréaliste. Du point de vue de l'opportunité, pour les raisons évoquées par M. Brunier. Qui, dorénavant, soutiendra une manifestation quelconque s'il sait qu'il s'expose à être amendé pour cela ? Evidemment, plus personne. Au-delà de cela, votre amendement est juridiquement irréaliste: comment voulez-vous punir celui qui est victime d'un afficheur peu consciencieux ? Vous ne pouvez pas le faire ! Celui qui met sa publicité sur une affiche et retrouve ensuite cette affiche placardée par quelqu'un de malhonnête ne saurait être puni. Nous avons été, Monsieur Ducret, aux limites de ce que nous pouvions faire pour aller dans votre sens, en précisant dans l'article 23A que celui qui fait appel à autrui pour installer ou apposer un procédé de réclame doit veiller à ce qu'il respecte les dispositions de la présente loi. Pourquoi ? Parce que nous savons très bien qu'il y a des afficheurs qui en font une spécialité et qui proposent à leur clientèle des affichages sauvages. On ne peut cependant pas aller jusqu'à dire que celui qui décide de soutenir un tournoi de football en mettant le nom «Coca Cola» ou je ne sais quoi d'autre sur l'affiche s'expose dorénavant à être puni pour avoir voulu soutenir cette cause sportive. Voilà la raison pour laquelle je pense que votre amendement ne va pas dans le bon sens. Non seulement, il est inapplicable mais, surtout, il va affaiblir cette loi qui tient juridiquement la route. Si l'on y ajoute cet amendement, cette loi que l'on veut pour lutter contre les incivilités sera fragilisée.

Voilà la raison pour laquelle, tout en reconnaissant les bons motifs qui vous animent, j'invite cette assemblée à rejeter l'amendement que vous proposez, et tous les autres qui le sont dans la foulée, et à adopter cette loi telle qu'elle vous a été proposée par le Conseil d'Etat, et surtout telle que nous en avons négocié le contenu avec les communes, contenu réaliste et qui sera appliqué. (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Ducret, la parole ne se prend plus, sauf si c'est pour retirer l'amendement, éventuellement. C'est le cas ?

M. Michel Ducret (R). Sur la base des explications reçues de M. le conseiller d'Etat Cramer, je me permets de retirer l'amendement, cela nous fera gagner du temps. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 9528 est adopté en premier débat par 39 oui contre 20 non et 8 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Concernant l'article 23, alinéa 2, nous avons dans le rapport de minorité - qui n'a pas été soutenu de manière effective aujourd'hui - une proposition d'amendement qui est reprise maintenant par Mme Sylvia Leuenberger et par M. Christian Brunier. Le texte a été distribué aux chefs de groupe.

Mme Sylvia Leuenberger (Ve). C'est vrai qu'il y a affiches et affiches. Je me souviens de ce qu'il y a vingt ans, les Verts, lors des campagnes électorales, mettaient des affiches à des endroits non autorisés...

Des voix. Ah ! (Chahut.)

Mme Sylvia Leuenberger. Mais je me souviens... (Remarque.) Oui, il y a vingt ans, on n'avait pas les moyens ! Donc, je me souviens d'avoir vu tout récemment de petites affichettes libérales collées sur les poteaux électriques... (Exclamations.)

Une voix. C'est pas possible !

Mme Sylvia Leuenberger. Alors, je pense que ces pratiques vont dorénavant disparaître ! Mais vous en aviez le droit puisqu'il n'y avait pas de loi.

Si je propose cet amendement, c'est parce qu'à l'article 23, alinéa 2, on voit, si on le lit bien: «Dans la mesure du possible, les communes créent en nombre approprié... », ce qui est déjà une notion relative. Cela veut dire que les communes pourront calculer le nombre qu'elles veulent mettre à disposition. Donc, si l'on ajoute «Dans la mesure du possible», on diminue énormément les places pour les affichages alternatifs. C'est pourquoi je pense que supprimer «Dans la mesure du possible» rend ce projet possible, parce que, justement, il est réalisable s'il y a suffisamment de places pour l'affichage alternatif.

