République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 4 novembre 2005 à 17h
56e législature - 1re année - 1re session - 2e séance
PL 7817-B et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Le rapporteur de majorité est M. Jacques Jeannerat, remplacé par M. Pierre Kunz. Il y a un rapport de minorité de M. Pagani... Est-il remplacé ? Apparemment, pas ! Monsieur le rapporteur de majorité, avez-vous quelque chose à ajouter au rapport de M. Jeannerat ?
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité ad interim. Non, Monsieur le président. Mais, comme pas mal de nos collègues ne peuvent évidemment pas être au courant de cette affaire, j'aimerais juste indiquer que ce projet de loi date de 1998. Et comme, entre-temps, la loi concernée a été modifiée, la modification légale proposée par ce projet de loi est nulle et non avenue. En tout cas, c'est ce que la majorité de la commission a considéré.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est demandée par M. le député Eric Stauffer... M. Stauffer n'étant pas dans la salle, la parole lui est reprise... Monsieur Charbonnier, vous vous êtes matérialisé soudainement comme rapporteur en lieu et place de M. Pagani ? Je vous en remercie. Vous avez la parole. (Rires.)
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je constate que vous n'écoutez pas encore très bien ce que nous disons lors de nos séances de chefs de groupe ! Mais ça ne m'étonne qu'à moitié... Lundi, j'ai en effet annoncé que je reprendrai les rapports de minorité de M. Pagani sur ces deux objets... (Exclamations.) Je vous prierai donc d'être davantage attentif à ce qui se passe en séance de chefs de groupe...
Le président. Monsieur le député ! Monsieur le rapporteur ! J'ai demandé il y a cinq minutes que les rapporteurs veuillent bien s'annoncer... Vous ne vous êtes pas matérialisé. J'en ai pris acte. Mais je vous donne bien volontiers maintenant le statut que vous revendiquez de rapporteur de minorité, et je vous donne la parole.
M. Alain Charbonnier. Je l'ai fait quatre jours trop tôt, et je m'en excuse, Monsieur le président !
Je pense que ces deux projets de lois - puisque nous traitons les points 35 et 36 ensemble - méritent tout de même un peu plus d'explications qu'il n'y en a dans les rapports que je qualifierai de «croupion» de M. Jeannerat ! Et je vais essayer de vous expliquer pourquoi...
A l'origine, l'Alliance de gauche avait déposé le projet de loi 7817 concernant les contrats types de travail, et, plus largement, la protection des travailleurs au moment de l'ouverture des bilatérales I. L'Alliance de gauche voulait ainsi protéger les travailleurs du canton. Malheureusement, ils ont élaboré un projet de loi très maladroit, le plus souvent contraire au droit fédéral, ce qui a été démontré d'entrée par la procédure de consultation ici en plénière, où pratiquement chaque groupe, y compris le nôtre, s'est exprimé clairement contre ce projet de loi. Ensuite, ce projet a donné lieu à de longs travaux en commission au cours desquels différentes personnes ont été auditionnées, dont Me Waeber, spécialiste du droit du travail, qui a apporté beaucoup de corrections à ce projet de loi et qui en a sorti un amendement général.
Malheureusement, le rapport sur ce projet de loi a été traité en plénière en 2000 - si je ne me trompe pas... En 2001: merci, Monsieur Kunz ! La plénière a donc reçu le projet de loi 7817, avec son amendement général qui n'avait pas été traité par la commission. Nous, le groupe socialiste, nous sommes inquiétés de devoir débattre sur cet amendement, ici en plénière, et de le voter sur le siège... Il a donc été proposé - je crois d'ailleurs que c'était Daniel Ducommun, du parti radical, qui l'avait fait - de renvoyer ce projet de loi en commission. Mais, comme nous voulions être sûrs que cet amendement général soit traité - pour nous, c'était très important - nous avions déposé entre-temps, juste avant la plénière, le projet de loi 8512, qui est donc l'amendement général qui avait été proposé par Me Waeber au cours des travaux de la commission de l'économie.
