République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 127
Initiative populaire 127 "Pour la gratuité des transports publics genevois"
IN 127-B
Rapport de la Commission législative chargée d'étudier la validité de l'initiative populaire 127 "Pour la gratuité des transports publics genevois"

Débat

Le président. Il s'agit ici de notre second débat, également concentré sur la recevabilité. Je donne la parole à M. Roger Golay.

M. Roger Golay (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement citoyen genevois a pris acte du rapport de la commission législative chargée d'étudier les aspects juridiques et démocratiques de l'initiative 127-B «Pour la gratuité des transports publics genevois». Nous constatons que cette initiative respecte l'unité de la forme, du genre, de la matière et le droit supérieur. Dès lors, nous accepterons sa recevabilité.

En revanche, le MCG ne soutiendra pas cette initiative, et nous appelons l'ensemble de ce parlement à faire de même, afin de la rejeter fermement. Nous ne sommes pas dupes: cette initiative démagogue, émanant des communistes genevois et lancée l'été dernier, avait plus pour objectif de servir de plate-forme électorale pour la campagne au Grand Conseil 2005 qu'autre chose...

Les arguments développés par les initiateurs dans l'exposé des motifs sont trompeurs et irresponsables. En effet, ils prétendent que la gratuité des transports publics va alléger les charges des Genevois, englobant pratiquement toutes les catégories de la population: familles, personnes âgées, jeunes, chômeurs, etc., en oubliant sciemment de préciser qui devra payer, en fin de compte, ce que cela coûtera à l'Etat, soit 200 millions de francs selon les estimations. Vous l'aurez compris, les stalinistes, léninistes et maoïstes nostalgiques, continuent à prôner un monde meilleur sans se préoccuper de son financement !

Dans leur argumentaire, nous relevons encore qu'ils se posent en grands défenseurs du libre choix du mode de transport à Genève, tout en mentionnant vouloir diminuer le trafic automobile... Paradoxal, n'est-ce pas ?

Restons sérieux ! La gratuité complète des Transports publics genevois coûterait 200 millions de francs, ce qui grèverait le budget de fonctionnement de manière substantielle. Et - toujours si cette initiative était acceptée par le peuple - les effets induits de cette gratuité freineraient le développement des infrastructures du réseau des TPG en raison des finances déjà catastrophiques du canton.

En outre, la gratuité complète freinerait certainement une gestion commerciale dynamique des TPG pour une clientèle toujours plus exigeante. Cette initiative ne peut donc que reproduire l'image sombre des moyens de transports publics déplorables des ex-républiques soviétiques !

D'autre part, plusieurs motions ont été déposées, dont l'une issue des rangs du MCG, qui proposent des solutions nettement plus raisonnables et applicables sur certaines formes de gratuité ou de rabais pour les utilisateurs des transports publics. Il vaut la peine de les étudier en commission d'une manière groupée, afin de proposer au Conseil d'Etat des objectifs clairs en matière de transport et de transfert modal.

Quant au contreprojet annoncé aujourd'hui par les Verts, dont j'ai eu le temps de prendre connaissance, il nous semble intéressant... (L'orateur est interpellé.) Toutefois la gratuité n'étant réservée qu'à une seule catégorie de personnes, il ne serait pas judicieux de proposer une alternative, soit deux possibilités en votations populaires: l'une payante et l'autre gratuite. Nous estimons qu'il serait préférable que les Verts transforment leur contreprojet à l'initiative 127-B en un projet de loi.

Pour revenir plus précisément à l'initiative qui nous occupe et pour conclure, les Transports publics genevois coûtent déjà 160 millions de francs par année à la collectivité. Nous ne pouvons pas - nous n'en avons pas les moyens financiers - alourdir la facture de 200 millions de francs supplémentaires pour satisfaire l'idéologie communiste ! Nous ne pouvons pas à la fois demander des efforts considérables à nos concitoyens pour réduire la dette monétaire du canton et voter en parallèle des dépenses faramineuses !

Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter la recevabilité de l'initiative 127-B et à ne pas soutenir son contenu.

Le président. Je rappelle que nous ne devrions parler que de la recevabilité... Du moins, nous le souhaiterions, dans la mesure où cette initiative sera renvoyée tout à l'heure à la commission qui a vocation à examiner ses conséquences économiques. Il me paraît donc totalement superflu de faire le débat complet aujourd'hui ! Monsieur le député Pierre Kunz, je vous donne la parole.

