République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: MM. Charles Beer et David Hiler, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. David Amsler, Jacques Baudit, Marcel Borloz, René Desbaillets, Anne Emery-Torracinta, Michel Forni, Pierre Losio, Pierre-Louis Portier et Jean Rossiaud, députés.

Monsieur Bertinat, vous avez la parole.

M. Eric Bertinat (UDC). Nous avons chacun reçu une correspondance signée de notre collègue Eric Stauffer. Je désirais vous poser la question suivante: qu'en est-il de l'utilisation de l'en-tête du Grand Conseil, avec des symboles officiels ?

Deuxième question: j'ai regardé dans l'annuaire officiel, je n'ai pas vu de «division politique» du Grand Conseil... J'aurais bien aimé en connaître un peu plus. (Rires.)

Le président. Monsieur le député, je suis dans l'obligation d'avoir à vous répondre que je ne connais pas non plus la «division politique» et je suis dans celle de rappeler à cette assemblée - pour le cas très improbable où elle l'aurait oublié - que l'usage des armoiries de la République est interdit aux députés à titre individuel, que l'utilisation d'un papier à en-tête qui donnerait à penser que l'on peut arborer les armes de la République est tout à fait abusif. Par conséquent, il est indispensable de mettre un terme à cette pratique pour ceux qui l'auraient engagée. Je n'ai connaissance que du cas que vous venez de citer et m'en suis ouvert à l'intéressé. M. Stauffer m'a dit qu'il n'avait pas compris mes injonctions précédentes, je pense que celles-ci sont suffisamment claires et je les lui confirmerai par écrit. (Applaudissements.)

Annonces et dépôts

Néant.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour. Nous en sommes au point 60, projet de loi 9636, dont nous avons interrompu l'examen tout à l'heure. La liste ayant été close avant dîner, il est inutile de s'inscrire.

PL 9636-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de fonctionnement au titre de subvention cantonale de 515'000F en 2006 et 2007 à l'association F-Information

Suite du premier débat

Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, vous vous rendez compte ! Encore une attaque en règle contre une association au service des femmes. (Exclamations.) Eh oui ! Et pourtant, depuis vingt-cinq ans, F-Information fait preuve de sa nécessité. Elle répond à des besoins déjà tellement bien décrits que je n'approfondirai pas les détails - ils ont été donnés pour une grande partie de l'assemblée qui ne sait évidemment pas en quoi consiste le travail de F-Information, sinon elle ne réagirait pas ainsi.

Je voudrais dire aux personnes qui essaient d'opposer le travail effectué au sein des centres sociaux d'action et de santé que le service de F-Information est extrêmement utile et complémentaire - complémentaire, comme les hommes et les femmes ! Il n'est donc pas nécessaire de les opposer.

Alors, pourquoi tant de haine ? Est-ce que les hommes ont peur de perdre leur autorité pour s'attaquer pareillement aux associations féminines ? Bien sûr que non. Pourtant, trois fois plus de femmes, depuis quelques années, consultent les spécialistes de F-Information. Ces femmes trouvent là-bas les conseils dont elles ont besoin et cela leur évite souvent d'être encore plus angoissées, encore plus précarisées et isolées face à leurs problèmes.

Messieurs les députés, en voulant couper sans cesse dans les subventions aux associations féminines, est-ce que vous vous sentez coupables, est-ce que vous avez quelque chose à vous reprocher pour que des femmes aient besoin de conseils et d'aides en dehors de votre contrôle ? Bien sûr que non, car vous pouvez comprendre que c'est aussi dans votre intérêt, pour la meilleure partie de vous-mêmes et pour que plus de 50% de l'humanité - c'est-à-dire les femmes - aient tout simplement des espaces à leur service.

Il est évident que le PDC ne pourra que refuser l'amendement de M. Weiss. Et si vous ne comprenez pas cela, Messieurs, je vous souhaite, lors de votre réincarnation, d'être réincarnés en femme ! (Rires. Brouhaha.)

Le président. Je prends note, Madame la députée, que vous pratiquez la réincarnation et que vous souhaitez être réincarnée en homme à la prochaine... (Remarques.) Vous voyez, votre sort paraît quand même assez satisfaisant, tout bien considéré !

Mme Michèle Ducret (R). Je n'emploierai pas le ton un peu dramatique de ma collègue Anne-Marie, qui prend cela très à coeur. Mais je prends aussi F-Information très à coeur, car je connais son travail depuis longtemps - c'est une organisation qui fait un travail concret, ce ne sont pas des gens qui parlent en l'air. Raison pour laquelle le groupe radical n'acceptera pas l'amendement proposé par le groupe libéral.

Mme Elisabeth Chatelain (S). J'aimerais revenir sur l'intervention de M. Weiss qui parlait de différentes choses. D'après lui, cette association aurait trop de place, trop de moyens pour ne pas faire grand-chose. Je ne vais pas lister à nouveau les actions de cette association, mais j'aimerais seulement vous dire que, pour M. Weiss, une diminution «raisonnable» - selon ses termes - équivaut quand même à 10% de réduction de la subvention. Est-ce raisonnable, alors que l'augmentation des consultations est de 134% ? C'est-à-dire que, si l'on reste aux 515 000 F acceptés par la commission, l'équipe est condamnée à faire davantage avec la même somme. Cette équipe fait toujours plus, parce que la précarité augmente, parce que les besoins des femmes augmentent. Dans ce canton - même s'il est riche - on veut oublier que les femmes sont encore une population précarisée.

Il est très important d'étudier tout cela. Par exemple, quand on oppose les CASS à F-Information, on ne se rend pas compte que les CASS eux-mêmes orientent des femmes vers F-Information, car la problématique est différente. La mission des CASS et celle de F-Information sont tout à fait différentes, et les moyens que les CASS ont à disposition pour conseiller les femmes sont très différents ! F-Information connaît tellement bien son sujet qu'elle peut vraiment bien conseiller ces personnes.

Il faut voter ce projet de loi sans l'amendement proposé par M. Weiss.

M. Roger Deneys (S). Pour compléter les propos de ma collègue, j'aimerais dire à M. Weiss que son argument - comme d'autres arguments libéraux que nous avons entendus hier et aujourd'hui - est d'une certaine mauvaise foi. Monsieur Weiss, je ne sais pas où vous travaillez, mais manifestement vous connaissez mal le monde de l'entreprise... (Rires.) Le monde de l'entreprise - vous l'ignorez peut-être - veut qu'à certains moments, on fasse des investissements. C'est-à-dire qu'il faut voir comment la situation évolue, voir ce qu'il se passe dans la réalité quotidienne et anticiper les besoins futurs. Alors, une entreprise privée déménage et s'installe dans des locaux plus grands, car elle anticipe sa croissance et son expansion.

Dans un monde moderne, une association fonctionne selon les mêmes principes: elle est, comme vous, soucieuse des deniers publics et soucieuse de bien gérer ses dossiers et les demandes qui lui parviennent. Dans ce sens, on ne peut pas reprocher à F-Information de prendre des locaux plus grands, notamment parce que cela englobe des locaux de formation. Vous ne pouvez pas comparer des mètres carrés de bureaux avec des locaux qui donnent des possibilités d'expansion et des salles de formation. Monsieur Weiss, vous avez zéro en économie, mais cela ne m'étonne pas !

Pour le reste, je dirais que l'UDC a le même discours que le parti libéral, avec d'autres arguments. Tout ce que vous voulez, c'est démanteler l'Etat social ! (Exclamations. Brouhaha.) Vous vous en prenez aux associations féminines, et ce n'est pas du tout étonnant, car ce qui vous intéresse, ce n'est pas le discours de prévention - d'ailleurs, quel que soit le domaine. En matière de toxicomanie, d'asile, dans tous les domaines, ce que vous cherchez à faire est démanteler le système social helvétique, et cantonal, et même municipal !

Ce n'est donc pas étonnant que vous demandiez cette diminution de subvention. On a bien compris que, de toute manière, les subventions aux associations féminines sont à vos yeux simplement du gaspillage d'argent. C'est scandaleux ! On a bien compris que ce qui vous intéresse, c'est le discours répressif, et c'est absolument inacceptable. En effet, la prévention coûte beaucoup moins cher que la répression ! Il suffit d'entendre les discours de votre ami M. Sarkozy, qui prétend nettoyer les cités au Karcher, et d'autres discours absolument inadéquats qui ne donnent aucun résultat... Certes, cela plaît aux médias, mais cela ne donne aucun résultat. Je vous invite donc à abandonner ce discours et à réfléchir un peu aux conséquences concrètes de cette politique catastrophique pour l'Etat social et la collectivité, car tout cela n'est pas acceptable.

Pour terminer, j'aimerais encore rappeler le rôle essentiel des femmes dans notre société, qui a été pendant beaucoup trop longtemps occulté. Et il est absolument normal aujourd'hui d'encourager des associations qui traitent des problèmes féminins - il ne s'agit pas de problèmes hommes/femmes, on peut les traiter de façon particulière - et c'est un grand plus pour la société ! Je conclurai comme un chanteur français que j'aime beaucoup et qui s'appelle Renaud: «Femme je t'aime, à part peut-être Madame Thatcher». (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Weiss, je ne vous donne pas la parole. Vous avez peut-être éprouvé le fait d'être mis en cause, mais, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il ne suffit pas d'être nommé pour être mis en cause. J'ajoute que si vous avez été nommé à plusieurs reprises, c'est donc que vous faites réfléchir. Et vos compétences d'économiste étant ce qu'elles sont, les appréciations du professeur Deneys en la matière n'ont pas dû vous atteindre profondément !

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Voilà de nombreux mois déjà, le Conseil d'Etat a déposé ce projet de loi qui s'inscrit dans la continuité des activités de F-Information que nous soutenons depuis de très nombreuses années. Vous avez accepté ce projet de loi en commission, et le Conseil d'Etat vous demande de l'accepter aujourd'hui également, sans l'amendement de M. Weiss. C'est une question de méthode, Monsieur Weiss.

Il est possible, et même certain, que dans l'ensemble des subventions certaines sont trop élevées. Mais leur réduction - je ne crois pas que ce soit le cas de F-Information - en toute hypothèse, ne peut raisonnablement se produire que moyennant un calendrier permettant aux intéressés de se retourner. Et quand on est en présence d'une association qui bénéficie d'un soutien constant de l'Etat, avec un contrat de prestations, on ne peut pas tout d'un coup, en séance plénière, sur un chiffre dont la justification m'échappe - car si le loyer augmente, je ne vois pas pourquoi il faut baisser la subvention, l'inverse m'aurait paru plus logique - on ne peut pas jongler de cette manière avec les subventions des associations ! Parce qu'il y a un risque majeur de mettre en difficulté, sans aucune justification, des associations - dont celle-ci - qu'à l'exception de M. Bertinat vous avez tous reconnues comme fournissant un travail parfaitement utile, important, et qu'il convient de poursuivre.

En son temps et à juste titre, la commission des finances avait observé que le secteur subventionné maîtrisait moins bien ses dépenses que l'Etat central. Si, dans cette logique-là, des mesures doivent être prises, elles doivent forcément l'être dans la durée et non pas en séance plénière. L'importance du travail de F-Information n'étant pratiquement pas contestée dans ce parlement - à juste titre - et affirmée par le Conseil d'Etat, je vous demande de voter ce projet de loi sans l'amendement proposé par M. Weiss.

Mis aux voix, le projet de loi 9639 est adopté en premier débat par 67 oui contre 8 non et 2 abstentions.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. A l'article 1, nous sommes saisis d'un amendement de M. Weiss qui propose de remplacer le montant de la subvention de 515 000 F par 450 000 F.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 30 oui et 3 abstentions.

Mis aux voix, l'article 1 est adopté, de même que les articles 2 à 5.

Troisième débat

La loi 9639 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9636 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 22 non et 12 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 9636

M 1621
Proposition de motion de M. Claude Marcet concernant la création d'une commission d'enquête parlementaire visant à obtenir toutes informations utiles sur le fonctionnement de la justice à Genève dans le cadre de l'affaire dite de "l'extinction de puits de pétrole"

Débat

M. Claude Marcet (UDC). L'affaire des puits de pétrole est l'histoire d'un monsieur qui a inventé le moyen d'éteindre les puits de pétrole au Koweit. Les droits pour ses inventions s'élèvent à quelques 30 milliards. Ces 30 milliards se sont baladés dans la nature et ont transité par Genève... (Brouhaha.) Si cela ne vous intéresse pas, c'est la même chose ! Il y a des places ailleurs...

Le président. MM. les députés et MM. les conseillers d'Etat qui se trouvent au fond de la salle voudront bien poursuivre leurs conversations particulières à l'écart de cette assemblée.

M. Claude Marcet. Il me paraît initialement utile de préciser que je ne fais nullement partie d'un comité de soutien, direct ou indirect, sous quelque forme que ce soit, à M. Ferrayé. J'ai vu ce monsieur une fois, pendant cinq minutes, lorsque l'un de ses conseillers juridiques m'a remis quelques documents.