Ces deux projets de lois, le projet de loi 7817 et le projet de loi 8512 ont été traités en plénière et renvoyés en commission. Je tiens d'ailleurs à signaler que M. Jeannerat n'en fait pas état du tout dans son rapport de majorité. Non seulement il n'en fait pas état, mais, en plus, il a fait des copier/coller malheureux qui ajoutent à la confusion. Dans son rapport sur le projet de loi 8512, il parle encore du projet de loi 7817... Enfin, bref, vous pouvez imaginez comment il s'y est pris ! En outre, il a fait un rapport de deux pages pour un projet qui a occupé la commission de l'économie pendant au moins une douzaine de séances !
Et puis, entre-temps - et malheureusement - une nouvelle loi sur l'inspection et les relations du travail...
Le président. Excusez-moi, Monsieur le rapporteur, une seconde ! Mesdames et Messieurs les députés, la parole est à M. Charbonnier, seul ! Ceux qui ont des apartés sont priés de les conduire ailleurs ! Monsieur le rapporteur, veuillez poursuivre !
M. Alain Charbonnier. ...a été votée par notre parlement, ce qui rendait difficile l'adaptation complète du projet de loi 8512. En commission, le département nous a indiqué à plusieurs reprises qu'il n'y avait pas de problème, que tout avait été intégré, mais nous nous sommes aperçus que ce n'était pas le cas... M. Pagani a donc proposé, dans son rapport de minorité que je reprends à mon compte, différents amendements concernant l'Observatoire de l'évolution du marché du travail et la Chambre des relations collectives de travail. Tout cela, dans le but unique de protéger les travailleurs genevois. On peut comparer ces mesures aux mesures d'accompagnement qui ont été votées au niveau fédéral, mais au niveau du canton.
Je vous invite donc à voter dans un premier temps l'entrée en matière, en tout cas pour le projet 8512, et les amendements qui seront proposés tout à l'heure lors du deuxième débat. Je le répète, dans l'optique de l'ouverture du marché du travail à l'Union européenne et la protection des travailleurs de ce canton. Je pense que certains partis qui se sont opposés aux bilatérales feraient bien de lire comme il faut ces amendements: cela pourrait peut-être les intéresser !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la députée Sylvie Leuenberger...
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Sylvia ! Vous avez dit Sylvie, n'est-ce pas ? Ah, excusez-moi, Monsieur le président !
Il est effectivement extrêmement difficile de comprendre le rapport de M. Jeannerat... Comme l'a dit M. Charbonnier, il a quelque peu mélangé les choses. Quoi qu'il en soit, il n'est plus là... (Rires.) ...alors regardons ce qu'il reste de ces deux projets. Ce n'est pas parce que l'AdG n'a pas été réélue que les préoccupations développées par ce parti ne subsistent plus.
En effet, la situation économique ne s'est pas améliorée depuis: la concurrence est extrêmement forte et le taux de chômage a augmenté. Certains secteurs sont tout de même très défavorisés et offrent des emplois très précaires. Et le minimum que nous devons faire, c'est de voter les deux amendements proposés et repris par M. Charbonnier, qui proposent, entre autres, de recenser les conditions de travail usuelles dans le canton et de fixer des salaires minimum pour tous les secteurs.
Le département de l'économie a effectivement déjà pris pas mal de mesures en fonction des bilatérales et des problèmes d'emploi que connaît Genève. Mais je crois qu'il est important d'exprimer notre volonté de nous préoccuper des plus défavorisés et de tenir compte de la crainte de la population par rapport au chômage des jeunes et des moins jeunes: nous ne pouvons pas faire moins que voter ces deux amendements !
Le groupe des Verts vous invite à suivre le rapporteur de minorité.
Le président. Merci, Madame la députée et chère Sylvia ! Je donne la parole à Mme la députée Dolorès Bolay.
Mme Loly Bolay (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, certes la LIRT a été votée, mais son article 19 - il faut le dire - ne va pas assez loin... Il ne va pas assez loin, parce que le nouveau système imposé par les accords bilatéraux prévoit un contrôle a posteriori et non en aval comme c'était le cas avant. Cela est dit dans le rapport de minorité de M. Pagani, qui a été repris par mon collègue Charbonnier.