M. Pierre Kunz (R). Monsieur le président, excusez-moi... Je renonce ! (Rires.)

Le président. Merci, Monsieur le député ! La parole est à M. Christian Brunier.

M. Christian Brunier (S). Vous avez raison, Monsieur le président, il faut faire avancer nos travaux... Certes ! Mais le rôle du parlement est aussi de débattre des objets qui lui sont soumis. Il faut traiter de la recevabilité de cette initiative, soit, mais, avant de la renvoyer en commission, je trouve normal que les partis puissent donner les grandes lignes politiques qu'ils vont défendre en commission. (Commentaires.) Cela fait partie de la démocratie, et le parlement doit pouvoir débattre !

A mon avis, cette initiative est une fausse bonne idée... Philosophiquement, l'idée de rendre les transports publics gratuits peut - c'est vrai - plaire et séduire une partie de la population. En ce qui me concerne, j'aimerais que les prestations de l'Etat en général soient gratuites: les infrastructures culturelles, les manifestations sportives, etc. Malheureusement - et nous le savons bien - ce n'est pas possible et parfois, même, ce n'est pas efficace, car il faut bien, à un moment donné, que quelqu'un paye l'addition.

Nous sommes devant un cas de figure étonnant... En diminuant sensiblement les apports financiers des TPG, on court deux risques: soit d'aggraver les finances de l'Etat soit de diminuer les moyens attribués aux transports publics. Et il serait tout de même paradoxal qu'une initiative dont la volonté est de développer les transports publics aboutisse, en fin de compte, à leur régression, dans la mesure où ceux-ci n'auraient plus les moyens de payer l'infrastructure !

Je vous rappelle tout de même à combien se monte l'addition - et ce calcul a été effectué par les TPG... Une économie de 19,5 millions pourrait être réalisée, entre autres sur la billetterie qui ne serait plus utile. Par contre, le coût, c'est-à-dire le manque à gagner des billets plus l'infrastructure qu'il faudrait mettre en place pour rendre cette opération attractive, s'élèverait à 185 millions, soit un différentiel de 165,5 millions par année à trouver. Sommes-nous prêts à diminuer les moyens des TPG à ce point ? Je pense, pour ma part, que cela serait néfaste pour les TPG !

Nous combattrons - le parti socialiste l'a déjà dit clairement - cette initiative qui peut séduire, qui part d'un bon sentiment sur le plan philosophique, mais qui est simpliste et irréalisable ! D'ailleurs, les initiants n'ont pas prévu le financement de leur proposition dans cette initiative, ce qui est pour le moins léger.

Nous pensons néanmoins, justement pour que la population ne se laisse pas séduire par de fausses sirènes, qu'il faut proposer un contreprojet. Et nous saluons l'initiative des Verts qui ont annoncé un contreprojet, contreprojet qui devra être travaillé en commission et qui devra prévoir, à notre avis, un véritable transfert modal. Vous le savez, le fait de rendre les transports publics gratuits sans prévoir de mesures d'accompagnement ne va pas forcément inciter les gens à laisser leur voiture pour prendre le bus... Certaines villes ont tenté l'expérience, et on a pu constater que cela ne changeait pas le comportement des automobilistes. Par contre, les piétons se sont mis à prendre le bus, parce qu'il était gratuit... En fin de compte, le nombre de voitures était toujours aussi important... Toutes les expériences qui ont été faites - une vingtaine en Europe - le montrent: il n'y a pas d'exception ! La gratuité des transports publics, seule, ne suffit pas à diminuer le nombre des voitures. Je le répète, ce sont les piétons qui se sont mis à prendre le bus, et les automobilistes qui se sont mis à utiliser les transports en commun ont, la plupart du temps, laissé leur voiture à leurs enfants, leur conjoint, etc.

Pour véritablement réussir le transfert modal - nous le savons, car nous avons aussi tenté certaines expériences à Genève - deux éléments sont nécessaires. D'une part, il faut des transports publics attractifs - attractifs au niveau du prix, mais ce n'est pas l'élément principal - et, surtout, une bonne vitesse commerciale et des bus fréquents et réguliers, car les gens veulent se déplacer vite, ce qui est normal. C'est le premier aspect du problème.

