République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9529-A
Rapport de la commission d'aménagement du canton chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Thomas Büchi, Hugues Hiltpold, Gabriel Barrillier, Marie-Françoise de Tassigny, Jacques Follonier, Jacques Jeannerat, Jean-Marc Odier, Louis Serex, Pierre Kunz, Ernest Greiner, Michel Ducret, Pierre Froidevaux sur les constructions et les installations diverses (L 5 05) (Surélévation d'immeubles existants)
Rapport de majorité de M. Jean-Michel Gros (L)
Rapport de minorité de M. Alain Etienne (S)

Premier débat

M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur de majorité. Tout d'abord, j'évoquerai la lettre que nous avons reçue de M. Nils de Dardel, de la Direction de l'aménagement de la Ville de Genève, qui signale que les rapports, tant de majorité que de minorité, comportent une erreur, que nous aurions mal entendu en commission... Pourtant, M. Etienne et moi avons entendu la même chose: nous avions compris, des propos de M. de Dardel, que la Ville n'acceptait que cent cinquante habitants supplémentaires par année. Or, il indique avoir voulu parler de cent cinquante logements... Voilà: nous prenons acte de cette déclaration !

Mesdames et Messieurs les députés, nous avons affaire à un projet qui, s'il n'est pas révolutionnaire, est au moins intéressant, puisqu'il prévoit de favoriser - ou, plutôt, de faciliter - la surélévation des immeubles situés soit en Ville de Genève, en zone 2, soit en zone 3, donc en région suburbaine. Comme je viens de le dire, ce projet est intéressant, mais pas révolutionnaire, puisque les auteurs eux-mêmes - le groupe radical - ne prétendent pas qu'il pourra résoudre la crise du logement.

On peut se demander - la minorité s'est posée la question - s'il est nécessaire de légiférer dans ce domaine étant donné que des dérogations sont d'ores et déjà accordées par le département. Mais ces dérogations concernent en général des surélévations d'un seul étage ou bien l'aménagement de combles, travaux qui sont extrêmement coûteux. Et le problème qui se pose à l'heure actuelle, c'est que les promoteurs sont dissuadés de procéder à de tels travaux, car les appartements ainsi créés n'ont pas une rentabilité suffisante. C'est pourquoi le projet prévoit des possibilités de surélévations de deux étages, ce qui rend l'opération beaucoup plus intéressante.

Les personnes auditionnées - elles sont largement citées, notamment dans le rapport de minorité - ont exprimé des reproches et des craintes, en particulier la Société d'art public, qui a peur que la ville soit défigurée. On nous a même fait des projections nous montrant le Boulevard Carl-Vogt entièrement surélevé de deux étages, ce qui donnait une impression d'étouffement, alors qu'il n'est pas question de surélever totalement ce boulevard ! Les opérations prévues se feront, bien sûr, au coup par coup, avec une autorisation de construire et, évidemment, des préavis favorables des commissions concernées.

D'ailleurs, nous avons tenu compte des craintes de la Société d'art public, puisque des amendements ont été apportés, qui figurent dès la page 6 de mon rapport sous le titre «Lecture article par article». Nous avons en effet exclu, à l'article 23, alinéa 3, tous les immeubles : «...relevant de la législation applicable en matière de protection du patrimoine et ses dispositions d'exécution.» Nous avons ainsi répondu aux soucis de la Société d'art public.

D'autres craintes ont été émises selon lesquelles les promoteurs pourraient être tentés de créer deux étages supplémentaires de bureaux, alors que le but des auteurs du projet de loi était bien évidemment de créer des logements supplémentaires... C'est ainsi que nous avons modifié deux articles spécifiant que: «Une surélévation ne peut être autorisée qu'en vue de réaliser des surfaces de logements supplémentaires.» Et la LDTR spécifie même qu'elles ne peuvent pas être prises en compensation... C'est-à-dire que l'on ne peut pas utiliser les deux étages du bas d'un immeuble pour des bureaux pour compenser les deux étages du haut utilisés en logements, car ce n'est pas non plus le but de la loi.

Mesdames et Messieurs les députés, il nous semble que la majorité de la commission a largement tenu compte des diverses auditions qui sont résumées dans nos deux rapports, et c'est pour cela que nous vous invitons à accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Le président. Merci Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la vice-présidente Anne Mahrer... (Le président est interpellé.) Ah, pardon ! Excusez-moi, Madame la vice-présidente, M. Etienne, rapporteur de minorité, d'abord !