Alors, pourquoi est-ce que j'interviens dans le cadre cette affaire ? Eh bien, parce que deux avocats, qui n'ont aucune relation entre eux, m'ont retransmis, chacun de leur côté, des informations. Ils m'ont remis des documents quelque peu curieux, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai également reçu copie d'autres courriers et informations de la part d'autres avocats, documents toujours aussi curieux. Je précise que j'interviens même si je sais que vous allez refuser cette motion, car il me semble que c'est mon devoir politique de le faire.

Les informations et documents que j'ai reçus me laissent réellement penser que cette affaire Ferrayé est hautement malsaine et qu'elle risque un jour de nous retomber sur le coin de la figure. Lorsqu'on lit, dans le cadre de cette seule affaire Ferrayé, que des classeurs disparaissent - ils sont une trentaine chez un juge, ils ne sont plus qu'une dizaine chez un autre juge quand celui-ci reprend le dossier - c'est curieux, non ? Que l'audition d'un avocat disparaît de la procédure - je dis bien «disparaît»; qu'une personne chez qui une perquisition a été effectuée peut venir ensuite au Palais et retirer tous les documents saisis qu'elle juge utile de reprendre; qu'une vingtaine de millions de droits d'enregistrement sont bien dans le circuit, mais qu'ensuite on nie l'existence des bases qui ont permis de les envisager. Un avocat fribourgeois écrit qu'un juge confirme implicitement l'existence de certaines opérations de transferts de fonds, mais le même juge dit ensuite: «Je ne vous ai rien dit». Un proche de M. Ferrayé se voit ensuite attaqué en justice, probablement par mesure de rétorsion, et la juge lui dit qu'elle va l'inculper pour faits graves, écrits sur un courriel. Ce proche demande à voir ce courriel; il n'existe pas, mais la juge l'a bien vu... Le prévenu dit simplement: «Madame le juge, lorsque ce courriel a été envoyé, je n'avais pas cette adresse internet.» Toujours très curieux, non ?

Il y a donc un sérieux problème à résoudre, quand bien même cela pourrait ne pas être considéré comme étant grave par certains au sein de ce parlement. Il faut préciser que j'en passe et des meilleures. Il faut lire l'entier du dossier Ferrayé sur internet et visionner la vidéo que l'on y trouve pour s'en convaincre. Je rappelle qu'une émission de télévision a été interdite en France parce qu'elle dérangeait. Je rappelle également, au passage, que celle que l'on a appelée gentiment ou très vulgairement «la putain de la République», a dit à l'un des avocats genevois: «Ne touchez pas à cette affaire, cela remonte au plus haut de la République française».

M. le député Eric Stauffer ici présent - eh oui, il arrive aussi dans le circuit de ce dossier ! - vient de me remettre un dossier complet sur le sujet, avec un CD; j'ai remis ce dernier au service du Grand Conseil à l'intention de qui veut bien le consulter.

Je pourrais aussi énoncer - dans d'autres domaines, mais dans un même état d'esprit - le cas d'une société financière de Genève tombée en faillite voilà bien des années, et dont l'instruction des responsables s'est fortement prolongée. Peut-être parce que l'un des prévenus dans le cadre de cette affaire avait d'excellentes relations. J'ai connu le cas d'une autre société financière dont l'instruction s'est certes ouverte, mais qui a été retirée des mains d'un juge très compétent et très consciencieux: pourquoi ? Parce que cette affaire s'approchait trop d'un parti politique en place et de politiques connus. Un élu présent dans ce parlement, M. Stauffer - je le cite puisqu'il le dit lui-même - a vu son dossier disparaître. Il s'en expliquera s'il le veut bien. J'ai les preuves de son avocat qui dit devoir reconstituer le dossier, car il a disparu, à l'instruction comme au parquet ! Et finalement, il y a le récent et scandaleux jugement cantonal traitant de la responsabilité des administrateurs dans la faillite de la banque cantonale... Mais je ne m'attarderai pas sur le sujet. Cela ne sera toujours pas considéré comme bien grave aux yeux de certains. Mais ici aussi, j'en passe et des meilleures.

Cet état d'esprit dans la gestion de certains dossiers - je dis: «état d'esprit» pour rester sympa - m'interpelle très sérieusement en tant que député. Au contraire de certains dans ce parlement, j'ai la conviction que nous sommes devant un très gros problème à résoudre, que cela concerne le cas Ferrayé ou d'autres cas du même type. Ce problème, à mes yeux, réside principalement dans le système de nomination de nos juges. Peut-être que le résultat des travaux d'une commission spéciale pourrait faire changer les choses. Je rappelle qu'il faut faire allégeance à un parti politique pour être sûr de devenir juge et qu'ensuite les partis décident de la nomination des juges dans le cadre d'une commission spéciale initiée par lesdits partis. On veut nous parler d'indépendance de la justice vis-à-vis du monde politique, alors que c'est de ce monde que dépend la poursuite ou non de la carrière d'un juge !

Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas rêver ! Nous allons avoir le même problème avec la nomination des magistrats de la Cour des comptes. Dans d'autres pays, on appellerait cela un système bananier, voire maffieux, mais chez nous tout cela semble être considéré comme relevant du parfaitement normal, même c'est une affaire de famille.

Dans le cadre de l'affaire Ferrayé, les indices sont pourtant suffisamment nombreux et qualitativement importants pour faire prendre conscience à ce parlement qu'il doit intervenir pour faire toute la lumière dans cette affaire et voir principalement si les relations trop étroites entre le monde politique - au sein duquel on retrouve nombre d'avocats qui plaident devant des juges qu'ils ont nommés ou fait nommer - et la justice ne sont pas à l'origine de ce que l'on pourrait appeler, en restant encore sympa, des «dysfonctionnements importants au sein de notre justice». Mais je sais que cela ne sera malheureusement pas ! Il faudra peut-être attendre que les attaques viennent de l'extérieur du canton. Des procédures sont ouvertes aux Etats-Unis et les résultats de ces procédures, toujours dans le cadre de cette affaire Ferrayé, pourraient enfin nous faire prendre conscience que, dans ce canton, nous ne sommes peut-être pas aussi beaux et propres que d'aucuns voudraient nous le faire croire !

Si certains, au sein de notre magistrature, ont réellement fauté - je dis bien «certains», car je suis sûr que les magistrats du pouvoir judiciaire, dans leur immense majorité, sont honnêtes et intègres - et que cela soit ultérieurement prouvé, la facture risque d'être salée pour notre canton.

Il ne faut pas se voiler la face, Mesdames et Messieurs les députés, dans tous les domaines, dans toutes les professions, dans toutes les classes sociales, il y a des dérives. Trente-cinq ans de carrière professionnelle dans la révision comptable et financière me permettent d'affirmer cela.

Dans l'affaire Ferrayé, quand on connaît les sommes colossales en jeu - 30 milliards - il n'est pas interdit que certains se servent... Cet autisme en matière politique nous a déjà conduits à la faillite financière...

Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.

M. Claude Marcet. Je termine. En toutes circonstances, il faut savoir faire face. Fermer les yeux ou regarder ailleurs est plus facile, mais l'expérience de la vie nous apprend que, si les circonstances nous imposent de devoir ouvrir les yeux pour régler des problèmes qu'initialement nous ne voulions pas voir, il est souvent trop tard. Je l'ai déjà dit, le dossier Ferrayé sent mauvais et pourrait nous revenir sur le coin de la figure.

Je vous invite à voter cette motion, car elle ne concerne pas que le dossier Ferrayé mais bien un système mis en place - même si je sais que cela ne sera pas, car trop d'intérêts politiques sont en jeu dans ce dossier.

M. Olivier Jornot (L). J'aimerais tout d'abord donner acte à notre collègue Claude Marcet. Je crois volontiers que c'est par souci de justice qu'il a déposé son projet de motion. J'aimerais lui donner acte, car c'est probablement de bonne foi qu'il a reproduit les propos de sa source, M. Ferrayé.

On nous demande d'instaurer une commission d'enquête parlementaire, c'est-à-dire la mesure la plus sévère que ce parlement puisse prendre lorsqu'il est confronté à une crise d'Etat. A l'appui de cette demande, on nous produit toute une série de documents hétéroclites. Nous avons tous, dans cette enceinte, été abreuvés à un moment ou l'autre de courriels de la part de M. Josef Ferrayé attirant l'attention sur le vaste complot mondial dont Genève n'est qu'une petite partie, et dont il est la victime.

Si l'on s'en tient simplement aux documents produits à l'appui du projet de motion de M. Marcet, vous avez pu voir que des plaintes innombrables ont été déposées, des plaintes pénales. Elles ont été instruites par des juges d'instruction de ce canton, elles ont été classées par des magistrats, et des recours ont pu être exercés. Bref, la justice a fonctionné, elle a parlé et elle a rendu ses décisions. Cela étant, M. Ferrayé n'a pas accepté ces décisions et il a porté de graves, de très graves accusations.

Vous vous souviendrez peut-être de M. Ferrayé dans cette pantalonnade où on l'a vu apparaître aux côtés de M. Marc Roger pour annoncer qu'il finançait la survie du Servette. Mais il y a plus grave. Par exemple, placer un document émanant de Gerhard Ulrich pour appuyer cette motion. Dans ce document, le célèbre animateur de l'Appel au Peuple nous met une photo de l'ancien Procureur général Bernard Bertossa en disant qu'il s'agit d'un magistrat soupçonné de corruption passive. Pour ceux qui l'ont connu un peu, la chose, vous en conviendrez, paraît légèrement étonnante. Mais, il y a plus que cela. Si vous prenez connaissance des e-mails dont nous avons été abreuvés, et si vous allez - comme le suggère M. Marcet - sur le site internet de M. Ferrayé, vous y trouverez quelque chose qui oscille entre le Da Vinci Code et Vol au-dessus d'un nid de coucou. On nous apprend que les banques suisses font toutes partie de ce complot visant à instaurer une domination mondiale et à voler des milliards à M. Ferrayé. On nous apprend qu'en France M. Strauss-Kahn, M. Rocard et Mme Cresson sont partie prenante de cette vaste opération. On nous apprend que la légion d'honneur - distinction franc-maçonne bien connue - a notamment été distribuée à Marc Bonnant, à Genève, pour garantir l'impunité de ce truand, ainsi qu'à Me Dominique Warluzel. Ou encore, que seul Me Pierre Mottu - notaire - ne l'a pas eue. On y apprend que Bernard Bertossa, avant qu'il n'ait été corrompu par le clan Bonnant-Warluzel, a touché x millions. Et on y apprend encore que parmi les personnalités corrompues figurent également Mme Micheline Calmy-Rey, qui était à l'époque responsable du département des finances, et Mme Brunschwig Graf, dont on nous apprend qu'elle était «libérale», avec des guillemets. C'est dire, Mesdames et Messieurs, s'il ne manque plus dans cette affaire que les Templiers, puisque, selon Umberto Eco, les Templiers y sont toujours pour quelque chose.

Il faut maintenant être sérieux. Oui, Monsieur Marcet, les juges peuvent se tromper. Oui, les juges peuvent être corrompus. Oui, il faut que nous nous préoccupions du fonctionnement de la justice et que nous veillions à ce qu'elle puisse travailler sereinement. Mais, non, il ne faut pas tomber dans le n'importe quoi et l'hystérie anti-juges. Il ne faut pas, sur la base de ce mauvais dossier, instruire un procès qui n'a pas lieu d'être. Quelque part, Monsieur Marcet, dans votre motion, vous dites: «Je ne peux pas juger». Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas juger ! Nous ne pouvons que dire non à ce projet de motion. (Applaudissements.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais faire une très brève intervention, car j'ai été mis en cause par le député Marcet. Simplement pour dire que ce n'est pas une lettre de l'avocat, c'est l'IUE 176 que le député Marcet avait déposée. C'est une lettre signée de la main de M. le Procureur général Bernard Bertossa qui atteste de la perte de l'intégralité d'un dossier qui me concernait. Comme c'est une affaire qui me concerne, je n'en dirai pas davantage, mais je tenais à rectifier cela.

Pour revenir à ce que disait M. le député Marcet, suivi par le député Jornot, il faut prendre ces affaires au sérieux. Il est vrai que des dysfonctionnements existent. Ils sont arbitraires et dévastateurs pour ceux qui en font les frais et ce n'est pas un sujet qu'il faut prendre à la légère, tant les dommages collatéraux peuvent être conséquents.

Partant de ce principe, il est vrai que l'affaire Ferrayé est une affaire complexe et qu'il m'a été remis toute une série d'annexes que j'ai transmises à M. le député Marcet - puisqu'il était le titulaire de cette motion - et que chaque député pourra consulter au secrétariat du Grand Conseil.

Encore une fois, quand on se plonge dans ce dossier, il y a à boire et à manger. Néanmoins, il y a des choses troublantes qui méritent notre attention. Je ne sais pas si la bonne mesure est une commission d'enquête parlementaire, en tout cas ce que j'ai à dire, c'est que la vérité ne réside pas dans les journaux.