Et j'aimerais quand même rappeler que le CES... (L'oratrice est interpellée.) Non pas du tout ! ...a fait un rapport en 2000 qui rejoint exactement les préoccupations de M. Pagani exprimées dans son rapport de minorité et les amendements qu'il propose... Je cite le CES: «Par ailleurs, il sera probablement nécessaire d'établir des salaires minimaux applicables à l'ensemble des personnes du personnel de chaque branche en tenant compte des conditions de concurrence et celles appliquées dans d'autres cantons; cela afin d'éviter des distorsions entre ressortissants et non ressortissants de l'Union européenne.»
Mesdames et Messieurs les députés, ce que nous vous demandons, c'est de pouvoir effectuer davantage de contrôles dans le but d'éviter les abus manifestes, comme il y en a déjà depuis quelque temps à Genève. C'est la raison pour laquelle je vous invite à voter les amendements qui se trouvent dans le rapport de minorité.
M. Alain Meylan (L). En préambule, on peut quand même s'interroger fortement d'avoir à voter un projet de loi qui vise à modifier une loi qui n'existe plus ! En ce qui me concerne, sur le plan philosophique, cela me pose un certain nombre de problèmes, et je pense que cela devrait être le cas pour tout le monde dans la mesure où la LIRT a tenu compte des travaux de commission sur les projets de lois en cours. D'ailleurs, un large débat s'est instauré dans notre enceinte à ce sujet, et le Grand Conseil a été amené à prendre des dispositions allant dans le sens des deux projets de lois qui nous sont soumis aujourd'hui.
Pour ce qui est du fond, Mesdames et Messieurs les députés, il y a le droit fédéral et les accords bilatéraux qui sont intervenus entre le dépôt de ces projets de lois et aujourd'hui. Et, heureusement, suite au vote du mois de septembre, le Conseil fédéral va édicter, depuis le 1er janvier, toute une série - quatorze, pour être précis - de mesures d'accompagnement supplémentaires visant à «surveiller», entre guillemets, le marché du travail. Et nous devons avoir toute confiance dans l'efficacité de ces mesures qui sont renforcées.
Une de ces mesures - en tout cas, au niveau des mesures d'accompagnement - donne cette compétence aux commissions tripartites de chaque canton. Et la commission tripartite désignée par la LIRT est le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, qui a, justement, la compétence de surveiller, de prendre des décisions sur le fond en fonction des cas signalés par toute personne, notamment par les partenaires sociaux.
Ce Conseil de surveillance du marché de l'emploi, fort d'avis extérieurs ou selon les circonstances, sera à même de mandater l'observatoire de l'évolution du marché de l'emploi, qui est mentionné notamment dans l'alinéa 1 de l'article 8A, nouveau, du projet de loi. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce que demande cet article 8A, que nous n'allons pas soutenir, c'est de court-circuiter la réelle compétence du Conseil de surveillance du marché de l'emploi, entité tripartite - tripartisme cher à Genève - à savoir la capacité des partenaires sociaux de pouvoir adapter et discuter la pertinence de telle ou telle action.
Certes, à l'époque, M. Pagani, n'était pas présent dans ce Conseil de surveillance du marché de l'emploi, et, peut-être, voulait-il avoir un moyen d'action. Mais, maintenant, il en est membre et ce qu'il demande par rapport à ce projet de loi, c'est que ce conseil n'ait plus son mot à dire sur ce qui va être traité par l'observatoire qui est composé, je vous le rappelle ou je vous l'apprends, de différents services de l'Etat. Il s'agit d'une commission technique qui sera très utile au Conseil de surveillance du marché de l'emploi, mais celui-ci doit rester maître des décisions à prendre au sein de ce conseil tripartite institué par le Droit fédéral.
Mesdames et Messieurs, le parti libéral n'entrera pas en matière sur ce projet de loi, eu égard à tout ce qui a été développé ces dernières années et qui fonctionne bien.