Une voix. Il faut vous concentrer, Monsieur le président !(Rires.)

Le président. Vous avez raison, Monsieur le député, je vais faire un effort !

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. Ce projet de loi vise effectivement à augmenter la hauteur des immeubles de deux étages supplémentaires sur des immeubles existant depuis plus de cinq ans. C'est le principe. Il faut bien savoir de quoi il s'agit: en zone 2, on va passer de 24 mètres à 30 mètres et en zone 3, on va passer de 21 mètres à 27 mètres ! J'insiste, car il faut que les personnes qui nous écoutent se rendent bien compte de ce que représentent ces hauteurs !

La minorité est opposée à ce projet de loi pour plusieurs raisons. D'abord, cette proposition n'est pas nouvelle. Le Conseil d'Etat avait déjà apporté une réponse à la motion 1494, qui portait, qui portait... (L'orateur cherche un papier.)

Une voix. Allo !

M. Alain Etienne. Allo !

Le président. Il y a un problème, Monsieur le rapporteur ? (Rires.)

M. Alain Etienne. ...qui portait le titre suivant: «Proposition de motion pour lutter contre la pénurie de logements par une meilleure utilisation des volumes habitables dans les combles et par la surélévation de certains immeubles». Cette proposition de motion avait été déposée par les partis de l'Entente. Le Conseil d'Etat avait répondu à l'époque en produisant une statistique effectuée entre 2002 et 2003: sur quatre-vingt sept dossiers, quatre-vingts avaient reçu un préavis favorable. Tout cela pour dire que lorsqu'un projet est bon et les surélévations possibles, les autorisations sont accordées !

Ce projet de loi pose d'énormes problèmes. Nous les avons soulevés en commission, mais je vais les rappeler, puisque, apparemment, la majorité ne les a pas entendus.

En zone 2, ce projet rend possible une densification véritablement inacceptable de la ville de Genève, dont on sait que les habitants sont opposés à construire la ville en ville. La ville est déjà bien suffisamment peuplée ! (Exclamations.) Certes, le plan directeur de la Ville de Genève prévoit cent cinquante logements de plus par an, mais la ville est déjà suffisamment densifiée, je le répète.

A l'heure actuelle, les enjeux en matière de développement doivent être considérés au niveau de la région et pas seulement au niveau de la Ville de Genève. Il faut donc mener une politique urbaine à l'échelle de l'agglomération.

Deuxième problème: la zone 2 se trouve en dehors de la ceinture des fortifications. Se pose donc la question de la préservation du patrimoine, car certains immeubles sont classés ou ont une valeur patrimoniale, il y a des ensembles du XIXe où il est difficile d'envisager des surélévations, ne serait-ce que parce que ces bâtiments n'ont pas été construits pour supporter deux étages supplémentaires, les fondations n'ont pas été prévues pour cela. Du reste, des surélévations ont déjà été effectuées sur d'anciens bâtiments et on a pu constater des problèmes de statique, des fissures dans les murs... Et ce ne sont pas les ingénieurs qui pourront résoudre ce type de problèmes !

Par ailleurs, Genève a actuellement une unité urbanistique reconnue, grâce à la limite des gabarits, fixée à 24 mètres, et il faut absolument que la ville garde cette unité.

De plus, la surélévation d'immeubles priverait de lumière les appartements situés aux étages inférieurs, notamment ceux donnant sur les cours, cela pose un problème d'habitabilité.

Une voix. Cela fait tourner le lait des vaches !

M. Alain Etienne. Comment peut-on prévoir des logements en loyer libre, sur les toits, avec vue sur le lac, offrant une certaine qualité de vie, qui assombriraient les étages inférieurs, dont les loyers sont plus abordables. Cela créerait une injustice qui n'est pas acceptable.

S'agissant de statique, je le répète, ces immeubles n'ont pas été prévus pour supporter de telles surélévations et il n'est pas possible de renvoyer ce problème aux compétences des ingénieurs.

