République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 mai 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 8e session - 38e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, David Hiler et François Longchamp, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer et Mark Muller, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Mariane Grobet-Wellner, Jacques Jeannerat, Pierre Losio, Claude Marcet et Pierre Schifferli, députés.
Communications de la présidence
Le président. Je salue à la tribune une délégation de ministres, députés et hauts-fonctionnaires d'Ethiopie qui nous rendent visite aujourd'hui et lundi prochain, afin de mieux connaître le fonctionnement de notre parlement et de nos institutions. It is my great pleasure to welcome in our tribune the delegation coming from Ethiopia, composed of ministers, civil servants and members of the Ethiopian parliament. Be welcome in Geneva, thank you so much to be with us today ! (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Le projet de loi 9669 concernant la conception et la réalisation du projet GE-Pilote, retiré par le Conseil d'Etat, est repris par MM. Bertinat, Reymond, Catelain, Guénat, Ischi, Wasmer, Nidegger et Leyvrat, et figurera dans les suspens de la commission des finances sous le numéro PL 9852.
Le projet de loi 9681 modifiant la loi en matière de chômage (J 2 20 ), retiré par le Conseil d'Etat, est repris par les mêmes députés et figurera dans les suspens de la commission de l'économie sous le numéro PL 9853.
Il en va de même pour le projet de loi 9682 modifiant la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité (J 7 15); il figurera dans les suspens de la commission des finances sous le numéro PL 9854.
Quant au PL-9706 modifiant les LIPP en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, le groupe UDC nous annonce qu'il ne reprendra pas ce projet.
La pétition suivante, parvenue à la présidence, est renvoyée à la commission des pétitions:
Pétition pour sauver les pratiquants de Falun Gong et les autres prisonniers de conscience encore vivants dans les camps de concentration en Chine (P-1575)
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Université de Genève : l'art d'enseigner le droit et d'appliquer la courbe (IUE 280)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : L'Hospice général plombe les comptes de l' Etat par ses dysfonctionnements et une gestion hasardeuse (IUE 281)
Interpellation urgente écrite de Mme Sylvia Leuenberger : Futurs chantiers du CEVA et machines de chantiers les moins polluantes possible (IUE 282)
Interpellation urgente écrite de M. André Reymond : 3e voie CFF ? (IUE 283)
Interpellation urgente écrite de M. André Reymond : "Scandale" des OPF en 2001 (IUE 284)
Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Genève qui rit, Genève qui pleure L'OCE est-il en phase avec l'évolution du marché du travail ? (IUE 285)
Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Enquête préliminaire dans le cadre du dossier Fondetec-Virgo : incompétence, complaisance ou travail "normal" ? (IUE 286)
Interpellation urgente écrite de M. Pierre Weiss : Quel serait le coût de l'initiative COSA ? (IUE 287)
Interpellation urgente écrite de Mme Emilie Flamand : Traversée de Vésenaz : qui paiera ? (IUE 288)
IUE 280 IUE 281 IUE 282 IUE 283 IUE 284 IUE 285 IUE 286 IUE 287 IUE 288
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de majorité. J'imagine que vous avez lu attentivement les deux rapports, le rapport de majorité dont je suis l'auteure et qui reflète les discussions que nous avons eues en commission, et le rapport de minorité de M. Stauffer, qui prend en compte les documents qu'il a examinés, ce que je n'ai pas fait.
Je regrette que M. Stauffer n'ait pas accepté, lors de notre dernière séance de commission, ma proposition de reprendre la discussion en fonction des éléments dont il a abondamment parlé dans son rapport, mais, je ne crois pas que cela changera la position de la majorité de notre commission. J'aimerais dire, une fois de plus, que mon rapport se limite aux éléments que nous - la majorité de la commission - avions en notre possession lors de notre discussion.
Hier, j'ai lu le rapport de M. Stauffer - comme vous tous - et je dois dire qu'il est le reflet de ce que nous vivons en commission depuis que M. Stauffer y siège, c'est-à-dire un mélange de tout. Depuis que M. Stauffer siège dans cette commission, il mobilise beaucoup d'énergie et nous fait passer beaucoup de temps à essayer de nous faire comprendre que ce qu'il s'est passé avant que la fondation existe - et qui, je vous le rappelle, fait l'objet d'un examen attentif par la justice - doit être pris en compte dans le cadre de nos travaux liés à la fondation. La majorité d'entre nous - j'espère parler au nom du plus grand nombre - nous évertuons à dire à M. Stauffer que, même si certaines choses portées à notre connaissance dans le cadre des travaux de la commission peuvent bien évidemment nous choquer, il y a lieu de faire la différence entre ce qui s'est passé avant, dans le cadre des affaires de la banque cantonale, qui font l'objet de plaintes examinées par la justice, et les éléments qui s'inscrivent dans le cadre de la commission de la fondation et de ses missions.
Dans son rapport, M. Stauffer mélange tout. Il prend en compte la situation antérieure à la création de la fondation et les montants dus à la banque cantonale, et non pas à la fondation.
Je dois dire aussi que le ton de son rapport de minorité est le reflet de celui que prend M. Stauffer pour tous les objets, et pas uniquement dans le cadre de la fondation. Pour ma part, je trouve cela assez déplaisant. En tant que député, il faut faire preuve d'un minimum de respect quand on parle de personnes, quand on parle des autres, quand on parle des objets, etc. Le vocabulaire utilisé dans le rapport me choque et je tenais à le relever - on accuse des personnes ou des comportements avec un vocabulaire que je trouve très limite.
En tant que socialiste - je ne parle pas en tant que rapporteure, mais en tant que commissaire - la seule chose sur laquelle je suis totalement d'accord avec M. Stauffer, c'est que certains acteurs ayant contribué à la situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons et qui coûte cher au contribuable, certains régisseurs, certains promoteurs immobiliers, travaillent encore avec la fondation. Bien évidemment, tout cela est tout à fait légal et il y a des contrats, mais cela me choque que certains, qui ont fait leur beurre au détriment du contribuable, continuent à être rémunérés - c'est bien sûr pour un travail qu'ils effectuent, or il y a tout de même quelque chose de choquant en cela.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Effectivement, on pourrait imaginer que l'on peut tout confondre... Mais, en attendant, il y a une chose où la différence n'est pas faite, c'est la facture à la sortie: ce sont les contribuables - nos électeurs - qui vont la payer en grande partie. Et là, il n'y pas de différence, ce n'est pas le Saint-Esprit qui va payer la dette de la BCGe... On peut dire qu'il ne faut s'occuper que de la fondation, qu'il faut oublier ce qu'il s'est passé avant et qu'on tourne la page, mais alors, Mesdames et Messieurs les députés, il faut le dire clairement ! Faisons tout de suite un projet de loi pour donner l'immunité à tous ces braves gens ! Et pour finir, on pourrait même leur donner une médaille pour avoir plombé de 3 milliards les comptes de la république.
Madame Pürro, vous savez que je vous respecte, et il y a bien des points où nous sommes d'accord - pas sur tout, heureusement. Vous parlez de respect dans mes propos, mais moi j'aimerais savoir... (Brouhaha.) Encore une fois, il faut le dire clairement: les partis représentés ici, c'est-à-dire vous, qui aviez des conseillers d'Etat au conseil d'administration de la BCG de jadis, est-ce que vous avez respecté les citoyens en cautionnant ces escroqueries et ces «crédits légers» qui ont apporté... (Protestations.) Mais oui ! Mais parlez ! Tout le monde vous regarde, nos concitoyens qui paient leur bordereau d'impôt vous regardent ! C'est vous, Mesdames et Messieurs, qui aviez des membres dans le conseil d'administration, qui avez fait fi de comprendre et de vouloir voir ce qui était en train de se passer à la BCG !
Et maintenant, je vous le dis: le pouvoir judiciaire va arriver à prescription sur certains dossiers et personne ne sera condamné ! Une personne seulement devra en faire les frais: c'est le contribuable quand il paiera son bordereau d'impôt. Alors, vous pouvez tourner cela comme vous voulez, vous pouvez l'expliquer comme vous voulez, et je n'ai peut-être pas toujours la forme - je m'en excuse - pour l'exprimer, néanmoins le fond est là !
Le rapport de minorité ne traite pas de l'affaire de la BCGe, le rapport de minorité traite du projet de loi 9740 soumis aujourd'hui à notre Grand Conseil. Figurez-vous - comme vous l'avez lu - qu'une fois de plus je fais le travail de rapporteur de minorité, au plus près de ma conscience, en ma qualité d'élu, et je m'aperçois qu'il y a des erreurs. C'est vrai, l'objet est petit ! Ce n'est pas un montant très important, on ne parle que de quelques centaines de milliers de francs... Néanmoins, il y a une erreur. La Fondation a présenté à la commission une fiche avec un taux de rendement erroné. Ils ont parlé de 2% alors que c'était 3%. Il est vrai que la résultante représentera peut-être - subjectivement - 30 000 ou 40 000 F. Je dis que c'est subjectif, car on ne sait pas si l'acquéreur se serait effectivement porté acquéreur à 30 000 ou 40 000 F de plus. Néanmoins, nous sommes ici pour faire des lois et les faire appliquer. Et lorsqu'il y a une erreur dans une loi, nous devons réagir.
Tout ce que je demande, c'est un renvoi de ce projet en commission. Raison pour laquelle j'ai refusé la proposition de ma collègue Mme Pürro. Je ne vois pas pourquoi moi, en tant que commissaire qui prend le temps de faire un rapport de minorité, je dois le retirer avant... Il faut que vous sachiez, Mesdames et Messieurs les députés et le public qui nous regarde, qu'il y a des erreurs dans ce que l'on nous transmet et que nous avons pris - nous, ici, le Grand Conseil - des décisions et voté des projets de loi sur des informations erronées ! C'est arrivé ! Mais l'erreur est humaine, et je n'en fais pas un cheval de bataille parce que cela peut arriver. Cela pourra même nous arriver à nous, MCG, nous ne sommes pas à l'abri et personne n'est parfait. (Brouhaha.)
Or, sur ce projet de loi, il y a une erreur. Aussi petite soit-elle ! Certains diront que c'est une erreur de frappe et que les calculs étaient justes, d'autres diront que cela ne change pas la finalité... Bref, tout cela est très subjectif. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une erreur dans ce projet de loi et qu'il est simplement de votre devoir de le renvoyer en commission. Nous le traiterons au prochain Grand Conseil, mais avec des informations correctes. Voilà tout ce que je demande ! Je saisis donc M. le président pour un renvoi en commission.
Le président. Nous avons donc un débat de renvoi en commission qui prendra le pas sur l'autre. La parole sera donnée à un député par groupe et nous voterons sur le renvoi en commission.
M. Olivier Wasmer (UDC). Vous avez entendu à plusieurs reprises le député Stauffer s'exprimer sur la Fondation de la valorisation de la BCGe. Vous avez certainement déjà entendu parler de la BCG, une banque cantonale - comme son nom l'indique - qui a eu des soucis, comme d'autres banques en ont eu dans les années 80, suite à la spéculation immobilière.
