République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 19 mai 2005 à 20h40
55e législature - 4e année - 8e session - 44e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h40, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Gabriel Barrillier, Anita Cuénod, Gilles Desplanches, Philippe Glatz, Jacques Jeannerat, Claude Marcet, Jacques-Eric Richard, Pierre Schifferli et Marie-Louise Thorel, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour avec le premier objet que vous avez décidé de traiter en urgence, c'est-à-dire le projet de loi 9135-A, point 76 de notre ordre du jour.
Premier débat
M. Blaise Matthey (L), rapporteur de majorité. Je serai très bref. J'aimerais d'abord présenter des excuses à la minorité pour avoir transformé en abstentions ses deux votes négatifs à l'issue des travaux de la commission. Je sais que cela a suscité quelques remous... J'en suis vraiment tout à fait désolé, mais je crois que tout est rentré dans l'ordre depuis.
J'aimerais également résumer très brièvement les enjeux de ce projet de RDU - revenu déterminant unique - dans le domaine de l'aide sociale. Ce projet n'a pas pour ambition de tout résoudre, cela apparaît très clairement dans mon rapport - et cela apparaît aussi dans le rapport de la minorité. Nous n'avons, en particulier, pas traité des questions d'unité économique de référence ou des questions de barèmes. Il faudra aussi des mesures d'exécution pour accompagner ce qui est prévu dans ce projet de loi en termes d'organisation, en termes d'informatique également. Mais il représente un pas en direction d'une réorganisation indispensable des aides sociales de ce canton, qui se sont développées parallèlement les unes aux autres et qui sont actuellement dans un état de désorganisation générale auquel il faut remédier.
Bien entendu, toute la question de l'enveloppe financière qui sera allouée à l'ensemble de ces aides devra être prise en considération, parallèlement à la mise en place des mécanismes.
Ce sera tout pour le moment, Madame la présidente.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. A l'origine, par ce rapport de minorité, notre groupe a voulu donner un signal politique et, surtout, susciter un débat sur une question d'importance, je le répète. Cependant, la relecture du rapport de majorité nous a amenés à reconsidérer notre position, et nous réservons notre conclusion pour l'heure.
J'insiste: vouloir mettre de l'ordre dans les multiples revenus servant à déterminer les droits à des allocations et des prestations sociales est une intention à laquelle nous adhérons fermement. Déterminer l'ordre d'entrée en scène de ces dernières et, par là même, postuler en faveur d'un traitement accéléré de ces demandes de prestations et, en quelque sorte, organiser la subsidiarité est plus pertinent encore. Cela pourrait même s'avérer source d'économies... Et, contre cela, qui pourrait s'insurger ?
Cependant, le problème se situe ailleurs. Le projet de loi sur le RDU ne se borne de loin pas à cela et, en outre, il ne répond pas aux questions essentielles qu'il suscite. En effet, en dehors du fait que l'intention d'organisation et d'harmonisation ne porte finalement plus que sur un nombre réduit de prestations, le projet de loi sur le RDU porte en lui les germes de l'instauration de la rente sociale.
C'est moins par la perspective de la création d'un office cantonal payeur unique qu'il devrait nous inquiéter que par l'objectif avoué par le rapporteur de majorité, en page 2 de son rapport, d'imposer la procédure pour les demandes.
En page 17 du même rapport, M. Matthey déclare de surcroît, à propos de la commission: «Elle a aussi longuement débattu avec le département des modèles envisageables, arrivant à la conviction que le modèle de guichet unique dans lequel les documents à fournir seraient centralisés, puis analysés dans un service du RDU qui les comparerait aux données AFC et transmis enfin à chaque entité décisionnelle (...), serait le plus pertinent.» Il ajoute un peu plus loin: «... cela permettra d'éviter d'avoir des spécialistes de l'assurance-maladie, de l'aide au logement et de l'assistance sociale qui se consacrent trop aux tâches administrative par rapport à celles d'assistance et de réinsertion, comme c'est le cas actuellement.»
Et c'est là que le bât blesse, car, en disant cela, M. Matthey, inspiré par les tenants de la séparation de l'argent et du social, affirme que l'on peut traiter une demande de subside à l'assurance-maladie ou une demande d'allocation logement de la même manière qu'une demande d'aide sociale. Il suppose donc - et c'est étonnant ! - qu'une insuffisance de ressources relève d'un problème de pauvreté que l'on résout simplement en apportant un complément de ressources...
Eh bien, c'est peut-être parvenu à ce stade que M. Matthey aurait besoin de spécialistes de l'assistance sociale ! Ceux-là pourraient témoigner qu'une aide financière n'est pas et ne peut en aucun cas être la réponse au problème de pauvreté. Car, quand bien même les personnes concernées reçoivent des prestations minimales de l'aide sociale, elles restent encore pauvres ! Et elles le seront encore plus avec l'application des normes CSIAS qui situent ce seuil en deçà de la limite actuelle !
Non, les prestations d'aide sociale ne sont pas une fin en elles-mêmes ! Elles sont, par essence, destinées à assurer transitoirement des moyens d'existence. Elles sont vouées à être le levier à la mise en place d'un projet d'insertion sociale ou professionnelle. Ce principe ne vaut cependant que pour autant que l'on consente à mettre à disposition des travailleurs sociaux des outils de réinsertion, sinon l'inverse serait vain et reviendrait à engager des ouvriers, à ne pas leur donner des outils de production et, ensuite, leur reprocher d'avoir échoué dans leur mission.
Mais, au fond, il se peut que M. Matthey le sache déjà, lui qui, parlant du système tessinois, souvent avancé en exemple, met en évidence en page 16, je cite: «Le Tessin considère qu'un revenu insuffisant n'est pas une problématique sociale. La prise en charge par un service social est donc du libre ressort de l'usager et n'est pas lié à l'aspect financier.» Ce qui, selon lui, aurait amené la commission à conclure à la nécessité pour notre canton de s'inspirer du modèle tessinois, mais de ne surtout pas le reproduire...
Aussi, militer en faveur d'un traitement purement administratif et financier des demandes d'aide sociale est à plus forte raison contradictoire. Et M. Matthey le sait sans doute, lui, comme les autres commissaires présents - M. Unger, y compris - qui ont entendu notre interlocuteur tessinois répondre à la question du déclencheur d'une intervention sociale en disant que, souvent, les bénéficiaires de prestations, après trois ou quatre ans de désinsertion venaient eux-mêmes solliciter une aide à la réinsertion...
Est-ce bien là ce que nous voulons: un an, voire trois ou quatre ans d'inertie, avant de pouvoir engager un projet de réinsertion ? Est-ce bien là le prix que vous êtes prêts à payer pour une réorganisation de l'aide sociale ? Qu'en sera-t-il de la cohésion sociale ? Quels seront les coûts induits par une désinsertion durable de toute une partie de la population ? Quels seront les coûts induits financiers, mais, surtout, humains ? Qui devra répondre d'une telle fracture sociale ?
Pour notre part, à l'AdG, nous ne pouvons souscrire à la mise en place de ce salaire d'exclusion. Nous sommes persuadés que l'on peut rendre l'administration de l'aide sociale plus rigoureuse, plus transparente. Mais nous ne pouvons cautionner un système d'aide qui abandonne les personnes en difficulté à leur fragilité. Nous ne pouvons cautionner un système qui favorise l'exclusion et augmente la fracture sociale.
C'est pourquoi nous demandons que soient précisément différenciées les allocations catégorielles et les allocations de comblement. Nous demandons également que soit levé le voile sur les intentions du département en matière d'organisation des services. Nous demandons instamment à être renseignés sur l'impact de cette réorganisation, sur les postes de travail et l'avenir professionnel de ceux qui les occupent actuellement.
Enfin, nous exigeons que les bénéficiaires de prestations ne fassent pas les frais des coûts entraînés par cette réorganisation par des réductions de prestations.
Nous le redirons jamais assez, Mesdames et Messieurs les députés: ce n'est pas sur le dos des plus pauvres qu'il faut espérer un redressement des finances de l'Etat, pas plus qu'il n'est raisonnable de spéculer sur le lard du chat !
Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC). Ce projet de loi est fondamental pour un accès à l'aide sociale cohérent et plus juste. Pour le PDC, il est clair qu'il permet de rendre plus systématiques les procédures de demandes d'aide sociale. Il permet, surtout, de rendre l'accès à l'aide sociale plus visible pour les personnes qui y ont droit et qui ne le savent pas. En l'occurrence, ce sont les jeunes et les familles modestes qui pourront mieux bénéficier des prestations.
Le but de ce projet de loi, en créant la notion de revenu déterminant unique, est de simplifier les choses, mais, pour cela, il faut se donner des moyens techniques efficaces. Alors, c'est vrai, des problèmes liés à des incompatibilités d'informatique par les services concernés devront être réglés ! Et, c'est vrai aussi , nous devrons instaurer la transversalité d'informations entre les services concernés - et, ça, c'est une révolution de palais ! C'est indispensable pour rendre plus transparente et mieux ciblée l'aide sociale selon les revenus réels des bénéficiaires potentiels.
Les méfiances évoquées dans le rapport de minorité sont en fait des principes systématiques d'opposition à tout projet social qui permet de réétudier la pertinence de l'aide dispensée actuellement. Or, nous savons tous que le système actuel n'est plus suffisamment satisfaisant et doit être perfectible. Il n'est plus assez satisfaisant ni pour les bénéficiaires ni pour les professionnels du social, et nous ne comprenons pas pourquoi, chaque fois qu'une proposition concrète est faite, seules les difficultés sont mises en avant par la gauche. Elle ferait mieux de faire des propositions allant dans le sens de l'intérêt général ! Le parti démocrate-chrétien regrette vivement cet état de fait.
Nous soutenons ce projet de loi qui vise à plus de justice, face à la valeur de l'argent. Parce que, si un franc est un franc pour les travailleuses et les travailleurs, ce même franc doit aussi valoir un franc pour les bénéficiaires de l'aide sociale et doit donc être compté comme tel dans l'accession à cette aide sociale. Sinon, ce serait une injustice, Mesdames et Messieurs les députés, une injustice qui exposerait les citoyens modestes qui travaillent à être défavorisés par rapport aux bénéficiaires de l'aide sociale !
C'est pourquoi le PDC soutien ce projet de loi. Je vous remercie d'en faire autant. (Applaudissements.)
Mme Véronique Pürro (S). Il convient tout d'abord de rappeler, comme l'a fait tout à l'heure M. Matthey, que ce projet ne règle en aucun cas la question des barèmes et des inégalités que l'on peut relever d'un public à l'autre, en fonction des différents barèmes existants.
Dire qu'on est en train de creuser le fossé ou d'augmenter la fracture sociale me semble être un faux débat... Ne le faisons pas ici ! Il faudra mener un débat, certes - et nous sommes prêts aussi à le faire: ce sera la prochaine priorité - pour amener un peu plus d'égalité entre les différents publics concernés par les aides financières sociales de notre canton.
Mais ce projet n'a rien à voir avec cela. Il part d'un problème qui relève, je dirai, d'une spécificité bien genevoise, car, comme dans de nombreux domaines, nous avons construit le système institutionnel par couches successives, ce qui le rend d'une très grande complexité et ce qui a accru, au fur et à mesure des couches que nous avons ajoutées, beaucoup d'incohérences dans le système global.
La Commission d'évaluation des politiques publiques a mis en lumière à plusieurs reprises cette complexité et ces incohérences qui ont des conséquences graves. Et ces conséquences nous préoccupent, Madame Haller ! Car pour des situations de départ identiques, on arrive à des résultats inégaux. Nous en avons eu la démonstration avec des cas fictifs, mais aussi avec des cas réels qui nous ont été exposés par des travailleurs sociaux. A l'heure actuelle, selon dans quel ordre vous faites des demandes, vous n'obtenez pas le même résultat à la sortie ! Et ça, Mesdames et Messieurs les députés, nous socialistes, nous ne pouvons l'accepter !
Le revenu déterminant unique a donc comme principal objectif d'améliorer la cohérence du système, de le coordonner et d'éviter les conséquences inégalitaires que j'évoquais tout à l'heure.
Nous ne faisons pas une révolution, il n'en est pas question. Mais, tout de même, comme l'a dit Mme von Arx-Vernon, reconnaissons que cet objectif - faciliter l'accès des prestations et les rendre égalitaires - devrait être partagé par l'ensemble des députés de notre Grand Conseil. Malheureusement, tel n'est pas le cas, parce que certains se trompent de débat et mélangent tout. Et à tout vouloir mélanger, finalement, on n'obtient rien !
Alors, c'est vrai, plusieurs questions ont été longuement débattues en commission, mais elles n'ont pas encore reçu de réponses définitives - M. Unger nous a promis qu'il allait y répondre très rapidement.
Il y a d'abord la question informatique. Nous attendons impatiemment - je me tourne vers Mme Brunschwig Graf, puisque, apparemment, il est à l'étude au niveau des services financiers - le projet de loi pour étudier le système informatique qui devrait permettre de mettre en place le revenu déterminant unique. Ce qui est nécessaire pour le bon fonctionnement de ce dernier. A d'autres endroits - pour ne pas le nommer: à l'Hospice général - on a vu la «cacade» des programmes informatiques inadaptés. Plus vite nous aurons ce crédit, plus vite nous l'adopterons et plus vite nous pourrons compter sur un programme qui permettra la mise en oeuvre du RDU.