M. Roger Deneys (S). Je n'ai pas spécialement à intervenir sur ce sujet, peut-être seulement pour dire que je suis d'accord avec M. Jornot - une fois n'est pas coutume. Fondamentalement, M. Marcet a raison. La question mérite d'être posée. Par contre, je vous invite à consulter la liste des interpellations urgentes écrites, notamment la IUE 250 que je viens de déposer et qui pose la question de la criminalité économique: «Y a-t-il une politique de classement des plaintes à Genève ?»

Plutôt que d'utiliser un dossier particulier, d'en faire une sorte de généralité et de dire que la justice ne fonctionne pas ou qu'il y a des magouilles - ou toutes sortes de sous-entendus - je pense que c'est important d'avoir des données chiffrées et objectives. J'espère bien que nous les obtiendrons et, le cas échéant, qu'on se posera la question dans son principe général. C'est bien connu dans la République, toute personne qui n'est pas satisfaite par une décision de justice va invoquer le fait qu'il y a des magouilles, des copinages ou toutes sortes de raisons.

C'est dommage d'avoir focalisé votre motion sur ce dossier où - comme l'a relevé aussi M. Stauffer - il y a à boire et à manger. Je n'ai pas lu ce dossier, cela ne m'intéresse pas spécialement. En revanche, ce qui m'intéresse est que la justice genevoise fonctionne bien et qu'elle ait les moyens de bien fonctionner. Je vous propose donc de regarder ce problème dans son ensemble, s'il y a un problème. Mais pour cela, on a besoin d'avoir des chiffres et pas seulement une affaire que tout d'un coup quelqu'un sort parce qu'il y a des relais médiatiques plus ou moins importants.

M. Claude Marcet (UDC). Quand j'entends certains propos, je me dis qu'Héraclès a pu nettoyer les écuries d'Augias en détournant le fleuve Alphée, mais je ne sais pas si le Rhône lui suffirait actuellement pour nettoyer tout ce qu'il y a à nettoyer dans ce canton ! (Exclamations.) Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que vous n'êtes pas ici pour défendre vos petits copains politiques, mais pour assurer une gestion saine de l'ensemble de cette communauté !

Alors, je vais vous lire certaines lettres. Lettre d'un avocat genevois: «Dans ce contexte, j'ai écrit au juge d'instruction, puis j'ai effectivement accompagné la personne devant être entendue et qui l'a été. Lorsque, plus tard, j'ai lu que cette affaire connaissait de curieux rebondissements, j'ai cherché à retrouver ce dossier à l'étude. Ne le trouvant pas, j'ai pris contact avec le juge d'instruction, lequel m'a indiqué qu'il n'avait aucune trace de mon intervention.» Est-ce que c'est normal dans une justice qui fonctionne ? Non.

Deuxième lettre. Un avocat - pas le même, ils ne se connaissent pas - peut confirmer que, lors de l'audience qui s'est déroulée à Genève, «Mme le juge d'instruction Etc.», alors en charge de l'enquête pénale, a déclaré avoir reçu des documents bancaires de la part de «M. Etc.», en audience. En 1999, des documents bancaires concernent un montant de 24 milliards, provenant des systèmes développés par M. Ferrayé. Toutefois, concernant ces mêmes documents bancaires, «Mme Etc.g» a précisé, avant la fin de l'audience: «Je ne vous ai rien dit.» Lettre d'un avocat signée ! Le dossier, à l'époque, comporte sept classeurs, pourquoi n'en reçoit-elle que quatre ? Je cite: «Le dossier que j'ai consulté n'est ni classé, ni numéroté, de sorte qu'il m'est impossible de savoir où commence et où finit réellement cette procédure.» Est-ce que c'est normal ? Non.

Je poursuis: «Dans ces documents que vous m'avez soumis, je n'ai trouvé aucune trace d'aucun procès-verbal de la perquisition, ni aucun bordereau détaillé de pièces. Le rapport de police du 8 février 1996 fait pourtant état du fait que des documents ont été inventoriés, mais seule figure au dossier une liste sommaire.» Est-ce normal ? Non. «Je n'ai trouvé aucune trace non plus des documents saisis chez «Tartempion», auxquels ce dernier s'est référé tout au long de sa déclaration à la justice.» Excusez-moi, Mesdames et Messieurs, mais si cela n'est pas un dysfonctionnement grave de notre justice, je suis archevêque de Canterbury !

Le président. Monsieur le député, je vous félicite de cette prestigieuse ascension dans la hiérarchie ecclésiale. La liste est close, il reste à entendre MM. Pascal Pétroz et le président du département des institutions. Monsieur Pétroz, je vous donne la parole et j'en profite pour vous souhaiter un bon anniversaire. (Applaudissements.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Merci, Monsieur le président, pour vos aimables paroles. Monsieur Marcet, je vous respecte beaucoup, je sais que vous êtes un homme de parole, vous êtes quelqu'un de bien. Par conséquent, point n'est chez moi la volonté de vous critiquer personnellement. Cela étant, il faut se rappeler dans quel cadre institutionnel nous nous trouvons. Nous avons un principe cardinal à Genève qui est la séparation des pouvoirs et nous avons comme principe de ne pas refaire les procès dans notre parlement et de ne pas évoquer les affaires judiciaires qui ont été jugées ou qui sont en voie de l'être, car ce n'est pas notre rôle. Notre rôle est de voter des lois, d'élaborer un budget et de rester strictement dans les compétences que nous confèrent la constitution et la loi.

M. Ferrayé a peut-être raison, mais je n'en sais rien, je n'y étais pas et vous non plus, et personne dans cette salle ne peut prétendre connaître la vérité sur cette affaire. Peut-être que vingt classeurs fédéraux ont mystérieusement disparu, je n'en sais rien et personne ici ne le sait. Ce que je sais, c'est que nous n'allons pas parler de trente classeurs fédéraux, car, si nous commencions à entrer dans ce genre de débat, nos sessions dureraient trois semaines d'affilée.

Respectons la séparation des pouvoirs. Ce que le Palais et le pouvoir judiciaire font est une chose, ce que nous faisons ici en est une autre. Quand quelqu'un n'est pas content d'une décision de justice, il dispose de voies de droit, il peut aller à la Cour de justice, en matière civile ou en matière pénale et il peut aller au Tribunal fédéral. Et, s'il n'est pas content du comportement de ces magistrats, il peut saisir une instance qui s'appelle le Conseil supérieur de la magistrature et qui a précisément pour but de sanctionner les manquements éventuels d'un magistrat. C'est dans ce cadre-là qu'il convient d'agir et non pas devant notre Conseil. Mais, si M. Ferrayé s'estime avoir été lésé, il lui appartient de saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'une plainte dûment motivée, et c'est dans ce cadre que le débat se fera. Parce qu'on doit débattre là où il le faut, et non dans des endroits qui n'ont pas pour compétence de débattre de ce genre de questions.

Merci, Monsieur Marcet, d'avoir posé cette question, c'est un débat intéressant. Cela étant, le groupe PDC rejettera votre motion. Non parce que la question ne mérite pas d'être traitée, mais parce elle ne doit pas être traitée ici.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les propos que M. Marcet a tenus à l'égard de votre parlement, à l'égard du Grand Conseil et à l'égard du pouvoir judiciaire ne sont pas acceptables. Nos institutions ne fonctionnent pas sur le copinage, sur le vol de dossiers, sur la combine ou sur des pratiques de république bananière. Cela n'est pas le fonctionnement global des institutions.

S'il arrive, dans un dossier, à l'égard d'un magistrat, à l'égard d'une affaire ou d'une autre, qu'il y ait un dysfonctionnement, alors, il y a en premier lieu les voies de recours, puisque nous sommes dans le domaine judiciaire.

En second lieu, la dénonciation des manquements des magistrats au Conseil supérieur de la magistrature.

En troisième et dernier lieu, il y a effectivement l'enquête parlementaire. Encore que, dans l'intervalle, il y a la haute surveillance du Conseil d'Etat. Il y a ces armes-là.

Mais il n'est possible de mettre en oeuvre ces armes que lorsqu'il y a véritablement une suspicion claire et précise, ou qu'il y a eu dans un cas clair et précis un comportement inacceptable. On ne peut pas venir nous dire qu'il y a un vaste complot auquel nous participerions tous - vous qui élisez les juges, nous qui les surveillons et eux qui jugent - et qui vise en permanence à ce que les dossiers se perdent au Palais de Justice ou que les décisions soient rendues par copinage. Monsieur Marcet, vous jetez un discrédit inqualifiable sur nos institutions et sur celle-là même à laquelle vous appartenez.

Bon nombre des pièces que vous citez ici ont précisément fait l'objet d'examens à un moment ou à un autre, par une institution de recours - pas forcément cantonale, d'ailleurs - puisqu'un certain nombre de ces procédures ont été traitées au niveau fédéral ou se sont déroulées dans d'autres pays. Il y a dans cette affaire un amalgame intolérable entre des éléments certainement exacts... Je dois vous dire que j'ai vu des dossiers qui se perdaient au Palais de justice où personne n'avait le moindre intérêt à ce qu'ils se perdent, mais parce qu'ils étaient restés bêtement coincés dans l'ascenseur ! Cela arrive aussi...

Entre des faits précis et un montage qui tend à dire que les professeurs sont éminents, les Italiens charmeurs et les politiciens pourris - comme c'est logique et cela correspond, dit-on, à la sagesse populaire ! - l'on finit par accréditer cette thèse détestable selon laquelle nous vivrions dans une république bananière. Or, quelles que soient les opinions divergentes que nous avons les uns et les autres dans cette enceinte, j'ai la certitude que ce parlement et ce gouvernement ne sont pas formés de citoyens et de magistrats qui se comportent de manière bananière.

Par conséquent, je vous demande de rejeter avec la plus extrême fermeté la motion qui vous est proposée. (Applaudissements.)

Mise aux voix, la proposition de motion 1621 est rejetée par 62 non contre 9 oui et 7 abstentions.

M 1657
Proposition de motion de Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Jean-Marc Odier, Hugues Hiltpold, Marie-Françoise de Tassigny, Frédéric Hohl, Jacques Follonier, François Longchamp, Michèle Ducret, Michel Ducret, Louis Serex, Pierre Kunz, Patricia Läser pour le renforcement de la Genève internationale

Débat

M. Gabriel Barrillier (R). Cette motion déposée en novembre 2005 n'a d'autres objectif et ambition que de veiller à ce que la Genève internationale soit maintenue, voire renforcée. Cette motion a été déposée à l'occasion de la discussion et des négociations qui ont eu lieu au sein des Nations Unies sur la création et la localisation d'un Conseil des droits de l'homme qui viendrait remplacer la Commission des droits de l'homme. Bien évidemment, nous souhaitons que ce Conseil des droits de l'homme reste à Genève.

Si nous avons déposé cette motion c'est parce que nous devons être très attentifs à poursuivre nos efforts pour maintenir la présence des organisations internationales à Genève. Pourquoi ? Parce que c'est la mission historique de Genève. Parce que c'est bon pour la Suisse, puisque Genève représente l'ouverture sur le monde. Parce que nous avons une conseillère fédérale, ministre des affaires étrangères, qui était ici, parmi nous. Parce que c'est bon pour la francophonie, vous savez mon attachement à la francophonie, et Genève est le seul lieu des négociations mondiales situé en territoire francophone.

Dernier argument, important. C'est bon pour renforcer notre pôle économique et culturel. Alors, cette motion n'a d'autre objectif que d'encourager - il le fait, c'est vrai - le Conseil d'Etat à essayer de régler les bisbilles internes qui nous affaiblissent parfois entre le canton et la Ville. Souvenons-nous du combat qu'il avait fallu mener dans les années 90 pour obtenir le siège de l'OMC, cela ne plaisait pas à tout le monde, mais c'était un combat essentiel pour l'avenir de la Genève internationale.

Raisons pour lesquelles nous invitons ce parlement à renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

M. Christian Brunier (S). Comme vous le savez certainement, les Nations Unies ont décidé de transformer la Commission des droits de l'homme en un Conseil des droits humains. Aujourd'hui, la Commission des droits de l'homme siège à Genève. Le Conseil des droits humains est déjà mis en place et il cherche un siège. Ce n'est pas à cause de bisbilles entre la Ville et le canton, Monsieur Barrillier, qu'il y a des pressions, c'est tout simplement parce qu'il y a un lobbying très fort des Etats-Unis pour rapatrier le Conseil des droits humains à New York. On voit donc que la concurrence est rude et cela doit nous mettre en garde. Trop souvent, les gens - dans le monde politique mais aussi parmi les citoyennes et citoyens de ce canton - considèrent que la place de Genève en tant que plate-forme des Nations Unies et des organisations internationales est garantie à tout jamais. C'est faux, la concurrence est terrible et il y a des pressions considérables pour obtenir les nouveaux services liés aux organisations internationales, mais aussi pour faire déménager les organisations internationales aujourd'hui à Genève dans d'autres cités.