Cela étant, vous m'excuserez de me répéter, mais il faut que M. Stauffer comprenne. Il n'arrête pas de dire des contrevérités et, à la longue, c'est lassant d'entendre toujours les mêmes rengaines... En commission, nous avons entendu les membres de la fondation et nous avons étudié dans le détail tous ces projets de loi de vente d'immeubles, pour en arriver toujours à la même conclusion: la BCGe est une entité juridique qui fait actuellement l'objet - concernant ses cadres de l'époque - d'une procédure pénale devant le Procureur général. Et contrairement à ce que vous dit le député Stauffer aujourd'hui... Il se met à la place des juges - tout avocat que je suis, je n'oserais même pas imaginer que je puisse penser à la place d'un juge - en vous disant que la prescription est bientôt atteinte. Ce n'est absolument pas du tout le cas, puisqu'il reste à peu près quatre ou cinq ans avant que - s'il y a délit, voire crime - la justice rende des jugements et envoie des responsables - pour autant que leur culpabilité ait été reconnue - devant des juridictions de jugement.
M. Stauffer vous dit tout à fait gratuitement que l'on arrive à la prescription et vous demande, pour ce motif, d'envoyer une nouvelle fois ce projet de loi à la commission. Je n'en vois pas du tout l'intérêt ! D'un côté, on a les acteurs de la Banque cantonale de Genève et, de l'autre côté - vous m'excuserez de me répéter - on a la Fondation de valorisation créée par la loi de mai 2000 et dont le but - comme vous le savez toutes et tous - est de vendre des immeubles lui appartenant. Effectivement, la fondation a commis quelques petites erreurs, mais qui n'en commet pas ? On a trouvé des erreurs de chiffres dans certains projets de loi et elles ont toutes été rectifiées par les commissaires.
Aujourd'hui, M. Stauffer vient - comme il l'a fait lors de toutes les plénières précédentes - nous dire de faire attention, que cela sera prescrit et qu'il ne faut pas voter ce projet de loi, parce qu'on a appris des tas de choses en commission. Il y a trois jours, lors de notre dernière séance, on lui a encore demandé de produire un document - puisqu'il avait découvert un document qui allait bouleverser le cours du monde - et ce document s'est révélé, comme les précédents, totalement insignifiant. Mesdames et Messieurs les députés, il faut être sérieux ! Il faut écouter ce que les commissaires vous disent. La majorité de la commission, unanimement - à l'exception du député Stauffer - vous dit qu'il faut accepter ce projet de loi. Et si la fondation a commis quelques erreurs, la commission était là pour les rectifier avant même que le projet de loi soit voté ! Pour tous ces motifs, l'UDC vous propose de voter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). De quoi parlons-nous exactement ? De la vente d'une villa jumelle à 770 000 F, avec un petit terrain de 300 mètres carrés. Voilà pour situer l'objet. Quelle est l'erreur «monstrueuse» commise par la Fondation ? Elle a mis le chiffre exact pour le revenu, c'est-à-dire 40 000 F, mais elle s'est trompée et a inscrit un taux de rendement de 5% au lieu de 3%. La «monstrueuse erreur», c'est celle-là ! Mais est-ce que cela vaut la peine de renvoyer cet objet en commission ? Non ! Et parce qu'en l'occurrence, c'est urgent de le vendre: c'est le locataire en place qui l'achète et le prix est adéquat. Franchement, cela n'a pas de sens ! D'autant moins que le rapport de M. Stauffer contient, lui aussi, des monstrueuses erreurs ! Je vous rappellerai juste que la perte est réellement de 33 000 F. Dans son rapport, M. Stauffer cumule les pertes de la Banque cantonale, mais c'est une entité juridique à part et elle réglera ses problèmes elle-même. Ce qui nous concerne en tant que citoyens - je le répète encore une fois à Monsieur Stauffer - c'est que le contribuable doit payer ce qui découle de la Fondation de valorisation. Et, dans ce cas, c'est 33 000 F. C'est tout ! (Applaudissements.)
M. Roger Deneys (S). Les socialistes sont - malheureusement pour vous, Monsieur Stauffer - opposés au renvoi en commission de ce projet de loi, car il n'y a pas de raison suffisante pour cela. Par contre, j'ai quand même relevé quelques points positifs dans votre rapport de minorité, et je vous remercie d'avoir apporté un peu plus d'éléments sur l'histoire du dossier. Il est vrai que de façon globale, dans toutes ces transactions liées à la Fondation de valorisation, le Grand Conseil et les citoyens de cette République n'ont pas suffisamment d'informations. Elles sont résumées de manière extrêmement synthétique et, dans ce sens-là, ce n'est pas forcément «correct» pour nos concitoyens qui paient le prix de cette débâcle.
L'erreur est humaine - vous l'avez dit, Monsieur Stauffer - mais le problème est que vous en faites une généralité, et c'est cela aussi qui est désagréable dans votre façon de travailler. Vous dites en deuxième paragraphe de votre rapport: «Une fois encore la commission a été trompée soit par ignorance ou, pire encore, par négligence.» Je suis désolé, mais le projet de loi parle du prix de vente. Il contient trois articles et l'on accepte d'aliéner pour un prix de 770 000 F l'immeuble suivant. C'est cela, le projet de loi, Monsieur Stauffer, ce n'est pas l'histoire de cette vente, ce ne sont pas les raisons de cette casserole de plus. Le projet de loi ne porte que sur la vente à un prix donné. On sait très bien que les prix de vente sont souvent inférieurs aux prix obtenus dans le cadre de spéculations immobilières, mais ici ce n'est pas le problème.
Je vous invite donc à accepter ce projet de loi ou, en tout cas, à refuser le renvoi en commission. Je remercie encore M. Stauffer pour les éléments qu'il apporte dans son rapport de minorité - car, de façon générale, les rapports sont beaucoup trop succincts dans ces opérations - mais cela n'est pas une raison suffisante pour demander le renvoi en commission.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'associe aux propos tenus par mes deux préopinants et s'opposera par conséquent à une demande de renvoi en commission totalement injustifiée.
M. Frédéric Hohl (R). Tout a été dit. Le groupe radical est évidemment contre le renvoi en commission. Je tiens à ajouter que nous - la commission de contrôle de la Fondation de valorisation - ne sommes pas une chambre d'enregistrement. Nous analysons tous les dossiers et, en plus, nous sommes très souvent aidés par les services d'une juriste et du directeur général des finances. Je peux donc vous assurer que nous ne sommes pas une chambre d'enregistrement.
Une voix. Très bien !
M. Olivier Jornot (L). Les libéraux ont un peu le sentiment - malheureux, hélas - d'avoir eu raison, à l'époque, de s'opposer à la forme prévue pour la fondation de valorisation. C'est parce qu'il s'agit d'une fondation de droit public soumise au contrôle de ce parlement que nous avons le plaisir maintenant d'être engorgés par des multiples rapports de minorité, des interventions, des motions et toutes sortes d'actes parlementaires pour dénoncer finalement toujours la même chose, sempiternellement de la même manière.
Il est inquiétant de constater que nous allons à chaque fois refaire le même débat et remettre exactement les mêmes arguments sur le tapis ! Comme Mme Pürro le disait, nous entendrons toujours les mêmes propos, les mêmes outrances, les mêmes insultes contre les gens de la fondation et tous ceux qui ont le malheur de déplaire à M. Stauffer... A chaque fois, nous reviendrons sur la Guerre de Troie, sur la méchanceté des Grecs et de leurs cadeaux, et, franchement, c'est lassant.
L'inquiétude que l'on peut aujourd'hui avoir, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas seulement l'inquiétude de perdre notre temps, mais c'est aussi l'inquiétude de l'effet que peut avoir le blocage ou le ralentissement des travaux sur les ventes. Il n'est pas nécessaire d'être grand prophète pour savoir que les prix de l'immobilier sont susceptibles d'évoluer à la hausse comme à la baisse et qu'actuellement on prévoit plutôt une évolution à la baisse. Par conséquent, chaque vente qui n'a pas lieu le plus rapidement possible, une fois l'acquéreur trouvé, est une occasion pour la fondation - et donc pour le contribuable - de faire une perte supplémentaire. Et vous savez que les montants actuellement bloqués sont extrêmement importants.
Mme Künzler disait que l'on parle ici d'une villa et d'un jardinet... Certes, cet objet n'est pas d'une grande importance et, s'il était retenu quelque temps, cela n'emporterait pas l'effondrement de la fondation. Néanmoins, il s'agit de s'en tenir à une ligne de conduite stricte, sur cet objet comme sur d'autres. Lorsque l'on constate qu'une erreur de plume ou de calcul n'a aucune espèce d'incidence causale sur la décision que ce parlement doit prendre - et c'est le cas pour l'erreur que M. Stauffer a mise à jour avec minutie - il faut passer outre, il faut voter. Et sur un objet comme celui-ci, où l'on constate que la perte est absolument minime, eh bien, il faut s'en réjouir pour le contribuable et remercier la fondation pour le travail accompli !
Des voix. Bravo !
Mme Sandra Borgeaud (MCG). J'aimerais savoir si l'on est dans un tribunal... Nous sommes censés traiter le projet de loi 9740. Nous connaissons tous Eric Stauffer pour sa manière de faire. En tout cas, une chose est sûre, c'est que lui... (Remarques.) Très rigolo ! Mais, en attendant, 3 milliards de pertes à Genève, je ne trouve pas cela rigolo ! Je suis citoyenne avant d'être députée et je paie les frais de ces pertes autant que vous par mes impôts ! Ce n'est pas franchement l'endroit idéal pour faire le procès de M. Stauffer: vous feriez mieux de poursuivre votre travail, et avec un peu plus de respect ! (Applaudissement).
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Au moins, une chose est sûre et sera très clairement comprise par la population: la fondation a remis un document erroné - faute de frappe ou appelez cela comme vous voulez - et j'ai mis en lumière cette erreur. Il vous faut savoir que le prix de vente est calculé avec le taux de rendement. Si la fondation annonce un taux de rendement de 2%, il y a un certain prix qui sort; et si la fondation annonce 5%, il y a un autre prix qui sort.
Mais c'est vrai qu'il s'agit d'un petit objet, et je l'avais dit initialement dans mon rapport de minorité. Une chose est claire, Mesdames et Messieurs et nos chers concitoyens: quand il y a des erreurs, au lieu de renvoyer en commission et de faire un travail précis - comme l'a souligné mon collègue Olivier Jornot qui m'a remercié d'avoir été aussi minutieux pour mettre cette erreur en exergue - eh bien, le Grand Conseil - c'est-à-dire les élus du peuple - passe outre, et l'on vend, et l'on vend, puis on vient me dire: «Oui, mais il ne faut pas tout mélanger...», et on est reparti dans un délire !