Deuxième question. C'est vrai, nous avons ajouté certains éléments dans la loi qui nous a été présentée par le Conseil d'Etat, mais nous nous demandons comment le modèle va être construit... Pour être très synthétique: va-t-il être centralisé ou décentralisé ? Il faut, de mon point de vue, absolument utiliser les structures existantes - les centres d'action sociale et de santé - pour faire en sorte que l'on puisse répondre à un seul et même endroit, quelle que soit la demande financière à formuler à l'Etat. Cela simplifiera les choses, et ce sera dans ce même lieu que sera examinée une demande et qu'elle pourra être calculée. Il me semble que les centres d'action sociale et de santé sont les mieux placés pour ancrer le système. Mais, à ce sujet, nous attendons encore certaines réponses.
Troisième question: le système va-t-il tenir compte de l'ensemble des prestations financières sociales cantonales ? Ce qui n'est pas le cas avec ce projet, puisque, comme vous avez pu le voir, même si nous avons un peu amendé le projet de loi initial, les allocations d'étude, par exemple, ne font pas partie du système. Certains d'entre nous l'avons beaucoup regretté, même si nous avons bien entendu les explications du département de l'instruction publique.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'on aura mis en place un système important lorsque nous aurons répondu à ces trois questions que sont: la mise en oeuvre du système informatique, la décentralisation de la porte d'entrée au revenu déterminant unique et l'élargissement du système à toutes les prestations financières cantonales. La concrétisation de ce projet répondra à un réel besoin et permettra plus d'égalité entre les personnes qui font des demandes de prestations financières.
Par ailleurs, je rejoins l'avis de Mme Haller: je regrette infiniment - mais il s'agit d'une autre question - que le nombre de bénéficiaires ou le nombre de personnes qui doivent faire appel à ces aides soit toujours en augmentation. Mais nous aurons d'autres occasions d'aborder ce sujet et d'essayer de corriger le tir.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Mme Pürro comme Mme von Arx n'ont, semble-t-il, pas bien entendu les propos de Mme Haller. Nous n'avons pas dit que les articles de loi tels qu'ils figurent sont mauvais, nous avons dit que nous soutenions la dynamique du RDU !
Nos questions sont des questions de fond qui concernent - et je les adresse à M. Unger - plus particulièrement la mise en oeuvre du RDU. Vous me direz que ça ne vous concerne pas, il y a projet de loi, on le vote, et, ensuite, l'exécutif met en oeuvre... OK, c'est juste ! Mais il se trouve que le projet de loi qui nous est soumis a des incidences sur deux autres projets de lois: la révision de la loi sur les CASS, projet de loi qui a été déposé et soumis aux partenaires sociaux - il est maintenant entre vos mains, Monsieur Unger - et le projet de loi sur la LASI, l'aide sociale individuelle, avec une idée de contrat social individualisé.
Des questions se posent... Monsieur Unger, je cite votre exposé des motifs sur la LASI - que vous avez distribué aux partenaires sociaux: «Ce projet de la LASI est un des volets d'un triptyque, dont deux sont encore manquants: celui des CASS - comment on organise les CASS - et le RDU.»
Nous voulons que ce triptyque soit plus proche d'une oeuvre d'art que d'un objet artisanal, style patchwork qu'on assimile comme ça et, pour finir, qui ne ressemble à rien... Nous vous demandons donc simplement quelle est votre politique sociale pour le canton de Genève. Parce que, finalement, ce qui nous a manqué en commission des affaires sociales, Monsieur Unger, c'est de comprendre où vous allez ! Oui, Monsieur Unger, il est très difficile de trouver la moindre cohérence dans les rapports successifs que nous recevons - et, pourtant, Dieu sait si je suis au courant de la question sociale - et de se faire une idée de la politique sociale que vous tentez de mener dans le canton ! Nous, députés de l'Alliance de gauche, nous ne voulons pas, en votant ce projet, vous signer un chèque en blanc sans comprendre les interactions qui existent entre les trois lois.
Voter ce projet de loi dans l'urgence parce qu'il faut absolument mettre en place le RDU nous pose un problème, car nous n'avons pas la vision de ce que va être la LCASS et l'aide sociale individualisée, même si ce RDU nous semble tout à fait nécessaire.
Notre vote de ce soir n'est pas un vote de défiance par rapport à ce projet de loi qui nous paraît bon - ma collègue en a parlé. Si vous répondez à nos questions ce soir, nous pourrons peut-être nous déterminer: nous le voterons ou pas. Mais, si vous ne répondez pas à nos questions, nous demanderons le renvoi de ce projet de loi en commission... (Exclamations.)Pas pour l'étudier à nouveau, mais en attendant que soient traités les deux autres objets ! Je vous promets que ces projets sont intrinsèquement liés - et je m'adresse à l'Alternative ! Vous ne vous êtes peut-être pas rendu compte à quel point la LCASS, la LASI et ce projet de loi font partie d'un triptyque - comme le dit M. Unger ! Vous ne l'avez pas vu ! Une seule couleur, et la vision du tableau s'en trouve totalement changée... Et vous pourriez vous retrouver très ennuyés à la fin de l'exercice, car vous risquez d'obtenir exactement le contraire de ce que vous voulez !
Je le répète, notre propos n'est pas de dire que ce projet de loi est mauvais...
La présidente. Madame la députée...
Mme Nicole Lavanchy. Nous voulons simplement comprendre où veut nous mener le Conseil d'Etat, en matière de politique sociale du canton !
Je pose donc maintenant les questions suivantes. Première question à laquelle, je pense, vous pouvez répondre assez aisément, mais ce n'est même pas sûr... Vous dites à l'article 1, alinéa 4: «Elle - la loi sur le RDU - est mise en oeuvre, en principe, par le biais de guichets universels, auprès desquels l'ensemble des prestations concernées peuvent être demandées.»
Alors, pour vous, ces guichets sont-ils les CASS ? Si, oui, est-ce que seules les demandes y seront traitées ou est-ce que les prestations financières le seront aussi ? Dans le cas où seules les demandes sont traitées, les prestations financières seront-elles servies par les services actuels - car on voit que plusieurs entités desservent des prestations ? Où voyez-vous, à moyen ou long terme, un office cantonal unique centralisé qui payerait ces prestations ? Nous voulons une réponse claire à ce sujet, parce qu'il y a des postes de travail en jeu, parce qu'il y a une restructuration fondamentale en jeu ! C'est bien: on rationalise, la population est mieux servie, mais, derrière cela, il y a des postes de travail en jeu. Et on peut se demander si les postes en jeu vont passer à la trappe ou s'ils vont être remis dans ce qu'on appelle «le fondamental», c'est-à-dire l'aide sociale et l'accompagnement social pour aider les gens à se réinsérer.
Sinon, cela revient tout simplement à rentabiliser, à supprimer des postes, à faire des économies pour l'Etat, et rien n'est fait pour que les gens en difficulté puissent bénéficier d'une aide sociale digne de ce nom !
Autre question: cette prestation financière est-elle automatique ? Elle l'est peut-être... Si oui, pensez-vous «obliger», entre guillemets, d'une manière ou d'une autre, les bénéficiaires à élaborer avec les assistants sociaux votre fameux contrat d'aide individualisée, ou non ? Si tel est le cas, dites-nous pourquoi. Si c'est non, dites-nous aussi pourquoi.
Si vous pensez que tout bénéficiaire doit faire l'objet d'un contrat individualisé, nous aimerions savoir ce que vous allez faire des personnes qui bénéficient plutôt de prestations financières catégorielles - parce qu'il y en a ! Je veux parler des personnes qui se débrouillent, mais à qui il faut donner un petit plus pour vivre, comme l'allocation logement. Il faut que vous nous éclairiez sur ce point: c'est fondamental pour nous, or les choses ne sont pas claires à ce niveau ! Et si elles ne sont pas claires, ce triptyque peut nous amener «dans le mur» !
Vous comprendrez bien que ces réponses sont essentielles pour nous positionner par rapport à ce projet de loi. Normalement, nous ne devrions pas nous en mêler, mais, du fait que deux lois sont liées à ce projet - lois sur lesquelles nous devrons débattre - nous ne pouvons pas voter ce RDU ce soir, tel quel, sans connaître vos réponses !
La présidente. Il va falloir terminer, Madame la députée !
Mme Nicole Lavanchy. Cela va obliger à voir la loi CASS sous cet angle et la LASI aussi. Je pense qu'en tant que parlementaire on ne peut pas séparer la réflexion et voter une loi qui va avoir des incidences sur deux autres lois dont on n'a pas encore débattu dans ce parlement ! C'est un point essentiel pour nous !
Je le répète: il ne s'agit pas seulement du RDU... Nous voulons connaître la politique globale en matière sociale du Conseil d'Etat ! Nous voulons savoir où il veut nous mener avec son triptyque et quelle couleur il veut lui donner ! Va-t-il en faire un patchwork, parce qu'il ne sait pas où il va ? C'est possible ! Veut-il en faire une oeuvre d'art, d'une couleur qui ne plaît peut-être pas à tout le monde...
La présidente. Vous avez parlé sept minutes, Madame !
Mme Nicole Lavanchy. ... c'est peut-être notre cas - pour plaire à la droite ? Le débat est fondamental.
Je le redis: si nous n'avons pas de réponse à ces questions, nous demanderons le renvoi en commission de ce projet en attendant d'en débattre avec les deux autres projets de lois, afin d'avoir un triptyque concerté, acquis à la majorité du parlement.
M. Christian Bavarel (Ve). Nous avons travaillé presque une année sur ce sujet, et je dois dire que je suis extrêmement satisfait du travail effectué en commission et d'une qualité rare qui doit être soulignée. En effet, l'écoute entre collègues a été remarquable.
Je tiens par ailleurs à remercier le département, et spécialement les collaborateurs de ce dernier: M. Michel Gönczy et Mme Karine Bellinazzo Spahni, le professeur Yves Flückiger aussi, pour la qualité de leurs interventions et l'aide qu'ils nous ont apportée. Il n'en est pas toujours ainsi. La qualité du travail parlementaire n'est pas toujours aussi bonne, et, lorsque c'est le cas, il vaut la peine de le souligner.
Le projet appelé «RDU», même si cet intitulé n'est pas tout à fait approprié - et que nous continuerons à appeler RDU pour nous comprendre - apporte surtout une clarification et une simplification des démarches des utilisateurs. De la sorte, ils n'auront pas besoin de demander quinze fois la même chose, de rapporter les mêmes documents, de refaire des photocopies, de s'adresser à un autre guichet, à un autre endroit, etc. Ce projet simplifie les choses: les démarches administratives seront accomplies dans un même lieu, ce sera beaucoup plus pratique et cohérent. Souvent, l'aspect le plus désespérant pour les personnes qui ont des difficultés est d'être confrontées aux méandres administratifs qui ressemblent aux tentacules d'une pieuvre dont on ne sait pas très bien par quel bout la prendre... Je le répète, ce projet a au moins l'avantage de simplifier et de clarifier les choses pour les personnes concernées.
C'est aussi débureaucratiser l'Etat: c'est fixer des règles, donner les directions à prendre, déterminer la manière de travailler et simplifier les tâches.
Nous avons effectivement constaté que deux projets de lois, avec lesquels nous ne serons certainement pas d'accord, sont toujours «dans le pipeline»... Nous savons donc que la droite a des velléités de durcir la situation en matière sociale. Mais ce qui nous est demandé aujourd'hui, c'est de nous prononcer sur ce projet de loi, et sur ce projet de loi uniquement !
Pour nous, les Verts, ce projet de loi va dans la bonne direction; il représente une amélioration par rapport à la situation existante. Nous combattrons certainement les deux projets que je viens d'évoquer, et nous rejoindrons probablement la position de l'Alliance de gauche à cette occasion. Mais, pour l'instant, si nous considérons le contenu de ce projet de loi, nous ne voyons aucun risque à le voter. Avec ou sans RDU, nous nous rendons compte que d'autres projets de lois sont aussi envisageables. C'est pourquoi nous vous appelons à accepter ce projet de loi.
M. Pierre Froidevaux (R). Je remercie mes collègues qui se sont exprimés dans le sens du rapport de la majorité.
Je ferai quelques observations supplémentaires sur ce projet de loi qui, rappelons-le, prévoit la hiérarchisation des prestations sociales. Je vais m'exprimer sur deux points qui n'ont pas encore été évoqués ce soir: l'aspect automatique de ces prestations et notre déception par rapport à l'une de nos attentes, à laquelle il n'a pas été répondu malgré tout le travail effectué, ce qui nous donne un peu de vague à l'âme...
Nous avons imaginé ou, plutôt, le président du DASS - le Conseil d'Etat - nous a proposé un projet de loi permettant une bonne hiérarchisation des prestations et une meilleure équité dans l'aide financière apportée aux personnes qui en ont besoin. Cette aide a la caractéristique aujourd'hui, par ce projet de loi, de devenir automatique. Les personnes s'adresseront à un centre d'action sociale et de santé, présenteront leur situation financière et, en fonction de celle-ci, recevront l'aide qui convient.