D'autre part, il faut prendre des mesures dissuasives au niveau de la circulation. Tant que vous laisserez les gens prendre leur voiture, ils s'en serviront ! Nous sommes tous pareils: même ceux qui font des grandes théories et qui sont sensibles à ce sujet !

J'insiste: pour que le transfert modal réussisse, il faut absolument conjuguer ces deux éléments: l'attractivité des transports publics et des mesures dissuasives de circulation. Que cela plaise ou non, de toute façon, que nous allons être obligés d'y arriver. Et je n'arrête pas de le répéter: il ne s'agit plus d'un débat idéologique ! Je vous le rappelle, d'ici 2015-2020, les experts - et non les politiques - prévoient une augmentation de 40 à 45% de la mobilité ! 40 à 45%, cela représente un bouchon généralisé, que l'on soit de gauche, de droite, que l'on soit anti-bagnole ou pro-bagnole ! Ce sont les experts qui le disent, et il faudra bien gérer cette situation et avoir le courage politique de prendre des mesures drastiques ! Quoi qu'il en soit, cette initiative n'est pas un bon moyen ! Nous devons pouvoir travailler toutes et tous autour d'un contreprojet qui peut constituer une véritable réponse à ce problème et inciter les personnes qui utilisent aujourd'hui leur voiture à utiliser les transports publics pour se déplacer. Toute une série de mesures doivent être prises pour rendre les transports publics plus attractifs, pour créer des parkings d'échange et dissuader les automobilistes de prendre leur voiture. Ces mesures ne plaisent pas à tout le monde, mais nous serons bien obligés de passer par là !

En résumé, je propose de refuser cette initiative et de nous mettre au travail pour élaborer un contreprojet qui tienne la route !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Madame le rapporteur Loly Bolay... Peut-être sur la recevabilité ?

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. J'aimerais d'abord vous rappeler l'article 77 de notre règlement qui stipule que les rapporteurs prennent la parole en premier... J'étais ravie d'entendre mon collègue Christian Brunier s'exprimer, mais le règlement aurait commandé de me donner la parole avant. Je voulais juste vous le faire remarquer.

Je vais effectivement aborder la recevabilité de cette initiative. Mesdames et Messieurs les députés, la commission législative a examiné l'initiative 127 sous l'angle de la recevabilité, à savoir si les exigences posées par la constitution, la loi ou le droit supérieur étaient respectées. C'est sous l'angle de la recevabilité et plus particulièrement sur son exécutabilité que la commission législative s'est penchée.

En effet, l'initiative 127 indique, je cite: «Afin de favoriser l'utilisation des transports publics, l'Etat garantit leur gratuité sur tout le territoire qu'ils desservent...». Les TPG, comme vous le savez, desservent aussi le canton de Vaud, et, également, la France voisine. Or, selon notre constitution, il n'est pas possible d'imposer aux autorités vaudoises et encore moins aux autorités françaises la gratuité des transports publics pour les tronçons situés sur leur territoire, donc sous leur juridiction.

Cette question a longuement été débattue au sein de la commission, et la seule interprétation conforme à notre constitution consiste à préciser que: «...l'Etat garantit leur gratuité sur tout le territoire qu'ils desservent dans le canton de Genève...».

Pour ce qui est de la prise en considération de l'initiative, les membres de la commission législative partagent amplement l'analyse du Conseil d'Etat qui figure dans son rapport. Comme cela a été dit tout à l'heure, en cas d'acceptation par le peuple, il serait théoriquement possible de renoncer à d'autres prestations de l'Etat - nous en connaissons les conséquences - ou de recourir à l'emprunt en augmentant la dette - nous en connaissons bien aussi les conséquences avec nos 13 milliards de dette...

La commission a considéré que l'initiative 127 respectait l'unité de la forme, du genre et de la matière et qu'elle respectait également le droit supérieur. C'est la raison pour laquelle l'initiative 127 est recevable.

M. Christian Luscher (L). Mme Bolay vient de dire tout ce qu'il fallait dire à propos de la recevabilité de cette initiative, puisque c'est le seul sujet qu'il fallait traiter ce soir, bien que certains en aient profité pour s'offrir une plate-forme politique.

