République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 novembre 2005 à 17h
56e législature - 1re année - 1re session - 2e séance
PL 9441-A
Premier débat
Le président. Madame le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC), rapporteuse de majorité. Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, la commission a travaillé de manière extrêmement approfondie sur ce projet de loi qui touche un domaine très important à Genève: l'économie et les milieux concernés par le tourisme.
Monsieur le président, les auditions des milieux concernés par le tourisme ont permis... (Brouhaha.) ...à tous ces professionnels du tourisme d'exprimer leur désir de rendre Genève encore plus attractive, plus accueillante, afin que le prestige culturel qu'on lui connaît... (Brouhaha.)
Le président. Excusez-moi, Madame le rapporteur ! Mesdames et Messieurs les députés, la parole est à Mme le rapporteur ! Ceux qui ont des choses à se dire sont priés d'aller le faire ailleurs ! Je répète: ceux qui ont des choses à se dire en aparté sont priés d'aller le faire ailleurs ! Je vous remercie. Madame, vous avez la parole.
Mme Anne-Marie von Arx-Vernon. Merci, Monsieur le président ! Je relevais la place qui a été donnée, dans les travaux de la commission, à l'audition des milieux concernés par le tourisme et les milieux économiques genevois, notamment les commerçants. J'insiste sur le fait que toutes les personnes auditionnées ont souligné l'importance d'une taxe de tourisme adaptée aux réalités et ont appelé de leurs voeux une plus grande simplicité dans les procédures.
Ce projet de loi apporte ces simplifications et s'attache en particulier à assurer un financement durable de la promotion du tourisme, tout en respectant une meilleure équité de perception entre les secteurs économiques concernés.
La commission, dans sa grande majorité, vous invite à accepter ce projet de loi.
Le président. Merci, Madame le rapporteur de majorité. Monsieur Pierre Kunz, vous êtes le rapporteur de minorité. Avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport de minorité n'a pas pour but - exceptionnellement - de vous demander de rejeter le projet de loi qui vous est soumis ce soir... Il aimerait simplement attirer votre attention sur deux ou trois points.
Tout d'abord, c'est sur la base d'un projet de loi qui a été déposé par des représentants de tous les partis de la majorité de la législature précédente que des discussions ont été entamées sur le fonctionnement ou, plutôt, sur la portée et la manière dont a été organisé le financement du tourisme à Genève.
Les auteurs de ce projet de loi - qui l'ont retiré depuis lors - sont satisfaits puisque trois ou, plutôt, deux des trois taxes dont ils proposaient l'abrogation, parce qu'elles étaient désuètes, parce qu'elles ne répondaient pas aux attentes en termes de rentrées fiscales, parce qu'elles comportaient un certain nombre de défauts de perception, ont été abrogées par la commission. Et nous en sommes ravis !
Toutefois, ce rapport voudrait attirer votre attention sur le fait que, contrairement à ce que désiraient les auteurs du projet de loi, non seulement la dernière des taxes, c'est-à-dire la taxe dite «d'encouragement au tourisme» n'a pas été abrogée, mais son assiette a encore été élargie ! On peut donc se demander - c'est ce que je fais - si c'est véritablement la bonne solution que de taxer encore davantage des petits commerçants, des personnes qui n'ont rien à voir avec le tourisme sous prétexte de financer, par l'intermédiaire d'un Etat qui n'est qu'un intermédiaire percepteur, un développement touristique que personne ne remet en question ! Pourtant, le but des auteurs du projet de loi de l'époque était d'envisager de substituer à cette taxe inéquitable pour le petit commerce une subvention cantonale.
Vous allez probablement être étonnés que le radical Kunz propose une subvention cantonale... Eh bien, oui, Mesdames et Messieurs, parce qu'il faut se rendre compte que l'Etat, chaque année, depuis des dizaines d'années, investit des millions, des dizaines de millions dans le tourisme ! Or, à l'heure actuelle, il ne joue qu'un rôle - je le répète - d'intermédiaire percepteur, qui consiste à prélever la taxe d'encouragement au tourisme et à la reverser à la Fondation pour le tourisme. Par contre, son rôle de moteur de définition de la stratégie touristique à Genève est véritablement réduit à la portion congrue, même si - même si - le président du département de l'économie siège dans la Fondation pour le tourisme.
Alors, voilà: un jour ou l'autre, Mesdames et Messieurs, il faudra bien en arriver à la conclusion que le tourisme est une affaire bien trop importante pour notre canton en termes de participation au produit intérieur brut du canton pour que l'on traite son financement de cette manière. Je pense même que, à l'heure actuelle, l'aide publique ou l'aide, toute simple, au développement touristique est insuffisante et que nous devrons un jour trouver d'autres solutions, parce que, stratégiquement, c'est une affaire qui - j'insiste - est bien trop grave pour la laisser hors du contrôle de l'Etat alors que celui-ci investit, par le biais de Palexpo, de l'aéroport, des balisages publics, des infrastructures générales, des centaines de millions dans cette industrie qui vaut la peine d'être soutenue.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je signale qu'un deuxième rapport de minorité a été présenté par Mme Salika Wenger... Y a-t-il un volontaire pour le reprendre ? (Exclamations.) Il n'y en a pas ! Monsieur le député Jean-Michel Gros, je vous donne la parole.