Cette automaticité a un coût, qui a été évalué de manière un peu particulière par M. Flückiger dans un premier temps puis ramené à des valeurs plus acceptables aux alentours d'une soixantaine de millions. Passer d'un système où le citoyen doit demander de l'aide à chacun des services de l'Etat à un système où la prestation est unifiée et hiérarchisée est un risque. C'est un risque que le parlement doit connaître, et, ce risque, la commission des affaires sociales a accepté de le courir de manière quasi unanime. Seule l'Alliance de gauche, apparemment, ne veut pas le prendre.
Sur ce point, Madame Haller, je puis vous faire des remarques aigres... Car vous avez participé aux travaux de la commission durant toute l'année; vous avez voté l'entrée en matière sans réserve; vous avez voté les articles de loi les uns après les autres, sauf l'un d'entre eux sur lequel vous vous êtes abstenue - parce qu'apparemment vous n'aviez pas bien compris la majorité ! Et, in fine, Madame Haller, vous dites que vous allez voter non - pour nous faire ainsi, ce soir, un débat-show ! Au lieu d'être tous d'accord sur ce projet important, comme c'était le cas en commission, vous nous proposez quatre amendements en séance plénière, amendements qui, de toute évidence, sont hors sujet ! Sachez, Madame Haller, que je ne puis apprécier ce mode de faire, cette très mauvaise politique ! (Commentaires. La présidente agite la cloche.)Qu'y a-t-il encore, chers collègues ?
Pour ce qui est de ce projet de loi, Monsieur le président du département, nous avions le secret espoir que vous arriveriez à trouver une solution pour que l'aide sociale soit si progressive qu'elle permette d'en sortir facilement. Cette difficulté n'a pas pu être résolue complètement, à savoir qu'il existe toujours des valeurs seuil, et vous avez, comme nous, beaucoup travaillé pour essayer de trouver une solution. Nous reconnaissons que l'aide sociale reste malheureusement quelque peu attractive et que nous ne pouvons pas apporter une véritable solution à ce problème sans une réforme fiscale en profondeur pour le résoudre.
Je suis particulièrement heureux, car ce projet de loi représente une véritable réforme de l'Etat. J'estime pour ma part que c'est l'un des projets les plus importants de cette législature, parce qu'il va permettre à l'ensemble des services de l'Etat de communiquer. C'est ce que nous voulions depuis une dizaine d'années: nous demandions que les services se concertent et que tout le monde travaille ensemble. Ce projet de loi est très fédérateur. C'est un très grand pari sur l'avenir, Monsieur le président ! C'est un pari que je fais avec vous. Je souhaite que vous réussissiez !
La présidente. Merci, Monsieur Froidevaux. Je signale la présence à la tribune d'un de nos anciens collègues députés: M. Yves Odier. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: M. Robert Iselin, M. Jean Rémy Roulet, M. Souhail Mouhanna, M. Claude Aubert, Mme Nicole Lavanchy et M. Renaud Gautier. Monsieur le député, Robert Iselin, je vous donne la parole.
M. Robert Iselin (UDC). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref. La commission a travaillé pratiquement une année sur ce projet - et je ne peux que souscrire aux propos tenus par mon collègue, Pierre Froidevaux - qui est relativement révolutionnaire...
Le premier paragraphe de la deuxième page résume fort bien le progrès que représente ce projet de loi.
J'ajouterai - M. Froidevaux l'a dit aussi - que je suis étonné, appréciant en général la franchise de Mme Haller, qu'elle ait tout accepté en commission et qu'elle arrive soudain en plénière avec trois ou quatre propositions d'amendement.
L'UDC ne pourra donc que soutenir ce projet de loi et se rallie aux propos tenus notamment par Mme Pürro et par Mme von Arx. Cette dernière doit trouver quelque peu spécial d'être soutenue par des personnes qu'elle qualifie «d'imposteurs».
M. Jean Rémy Roulet (L). J'aimerais m'associer aux remerciements que M. Bavarel a adressés à toute l'équipe du département pour mener à bien ce travail de longue haleine. J'aimerais aussi remercier mon collègue Blaise Matthey, qui a fait un travail remarquable de précision, de concision, sur un sujet diablement compliqué, qui a eu le mérite de récolter les suffrages d'une grande majorité des forces politiques présentes dans nos différentes commission, en particulier à la commission fiscale. Car le sujet du RDU, Mesdames et Messieurs les députés, est un sujet extrêmement complexe.
Je ne vais pas redire tous les avantages que le RDU procurera à la population qui a besoin d'aide sociale. Les uns et les autres, notamment mon collègue Pierre Froidevaux, les a très bien résumés.
J'insisterai sur le fait que le groupe libéral s'est associé à cette quasi belle unanimité, en ajoutant une condition qui a trait à la communicabilité des plates-formes informatiques. En bref, il s'agit d'adapter l'appareil administratif au profit des administrés. Avec le RDU, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez l'occasion de voter un projet de gouvernance d'entreprise. Rien n'est encore fait, comme Mme Pürro l'a dit: une plate-forme informatique globale doit être développée. En effet, si vous prenez la peine de lire la page 6 du rapport de Matthey, vous verrez que le CTI - la tête pensante informatique de l'Etat - indique très clairement que les différentes plates-formes informatiques cantonales gérant les administrations sociales ne communiquent pas. Et le CTI n'est pas le seul à le dire, les fonctionnaires de l'administration du DASS l'ont confirmé !
Pour nous, c'est une valeur symbolique extrêmement importante. Il est indispensable, Mesdames et Messieurs les députés, pour que ce RDU entre en force et rende service à la population, de renforcer l'appareil administratif. Et, pour ce faire, il faut évidemment que l'outil premier de communication, à savoir l'informatique, soit transformé. Si nous réussissons ce pari technologique, nous réussirons le pari du RDU.
Maintenant, j'aimerais revenir sur l'action de l'Alliance de gauche dans ce débat ou, plutôt, son combat politicien... (Brouhaha.)Comme M. Froidevaux, je m'offusque aujourd'hui de ce rapport de minorité, accompagné d'une série d'amendements qui n'ont jamais été présentés en commission sociale. Partant de ce fait, j'en déduis que l'Alliance de gauche cherche quelque peu à récupérer ce projet de loi. Il aurait mieux fait de proposer cette salve d'amendements durant nos travaux de commission, au cours desquels nous avions trouvé une unanimité qui n'a rien de touchant, qui visait simplement à promouvoir un service complet, cohérent et productif pour la population genevoise. Je regrette donc, je le répète, la politisation de ce débat sur le RDU.
Je dirai, pour conclure, Mesdames et Messieurs les députés, que ce débat est aujourd'hui le premier sur l'action sociale dans ce canton. J'espère de tout mon coeur que d'autres débats suivront, parce que, par le biais de ce projet de RDU, on remet en cause d'une certaine manière le fonctionnement d'autres institutions. Je veux parler notamment de l'Hospice général, de l'OCPA et d'autres services sociaux, dont je vous rappelle - même si, pour certains d'entre vous, ce n'est pas très agréable à entendre - que l'audit d'Arthur Andersen, faite il y a bientôt dix ans de cela, avait déjà pointé les dysfonctionnements. Je vous remercie de votre attention.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je voudrais commencer par rendre hommage aux deux rapporteurs. D'abord à Mme Jocelyne Haller, pour la très grande qualité de son rapport, ensuite à M. Blaise Matthey, pour la grande honnêteté de son rapport.
Je citerai justement un certain nombre de ses propos. Je lis par exemple, en page 2: «En effet, le revenu déterminant unique (RDU) ne peut pas et ne va pas tout régler sous la forme qui vous est présentée.»
Au paragraphe suivant, il dit: «Le RDU ne règle pas davantage la question des barèmes, qui ne doivent pas être confondus avec le revenu, barèmes qui sont fixés par chacune des lois relatives aux prestations sociales.» Il ajoute: «Il ne tranche pas la notion de l'unité économique de référence (UER), faute d'un outil informatique permettant d'effectuer des regroupements. L'office cantonal de la population ne devrait en effet disposer du logiciel Calvin 2 que pour le recensement 2010, ce qui signifie dans l'intervalle que chaque service travaillera au moyen de sa propre UER.»
Il dit encore: «La question fiscale a volontairement été laissée de côté, mais il est évident qu'elle est intimement liée à celle des prestations sociales...» Il a donc été laissé de côté un objet qui est intimement lié !
Je ne vais pas vous infliger beaucoup d'autres citations... Juste encore deux lignes: «Enfin, le projet RDU est, à dessein, peu disert sur les questions d'organisation» - peu disert ! Et il dit en conclusion: «Au bénéfice des explications qui précèdent, et quelles que soient les zones très limitées d'incertitude qui subsistent, nous vous prions...», etc.
Vous comprenez de la lecture de ces propos qu'il y a effectivement beaucoup de choses laissées dans l'ombre, comme l'a relevé Mme Haller tout à l'heure.
Cela m'amène évidemment à la question de la méfiance de l'Alliance de gauche, relevée par Mme von Arx... On nous reproche notre méfiance ! Et aujourd'hui, la droite voudrait nous faire passer pour des antisociaux et faire croire que c'est elle qui défend le social ! C'est quand même incroyable !
Tout à l'heure, lors de la séance de 17h, on a entendu M. Kunz dire qu'il défendait plutôt les riches... Nous avons vu comment vous avez traité la question des handicapés, celle de l'aide sociale aux personnes âgées et celle des chômeurs en décidant de supprimer les occupations temporaires au-delà de six mois, etc. ! Vous êtes les champions de l'antisocial ! (Protestations.)Et vous voudriez nous faire croire aujourd'hui... (Exclamations.)Et vous voudriez nous faire croire aujourd'hui que vous voulez faire du social ? Si c'était le cas, cela se saurait dans la République ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Regardez ça... Regardez ça ! (La présidente agite la cloche avec vigueur.)
Une voix. Ce n'est pas acceptable, ça !
M. Souhail Mouhanna. Non seulement vous êtes les champions de l'antisocial, mais vous êtes des antidémocrates véritablement «exemplaires», dignes des dictatures que vous voudriez imiter dans ce canton ! (Exclamations.)On a vu... On a vu dans les projets de lois portant règlement du Grand Conseil comment vous essayez de bâillonner l'opposition ! (Exclamations.)Je vous donne un simple exemple: je suis en train de prendre mon tour de parole, et, dès que je commence à dire des choses qui ne vous plaisent pas, vous vociférez, alors que vous avez la possibilité de contrer mes arguments, exactement avec la même tranquillité ... (Exclamations.)... qui est la mienne, et que vous pouvez dire ce que vous avez à dire ! Mais vous vociférez... (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Vous n'acceptez pas que les gens qui ne sont pas d'accord avec vous puissent s'exprimer comme ils l'entendent. Cela étant dit, vous pouvez bien objectez tout ce que vous voulez, je prendrai la parole comme j'en ai le droit, et je dirai ce que j'ai à dire. Parce que j'ai une conscience. Et ma conscience, je ne la réprime pas, comme certains d'entre vous !
Pour terminer cette intervention, je voudrais dire que la question ne porte pas seulement sur le fait que nous soyons d'accord ou pas avec le projet de loi ou qu'il y a eu un certain nombre de choses correctes - que nous avons votées - ou qu'il y a eu quelques abstentions de la part de nos représentants dans cette commission. Mais il reste tout de même beaucoup de zones d'ombre. Cela a été dit tout à l'heure, je crois que c'était très important: un certain nombre de questions extrêmement claires ont été posées, et nous attendons des réponses ! Et enfin - enfin ! - notre méfiance n'est pas seulement due au fait que nous savons à qui nous avons affaire, en face, mais au fait que nous avons été échaudés par quelques épisodes. Je pense notamment à un épisode qui est encore présent dans certaines mémoires: celui du paquet ficelé !
M. Claude Aubert (L). Permettez-moi une brève réflexion philosophique... Lorsque vous prenez un mètre pour mesurer la largeur ou la longueur de votre table, vous n'imaginez pas les résistances qu'il y a eues au siècle précédent, lorsqu'on a voulu introduire le système métrique et utiliser le mètre comme mesure universelle ou lorsqu'on a voulu introduire le kilo comme référence universelle. Chaque village, chaque bourg, chaque région voulait avoir sa propre mesure, son propre poids, parce qu'à travers la mesure et le poids il y a, évidemment, le pouvoir !
Au travers de cette discussion, je vois que ces systèmes multiples sont tout simplement représentatifs de toutes les féodalités et de toutes les baronnies établies dans ce domaine. Et chacun va vouloir défendre son système comme étant le meilleur - évidemment pour les autres, mais aussi pour ceux dont on s'occupe - sans du tout faire une autocritique sur le pouvoir que l'on détient soi-même. Dans ce sens-là, celles et ceux qui vont le plus revendiquer sont probablement celles et ceux qui ont du pouvoir à perdre...
Partant de là, je pense que le chemin sera encore assez long pour passer des baronnies à un système intégré en réseau au service des personnes. Et je félicite le Conseil d'Etat d'aller dans le sens de transformer des baronnies en un réseau convivial au service des personnes et non pas au service des pouvoirs. (Applaudissements.)
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Sur les bancs d'en face, il se trouve quelques personnes qui savent construire une maison, puisqu'il y a des architectes qui conçoivent les maisons... Et ce qui a été exprimé dans le rapport de minorité de Mme Haller est pertinent. C'est-à-dire que nous avons les matériaux: trois facettes, avec trois lois - le triptyque dont je parlais tout à l'heure - et que nous allons voter l'une d'entre elles... Je ne pense pas qu'un architecte digne de ce nom, n'ayant aucun plan d'ensemble, commence à construire un mur sans savoir comment il va tenir avec l'autre ! C'est ce que vous faites...