En effet, cette initiative est recevable pour autant qu'on l'interprète dans le sens qu'il n'est pas possible d'imposer aux autres cantons suisses et encore moins à la France des obligations qui découleraient d'un article constitutionnel.

Et puis, reste le problème de l'exécutabilité... Il faut absolument que les personnes qui lancent une initiative aujourd'hui se demandent si, au-delà de son aspect politique, la possibilité constitutionnelle ou, même, matérielle existent bien. En effet, si l'on devait suivre celle-ci, par exemple, cela coûterait des centaines de millions de francs à notre République, et l'on peut se demander si elle est exécutable.

Mais la commission législative, fidèle à sa propre jurisprudence selon laquelle il faut tout faire pour qu'une initiative soit soumise au peuple - comme le répète si souvent Mme Bolay: in dubio pro populo - donc, à l'unanimité moins quelques abstentions, c'est-à-dire la grande majorité de la commission, cette dernière est arrivée à la conclusion que cette initiative était recevable.

Sur le fond, je crois que le Conseil d'Etat entend y donner le sort qu'elle réserve.

Le président. Merci, Monsieur le député. Madame la députée Michèle Ducret, vous avez la parole.

Mme Michèle Ducret (R). Merci, Monsieur le président. Je serai disciplinée moi aussi, et je ne parlerai que de la recevabilité... Pour vous plaire, Monsieur le président !

Le président. Merci, Madame, de ce bel effort: j'y suis sensible !

Mme Michèle Ducret. Toutefois, il y a quand même des moments où la recevabilité touche au fond... Vous m'excuserez de le préciser ! (Commentaire. Rire de Mme Michèle Ducret.) Là, elle touche le fond ! En l'occurrence, l'exécutabilité de cette initiative pose problème, comme cela a déjà été dit par plusieurs personnes avant moi.

Quoi qu'il en soit, le groupe radical sera bon prince... Ne serait-ce que par respect pour les signataires de cette initiative, il est d'avis qu'il faut accepter, pour l'instant, la recevabilité de cette initiative, et il vous recommande de faire de même. Ce sera différent lors des discussions sur le fond, qui auront sans doute lieu à la commission des transports.

M. Antonio Hodgers (Ve). Les Verts, bien sûr, soutiennent le rapport de la commission. Ils soutiendront donc la recevabilité formelle de cette initiative dans l'interprétation telle qu'elle a été exprimée par Mme Bolay et confirmée par M. Luscher, soit que seul le territoire genevois est concerné.

Maintenant, si vous me le permettez, je dirai quelques mots sur le fond, puisque c'est sur le fond que la commission des transports doit se baser.

Partons des intentions des initiants ! Le premier objectif est d'augmenter la part modale des TPG aux dépens de la voiture. Le deuxième est de subventionner la mobilité des familles à revenus modestes. Troisième objectif - ou principe: tout service public doit être gratuit.

Sur le fond, nous souscrivons à ces trois objectifs, mais nous pensons que la gratuité des TPG n'est pas le bon moyen pour les atteindre. Tout d'abord, les études montrent que le coût des transports publics n'est pas l'élément le plus déterminant pour inciter la population à les utiliser: celle-ci est beaucoup plus sensible au développement de l'offre. A quelques mois du vote du parlement concernant le prochain contrat de prestations des TPG et du plan directeur des transports, nous devons être cohérents en disant que la priorité en matière de transports publics doit passer par le soutien et le développement de l'offre, notamment l'offre transfrontalière.

Par ailleurs, le principe de subventionnement des familles préconisé par l'initiative est une politique de l'arrosoir... Chacun bénéficie de la gratuité des transports publics quel que soit son revenu. A notre sens, il serait plus pertinent de cibler les familles qui se trouvent réellement dans une situation financière difficile et de les accompagner pour qu'elles puissent maintenir leur mobilité. Nous serions beaucoup plus cohérents en agissant sur les personnes qui en ont vraiment besoin.

D'autre part - et c'est un élément important - tout service public doit être gratuit. Nous soutenons la gratuité dans certains domaines - des exemples ont été donnés, comme l'école, les musées, etc. - parce que la prestation n'est pas coûteuse en termes d'énergie. Qu'il y ait une personne ou dix dans un musée, cela revient au même; par contre, il n'en va pas de même pour les transports publics, qui impliquent plus d'infrastructures, plus de matériel, et qui génèrent - il faut le dire - plus de pollution !