M. Jean-Michel Gros (L). Ce projet de loi du Conseil d'Etat représente une synthèse de trois projets de lois présentés tant par la droite que par la gauche. Si, par la force des choses, il ne satisfait pas entièrement les divers auteurs de ces projets de lois, il tient tout de même largement compte des idées émises. Il a le mérite, et ce n'est pas le moindre, d'avoir suscité des réactions, si ce n'est enthousiastes, en tout cas compréhensives de la part de tous les milieux concernés, en particulier, les hôteliers et les commerçants.
Aux yeux du groupe libéral, le principal avantage de ce projet de loi est d'avoir simplifié la perception des diverses taxes. Premièrement, il supprime la taxe additionnelle: taxe injuste par dessus tout, car il s'agissait d'un impôt sur l'impôt, et cette mesure a fait l'unanimité en commission.
Deuxièmement, il supprime aussi la taxe fournisseurs. Vous le savez, il s'agit du pourcentage qu'il faut ajouter aux factures des fournisseurs des hôteliers et des commerçants. Cette taxe était tout à fait incompréhensible, surtout pour les fournisseurs des autres cantons dans lesquels cette taxe n'existe pas. Elle a été supprimée également, et c'est tant mieux ! J'ajoute qu'elle était totalement incontrôlable par l'administration fiscale, dans la mesure où il n'était pas question de nommer dix contrôleurs supplémentaires pour effectuer cette tâche.
Troisièmement, il simplifie le calcul de la taxe d'encouragement au tourisme, qui fixe notamment comme critère la rentabilité des affaires et qui ne fait que pondérer le taux en fonction du nombre d'employés. Nous espérons que le règlement, Monsieur le conseiller d'Etat, sera aussi simplifié s'agissant du critère géographique. C'est le sujet qui fâche, nous le savons, et nous espérons que le Conseil d'Etat s'attellera à cette tâche.
Quatrièmement, la taxe de séjour, par nuitée payée par le touriste, a été quelque peu augmentée. Cette taxe, Mesdames et Messieurs les députés, reste toutefois modeste, puisqu'elle ne peut dépasser 6 F pour un cinq étoiles. Vous admettrez que ce n'est pas énorme de payer 6 F quand on peut payer 700 F pour une nuit. En tout cas, cela semble tout à fait acceptable au groupe libéral.
Enfin, il fallait bien compenser les pertes, pour Genève Tourisme, engendrées par la suppression de certaines taxes. Il est donc proposé que les hôteliers payent une taxe directement. De simples percepteurs, c'est-à-dire du touriste jusqu'à l'administration fiscale, ils se transformeraient en contribuables, par le biais d'un forfait par lit et par catégorie. Un cinq étoiles payerait - je ne me rappelle plus exactement des chiffres - à peu près 140 F par lit et par année...
Une voix. De 130 à 180 F !
M. Jean-Michel Gros. ...de 130 à 180 F, me dit-on, par lit et par année à l'administration fiscale. C'est le gros avantage que présente cette loi, puisque cette taxe permettrait de financer la promotion de Genève Tourisme à l'étranger, alors que la taxe par nuitée ne le permet pas actuellement, constitutionnellement. Elle ne peut que favoriser le tourisme à l'intérieur du canton.
Le budget de Genève Tourisme serait ainsi maintenu, tout en simplifiant les modes de perception et en facilitant les contrôles.
Le groupe libéral acceptera donc ce projet de loi de compromis, sans grand enthousiasme mais conscient qu'un plus petit dénominateur commun a été trouvé.
M. Kunz a une autre idée, certes plus simple: seule la taxe de séjour serait maintenue, le reste étant financé par le budget ordinaire de l'Etat... Il considère en effet que la promotion du tourisme fait partie des conditions-cadre que l'Etat se doit de mettre en place.
Nous devons l'avouer, nous sommes sensibles à cet argument. Il n'a pas totalement tort, dans le fond. Mais il paraît délicat - et c'est un euphémisme de le dire - dans la situation financière actuelle, de demander comme cela une somme de 5 à 6 millions à cet effet, lors de nos prochains débats budgétaires. M. Kunz l'avait tout à fait admis en commission, et je vois à son sourire qu'il l'admet encore aujourd'hui...
C'est pourquoi, dans un souci de réalisme, les libéraux se rallient aux conclusions de la majorité de la commission de l'économie, et vous demandent de voter ce projet de loi.