Je le répète, nous ne contestons pas le contenu du RDU. L'Alliance de gauche soutient le Conseil d'Etat et rejoint l'Alternative plus la droite, soit tous ceux qui ont voté ce projet, pour dire que cette loi est effectivement nécessaire: il faut absolument avoir un guichet unique; il faut que les gens ne se perdent plus dans les méandres administratifs, ce qui est désécurisant; il faut pouvoir leur offrir des prestations pertinentes et de qualité.
Cependant, je ne peux - comme l'Alliance de gauche - m'empêcher de me demander comment il se fait qu'on vote en urgence ce projet RDU, qui fait partie d'une bâtisse, avec trois murs - je ne sais pas si cela existe, il faudra que vous me le disiez - soit la LACI, la LASI et le RDU ! Et vous voulez voter le RDU sans savoir comment il va être imbriqué dans le CASS ! Alors, quand j'entends M. Roulin dire... Où est M. Roulin, parce que je trouve... (Remarques.)
Une voix. Roulet !
Mme Nicole Lavanchy. M. Roulet !
Une voix. Il n'est pas là !
Mme Nicole Lavanchy. Eh bien, il pourra prendre la parole plus tard, puisqu'il n'est pas là pour le moment ! Alors, quand j'entends M. Roulet dire qu'on est très content de voter ce RDU pour «foutre» un grand coup de pied dans l'OCPA, les CASS et l'Hospice général... (L'oratrice est interpellée.)C'est exactement ce qu'il a dit, peut-être avec plus de noblesse dans ses paroles - c'est ce que j'ai entendu... (Exclamations.)
Une voix. Pas dans l'âme !
Mme Nicole Lavanchy. Non, pas dans l'âme... Alors, on verra ce se passe. Mais ce qui se passe maintenant, c'est qu'il y a dans les CASS des gens qui sont dans la souffrance et il y a du personnel qui essaie de tenir le coup au niveau des prestations offertes. Et vous, vous votez le RDU, mais vous n'avez pas réfléchi à son application ! En tout cas, le Conseil d'Etat ne vous a pas dit, ni à l'Alternative, ni à la droite, ni à nous, à quelle architecture il pensait ! Et prendre la responsabilité de ne pas poser ces questions ici et maintenant, dans ce parlement, c'est, à mon avis, donner un chèque en blanc ! On ne sait pas si on ne va pas se retrouver avec un édifice qui sera pire que les CASS ! Parce qu'on ne saura pas quoi faire des gens !
Je suis assez convaincue que le Conseil d'Etat sait où il va ! Et nous aimerions bien, à l'Alliance de gauche, que le Conseil d'Etat clarifie «l'architecture» qu'il pense mettre en place; il est l'architecte, il doit dire comment il pense construire sa maison - avec ses trois murs, ce serait très sympa que ça fonctionne... - comment il conçoit la distribution des pièces, des étages et quelle est la place des gens. On n'a rien entendu à ce sujet, mais moi j'aimerais bien savoir.
Mme Pürro dit que nous verrons bien, qu'il y a des incertitudes, que des questions se posent, qu'«il se peut que», que l'informatique... Vous parlez du CTI, mais savez-vous quelles sont les difficultés que rencontre déjà ce service informatique - qui a dû réunir plusieurs services ?! Et c'est ce qu'ils vont encore devoir faire ! Ce n'est pas une espèce de bulldozer qui sait tout, qui va faire du nettoyage et jeter les employés... Il faut des concertations interinstitutionnelles. Cela veut dire qu'il faut «bouger» les gens - effectivement, Monsieur Aubert, il faut les «bouger» ! Mais on ne les bouge pas avec des lois, sans réfléchir aux conséquences ! Or l'entité qui doit réfléchir aux conséquences de son action, c'est l'exécutif !
J'ai dit ici qu'il ne nous appartient pas de savoir, à propos d'un projet de loi, comment on exécute une loi. Si je m'exprime à ce sujet, c'est que cette loi est en interrelation directe avec deux lois dont nous n'avons pas débattu au parlement, à propos desquelles nous n'avons pas pu dire ce que nous pensions, que ce soit sur la restructuration des CASS, sur la LASI - elle était juste en consultation auprès des partenaires sociaux; personne ne la connaît encore, en tout cas officiellement. Ces trois lois sont indissociables. (L'oratrice est interpellée.)Non ! Je suis désolée, mais, étant donné l'importance du sujet - et je salue M. Unger qui a vraiment pris le taureau par les cornes pour mettre en place une politique sociale digne de ce nom dans ce canton - je souhaiterais, pour ma part, qu'il aille jusqu'au bout des choses et qu'au parlement ou en commission des affaires sociales, il nous dise où il veut aller à court, à moyen et à long terme. Evidemment, on ne peut pas penser tout de suite au long terme, mais, je suis navrée, vous ne nous avez pas dit du tout comment les choses allaient se passer ! (L'oratrice est interpellée.)Non, j'ai relu les rapports, j'ai discuté avec Mme Haller qui a suivi les travaux de commission...
Une voix. Je l'ai dit !
Mme Nicole Lavanchy. Eh bien, vous allez le redire, et on va vous entendre ! N'empêche que cet édifice nous semble, pour l'instant, relativement pas élaboré ! Et je suis désolée, mais nous avons le droit, en tant que parlementaires - même si l'on est d'accord avec le contenu d'une loi - de demander dans quelle politique d'action sociale elle va s'inscrire ! Si on ne nous le dit pas, on ne la vote pas. Voilà ! Je vous remercie.
Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président
M. Renaud Gautier (L). Heureux pays, heureuse société que celle qui, à un moment donné, est amenée à devoir réguler l'ensemble de ses activités pour être solidaire avec les plus malheureux d'entre elle !
On ne peut donc que saluer l'effort du Conseil d'Etat et, en l'occurrence, du conseiller d'Etat Unger, d'avoir eu le courage - pour une fois - de faire le catalogue de l'ensemble des prestations qui sont offertes actuellement à Genève et d'essayer d'y mettre un peu d'ordre.
On peut évidemment - toujours le diable visant le détail - décider que quelque chose ne va pas parce qu'il manque tel ou tel mur - j'ai cru comprendre qu'on parlait de mur... Quoi qu'il en soit, quand on veut noyer son chien, on dit qu'il a la rage !
Mesdames et Messieurs, il s'agit ici d'un acte de solidarité que fait la société vis-à-vis des plus faibles. Le refuser, comme certains l'entendent en évoquant encore et toujours le problème des totalitarismes divers et variés, nous fait penser qu'à force de toujours citer cet exemple - il n'y a que les experts qui le citent - c'est simplement ne pas vouloir traiter ce problème ! Vous ne pouvez pas dire que c'est toujours le même côté du parlement qui se préoccupe de justice sociale et accuser l'autre côté de ne pas faire de social quand il est d'accord avec un projet qui essaie, précisément, d'y mettre un tant soit peu d'équité ou d'équilibre. Il faut être un peu cohérent !
Si ce projet de loi est un début et s'il n'est pas abouti - le rapporteur de majorité l'a fort justement expliqué tout à l'heure - il représente toutefois une démarche absolument nécessaire: vis-à-vis de ceux qui pourront profiter des aides de l'Etat, mais, aussi - et ce n'est pas la moindre des choses - par rapport à ceux qui contribuent à ces aides-là en travaillant. Et il est effectivement temps d'appliquer une certaine forme de justice ou d'équité entre ceux qui participent à la solidarité vis-à-vis des plus faibles et ceux qui reçoivent cette nécessaire solidarité de la société.
Mesdames et Messieurs, refuser ce projet de loi, c'est effectivement un acte antisocial ! (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Personne, dans notre parlement, n'a le monopole de la conscience ni de la bonne conscience... Faire des reproches aux uns ou aux autres en la matière tient davantage du procès d'intention que de la démonstration. Nous élèverions nos débats - surtout sur un sujet aussi important que celui-ci - en évitant ce genre de propos !
Cela dit, il est vrai que ce projet de loi est perfectible. Mais il y a les améliorations réelles et il y a les leurres... Et celles qui nous sont présentées ce soir tiennent plus des leurres que de la réalité !
Par exemple, il aurait été souhaitable que ceux qui critiquent l'imperfection de ce projet de loi se penchent sur ses conséquences financières ou sur les dérives de ces conséquences financières ! Je vois qu'ils ont évidemment évité ce point, de même qu'ils évitent de parler ouvertement de la perte des pouvoirs - à laquelle s'est référé l'un de mes collègues - qui résulterait de la mise en oeuvre de ce système rationnel de distribution, adapté au temps présent, que l'on a imaginé avec le RDU.
Oui, il est nécessaire d'adapter les outils de la sécurité sociale ! Oui, il faut voter ce projet de loi ! Néanmoins, si nous devons voter ce projet de loi, nous devons aussi nous demander quelles sont nos responsabilités face à cet outil technique ce soir. Qui peut le plus peut le moins ! Ceux qui reprochent à ce projet de loi de ne pas aller assez loin devraient reconnaître le progrès qu'il représente ! Il est écrit dans le rapport de majorité: «Alors pourquoi ces réserves, pourquoi ce rapport de minorité ? direz-vous ! Pour une simple raison. La mise en place d'un revenu déterminant unique ne peut se résumer à une entreprise de rationalisation de diverses prestations...». Bien entendu, cela ne peut se résumer à une telle entreprise, mais il faut d'abord commencer par ça ! Refuser cela, c'est refuser la modernisation de l'Etat; c'est refuser sa rationalisation; c'est, en fait, perpétuer les imperfections et les dysfonctionnements ! Nous ne serons pas du côté de ceux qui favorisent le non-fonctionnement de notre Etat ! Nous prendrons, nous, nos responsabilités, en adoptant ce projet de loi !
Une voix. Bravo !
M. Blaise Matthey (L), rapporteur de majorité. Dans le sens de ce vient de dire M. le député Weiss, je dirai que nous avons fait deux paris très précis. D'abord le pari de la justice et de l'équité, pour ce qui est du franc de l'aide sociale distribué - c'est un pari qui, me semble-t-il, mérite d'être pleinement soutenu.
Le deuxième pari est celui de l'innovation sociale. Et, comme toujours, l'innovation peut déranger.
Pourquoi irons-nous dans cette direction ? Parce que nous savons que l'innovation sociale fonctionne ailleurs. Nous avons vu - les commissaires qui se sont rendus au Tessin - qu'il était possible de réformer l'aide sociale sans choquer quiconque, en permettant au contraire d'améliorer les conditions de travail et en faisant en sorte de ne pas prendre des mesures qui pourraient gripper le mécanisme ou, alors, de réagir relativement rapidement si certaines de ces mesures n'étaient pas adéquates. C'est précisément ce que permet de faire ce projet de loi.
Il n'y a donc aucune autre volonté que de faire en sorte d'améliorer la mécanique actuellement en place dans l'intérêt de ceux qui en bénéficient. Et je suis convaincu qu'avec cette amélioration ceux qui l'administrent et qui semblent si inquiets à l'heure actuelle y trouveront aussi leur compte. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je voudrais juste préciser une chose, parce que plusieurs d'entre vous ici ce soir ont fait référence aux travaux de la commission des affaires sociales, se sont félicités de l'agréable climat de travail qui a régné pendant tout le temps pendant lequel cet objet a été examiné... Alors, qu'ils disent aussi qu'un certain nombre de remarques et de réserves ont été formulées et qu'on nous a donné l'assurance qu'elles seraient prises en compte, qu'on tiendrait compte de ces observations ! On admettait alors qu'elles étaient fondées et qu'elles n'étaient pas aussi fantasmagoriques que vous cherchez à le faire croire aujourd'hui. Qu'on nous reconnaisse au moins ça !
Je dois en effet faire mon mea culpa... Nous avons travaillé dans une si bonne ambiance que, d'une certaine façon, j'ai le sentiment d'avoir laissé ma pugnacité s'endormir... (Exclamations.)Oui, eh oui, je l'admets ! (Exclamations.)Je vous le concède ! (Commentaires.)Oui, parce que j'ai simplement cru qu'on tiendrait compte de ces réserves, comme on me l'a dit ! Nous comprenions l'intérêt de voir mis en place un système de revenu déterminant unique - précisément pour briser les baronnies auxquelles M. Aubert fait allusion - tout en ayant le souci que ce système n'induise pas des effets pervers. J'avais cru entendre - je me suis peut-être trompée - des assurances que cela serait pris en considération et qu'on en tiendrait compte pour la suite des travaux.
Mon rapport de minorité pose un certain nombre de questions - questions que se pose M. Matthey, d'ailleurs, et je lui en sais gré - auxquelles il n'a pas été répondu, et préconise l'abstention en disant qu'il y a énormément de bon à prendre dans ce projet, mais qu'il comporte un certain nombre d'effets pervers et de zones d'ombre, et que cela ne nous permet pas de le créditer à 100% ! Jusque-là, vous ne pouvez pas nous reprocher de ne pas être cohérents avec ce que nous avons dit durant les travaux de la commission !