J'ajouterai encore qu'une sous-commission a été créée dans le cadre du Conseil de surveillance du marché de l'emploi: la commission des mesures d'accompagnement, qui peut aussi, en comité restreint, apprécier et tenir compte, précisément, de conditions de travail difficiles, voire intolérables - Mme Leuenberger en a parlé tout à l'heure - et prendre les mesures nécessaires. Par exemple, l'extension d'une convention collective en cas d'abus répétés, voire, même, l'édiction d'un contrat-type de travail. Tout le dispositif est entre nos mains; il est bien contrôlé, il ne demande qu'à être appliqué. Nous sommes au début de sa mise en place, mais je suis persuadé que nous aurons le loisir de constater son efficacité.
Le président. Monsieur le député, je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, M. le rapporteur Charbonnier a rappelé tout à l'heure qu'il avait annoncé et qu'il était convenu avec les chefs de groupe de traiter ensemble les points 35 et 36... Il va de soi que ce sont deux projets de lois distincts qui feront donc l'objet de deux votes distincts. Mais je pense que le débat général qui s'est engagé porte un peu sur les deux. Je vous propose, par conséquent, de conserver en un seul mouvement les deux débats, quitte, si des propositions d'amendement étaient faites, à ce qu'elles soient traitées séparément, bien sûr, au moment des deuxièmes débats de chacun d'entre eux.
Je le signale, la liste des députés inscrits est relativement substantielle: MM. Brunier, Barrillier, Kunz, Charbonnier, Deneys et Mme von Arx-Vernon, ainsi que M. le conseiller d'Etat Lamprecht. Si vous le voulez bien, le Bureau clôt la liste. Nous reprenons avec M. le député Christian Brunier.
M. Christian Brunier (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, d'abord un petit détail... Le projet de loi 8512 n'émane pas de l'Alliance de gauche, mais du parti socialiste...
Je vous dirai la chose suivante. Une grande majorité de ce parlement a défendu et soutenu fortement les bilatérales, le développement d'une vraie politique régionale ainsi qu'une adhésion future de la Suisse à l'Union européenne. Nous avons raison de travailler dans cette dynamique régionale, européenne, parce que les résultats de la Suisse, Mesdames et Messieurs les députés, sont catastrophiques depuis quelques années, pendant que l'Union européenne se construit - certes, difficilement. La Suisse dit qu'elle a raison de rester à l'extérieur, mais ses résultats économiques sont désastreux. Pour la première fois, pour la première fois de la décennie, nos résultats économiques seront à peine meilleurs que la moyenne européenne, et, toutes les années précédentes, nos résultats étaient inférieurs à la moyenne européenne. Alors, s'il vous plaît, arrêtons de sacraliser la Suisse au niveau économique et de prétendre que l'Union européenne ne fonctionne pas ! Ce n'est pas vrai ! Aujourd'hui, l'Union européenne obtient de meilleurs résultats que la Suisse de manière générale.
Mais construire l'Europe, construire une politique régionale, y participer, directement ou à travers les accords bilatéraux, c'est compliqué et, même, éminemment difficile. Les partis qui ont soutenu cette dynamique - les partis de l'Entente, mais aussi les partis de gauche, en tout cas les partis de gauche encore présents dans ce parlement - ont fait un certain nombre de promesses. Nous avons en effet promis aux entreprises que nous allions lutter pour qu'elles puissent se battre à égalité avec les entreprises qui sont situées dans le reste de l'Europe. Et nous avons également promis aux travailleurs que nous serions particulièrement attentifs pour éviter toute distorsion du marché du travail.
On constate aujourd'hui que le marché est tendu et qu'il y a un certain nombre de distorsions sur le marché du travail: le dumping social est malheureusement pratiqué et les entreprises doivent faire face à une concurrence qui frôle la concurrence déloyale. Alors, certes - certes - le Conseil de surveillance du marché du travail fait un bon travail, conseil où sont représentés les syndicats patronaux, l'Etat et les syndicats d'employés. Mais ce conseil a besoin d'outils, et nous ne les avons pas encore tous inventés...