Par conséquent, il est parfaitement logique, sur la base du principe cher aux Verts du «pollueur-payeur», que les TPG soient payants. Cela dit, il est également important que le prix ne soit pas dissuasif et, surtout, qu'il soit nettement plus avantageux que celui de la voiture.

La gratuité des TPG impliquerait de trouver une subvention équivalente de 150 millions de francs, mais comme il est peu probable que nos ministres la trouvent, elle se ferait aux dépens de l'offre... Ce qui serait, à notre avis, la pire des situations !

Dans une même logique - et j'attire l'attention des initiants sur ce point - s'il fallait trouver ces 150 millions, la première chose qui se passerait serait une énorme pression sur les salaires des employés des TPG. En effet, la régie publique se trouvant dans une situation financière tendue, la pression pour privatiser les TPG ou augmenter la sous-traitance serait, en effet, extrêmement forte - ce qui se ferait au détriment des employés des TPG, et je pense que les forces de gauche ne le souhaitent pas.

Enfin, la gratuité des TPG impliquerait une sortie de Genève du réseau genevois - UNIRESO - et de l'offre transfrontalière en termes de prestations et de cohérence, laquelle est pourtant indispensable au développement des transports publics.

C'est pour cela - et la plupart d'entre vous le savent - que les Verts proposent un contreprojet. Nous aurons l'occasion d'en débattre tranquillement en commission. Notre proposition se base sur le principe suivant: aujourd'hui la mobilité en zone urbaine ne peut pas être exclusivement d'un seul mode. Le même citoyen doit pouvoir utiliser sa voiture ou les transports publics, selon ses besoins. Il peut, bien sûr, également marcher, prendre son vélo ou utiliser encore d'autres modes de transport.

Dans cet esprit, la logique tarifaire qui devrait prévaloir est multimodale, c'est-à-dire qu'elle devrait intégrer au sein du même support les différentes opportunités de transports offertes aux citoyens. C'est donc sur cette logique basée sur une notion de mobilité multimodale que nous vous proposons d'élaborer un contreprojet ou un projet de loi. (Commentaires.) L'idée étant de développer aujourd'hui une composition en termes de transport... (Exclamations.) ... et d'avancer, et, d'une certaine manière, de surmonter l'opposition souvent stérile des transports publics à la voiture. Pour les Verts, il est bien évident que les transports publics doivent avoir une place plus importante dans notre ville, mais la voiture reste aussi indispensable pour effectuer certains trajets.

Dans ce sens, notre proposition de carte multimodale permettrait précisément aux représentants de l'ensemble des modes de transport de travailler en cohésion. C'est pourquoi, je remercie les députés de lui réserver un bon accueil et de travailler d'ores et déjà en commission sur l'idée d'un contreprojet, dont notre proposition n'est finalement que le premier pas.

M. Guillaume Barazzone (PDC). Je serai relativement bref sur la recevabilité de cette initiative. Je voudrais seulement m'exprimer sur son exécutabilité, même si, au sens de la jurisprudence fédérale, cette initiative est clairement recevable.

Nous attirons l'attention des divers initiants - comme l'a d'ailleurs fait M. Luscher tout à l'heure - sur les conséquences financières de toute une série d'initiatives actuellement pendantes devant notre commission. Elles partent souvent d'intentions politiques tout à fait simples, mais leurs conséquences financières pour le canton sont énormes. Nous essayerons donc, à l'avenir, de rendre les comités d'initiative attentifs à ce problème.

En ce qui concerne le fond, le parti démocrate-chrétien, pour les raisons déjà évoquées, est d'avis que cette initiative est une mauvaise solution.

Pour ce qui est du projet des Verts, je dirai en quelques mots qu'il faut saluer cette initiative dans la mesure où elle n'oppose plus une catégorie contre une autre: les automobilistes d'un côté et les usagers des transports publics de l'autre. Le mérite philosophique de cette proposition est de considérer que ces deux modes de transports sont complémentaires. C'est d'ailleurs ce que le peuple a exprimé à plusieurs reprises, puisqu'il est favorable aux investissements pour les Transports publics genevois, tout en estimant qu'il faut garantir le libre choix de chacun. Dans ce sens, cette proposition est intéressante.