Je vous invite donc à accepter la suppression de «Dans la mesure du possible», parce que la suite du texte permet déjà aux communes d'avoir une liberté d'action. Si cet amendement est accepté, effectivement je m'abstiendrai sur la loi... (Exclamations. Brouhaha.) Parce que j'avais refusé l'entrée en matière !

M. René Desbaillets (L). Le parti libéral a été - gentiment, je dois le dire - mis en cause sur les affiches libérales publiées sur les poteaux des S.I. Alors, je vais vous faire un petit peu d'histoire. C'est que le parti libéral, l'Association du Mandement, a créé il y a déjà plus de vingt-cinq ans la première affiche écologique politique: nous avons fait, en grand, planter des jonquilles au mois de novembre sur un talus, écrit «Votez libéral». Ces magnifiques jonquilles ont fleuri quinze jours avant les élections, c'était la première affiche écologique mondiale. Elle est issue du parti libéral du Mandement !

Des voix. Bravo !

M. René Desbaillets. Dont j'étais le président. (Applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Lors des débats de commission, cet amendement a été abondamment discuté, et refusé. Il a été refusé précisément parce que - vous le savez, Madame Leuenberger - les communes ne sont pas toutes égales: il y a celles qui ont de grands moyens, celles qui ont un ample territoire urbain, et puis, il y a les petites communes, qui sont en plus grand nombre, une bonne trentaine dans ce canton. J'en connais une en particulier. Eh bien, dans ces petites communes, nous avons bien entendu la capacité de calculer le nombre d'affiches qu'il faudrait pouvoir exposer aux yeux de la population. Nous ne sommes pas nécessairement en mesure de procéder à tous ces affichages, compte tenu de la place disponible et d'un respect pour le patrimoine, pour la beauté des bâtiments ruraux, et, de ce point de vue-là, je crois que vous devriez convenir avec moi, Madame Leuenberger, que vous ne voulez pas contribuer à une dégradation de la qualité esthétique de nos communes rurales. (Exclamations.)

Une voix. Là, tu as gagné des points !

Mme Véronique Schmied (PDC). J'aimerais, à l'instar de M. Weiss, soutenir la mention «Dans la mesure du possible», qui laisse une certaine souplesse aux communes pour installer les panneaux d'affichage là où cela convient, en fonction des possibilités. Vous savez qu'il y a certaines contraintes, dues notamment à la circulation. Les panneaux d'affichage ne doivent pas être placés là où ils peuvent distraire l'automobiliste, par exemple; il ne convient de mettre des panneaux d'affichage dans la zone agricole, il ne convient pas de mettre des panneaux d'affichage là où il y a des monuments classés, etc.

De nombreuses communes ont déjà fait des plans directeurs d'affichage, de façon à pouvoir indiquer aux personnes, aux associations et aux utilisateurs où ils peuvent effectivement afficher. Je dirai, peut-être pour rassurer, les élections communales ayant lieu au printemps prochain, que, généralement, les communes sont assez souples en cette période-là et acceptent de l'affichage, avec même de très grandes affiches sur des supports éphémères qui sont là juste pendant la période de campagne. Je crois que c'est dans l'intérêt de tout le monde, et c'est très bien compris par l'ensemble des communes.

Je demande donc que l'on n'accepte pas cet amendement.

Le président. M. Roger Deneys et M. Alberto Velasco ont encore demandé la parole. La liste est close.