Venons-en maintenant à la zone 3. En zone 3, en zone de développement, il est prévu de construire des immeubles de sept étages, soit 21 mètres à la corniche... En voyant toutes les difficultés que nous avons à faire accepter les projets de déclassement des PAC dans les communes, j'ai de la peine à croire que l'on pourra faire accepter que les immeubles aient deux étages de plus ! Sachant les efforts qu'il faut fournir pour obtenir un consensus sur un PLQ, il est peu probable que, cinq après, on puisse revenir tout remettre en question et ajouter deux étages supplémentaires !

Monsieur Gros, vous qui défendez une densification moindre au quartier de la Tulette, j'ai de la peine à comprendre comment vous pouvez admettre aujourd'hui de surélever les immeubles de la zone 3 de deux étages de plus, les faisant ainsi passer de 21 mètres à 27 mètres. C'est une incohérence qu'il faut m'expliquer ! (Brouhaha.)

Et puis, d'autres problèmes se posent aussi. Par exemple, il faudra modifier des lois existantes, comme la distance aux limites. Lorsqu'on construit un immeuble d'une certaine hauteur, il faut respecter la distance aux limites, la distance entre les bâtiments. (Brouhaha.) Si des immeubles sont surélevés, il faudra modifier certaines lois, ce qui n'a pas été fait dans le cadre de ce projet de loi.

Par ailleurs, vous savez que l'OTC demande de prévoir de nouveaux parkings, lorsque de nouveaux logements sont créés... Quid de cette norme ? On ne le sait pas !

Quid des normes incendie ? On sait qu'à partir de 26 mètres, les normes changent... Il faudra donc que les architectes prennent de nouvelles mesures, ce qui va renchérir les coûts ! Ce problème a été complètement occulté par la majorité.

Et puis, est-il vraiment rationnel de procéder à des surélévations après cinq ans ? Des immeubles sont construits et, au bout de cinq ans, il faudra dire aux locataires que deux étages supplémentaires doivent être réalisés ! Non seulement cela pose un problème de surcoût, mais cela va générer des nuisances ! Je ne comprends vraiment pas votre position ! Le projet de loi instaure aussi une inégalité de traitement entre les propriétaires.

Nous avons demandé si une étude avait été effectuée... Aucune étude n'a été prévue sur l'impact réel de cette loi !

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Alain Etienne. Je conclus, Monsieur le président ! La minorité est d'avis qu'il n'est pas nécessaire de faire une loi générale. Des dérogations sont déjà possibles: la loi actuelle permet de procéder à des surélévations. Ce projet de loi ne va donc pas dans le sens de l'intérêt général, et nous pensons qu'il a plutôt été élaboré pour servir des intérêts particuliers. Par conséquent, j'invite le parlement à refuser ce projet de loi.

Le président. La parole est encore demandée par Mme Mahrer, M. Aumeunier, Mme Schenk-Gottret, M. Hiltpold, M. Portier, M. Stauffer. La liste est close.

Mme Anne Mahrer (Ve). Monsieur le rapporteur de minorité a déjà largement exposé les problèmes que pose ce projet de loi, et les auditions qui ont eu lieu en commission, que ce soit de la SAP, de la FAI ou de la Ville de Genève, ont effectivement mis en évidence ces problèmes.

Les signataires de ce projet de loi sont conscients de ces difficultés, et il faudrait d'abord, avant de s'intéresser aux potentialités, en gagnant deux étages sur des immeubles existants, se préoccuper de l'impact qu'auraient de telles réalisations sur le paysage urbain. Nous aurions effectivement souhaité avoir une étude préalable pour évaluer les effets de ce projet de loi. Malheureusement, cette étude n'a pas été effectuée. Mesurer les incidences, comme l'a dit M. le rapporteur de minorité, c'est-à-dire, la diminution de la luminosité et de la distance à la propriété, les problèmes de parking, les rapports entre bâtiments espaces publics, etc. Il a expliqué ce qui se passait en zone 2, en zone 3... Je n'y reviendrai pas !

Dans le brouhaha ambiant, je n'ai pas bien entendu, mais l'application de cette loi en zone 3 nécessiterait bien sûr la révision des PLQ qui sont en force... N'est-ce pas ?

Ces opérations restent très onéreuses, et je vois donc mal comment elles peuvent être rentables. (Brouhaha.)

La loi actuelle autorise de telles réalisations pour autant qu'elles remplissent certains critères.