Ce que nous proposons - en tout cas, au niveau du projet de loi socialiste: le 8512 - c'est simplement de donner plus d'outils pour que la surveillance du marché du travail puisse s'exercer plus efficacement. Ce n'est pas nier le travail de ce conseil ni le montrer du doigt. C'est seulement lui donner plus de moyens pour gérer convenablement cette tâche complexe et ô combien utile: la construction des bilatérales et l'harmonisation d'une politique régionale.
Si nous voulons défendre les entreprises genevoises, et, plus largement, les entreprises régionales et européennes - parce que le dumping peut s'exercer dans un sens comme dans l'autre, et la concurrence déloyale aussi - soutenons ce projet de loi pour donner plus d'outils, plus de moyens au Conseil de surveillance du marché du travail ! C'est ce que nous avons promis aux électrices et aux électeurs; c'est ce que nous avons promis aux entreprises genevoises ! Nous devons honorer notre contrat !
M. Gabriel Barrillier (R). Mesdames et Messieurs les députés... (Le micro émet des sifflements.)
Le président. La parole n'est qu'à vous seul, Monsieur Barrillier, pas à votre portable !
M. Gabriel Barrillier. C'est l'effet Larsen... Je ne sais pas de quoi il vient... (Nouveaux sifflements.)
Une voix. Non, il est éteint !
Le président. Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ?
M. Gabriel Barrillier. Voilà, ça y est ! Je crois que nous avons trouvé la panne ! (Les sifflements recommencent.)
Une voix. Pas du tout !
M. Gabriel Barrillier. Il y a un problème ! (Sifflements aigus. Rires. L'orateur est interpellé.) Non, ça a l'air de fonctionner ! Voilà, nous allons essayer de travailler. Je crois que ça va marcher cette fois ! (Le micro continue à émettre des sifflements.) Ah, il y a vraiment du sabotage dans cette salle ! (Rires.) J'aimerais bien parler ! Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les préopinants, notamment M. Brunier... (Les sifflements persistent.) ...ont insisté sur le fait qu'un dispositif tout à fait complet avait été mis sur pied pour assurer une application efficace des mesures d'accompagnement dans le canton - et je pense que le président du département de l'économie va le rappeler. J'aimerais ici confirmer avec force que les partenaires sociaux, dont M. Meylan a parlé tout à l'heure - d'ailleurs plusieurs députés dans cette salle sont des partenaires sociaux - avec l'Etat, sont maintenant tout à fait prêts... (Les sifflements reprennent.) ...pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence - c'est ce qui nous inquiète beaucoup - au détriment des entreprises genevoises - c'est le premier volet: le problème du détachement des travailleurs - ni d'inégalités de traitement au détriment des travailleurs locaux. Actuellement, de nouvelles mesures d'accompagnement sont en consultation à Berne pour appliquer et concrétiser les bilatérales II que nous avons votées au mois de septembre, et nous ne pouvons que constater que ces mesures vont dans le sens d'une plus grande efficacité. Alors, il me semble qu'il faut donner confiance à la population: c'est le rôle de l'Etat; c'est le rôle des partenaires sociaux, mais c'est également le rôle de ce parlement ! Il est inutile, pour l'instant, de voter ce projet de loi ainsi que le projet de loi socialiste, puisque, je le répète, la plupart des dispositifs que vous prévoyez sont maintenant prêts à fonctionner !
Le président. Merci, Monsieur le député ! Je regrette cet effet Faraday, qui a un peu «encagé» votre discours, et j'espère que cela va s'arranger.
Monsieur le député Pierre Kunz, vous avez la parole.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le chômage, l'emploi, les bilatérales, l'Europe, les conditions du marché du travail, les salaires minimaux, et caetera, et caetera, constituent - tous les membres qui ont participé aux travaux de la commission de l'économie l'an dernier et les trois années précédentes le savent - une préoccupation constante et ont donné lieu en commission à une multitude de débats, qui, d'ailleurs, vont encore arriver devant cette plénière sous forme de rapports dans les semaines à venir.
Ce n'est donc vraiment pas la peine de refaire tous ces débats à propos de deux projets de lois qui sont manifestement dépassés, puisque - cela a été rappelé - ils concernent des lois qui, elles-mêmes, ont été abrogées. Alors, s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs les députés, avançons; rejetons l'entrée en matière de ces deux projets de lois et passons à autre chose !