A droite comme à gauche, nous sommes une grande majorité à comprendre l'utilité des organisations internationales pour notre cité et à soutenir cette dynamique de la Genève internationale. On doit continuellement se battre et renforcer notre soutien aux organisations internationales pour qu'elles restent ici.

Au sujet de la motion, j'ai une petite critique à émettre sur les considérants. Comparer le déménagement éventuel de la Commission des droits de l'homme au départ de Telecom... Je crois que les raisons n'ont pas grand-chose à voir. On sait très bien que, pour Telecom, Genève aurait pu faire des efforts encore plus considérables et Telecom serait quand même parti, au moins provisoirement, car il y a tout simplement l'opportunité commerciale d'aller en Asie, qui est un marché émergeant bien plus grand que l'Europe.

Néanmoins, nous devons nous mobiliser. Il y a quelques mois, l'alliance - un peu contre nature - d'un certain nombre de libéraux - Martine Brunschwig Graf, Renaud Gautier - et de quelques socialistes - Jean Ziegler et moi-même notamment - avait essayé de travailler à faire du lobbying pour que Genève accueille le Conseil des droits humains. A l'époque, Martine Brunschwig Graf nous avait conseillé de le faire d'une manière beaucoup plus diplomatique et en dehors de ce Grand Conseil. On avait donc renoncé à présenter un projet.

Aujourd'hui, les radicaux déposent une motion et peut-être n'est-ce pas le meilleur des moyens, mais cette motion est là, et le groupe socialiste demande de la soutenir pour que l'on soit unanimes derrière ce projet qui vise à renforcer les chances de Genève d'accueillir ce Conseil des droits humains.

Mme Catherine Baud (Ve). Les Verts soutiendront cette motion et son renvoi au Conseil d'Etat pour deux raisons. D'une part, il faut que Genève conserve son rayonnement international dans le domaine des droits humains. Il en va de notre crédibilité et de l'image que l'on souhaite projeter à l'extérieur. Il existe déjà des synergies, des réseaux qui doivent être maintenus et qui doivent se développer.

D'autre part, à l'heure actuelle, nous sommes de plus en plus en concurrence avec d'autres cités qui cherchent à attirer des services ou des agences de l'ONU de manière stable. Nous devons veiller à rester attractifs afin de conserver cette chance et ce privilège de bénéficier encore actuellement, pour un canton de la taille de Genève, de ce rayonnement international et de ces agences de l'ONU.

M. Guy Mettan (PDC). Naturellement, le PDC se réjouit de soutenir cette motion pour les raisons qui ont déjà été indiquées, et pour une autre raison qui n'a pas encore été mentionnée. Vous savez que l'évolution de la Genève internationale, depuis quelques années, va dans le sens d'un développement des services à la globalisation, que ce soit dans le domaine de la santé avec l'OMS, dans le domaine du droit du travail ou dans celui du droit du commerce; tous ces domaines étant liés aux grandes organisations présentes à Genève.

Mais, si l'agenda international connaît un développement réjouissant dans le domaine des services, il faut savoir en revanche que dans le domaine purement politique, la place de Genève perd de son importance au niveau mondial. En effet, pendant la Guerre froide, nous avons eu l'occasion d'accueillir de nombreux sommets, de nombreuses réunions politiques d'une haute importance. Mais, depuis 1999 et la dernière rencontre entre les présidents Clinton et Assad, nous n'avons plus eu l'occasion d'abriter de telles rencontres d'importance.

Le domaine des droits de l'homme est le seul qui soit encore concentré - au niveau politique - à Genève et qui ne dépend pas encore de New York. On a pu voir récemment que, par exemple, dans le domaine des secours en cas de catastrophe - l'OCHA - la concentration politique s'était faite à New York alors que la logistique restait à Genève. C'est dire qu'effectivement ce Conseil des droits de l'homme revêt un enjeu stratégique très important pour Genève.

Cela dit, il faut malheureusement se rendre à l'évidence. Aux dernières nouvelles, le projet - bien soutenu par la Suisse - a du plomb dans l'aile. Ce qui se dit dans les couloirs, c'est qu'il ne semble pas avancer aussi bien qu'on pouvait l'espérer. Mais, même si cela n'est pas exactement de la compétence du canton, cela ne doit pas nous empêcher de nous engager derrière la Confédération et mettre tout en oeuvre pour que - dans la mesure de ce que nous pouvons faire, c'est-à-dire la logistique, le logement, le transport, l'accueil - nous donnions le maximum de nous-mêmes. C'est pourquoi nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

M. André Reymond (UDC). Permettez-moi d'être quelque peu étonné de voir tout d'un coup tous les partis confondus se faire un souci extraordinaire concernant la compétitivité de la Genève internationale. Il y a peu de temps, pour la sécurité à Genève et étant donné que la Confédération n'a pas d'argent - et Genève non plus - l'UDC a déposé une motion demandant que nous puissions réunir un centre de formation et de sécurité à la caserne des Vernets. Mais, oh ! Catastrophe ! Les Vernets ! Il faut mettre l'armée ailleurs ! Alors que l'on sait que la Suisse paie chaque année la formation de quarante agents de sécurité pour l'ONU et que ces personnes, on ne sait pas où les mettre. Elles sont logées actuellement dans le bâtiment de l'OMM et cela coûte un prix exorbitant à la Confédération. Je ne comprends pas que vous vous fassiez du souci concernant la compétitivité de Genève, alors que nous savons très bien que nos institutions internationales sont courtisées par d'autres villes telles que Bonn. Mais, enfin, on ne va pas reprendre la liste exhaustive de toutes les capitales qui aimeraient avoir nos institutions.

Nous savons qu'à Genève, pour nos habitants, nos citoyens, les étrangers qui vivent ici, les fonctionnaires internationaux, il y a nécessité de construire. Dans ces nouveaux départements, tout semble se compliquer car il y a de nouvelles frontières concernant l'aménagement du territoire et la construction. La Confédération s'est engagée à construire un parking à l'OMC, mais ce parking - qui pourrait être construit en dix-huit mois - on ne veut pas le construire. On n'ose surtout plus en parler, parce qu'au point de vue écologique... L'écologie ce n'est pas seulement en surface, c'est aussi en profondeur... Alors qu'on sait très bien qu'il y a un projet de parking avec un silo qui devrait être construit... Une chose est certaine, les fonctionnaires internationaux commencent à un être un peu lassés de ne pas pouvoir se loger et circuler librement à Genève.

Alors, même si nous n'avons pas été soutenus sur notre motion, le groupe UDC soutiendra la motion radicale. Il faut être conscient de la concurrence. Si la Genève internationale ne veut pas reculer, elle doit être présente et plus dynamique envers les fonctionnaires internationaux.

M. Philippe Guénat (UDC). C'est non sans une certaine appréhension que je m'adresse à vous. Je suis hôtelier, et mon hôtel se situe à 350 mètres des Nations Unies. Je vis exclusivement des revenus des fonctionnaires internationaux qui viennent y loger pour des conférences. Bien que propriétaire et directeur de cet hôtel, je me trouve deux fois par semaine - au minimum - à la réception pour faire les départs ou les arrivées de mes clients, afin de les connaître.

Lorsque je parle avec les fonctionnaires internationaux, ou plutôt lorsque eux me parlent, ils me disent leur frustration d'ouvrir de nouveaux bureaux à Genève. Leurs frustrations ne sont pas idéologiques ni politiques. Ce qu'ils veulent, ce sont des logements et des places pour leurs enfants dans les écoles. C'est tout simple. Ils ne sont pas les seuls, mais plusieurs fois, en revenant de séance, des membres de commission m'ont affirmé avoir refusé Genève comme place, simplement parce qu'ils ne trouvent pas à s'y loger. C'est très terre-à-terre, mais c'est la réalité.

M. Eric Stauffer (MCG). Le groupe MCG va soutenir ce texte. J'aimerais attirer votre attention sur un phénomène qui est en train de s'accentuer depuis quelques années. Certains arguments ont été repris par mes collègues André Reymond et Philippe Guénat, mais cela va beaucoup plus loin.

J'ai entendu à de nombreuses reprises que la sécurité à Genève n'était plus la même que celle d'antan. J'ai entendu à plusieurs reprises que les logements étaient devenus très difficiles à trouver. Lorsqu'on veut promouvoir la Genève internationale, il faut aussi penser à nos résidents qui ne pourront jamais régater avec les loyers payés par les organismes internationaux. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rends attentifs aux problèmes du logement à Genève, une fois encore. Il est vraiment temps pour ce parlement de prendre le taureau par les cornes et de construire les logements qui nous font tant défaut.

En ce qui concerne la mobilité, beaucoup de reproches ont été faits non seulement par des fonctionnaires internationaux, mais également par nombre d'hommes d'affaires qui, lorsqu'ils doivent traverser une petite ville comme la nôtre, mettent autant de temps que pour traverser un quartier de Paris, ce qui est parfaitement intolérable. On a rétréci les voies de circulation, on a supprimé des places de parc. Et nous avons ces cohortes qui arpentent les rues à tout instant pour mettre en contravention les gens qui ne trouvent pas de place de parc.

Oui, il faut promouvoir la Genève internationale, c'est important, c'est notre image et nous nous devons de respecter la tradition qui est la nôtre depuis la Deuxième Guerre mondiale avec la constitution d'un des deux sièges de l'ONU. Mais il faut aussi nous responsabiliser face aux problèmes que rencontrent les Genevois.

Nous soutenons ce projet.

M. Renaud Gautier (L). Lorsque l'on veut noyer son chien, on lui trouve la rage. Il faut revenir au texte déposé par les radicaux. Comme l'a dit tout à l'heure, avec l'élégance qui le caractérise, M. le directeur des SI, il y avait déjà une première initiative à propos de la laquelle l'ancienne conseillère d'Etat nous avait recommandé d'être plus discrets.

On ne peut que saluer les termes de l'initiative radicale. A travers cette initiative, il ne s'agit pas de régler tous les problèmes de circulation, tous les problèmes des frontaliers, tous les problèmes de sécurité, mais plutôt de donner un message positif sur un des aspects importants de Genève, et de continuer à soutenir les efforts que fait le Conseil d'Etat en la matière.

Voilà donc, Mesdames et Messieurs, le sens de cette motion que, comme tant d'autres, je vous engage à soutenir. On s'occupera après des problèmes des frontaliers.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Juste pour dire brièvement que le Conseil d'Etat accepte cette motion qu'il prend comme un soutien à son action et non comme une critique. Il est exact que la défense de la Genève internationale fait partie de nos préoccupations constantes et que cela implique des efforts dans certains domaines cités tout à l'heure. Il faudra vous souvenir des propos de ce soir lorsqu'il vous sera demandé quelque vote peut-être difficile pour défendre la compétitivité de la Genève internationale. Mais, ce soir, je ne veux pas compliquer ou introduire des éléments de division.

Je suis extrêmement heureux de constater que, sur ce texte, il y a unanimité de tous les partis du Grand Conseil. Cela n'est pas si fréquent et c'est un sujet délicat, car susceptible d'induire des concurrences entre la Genève locale et la Genève internationale. Nous savons que nous devons éviter les effets pervers de cette concurrence, et je vous remercie de cette belle unanimité.

Mise aux voix, la motion 1657 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 74 oui (unanimité des votants).

Motion 1657

M 1659
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Henry Rappaz : Mesure de contrainte immédiate envers les frontaliers conducteurs de véhicules automobiles qui ont fait l'objet d'amendes d'ordre (AO) en ville de Genève, AO qui ont été converties en contraventions et pour lesquelles les contrevenants (120'000 depuis 2003) ont bénéficié d'une "immunité" totale

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Cette motion arrive pour la première fois par un processus normal, l'urgence ayant été refusée à la session du mois de novembre dernier. Je le dis entre parenthèses: l'urgence ayant été refusée, l'Etat de Genève a perdu la bagatelle de 2 millions de francs. Car, à partir d'un délai-cadre de trois ans, les contraventions tombent en prescription. Votre inaction au mois de novembre sur ce sujet éminemment important a donc coûté à l'Etat de Genève 2 millions de francs. Il est vrai qu'ici on aime bien perdre deux heures à parler d'une subvention de 70 000 F, mais quand il s'agit d'économiser 2 millions, cela n'a aucune espèce d'importance.

Nous allons surveiller de manière très attentive votre vote, Mesdames et Messieurs les députés, puisque nous avons entendu - lors de l'interpellation de M. Marcet sur les dysfonctionnements probables de la justice - que nos institutions étaient les meilleures et que tout fonctionnait très bien dans le meilleur des mondes. Eh bien, cette motion n'a pour but que d'appliquer la loi.