Les Verts sont donc d'avis qu'il vaudrait mieux envisager des modifications législatives pour améliorer éventuellement les possibilités de dérogations plutôt que voter une loi générale. Lors de notre dernière séance de la commission de l'aménagement concernant ce projet de loi, j'avais transmis la proposition de la SAP - la Société d'art public - aux auteurs du projet de loi, soit de le retirer et de négocier une loi dans laquelle ce type de dérogations seraient applicables. Si ce projet de loi - et cela a été très clairement exprimé par les représentants de la SAP - devait être voté ce soir, celle-ci lancera un référendum. (Exclamations.)

Une voix. Chic !

Mme Anne Mahrer. Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi.

M. Christophe Aumeunier (L). Je m'en tiendrai à des termes généraux... Parce que, s'agissant des termes techniques, le projet de loi est extrêmement bien fait. Il y a en effet une proposition de normes techniques qui évitent les problèmes éventuels de luminosité et les problèmes de distance par rapport aux immeubles existants.

Le groupe libéral soutiendra ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, parce que c'est la seconde année que le taux de vacance dans les immeubles genevois est au-dessous de 0,2%, ce qui veut dire que la pénurie en la matière est sans précédent. Cette pénurie alimente le mécontentement populaire, le mécontentement des locataires. Elle porte atteinte au climat de confiance qui doit régner dans le marché, entre les locataires et les propriétaires. Cette crispation sur le marché du logement, qui est ainsi artificiellement créée, génère une pression à la hausse sur les loyers.

L'incapacité de Genève à loger ses actifs crée un exode fiscal important; elle crée des difficultés de recrutement pour les entreprises; elle est un vrai frein à l'économie et, donc, directement, à l'emploi. Et puis, elle crée des problèmes environnementaux auxquels nous devrons être sensibles, puisqu'elle génère des problèmes de transports très importants.

Je rappelle ici que 70% du PIB est généré par la consommation des ménages... Celle-ci se faisant sur le lieu de vie, c'est donc une perte supplémentaire pour Genève.

On peut estimer qu'il manque aujourd'hui environ cinq mille logements pour équilibrer le marché du logement, ce qui correspond à un taux de vacance d'environ 1,5%, dont l'expérience nous montre qu'il est favorable à la paix du logement.

Alors, si l'on devait parler d'intérêt public au logement - puisqu'on en a parlé hier - c'est bien de cela dont il s'agit: créer rapidement du logement à Genève relève de l'intérêt public général !

Ne pas vouloir densifier est effectivement une position totalement dépassée... C'est demandé par les autorités fédérales, par les prescriptions environnementales, et il est faux de prétendre que Genève est une ville extrêmement dense... Ce n'est pas le cas !

Ce projet est raisonnable. Il s'inscrit dans une tradition genevoise: à Genève, on a toujours surélevé les immeubles pour résoudre les problèmes ponctuels de logement.

Il garantit le respect du patrimoine et de l'habitabilité. Il ne s'agit pas, en effet, de galvauder les qualités de la ville et les qualités de l'habitat. Il faut considérer que les normes de la LPMNS sont maintenues, que les ensembles du XIXe et XXe siècles sont protégés, ainsi que la Vieille-Ville. Il est également faux d'indiquer que nous souhaitons réaliser des surélévations sur ces immeubles qui, de toute façon, sont protégés par la LPMNS et que nous ne pouvons pas toucher. Il s'agit en réalité de surélever les immeubles des années 50 et 60, qui sont construits en béton, qui supportent les surélévations, et cela concerne la création de plusieurs centaines de logements.

Je vous invite à vous souvenir d'une exposition, qui a eu lieu à la Foire de Genève l'année dernière ou il y a deux ans, où l'on montrait qu'il était possible de créer plusieurs centaines de logements en Ville de Genève par ce biais.

Ce projet n'entend pas galvauder la qualité de la vie, mais bien développer Genève. C'est votre responsabilité: ceux qui s'opposent à ce projet sont ceux qui freinent la construction de logements. (Exclamations.) Je vais me répéter: ceux qui s'opposent à ce projet sont ceux qui freinent la construction de logements et qui trouvent toujours de bonnes raisons pour ne rien faire ! Ceux qui s'opposent à ce projet sont ceux qui s'opposent tout simplement au développement de Genève, pourtant seul garant de notre qualité de vie ! (Commentaires.)