J'avoue avoir un peu de peine à accepter qu'on dise de notre démarche qu'elle serait une sorte de show... Je m'étais promise de ne pas être désagréable et de ne pas relever deux trois choses, mais, enfin, j'ai entendu M. Froidevaux ... (L'oratrice est interpellée par M. Catelain.)Attendez, pour une fois ce n'est pas pour vous, Monsieur Catelain ! M. Froidevaux disait qu'il se sentait aigri... Je lui aurais concédé qu'il soit un peu amer - cela aurait peut-être été plus précis - en revanche, je suis d'accord avec lui sur un certain nombre de points. En ce moment, il montre une certaine «aigritude», notamment lorsqu'il nous accuse de vouloir faire un show, alors que nous exposons simplement des problématiques dont il serait malhonnête de faire l'impasse. En tout cas, notre groupe ne pourrait pas se prêter à ce genre de manoeuvre.
J'aimerais insister sur ce point, parce que je ne veux pas qu'on nous fasse de mauvais procès. Sur le RDU, nous sommes d'accord ! Sur la notion d'un revenu déterminant unique, nous sommes d'accord ! Mais arrêtons de nous taper sur le ventre, je vous en prie ! Ce projet de loi, c'est vrai, ne dit pas textuellement ce que j'ai énoncé comme perspectives négatives. Et c'est bien cela, le problème ! Et c'est bien pour cela que certains d'entre vous ici, ce soir, peuvent dire que je suis en train d'inventer ! Mais ce n'est pas vrai ! D'abord, parce, quelque part, M. Matthey - au travers de ce qu'il a relaté des travaux de la commission ou de certains propos de commissaires - indique une direction dont je suppose que M. Unger s'inspirera pour la suite des travaux. Et c'est bien sur ce point que réside le problème !
Jusque-là nous pourrions être à peu près d'accord - indépendamment des problèmes qu'a soulevés Mme Lavanchy, notamment sur l'articulation entre les différents dispositifs - mais, à partir du moment où, sans le vouloir, on met en place un système qui va instaurer une sorte de salaire d'exclusion, permettez que nous nous interrogions ici ! Alors, cela dérange un certain nombre de personnes ! Et on nous parle de coûts, de responsabilités financières. Mais, lorsque nous serons dans ce type de système, Monsieur, ce sera trop tard ! Et croyez bien que, sur le terrain, un certain nombre d'indicateurs montrent qu'on est en train de construire ce type d'instrument. Alors, venir nous dire que nous fantasmons et que c'est faux, c'est tout simplement manquer de sens de l'observation ou, en tout cas, d'humilité pour pouvoir entendre ceux qui vous avertissent aujourd'hui de ce qui est en train de se préparer.
Je ne dis pas - et je l'ai précisé dans mon rapport de minorité - que c'est chose faite et qu'il y a une intention délibérée de tous, ici, de mettre en place ce type de système. Je dis seulement - et c'est aussi indiqué dans mon rapport de minorité - que si on n'y prend pas garde, c'est bien vers cela que nous risquons d'arriver, quelque chose de l'ordre du RMR, celui dont vous n'avez pas voulu !
Alors, soyons cohérents: soit vous me dites qu'on va organiser, rendre plus rigoureuse l'administration des aides sociales et des aides cantonales, mais, à ce moment-là, on se garde - et c'est un peu le sens des amendements qui sont prévus ici - de faire un amalgame entre une allocation catégorielle et une allocation de comblement. Il ne s'agit pas de pouvoir, ni de ceux qui perdraient du pouvoir, il s'agit aujourd'hui de leur métier !
Il faut se demander quelle société nous voulons pour demain. Voulons-nous la fracture sociale, des gens qui touchent des chèques à la maison et qui sont relégués dans l'exclusion, ou voulons-nous que la population puisse bénéficier de prestations d'accompagnement et de réinsertion mandatées par l'Etat ? Le danger ce situe à ce niveau ! Vous pouvez aujourd'hui choisir l'option de la rente sociale ou celle d'un Etat dynamique qui met en place une politique cantonale d'aide sociale qui a du sens. Il ne s'agit de rien d'autre ! (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je reprendrai l'image de la maison, si vous me le permettez, Madame Lavanchy. Comme vous, je pense que, lorsqu'on construit une maison, on aimerait bien la voir terminée... On aimerait bien la voir terminée... (Commentaires.)Laissez-moi parler ! Vous avez parlé d'une conception en patchwork, et, comme j'admire votre veste... (Rires.)... je me demande s'il ne s'agit pas d'un miroir. (Rires. La présidente agite la cloche.)
Madame la députée, avez parlé d'une maison... Les lois de l'organisation sociale - vous m'avez interrogé sur le sens des politiques sociales qu'entendait mener le Conseil d'Etat - correspondent très exactement à un certain nombre de questions qui tournent autour du logement. La première est: où vais-je me loger et veux-je me loger ? C'est une question de principe. (Rires et exclamations.)La deuxième est: comment veux-je vivre et dans quelle genre d'habitation ? Un appartement, une maison, une tente ou une caravane ? C'est une question à laquelle on réfléchit, selon qu'on a une famille ou pas. Puis on se demande combien de chambres à coucher on veut, combien de salles de bains, une cuisine ou deux, une cave ou pas de cave. Ensuite on l'achète, à un certain prix, et on s'organise.
Alors, Madame, notre politique sociale est très exactement construite sur ce mode-là ! Avec, premièrement, une loi des principes - c'est la loi qui est en cause ce soir; deuxièmement, une loi du sens - c'est la loi sur l'aide sociale individuelle qui a été mise en consultation; troisièmement, une loi d'organisation - ce sera la révision de la loi des CASS. Mais je vous rappelle que la loi des CASS est toute récente: elle vient d'être évaluée et, au fur et à mesure que j'envisage d'y faire des modifications, on me dit de ne pas trop y toucher, parce qu'au fond, c'est vrai, on ne s'entendait pas, mais, rien qu'en sachant que ça pourrait changer, on s'entend de mieux en mieux... (Rires.)Et enfin, ce sont les lois spécifiques qui touchent les barèmes.
Alors, à vouloir tout mélanger avant d'acheter l'outil, on ne conçoit rien ! Et la loi de ce soir est bien l'étape numéro un: c'est une loi des principes, et des principes simples, qui ne résolvent de loin pas tout - cela a été relevé tant par le rapporteur de majorité que par la rapporteure de minorité. Mais cette loi règle tout de même quelques aspects de notre organisation sociale actuelle qui ne sont pas insignifiants. Le premier est de mettre sur pied un système qui soit accessible... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Le système actuel est un vrai parcours du combattant ! Transparent... Le système actuel est totalement opaque ! Equitable... Le système actuel - Mme Pürro l'a dit - permet d'avoir des prestations différentes selon la première porte à laquelle on a frappé ! Tout cela n'est pas acceptable !
Que cette organisation soit moins gourmande en frais administratif - ce qui a l'air de heurter Mme Lavanchy - je ne vois tout de même pas pourquoi on s'y opposerait ! Les travailleurs sociaux nous demandent des forces supplémentaires au front, et, ces dernières années, ce sont plusieurs centaines de postes qui ont été octroyés à cause de la complexité du travail qui augmente, mais surtout à cause du nombre croissant de personnes qui consultent. Et si l'on devait envisager plus de travailleurs sociaux, il serait pertinent de les chercher là où ils ne seraient plus nécessaires, c'est-à-dire dans des postes dont on ne voit guère la plus-value, puisque leur seule plus-value actuelle est de s'ignorer les uns les autres... Et ce projet a très précisément l'ambition de les faire collaborer. Franchement, je ne comprends pas très bien la plupart des observations que vous avez faites.
S'agissant de la loi des CASS - qui avait été votée d'ailleurs par un parlement de composition différente de celui-là - on nous avait dit qu'on avait eu tort de mettre la coquille avant de mettre le contenu... Eh bien, nous sommes justement en train de faire le contraire ! Nous mettons d'abord le contenu: les principes. Nous mettrons ensuite - si vous l'acceptez - une autre forme de contenu: la loi sur l'aide sociale individuelle. Et puis, on y ajoutera une proposition de loi d'organisation dans une révision de la loi sur les CASS, que vous voterez ou que vous ne voterez pas. Mais nous aurons au moins respecté le sens de la démarche que vous vouliez, qui s'avère être, bien entendu, plus adéquat.
Je le répète: si cette loi n'a pas une ambition démesurée, elle permet quand même de réorganiser certains aspects du système. Parce que dans la loi sur l'aide sociale individuelle - et tous les acteurs de l'aide sociale insistent à ce sujet - nous voulons non seulement quelque chose de plus juste, de plus transparent, de plus accessible, mais encore - cela a été dit aussi - de plus dynamique et de plus intégré, et intégré par une approche transversale de l'aide sociale.
Croyez-vous, Mesdames et Messieurs, qu'on puisse s'épargner d'apprendre aux services attributeurs de l'aide sociale à communiquer, si l'on veut réellement franchir l'étape de l'intégration des politiques sociales ? C'est inconcevable !
En d'autres termes, ce projet anticipe - hélas ! - l'interprétation que telle ou telle gazette ont fait des votations du 24 avril, à savoir que le peuple ne veut pas dépenser plus: il pense qu'il y a assez de moyens, et c'est pour cela qu'il ne votera pas plus d'impôts. Mais il ne veut pas non plus dépenser moins, car il voudrait garder les prestations existantes. Le peuple nous a donné un message très clair de coordination, d'intégration et d'établissement de principes. Les voilà devant vous: nous verrons qui est d'accord de les adopter ! (Applaudissements.)
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 86 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 1.
La présidente. Nous sommes à l'article 2: «Champ d'application». Madame la rapporteure, je vous donne la parole.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Je vous présente mon amendement. Vous avez vu qu'il est écrit à l'alinéa 2 de l'article 2: «Le Conseil d'Etat peut provisoirement exclure: a) les prestations cantonales complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants et à l'assurance invalidité, b) les différentes prestations d'encouragement à la formation et aux études.»
L'objectif de mon amendement est, au fond, de permettre d'élargir l'éventail d'interventions de ce projet de loi. Alors que l'intention était d'avoir un revenu déterminant unique pour les multiples dispositifs, nous nous sommes rendu compte au moment de la présentation de ce rapport - beaucoup d'entre nous l'avons déploré - qu'il ne concernait plus qu'un nombre extrêmement restreint de dispositifs. Durant les travaux de la commission, l'essentiel des débats a porté sur les prestations complémentaires et les allocations d'études. Et c'est en cela que le projet a été modifié, mais il n'est pas prévu expressément qu'il puisse s'élargir. Or l'intérêt que nous voyons à ce projet de loi - c'est ce qui a motivé notre vote d'entrée en matière, nous faisons abstraction des ricanements... - c'est, justement, qu'il puisse intégrer un maximum de dispositifs d'allocations, de prestations cantonales d'aide sociale, pour qu'il ait une réelle portée.
C'est pourquoi nous présentons un amendement qui consiste à ajouter un nouvel alinéa 3 à l'article 2, je cite: «A terme, le Conseil d'Etat veillera à intégrer le plus grand nombre de prestations sociales cantonales dans le dispositif sur le revenu déterminant.»
M. Blaise Matthey (L), rapporteur de majorité. Afin que nous soyons tout à fait au clair sur la proposition d'amendement qui vient d'être faite, je signale que ce problème a été débattu très longuement en commission. Et c'est, en fin de compte, répéter ce qui se trouve déjà dans l'article 2. Si nous avons comme principe que «La présente loi s'applique à toutes les prestations cantonales soumises à condition de revenu.», c'est précisément parce que le projet de loi n'était pas rédigé de la même manière et que nous avons voulu faire une exception pour des raisons fondées, mais provisoires. Il est bien écrit que le Conseil d'Etat peut «provisoirement» exclure les deux prestations qui sont mentionnées sous les lettres a) et b) de l'alinéa 2. Cet amendement est donc inutile.
Cela ne veux pas dire que je ne comprends pas le sens de l'amendement proposé par Mme Haller, d'ailleurs, j'ai été tout à fait clair à ce sujet dans mon rapport: il faudra très vraisemblablement, sur la base des expériences faites, englober d'autres prestations. Mais, de grâce, si le parlement accepte de mettre en oeuvre un système innovant, il doit accepter le fait qu'il ne peut pas être parfait immédiatement ! Nous le compléterons par la suite. Quoi qu'il en soit l'article 2 et les articles sur l'entrée en vigueur de la loi et sur son appréciation ultérieure tiennent précisément compte de cet aspect des choses. C'est la raison pour laquelle, pour ma part, j'estime cet amendement inutile !
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets l'amendement proposé par Mme Haller et qui a été déposé sur vos tables. Il consiste à ajouter un nouvel alinéa 3 à l'article 2. Voici sa teneur: «A terme, le Conseil d'Etat veillera à intégrer le plus grand nombre de prestations sociales cantonales dans le dispositif sur le revenu déterminant.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 58 non contre 10 oui et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 2 est adopté.
Mis aux voix, l'article 3 est adopté, de même que les articles 4 à 11.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'un amendement à l'article 12, «Définitions». Madame la rapporteure, voulez-vous commenter votre amendement ?
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Oui, merci, Madame la présidente.
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes là au coeur de ce qui pose problème dans ce projet de loi, ce qui motive finalement l'essentiel de nos objections: la crainte qu'une confusion ne s'installe entre les prestations catégorielles et les prestations de comblement.