M. Alain Charbonnier (S). Le projet de loi déposé à l'époque par les socialistes prévoyait en fait que les petites entreprises gérant moins de quatre employés soient exonérées de cette taxe. Les travaux de commission ont englobé les différents projets de lois qui avaient été déposés sur ce sujet et ont abouti à ce projet de loi qui en est la synthèse.
La loi que l'on nous propose de voter ce soir pose tout de même quelques problèmes que nous devons relever. Tout d'abord, nous avions demandé en commission que Genève Tourisme, qui touche tout de même environ 11 millions par année, en comptant les différentes taxes, pour gérer le tourisme à Genève et le promouvoir à l'extérieur, soit contrôlé par l'Inspectorat cantonal des finances. Genève Tourisme étant une association privée, elle ne peut pas être contrôlée, même si c'est elle qui touche l'argent. Seule la Fondation pour le tourisme peut être contrôlée. Nous avions donc proposé que l'ICF ait la possibilité de contrôler les comptes de Genève Tourisme, mais cela nous a été refusé en commission, évidemment par la droite...
Ensuite, le parti libéral - M. Gros a oublié de le signaler - a proposé l'augmentation des barèmes pour les établissements hôteliers, y compris pour les petits établissements... Nous avons essayé de combattre cette mesure en commission, mais, là encore, la droite est restée imperturbable. Donc, les hôtels de une et deux étoiles, qui sont déjà peu nombreux sur notre territoire, devront aussi mettre la main à la pâte pour financer la promotion du tourisme à l'extérieur de la Suisse, ce que nous trouvons un peu fort de café.
Par ailleurs, et je crois que c'est le principal point d'achoppement que nous avons eu lors des travaux de la commission, ce projet prévoit la suppression de la taxe fournisseurs. M. Gros a dit tout à l'heure qu'il était extrêmement difficile de percevoir cette taxe... C'est vrai, on ne peut pas dire qu'elle rapporte énormément. Toutefois, elle rapporte près de 700 000 F pour un poste et demi, me semble-t-il, prévu pour cette tâche. Je voudrais quand même rappeler que cette taxe touche les fournisseurs d'hôtels, qui sont en général de grosses entreprises: des boulangeries, des pâtisseries - je ne voudrais pas faire allusion au président de la commission de l'économie qui s'est permis de voter sur ce projet de loi, d'où nos questions sur l'éthique de certains députés... (L'orateur est interpellé par M. Barrillier.) Que vendait-il ? Je vous laisse l'imaginer, Monsieur Barrillier ! Et à qui ? Je vous laisse l'imaginer aussi ! De plus, cette entreprise n'étant pas située dans la zone où s'applique la taxe sur le tourisme, elle se trouvera complètement exemptée de cette taxe avec le projet de loi que vous allez voter ce soir.
Par contre, nous avons procédé à des auditions, au cours des travaux de commission, de petits entrepreneurs, comme un boulanger du Petit-Saconnex qui, malheureusement pour lui, est situé dans la zone taxable, zone d'ailleurs plus ou moins aléatoire selon les périodes. A cet égard, nous aimerions un peu de transparence à ce niveau... Et, du reste, notre projet de loi demandait la transparence quant à ces zones de taxation du tourisme. Quoi qu'il en soit, le pauvre boulanger du Petit-Saconnex, lui, est touché, y compris avec la loi actuelle. Il doit payer une taxe sur le tourisme parce qu'il se trouve au Petit-Saconnex, et d'autres, qui dirigent de grandes boulangeries industrielles situées dans des zones industrielles en dehors des zones touristiques, qui ne sont, semble-t-il, que des fournisseurs de grands hôtels, eux, échappent à cette taxe ! Nous émettons donc de grandes réserves sur ce projet de loi.
Mais, heureusement, grâce aux radicaux, entre autres - à notre grande surprise, mais avec satisfaction - nous avons voté l'introduction de la carte Unireso pour les clients des hôtels.
Finalement, le groupe socialiste votera ce projet de loi, en tentant tout de même de faire passer ses amendements: sur le contrôle de Genève Tourisme par l'ICF et le rétablissement de la taxe fournisseurs. Nous pensons en effet que les grosses entreprises du canton, qui ne sont pas touchées par cette taxe parce qu'elles ne se sont pas situées dans les zones touristiques, soient tout de même concernées par la promotion du tourisme. Et le département des finances doit s'arranger pour que l'efficience de la perception de cette taxe s'améliore.
Le président. Merci, Monsieur le député. Mesdames et Messieurs les députés, sont inscrits pour le débat d'entrée en matière: M. Deneys, M. Bavarel, M. Catelain, M. Brunier, Mme von Arx et le conseiller d'Etat Lamprecht. La liste est close, donc, pour le débat d'entrée en matière.
Fin du débat: Session 01 (novembre 2005) - Séance 3 du 04.11.2005