En définitive et au bénéfice de ce qui précède, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)

Mme Françoise Schenk-Gottret (S). «Pour résoudre la pénurie de logements, il suffit de surélever toute la ville existante et de construire partout ailleurs en hauteur...» La proposition est manichéenne, voire brutale ! Elle ignore le paysage de notre ville et se moque des contraintes techniques les plus élémentaires de la construction.

La proposition de modification de la loi ne s'intéresse qu'aux 6 mètres et deux étages de plus, mais esquive la problématique des impacts sur le paysage urbain.

Le projet de loi statue sur les gabarits et non sur le contenu des plans et des systèmes constructifs. En effet, la loi ne peut apprécier des questions architecturales et techniques si ce n'est à travers les commissions consultatives telles que la CMNS, la commission d'architecture et la commission d'urbanisme.

Genève est la plus haute des villes suisses... Son développement atteste d'une reconnaissance de l'histoire sur l'urbanisme. La ville médiévale se fixe sur l'oppidum celtique, puis romain. Les extensions novatrices de la fin du siècle des Lumières annoncent la Genève fazyste inspirée du modèle viennois.

Dans les années 1920 à 1940 sont réalisés des modèles urbains, sous la houlette du groupe Braillard. La période des années 1950 à 1960 voit le développement des cités satellites, qui forment avec la ville ce que l'on appelle l'agglomération genevoise.

Nous ne pouvons que rejoindre les réflexions de la Société d'art public: l'émergence des hauteurs d'immeubles influe directement sur les espaces publics en augmentant l'ombre portée et en ayant une incidence sur la lumière du jour dans les logements des étages inférieurs. Il reste en outre la question de l'impact visuel agissant sur les perspectives et les ouvertures des espaces-rue, des vis-à-vis et des fronts bâtis.

Il faut admettre et reconnaître l'importance de la diversité urbaine faite de pleins et de vides. Si l'on veut construire de façon réaliste et efficace, continuons dans le sens que propose le plan directeur et refusons ce projet de loi, dont l'application serait pour le moins problématique et n'apporterait quasiment rien à la résolution de la crise du logement, mais amènera inéluctablement au référendum qui a été annoncé.

M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical avait effectivement déposé ce projet de loi, qui permet de surélever les immeubles situés en zone 2 et en zone 3 de deux étages. Cela constitue effectivement une augmentation de gabarit de 6 mètres, qui correspond aux deux étages dont je viens de faire état. Pour les immeubles situés en ceinture fazyste, dont la plupart comportent des greniers qui pourraient être aménagés en logements, et pour les immeubles situés dans la ceinture suburbaine, dont la plupart ont des toits plats, il est tout à fait possible d'aménager facilement un voire deux étages en logements, et c'est ce que prévoit ce projet de loi.

Ce projet de loi, Mesdames et Messieurs les députés, offre simplement une possibilité. Il semble qu'il y a une grande confusion: si ce projet de loi est voté ce soir - ce dont je ne doute absolument pas - tous les immeubles de la ville ne se retrouveront pas pour autant surélevés de deux étages ! Il s'agit juste d'une possibilité: c'est une nuance qu'il convient de préciser ce soir.

Tout d'abord, le propriétaire devra être d'accord de procéder à une surélévation... Il ne le fera pas systématiquement: on lui en donne simplement la possibilité. Mais, dans certains cas - il faut aussi le préciser, et M. Etienne l'a fait - ce ne sera tout simplement pas possible. Cette mesure est simple: on modifie le gabarit et on offre une possibilité !

Et puis, on a ajouté en commission un volet par rapport au caractère patrimonial des immeubles: dans certains cas, on ne peut absolument pas procéder à une surélévation pour respecter l'intérêt prépondérant patrimonial.

Ce projet de loi permettra de créer des appartements en surélévation de qualité, et il faut le rappeler également - cela n'a pas été fait ce soir - à des loyers qui seront contrôlés par l'Etat. Le coût de construction aura un rendement défini par l'Etat, qui est toujours le même: de 6,71%, et, partant de là, les loyers de ces appartements seront contrôlés par l'Etat. C'est un point important, parce que le mécanisme de contrôle des loyers par l'Etat, tel que le prévoit la loi aujourd'hui, a été maintenu.