Elle pose néanmoins quelques problèmes de réalisation. Doit-on traiter le problème des automobilistes à la campagne de la même manière que de ceux qui roulent en ville, sachant que c'est en milieu urbain que les automobiles génèrent le plus de problèmes, ne serait-ce qu'en matière de pollution, en matière d'émissions de bruits ? Il me paraît que c'est surtout en milieu urbain qu'il faut porter nos efforts.

Et, puisque nous abordons le sujet des transports publics, j'aimerais rappeler qu'à l'heure où le projet du CEVA, qui est exposé derrière notre salle du Grand Conseil, arrive dans les phases concrètes, je vois surgir de plus en plus d'oppositions - en tout cas dans la population. Il me semble que c'est le rôle de ce parlement, qui a voté un investissement conséquent pour ce projet, d'essayer de convaincre les personnes qui pourraient y être réticentes, car ce projet est extrêmement important. Certes, les experts estiment que le canton de Genève risque d'être paralysé lors de la réalisation, mais, par ailleurs, il est aussi prévu que le CEVA désengorgera la circulation en milieu urbain, notamment celle liée aux pendulaires frontaliers.

Le groupe démocrate-chrétien insiste fortement sur la nécessité de convaincre et de rassurer tous les citoyens qui sont réticents à ce projet et qui voient leurs intérêts particuliers menacés.

M. Philippe Guénat (UDC). Au nom du groupe UDC, j'aimerais apporter une petite précision. L'excellent rapport de Mme Loly Bolay parle d'un vote écrasant approuvant cette initiative... Or, cinq personnes ont voté pour et quatre se sont abstenues, car elles étaient très dubitatives ! En effet, pour accepter cette initiative tout à fait utopique, il a fallu dépoussiérer une jurisprudence du Tribunal fédéral qui indique cet obstacle ne peut toutefois pas être considéré comme insurmontable... Mais «insurmontable» à quel prix ? Surtout que nous savons - nous avons pu le lire récemment dans le rapport divers 635 - que les TPG vont, dans le plan 2007-2010, se développer d'une manière encore plus importante et que, pour pouvoir se développer, il faut des sous ! Mais les aurons-nous ? C'est pour cette raison que le groupe UDC s'est abstenu lors du vote final et qu'il combattra ce projet énergiquement, comme beaucoup d'autres.

Pour la petite histoire, je voudrais tout de même dire à M. Hodgers qu'il y a quelque chose que je ne comprends pas... Lorsque nous avons voulu et voté la surélévation de certains bâtiments en Ville de Genève dans le but de réaliser des logements en ville, ce qui donne la possibilité à des personnes de loger en ville et, donc, de ne plus utiliser leur voiture, vous vous y êtes opposés et vous avez lancé un référendum. Faute de logements, certaines personnes se trouvent obligées d'aller habiter à l'extérieur de nos frontières, et maintenant vous voudriez les taxer parce qu'elles utilisent leur voiture ! Je pense que vos propos ne sont pas très cohérents !

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Vous le savez, le Conseil d'Etat n'a pas beaucoup de sympathie pour cette initiative, car il considère qu'elle risque de démanteler les transports publics. Pour quelle raison ? Comme je ne vois guère où l'on pourrait trouver les 160 millions par an nécessaires pour conserver les mêmes prestations tout en en bénéficiant gratuitement, cela signifie très concrètement que c'est dans le cadre de la même enveloppe que l'on devrait, si l'on suivait les initiants, accorder la gratuité des transports publics. En d'autres termes, on devrait réduire de moitié les prestations en matière de transports publics ! En réalité, ce serait bien plus de la moitié, puisqu'un certain nombre de prix fixes sont incompressibles.

Vous pouvez imaginer les conséquences... Tout d'abord, des conséquences directes sur les collaboratrices et les collaborateurs de l'entreprise qui seront, évidemment, les premiers à faire les frais de la politique des communistes. Mais au-delà de ces conséquences sociales, il y a bien sûr les conséquences sur la mobilité des Genevois ! Et j'ajoute encore ceci: si, par un miracle totalement invraisemblable, nous héritions ou nous gagnions à la loterie - que sais-je ? - et que nous disposions de ces 160 millions par an dans les caisses de Genève afin de les affecter exclusivement aux transports publics, je vous le dis tout net, il irait de soi que nous ne prendrions pas la décision de rendre les transports publics gratuits ! Au contraire, nous investirions deux fois plus dans les transports publics, pour les rendre deux fois plus performants !

