République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9488-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement de 2'250'000F pour la mise en conformité de la stérilisation à la section de médecine dentaire permettant d'assurer un haut niveau de stérilisation des dispositifs médicaux réutilisables et le respect de l'Ordonnance fédérale sur la prévention de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
Rapport de majorité de M. Antoine Droin (S)
Rapport de minorité de M. Pierre Kunz (R)

Premier débat

M. Antoine Droin (S), rapporteur de majorité. Suite à l'Ordonnance fédérale de 2002, la clinique dentaire doit renouveler son système de stérilisation pour lutter contre la maladie de Creutzfeldt-Jakob, avec un délai imparti au 1er janvier de cette année 2005.

Pour renouveler le système de stérilisation, il faut aussi - c'est important - adapter les locaux, parce que les appareils ne seront pas conformes à leur configuration actuelle.

Lors de l'étude du budget 2005, un crédit d'investissement de 750 000 F avait été inscrit... En effet, la commission des finances, après discussion et amendement, était arrivée à ce compromis.

Concernant la maladie elle-même, nous relevons qu'il n'y a eu que deux cas de cette maladie en Suisse et, donc, deux décès, l'un à Zurich, l'autre à Genève. Mais il faut aussi constater que de nombreux cas de ce type ont été recensés en Angleterre. Le risque existe donc bel et bien, et, pour le prévenir, il faut renouveler l'outillage dentaire, pour qu'il puisse être stérilisé conformément aux normes, puisque c'est la seule technique testée et reconnue pour pouvoir lutter efficacement contre cette maladie.

Une étude sur les amygdales faite en Suisse montre que 5 à 10% des personnes en bonne santé sont porteuses de prions. Et il est impossible de dire aujourd'hui si ces personnes porteuses de prions développeront un jour la maladie, car la période d'incubation est de dix à quinze ans.

La vraie question qui est soulevée au travers de ce projet de loi est celle du risque à courir, et c'est sur ce point que nous avons divergé en commission. Il faut savoir que ce sont les institutions médicales qui devront assurer le risque si, par hasard, un décès devait survenir, car 100% des cas sont mortels.

La minorité - les libéraux et les radicaux - estime que le risque de contamination est trop faible au regard de la somme à investir... Pour la majorité, la longue période d'incubation de la maladie de Creutzfeldt-Jakob ne permet pas de présager les répercussions que pourrait engendrer le non-respect de l'Ordonnance fédérale sur la prévention de cette maladie.

Il s'agit donc bien de prévenir une maladie mortelle, et la majorité vous recommande d'accepter ce projet de loi. Nous vous en «prions», sans vouloir faire un jeu de mots de mauvais goût... Je vous invite à adopter le rapport de majorité.

M. Pierre Kunz (R), rapporteur de minorité. S'agissant du remplacement d'un accélérateur linéaire à haute énergie du Service d'oncologie des HUG, en décembre dernier, notre collègue M. Brunier affirmait, je cite: «Les experts ont dit que cet appareil est nécessaire... Il faut donc l'acheter !»...

Je vais essayer, à l'occasion du traitement du projet de loi 9488, de montrer à M. Brunier - à vous tous - qu'une telle confiance dans les experts est peu raisonnable...

Il convient en effet de le rappeler ici: quand le monde politique demande l'avis des experts, ceux-ci sont invités à faire travailler leurs méninges, leur intelligence... Mais le monde politique, sur la base de ces avis intelligents et des rapports, peut toujours décider de manière raisonnable !

D'ailleurs, le président du département de l'instruction publique, qui est concerné par ce projet de loi 9488, comme vous l'aurez tous constaté, est beaucoup plus prudent que M. Brunier, s'agissant des experts... Et, à mon avis, il a bien raison ! Il n'a pas hésité, en octobre dernier, constatant justement la faillibilité de ces experts, à retirer un projet de loi concernant un crédit d'investissement peu raisonnable demandé par l'Université.