A propos des contrevenants non domiciliés en Suisse, le Code pénal suisse dit, à l'article 9: «Si un contrevenant non domicilié en Suisse ne paie pas l'amende immédiatement, il doit en consigner le montant ou fournir d'autres sûretés suffisantes.» Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas le cas. Et c'est d'autant plus grave que la conseillère d'Etat Micheline Spoerri - en charge du DJPS pendant l'ancienne législature - était au courant de ce qui se passait au sujet de ces amendes d'ordre converties en contraventions pour les frontaliers, depuis plus de trois ans ! Elle n'a sciemment rien fait, alors que cette application est prévue dans le droit fédéral... C'est intolérable. (Brouhaha.)

Il a fallu aussi que l'on regarde un peu comment cela fonctionnait... Il y a un peu de brouhaha, Monsieur le président, si vous pouviez rappeler les députés à l'ordre.

Le président. Monsieur le député, le brouhaha vient du fait que vous éprouvez le besoin de vous adresser au fond de la salle. Si vous vous contentiez de vous adresser à la présidence, elle serait attentive et vous ne seriez pas perturbé par l'indifférence de ceux à qui vous voulez vous adresser.

M. Eric Stauffer. Alors, Monsieur le président, je me suis enquis de savoir comment cette loi fédérale du Code pénal suisse était appliquée dans d'autres cantons et j'ai pris la liberté d'écrire aux autorités vaudoises. Elles sont confrontées au même problème que Genève concernant les véhicules des personnes non domiciliées en Suisse, c'est-à-dire majoritairement les frontaliers venant travailler dans le canton de Vaud - on ne parle pas du touriste qui vient une fois par année, mais on parle, pour Genève, des 30 000 véhicules qui franchissent la frontière chaque jour et qui ont besoin de trouver des places de parc. Nous savons les carences intolérables de la politique en matière de parkings: il n'y a pas assez de places de parc pour tous les véhicules.

Néanmoins, je vous lis le bref passage du canton de Vaud. «La Ville de Lausanne connaît les mêmes difficultés et les mêmes problèmes face aux usagers des autres pays, notamment pour ce qui touche aux identifications. Raison pour laquelle nous pratiquons de la sorte: lorsqu'un usager est amendé pour plusieurs fautes de stationnement - dès quatre amendes - l'immatriculation du véhicule est inscrite sur une liste que chaque garde de police tient en sa possession. Par la suite, si ce véhicule est trouvé en ville et qu'il se trouve manifestement en infraction, il est dépanné à la fourrière municipale. Par contre, s'il est correctement garé, nous ne pouvons pas légalement le faire dépanner, ce qui est normal. Lorsque son propriétaire vient le récupérer, il est formellement identifié. Tout le problème des frontaliers vient de l'identification, car les plaques d'immatriculation sont liées au véhicule et non à l'individu, contrairement à l'usage suisse. Sa voiture ne lui est restituée que contre le remboursement des amendes en cours et les frais de dépannage.» Voilà ce qui est appliqué dans le canton de Vaud.

Ensuite, je me suis enquis de savoir quelle était la pratique du bureau de coopération de la police fédérale avec les autorités policières françaises. Je vous passe l'intégralité du texte et vous lis seulement ce passage, afin qu'il figure au Mémorial: «Au vu du nombre de demandes provenant de la Suisse, il a été décidé, au sein du comité de pilotage chargé de la mise en oeuvre de l'accord de coopération franco-suisse, de n'entrer en matière qu'à partir d'un montant minimum de 100 F». Ce qui veut dire que toutes les amendes au-dessous de 100 F ne sont pas poursuivies. Cela est contraire au droit fédéral, comme le prescrit l'article 9 du Code pénal que je vous ai cité.

Maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, vous qui êtes tellement à cheval sur le respect des lois et qui estimez que nos institutions sont si bien défendues, je vais demander le vote nominal pour savoir si vous voulez appliquer la loi ou si vous allez ce soir, devant vos électeurs et concitoyens, dire que les conducteurs non domiciliés en Suisse ont l'immunité totale sur les amendes et les contraventions. Nous serons très curieux de le voir.

Il y a deux amendements. Un amendement que nous avons déposé pour donner toute latitude au Conseil d'Etat d'appliquer la loi, c'est-à-dire les dispositions du Code pénal suisse. L'autre amendement a été déposé par les députés Brunier et Etienne. Dans les nouvelles invites de cette demande d'amendement, il est écrit: «A être très ferme contre toutes les personnes violant les règles de la circulation.» Je tiens à rassurer le député Brunier: en ce qui concerne les résidents suisses, c'est le cas. Si un résident suisse ne paie pas ses contraventions, cela commencera par une saisie sur salaire, puis une saisie sur ses biens et, si cela ne suffit pas, il finira à Champ-Dollon en conversion d'amende. La loi est strictement appliquée, ce qui n'est pas le cas pour les propriétaires de véhicules domiciliés à l'étranger, les non-résidents suisses. Ensuite: «Il faut assurer une équité totale entre les personnes amendées à Genève». C'est justement cela que nous demandons. Un résident suisse qui ne paie pas finira en prison, alors qu'un résident frontalier - et je vous rappelle que ce sont 30 000 véhicules par jour - aura l'immunité totale. (Commentaires.) Oui, c'est vrai, Monsieur le député. Je vous le dis simplement, j'ai obtenu des chiffres. Nous parlons de 120 000 amendes converties en contraventions et dont la Ville de Genève n'a pas reçu les paiements.

Je vais aussi vous révéler quelque chose de très grave. Lorsque nous avons déposé cette motion au nom du MCG, Mme Spoerri, conseillère d'Etat, a fait envoyer à la Ville de Genève des codes informatiques pour détruire les amendes. Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, si vous le souhaitez, à ouvrir une commission d'enquête. C'est un véritable scandale, et je peux prouver ce que je viens de dire à l'instant.

Une voix. C'est intéressant.

M. Eric Stauffer. Oui, c'est intéressant... Et, d'autre part, sachez que nonobstant le nombre d'amendes mises par la Ville de Genève, ce département est en déficit de 10 millions ! Il faudra s'interroger quant à l'utilité des mesures de répression à outrance et quant à leur véritable efficacité.

Mesdames et Messieurs, j'en ai terminé et je vous rappelle que je demande le vote nominal.

M. Hugo Zbinden (Ve). Les Verts partagent certaines des préoccupations qui ont amené à cette motion. En effet, on en a marre de voir des voitures mal garées encombrer nos rues, on en a marre de voir des voitures rouler trop vites dans nos quartiers, ou encore des scooters emprunter les voies de bus, mettant en danger les autres, notamment les cyclistes. Dans ce contexte, il est rageant de constater que des contrevenants parviennent à ne pas payer leurs amendes. Néanmoins, nous ne voulons pas lancer maintenant le débat sur les mesures à prendre.

Nous proposons de renvoyer cette motion en commission pour analyser le problème et trouver des mesures adéquates. D'ailleurs, ces mesures ne devraient pas s'appliquer seulement aux frontaliers, mais à tout mauvais payeur, y compris les fonctionnaires internationaux.

Le président. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission. Sont inscrits MM. Brunier, Luscher, Catelain, Mettan et M. le président Moutinot. Vous vous exprimerez, la liste étant close, exclusivement sur le renvoi en commission.

M. Christian Luscher (L). Au nom du groupe libéral, j'ai l'intention d'appuyer le renvoi en commission de cette proposition de motion qui - en elle-même - n'est pas dénuée d'intérêt. Si elle n'était pas présentée de cette façon discriminatoire et nauséabonde, je pourrais y adhérer sans aucun problème. M. Stauffer a visiblement mal lu ces lois. L'article 9 du Code pénal n'a strictement rien à voir avec ce qu'il nous a raconté aujourd'hui, puisque l'article 9 du Code pénal traite des crimes et délits. Nous sommes dans le domaine des contraventions et, comme pour les dettes fiscales, il n'y a pas de prison pour dette en matière de contraventions. Tout cela, nous allons l'étudier tranquillement en commission judiciaire.

C'est dommage, Monsieur Stauffer, que vous teniez des discours pareils, car votre texte n'est pas dénué d'intérêt et on va effectivement l'analyser, car il y a possibilité de faire des rentrées fiscales. Mais la façon dont vous nous parlez nous donne plutôt envie de rejeter cela tout de suite. Mais, c'est parce que nous essayons de dépasser votre discours que nous allons tout de même proposer le renvoi de cette motion en commission (Applaudissements.)

M. Christian Brunier (S). M. Stauffer a trouvé un bon filon. Les membres de son parti l'ont prouvé pendant les élections, bouffer du frontalier rapporte malheureusement des voix. Maintenant, si on veut traiter le problème avec lucidité et sérénité, il faut l'analyser d'une manière un peu plus calme. Et la commission sera un bon terrain pour le faire.

J'aimerais quand même préciser qu'il y a certainement du laxisme et que l'on peut mieux faire pour poursuivre les frontaliers et toutes les personnes amendées à Genève qui ne paient pas leur dû, mais des actions se font quand même. Vous dites que rien ne se fait, que c'est le laxisme total, que tous les frontaliers sont sous une forme d'impunité, mais ce n'est pas vrai, Monsieur Stauffer.

J'ai ici des amendes - je pourrais vous les montrer - de personnes habitant la France. Ce sont des amendes de moins de 100 F et ces personnes sont poursuivies. Elles habitent Vétraz-Monthoux, Annemasse. Il y a donc des amendes qui sont attribuées et des poursuites qui sont faites. Je connais une autre personne qui s'est fait bloquer à la frontière. Il y a de temps en temps - peut-être pas assez - des contrôles sur les plaques pour savoir ceux qui n'ont pas payé des amendes, et des saisies de véhicule peuvent se faire. Il ne faut donc pas dire que rien ne se fait. On peut faire mieux, mais on ne peut pas non plus jeter le discrédit sur tout ce qui est fait aujourd'hui.

Je rappelle que c'est pour cela que nous déposons un amendement général qui remplace vos invites. Car nous ne voulons pas cibler que les frontaliers...

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député.

M. Christian Brunier. Tout à fait, mais je précise un peu les données sur lesquelles on va travailler en commission. (Rires.) Au lieu d'attaquer...

Le président. Vous le ferez en commission, s'il vous plaît.

M. Christian Brunier. Monsieur Stauffer, au lieu d'attaquer les frontaliers, dites simplement qu'il faut attaquer tous les gens qui ne respectent pas les règles de la circulation à Genève. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation inquiétante sur certaines routes. Toutes les personnes qui violent les règles de circulation doivent être poursuivies, ainsi que toutes les personnes qui ne paient pas leurs amendes. C'est dans ce sens que vont les amendements que nous avons déposés. Il ne doit pas y avoir d'impunité pour tous les gens sanctionnés à Genève, qu'ils soient frontaliers, genevois, corps diplomatique ou autre.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion pose deux problèmes majeurs. Le premier est de faire entrer l'argent des contraventions et de réprimer les contrevenants. L'autre est tout simplement un problème de mise à disposition de places de parc.

On se demande qui est la victime. Pour moi, le but n'est pas forcément de faire entrer de l'argent dans les caisses de la Ville, mais bien plus de permettre aux travailleurs de pouvoir se déplacer et, s'ils n'ont pas d'autre choix, d'au moins pouvoir parquer leur véhicule.

Cette motion m'étonne, car elle vient quelques mois après une campagne électorale menée contre le matraquage des amendes de la Ville. (Applaudissements.)

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député.

M. Gilbert Catelain. J'aimerais - je serai bref - dire deux choses pour justifier le renvoi en commission. D'une part, la poursuite des contrevenants existe. Il y a trois gendarmes dans le groupe MCG, ils savent exactement comment cela se passe. Il est vrai que tout n'est pas poursuivi et tout ne peut pas l'être. Mais, puisque vous parlez des travailleurs frontaliers, des listes - malheureusement non informatisées mais cela est un problème de l'exécutif - sont transmises aux postes-frontières et peuvent être consultées. Ainsi, lorsque ces personnes sont contrôlées, elles sont remises à la police genevoise. Il y a donc poursuite des contrevenants.

Deuxième chose, le canton a tout à fait la possibilité d'inscrire dans le RIPOL les personnes qui cumulent un certain nombre d'infractions. C'est tout à fait possible, d'autres cantons le font. D'autre part, je vous rappelle que le Centre de coopération policière et douanière - CCPD - n'est pas un organe cantonal, il ne dépend pas du canton. Il y a un représentant par canton et plusieurs représentants de la France. Et, comme il y a à peu près un représentant cantonal actif derrière un téléphone, le pauvre, si tous les jours il ne reçoit que des téléphones concernant des demandes d'immatriculation de véhicules, il ne va pas traiter des affaires beaucoup plus importantes, des affaires judiciaires qui sont le but de la création de ce centre de coopération policière et douanière.

D'autre part, je rappellerais...

Le président. Sur le renvoi en commission, Monsieur le député, s'il vous plaît.

M. Gilbert Catelain. Je rappellerais que la perception de ces contraventions pourrait effectivement être un bénéfice majeur. Donc, oui à une perception des contraventions, mais de manière intelligente et dans le cadre du débat qui aura lieu en commission. Je suis persuadé que le département aura des propositions tout à fait sérieuses à faire.