M. Alain Charbonnier (S), rapporteur de minorité ad interim. J'ai cru avoir été clair sur l'historique de ces deux projets... L'un d'eux, le 8512, n'est pas un projet de loi mais un amendement général issu d'un premier projet de loi, le 7817, qui n'était pas du tout conforme au Droit fédéral et qui a été revu et corrigé. Puis, pour être sûrs que cette correction soit traitée en commission, nous avons déposé le projet de loi 8512.
Il ne s'agit pas du tout d'un projet de loi modifiant une ou plusieurs lois abrogées. En fait, ce projet contient deux amendements sur deux lois différentes, qui existent et qui ont été votées par ce parlement dans le seul but de protéger les entreprises et les employés de ce canton des conséquences des bilatérales I, il y a quelques années, et des bilatérales II, maintenant.
Tout à l'heure, M. Meylan disait que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi allait être court-circuité par la Chambre des relations du travail... Pas du tout ! Il faut lire l'amendement comme il faut... Il est précisé à l'article 8A, alinéa 1, que: «La Chambre est compétente [...] pour intervenir afin de favoriser la conclusion ou le renouvellement de conventions collectives de travail.» Il ne s'agit de rien d'autre: il n'y a aucune obligation ! La Chambre incitera le Conseil de surveillance du marché de l'emploi à ouvrir des tractations entre employeurs et employés avec le partenariat social, de façon à obtenir des conventions collectives effectives et meilleures pour les travailleurs genevois.
M. Meylan a également évoqué le Conseil de surveillance du marché de l'emploi chargé de mandater l'Observatoire - du marché de l'emploi, évidemment... Mais il faut aussi que cet observatoire ait les moyens d'observer, comme son nom l'indique ! C'est la raison de notre amendement, l'article 19, nouveau, dont la teneur est la suivante: «Et notamment: a) recenser régulièrement les salariés soumis à une convention collective de travail...; b) recenser les salaires et les conditions de travail usuelles dans le canton...». C'est la moindre des choses si on veut que cette appellation d'observatoire tienne la route et que le Conseil de surveillance du marché de l'emploi ait de la matière pour pouvoir prendre des décisions. Aujourd'hui, à notre avis, ce n'est pas le cas, et cela risque d'entraver gravement le marché de l'emploi des Genevois.
M. Roger Deneys (S). Je voulais simplement compléter les propos de mes collègues socialistes, notamment en tant qu'employeur, dans la mesure où je pense qu'il est quand même important de donner des garanties aux personnes qui travaillent à Genève, suite à l'adoption des bilatérales et compte tenu du monde économique difficile dans lequel nous vivons. Et c'est vrai que les conventions collectives, dans ce sens, sont un instrument qui est souhaitable. Et le fait que des employés puissent y participer semble, compte tenu de la conjoncture actuelle, très raisonnable pour éviter que Genève ne s'enfonce également dans des conflits sociaux inutiles. Je vous invite donc à voter ces projets de lois.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon von (PDC). Je serai très brève, parce que l'essentiel a déjà été dit par le rapporteur de majorité...
Je voulais simplement vous rendre tous attentifs, si vous me le permettez, au fait que nous faisons de la politique, nous posons un cadre - et dans l'exemple de ces deux projets de lois, nous posons un cadre garantissant l'efficacité des mesures - mais il est extrêmement important de réitérer notre confiance aux partenaires sociaux, parce que ce sont eux qui sont sur le terrain ! Ne l'oubliez pas, Mesdames et Messieurs de la gauche ! C'est quand même reconnu à Genève: des gens extrêmement sérieux travaillent ensemble et prennent en charge les mesures qui sont issues des lois, et nous devons plus que jamais témoigner notre confiance aux partenaires sociaux !
C'est pourquoi nous ne pourrons évidemment pas soutenir ces deux projets de lois.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC s'oppose d'emblée à ce type de projets de lois, qui représentent une forme de bureaucratisation et de socialisation de l'économie.