Nous proposons cet amendement afin de mieux préciser l'intention des membres de ce parlement et, également, pour donner une indication claire au Conseil d'Etat, notamment à M. Unger, pour la poursuite des travaux. C'est, je dirai, la pierre angulaire de nos résistances à ce projet de loi, car, je le répète, pour le reste, nous sommes acquis à la notion de revenu déterminant unique.
L'amendement qui est proposé à l'article 12, lettre b), consiste simplement à ajouter deux phrases qu'on intercale entre les deux phrases du texte initial, qui figurent en caractères normaux dans la feuille d'amendement. Cela donne, sous «Prestations de comblement:», après «il s'agit de prestations qui visent à garantir des conditions de vie digne.»: «Elles sont destinées à favoriser un changement de situation de l'intéressé propre à garantir son autonomie personnelle et financière. Elles ne peuvent être dissociées d'un accompagnement social.» Ensuite, la phrase suivante reste inchangée.
Mme Véronique Pürro (S). Une fois de plus, Madame Haller, vous essayez d'introduire, par la petite porte, des principes qui vous sont chers et pour lesquels vous vous battez constamment: à savoir qu'une prestation financière soit automatiquement accompagnée d'un accompagnement social.
Cette discussion, nous allons l'avoir, mais pas ici, Mesdames et Messieurs les députés ! Nous l'aurons, quand nous examinerons la loi sur l'action sociale individuelle que M. Unger nous a promise.
Introduire un principe organisationnel dans cette loi me semble tout à fait inopportun, surtout qu'il s'agit d'un sujet qui mérite un grand débat. En effet, y compris chez les travailleurs sociaux, cette question n'est pas tranchée, elle ne fait pas l'unanimité. Certains disent qu'ils ne peuvent pas - et c'est votre cas, Madame Haller - dissocier la prestation financière de l'accompagnement social, mais d'autres - et je me situerais plutôt dans cette catégorie, bien que mon groupe n'ait pas encore tranché la question - pensent qu'en fonction de la situation on peut tout à fait admettre qu'une prestation financière ne doive pas forcément faire l'objet d'un accompagnement social.
Je le répète: introduire un tel principe par la petite porte, alors que vous ne l'avez pas fait en commission, et que c'est un sujet important - cela a été relevé à plusieurs reprises - ce n'est vraiment pas très correct, Madame Haller ! En tout cas, pour ma part, je refuserai cet amendement ! (Applaudissements.)
La présidente. Sont encore inscrits: Mme Lavanchy, Mme Haller et M. le conseiller d'Etat Unger. Ensuite, nous passerons au vote.
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Non, Madame Pürro, nous n'essayons pas de faire un coup de force: nous avons simplement lu le triptyque ! Nous n'avons pas encore la LCASS, par contre nous avons eu l'occasion de consulter le projet de loi du Conseil d'Etat sur la LASI - qui a été mis en consultation - dans lequel il est écrit que les personnes qui obtiennent une prestation financière vont être soumises à un contrat d'aide individualisée... Ce contrat ne sera quand même pas établi par les personnes qui versent les prestations ! Il y aura forcément quelqu'un pour évaluer avec la personne demandeuse de quelle manière il sera possible de mobiliser ses compétences pour aller vers le mieux, vers l'autonomie... (L'oratrice est interpellée.)C'est ce qu'on a dit ! C'est bien ce qu'on a dit depuis le début de ce débat ! Notre propos est de rendre cohérentes les propositions qui ont été faites sur la LASI par rapport au RDU ... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Et faire en sorte d'éviter toute confusion entre les prestations catégorielles financières et les prestations compensatoires.
Il est évident qu'une personne qui reçoit une aide financière compensatoire à demeure a besoin d'être aidée pour pouvoir se réinsérer socialement. Si on ne le fait pas, on se dirige droit dans ce que je viens d'évoquer, c'est-à-dire un RMI d'exclusion ! Le projet de la LASI, tel qu'il a été élaboré par le Conseil d'Etat, tel qu'il a été soumis aux partenaires sociaux, nous le trouvons intéressant et nous introduisons son principe dans ce projet.
Le problème qui se pose - nous l'avons déjà évoqué - c'est que nous sommes en train de débattre d'une loi qui devrait l'être en même temps que les deux autres lois qui lui sont liées ! Et nous risquons de nous retrouver coincés dans nos débats, parce qu'on a pas réfléchi à cette question de façon globale. Cela montre, à mon avis, exactement ce à quoi nous allons arriver: le RDU va être voté, et, au moment où nous devrons voter la LASI, nous aurons des querelles de chapelle et nous ne pourrons plus modifier le RDU ! C'est bien le coeur du problème, et c'est bien ce que nous voulons montrer avec cet amendement: on ne peut pas examiner ces projets séparément ! (Exclamations.)Ils sont liés ! Il aurait été plus intelligent de les examiner en même temps, voir de façon plus globale comment ils pouvaient s'articuler entre eux et en débattre, parce nous n'avons pas les mêmes points de vue, c'est vrai. Ainsi, nous aurions évité de fermer toute possibilité de réajuster le tir, que ce soit pour le RDU, pour la loi CASS ou pour la LASI ! Ce soir, en votant le RDU, vous allez bloquer toute possibilité de le modifier, et, ce faisant, vous allez diminuer la marge de manoeuvre pour les deux autres lois. Nous le déplorons ! Cet amendement nous semble particulièrement important pour être un tant soit peu cohérent avec ce qu'a déposé le Conseil d'Etat par rapport à la LASI ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. J'aimerais revenir sur cet amendement pour préciser encore sa portée...
Mme Pürro a dit une ou deux choses, notamment que ce projet de loi n'était pas le lieu pour, finalement, introduire des principes organisationnels... Mais, si ce n'est pas cela, précisément, que fait ce projet de loi, je me demande bien à quoi il sert ! Parce que ce n'est pas dans la LASI qu'on pourra le faire ! C'est en spécifiant ici ce que sont les prestations de comblement, à quoi elles répondent, quelle est leur définition, qu'un principe organisationnel fort aura été arrêté ! Et c'est bien pour cette raison que nous nous permettons d'insister, dans cette enceinte, et aujourd'hui !
Vous avez raison, je vous le concède: la question de la séparation de l'argent et du social ne fait pas l'unanimité. Mais alors, ne fermez pas cette question aujourd'hui ! Qu'on l'étudie, qu'on ait un réel débat ! Car ce débat, nous ne l'avons pas encore fait ! Certains d'entre vous nous assènent que les choses sont ainsi, que c'est très bien, que c'est la meilleure solution... Mais d'autres personnes, inspirées par d'autres expériences, ne sont pas d'accord: elles pensent que ce système représente de graves dangers de fracture sociale et qu'en plus - c'est un argument qui devrait toucher un certain nombre de députés ici - il coûtera très cher ! Non seulement en prestations, mais également en coûts sociaux et humains !
Dès lors, permettez que nous réaffirmions un principe qui est fondamental pour nous: il serait particulièrement préjudiciable pour la République de se donner uniquement les moyens d'administrer la pauvreté et de se résoudre à ne pas lutter contre celle-ci ! Ce que nous déplorons dans ce document, c'est qu'il porte en lui les germes, effectivement, de l'instauration d'une rente sociale !
Nous vous exhortons encore une fois à réfléchir: il ne faut pas clore le débat ! Tout ce que nous demandons par cet amendement, c'est de garder une ouverture ! Ensuite, nous examinerons cette question en profondeur, si vous le voulez, et nous nous rabattrons sur la réalité !
Comme l'a dit, Mme Lavanchy, je me réfère à des expériences qui ont été faites ailleurs: regardez le RMI français ! Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il s'agit d'un revenu minimum d'exclusion ! Mais, en attendant, les gens qui s'y connaissent, les gens qui ont l'expérience du RMI français, pourraient vous dire que seul un tiers des personnes percevant le RMI sont en contrat d'insertion ! C'est peu pour lutter contre la désinsertion et l'exclusion... Regardez le système des Etats-Unis: pouvez-vous réellement affirmer que c'est un modèle que nous voudrions voir mettre en place en Suisse ? Je ne crois pas !
C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à voter cet amendement. (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je serai très bref... Vous le savez - j'ai eu l'occasion de vous le dire dans le débat initial - la volonté à travers la LASI est tout à fait claire: faire en sorte que les personnes dont il est question passent un contrat avec l'Etat - c'est-à-dire un partenariat - pour renforcer le rôle de l'accompagnement social et garantir plus de transversalité dans l'approche des problèmes sociaux. Vous faites un procès d'intention... Bien sûr, je ne peux pas jurer que cette loi sera votée telle quelle, mais, en tout cas, c'est comme cela qu'elle vous sera proposée ! Je crois que vous n'avez pas à vous méfier de nous, vous devriez plutôt vous méfier d'autres personnes.
Et même sur le plan théorique, quand bien même je reste persuadé de l'importance de l'accompagnement social, n'oubliez pas deux choses. La première, c'est que l'article 12 de la constitution - vous nous le répétez assez souvent - oblige l'Etat à subvenir aux besoins d'une personne en lui versant un minimum vital permettant une vie digne. Mais il n'est aucunement précisé que la présence d'un assistant social, d'un policier ou d'un psychiatre est obligatoire ! Partant de là, l'article 12 de la constitution est exhaustif dans ce qu'il impose.
Et puis, je suis tout de même un peu surpris, non pas que vous déposiez cet amendement - je sais votre souhait et curieusement, pour une fois, je le partage - mais parce que c'est vous, Madame, qui avez déposé un projet de loi imposant de fixer dans la loi le minimum vital que vous jugiez adéquat, quand le Conseil d'Etat a décidé d'appliquer les normes CSIAS. Mais la loi ne stipule nullement qu'il faille un accompagnement quelconque. Puisque, dès qu'un montant est fixé dans la loi, on y a droit, et on y a droit indépendamment de tout le reste !
Vous ne convaincrez jamais le Tribunal administratif d'opposer à une personne, qui voudrait cet argent et qui a une base légale, le fait de ne pas le lui donner parce qu'elle refuse une consultation.
En revanche, l'amendement, lui, doit être refusé.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Madame Haller, vous avez déjà fait un commentaire... Nous allons procéder au vote. (Protestations.)Du calme, tout va bien ! Madame la rapporteuse de minorité, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je voudrais juste ajouter une chose, pour réagir à l'un des propos de M. Unger. Il a fait une confusion qui, à mon avis, n'était pas intentionnelle - ou, alors, c'est que j'aurais mal compris certaines choses.
M. Unger a fait référence à l'article 12 de la constitution qui définit, effectivement, que l'Etat est tenu d'assurer des moyens d'existence conformes à la dignité humaine... Et combien de fois M. Unger, lui-même, n'a-t-il pas relevé la différence entre les prestations d'assistance et les prestations garanties par l'article 12 de la constitution ?! Et combien de fois ne m'a-t-il pas reprise quand je parlais de minimum vital, disant qu'il y avait une différence entre le minimum vital, le minimum social et le minimum vital absolu !
Si je dois comprendre de vos propos que nous devrions aujourd'hui assurer le maximum de la prestation garantie par les directives découlant de la LAP à toute personne qui demanderait une prestation financière, je doute que vous seriez, Monsieur, d'accord de cautionner une telle pratique !
D'autre part, vous dites que l'obligation de l'accompagnement n'est nullement stipulée dans loi sur l'assistance publique, pour laquelle nous avons - c'est vrai - introduit une demande de notification relative à l'inscription des montants d'assistance... Je vous rappelle simplement que c'est ce texte qui a fait foi jusqu'ici et qu'il précise qu'une contribution active est attendue de la part du bénéficiaire à sa réinsertion sociale et économique. Et, jusqu'à maintenant, l'interprétation qui en a été faite, autant par les autorités que par les institutions qui étaient chargées d'exécuter ce mandat, c'était précisément qu'on ne pouvait pas recevoir d'argent sans accompagnement social, sans la construction d'un projet !
La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez tous reçu l'amendement déposé par Mme Haller concernant l'article 12, lettre b). Voici le texte: «Prestations de comblement: il s'agit de prestations qui visent à garantir des conditions de vie digne. Elles sont destinées à favoriser un changement de situation de l'intéressé propre à garantir son autonomie personnelle et financière. Elles ne peuvent être dissociées d'un accompagnement social. Elles sont subsidiaires à toute autre forme d'aide et consiste en un transfert monétaire en direction du bénéficiaire.».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 66 non contre 14 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'article 12 est adopté.
La présidente. Nous sommes à nouveau saisis d'un amendement déposé par Mme Haller concernant l'article 13. Madame la rapporteure, je vous redonne la parole.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Merci, Madame la présidente. Cet amendement vise, finalement, à organiser, un peu plus que ne le prévoyait déjà ce projet de loi, l'ordre d'entrée en scène des prestations. Il semblait que la version finale de l'article 13 répondait à un souhait que j'avais formulé en commission, à savoir que les prestations tarifaires devaient être prioritaires à toute autre prestation. J'avais pris l'exemple suivant: si une personne bénéficiait ou pouvait bénéficier d'un logement subventionné ou d'un loyer modéré, elle pouvait, suite à l'abaissement de ses charges, ne pas avoir besoin des autres prestations. Il me semblait qu'abaisser les coûts était plus intéressant qu'augmenter les dépenses.