Le président. Je passe la parole à M. Guy Mettan qui, j'en suis sûr, s'en tiendra au débat sur le renvoi en commission. C'est une habitude à prendre, Mesdames et Messieurs les députés. Lorsque nous nous apprêtons à renvoyer un objet en commission, il est totalement inutile d'encombrer le plénum des considérations que vous développerez en commission et que nous étudierons en synthèse à leur retour.

M. Guy Mettan (PDC). Merci, Monsieur le président, pour votre confiance. (Rires.) On connaissait le délit de sale gueule et on va bientôt connaître le délit de frontalier. On nage en plein délire, et le problème des délires, c'est qu'ils peuvent être dangereux. Il importe que l'on renvoie cet objet en commission pour que l'on puisse faire cesser ces propos délirants, et cela pour au moins deux raisons.

La première est qu'il importe de faire toute la lumière sur l'objet en cause. Il est clair que la croissance du trafic frontalier entraîne en ville des nuisances qui gênent certains de nos concitoyens. Il y a aussi le problème des amendes et il faut que l'on fasse la lumière sur ce problème.

La deuxième raison est beaucoup plus politique. On sent que M. Stauffer va ennuyer ce Grand Conseil pendant les quatre ans à venir si nous ne traitons pas, une fois pour toutes, ce problème. Il est donc important que nous le fassions rapidement, pour détromper lui-même, son groupe et les électeurs et électrices qui le soutiendraient encore après cela. Ils ont tort.

Le président. Je prends note que c'est par résignation que M. Mettan soutient le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1659 à la commission judiciaire est adopté par 65 oui contre 8 non et 6 abstentions.

Intervention du Conseil d'Etat sur la M 1659: Session 04 (janvier 2006) - Séance 19 du 27.01.2006

P 1459-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition "Un enfant, deux parents"
Rapport de Mme Jocelyne Haller (AdG)
M 1623
Proposition de motion de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Alain Etienne, Nelly Guichard, Claude Aubert, Olivier Vaucher, Pierre Weiss, Martin-Paul Broennimann, François Thion, Jean Spielmann, Jacques Baudit, Jacques Follonier, Jean-Marc Odier, Esther Alder, Ariane Wisard-Blum, Caroline Bartl pour une gestion plus fine des effets du divorce et des séparations sur les enfants de parents désunis et le développement de meilleurs outils d'intervention pour tous les acteurs concernés

Débat

M. Alain Etienne (S), rapporteur ad interim. C'est en tant qu'ancien président de la commission des pétitions que je reprends le rapport de Mme Haller. Je tiens à saluer l'excellent travail de notre ancienne collègue qui a su retracer avec tact les travaux de la commission. Nous avons été particulièrement sensibles aux préoccupations exprimées par la pétition «Un enfant, deux parents» qui pose la question délicate des enfants confrontés à la séparation de leurs parents.

Nous avons cependant été aussi très gênés par la formulation de certaines invites, ou par divers propos tenus par les pétitionnaires à l'encontre de certaines personnes ou certains corps professionnels. De plus, des invites sont caduques, car elles sont contraires au droit fédéral, ou bien elles sont en passe de trouver une solution par le biais des travaux de la commission judiciaire sur la médiation civile. La commission vous propose de déposer cette pétition sur le bureau de Grand Conseil et de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

Mme Esther Alder (Ve). Effectivement, la pétition 1459 pose le problème des séparations conflictuelles entre les couples et, surtout, des répercussions qu'elles ont sur les enfants. On constate que deux tiers des divorces ou des séparations se passent bien, mais, malheureusement, un tiers se passe très mal. Certains ex-conjoints se livrent parfois à une véritable guerre: pensions alimentaires non versées, droit de visite bafoué, chantage affectif sur les enfants et parfois même rapt d'enfant.

La commission n'a pas suivi les pétitionnaires sur la forme, mais sur le fond de la pétition. Les problèmes sont réels et personne n'a intérêt à ce que les conflits perdurent. Malheureusement, les voies juridiques ne permettent pas toujours de résoudre les questions relationnelles.

Ainsi, la motion de la commission axe les invites sur le développement de la médiation et la gestion des conflits à tous les échelons du processus de séparation. La motion insiste également sur une dotation suffisante en personnel dans les différents services chargés des évaluations et du suivi judiciaire. Par ailleurs, il est indispensable que la justice puisse «prescrire» d'une manière plus ferme le recours à une médiation, car c'est souvent la seule voie pour que les relations entre ex-conjoints deviennent plus sereines, et le bénéfice est incontestable pour les enfants.

C'est pourquoi nous vous invitons à déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil et à renvoyer la motion au Conseil d'Etat.

M. François Thion (S). J'aimerais compléter ce qui vient d'être dit - et qui est tout à fait juste - en ajoutant que le parti socialiste demande le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil. Cette pétition est très intéressante, notamment en raison des débats et des auditions que nous avons eus, mais, ses considérants vont - selon nous - trop loin. Par exemple, nous ne pensons pas que les tribunaux prononcent des jugements arbitraires, comme cela était marqué dans les considérants. Nous ne pensons pas que les services sociaux soient réticents à procéder à des investigations et nous ne pensons pas non plus que les services sociaux soient mal préparés à leur tâche. Il y a une telle augmentation des dossiers que, très souvent, le problème est plutôt une insuffisance de personnel.

Nous pensons qu'il ne faut pas aller dans le sens des pétitionnaires et nous demandons le dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Deux ou trois choses qui ressortent des auditions, avant de venir à la motion. Il est vrai que dans la plupart des cas de divorce, c'est la mère qui s'occupe des enfants, car les pères n'en veulent pas, c'est une réalité statistique. Nous avons vu aussi - et nous le déplorons - que certains avocats profitent de la détresse des couples pour multiplier les procédures et grossir leur chiffre d'affaires. Nous avons également constaté que dans des cas très précis, les deux parents n'ont pas toujours le suivi nécessaire, notamment en matière scolaire. Très souvent, quand la mère a la charge de l'enfant, le père est oublié dans les affaires d'école et je pense que ce n'est pas une bonne chose. De même, je pense que les pères ont aussi droit à un certain nombre d'informations concernant des dossiers de santé.

Pour revenir à la motion, nous demandons de la renvoyer au Conseil d'Etat. C'est évidemment un compromis, mais, enfin, il y a un message que nous avons entendu des pétitionnaires: il faut multiplier les prises en charge et se donner les moyens de faire face à ces problèmes.

M. Claude Aubert (L). J'aimerais souligner un aspect qui n'a pas été développé jusqu'à présent. Le service public a une grande difficulté à prendre en charge un certain nombre de situations où les conflits sont extrêmes, où les tensions sont massives. Dans ces cas, il est extrêmement important qu'il y ait une information au sein du service public, un suivi. Il faut également une volonté de ne pas se faire l'écho des différents conflits en prenant parti pour les uns ou pour les autres, car les travailleurs du service public se retrouvent souvent dans des situations très difficiles.

Par conséquent, ces notions de formation, de travail en réseau, d'apprendre à bien gérer les conflits, sont indispensables. Si la pétition était trop extrême, la motion nous semble équilibrée et c'est pour cela que nous proposons de la renvoyer au Conseil d'Etat et de déposer la pétition sur le bureau du Grand Conseil.

Mme Véronique Schmied (PDC). J'aimerais relever quelque chose de peut-être anecdotique: le nombre d'interventions de la police le dimanche soir dans les foyers où l'enfant est ramené chez la mère par le père. A ce moment, la confrontation des deux parents génère des conflits qui dépassent largement ce qu'un enfant peut ou devrait supporter. Dans certains endroits - nous avons fait cet essai dans ma commune et cela fut extrêmement fructueux - des locaux neutres sont mis à disposition, avec un encadrement social, afin que les parents en grave conflit puissent se rencontrer et se remettre l'enfant sans que cela déborde.

C'est exactement dans ce sens que va cette motion et c'est pourquoi le parti démocrate-chrétien la soutiendra.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les problèmes que soulève cette motion se déroulent toujours dans un contexte douloureux, un contexte de tension. D'autre part, le travail des assistants sociaux, des juges, des enseignants, des différents services de l'Etat, est un travail délicat. Votre commission a eu le doigté de reconnaître la réalité de ces difficultés et de ne pas tomber dans le piège des excès de la pétition. On peut excuser les pétitionnaires par l'émotion qu'ils doivent ressentir dans ces affaires douloureuses. Fort heureusement, votre Grand Conseil a rationalisé - si j'ose dire - leur demande par le biais de la motion que vous adressez au Conseil d'Etat.

Deux remarques sur la motion. La première est que certaines des invites sont pour le moins difficiles; je pense à celles qui suggèrent de prescrire, lors de séparation, une médiation. C'est l'inverse de ce qu'est une médiation que de la prescrire. Sur ce point, il paraît difficile de suivre la motion. Quant à la toute dernière invite, elle est admirable, puisqu'elle invite à doter ce secteur des moyens nécessaires pour faire face à sa tâche. Je crains, que dans un débat ultérieur, vous ayez moins d'enthousiasme sur cette question.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1459 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 56 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Mise aux voix, la motion 1623 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui et 3 abstentions.

Motion 1623

M 1659
Proposition de motion de MM. Eric Stauffer, Henry Rappaz : Mesure de contrainte immédiate envers les frontaliers conducteurs de véhicules automobiles qui ont fait l'objet d'amendes d'ordre (AO) en ville de Genève, AO qui ont été converties en contraventions et pour lesquelles les contrevenants (120'000 depuis 2003) ont bénéficié d'une "immunité" totale

Intervention du Conseil d'Etat sur la M 1659

Le président. Mesdames et Messieurs, tout à l'émotion du débat précédent, j'ai oublié de donner la parole au conseiller d'Etat qui me l'avait demandée et qui était dans la liste de ceux qui avaient été admis à s'exprimer avant la clôture. Si M. Moutinot souhaite ajouter quelque chose au débat de tout à l'heure, je ne voudrais pas l'en priver.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez renvoyé la motion 1659 en commission, cela permettra d'éclaircir sereinement un certain nombre de difficultés, de mieux comprendre ce dont il s'agit et de trouver des solutions respectueuses de la loi, dans le cadre d'une situation régionale que nous connaissons et que nous apprécions.

Mais il y a un élément: M. Stauffer a mis en cause d'une manière précise Mme Micheline Spoerri, et je ne peux pas admettre ce qu'il a dit. Je lui demanderai par conséquent, en commission, soit de justifier, soit de retirer ce qu'il a dit. (Applaudissements.)

P 1466-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : La population défend sa police
Rapport de M. Martin-Paul Broennimann (S)
P 1518-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour un vrai poste de police à la Pallanterie
Rapport de M. Martin-Paul Broennimann (S)

Débat

M. François Thion (S), rapporteur ad interim. J'aimerais d'abord remercier mon collègue Martin-Paul Broennimann pour son excellent et très complet rapport sur ces deux pétitions que nous avons conjointement traitées en commission. La pétition 1466 demande le maintien de l'effectif actuel du poste de police du Bourg-de-Four; elle concerne donc la Vieille-Ville. La pétition 1518 concerne le poste de police de la Pallanterie. Elle demande également un maintien de l'effectif et l'ouverture 24h/24h de ce poste de police.

La première pétition a été signée par plus de 1000 citoyens et la deuxième par plus de 3000 citoyens, ce qui démontre un réel souci de la population face à la fermeture de ces postes de police. Deux notions ont régulièrement été avancées lors des auditions: le sentiment de sécurité de la population et le terme de «police de proximité». La fermeture des postes de police en dehors des heures de bureau est ressentie par la population - je pense pouvoir parler de l'ensemble de la population à travers ces deux exemples - comme un abandon qui favorise un sentiment d'insécurité. Par exemple, les habitants de la Vieille-Ville nous ont dit qu'ils craignent que leur quartier se transforme en zone de trafique de drogue, comme autrefois à la gare. Depuis la fermeture du poste de police du Bourg-de-Four, ils disent constater une augmentation du bruit, des incivilités, du vandalisme, des tags.

On nous dit que dans la Vieille-Ville l'absence de poste est remplacée par une opération qui se nomme «Remparts», avec des patrouilles de police qui hantent la Vieille-Ville durant la nuit. Mais, d'après les pétitionnaires, le résultat est davantage une augmentation des amendes qu'une garantie de sécurité.

En auditionnant la police genevoise, on a constaté que cette dernière est en sous-effectif. Les documents que le département de justice et police nous a distribués nous montrent clairement une diminution des effectifs depuis 1975. Deux chiffres. En 1986, il y avait 29 gendarmes et policiers pour 10 000 habitants. En 2004, 23 gendarmes et policiers pour 10 000 habitants. Pourquoi n'y a-t-il pas assez de gendarmes dans notre République ? On nous a expliqué que l'attrait de la profession n'est plus aussi grand qu'autrefois. L'image des gendarmes est négative parmi la population. Les horaires sont nettement insatisfaisants, il y a beaucoup trop d'heures supplémentaires. Je pense aux pères et mères de famille à qui cela pose d'énormes problèmes au moment des vacances scolaires, par exemple. Précisons également qu'il y a eu de nombreux départs dans la police ces dernières années - notamment des policiers qui ont démissionné, parce qu'ils ont estimé que les conditions de travail étaient nettement plus intéressantes dans d'autres cantons.