Il est aussi tout à fait étonné de la prise de position du parti socialiste qui, durant toute la campagne des bilatérales, a fait croire au bon peuple que les bilatérales ne présentaient aucun danger pour le marché du travail, qu'il n'y aurait aucune aggravation de la situation pour les travailleurs genevois, qu'il n'y avait aucun risque et qu'il ne fallait surtout pas s'alarmer, que tout était sous contrôle et qu'il fallait voter en toute confiance les accords bilatéraux qui n'auraient aucune incidence négative pour l'emploi.
Et aujourd'hui, maintenant que ces accords sont votés, il change de discours ! Il nous fait la morale, nous parle des gros risques encourus et nous explique qu'il faut absolument des conventions collectives dans tous les secteurs... C'est incompréhensible ! Pour le citoyen lambda, ce changement de discours en l'espace d'un mois est totalement incompréhensible !
M. Brunier a évoqué la situation économique florissante de l'Union européenne... Je crois qu'il a oublié de lire la «Tribune de Genève» d'hier... En effet, un article titrait: «L'économie suisse redémarre». Prenez les chiffres du commerce extérieur du dernier trimestre... (Exclamations.)
Le président. La parole est à M. Catelain, seul !
M. Gilbert Catelain. Ils sont excellents ! L'économie suisse au niveau du commerce extérieur se porte bien: de mieux en mieux !
Sauf, et c'est la «Tribune de Genève» qui le dit: «Sauf à Genève !». Comme par hasard, c'est à Genève, le canton dans lequel le traitement du chômage est le plus social de Suisse, où le taux de chômage est le plus élevé de Suisse, que l'économie redémarre moins vite qu'ailleurs ! Et, du reste, je suis étonné que M. Brunier prétende que l'économie se porte aussi bien que ça dans l'Union européenne, car le taux de chômage en Allemagne et en France est nettement supérieur à celui de la Suisse, de Genève en particulier. Et puis, jusqu'à preuve du contraire, je n'ai pas encore vu de frontaliers genevois aller travailler en France, respectivement en Allemagne ! M. Brunier ferait donc bien d'examiner plus attentivement les chiffres qui sont fournis par le Département fédéral des finances et le département de l'économie.
Je vous invite donc à rejeter les amendements proposés sur un projet de loi périmé. Il aura des problèmes, certes: ils arrivent déjà, mais dans un cadre purement régional. Prenez l'exemple du nettoyage ! En commission, le rapporteur de minorité rigolait lorsque j'ai soulevé le problème des personnels de nettoyage... Eh bien, actuellement, dans certaines entreprises, qui - je le précise - ont une convention collective, les personnes qui ont un certain nombre d'années d'expérience sont licenciées et remplacées par du personnel plus jeune qui coûte moins cher, payé aux salaires minima de la convention collective ! Donc, le problème existe aussi dans les entreprises qui ont une convention collective !
Je peux vous citer le cas d'une entreprise de nettoyage à Lausanne, qui a «viré» 50% de son personnel pour le remplacer par du personnel de l'Est payé 10 F de l'heure et qui viendra travailler à Genève ! Et que fait-on ici ? Une réglementation purement genevoise qui va pénaliser les entreprises genevoises... (Exclamations.) ...au bénéfice des entreprises d'autres cantons ! Les conventions collectives existent, et, malgré cela, les problèmes persistent. Vous avez voulu les accords bilatéraux, vous avez même milité pendant des mois, des années, notamment pendant la dernière campagne, en expliquant qu'il fallait enlever notre armure, qu'il fallait descendre son pantalon... Eh bien, aujourd'hui, vous en récoltez les conséquences, et il faut les assumer !
M. Carlo Lamprecht, conseiller d'Etat. J'aimerais tout d'abord dire que, lorsque nous nous sommes interrogés sur la première phase des accords bilatéraux, on nous a rendu attentifs, bien entendu, aux risques encourus. Et - en tout cas, jusqu'à présent - ces risques ont été, je dirais, «maîtrisés» au niveau de l'emploi. Je suis en mesure de l'affirmer. Et s'ils l'ont été, c'est tout simplement parce les partenaires sociaux - je vous le rappelle, ils se réunissent tous les mois - les syndicats, les associations patronales et le département, ont travaillé ensemble sur ce sujet, en assumant la responsabilité de ne pas créer de distorsions, du dumping salarial et en faisant en sorte que le chômage n'augmente pas. Bref, tous ces risques ont été évalués et ils ont été pris en considération dans les lois qui ont vu le jour.