J'aimerais aussi répondre à Mme Künzler qui demande quelle est cette «monstrueuse erreur». D'abord, je n'ai jamais parlé de «monstrueuse erreur», j'ai simplement parlé d'une erreur. Dans mon travail de député - et cela reflète l'entier du Mouvement Citoyens Genevois - nous sommes précis dans ce que nous faisons... (Exclamations.) En tout cas, au plus proche de notre conscience... (Remarques.) Vous pouvez rigoler, mais tout cela se paie un jour ! Cela se paie le jour des élections, vous en avez déjà fait les frais en octobre de l'année passée. Mais nous, nous allons continuer, parce que nous, MCG, nous serons là ! (Brouhaha.)
J'en reviens au rapport de minorité. Vous parlez d'une «monstrueuse erreur» de 33 000 F... Madame Künzler, c'est exactement la même déclaration que vous m'avez faite à Léman Bleu. Quand l'employé fautif de la fondation a détourné quelques 300 000 F, vous avez dit: «Mais enfin, dans toutes les sociétés, il y a des gens qui piquent dans la caisse...»
Le président. Monsieur le député, je vous rappelle que vous ne devez vous adresser qu'à la présidence, et à aucun des membres de ce parlement !
M. Eric Stauffer. Oui ! Oui, c'est vrai, Monsieur le président, du reste c'est beaucoup plus agréable et je vous en remercie... (Rires. Exclamations.)
Je termine. Mon collègue Jornot déclare que l'on ne fait que répéter qu'il y a eu des pertes. J'aimerais rassurer M. le député Jornot: nos contribuables ne le savent que trop ! Par contre, ce qu'ils aimeraient bien entendre, c'est une volonté politique d'aller chercher les responsables, d'aller chercher l'argent là où il se trouve. Et notre Grand Conseil ne donne pas ce message à la population ! C'est là où le bât blesse.
Je termine réellement mon intervention avec les propos de M. Wasmer. On aurait pu imaginer que l'UDC - qui n'avait pas trempé dans les affaires de la BCGe - soit un peu plus perspicace ! Mais, malheureusement, M. Wasmer a des liens d'intérêt ! Je le dis haut et fort. Il a des clients qui sont en procès avec la fondation... (Brouhaha.) C'est pour cela qu'il est muselé ! (Exclamations.) Et je l'attends, quand il veut, pour lui répéter ces propos en dehors du Grand Conseil, afin d'éviter les questions d'immunité. Alors, c'est là où je veux en venir, Monsieur le président: il y a des liens d'intérêt qui font que les choses ne sont jamais claires ! J'en ai terminé.
Maintenant, si vous voulez voter ce projet de loi, faites-le en votre âme et conscience. Pour ma part, j'estime que l'on doit le renvoyer en commission, ne serait-ce que pour la précision et le respect que l'on doit à nos électeurs, à nos contribuables. Merci ! (Quelques applaudissements.)
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse de majorité. Plusieurs choses, un peu plus calmement. D'abord... (Brouhaha.) Monsieur Stauffer, s'il vous plaît...
Le président. Monsieur Stauffer, voulez-vous vous tenir tranquille, s'il vous plaît ! Vous avez déjà fait votre show intégral, vous pouvez donc vous asseoir cinq minutes; vous ne dérangerez plus personne pendant ce temps-là. (Applaudissements.)
Mme Véronique Pürro. J'aurais souhaité, Monsieur le président, que vous transmettiez à M. Stauffer que le taux de rendement n'est pas pertinent lorsqu'il s'agit de villas, et c'est bien le cas pour l'objet qui nous intéresse. L'erreur qu'il a relevée n'a aucun impact, ni sur le prix de vente, ni sur le montant de la perte. C'est très bien de repérer des erreurs, c'est encore mieux de faire en sorte qu'elles ne se reproduisent plus, et grâce à nos interventions - et grâce aux vôtres, il faut le reconnaître, Monsieur Stauffer - la fondation est en train de revoir son organisation. L'administration des finances aide la fondation à mettre en place des procédures et des systèmes de contrôle afin d'éviter les erreurs de ce genre ou d'autres erreurs que nous avons repérées, et c'est tant mieux. C'est là notre rôle de député. J'aimerais rassurer les citoyens qui nous regardent aujourd'hui: nous sommes unanimes, quel que soit notre parti, à vouloir que cette fondation fonctionne correctement, de manière efficace, et puisse vendre au plus vite.
Nous sommes tous - je vous rassure, Monsieur Stauffer - très sensibles au fait que le contribuable, vous et moi, est celui qui paie la facture au bout du compte. Et nous voulons que cette facture soit la plus petite possible. Eh bien, si c'est objectif est partagé par vous aussi, et comme vous l'ont répété certains de mes collègues, cessez de ralentir les travaux de mise en vente ! Un renvoi en commission de cet objet, peu important au niveau du montant, ne ferait que ralentir la procédure au détriment du contribuable.
La grande différence entre M. Stauffer et nous, c'est le respect des institutions. Il faut que les citoyens soient conscients que ce ne sont pas les députés qui vont - comme vous le souhaitez, Monsieur Stauffer - pouvoir aller chercher les responsables. Et, pour reprendre vos propos, ce n'est pas dans notre rôle de député de mener des enquêtes et de jouer les justiciers: pour cela, il y a une justice. M. Wasmer l'a répété - comme d'autres - des plaintes pénales ont été déposées, des enquêtes sont menées et il faut faire confiance à la justice. Il faut répéter aux citoyens qui nous regardent aujourd'hui que notre rôle en tant que députés est de faire en sorte que la fondation fonctionne correctement et qu'elle vende rapidement pour éviter que les montants n'augmentent au détriment du contribuable.
J'aimerais donc rassurer l'ensemble des personnes: il y a une unanimité de la commission et tous les partis veulent aller vite pour diminuer le montant que les contribuables auront à payer au bout du compte. (Applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9740 à la commission de contrôle de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe est rejeté par 65 non contre 8 oui et 5 abstentions.
Le président. Nous poursuivons notre débat. La liste est close. Restent à s'exprimer en qualité d'orateurs: MM. Gilbert Catelain et Olivier Wasmer, puis M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. Gilbert Catelain (UDC). Dans ce débat répétitif qui nous occupe bientôt à chaque séance, il n'y a pas de groupes plus blancs que les autres puisque nous sommes tous députés et nous engageons comme tels. Personne ici n'est membre de la Banque cantonale, personne n'est membre de la commission, et chacun assume ses responsabilités de député. Le groupe MCG n'a pas, non plus, à prendre à parti des députés individuellement, à les diffamer, voire les insulter. D'ailleurs, le règlement du Grand Conseil prévoit des sanctions dans ce type de situation et je pense que le président du Grand Conseil est habilité à rappeler les règles de ce parlement...
Je voulais aussi dire au MCG que je comprends tout à fait ses préoccupations, elles sont aussi les nôtres, et nous sommes, comme lui, scandalisés par ce qui s'est passé avec la Banque cantonale. Aujourd'hui, nous devons prendre des responsabilités, et elles sont de vendre ces objets au plus vite. Certains disent qu'il s'agit de leurs impôts, mais je ne suis même pas sûr qu'ils en paient... (Rires.) En tout cas, nous en payons ! Et nous sommes écoeurés de devoir payer une partie de ces impôts pour renflouer la Banque cantonale. D'ailleurs, le MCG pourrait proposer une privatisation de la Banque cantonale, car ce qui s'est passé à la BCG s'est aussi passé à l'UBS ou au Crédit Suisse, mais dans ces deux dernières banques il n'y a pas eu d'impact sur les impôts des citoyens. Et quand on veut le tout-Etat ou que tout soit géré par l'Etat, il faut en payer les conséquences. Aujourd'hui on est là pour payer ces conséquences, mais si possible le moins cher.
J'ai aussi une question pour Madame la présidente de la commission: est-ce que la commission a estimé le coût global pour le contribuable des ralentissements des travaux de la commission suite aux interventions de M. Stauffer ? Quel est le coût global pour le contribuable de la non-vente, ou du retard dans les ventes, de tous ces objets renvoyés en commission ou retardés dans leur traitement avant qu'ils n'arrivent en plénière ?! (Applaudissements.)
M. Olivier Wasmer (UDC). Je vous remercie de me redonner la parole, car j'ai été mis en cause par M. Stauffer. M. Stauffer, sous le couvert d'une immunité parlementaire, peut se permettre de me dire: «On va s'expliquer dehors.» Je trouve ces propos inadmissibles. Dès lors que nous sommes parlementaires, nous nous expliquons par des paroles et non par des menaces. Je souhaite que M. Stauffer s'excuse.
Le président. Monsieur Stauffer, vous êtes saisi d'une demande d'excuse, comment réagissez-vous ?
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Je maintiens mes propos, Monsieur le président. M. Wasmer a des clients et j'évoquerais presque l'article 24 de la loi portant règlement du Grand Conseil, puisqu'il y a un conflit d'intérêt entre son poste de commissaire et les clients qu'il défend par rapport à la Fondation de valorisation.
Le président. Je rappelle que l'article 24 - et il en est, dont je suis, qui le regrettent - n'interdit strictement que la prise de parole et la votation sur des objets dans lesquels l'intervenant a un intérêt personnel et direct. Une jurisprudence constante veut qu'un intérêt indirect ne constitue pas un empêchement à s'exprimer ni à voter. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que j'ouvre une enquête pour savoir si M. Wasmer a, ou non, des intérêts indirects, puisque vous reconnaissez vous-même que ces intérêts ne sont pas directs. Je vous invite par conséquent à cesser d'entreprendre des agressions verbales contre vos collègues, c'est inutile, et je pense que cela vous déconsidère beaucoup plus qu'eux. Je vous invite donc à penser à votre propre image vis-à-vis des citoyens - je sais que c'est une préoccupation constante. (Applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je me permets d'intervenir à la suite de quelques propos de Mme Pürro concernant le rôle de l'administration. Le Conseil d'Etat, autorité de surveillance, délègue à l'administration une surveillance sur la qualité de gestion. Comme je vous l'ai déjà indiqué, nous avons fait état d'un certain nombre de manquements à la Fondation de valorisation et elle a présenté un certain nombre de mesures correctrices. Le petit bémol, c'est que l'Etat - qui n'aura pas de contrôle interne avant le premier janvier 2007 - a donné un cours de contrôle interne à la Fondation de valorisation... Mais enfin, on va admettre que l'on va tous dans le sens d'un meilleur contrôle.
Malheureusement, je crains que l'administration ne puisse pas se substituer à la Fondation de valorisation pour la saisie des textes. Mais je vous assure que j'interviendrai - à titre tout à fait individuel et personnel - auprès de la fondation pour lui dire que la faute de frappe consistant à remplacer un «5» par un «2» - j'ai étudié ce dossier dans les derniers détails, hier, avec M. Stauffer - nous a valu quarante-cinq minutes de débat au Grand Conseil et que, si l'on arrivait à ne plus faire de fautes de frappe, cela m'arrangerait énormément.