Autre constatation, le peu de gendarmes qui restent à Genève sont trop souvent absorbés par des tâches administratives, par exemple les trop rares îlotiers. On nous a dit qu'il y avait deux îlotiers pour l'ensemble du quartier de la Servette - 70 000 habitants - et ils passent la moitié de leur temps devant leur ordinateur. Certains qui devraient être proches de la population ne mettent pas le nez dehors pendant une journée entière. Peut-on vraiment parler d'une police de proximité ?

Durant les auditions, les commissaires ont été favorablement impressionnés par ce qu'il se passe dans la ville de Lausanne. Nous avons auditionné une déléguée de l'Observatoire de la sécurité et un représentant de la police de la ville de Lausanne.

Tout d'abord, quelques mots sur cet Observatoire de la sécurité qui a mené une enquête intéressante sur le sentiment d'insécurité en ville de Lausanne. Ils ont fait un sondage. Les personnes sondées demandent majoritairement une plus grande présence humaine, des passages réguliers de la police dans leurs quartiers. On nous dit dans ce sondage que la présence des policiers dans les quartiers rassure la population et que - c'est d'actualité à Lausanne - la mise en place de caméras ne remplace pas cette présence policière. La présence de caméras ne donne pas un sentiment de sécurité. Où est-ce que les gens ont peur ? Dans les passages mal éclairés ou dans le bus. Il y a un très fort sentiment d'insécurité dans le bus, car on nous a expliqué - toujours dans ce sondage - que les gens enfermés dans un lieu confiné avec des personnes inconnues ne se sentent pas en sécurité. Autre chose que l'on a aussi appris dans ce sondage: après 22h - je trouve cela important - 20% des personnes ont peur de sortir et 10% n'osent pas sortir.

La police municipale de Lausanne joue un rôle intéressant de police de proximité, car elle va au devant de la population. Il faut préciser que cette police municipale de Lausanne a les mêmes compétences que la police cantonale vaudoise. Je vous disais qu'il y a très peu de policiers à Genève, en ville de Lausanne, il y a 416 policiers pour 125 000 habitants.

Avant d'en arriver aux conclusions, j'ajouterai un petit détail sur le poste de la Pallanterie. On s'est aperçu que du côté du quartier de la Pallanterie, dans tout le secteur qui se trouve sur la rive gauche du lac, de Vésenaz à Hermance, comme la police n'est pas présente, les gens les plus fortunés font appel à des sociétés de gardiennage. C'est-à-dire qu'il y a une inégalité face à la sécurité, car certains citoyens peuvent payer toutes les nuits des agents de sécurité qui montent la garde et les autres, ils attendent. En plus, entre ces polices de sécurité et la gendarmerie, cela ne se passe pas toujours très bien; quand il se passe quelque chose, la gendarmerie arrive souvent trop tard.

Les commissaires vous proposent de renvoyer ces deux pétitions au Conseil d'Etat avec les recommandations présentes dans le rapport. Je ne vais pas vous les lire mais elles sont extrêmement intéressantes, et je pense que le Conseil d'Etat les regardera avec intérêt.

En conclusion, l'ouverture des postes de police rassure la population. La présence policière dans la rue rassure la population et c'est dans ce sens qu'il faut aller.

Mme Esther Alder (Ve). Je ne vais pas répéter ce que M. Thion a très bien dit. Il faut retenir de ces pétitions la volonté qu'a la population d'avoir des postes ouverts et accessibles dans les quartiers. Les habitants de ce canton veulent une police qui leur soit proche - on appelle cela une police de proximité - et non pas une police motorisée qui fonctionne un peu sous la forme de commandos. La population veut des policiers dans la rue qui soient au fait de la vie des quartiers et, surtout, des postes ouverts 24h/24h.

Avec M. Moutinot qui est à présent en charge des institutions, il y a beaucoup d'espoir dans la population de voir ces souhaits exaucés. Quand on parle d'insécurité, c'est peut-être parce qu'on ne voit pas la police et que les gens se sentent démunis, d'où un sentiment de crainte et de trouble.

Il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat et on espère tous qu'il y répondra de manière que la population soit satisfaite.

Mme Janine Hagmann (L). On est tous d'accord ici pour dire qu'il n'est jamais agréable d'être cambriolé pendant la nuit - pendant son sommeil - et de se réveiller le matin en s'apercevant qu'on a dévissé la serrure de la porte d'entrée, que le sac à main a disparu avec tout son contenu - argent, carte d'identité, etc. Dans ces moments, on a besoin d'aide et quand on téléphone pour déposer plainte et réclamer un constat le plus vite possible, au poste de police de la Pallanterie, par exemple, c'est un répondeur qui vous annonce que le poste est ouvert de 15h à 18h30 - si je me souviens bien.

L'aventure m'est arrivée il y a moins d'un mois et je vous assure qu'à ce moment-là, on a un sentiment d'abandon et on se rend compte que le sujet préoccupe non seulement la population, mais aussi les policiers. Car une fois qu'ils nous reçoivent, eux-mêmes nous disent que ce n'est pas tout à fait normal. D'où les appels au secours, mais pas seulement de la région où je réside. Nous avons déjà eu dans cette enceinte des appels à l'aide d'Onex, de Versoix et, cette fois, très nettement d'Arve-Lac.

Une constatation s'impose. Le nombre de postes a tendance à se réduire comme peau de chagrin. Très rapidement, je vais remonter assez loin. En 1950, 35 postes fonctionnaient. En 1958, plusieurs postes disparaissent. En 1964, on en trouve encore 26. Et dès 1970, surtout à cause du manque d'effectifs, on arrive à 15 postes, mais avec un objectif bien précis du Conseil d'Etat de regroupement sous forme de postes plus importants - centralisés - étoffés en effectif et dotés des moyens techniques nécessaires. Evidemment, tout cela avec une population qui a beaucoup augmenté.

Première réflexion, le problème est récurrent et s'inscrit dans la durée. Un poste entraîne un coût qui n'est pas à négliger. Il y a aussi un manque d'attractivité pour cette profession qui empêche parfois le département de répondre à toutes les demandes de la population.

Deuxième réflexion: deux pétitions nous ont été soumises. Je n'arrive pas aux mêmes conclusions que mes préopinants, car la première pétition a, dans ses demandes très précises, le maintien de l'effectif actuel du Bourg-de-Four et l'ouverture d'un débat sur le système policier - souhaité par les citoyens - et là, je ne peux pas entrer en matière. Le Bourg-de-Four, c'est la ville de Genève.

Une politique générale a été mise en place par l'ancienne cheffe du département. Elle a déplacé le poste du Bourg-de-Four à Cornavin, mais cela reste à Genève-ville. Les gens que nous avons auditionnés à propos du Bourg-de-Four nous ont montré que le problème n'existait pas réellement.

Je vous propose donc, au nom du groupe libéral, le dépôt de la pétition 1466 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement, car nous ne pouvons pas aller contre la mise en place d'un plan global par le département. Ce n'est pas notre rôle de députés. Nous pouvons relayer les désirs de la population mais nous ne sommes pas là non plus pour organiser la police.

Par contre, la pétition 1518 ne peut rester sans réponse. Arve-Lac est composé de communes qui ont presque toutes «frontières communes» avec la France. M. Catelain pourra confirmer la fermeture de nombreux postes douaniers, si bien qu'actuellement la région est une vraie passoire - comme nous l'ont dit les policiers. Il faudrait que le poste de la Pallanterie fonctionne 24h/24h, car cette ouverture offrirait une véritable sécurité pour les gens de la région.

L'institution doit défendre une image - vous êtes d'accord avec moi, je pense ! Elle est au service de la population, elle doit répondre à ses besoins. C'est pourquoi le département nous avait annoncé qu'il essaierait de reconsidérer la demande des habitants d'Arve-Lac.

J'espère, Monsieur Moutinot, que vous pourrez suivre la politique promise, et c'est pourquoi je vous propose, Mesdames et Messieurs, de renvoyer au Conseil d'Etat la pétition 1518 (Applaudissements.)

M. Sébastien Brunny (MCG). Comme nous pouvons le constater, la fermeture d'un poste de police suscite immanquablement une vive polémique. Nous tous voulons, Mesdames et Messieurs les députés, une police à l'écoute de ses citoyens et de ses citoyennes, une police proche de sa population, une police résolvant les problèmes de ses résidents. Malheureusement, la réalité est toute autre. Et nous avons tous une part de responsabilité dans cette situation délétère.

En effet, actuellement, nous avons le même nombre de gendarmes qu'en 1975, soit 750 unités pour une population qui a pratiquement doublé, allant de pair avec des problèmes inhérents à son expansion. De plus, les dérives de notre société ont fait que le nombre d'interventions de la police est exponentiel, et cela depuis plusieurs années, pour atteindre le chiffre faramineux de 59 000 réquisitions pour l'année 2004. Le constat est simple: faire beaucoup plus, avec moins. Telle est la devise dans notre société dite libérale.

Malgré ce constat affligeant, nous pouvons changer cet état de fait en renvoyant ces pétitions au Conseil d'Etat et en tenant compte des recommandations mentionnées dans le rapport.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure à l'un de vos collègues, il m'eût paru préférable que l'un de vos collègues non policier prenne la parole sur ce sujet. Ce n'est pas un cas de l'article 24 - une fois de plus - mais c'est un de ces cas où l'on est plus crédible lorsque l'on ne semble pas prêcher pour sa paroisse. La parole est à M. le député Roger Golay, avec la même remarque.

M. Roger Golay (MCG). Je tiens à féliciter la commission pour son excellent travail. Il est vrai que les invites au Conseil d'Etat sont bien ciblées, ce sont des faits concrets. Simplement, je souhaite que ces invites au Conseil d'Etat n'aient pas le même sort que la motion 1296 déposée il y a quelques années, ainsi que la motion 1588 - déposée en même temps que la LPol - qui relevait plus ou moins les mêmes problèmes au sein de la police et dont aucun résultat n'a été depuis communiqué au parlement.

Le président. Le Bureau propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. Catelain, Kunz, Velasco, Luscher et M. le conseiller d'Etat Moutinot.

M. Gilbert Catelain (UDC). Quelques mots sur ces deux pétitions qui sont effectivement le reflet des craintes de la population, dans ce qu'elle vit, dans sa chair et dans sa tête. Une partie peut être due aux sentiments, mais il ne s'agit pas que de cela. A partir du moment où un nombre aussi important de gens manifestent leur mécontentement, nous sommes obligés de le prendre en considération.

Je tiens à féliciter le rapporteur pour l'importance du travail qu'il a réalisé, avec un nombre de données statistiques pertinentes et tout à fait intéressantes, et que nous pourrons réutiliser dans d'autres débats.

Je tiens à signaler à ce parlement qu'il faut que l'un ou l'autre soit touché par un cambriolage dans sa commune, ou qu'une pétition arrive au Grand Conseil, pour que l'on prenne le temps pendant une heure de parler de problèmes de sécurité, de ce que les gens vivent au quotidien.

On ne l'avait fait que dans le cadre du débat sur la loi sur la police, et encore partiellement car le débat était biaisé. Il y a quatre ans, mon collègue Georges Letellier avait été l'initiateur d'un projet de loi pour créer une commission de la sécurité traitant de cette problématique. A l'époque, on nous a dit que la commission judiciaire s'en occupait et, finalement, la commission judiciaire n'a pas du tout le temps de traiter de ces problèmes de sécurité qui sont tout aussi importants que les problèmes d'instruction publique ou d'économie. Il faudrait qu'une commission puisse traiter ces problèmes à part entière, et je trouve dommage que cette tâche soit revenue à la seule commission des pétitions.

Nous soutiendrons la décision de la majorité de la commission. Je doute que le Conseil d'Etat ait les moyens de donner satisfaction aux pétitionnaires, bien que le bilan soit là et qu'il y ait des manquements. Les solutions ne sont pas innombrables. On doit tout faire pour améliorer la situation, notamment par de meilleures synergies entre les services et les polices municipales.

Je vous rappelle que le chef de la police avait déjà abordé cette question en disant qu'une police de proximité nécessitait un doublement des effectifs de la police genevoise. Nous devrons repenser les priorités et les fonctions de notre police qui devra peut-être se concentrer davantage sur des tâches plus répressives. Pour le reste, je rends attentif ce parlement au fait que la situation ne devrait pas évoluer favorablement ces prochaines années. Il suffit de constater ce qu'il se passe depuis les premières semaines de cette année en matière de cambriolage et de criminalité, pour dire que, finalement, les inquiétudes des pétitionnaires sont justifiées et qu'elles le seront encore demain. Nous avons du pain sur la planche.