On se retrouvera avec deux étages de logements de plus dans un tissu urbain existant de qualité dont les loyers seront contrôlés par l'Etat.

J'entends certains brandir des menaces de référendum et je m'en réjouis - je ne dis pas souvent une telle chose... Je m'en réjouis, parce que nous pourrons expliquer aux gens que nous allons réaliser des appartements dans un tissu urbain de qualité dont les loyers ne seront pas démesurés, et je ne doute pas des résultats - ce qui n'a pas toujours été le cas en matière de LDTR !

Je terminerai par une note d'histoire: Genève a une tradition historique en matière de surélévation des combles. Vous le savez peut-être, après la révocation de l'Edit de Nantes, l'afflux de huguenots à Genève a engendré la surélévation des immeubles de la Vieille-Ville, Vieille-Ville dont nous nous accordons tous à dire qu'elle est fort sympathique et dont nous ne regrettons pas que les gabarits soient si importants.

Je vous encourage donc tous, Mesdames et Messieurs les députés, à voter ce projet de loi tel qu'il ressort de la commission de l'aménagement ! (Applaudissements.)

M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je souhaite prendre brièvement la parole pour exprimer le soutien du groupe démocrate-chrétien à ce projet de loi...

Nous le soutenons d'autant plus volontiers que - vous le savez - lors de la précédente législature, nous avons nous-mêmes été porteurs de propositions allant dans le même sens ou nous avons été cosignataires de projets ou de motions visant à trouver des solutions, certes souvent partielles, mais pouvant contribuer, si on les additionne les unes aux autres, à résoudre le problème du logement.

Nous apportons d'autant plus volontiers notre appui à ce projet de loi que, c'est vrai, nous faisons partie de celles et ceux qui se sont inquiétés lors des travaux en commission d'une éventuelle atteinte du patrimoine. M. Gros, rapporteur, dans son brillant exposé, vous a donné toute garantie à ce sujet, puisqu'il vous a expliqué que nous avons amendé le projet de loi dans ce sens et aussi pour ne permettre que la construction exclusive de logements.

Ce soir, une nouvelle fois, le groupe socialiste est opposé à cette solution. Il l'a toujours été par le passé. Il l'est encore. Certes, ce n'est pas une solution miracle, mais, comme je l'ai dit précédemment, c'est une possibilité de plus qui sera offerte à l'ingéniosité de nos constructeurs.

Pour terminer, permettez-moi quand même de m'interroger en constatant que le groupe socialiste, hier soir, à l'occasion de la discussion sur l'initiative Rhino, était prêt à appuyer l'expropriation d'un propriétaire pour empêcher la construction de dix-neuf logements et que, ce soir encore, il s'oppose à un projet de loi... (Exclamations.) ...qui, lui, permettrait la construction de centaines de logements !

M. Roger Deneys. C'est scandaleux ! Monsieur Portier, c'est lamentable !

Le président. Monsieur Deneys, je vous prie de vous tenir encore quelques minutes !

M. Pierre-Louis Portier. Le groupe démocrate chrétien votera ce projet, et invite ce parlement à faire de même ! (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG ne soutiendra pas la gauche dans ce projet... (Rires et exclamations.)

Nous avons toujours dit, lors de nos différentes campagnes électorales successives, qu'il fallait augmenter le nombre de contribuables à Genève. Ce projet est donc un pas non négligeable dans ce sens.

De plus, il devrait pleinement satisfaire la gauche, puisque les loyers seraient contrôlés par l'Etat... Nous avons par conséquent un peu de peine à comprendre ce refus ! La raison se trouve peut-être dans le fait que ce ne sont pas des députés de gauche qui ont déposé ce projet, mais les radicaux... Comme le Conseil d'Etat l'a indiqué dans son discours de Saint-Pierre, il faudrait que le parlement, lorsqu'il s'agit du bien-être de nos concitoyens et pour leur offrir plus de logements, dépasse ses clivages politiques !

Je serai bref, il est tard. Le MCG soutiendra donc ce projet avec plaisir. (Applaudissements.)

M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. Je serai très bref. Si l'on veut résoudre la crise du logement, il suffit tout simplement d'appliquer le plan directeur cantonal...

Une voix. C'est pas vrai !