Sur le fond, vous avez tous compris que le prix est correct et que la fondation a fait une bonne affaire. Mais, attention au retournement de la conjoncture ! Ce n'est probablement pas pour 2006; 2007, c'est déjà loin... Si nous pouvions en finir avec cette affaire...
La répartition des tâches est connue. A la banque, une nouvelle direction a fait un établissement profitable, qui nous donne de l'argent, évitant ainsi de solliciter le citoyen: 45 millions de bénéfices sur 2005, c'est un bon début.
La Fondation de valorisation et la commission, le parlement et le Conseil d'Etat ont pour mission de veiller à ce que les prix soient de bons prix, c'est-à-dire à réduire la facture.
Et, comme je vous le rappelle chaque fois, Monsieur Stauffer, nous n'avons d'autre choix que de laisser faire la dernière partie du travail à la justice, qui est celle de punir. C'est ce que nous souhaitons tous, et M. Cramer s'occupe avec talent de faire payer les méchants !
Le président. Pour compléter l'information de M. le rapporteur de minorité, j'indique que les quarante-cinq minutes que nous venons de consacrer à ce débat ont coûté 10 000 F à la collectivité.
Mise aux voix, la loi 9740 est adoptée en premier débat par 74 oui et 7 abstentions.
La loi 9740 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9740 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui et 6 abstentions.
Premier débat
M. Guillaume Barazzone (PDC), rapporteur de majorité. En préambule, permettez-moi d'apporter une précision sur le débat que nous venons de mener, en indiquant à ce Grand Conseil que les invendus se montent actuellement à environ 100 millions. Les taux augmentant, il faut absolument que l'on se pose la question de la rapidité de nos travaux en commission, puisqu'il faut vendre... (L'orateur est interpellé.) Pardon: 100 millions de retard, depuis le début de l'année seulement. C'est donc important de vendre au plus vite afin de réduire la facture.
Concernant le rapport de M. Stauffer, une remarque générale: je regrette qu'il ait cité un certain nombre de noms de sociétés. Nous avions décidé en commission que, dans les rapports, aucun nom ne figurerait aux yeux du public. M. Stauffer démontre encore une fois son incapacité à tenir un vote collégial et à se conformer à l'avis de la commission.
Je ne reviendrai pas sur le rapport que je vous ai communiqué. En revanche, je prendrai deux ou trois points du rapport de minorité de M. Stauffer, pour vous indiquer où il fait des affirmations erronées. Concernant le rachat, par la fondation, des biens à un porteur, M. Stauffer nous dit que la fondation a racheté les biens sans base légale et a libéré le vendeur de sa reconnaissance de dette de 17 millions en la reprenant entièrement à son compte - c'est-à-dire à la charge du contribuable... Heureusement que la fondation, qui était titulaire de créances, a eu la bonne idée d'acquérir des biens, puisque c'est en vendant les biens que cela nous permet de réduire la facture des milliards de dettes que nous avons hérités de la Banque cantonale.
M. Stauffer nous dit ensuite qu'il n'est pas acceptable que notre parlement verse des sommes aux débiteurs de la fondation. Permettez-moi de vous dire, Monsieur Stauffer - Monsieur le président, vous lui transmettrez... (Rires.) - que la fondation, une fois n'est pas coutume, nous a informés en détail des intervenants dans ce dossier et nous a même donné le nom des débiteurs. Je peux vous assurer, Mesdames et Messieurs les députés, que les débiteurs ne touchent pas d'argent, car il ne s'agit pas des mêmes personnes.
Ensuite, M. Stauffer nous dit que les contrats de courtage ne sont pas valables, il nous cite notamment l'article 20 du code des obligations, qui stipule que le contrat est nul s'il a pour objet une chose impossible, illicite ou contraire au moeurs. Je rappelle encore une fois que la justice se prononce sur l'aspect pénal du dossier de la Banque cantonale. Aujourd'hui, il nous faut respecter ces contrats, car la Banque cantonale les a signés et que la fondation n'avait pas d'autre choix que de les reprendre. En vertu du principe pactas sunt servandas - c'est-à-dire que les pactes étant signés, nous devons les respecter - il nous est impossible aujourd'hui de les dénoncer, sauf à risquer une pléthore d'actions civiles de la part des cocontractants qui coûteraient bien plus cher au contribuable que si nous ne dénoncions pas ces contrats.
Sur ce dossier, la perte est importante, car elle s'élève à 1,8 million pour un prix de vente de 850 000 F, mais, compte tenu des erreurs commises par M. Stauffer - des erreurs intellectuelles et de présentation des faits - je vous demanderai de ne pas tenir compte du rapport de minorité et de voter le rapport de la majorité, comme l'a fait l'ensemble de la commission, à l'exception du MCG.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. En l'occurrence, je ne sais pas qui fait les confusions. Vous avez parlé de tout un tas de choses, mais, malheureusement, à part les députés dans cet hémicycle, les gens ne peuvent pas voir les documents fournis.
Vous m'avez alpagué sur le fait que j'ai inséré des noms de sociétés. J'ai effectivement inséré des noms de sociétés en prenant soin de ne pas désigner des personnes nominativement. Ces noms de sociétés - cette adresse, etc. - sont dans le domaine public, déjà au registre foncier. Mais encore plus que cela, tous les noms - des personnes y compris - ont été publiés dans la «Tribune de Genève», puisque cette affaire avait défrayé la chronique.
Vous dites qu'il y avait une base légale. Je vais vous citer un acte notarié qui se trouve dans les documents que j'ai fournis dans mon rapport de minorité. C'est une reconnaissance de dette - exactement, c'est ici, tout le monde peut le voir à la page 14: «La cédule hypothécaire, au porteur, au capital de 17 100 000 F est novée en faveur de la Banque cantonale de Genève qui en est le premier porteur, ce accepté par Mme sa représentante et à qui Fitna S.A., à Genève, soit pour elle son représentant, reconnaît devoir le capital de la présente cédule ainsi que tous intérêts, frais et autre légitime accessoire en dérivant, pour cause du prêt consenti ce jour.» Plus clair, on ne peut pas !
Et deux ans après, la fondation rachète ce bien au pseudo-porteur - le mot «porteur», au sens de la loi, n'existe pas, les gens sont propriétaires des biens dont ils font l'acquisition. La fondation rachète et dit ceci: «L'acquéreur déclare expressément se reconnaître désormais le seul débiteur de la dette incorporée dans ladite cédule, de telle sorte que le vendeur ne soit jamais inquiété ni recherché à cet égard.» L'acquéreur, c'est la fondation de valorisation; la dette, ce sont les 17 100 000 F; le vendeur, c'est Fitna S.A. Et c'est cela, Mesdames et Messieurs, que vous voulez faire avaler à nos concitoyens ! Je trouve cela scandaleux ! Ce n'est pas normal, et je le dis avec beaucoup de calme, sans hurler ou prononcer des insultes, comme on me le reproche... Mais enfin, je ne vois pas qui j'ai insulté. Je ne dis que des vérités - peut-être avec une certaine vigueur, je vous le concède. Néanmoins, Monsieur le président, nous voulons que ce projet de loi 9230....
Le président. Nous sommes au projet de loi 9828.
M. Eric Stauffer. PL 9828, excusez-moi ! Notre amendement veut simplement bloquer la commission de courtage qui sera versée à Fitna S.A. Nous partons du principe que ces gens ont contribué à plomber les comptes de la République. Il ne faut pas avoir des oeillères et dire: «Non ! Mais ça, c'était la BCG !» Encore une fois, vous ne pouvez pas agir comme cela. Car, si on agit comme cela, cela veut dire - et a contrario de ce que disait mon collègue Wasmer - que certains dossiers sont déjà au bord de la prescription - d'autres, qui sont plus graves, attendent quinze ans avant la prescription, on a un peu de marge.
C'est pourquoi nous vous demandons d'amender ce projet de loi en bloquant la commission. Donc, on ne refuse pas la vente, on veut simplement bloquer la commission en faveur du porteur qui, depuis 1998, a encaissé les commissions liées à la gérance. C'est ensuite que la fondation a reconduit les contrats, comme vous l'avez très justement dit. Et, bien que certains de ces contrats commencent à être déclarés illicites, ils ont été respectés par la fondation, c'est-à-dire que des contrats qui seraient illégaux continuent à être honorés et que les deniers publics servent à payer les régies qui avaient ces sociétés de portage. Ce n'est pas normal et il faut que cela s'arrête, car c'est au détriment du contribuable.
M. Roger Deneys (S). Pour commencer, j'aimerais revenir sur les interventions de mes collègues libéraux par rapport au projet de loi précédent, ainsi que sur celles des députés UDC. Il ne faut pas se tromper de problème. Ce n'est pas M. Stauffer le problème dans ces projets de loi, c'est quand même la Banque cantonale et ses pratiques de l'époque. Le procès d'intention, de dire à M. Stauffer qu'il bloque ces ventes et qu'il provoque des pertes pour la République, n'est pas acceptable non plus. M. Stauffer devrait s'exprimer autrement et dire les choses différemment, avoir un peu plus de modération dans ses propos, mais il ne faut pas se tromper de cible. Je trouve assez particulier de la part des députés libéraux de ne pas souhaiter de transparence sur ce genre d'affaires... Je sais que vous êtes de fervents défenseurs du secret bancaire et de tout ce qui entoure des pratiques pas forcément licites, mais cela n'est pas le point de vue des socialistes. Nous sommes pour que ces ventes de la Fondation de la valorisation se fassent avec la transparence requise, dans l'intérêt de tous les contribuables et de tous les citoyens.
Par rapport à ce dossier précis, Monsieur Stauffer, je vous remercie d'avoir apporté des précisions qui ne sont pas forcément habituelles dans les rapports et je pense que c'est très bien pour l'histoire de notre République. Pour le reste, le problème de votre amendement est qu'il demande que l'on ne verse pas de commission. Personnellement, je le soutiens moralement et je suis entièrement d'accord avec cette proposition. Mon grand doute - et je ne suis pas juriste, je tiens à le préciser - est qu'il ne soit tout simplement pas légalement possible aujourd'hui de refuser cette commission si elle faisait partie d'un contrat. Certes, ce contrat n'aurait jamais dû être signé - j'en conviens parfaitement - mais à partir du moment où le contrat est signé, même s'il est illégal... En attendant, vous lancez une nouvelle procédure judiciaire et nous ne sommes pas sortis de l'auberge par rapport à ce projet de loi.
Je vous rejoins sur le fait que ce n'est pas normal que les mêmes personnes aient pu continuer à travailler avec la Banque cantonale après cette débâcle, alors qu'elles y ont contribué, voire qu'elles en ont tiré certains bénéfices, mais, je ne suis pas sûr que cette méthode soit la plus adéquate pour éviter que cela perdure.