Dans un premier temps, j'ai donc cru que cet article répondait à mon souhait, mais la manière dont celui-ci est conçu me laisse tout de même perplexe... En effet, il est dit dans l'alinéa 2 actuel de cet article 13 que les prestations tarifaires comprennent notamment - notamment ! - des éléments calculés sur la base du revenu déterminant de l'intéressé, tel que défini par la présente loi, additionné des prestations catégorielles et de comblement obtenues... Et nous ne voudrions pas que ces éléments-là n'interviennent qu'après !
C'est pourquoi je vous propose juste un toilettage qui permettrait de bien comprendre l'intention: veiller tout d'abord à l'abaissement des charges des ménages et, ensuite, compenser par des prestations, soit catégorielles, soit de comblement.
Mme Véronique Pürro (S). Je dois dire, Madame Haller - connaissant, comme beaucoup d'entre nous, votre rigueur et votre intelligence - que je suis étonnée devant cette kyrielle d'amendements que vous présentez au dernier moment... D'autant que certains de ces amendements, et en particulier celui-ci, auraient mérité un examen plus approfondi en commission, afin d'en évaluer les conséquences financières mais aussi les bénéfices, comme cela a été fait pour le reste: perdant - gagnant !
Présenter des amendements en plénière, sans même proposer un renvoi en commission - je le répète, ce sujet est d'une telle importance qu'il mériterait d'être étudié en détail - sans que nous ayons la possibilité d'en discuter et d'en mesurer les conséquences, je suis navrée de vous le dire, Madame Haller, mais ce n'est pas digne de la rigueur et de l'intelligence que nous vous connaissons habituellement dans le travail !
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'ai bien enregistré ce que vient de dire Mme Pürro, qui nous demande d'être plus intelligents... Je vais essayer de l'être: je demande le renvoi en commission de ce projet de loi !
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Je ne reviendrai pas sur les éloges ambiguës que m'adresse Mme Pürro. Elle me concède une certaine intelligence, pour mieux m'en dénier une partie ensuite. (L'oratrice est interpellée.)Tout à fait: j'ai bien compris ce qui a été dit ! J'aimerais juste rappeler que cette préoccupation a été exprimée durant les travaux de la commission, et on m'avait assuré qu'elle serait prise en compte et qu'elle serait intégrée dans le texte. Or, il m'apparaît que le texte final n'est pas suffisant évident à cet égard ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Je n'ai donc pas l'impression de demander une chose nouvelle, Madame Pürro !
Mis aux voix, le renvoi de ce projet de loi à la commission des affaires sociales est rejeté par 61 non contre 8 oui et 3 abstentions.
La présidente. Nous poursuivons la procédure. L'article 13, «Hiérarchie des prestations sociales», est adopté... (Protestations.)Excusez-moi, je suis allée trop vite !
Je vous soumets l'amendement proposé par Mme Haller à l'article 13, alinéa 1. Le voici: «Les prestations tarifaires, catégorielles et de comblement doivent être demandées dans l'ordre suivant: a) les prestations tarifaires...; b) les prestations catégorielles...; c) les prestations de comblement...» (L'alinéa 2 devient la lettre a) de l'alinéa 1).
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 60 non contre 11 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 13 est adopté.
La présidente. Madame Haller, voulez-vous vous exprimer sur l'amendement que vous proposez à l'article 14 ?
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Oui, merci, Madame la présidente. Il s'agit d'une modification symbolique, à l'article 14, alinéa 2. Il consiste à ajouter le mot «humaines» après «conséquences organisationnelles et financières...». Cela donne: «L'évaluation porte notamment sur la possibilité d'étendre le champ d'application de la loi aux prestations provisoirement exclues en vertu de l'article 2 de la présente loi. Elle porte aussi sur les conséquences organisationnelles, financières et humaines d'une automatisation complète de l'octroi des prestations.» C'est un des éléments qui est fondamental. Je pense que cela ne devrait pas vous poser de problème.
M. Alberto Velasco (S). J'aimerais m'exprimer sur l'article 14 en général. C'est un article éminemment important à ce stade du débat. Je ne suis pas intervenu jusqu'à maintenant, mais, en lisant ce projet de loi - je parle pour les députés qui n'ont pas participé aux travaux de la commission - on se rend compte qu'il y a des conséquences financières. Et je salue à cet égard l'honnêteté intellectuelle du rapporteur. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Mais il reste quand même des zones d'ombre dans ces conséquences financières qu'il est impossible aujourd'hui de mesurer - je suis totalement d'accord. Or l'article 14 porte précisément sur cette évaluation. Et là, Monsieur le président du département, je souhaite que ce projet ne rende pas les pauvres encore plus pauvres ! Car il semble que ce soit vers quoi il tend.
J'aimerais donc que l'évaluation de ce projet soit effectuée avec beaucoup de rigueur, parce que, si on ne le faisait pas, les conséquences pourraient être dramatiques !
M. Blaise Matthey (L), rapporteur de majorité. J'aimerais rassurer M. Velasco à ce sujet. Il est tout à fait clair - et des études ont été faites sur ce point par le professeur Flückiger - qu'il n'y a aura pas de baisse des prestations. Je crois l'avoir dit dans mon rapport, et je tiens à la disposition de M. Velasco, s'il le souhaite, des documents de synthèse que la commission a étudiés en profondeur, précisément dans cette optique.
Le problème qui pourrait se poser - cela a été dit par Mme la députée von Arx-Vernon, il y a quelques instants - c'est celui de la translation en faveur des familles avec enfants et des jeunes. C'était justement l'une des préoccupations de la CEPP, à l'époque, et on répond à ce souhait: on ne se dirige pas vers une baisse des prestations.
Pour le reste, l'évolution financière au sens le plus large - que ce soit individuellement ou collectivement - devra faire l'objet d'une évaluation. Le terme «organisationnelles» - ce n'est pas ce qu'il y a de mieux en français, d'ailleurs - englobe bien entendu l'organisation et ceux qui la font, puisqu'on sait bien qu'une organisation n'est pas quelque chose que l'on met sur le papier sans songer à ceux qui la font fonctionner. Elle n'a de sens que par rapport à ces personnes, et il n'y a pas de craintes à avoir par rapport aux aspects humains. C'est vraiment faire un procès bien particulier, à l'issue d'un très long débat, aussi bien en commission qu'en plénière, que de présenter un amendement spécifiant le côté humain... Il va sans dire qu'il fait partie intégrante de ce projet ! Et, des rapports que j'ai pu lire ces dernières années, il me semble qu'il en a toujours été question !
Mme Nicole Lavanchy (AdG). Bien sûr, Monsieur Matthey, quand on parle d'organisation, il y a forcément les acteurs qui fournissent une prestation, mais cela n'englobe pas les personnes qui vont recevoir cette prestation ! Je pense donc que vous avez mal entendu l'amendement proposé par Mme Haller. Il s'agit simplement de dire qu'on s'intéresse aux bénéficiaires de ces prestations. Vous avez tous dit que cette loi devait servir en priorité à la population et lui apporter un mieux-être: nous sommes tous d'accord sur ce point. Nous n'avons, du reste, pas dit que c'était une mauvaise loi - je ne reviendrai pas sur ce point. Par contre, dans l'évaluation, on ne se préoccupe pas de savoir ce que les gens vont en penser. C'est tout de même assez curieux ! Cela nous donne l'impression qu'on est en train d'instaurer une loi qui est bien plus administrative qu'au service de la population...
Alors, je sais que ce soir on nous a prêté de très mauvaises intentions de politique politicienne en disant que nous voulions nous mettre en avant, on nous a aussi reproché de ne pas avoir proposé ces amendements en commission... Je suis navrée, mais cet amendement est logique ! Si l'on veut être cohérent avec la loi qui se prétend au service de la population: nous devons nous intéresser aussi, dans l'évaluation, à ce qu'en pensent les gens ! Trouvent-ils, oui ou non, que la prestation est meilleure qu'auparavant ? C'est cela que recouvre le mot «humaines». Il ne s'agit pas là de se préoccuper des acteurs de cette organisation, mais de l'avis des bénéficiaires de la prestation.
Cet amendement n'est quand même pas le bout du monde ! Je sais bien que vous n'êtes pas très contents, mais je vous demande d'être raisonnables. Il est beaucoup plus intelligent de savoir tout de suite ce que les personnes concernées pensent d'un nouveau système, sans parler de l'aspect financier et organisationnel !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: Mme Haller, rapporteure de minorité, Mme Pürro et M. Gautier.
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. En l'occurrence je renonce à prendre la parole, puisque Mme Lavanchy a dit ce que je souhaitais.
Mme Véronique Pürro (S). Avec mon camarade préféré, Alberto Velasco, nous nous étions un peu réparti les rôles... Je devais être la méchante, lui, le gentil... (Commentaires.)Je n'avais pas l'intention d'intervenir à nouveau, mais, après avoir entendu M. Matthey, j'ai presque envie de lui dire que, si l'intention y est, autant qu'elle figure clairement dans la loi. Cela ne mange pas de pain ! Ce n'est pas pour donner raison - une fois - à l'AdG, pas du tout ! Mais si nous avons tous envie que l'aspect humain soit également pris en compte dans l'évaluation - je pense que cela sera le cas de toute manière - indiquons-le dans la loi !
Personnellement, j'aurais préféré que l'on utilise le terme «sociales» plutôt que «humaines». Mais peu importe, ce qui compte, c'est l'intention !
M. Renaud Gautier (L). Je serai très bref, puisque mon collègue Bavarel a partiellement levé mes doutes. Je voudrais juste, Madame la présidente, vous qui nous dirigez de là-haut avec science, que vous m'expliquiez ce qu'est une «évaluation humaine»... (Rires.)
La présidente. Je ferai une recherche, Monsieur le député ! (Commentaires.)
Mesdames et Messieurs, je vous soumets maintenant l'amendement proposé par Mme la rapporteure de minorité. Il s'agit, à l'article 14, alinéa 2, d'ajouter le mot «humaines» après «conséquences organisationnelles et financières...». Soit: «L'évaluation porte notamment sur la possibilité d'étendre le champ d'application de la loi aux prestations provisoirement exclues en vertu de l'article 2 de la présente loi. Elle porte aussi sur les conséquences organisationnelles, financières et humaines d'une automatisation complète de l'octroi des prestations.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 41 non contre 36 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 14 est adopté.
Mis aux voix, l'article 15 est adopté, de même que les articles 16 et 17.
Mis aux voix, l'article 18 (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 9135 est adoptée article par article en troisième débat.
La présidente. Nous allons passer au vote d'ensemble de ce projet de loi... Madame Haller, voulez-vous la parole ?
Mme Jocelyne Haller (AdG), rapporteuse de minorité. Si vous le permettez, avant que ce débat ne se termine, je voudrais faire une déclaration. J'ai fait un rapport de minorité relativement consensuel... (Exclamations.)Eh oui ! (L'oratrice est interpellée par Mme Janine Berberat.)En tout cas il est suffisamment consensuel pour que j'en vienne à le regretter, Madame Berberat ! (Commentaires.)Donc, j'ai fait un rapport de minorité relativement consensuel qui mettait en évidence certains manques et faiblesses de ce projet. Mais j'étais prête à y croire, pour autant que nous dissipions ici quelques malentendus !
Or le débat que nous venons d'avoir renforce mes inquiétudes par rapport à ce projet de loi: finalement, je n'ai entendu que des personnes acquises à l'idée de la séparation de l'argent et du social; j'ai même entendu M. Unger, pour une fois, être clair sur cet objet. Mais, je ne suis pas sûre que vous direz très longtemps que c'est une bonne chose ! Parce que, vu la teneur de ces débats et ce qu'il en restera; parce qu'un certain nombre de questions restent sans réponse, sur l'organisation, sur l'impact sur les postes, sur le nombre d'entrants et de sortants; parce que - indépendamment de ce que M. Matthey a dit tout à l'heure - premièrement il n'y a effectivement pas de garantie qu'il n'y ait davantage de sortants que d'entrants et que, deuxièmement, en ce qui concerne la diminution des prestations, eh bien, il faudrait être sacrément myope aujourd'hui pour ne pas faire la relation entre la diminution des directives d'assistance par l'application des normes CSIAS et la diminution des prestations ! C'est faire preuve d'une singulière myopie, avec laquelle je ne peux participer.
Alors, parce qu'il n'a pas été répondu à toutes ces questions et parce que ce projet de loi, indépendamment de ses bons côtés, auxquels nous étions prêts à adhérer, ne garantit en aucune manière - c'est ce qui apparaît - que nous n'allons pas vers l'instauration d'une rente sociale, vers un système qui viserait à gérer la pauvreté et non pas à la combattre, l'AdG ne votera pas ce projet aujourd'hui !
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, je vais vous soumettre ce projet de loi dans son ensemble... (Un député demande le vote nominal.)J'en étais sûre ! Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? Il n'y a pas le nombre... (Des mains se lèvent.)Voilà ! Il sera procédé par appel nominal.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9135 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui contre 10 non.
La présidente. Je signale la présence de M. Schweingruber, conseiller municipal, à la tribune. (Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs, nous allons prendre le projet de loi 8746-B que vous avez décidé de traiter en urgence. Il ne reste qu'une demi-heure avant la cessation de nos travaux, à 23h, mais je vous propose de commencer l'examen ce point - que nous poursuivrons demain, après les extraits, puisque nous n'aurons probablement terminé ce soir.