M. Pierre Kunz (R). Je crains fort que généralement - dans cette enceinte, et même les policiers qui se sont exprimés - nous ayons une vision un peu passéiste de l'organisation d'une police moderne. L'avenir de la police et de la sécurité n'est certainement pas de fourguer les policiers dans les postes de police et de les couvrir de travaux administratifs, comme c'est le cas actuellement. L'avenir de la police et de la sécurité est dans une mobilité renforcée, dans une visibilité plus grande et dans des moyens de communication plus performants entre les policiers qui sont sur le terrain, notamment ceux qui se trouvent dans leur voiture.

Il se trouve aussi probablement dans un changement culturel, car on peut se demander s'il est toujours intelligent d'avoir deux policiers par voiture alors qu'ils seraient doublement présents s'ils n'étaient qu'un par véhicule... (Remarques.) ...avec des moyens d'intervention modernes, comme par exemple ceux qui leur permettraient de se rendre à plusieurs voitures dans un lieu qui requiert leur présence et leur action.

Mesdames et Messieurs, j'entends des ricanements...

Le président. Ceux que la sécurité n'intéresse pas peuvent aller boire un verre.

M. Pierre Kunz. J'entends des ricanements car certains ont de la peine à imaginer leur vie et la vie de leurs concitoyens autrement que comme celle dans laquelle ils ont toujours baigné. Mais il y a des moments où il faut changer. Et le moment est venu pour la police de changer, comme cela s'est fait dans d'autres pays qui, en matière de sécurité, ont des problèmes autrement plus importants que les nôtres.

La population veut voir sa police intervenir et réagir rapidement lorsque c'est nécessaire. Elle ne demande pas qu'il y ait des endroits où il est écrit «Poste de police de Blandonnex, Vandoeuvres, Carouge ou les Pâquis»; elle veut que les policiers soient là où la population en a besoin. Peut-être que ce sera l'occasion pour le Conseil d'Etat de réfléchir à ces options, indépendamment de celles qui figurent dans les deux pétitions que les radicaux sont, bien entendu, d'accord de renvoyer au Conseil d'Etat.

M. Alberto Velasco (S). Je constate que des groupes tiennent un discours à la commission des finances puis - je l'avais déjà dit dans d'autres domaines - changent de discours quand il s'agit ensuite de parler de ces prestations parce que la population nous écoute... J'ai été effaré d'entendre M. Catelain dire qu'il fallait augmenter les effectifs de la police. Je suis d'accord avec lui, mais, contrairement à lui, je vote le budget. Je vote des éléments financiers pour que le Conseil d'Etat puisse répondre à ces recommandations. Tandis que vous, le groupe UDC, ce que vous faites, c'est voter des coupes et vous demandez en même temps d'augmenter les effectifs de la police. C'est une équation vraiment difficile que vous nous proposez. (Remarques.) Oui, il y a une possibilité, c'est une police bénévole...

Dans des villes comme Barcelone - que j'ai visitée dernièrement - ou Paris, la police circule de plus en plus à deux dans la rue et cela donne une impression de sécurité au citoyen. Malheureusement, à Genève, cela ne se voit pas - dans le quartier de Plainpalais, par exemple, on voit très peu la police circuler. Peut-être que dans d'autres quartiers c'est le cas, mais à Plainpalais c'est vraiment rare et c'est dommage.

Chaque fois que je me rends dans un poste de police avec des collègues de la commission des visiteurs, à minuit, ou même l'après-midi, ces postes sont fermés et nous devons parfois attendre dix à quinze minutes, voire une demi-heure, pour que la police arrive. Et s'ils arrivent si tard, c'est parce qu'ils sont occupés ailleurs. Ces gendarmes nous ont expliqué qu'ils ne pouvaient pas rester dans le poste, car ils ont tellement à faire qu'ils circulent et qu'ils ne viennent au poste que quand on les appelle. Voilà la situation.

Pire encore. Dans ces postes de police, il y a des violons. Et j'ai appris que les gendarmes essaient de ne pas mettre au violon des personnes, car cela les obligerait à rester au poste. Ils sont donc obligés de rapatrier des gens à Cornavin. Je ne sais pas si je me trompe, mais, enfin, ce sont des constats que l'on nous a donnés. Voilà la situation de la police genevoise. C'est grave.

J'espère que l'on pourra augmenter les effectifs et que l'on aura une police de proximité. J'espère aussi que lors de l'élaboration du prochain budget - où l'on aura à augmenter ce nombre de postes - Monsieur Catelain - vous êtes chef de groupe - vous donnerez les consignes à vos commissaires des finances pour qu'ils puissent voter ces augmentations de postes. Je vous attendrai.

M. Christian Luscher (L). Je serai relativement bref, mais j'aimerais me faire le porte-parole d'un malaise que nous avons pu ressentir ce soir lors de deux débats - je le dis sans aucun ressentiment pour aucune des personnes qui se sont exprimées, mais visiblement nous connaissons un certain problème. Lorsque j'entends M. Sidler s'exprimer pour le monopole des SI - c'est-à-dire pour défendre le bout de gras de son employeur - alors que MM. Brunier, Plojoux et Marcet ont eux la délicatesse de ne pas s'exprimer et de ne pas voter sur ce sujet. Quand je vous entends, Monsieur Golay - vous savez que j'ai beaucoup de respect pour vous - et vous Monsieur Brunny - que je connais beaucoup moins - vous exprimer sur des sujets qui touchent directement votre employeur, eh bien, je pense que nous avons un problème et je vous annonce que - sous réserve de consultation de nos groupes respectifs - M. Pascal Pétroz et moi-même allons présenter une modification de l'article 24 de notre loi portant règlement du Grand Conseil pour que nous ne nous trouvions plus confrontés à ce genre de problèmes (Applaudissements.)

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Permettez-moi tout d'abord de relever avec satisfaction que, dans les deux pétitions dont nous parlons, les pétitionnaires manifestent leur attachement à la police genevoise. C'est à relever, car dans un certain nombre de cas, nous recevons des courriers ou des demandes qui comportent des critiques pour l'essentiel infondées. Par conséquent, nous avons là un soutien de la population à l'action de la police, et je m'en réjouis.

Votre commission a élaboré un certain nombre de recommandations et de conclusions qui, pour l'essentiel, me paraissent tout à fait acceptables. Elles vont dans le sens du souhaitable. Il faut bien entendu apporter quelques nuances. Par exemple, quand on dit que l'on doit renforcer la notion de proximité de la police plutôt que celle de la police d'intervention, cela me paraît singulièrement théorique dans la mesure où l'on sait que, l'an dernier, il y a eu 72 000 réquisitions - et non pas 59 000 - à en croire le chef d'état-major.

Vous pouvez difficilement imaginer que l'on réponde au citoyen qui téléphone: «On est désolé, mais nous avons privilégié la proximité, on ne peut donc pas vous répondre tout de suite.» Mais c'est déjà ce que l'on doit faire, car toutes les réquisitions trouvent réponse - évidemment, dans un délai qui varie en fonction de l'urgence de la demande. Les violences contre des personnes sont traitées en priorité, et, pour d'autres choses au demeurant désagréables telles que le bruit, cela vient en dernier lieu des disponibilités. Opposer la police de proximité et la police d'intervention n'est pas si exact ni si simple.

La question de l'ouverture des postes de police, de leur nombre et de leur localisation pose un problème de même nature. L'existence d'un poste de police ouvert, et de surcroît 24h/24h, contribue sans doute à renforcer le sentiment de sécurité de la population, car elle voit une vitrine allumée, des gendarmes à l'intérieur, et elle se dit qu'elle peut s'y précipiter si besoin est. Mais il faut savoir que la gestion d'un poste ouvert 24h/24h nécessite forcément un personnel important et ce personnel ne peut dès lors pas être employé à d'autres tâches, telles que de patrouiller à pied, en voiture, de répondre à des réquisitions, de faire du travail d'îlotage ou que sais-je encore.

Il y a un équilibre à trouver entre l'importance du sentiment de sécurité que peut procurer le fait d'avoir plus de postes ouverts, et plus longtemps, et la réalité des effectifs de la police genevoise. Comme toujours dans ce genre de débat, nous sommes tous favorables à l'idéal, mais le prix à payer pour cet idéal est plus compliqué. Il faudra bien entendu trouver l'équilibre qui nous permette de nous rapprocher de l'idéal dans des conditions de dépenses supportables pour les finances de la République.

Il est demandé dans les conclusions et recommandations que l'on précise le concept de police de proximité. Cela sera fait dans la réponse qui devrait vous parvenir dans des délais rapides. Je vous remercie pour ce débat sur la police genevoise qui a été - j'allais dire «pour une fois», mais je me retiendrai - serein.

Le président. Nous sommes saisis de deux pétitions. La commission propose de renvoyer au Conseil d'Etat la pétition 1466. Mme Hagmann a proposé de la déposer sur le bureau du Grand Conseil. Je vais donc mettre aux voix ces deux propositions. Avec une majorité de oui, cette pétition sera renvoyée au Conseil d'Etat. Avec une majorité de non, elle sera déposée sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1466 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 63 oui contre 9 non et 5 abstentions.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 1518 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 76 oui et 2 abstentions.

P 1528-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition en faveur de la famille H., originaire de Bosnie, frappée d'une mesure de renvoi
Rapport de Mme Ariane Wisard-Blum (Ve)
P 1529-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition pour trois enfants (pour les enfants et les parents H.)
Rapport de Mme Ariane Wisard-Blum (Ve)

Débat

Le président. Monsieur le président du département, je vous donnerai la parole après Mme Künzler.

Mme Michèle Künzler (Ve). Concernant le point précédent, nous n'avons pas pu intervenir sur la mise en cause de mon collègue et d'autres collègues ici présents. Je sais que vous partagez le même point de vue sur l'article 24. Je pense que la loi doit être appliquée dans ce qu'elle est, dans sa teneur actuelle.

La plupart des gens sont impliqués dans leur profession, que ce soient les avocats, les policiers, les hôteliers - on a entendu de tout ce soir. Si vous voulez modifier la loi, faites-le ! Ensuite, on appliquera une autre procédure. Mais, maintenant, on doit appliquer l'article 24 tel qu'il est formulé, et mon collègue n'a aucun intérêt personnel. On ne peut pas dire, quand on est employé d'une entreprise et en tout cas pas à l'échelon de la direction, qu'on a un intérêt personnel dans une entreprise. Votre analyse est simplement à côté de la plaque, et je demande que l'on règle cette question en commission, car cela n'a rien à faire ici et je ne tiens pas à ce que l'on prolonge les débats sur ce sujet.

Le président. Le débat sur l'article 24 sera traité à l'occasion d'un projet de loi déposé. Mais les sensibilités sur ce sujet peuvent s'exprimer en attendant; cela arrive à peu près à chaque séance, dans un sens ou dans un autre, et c'est arrivé ce soir comme à d'autres occasions.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les deux pétitions qui vous occupent maintenant posent des problèmes qui me paraissent un peu délicats à exposer comme cela en plénière. Votre commission a pris des positions sur un dossier où il y a un certain nombre d'éléments désagréables, notamment les recours à répétition.

Mais, j'ai aujourd'hui, de la part de l'office cantonal de la population, un message d'inquiétude, en raison de la santé de certaines de ces personnes. Je pense qu'on ne peut pas faire un tel débat en plénière et je vous demanderai de bien vouloir retourner ce dossier en commission. Vous connaissez toutes et tous la qualité du responsable des renvois à l'office cantonal de la population qui fait preuve de fermeté et de rigueur lorsque cela est nécessaire, et qui a aussi le doigté de voir les situations où une humanité doit commander d'autres solutions. Il m'a fait parvenir une note dont je ne veux pas débattre maintenant, compte tenu de ce qu'elle rapporte, mais je vous invite à renvoyer ce dossier en commission de manière que la situation puisse être appréhendée dans sa totalité et telle qu'elle est aujourd'hui après cette note.

Le président. Monsieur Stauffer, uniquement sur le renvoi en commission.

M. Eric Stauffer (MCG). Comme Mme Künzler, j'ai une remarque à faire. M. le conseiller d'Etat Moutinot m'a demandé de justifier mes propos sur Mme Spoerri. Je vais remettre une série de documents à M. Moutinot... (Exclamations.)

Le président. Vous le ferez en commission, Monsieur le député.

M. Eric Stauffer. Je sais, mais vous ne me donnez pas la parole.

Le président. Monsieur le député, je vous demande de respecter le fonctionnement normal de ces séances plénières, je vous prie de réserver à la commission les communications que M. Moutinot vous a demandé de lui faire. Et, quand ce dossier reviendra de commission, nous écouterons tout ce qu'il y a à en dire. Nous ne rouvrons pas le débat maintenant.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur les pétitions 1528 et 1529 à la commission judiciaire est adopté par 65 oui contre 1 non.

Le président. Nous nous arrêtons là. Je vous souhaite un bon week-end et me réjouis de vous retrouver le mois prochain.

La séance est levée à 22h50.