Vous avez aussi raison sur une chose importante - et, là non plus, je ne me ferai pas trop d'illusions sur la justice genevoise - nous arrivons à la prescription d'une partie des faits reprochés dans le cadre de la faillite de la Banque cantonale, et cela, c'est dramatique ! C'est un véritable problème pour la justice genevoise, et ce n'est pas M. Lüscher qui me contredira puisque des avocats ont donné une conférence de presse il n'y pas très longtemps. C'est un véritable problème qu'une partie des faits reprochés dans le cadre de cette procédure arrivent à prescription ! Et ce n'est pas acceptable pour les contribuables et les citoyens genevois.
Le président. Je voudrais tout de même rappeler que le projet de loi porte sur des opérations de la Fondation de valorisation - certes, sur un arrière-plan de BCGe - mais nous ne pouvons peut-être pas le constater à chaque fois que nous faisons une «opération Fondation» qui a connu en arrière-plan une «opération BCGe», parce que l'Histoire fait partie des sujets qui nous intéressent mais l'actualité prime tout de même.
M. Olivier Wasmer (UDC). Je vous remercie, Monsieur le président, d'avoir rappelé à quelques députés que l'on ne faisait pas le procès de la BCGe, mais qu'on était là pour vendre des immeubles appartenant à la Fondation de valorisation.
J'essaierai d'être bref. Mon collègue Barazzone citait l'expression latine pactas sunt servandas, qui veut dire effectivement que les contrats doivent être respectés, mais il y a un autre adage latin... Laissez-moi, qu'il me revienne... (Rires. Remarques.) Non... C'est: bis repetita non placent. Je suis désolé de vous le dire, mais on entend toujours M. Stauffer revenir avec les mêmes litanies sur les projets de lois immobilières et je vous dirai à nouveau que, dans ce projet de loi, et comme l'ont répété les modestes juristes de la commission - il y avait Mme Corbeau, adjointe à la direction du département des finances, Me Grobet, Me Lévy, Me Barazzone et moi-même - et quand un contrat a été valablement conclu, sa nullité ne peut être prononcée que par voie judiciaire.
Envers et contre tous, le député Stauffer - dans sa fougue qui le caractérise - veut toujours supprimer ces commissions et ces courtages, dus aux courtiers pour avoir vendu des immeubles. Mesdames et Messieurs les députés, je sais que certains d'entre vous ne sont pas juristes, mais ce n'est manifestement pas possible au vu du droit. Ici, les contrats ont été conclus et nous devons nous prononcer sur un projet de loi de la commission, que je vous invite à voter.
Le président. Merci, Monsieur le député. J'indique à ceux qui auraient perdu leur latin que votre citation signifiait que la répétition double ne plaît pas nécessairement à tout le monde.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Je serai bref, car tout a été dit. Je répondrai à M. Wasmer que la seule chose qui est dure dans l'avocat, c'est son noyau, et dans ce parlement c'est justement le noyau dur qui pêche ! (Brouhaha.)
Le président. Monsieur le député, vous nous montrez une fois de plus l'étendue illimitée de votre savoir-faire ! (Rires.)
M. Eric Stauffer. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur un point qui me paraît important. On me reproche d'avoir fait prendre du retard pour 100 000 000 F de ventes... (Brouhaha.)
Une voix. Ce n'est pas vrai !
M. Eric Stauffer. Bon, à peu près ! Laissez-moi faire le calcul pour savoir combien je suis en train de faire économiser au contribuable. M. Wasmer a raison, je suis soumis au secret de fonction, mais nous siégeons dans la même commission. Je n'aimerais pas parler d'un rapport qui est en train de sortir et qui met en exergue les dysfonctionnements - comme l'a dit M. Hiler, il y a moins d'un quart d'heure - de la Fondation de valorisation des actifs de la BCGe. C'est bien de pouvoir jouer sur le secret de fonction, ou pas le secret de fonction - on dit un petit bout, on ne dit pas l'autre... Or, le travail qu'a fait le Mouvement Citoyens Genevois depuis le début de cette législature a, au moins, mis en exergue les dysfonctionnements qui existent dans cette fondation.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir l'amendement proposé par le MCG.
Mme Michèle Künzler (Ve). J'aimerais préciser deux choses. D'une part, les redressements qui s'effectuent à la Fondation de valorisation n'ont rien à voir avec le député Stauffer, ils sont liés à des mesures internes qui sont prises de toute manière. D'autre part, quand M. Stauffer soutient qu'il faut faire économiser des sous au contribuable, j'aimerais bien voir comment ! Parce qu'il faudra finalement payer ces commissions ! Et si on ne les paie pas à ces personnes, on les paiera à quelqu'un d'autre ! En réalité, ces commissions sont dues parce que c'est un travail que l'on paie, et pas autre chose.
M. Eric Stauffer (MCG), rapporteur de minorité. Très brièvement. C'est très simple, je vais en parler, car cela fait partie du rapport et cela a été publié dans la «Tribune»... (Brouhaha.) Heureusement qu'il y a la «Tribune de Genève» dans ce parlement pour révéler quelques scandales... (M. Eric Stauffer s'adresse à la tribune de la presse.)
Le président. Je vous rappelle, Monsieur le député, que la «Tribune de Genève» ne fait pas partie du parlement, elle siège à sa propre tribune !
M. Eric Stauffer. C'est exact ! Elle y assiste néanmoins. On parle d'économies... Le dossier de l'immeuble 18 Louis-Casaï a été publié dans la presse et il a mis en évidence qu'au minimum, vu l'incompétence - pour ne pas utiliser d'autres mots - 3 millions ont été dilapidés, à la charge du contribuable... Et cela, les députés et commissaires que nous sommes le savent ! Aussi, en modifiant la structure de la fondation, on économisera des sous in fine.
Le président. Madame Künzler, c'est la dernière fois que je donne la parole à qui que ce soit dans ce débat, car nous avons largement dépassé non seulement les limites du convenable, mais les limites du temps que le contribuable est susceptible de nous pardonner.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je suis obligée d'intervenir et je crois que tous les commissaires de la commission de contrôle de la Fondation de valorisation seront d'accord avec moi. Les conclusions de ce rapport qu'il prétend explosif ne le sont pas. La fondation n'aurait pas pu vendre cet objet au prix qu'il prétend. C'est simplement faux ! Il faut le répéter, c'est un mensonge, c'est faux, et le rapport tel qu'il sera publié ne vous donne pas du tout raison.
Le président. Une proposition d'amendement à l'article 2 est présentée par Mme et MM. Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Henry Rappaz et Eric Stauffer. Cette proposition a été développée tout à l'heure.
Article intitulé: «Paiement de commission de courtage (nouveau, les articles 2 et 3 anciens devenant les article 3 et 4)». En voici le texte: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement lié à la commission de gérance n'est pas autorisé par la Fondation à toutes entités considérées comme sociétés dites de "portage" et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière où les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration de sociétés dites de "portage".»
Mis aux voix, le projet de loi 9828 est adopté en premier débat par 68 oui et 6 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
Le président. Une proposition d'amendement à l'article 2 est présentée par Mme et MM. Claude Jeanneret, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Henry Rappaz et Eric Stauffer. Cette proposition a été développée tout à l'heure.
Article intitulé: «Paiement de commission de courtage (nouveau, les articles 2 et 3 anciens devenant les article 3 et 4)». En voici le texte: «Le paiement d'une commission de courtage et tout autre paiement lié à la commission de gérance n'est pas autorisé par la Fondation à toutes entités considérées comme sociétés dites de "portage" et/ou à d'autres sociétés de gérance immobilière où les dirigeants et/ou administrateurs sont les mêmes personnes physiques siégeant au conseil d'administration de sociétés dites de "portage".»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 68 non contre 10 oui.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté, de même que l'article 3.
Troisième débat
La loi 9828 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9828 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui et 9 abstentions.
Débat
M. Guy Mettan (PDC). J'espère m'exprimer à présent sur un point plus consensuel que les deux précédents. Monsieur le président, le talent avec lequel vous avez salué la délégation éthiopienne montre que vous avez le goût des voyages, et si vous avez le goût des voyages, vous avez certainement eu l'occasion d'emprunter le train Genève-Lausanne entre 7h et 9h du matin. Vous aurez donc eu l'occasion de constater que si vous prenez la deuxième classe, vous ne pouvez même pas vous asseoir tellement il y a de monde dans les travées et les couloirs de ces trains. Si vous prenez la première classe, c'est presque la même chose et si vous désirez boire un café au wagon-restaurant, il faut vous précipiter pour trouver une place.
Cette simple petite constatation nous montre que les liaisons ferroviaires entre Genève et Lausanne sont malheureusement suroccupées et qu'il est urgent de construire une troisième voie CFF, afin d'augmenter la fluidité du trafic voyageurs entre ces deux grandes villes du Bassin lémanique.
Les chiffres que nous indiquons dans l'exposé des motifs sont clairs. Il y a cinquante ans, il y avait tout juste 1600 pendulaires entre le canton de Genève et celui de Vaud. Nous en sommes aujourd'hui à peu près à 100 000 personnes qui chaque jour se déplacent entre nos deux cantons. C'est pourquoi un certain nombre de députés a jugé utile de déposer cette résolution urgente pour demander que le Grand Conseil soutienne la construction d'une troisième voie, intercède auprès des élus à Berne pour soutenir ce projet et, en même temps - pour ceux qui le souhaitent - se joigne à l'action entreprise par nos collègues du Grand Conseil vaudois qui viennent de décider cette semaine d'adopter une résolution semblable à la nôtre. C'est là un geste que nous avons estimé important de faire, car vous savez que l'essentiel de cette troisième voie concerne le canton de Vaud. Le parlement pourrait faire ce geste pour montrer sa solidarité avec nos collègues vaudois. Dans le même temps, il pourrait entreprendre auprès de Berne une action conjuguée, car on sait que, pour obtenir des crédits fédéraux, il faut être ensemble et agir d'un commun accord.
La Suisse romande - on l'a vu quand les CFF présentent leurs plans - est trop souvent divisée et ce sont les Zurichois, qui sont beaucoup mieux organisés que nous, qui s'arrangent pour obtenir l'essentiel des crédits fédéraux en matière de réseau ferroviaire.
C'est pourquoi je vous invite tous, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir cette résolution.
Je tiens aussi à exprimer mes excuses auprès des députés Jornot et Fabienne Gautier qui souhaitaient figurer sur cette résolution, mais ils n'ont pas pu la signer, suite à une panne de ma messagerie. Je ne veux pas prolonger le débat, car je crois que l'intention est claire, et je vous invite toutes et tous à soutenir cette résolution.
M. André Reymond (UDC). Lors de la dernière session du Conseil national, l'UDC a déposé une motion qui demandait la construction d'une troisième voie CFF entre Genève et Lausanne. Et, après ma question déposée hier à l'attention du Conseil d'Etat, je demanderai à ce dernier, avec l'aide du Grand Conseil, d'intervenir à Berne pour soutenir cette démarche auprès du Conseil fédéral.