Voilà ce que je peux dire, et voilà pourquoi cette initiative pour le démantèlement des transports publics doit être combattue !

Mais dans le même temps - et l'on ne peut pas me soupçonner de sympathie pour la volonté des initiants ! - je vous dis que cette initiative est recevable. Le Conseil d'Etat, comme il le fait toujours en matière de recevabilité, entend, à chaque fois qu'une initiative peut être interprétée d'une façon qui laisse imaginer qu'elle pourrait être recevable, dire qu'elle est recevable. Ce n'est pas sur des arguments juridiques que nous combattons les initiatives, mais nous le ferons lors du débat sur le fond que nous aurons au sein de cette enceinte ! (Applaudissements. Bravos.)

Le président. Voici qui met un terme au débat. Vous savez, Mesdames et Messieurs les députés, que la procédure de vote sur la recevabilité est particulière, puisqu'il faut que nous soyons clairs pour le cas où cette décision ferait l'objet d'un débat juridique et judiciaire. Je vais donc vous soumettre, selon l'ordre qui est proposé avec pertinence par la commission législative, la première question: l'initiative 127 respecte-t-elle l'unité de la forme ? Celles et ceux qui le pensent votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.

Mise aux voix, l'unité de la forme de l'initiative 127 est adoptée par 72 oui et 3 abstentions.

Le président. Nous passons à la deuxième question: l'initiative 127 respecte-t-elle l'unité du genre ? Celles et ceux qui le pensent, comme la commission, votent oui, les autres non ou s'abstiennent.

Mise aux voix, l'unité du genre de l'initiative 127 est adoptée par 72 oui et 3 abstentions.

Le président. Troisième question: l'initiative 127 respecte-t-elle l'unité de la matière ? La commission a également répondu par l'affirmative. Si vous êtes du même avis, vous votez oui, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.

Mise aux voix, l'unité de la matière de l'initiative 127 est adoptée par 70 oui et 5 abstentions.

Le président. Quatrième question: l'initiative 127 respecte-t-elle le droit supérieur ? Si vous estimez que c'est le cas, vous votez oui, comme la commission, sinon vous votez non ou vous vous abstenez.

Mise aux voix, la conformité au droit supérieur de l'initiative 127 est adoptée par 41 oui et 34 abstentions.

Le président. Nous passons à l'exécutabilité de l'initiative 127. La commission a eu un vote partagé à ce sujet. Ceux qui estiment que cette initiative est exécutable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.

Mise aux voix, l'exécutabilité de l'initiative 127 est rejetée par 36 non contre 27 oui et 12 abstentions.

Le président. Le Grand Conseil semble estimer que cette initiative n'est pas exécutable... Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant la validité de l'initiative dans son ensemble. Je constate qu'avec un vote négatif à l'une des questions la validité dans son ensemble devrait être contestée, mais je vous demande de vous prononcer à ce sujet. Celles et ceux qui estiment, en dépit de ce qui vient de se passer, que l'initiative est valable votent oui, les autres votent non ou s'abstiennent.

Mise aux voix, la validité de l'initiative 127 est adoptée par 48 oui contre 8 non et 24 abstentions.

Le président. La décision du Grand Conseil est que l'initiative 127 est valide à la forme mais inexécutable. Je souhaite beaucoup de plaisir à ceux qui auront à se pencher sur l'analyse juridique de ce vote contradictoire... Cela étant, nous allons renvoyer cette initiative déclarée valide à une commission. J'ai entendu proposer la commission des transports... Je vous propose donc de la renvoyer à la commission des transports. Y a-t-il une autre proposition ? (Commentaire.) Monsieur Luscher, votre émotion de juriste est compréhensible, mais elle n'a pas sa place après un vote ! (Rires.) Je demandais si une autre proposition était faite... Ce n'est pas le cas.

L'initiative 127 est renvoyée à la commission des transports.

L'initiative 127-A est renvoyée à la commission des transports.

Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 127-B.

Le président. Nous sommes maintenant au point 80 de notre ordre du jour.