Le directeur des HUG est, lui aussi, beaucoup plus méfiant... C'est ainsi qu'en septembre dernier, il indiquait dans une interview qu'il fallait utiliser plus intensivement les équipements que l'on achète... Par exemple, pour en revenir à un projet de loi qui nous a occupés et sur lequel nous n'étions pas d'accord - en tout cas, moi - en faisant des radios le soir ou la nuit... M. Gruson dixit !

Alors, venons-en à ce projet de loi 9488... Que demande-t-il ? Au prétexte d'une ordonnance fédérale, il nous demande de voter un investissement de 2,25 millions et d'accepter un accroissement des frais de fonctionnement de la section de médecine dentaire de 5 à 700 000 F par an - c'est une fourchette ! Et la justification de ces dépenses, selon les experts, réside dans, je cite: «...les mesures à prendre pour prévenir les risques de propagation de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, grâce à une amélioration importante des instruments et des techniques de stérilisation de la section de médecine dentaire.»...

Mesdames et Messieurs, quels sont les risques réels de transmission - je dis bien «réels» - de la maladie de Creutzfeldt-Jakob au sein de la section de médecine dentaire ? Le rapporteur de minorité qui, comme vous le savez depuis un instant, se méfie des experts en général et de ceux qui ont été auditionnés par la commission, s'est adressé à l'épidémiologiste cantonal.

Pour ceux qui n'auraient pas lu le rapport de minorité, je livre la réponse qui lui a été donnée. Je cite: «Il existe deux formes de maladie de Creutzfeldt-Jakob qui est une maladie neurologique dégénérative irrémédiable.

La version classique, dont on ne sait pas grand-chose, notamment pas comment les sujets la contractent. Les spécialistes pensent - écoutez bien ! - que des prédispositions génétiques pourraient expliquer le développement de la maladie dont la probabilité est de un cas par million d'habitants.

La deuxième forme - la plus intéressante - dite du prion, est celle récemment mise en évidence par l'épidémie de la vache folle. Les spécialistes n'ont pas, jusqu'à ce jour - écoutez bien aussi, Mesdames et Messieurs - dépisté en Suisse un seul cas de patient qui aurait contracté la maladie suite à l'épidémie susmentionnée. Il est probable, selon ces spécialistes, que l'on n'en découvrira jamais, d'une part parce qu'il n'existe aucun lien scientifique prouvé entre l'épidémie animale et la maladie et, d'autre part parce que l'épidémie est en très forte régression partout, même en Grande Bretagne.»

De surcroît, il faut relever que la très large majorité des patients - et c'est tout de même assez amusant, si je puis dire - ne se fait pas soigner à Genève à la section de médecine dentaire mais par des dentistes privés, qui, eux, ne sont pas tenus d'améliorer leur technique de stérilisation !

De ce que je viens de rappeler, il ressort clairement que la demande de crédit en question repose moins sur les risques de contagion de la maladie de Creutzfeldt-Jakob que sur l'ambition de certains de profiter d'un principe devenu aussi fumeux qu'il est fameux - je veux parler ici, bien entendu, du principe de précaution - pour améliorer la capacité générale ainsi que la qualité des méthodes de stérilisation de l'unité. Si l'ambition est louable, la minorité pense que la manière proposée dans ce projet pour la concrétiser n'est pas adéquate.

Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à refuser d'entrer en matière sur le projet de loi 9488 et à exiger du Conseil d'Etat qu'il réponde, dans un nouveau texte, aux questions de base suivantes:

1) Quelles sont les exigences techniques exactes formulées dans l'Ordonnance fédérale en question à l'égard de la SMD ?

2) Est-il possible de répondre précisément aux exigences de cette ordonnance au moyen d'un investissement moins lourd et à quel prix ?

3) L'amélioration qualitative importante des méthodes de stérilisation de la SMD, recherchée par le projet de loi 9488, constitue-t-elle une priorité et pourquoi ?

Merci de votre attention.

Mis aux voix, le projet de loi 9488 est rejeté en premier débat par 44 non contre 41 oui.