Je me permets de donner quelques explications. Le Conseil fédéral est chargé de prévoir la construction d'une troisième voie de chemin de fer entre Lausanne et Genève. Dans leur planification du développement des projets ferroviaires qui devraient être réalisés d'ici à 25 ans - soit à l'horizon 2030 - les CFF et l'OFT ne prévoient pas le bouclement de la troisième voie entre Renens et Coppet, diminuant ainsi l'attractivité du recours aux transports publics pour un bassin de plus de 700 000 habitants des cantons de Genève et de Vaud. Ce projet d'une troisième voie avait pourtant été retenu dans le premier projet de Rail 2000 et avait été présenté en votation populaire comme une réalisation à effectuer à court terme.
Depuis une vingtaine d'années, les CFF s'opposent systématiquement à tout projet de construction à proximité des voies actuelles, pour préserver le tracé de cette future réalisation. Alors, ne pas retenir la réalisation de cette troisième voie dans un délai de 25 ans est une aberration totale ! Le canton de Vaud prévoit une augmentation de sa population de 100 000 habitants, de par l'activité de la région lémanique et pour un grand nombre d'autres raisons, dont celle des transports qui n'est pas des moindres. Et je rappelle que la population du canton de Genève est aussi en constante augmentation.
D'autre part, l'autoroute Lausanne-Genève arrive déjà à saturation entre les secteurs Aubonne-Lausanne et Gland-Genève: il ne se passe pas un jour sans des ralentissements et bouchons pendant les heures de pointe, en raison des mouvements pendulaires de la population. Cette situation, totalement anormale du point de vue de la protection de l'environnement, ne fait qu'empirer.
Si les transports publics ferroviaires ne font pas le nécessaire pour résoudre ces problèmes de déplacement, il faudra inévitablement construire une autoroute à six pistes pour prendre en charge les conséquences de l'augmentation de la population. Sinon, dans une vingtaine d'années, toute la région lémanique sera dans le chaos le plus total au point de vue des transports.
Dans l'intérêt de la santé de la population et dans celui de la protection de la nature, il est primordial que la version des transports publics ferroviaires prime sur celle des transports routiers; la pire situation étant que rien ne soit entrepris pour résoudre cette problématique.
Le groupe UDC remercie les formations politiques de cette enceinte qui soutiennent cette demande par d'autres interventions politiques.
Mme Elisabeth Chatelain (S). Nous soutenons cette résolution, déjà déposée par les députés du canton de Vaud. Comme beaucoup, nous avons été très déçus de constater que la Confédération repoussait à l'horizon 2030 - autant dire aux calendes grecques - la réalisation du tronçon entre Renens et Coppet qui permet de terminer la troisième voie CFF entre Genève et Lausanne. Ce tronçon est actuellement saturé. De plus, avec une augmentation de voyageurs de plus de 16% depuis décembre 2004, cette troisième voie est parfaitement rentable et permet de mieux répartir le flot des pendulaires. Cela renforce encore notre incompréhension par rapport à la décision de Berne qui ne prend pas ces éléments importants en compte. Il est à noter que cette réalisation avait été promise dans le cadre de Rail 2000 et a déjà été reportée.
Alors que la métropole lémanique commence enfin à être reconnue par les milieux politiques et économiques, il est très important que le canton de Genève, allié avec le canton de Vaud, insiste clairement sur la nécessité de cette infrastructure, et nous pouvons le faire ce soir en acceptant cette résolution.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical soutient évidemment cette résolution. J'aimerais remercier mon collègue Mettan d'avoir pris la peine de la rédiger. Il a été très attentif à l'évolution dans le canton de Vaud. J'aimerais insister sur le fait que, dans le projet Rail 2000 - et le conseiller national Reymond l'a rappelé - il était prévu de construire cette troisième voie. Et là, nous avons été défavorisés par la décision prise par les CFF à l'époque. Finalement, chers collègues, l'expérience nous montre que si on veut profiter de la manne fédérale pour la réalisation de certaines infrastructures, il vaut mieux partir à temps !
M. Pierre Weiss (L). Une troisième voie est un projet qui ne pouvait venir que du PDC... (Rires.) A ce titre, nous devons reconnaître à ce parti le mérite d'avoir proclamé son credo, entre la voie de gauche et la voie de droite.
Néanmoins, cette troisième voie est indispensable pour la mise en circulation de plus de trains qui permettront à davantage de pendulaires de se déplacer entre Genève et Lausanne.
Maintenant, tout en remerciant le PDC de la rédaction de cette proposition de résolution, si les libéraux avaient pu y être associés depuis le départ, ils y auraient peut-être ajouté quelques compléments... Quelques compléments d'abord un peu sceptiques sur l'absence d'illusions qu'il convient d'avoir face au désengorgement des voies de communication entre Genève et Lausanne. Cette troisième suffira-t-elle ? On sait que nos concitoyens expriment un besoin de choix entre les différents modes de transports.
Cette troisième voie est-elle aussi une voie moderne ? Peut-être aurait-il convenu que l'on fît référence à des projets plus utopiques, puisque l'on parle de 2020 et au-delà. Par exemple, on pourrait parler d'un projet auquel j'avais collaboré, à savoir le Swissmetro. Eh bien, il aurait été souhaitable que cette résolution s'y référât !
Et puis, quand on parle de projets de transports performants, il aurait été, là aussi, approprié de parler d'un «système de transports performants», les transports ferroviaires en eux seuls n'étant pas suffisamment performants. Néanmoins, il s'agit là de quelque chose d'indispensable - mais non suffisant - que nous soutenons. Et nous nous réjouissons de nous ajouter au concert de ceux qui veulent, pour Genève, désenclaver ce vingt-sixième canton, géographiquement, pour le rapprocher du reste de la Suisse. Merci, Monsieur Mettan !
Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts s'associent bien entendu à cette proposition de résolution, même si nous ne l'avons pas signée - tout simplement par manque de temps. Il est bien évident que, le trafic pendulaire augmentant, on se doit d'avoir cette troisième voie jusqu'à Lausanne. Même si ce n'est pas un projet très utopique, c'est en tout cas un projet très réaliste qui s'inscrit dans la suite de ce qui existe avec le CEVA. Une unanimité s'est prononcée pour le CEVA et je pense qu'une unanimité doit se faire également derrière cette troisième voie. Nous soutenons nos collègues vaudois dans ce sens.
Le président. La parole va revenir à M. Guy Mettan. Je constate que la proposition à trois voies s'entend aussi à trois «voix», puisque vous avez demandé la parole une deuxième fois et Mme Schmied pour une troisième voix PDC. Puis nous entendrons M. Golay et le conseiller d'Etat, et ensuite peut-être que les voies du Seigneur nous seront enfin apparues et que nous pourrons être unanimes, car visiblement le doute vous saisit à cet instant crucial du débat.
M. Guy Mettan (PDC). Je voulais seulement rassurer mon collègue Pierre Weiss en disant que cette option n'exclut pas d'autres options, nous sommes d'accord là-dessus.
Je voulais aussi signaler à M. Reymond, qui a parlé de projet UDC, qu'il s'agit bien de... Je n'ai intentionnellement pas voulu mentionner mon parti, car il ne faut pas tirer la couverture à soi dans ce genre d'affaire. Il s'agit d'un projet qui a émané de mon parti, le parti démocrate-chrétien. Mais à l'origine, c'est vrai, d'autres partis l'ont fait, le vôtre, Monsieur Raymond, par l'intermédiaire de M. Bugnon, et, à Lausanne, c'est un projet socialiste qui a été déposé par le Grand Conseil de Lausanne. Donc, il s'agit vraiment d'une résolution qui n'a pas d'origine partisane, mais je crois que cela a été compris. Je tenais simplement à le rappeler ce soir.
Mme Véronique Schmied (PDC). Si je me permets de prendre la parole pour ajouter encore un élément, c'est en tant qu'habitante de la rive droite. Je représentante un certain nombre de citoyens qui, lorsqu'ils reviennent de Suisse ou d'ailleurs, ne peuvent pas descendre du train direct à Nyon et prendre le train régional pour rejoindre Versoix, Bellevue ou Genthod, mais doivent descendre à Genève puis remonter en sens inverse la rive droite et perdre ainsi, en ce qui concerne Versoix, trente minutes. C'est donc dissuasif quant à l'utilisation des chemins de fer ! Sans parler des pendulaires qui viennent travailler à Genève mais habitent au-delà de Coppet, et il y a sans doute un certain nombre de Genevois qui travaillent dans les zones industrielles de Renens, Ecublens, Morges, voire Lausanne.
Considérer la rive droite entre Genève et Lausanne en trois secteurs bien distincts pour les utilisateurs des CFF - avec des destinations si clairement définies - est une vision très segmentée. Il conviendrait de voir la rive droite entre Genève et Lausanne comme une réelle agglomération, avec des transferts de l'une à l'autre ville sans distinction aussi nette que cette coupure actuelle entre Coppet et Renens.
M. Roger Golay (MCG). Le groupe parlementaire du MCG a pris le train en marche - et même à grande vitesse, puisque, pour une fois, on a passé devant les libéraux. Tout cela pour dire que nous nous sommes aussi associés à cette résolution; nous la soutenons et nous félicitons le groupe PDC pour cette excellente initiative.
Le président. Merci, Monsieur le député, très touchante unanimité !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, merci d'être unanimes à soutenir cette résolution au sein de vos groupes. Cette résolution vient à l'appui de démarches et de contacts que j'ai actuellement avec mon collègue François Marthaler qui est le conseiller d'Etat en charge des transports dans le canton de Vaud. Tous deux, nous sommes extrêmement préoccupés du fait que les CFF semblent avoir abandonné l'idée de réaliser dans l'immédiat une troisième voie, et nous entendons fortement nous mobiliser sur ce dossier. L'appui des parlements est extrêmement précieux. Nous votons ici la même résolution - à peu près - que celle votée dans le canton de Vaud, et cela est important, car cela marque que nous nous battons pour la même cause.
Je tiens à ajouter l'élément suivant qui me semble d'importance. Lorsqu'on parle de la troisième voie, on aurait tort d'imaginer qu'il s'agit essentiellement d'un objet qui concerne le canton de Vaud. C'est inexact, cela concerne Genève à trois égards.
Tout d'abord, cela concerne Genève parce qu'une de nos communes de la rive droite, Céligny, ne voit pas venir le chemin de fer de Genève. La troisième voie prolongerait le chemin de fer régional de Coppet à Céligny et permettrait la réouverture de la gare.
C'est important pour Genève pour une deuxième raison, moins anecdotique - en tous cas plus sérieuse. Il faut bien concevoir le fait qu'il n'y a pas de réelle différence entre le trafic grandes lignes et le trafic régional. Donner de meilleures capacités au trafic régional, c'est libérer de la place pour le trafic grandes lignes. En d'autres termes, si l'on veut avoir une meilleure liaison entre Genève et Lausanne et entre Genève et le reste de la Suisse, cela signifie déplacer le trafic régional sur une autre voie. Et dans le même temps, améliorer le trafic régional permet de bénéficier d'une meilleure cadence pour le trafic grandes lignes.