M. Alain Etienne. ...qui indique qu'il faut réaliser les potentiels à bâtir dans les périmètres qui ont été identifiés. Alors, j'invite les députés de ce parlement à se rendre dans leur propre commune et à faire adopter ces principes. Il faut savoir que la densification est fixée à 1,2 dans les zones de développement, mais que certaines communes demandent une densification de 0,6... C'est tout simplement inacceptable ! (Exclamations.)

Une voix. Pourquoi ?

M. Alain Etienne. Aujourd'hui, défendre un projet de loi qui propose de densifier le centre-ville pour laisser de l'air libre dans les communes, ce n'est pas raisonnable ! (Commentaires.)

Ce que je demande à ce parlement, c'est juste d'appliquer le plan directeur cantonal. De densifier, peut-être pas jusqu'à 1,2, puisque l'on sait... (L'orateur est interpellé par M. Luscher.)

Le président. Monsieur Luscher !

M. Alain Etienne. ...que des études ont été faites dans ces périmètres - que, selon l'arborisation, selon le contexte, on pourrait arriver à un taux de 0,8, mais tout de même pas accepter un taux de 0,6 comme c'est le cas à la Tulette ou ailleurs !

Alors, prenez vos responsabilités ! Le projet de loi que vous allez voter aujourd'hui constitue une densification inacceptable du centre-ville ! (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Luscher, je vous en prie ! La parole est à M. le conseiller d'Etat.

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accueille favorablement ce projet de loi, qui s'inscrit dans le cadre de nos efforts pour remédier à la pénurie de logement que connaît notre canton - vous le savez. Le Conseil d'Etat s'attachera également à réaliser les objectifs du plan directeur, Monsieur le rapporteur de minorité. D'autres pistes seront examinées, dont celle, plus largement ouverte désormais - pour autant que le peuple, s'il en est saisi, accepte ce projet - de la surélévation de certains immeubles du canton.

Comme M. Hiltpold, l'un des principaux auteurs de ce projet de loi, l'a dit tout à l'heure, le but de ce projet de loi n'est pas une surélévation massive et systématique de l'ensemble des immeubles de notre ville ou de notre canton. Il offre simplement la possibilité de surélever certains immeubles lorsqu'ils s'y prêtent !

Et le département sera extrêmement vigilant au respect d'un certain nombre de normes, qui sont d'ailleurs expressément réservées dans le projet de loi. Je pense notamment à toutes les normes en matière de sécurité des bâtiments, de statique, de protection du patrimoine - (S'adressant à M. Etienne.) oui, Monsieur le député - d'application de la zone de développement. Je rappelle qu'en zone de développement, la plupart des immeubles sont construits dans le cadre de plans localisés de quartier et que l'on ne pourra pas faire fi de ce que prévoient ces plans localisés de quartier. Avant de surélever ces immeubles, il faudra modifier lesdits plans localisés de quartier.

Le Conseil d'Etat appliquera très volontiers cette loi, mais dans le respect de l'ensemble des normes qui s'appliquent à la construction de logements à Genève. Et nous sommes convaincus que cela permettra de mettre un certain nombre de logements nouveaux sur le marché.

Pour ce qui est de la densification du centre-ville, je suis assez étonné que des voix s'élèvent pour s'y opposer... Quoi de plus rationnel, quoi de plus respectueux de l'environnement que densifier, non seulement le centre-ville, mais toute la zone urbaine du canton ! C'est de cette façon que nous pourrons réduire le trafic pendulaire, c'est de cette façon que nous pourrons protéger l'environnement sur le plan régional et c'est également de cette façon que nous pourrons attirer des contribuables dans notre ville et dans notre canton.

C'est donc dans cet esprit que le Conseil d'Etat soutient ce projet de loi. (Vifs applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 9529 est adoptée en premier débat par 55 oui contre 24 non.

La loi 9529 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Le président. Je mets aux voix...

Une voix. Monsieur le président, je demande l'appel nominal !

Le président. Le vote nominal est demandé par M. Kunz... Cette demande est-elle appuyée ? (Des voix s'élèvent pour soutenir cette demande.) Elle l'est ! Madame la vice-présidente, veuillez, s'il vous plaît, vous joindre au Bureau: cela vous permettra de voter, vous aussi ! Le vote nominal ayant été demandé et appuyé, le vote du troisième débat se fera par appel nominal.

Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9529 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 26 non. (Applaudissements.)

Loi 9529 Appel nominal