M. Roger Deneys (S). Moi, je vous invite quand même à voter cet amendement. Il est frappé au coin du bon sens, puisqu'il y a une égalité de traitement: d'une part, il y a des sanctions immédiates pour ceux qui ne respectent pas la présente loi et, d'autre part, en principe on met des panneaux d'affichage gratuits pour les associations. Fondamentalement, ce n'est pas correct. J'ai beau partager les préoccupations de M. Cramer concernant la qualité de vie en ville, notamment en ce qui concerne les agressions visuelles, je vous rappelle que les publicités officielles sont aussi des agressions visuelles. (L'orateur est interpellé.) Monsieur Weiss, dans votre petite commune, il serait aussi possible de supprimer des panneaux d'affichage publicitaires officiels pour en mettre un certain nombre à disposition des associations ! Cela permettrait de réinstaurer... (L'orateur est interpellé.) ... un certain équilibre !

C'est pourquoi l'amendement qui demande que l'on mette des panneaux d'affichage à disposition semble être un minimum par rapport aux sanctions prévues dans cette loi.

M. Alberto Velasco (S). Je préfère prendre la parole lors du troisième débat. (Commentaires.)

Une voix. Et les amendements ?

M. Alberto Velasco. Ce n'est pas sérieux de voir des citoyens de faire poursuivre pour incivilités de la part du Conseil d'Etat. Et puis, j'ai entendu que notre collègue Weiss nous a parlé de respect... (Bruit de larsen.) ... des bâtiments et de la qualité esthétique. Alors soyons clairs, Monsieur le conseiller d'Etat ! Il y a trois ans environ, j'ai déposé une motion qui a été votée à l'unanimité par le Grand Conseil. Dans ladite motion était spécifiée, précisément, l'incivilité de la part de la SGA, dans sa manière de déposer ses panneaux d'affichage, qui contrevient à la loi fédérale de la circulation. J'attends toujours la réponse du Conseil d'Etat, elle n'est toujours pas venue.

Dans un certain nombre de lieux à Genève, notamment dans les îlots d'arrêts de tram, ces panneaux sont disposés de telle façon qu'il est quasiment impossible de circuler. Cela aussi, c'est de l'incivilité, mais on ne dit rien. Il y a donc une différence de traitement. Maintenant, Monsieur Weiss, concernant l'esthétique, nous, citoyens de la ville, avons droit aussi à l'esthétique ?

Une voix. Mais bien sûr !

M. Alberto Velasco. Alors voilà, si vous prenez le boulevard Saint-Georges, vous verrez que ces panneaux ont défiguré cette rue, et personne ne dit rien ! Il y a d'autres endroits à Genève où c'est le cas, et personne ne dit rien... On a même posé des panneaux sur la Rade de Genève, qu'il a fallu enlever suite à notre initiative.... Et vous n'avez rien dit là-dessus ! (Protestations de M. Pierre Weiss. Exclamations.) Ce qui est de l'incivilité ou inesthétique pour certains panneaux l'est aussi pour d'autres ! Et la SGA, Mesdames et Messieurs les députés, bénéficie d'un monopole et des largesses du Conseil d'Etat et de notre parlement qui ne disent absolument rien quand elle enfreint la loi. Voilà la vérité ! Vous vous attaquez à ceux qui n'ont pas de moyens, mais vous ne vous attaquez pas à ceux qui les ont et peuvent se permettre d'enfreindre la loi.

Le président. La parole n'est plus donnée - ni demandée d'ailleurs. Le président Cramer ayant, à mon plus vif regret, retiré sa demande de parole, je vous soumets cet amendement, soit la suppression des termes: «Dans la mesure du possible».

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 36 non contre 34 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).

Troisième débat

La loi 9528 est adoptée article par article en troisième débat.

Le président. Le vote nominal est demandé. Vous êtes soutenu ? De justesse.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9528 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui contre 27 non et 3 abstentions.

Loi 9528 Appel nominal

Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue, M. Jean-Claude Dessuet. (Applaudissements. Exclamations.) Votre arrivée particulièrement opportune, cher ancien collègue, a permis à cette assemblée de se défouler, ce qui fait qu'elle va pouvoir aborder la suite des travaux à un rythme un peu plus soutenu et avec plus de concentration.