J'en viens au troisième élément. Quand nous examinerons ce dossier, je serai particulièrement attentif à ce que nous profitions dans le même temps pour régler la question des deux croisements, celui de Mies, sur le canton de Vaud, et celui de Prégny-Chambésy. Ils sont des espèces de quatrièmes voies partielles, mais ces croisements sont l'élément nécessaire pour que le CEVA puisse circuler à la cadence du quart d'heure. Vous voyez bien ici que les intérêts genevois et vaudois sont intimement liés, et nous aurons besoin de nous battre ensemble pour les faire triompher.
Encore un mot. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai assisté à cette petite joute où chacun revendiquait la paternité de cette résolution. Parce que nous aurons besoin - non pas dans le parlement genevois, non pas dans le parlement vaudois, mais dans le parlement fédéral - des voix des grands partis politiques. Et il sera nécessaire que, ce jour-là, nous ayons le soutien de l'UDC - je vois que M. le conseiller national Reymond m'écoute avec attention - nous aurons besoin des voix démocrates-chrétiennes, nous aurons besoin des voix socialistes, et je suis persuadé que ce grand parti qu'est le parti radical ajoutera ses suffrages à cette cause.
C'est donc dire qu'aujourd'hui l'engagement de ce parlement à travers cette résolution est pris de la façon la plus claire. Il faut non seulement mener ce combat à Genève, mais surtout ensemble - comme nous l'avons fait pour le CEVA - le prolonger au sein de l'assemblée fédérale.
Mise aux voix, la résolution 508 est adoptée et renvoyée aux Autorités fédérales, au Grand Conseil vaudois et au Conseil d'Etat par 78 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Monsieur Pierre Weiss, veuillez regagner le siège du rapporteur. Désirez-vous ajouter quelque chose à votre rapport ? Non. Je vous remercie. La parole est-elle demandée ? Elle ne l'est pas.
Mise aux voix, la loi 9815 est adoptée en premier débat par 70 oui (unanimité des votants).
La loi 9815 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9815 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 68 oui (unanimité des votants).
Le président. Monsieur le rapporteur, souhaitez-vous ajouter quelque chose à ce que vous n'avez pas dit tout à l'heure ?
M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Monsieur le président, vous avez démontré avec perfection combien, en une minute, nous pouvions améliorer la qualité de notre démocratie qui profitera à 80 000 nouveaux électeurs.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le député, de cet aimable commentaire. Mesdames et Messieurs, nous revenons à l'ordre du jour bleu, à celui qui ne comporte plus les urgences, et nous en sommes au point 22. Je cède la place, au perchoir, à Mme la première vice-présidente qui voudra bien me suppléer quelques instants. Après cet effort soutenu, il faut que je confère avec Mme le sautier.
Présidence de Mme Anne Mahrer, première vice-présidente
Débat
Mme Béatrice Hirsch-Aellen (PDC). La problématique des crèches n'est pas nouvelle, mais les progrès réalisés à ce jour sont largement insuffisants. A Genève, environ deux tiers des mères de famille exercent une activité rémunérée et seulement 30% des demandes de places en crèche sont satisfaites, on peut donc aisément imaginer le casse-tête que représente la conciliation de la vie professionnelle et familiale. Et même si beaucoup d'hommes participent à l'organisation familiale, cette situation défavorise d'abord les femmes et les freine dans leur vie professionnelle.
Les démocrates-chrétiens proposent donc d'instaurer un véritable partenariat entre le secteur public et les entreprises, afin d'encourager ces dernières à créer leur propre crèche.
En effet, les entreprises doivent réaliser qu'ouvrir des crèches offre de multiples avantages. On sait que cela diminue les absences, cela motive et fidélise le personnel, cela valorise l'image de l'entreprise, et cette liste est loin d'être exhaustive.
L'Association romande des crèches d'entreprises a été crée pour aider les entreprises intéressées par cette démarche. Cependant, l'Etat doit apporter son soutien aux entreprises, car elles ne peuvent plus ignorer cette problématique devenue essentielle pour la bonne marche de l'économie et pour les mères qui sont de plus en plus nombreuses sur le marché du travail. Le Canton doit absolument s'investir dans cette politique d'accueil de la petite enfance et doit se déterminer sur la manière d'aider ou d'informer les entreprises sur les bénéfices d'une politique du personnel facilitant la garde des enfants de leurs employés.
Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien vous demande de renvoyer cette motion en commission de l'économie, la plus à même d'aborder ces problèmes.
Mme Mathilde Captyn (Ve). La pénurie de crèches est un vrai problème, car environ deux tiers des demandes des familles ne trouvent pas réponse aujourd'hui à Genève. Les conséquences de ce manque de places sont nombreuses: les frais de garde trop élevés occasionnent des pertes de revenus aux familles, les parents diminuent leurs heures de travail pour s'occuper de leurs enfants. Ajoutons que cette pénurie entretient le travail au noir et maintient par conséquent de nombreuses personnes du domaine de la petite enfance dans une précarité de l'emploi.
Pourtant, les crèches ont un apport reconnu pour l'économie, car le pouvoir d'achat des familles augmente et les parents conservent leurs qualifications professionnelles, de plus les crèches créent des emplois et les entreprises dépensent moins d'argent en formation grâce à un roulement moins important de leurs employés.
Il s'agit donc d'engager les grandes entreprises de la place à se responsabiliser socialement vis-à-vis de leurs employés. A l'heure où une grande majorité des femmes poursuivent une activité professionnelle à plein temps, l'arrivée d'un enfant dans le foyer est encore trop souvent synonyme d'arrêt de carrière non volontaire.
Par exemple, les Verts seraient favorables à l'introduction d'une obligation pour les communes de mettre à disposition un nombre minimum de places en crèches, en incluant des partenariats avec les grandes entreprises privées et publiques se trouvant sur leur territoire. En initiant de telles démarches rassemblant communes et entreprises, la promotion économique de l'Etat de Genève a tout à gagner.
Renvoyer cette motion à la commission économique plutôt qu'à la commission sociale nous semble plus pertinent, car il s'agit d'analyser comment l'Etat peut encourager au mieux les entreprises à créer des crèches dans leurs propres locaux. Nous vous engageons donc à renvoyer cette motion à la commission de l'économie, afin que soit étudiée la meilleure manière de soutenir et de coordonner la création de crèches d'entreprises. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Nous sommes face à une urgence. Il a été dit que deux demandes sur trois ne sont pas honorées. Aujourd'hui, de nombreuses familles - familles monoparentales également - ne trouvent pas de place en crèche, la garde des enfants est confiée à des personnes qui ne sont pas formées et l'enfant peut se retrouver dans une situation difficile. Le devoir des autorités est donc de réagir.
Il est vrai que les entreprises ont un rôle à jouer et nous devons les convaincre de contribuer à cet effort. Economiquement, c'est aussi un gain. En commission de l'enseignement, le Crédit Suisse nous avait expliqué que, depuis qu'il avait crée une crèche, il avait calculé un vrai retour sur investissement en matière d'absentéisme et par rapport au plan de relève. En effet, des personnes formées, dans l'encadrement par exemple, arrêtent ensuite de travailler, et ce sont malheureusement le plus souvent des femmes - l'égalité n'étant pas encore au rendez-vous. Cela pose donc des problèmes de personnel et des problèmes de relève au sein de l'entreprise. Par ailleurs, on note également un meilleur rendement des employés lorsqu'ils savent que leur enfant est bien placé, bien traité, plutôt que lorsqu'ils craignent que leur enfant ne soit pas forcément dans un milieu adéquat.
Néanmoins, les entreprises ne sont pas vraiment conscientes du problème et très peu d'entre elles investissent dans les crèches. De plus, les rares entreprises qui avaient ouvert une crèche l'ont fermée durant ces dernières années. Les autorités doivent donc effectuer un vrai un travail de conviction pour faire comprendre le rôle social que ces entreprises doivent jouer. Je vous rappelle qu'il y a aussi un véritable gain pour la société... Une étude de la Ville de Zürich a démontré très clairement qu'un franc investi dans les crèches par les pouvoirs publics rapporte environ trois francs à la collectivité. Il y a donc là un vrai retour économique dans l'investissement des crèches.
Parlons un peu de cette motion. Bien sûr, les socialistes soutiennent la dynamique de créer des crèches d'entreprises, mais deux invites mériteront d'être étudiées en commission. En ce qui concerne la première, «à étudier les modes de financement incitant les entreprises à créer des crèches», est-ce que l'argent public doit servir en priorité à créer des crèches d'entreprises ? Ou doit-il servir à créer des crèches publiques ? Aujourd'hui, les crèches publiques ne sont pas suffisantes: seulement un tiers de demandes est satisfait tandis que deux tiers sont refusés. Nous avons donc un véritable travail à accomplir en matière publique avant d'investir ou de faire des cadeaux fiscaux aux entreprises.
L'autre invite demande de créer des crèches dans les sites industriels... Est-ce le meilleur lieu pour créer des crèches ? Je n'en suis pas sûr. Est-ce que les terrains industriels - qui sont trop rares - doivent servir à cela, alors qu'il y a des surfaces de bureaux inoccupées en masse ? Ce sont des questions qu'il faudra se poser en commission.
Nous soutenons le renvoi en commission, mais nous aurions préféré que ce projet aille à la commission de l'enseignement. Pourquoi ? Parce que l'enseignement a traité les demandes de crèches au niveau public. On porte ici un regard économique sur ce problème, alors que la préoccupation est de gérer globalement le problème des crèches. Et renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement permettrait de bénéficier d'une vue globale sur les crèches et d'éviter d'attribuer les crèches publiques à l'enseignement et les crèches privées à l'économie - cela serait la pire des choses. Aussi, nous demandons le renvoi de ce projet à la commission de l'enseignement.
Finalement, je fais un appel au PDC. C'est bien de lancer le débat sur ce sujet, mais j'aimerais que le PDC montre une cohérence globale sur le problème des crèches... Vous déclarez aujourd'hui - mais ce n'est qu'une déclaration d'intention - que vous voulez faire davantage pour les crèches: bravo, nous vous soutenons ! Cependant, il vous faudrait peut-être mettre de l'ordre dans votre section de Vernier, car je vous rappelle que le PDC Vernier a demandé le moratoire sur les crèches... Et c'est scandaleux pour une commune extrêmement défavorisée et qui a besoin des crèches pour vivre ! Je vous rappelle que notre parlement a voté pour que le Canton dégage des fonds pour soutenir les crèches dans les communes, mais, lors du vote du budget, l'ensemble des partis de droite ont refusé les millions qui devaient être consacrés à cela ! Je vous demande donc un peu de cohérence entre les messages qui donnent bonne conscience et les moyens qu'il faut mettre à disposition pour réellement créer des crèches. (Applaudissements.)