C'est grâce aux partenaires sociaux, aux règles qu'ils ont mises en place ensemble, pour essayer d'endiguer ce phénomène décrié par certains comme étant le plus grand danger pour l'économie suisse, que le deuxième vote sur l'extension de la libre-circulation des personnes, a été très positif à Genève.
J'aimerais dire ceci: la LIRT est une loi qui a été mise sur pied en plein accord avec nos partenaires sociaux. Ceux-ci ont eu le droit de discuter de chaque point, et ils ont estimé que cette loi correspondait effectivement aux mesures à la fois d'accompagnement et de précaution qu'il fallait prendre par rapport à d'éventuelles distorsions. Aujourd'hui, ces mesures sont encore en vigueur, et elles vont être renforcées par les mesures que le Conseil fédéral va mettre en place à partir du 1er janvier 2006. Et, je dois le dire, le conseil ne s'est pas contenté de dire que les lois mises en place par eux étaient bonnes... Dès l'entrée en vigueur de la deuxième phase des accords bilatéraux, les partenaires sociaux - je le répète - se sont réunis chaque mois pour examiner les nouveaux permis délivrés: leur nombre, dans quel secteur, les salaires et les conditions de travail. Eh bien, les infractions constatées - c'est vrai - ont été minimes et peu relevantes. Et peut-être existaient-elles déjà, avant la mise en oeuvre des accords bilatéraux !
Les partenaires sociaux s'impliquent dans ces travaux tous les mois et ils dénoncent parfois des situations litigieuses dans certaines entreprises. Dans de tels cas, le département va vérifier et mène des enquêtes. M. Pagani lui-même - qui n'est pas là aujourd'hui - a affirmé lors d'une séance que le travail... (Exclamations et rires.) ...avait été très bien fait et que la confiance régnait dans ce conseil... Ce serait faire un affront aujourd'hui aux partenaires sociaux de vouloir modifier tout le travail effectué. Cela me paraît un peu prétentieux, surtout pour faire passer un projet de loi qui, dans le fond, date quand même de quelques mois, sinon de quelques années.
Pour ma part, je prétends aujourd'hui que ce conseil travaille bien et je pense qu'il ne faut pas recommencer tout le travail qui a été effectué. L'économie, malgré ce qui a été dit tout à l'heure, reprend à Genève. Elle est plus dynamique encore que dans le reste de la Suisse. C'est vrai, il y a une dichotomie entre l'évolution économique et l'emploi. Et cela peut faire l'objet d'un autre débat. Mais, ce soir, je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser ces deux projets de lois. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la prise en considération du projet de loi 7817, soit le point 35. Je mets aux voix le rapport de majorité, qui invite le plénum à refuser le projet de loi. En conséquence, et pour que le vote soit clair, ceux qui suivent le rapport de majorité et refusent le projet de loi voteront non, ceux qui s'éloignent du rapport de majorité et acceptent le projet de loi voteront oui. Est-ce clair ?
Des voix. Oui !
Des voix. Non ! (Rires.)
Le président. Ceux qui refusent la prise en considération de ce projet voteront non et inversement.
Mis aux voix, le projet de loi 7817 est rejeté en premier débat par 55 non contre 35 oui et 2 abstentions.
Le président. Nous passons maintenant au projet de loi 8512, pour lequel le débat d'ensemble a été commun. Je reprends les conclusions du rapport... La majorité de la commission vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à refuser ce projet de loi. Nous allons donc procéder de la même manière, c'est-à-dire que celles et ceux qui refusent de prendre en considération le projet de loi voteront non et ceux qui acceptent voteront oui.
Mis aux voix, le projet de loi 8512 est rejeté en premier débat par 55 non contre 35 oui et 3 abstentions.