Mme Marie-Françoise de Tassigny (R). La création de crèches est toujours d'actualité. La Ville de Genève, malgré un effort considérable, se trouve toujours face à 2200 demandes non satisfaites. On me dira que les crèches d'entreprises, c'est la potion magique... Je suis bien placée pour vous confirmer que la cité répond à tout appel d'entreprise située sur son territoire. Quelques entreprises ont été des pionnières, comme certaines banques et Procter & Gamble qui offrent une politique de ressources humaines dynamique favorisant les femmes.
Toutes facilités sont mises en place pour établir des conventions et des partenariats avec les entreprises; la plupart souhaitent s'allier - si ce n'est confier - à une commune la charge d'offrir des lieux d'accueil à leurs collaborateurs. En effet, les entreprises préfèrent laisser aux collectivités publiques le soin d'un secteur pour lequel elles ne possèdent pas le savoir-faire. Serono et le CICR ont suivi cette voie. D'autres, comme la poste ou l'UBS, ont renoncé après quelques années... Pourquoi pas des aides financières pour ces entreprises ? Est-ce vraiment utile de donner à ces grandes entreprises des leçons en matière de ressources humaines ? Ne faut-il pas plutôt garnir l'escarcelle de la loi cantonale relative à la petite enfance, qui est la vraie réponse à un vrai problème ? Pour le résoudre, le groupe radical propose le renvoi de cette motion à la commission de l'économie.
M. Eric Bertinat (UDC). Voilà encore une motion qui cherche à trouver des solutions au problème récurrent des couples obligés de travailler. Que faire des rejetons qui n'ont pas encore l'âge d'aller à l'école de 7h30 à 18h ? Il faut donc créer des crèches.
Le groupe UDC soutiendra le renvoi de cette motion en commission de l'économie, non sans relever la chose suivante: si l'économie a besoin de crèches, elle doit être financièrement beaucoup plus impliquée dans la création de ces crèches.
M. Brunier a évoqué le cas de Vernier. L'idée globale des socialistes sur cette question est la socialisation des crèches, mais, étant donné l'état de nos finances, ce n'est pas acceptable.
L'économie a besoin de personnes qui travaillent et, curieusement, ces mêmes personnes ne savent plus quoi faire de leurs enfants... Ce n'est pas une charge pour l'Etat que de créer des crèches, même si les besoins sont incroyables. A ce niveau, la motion peut être soutenue en partie: il faut impliquer ces entreprises, car il s'agit de leurs besoins et, encore une fois, cela ne doit pas être à la charge de l'Etat.
Je voudrais préciser que l'UDC regrette que les investisseurs privés ne soient pas mentionnés dans des possibilités d'ouverture de nouvelles crèches - c'est vrai qu'elles sont peu nombreuses et extrêmement coûteuses - et je voudrais rappeler l'exemple de la nurserie-garderie privée de la Boironnette à Nyon, ce qui veut dire que des crèches privées existent. Mais, encore une fois, ce n'est pas à l'Etat de pallier ce problème.
Les femmes radicales ont suivi cette piste dans une interpellation adressée au Conseil fédéral et qui voulait diriger des subventions non pas vers des institutions, mais vers les utilisateurs, ce qui est une version un peu différente de celle que vient d'évoquer M. Brunier.
Il faut tout essayer pour que l'Etat soit moins sollicité et l'UDC espère que ces pistes seront explorées en commission.
Mme Janine Hagmann (L). Ce soir, il y a un phénomène extraordinaire: les idées s'envolent d'un côté pour aboutir de l'autre côté. L'idée de soutien aux crèches d'entreprises n'est pas nouvelle. Le groupe libéral vous en a souvent parlé. Mais, au moment où le groupe libéral demandait de défiscaliser les crèches pour faciliter leur ouverture, tout le monde disait: «Quelle horreur ! Vous ne pouvez pas proposer cela !» Et ce soir, les mêmes propositions viennent d'ailleurs. Nous sommes donc ravis de pouvoir abonder dans le sens de ces propositions et de vous dire que nous voyons d'un bon oeil cette motion.
Vous devez reconnaître deux choses. Ce n'est pas la première fois qu'on en parle et M. Brunier l'a cité: le rapport Kenzi insiste sur le fait qu'un enfant est un investissement, et effectivement un franc investi dans une crèche est souvent un retour valable de trois francs. Il vaut donc la peine que vous preniez connaissance de ce rapport.
Deuxième chose: il nous semble que, pour faciliter la création de crèches, il faudrait - on l'a souvent évoqué aussi - revoir un peu les normes qui sont vraiment très contraignantes. Nous devons tenir compte du bien-être des enfants, nous devons faire attention à ce que l'encadrement soit au top, mais tout de même, les normes vont très loin ! Quand elles demandent, par exemple, des mètres carrés précis pour chaque enfant, ou l'oxygène nécessaire pour chaque enfant dans une crèche, ou même la température de l'eau chaude, je trouve que cela va un peu loin... Avec cette réglementation excessive, on gêne les entreprises qui veulent se lancer dans une création de crèches.
La semaine dernière, à la commission des travaux, nous avons eu un exposé sur le PPP - le partenariat public-privé - et je pense que ce PPP pourrait aussi être étudié dans la création de crèches d'entreprises, car il est intéressant de voir à quel point le privé et le public peuvent marcher main dans la main.
Nous estimons que nos commissions sont très chargées et, comme l'idée est à soutenir, le groupe libéral propose de renvoyer immédiatement cette motion au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo !
M. Mario Cavaleri (PDC). Vous aurez constaté, chers collègues, que ce soir des personnes sont dogmatiques et d'autres pragmatiques. M. Brunier, s'abritant derrière l'application de l'article 24, s'est bien gardé de parler de la future crèche de l'entreprise pour laquelle il travaille. Pour moi, c'est l'occasion de répéter qu'il n'y a pas une solution unique, mais qu'il y en a plusieurs. Et quand on nous donne des exemples par rapport à la commune de Vernier, vous devez savoir - puisque M. Brunier ne l'a pas dit - que la future crèche qui se trouvera au sein de l'entreprise Services Industriels de Genève sera réalisée avec la collaboration de la commune. Alors, Monsieur Brunier, arrêtez de nous donner des leçons ! Nous essayons simplement - vos collègues, femmes et hommes - d'apporter des solutions complémentaires à ce qui existe, à ce qui est déjà en chantier et à ce qu'il faut développer.
Les entreprises peuvent recevoir un appui, ne serait-ce que par des mesures incitatives peu coûteuses, et je rejoins ma collègue Mme Hagmann lorsqu'elle pointe du doigt des normes excessives. Il faut être pragmatique et développer toute solution contribuant à créer des crèches, que ce soit dans les entreprises ou dans d'autres milieux. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Je souhaiterais préciser à M. Cavaleri - qui n'a vraisemblablement pas saisi mon intervention - que le PDC devrait avoir de la cohérence dans l'ensemble de ses messages.
A Vernier, Monsieur Cavaleri, le groupe PDC a demandé un moratoire total sur les crèches, y compris pour le partenariat entre la commune et une entreprise que vous avez citée. Votre parti a failli bloquer l'ensemble de toutes les constructions de crèches publiques ou de partenariat entreprise-commune sur l'ensemble d'un territoire qui en a éminemment besoin: c'est la commune de Vernier. Cette situation n'est pas acceptable et, heureusement, une majorité du conseil municipal de Vernier a débloqué la situation, ce qui permettra à cette commune de produire un certain nombre de places de crèches... (Brouhaha.)
M. Pierre Kunz. De quoi je me mêle ?
M. Christian Brunier. Je me mêle de la satisfaction et des besoins de la population ! Monsieur Kunz, deux tiers des parents de ce canton n'ont pas de place dans une crèche pour leur enfant ! C'est un besoin prépondérant de la population. (Remarque.) Si cela vous dérange et que vous n'avez pas envie de mettre des moyens là dedans, c'est votre problème, mais ne dites pas que ce parlement ne doit pas se soucier de ce besoin prépondérant de l'ensemble des familles de ce canton !
Donc, nous sommes pour un partenariat entre les pouvoirs publics et les entreprises, mais nous nous demandons si c'est une bonne chose que d'offrir des soutiens publics directs à des crèches d'entreprises - comme cette motion le sous-entend - alors que beaucoup d'entreprises réalisent des gains assez importants. En plus, ces dernières vont dégager un retour sur investissement si elles paient complètement le projet de crèche.
Nous pensons que les entreprises aussi doivent faire preuve de citoyenneté, car elles ont un réel intérêt économique à investir dans les crèches. A partir de là, nous mettons en doute le fait que les pouvoirs publics et l'argent de la collectivité doivent servir à subventionner des entreprises, qui parfois font des gros bénéfices, pour créer des places de crèches. Nous pensons qu'il faut renvoyer ce projet à la commission de l'enseignement ou dans une autre commission, pour l'étudier un peu plus en détails, au lieu de l'envoyer au Conseil d'Etat, avec des messages plus que troubles.
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Au nom du Conseil d'Etat et en particulier au nom de mon collègue Charles Beer, qui a dû s'absenter quelques instants, je viens vous dire... (Brouhaha.) ... que le Conseil d'Etat souhaiterait que cette motion - qui traite d'un sujet très important et intéressant, mais complexe - soit renvoyée à la commission de l'enseignement. Ce sujet doit être examiné dans toute sa spécificité, dans toute la complexité de ses normes, dans la complexité du problème des liens entre les entreprises et les crèches. Cela peut engendrer des solutions favorables, comme c'est le cas pour certaines entreprises de ce canton - Mme Marie-Françoise de Tassigny l'a fort élégamment rappelé tout à l'heure. C'est donc au nom du Conseil d'Etat que je vous fais la proposition de renvoyer cette motion à la commission de l'enseignement.
La présidente. Il a été fait trois propositions concernant cette motion, je vais donc vous faire voter sur chacune... (Brouhaha. Remarques.) Monsieur Brunier, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
M. Christian Brunier (S). Avant de passer au vote, il faudrait d'abord opposer le principe du renvoi au Conseil d'Etat à celui du renvoi en commission et, ensuite, opposer les différents choix de commissions si le renvoi en commission est majoritaire - car diviser en trois ne donnera pas un vote très significatif. Le premier vote devrait porter sur le renvoi au Conseil d'Etat ou en commission. Ensuite, nous pourrons choisir la commission.
La présidente. Alors, comme vous me l'avez demandé, je mets aux voix le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1679 au Conseil d'Etat est rejeté par 43 non contre 17 oui et 1 abstention.
La présidente. Je mets aux voix le renvoi de cet objet à la commission de l'économie. S'il est refusé, il sera renvoyé à la commission de l'enseignement.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1679 à la commission de l'économie est adopté par 59 oui contre 15 non et 2 abstentions.
La présidente. Il est 19h, je lève la séance. Nous nous retrouverons à 20h30.
La séance est levée à 19h.