Premier débat
M. Mark Muller (L), rapporteur de majorité. Je souhaiterais indiquer que le projet de loi issu des travaux de la commission a été passablement amendé et que toutes les dispositions de ce projet - à une exception près, c'est vrai - ont recueilli la quasi-unanimité des voix de la commission.
L'objet principal du projet de loi portait sur la suppression du droit d'initiative - et non le droit de recours - des associations de protection du patrimoine en matière de demandes de classement, de demandes de mise à l'inventaire et de demandes de plans de site.
A la suite de l'audition de la Société d'art public, une discussion s'est ouverte et nous avons trouvé une solution consensuelle pour maintenir le droit d'initiative s'agissant des demandes de classement et des demandes de mise à l'inventaire. Et nous avons considéré que le droit d'initiative des associations en matière de demandes de plans de site pouvait être supprimé. Cette mesure a, du reste, été acceptée par la Société d'art public.
J'espère que nous pourrons poursuivre ce débat dans le même esprit consensuel et adopter ce projet de loi ce soir.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. J'aimerais tout d'abord que le rapporteur de majorité nous explique pourquoi l'urgence a été demandée pour cet objet, puisque - nous avons pu le constater lors des travaux de commission - les abus sont en fin de compte assez rares. Peut-être, cette urgence est-elle le signe des résultats des prochaines élections de cet automne: il fallait traiter rapidement ce projet de loi sous la majorité actuelle...
Le renvoi en commission de ce projet de loi a eu le mérite, comme M. Muller l'a rappelé, de faire évoluer la position des partis de l'Entente et de l'UDC concernant le rôle à donner aux associations de protection du patrimoine. Le projet initial prévoyait effectivement de supprimer le droit de ces associations de demander les mesures de protection que sont l'inscription à l'inventaire, le classement et le plan de site.
Les travaux de la commission ainsi que l'audition de la Société d'art public ont permis de faire comprendre à la majorité qu'il fallait conserver le droit d'initiative des associations en matière de classement et, également, pour la mise à l'inventaire.
Supprimer le droit d'initiative pour la mise à l'inventaire aurait eu le désavantage de tout reporter sur les demandes de classement et aurait entraîné une multiplication de ces demandes. La mise à l'inventaire permet en effet d'accorder une protection légale pour des objets présentant tout de même un intérêt non négligeable et de concrétiser tout le travail «d'inventorisation» qui est mené au sein du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.
A ce stade, nous pouvions nous demander s'il ne valait pas mieux retirer ce projet de loi... La majorité s'est entêtée et a voulu obtenir un résultat: il ne restait alors qu'à faire un sort au plan de site ! Pourtant, le plan de site est également un outil important: il permet de prendre en compte le patrimoine bâti dans son environnement et de préserver les caractéristiques d'un quartier tout en définissant les potentiels à bâtir. Supprimer ce droit aux associations montre à quel point vous craignez la force des propositions de la société civile... Au lieu de travailler avec le monde associatif, vous le tenez à l'écart ! Vous avez été jusqu'à supprimer à des associations locale la possibilité de s'exprimer sur des questions très spécifiques, dans un territoire bien identifié !
Dans un esprit de consensus, nous nous sommes abstenus à l'article 39, alinéas 1 et 4. Mais ce consensus, dont le rapporteur de majorité fait état dans son rapport, n'en est pas vraiment un ! Supprimer le droit de recours des associations locales, comme vous le faites, est pour nous inacceptable ! Les associations d'importance cantonale ont besoin, justement, de relais locaux et d'aides particulières.
Ce projet n'est donc pas bon, et je vous prie de le refuser.
M. Jacques Baud (UDC). Ah, la «recourite» ! La «recourite», cette maladie qui ronge notre brave canton !
Eh bien, en l'occurrence, voilà un léger remède qui va nous permettre de gagner un certain temps, si ce n'est un temps certain ! Ce d'autant plus que ce projet de loi conserve à la CMNS toute son utilité, indéniable, à la protection du patrimoine.
Le temps étant de l'argent, je ferai court: je vous recommande de voter oui à ce projet de loi qui, pour une fois, va dans le bon sens !
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Parler de travaux consensuels en commission, comme le fait le rapporteur de majorité est abusif et à la limite de l'honnêteté intellectuelle...
Dans le cadre du projet de loi qui nous occupe, ce sont plutôt les auditions de la Société d'art public et les tractations avec cette association qui ont permis aux députés de l'Entente de comprendre que les demandes de classement et de mise à l'inventaire émanant des milieux de protection du patrimoine naturel et bâti sont légitimes.
Parlons tout d'abord du classement. Les mesures de classement permettent de signaler un objet digne d'intérêt. Des modifications restent possibles par les propriétaires, par le biais d'une autorisation de construire soumise à la CMNS. Le classement évite - et il faut le souligner, car cela a toute son importance - nombre de recours et de référendums.
Parlons maintenant de la mise à l'inventaire. Celle-ci, telle qu'elle est pratiquée aujourd'hui, a été introduite pour accorder une protection légale à des objets ne méritant pas le classement, mais présentant tout de même un intérêt non négligeable. La mise à l'inventaire est nettement moins contraignante que le classement. Cela signifie: pas de droit de préemption ni d'expropriation.
Les associations de protection du patrimoine et de protection de l'environnement sont des émanations de la société civile, société civile qui joue un rôle important dans tout ce qui relève du développement durable. Elles fournissent un énorme travail, bénévole, intéressant et utile pour la collectivité et les administrations publiques. Elles canalisent les actions populaires dans des processus de concertation. Tout cela montre à l'évidence le rôle important des associations. C'est pourquoi nous regrettons que leur droit de demander l'initiation d'un plan de site soit supprimé.
En ce qui concerne l'article 63, nous ne pouvons accepter la suppression du droit de recours des associations locales. Peu de recours sont déposés par des associations, la plupart le sont par des particuliers; les associations locales jouent un rôle important auprès des associations cantonales auxquelles elles servent de relais.
Suppression de ceci, suppression de cela... Même si nous sommes dans une situation moins catastrophique qu'avec le projet de loi initial, nous ne pouvons accepter ce projet de loi. Donc, nous le refuserons.
Mme Michèle Künzler (Ve). Voilà à nouveau un projet de loi qui se situe dans la série «Les grands projets qui vont régler toutes les situations», avec les grands sujets bateaux de la droite: les grands poncifs qui reviennent tout le temps, selon lesquels les recours sont trop nombreux et qu'il faut supprimer le droit de regard des associations... Finalement, après plusieurs aller-retour entre la plénière et la commission, on arrive juste à modifier une conjonction de coordination, comme cela a déjà été le cas de certains projets !
Nous refuserons ce projet, parce que limiter le recours des associations locales sous prétexte qu'une association a parfois eu quelques débordements... Excusez-moi de vous le dire, mais je ne trouve pas cela très sérieux ! Mieux vaut limiter le droit de cette association en particulier que décider qu'il n'est plus possible pour aucune d'entre elles !
D'autre part, on parle toujours des recours des associations, c'est le thème à la mode, même au niveau fédéral. Je trouve cela scandaleux, car en réalité les associations - que ce soient les associations de protection du patrimoine ou de la nature - déposent extrêmement peu de recours - de l'ordre de 2% - et elles les gagnent la plupart du temps, parce que ce sont des recours fondés ! L'immense majorité des recours sont déposés par des gens de vos milieux: ce sont les propriétaires voisins. Ce sont eux qui font des recours abusifs ! Même pour IKEA, il s'agit encore d'un recours déposé par des voisins ! Il ne s'agit pas du tout de recours d'associations au niveau cantonal. Et je trouve un peu mesquin de priver les associations locales de la possibilité de recourir.
Penser que nous avons perdu tout ce temps, tout cet argent, pour transformer un «ou» en «et»: c'est beaucoup pour pas grand-chose !
M. Christian Grobet (AdG). Il y a eu un long débat sur ce projet de loi, il y a quelques mois ou un an - je ne me souviens plus bien - et le projet a été renvoyé en commission. Selon le rapport de majorité, la discussion en commission - je n'y étais pas - s'est déroulée dans un climat positif... La conclusion est positive en ce sens que la majorité a renoncé à certains postulats politiques. Je reconnais donc que la majorité a joué le jeu. Nous ne sommes pas enthousiastes à l'idée d'entériner ces modifications, mais je fais partie de ceux qui estiment que les décisions doivent être prises dans des délais raisonnables, et j'avais, du reste, proposé la même solution pour la loi sur la construction et installations diverses, à savoir autoriser le dépôt d'un recours pour déni de justice lorsque les délais ne sont pas respectés.
Le deuxième amendement porte sur une uniformisation de la loi. Je le répète: même si ce projet ne nous enthousiasme pas, globalement, il revient dans des limites acceptables.
Mais je voudrais tout de même profiter de cette occasion pour dire une ou deux choses. En effet, j'ai entendu parler tout à l'heure de «recourite»... Mais heureusement que les associations de protection du patrimoine existent ! La Société d'art public est évidemment la plus ancienne, mais sachez que l'une de ses premières interventions se situe au début du siècle dernier: pour sauver la Tour-de-l'Ile ! Peut-on imaginer aujourd'hui que la Tour-de-l'Ile soit démolie ? On ne peut donc que reconnaître que les combats qui ont été menés dans le passé par des associations de protection du patrimoine étaient finalement justifiés. En tout cas, on s'en rend compte après coup, parce que, sur le moment, il n'est pas toujours évident de réagir à ce niveau.
La liste des bâtiments ou des quartiers qui ont été sauvés est longue ! Je me souviens de la bataille qui a été livrée pour préserver l'Hôtel Métropole; pourtant, la majorité des partis étaient favorables à sa démolition. Mais une fois que le bâtiment a été rénové, tout le monde a reconnu sa qualité. Beaucoup de citoyennes et de citoyens, qui avaient voté pour la démolition de ce bâtiment, ont admis que cela avait été une bonne chose de le préserver... Pensez au quartier des Grottes, qui devait être entièrement rasé pour construire deux grands bâtiments en forme de croix, ou au quartier de Villereuse ! Et aujourd'hui tout le monde se pâme, je ne dirai pas «d'admiration», mais, en tout cas, reconnaît le caractère extrêmement convivial de ces deux quartiers. Je pourrais citer beaucoup d'autres immeubles, qui ont été préservés après des batailles, il faut bien le dire... Par exemple, la démolition de l'ancienne prison de Saint-Antoine paraissait aller de soi, mais, finalement, ce bâtiment a été restauré, et on se rend compte aujourd'hui que c'est vraiment un bâtiment de qualité - sans parler du fait que la rénovation a coûté beaucoup moins cher que n'aurait coûté un bâtiment neuf.
Je déplore donc que certains, ici, fustigent les associations de protection du patrimoine qui, en maintes circonstances, ont su trouver des solutions acceptables pour tout le monde. Entre parenthèses, je regrette - puisqu'il n'y a actuellement que deux associations d'importance cantonale pour la protection du patrimoine bâti - que la commission ait semblé privilégier une association par rapport à l'autre, c'est-à-dire la Société d'art public. J'ai le plus grand respect pour cette dernière en raison de tous les combats qu'elle a menés de longue date, mais je pense qu'Action patrimoine vivant joue aussi un rôle positif et je trouve tout à fait regrettable de donner à penser qu'il y aurait des gentils et des méchants... Du reste, Action patrimoine vivant ne fait pas autant de demandes de classement et de mises à l'inventaire que la Société d'Art public... Mais, peu importe !
Par ailleurs, en ce qui concerne la Roseraie, Action patrimoine vivant a simplement demandé que soit adopté un plan de site pour l'ensemble du quartier. C'est vrai, il y a eu une bataille concernant une petite partie du quartier qui n'a pas été intégrée dans le plan de site, mais je tiens néanmoins à remercier - au nom de l'association Action patrimoine vivant, dont je fais partie - M. Moutinot, qui a réussi à mener à chef l'adoption de ce plan de site qui, finalement, a été accepté à l'unanimité ou presque et qui va préserver tout un quartier particulièrement intéressant. Dans cinquante ans, je suis persuadé que nos descendants se féliciteront de la décision qui a été prise à cet égard.
Dès lors, je n'accepte pas que l'on fustige aujourd'hui cette association de protection du patrimoine, qui est à l'origine de l'adoption du plus grand plan de site, en tout cas à l'intérieur de la Ville de Genève - le plus grand, sauf erreur, est Carouge ! Quoi qu'il en soit, il s'agit d'un plan de site très important qui a été élaboré intelligemment: il offre certaines possibilités constructives tout en maintenant l'essentiel.
Quant à Grange-Canal, qui a été évoqué...
La présidente. Il faut terminer, Monsieur le député !
M. Christian Grobet. Je vais finir, mais je voudrais tout de même conclure par ceci: on reproche à Action patrimoine vivant d'avoir bloqué la situation à Grange-Canal... Ce n'est pas exact ! Nous avions proposé d'adopter un plan de site, et il faut croire que notre idée était tout de même judicieuse puisque le département des travaux publics a mis un projet à l'enquête publique. Nous avons eu, à l'époque, des discussions avec les promoteurs, et nous étions tombés d'accord sur un projet commun, qui n'a malheureusement pas été retenu dans le projet de plan de site. Mais je crois qu'il faut s'enlever de la tête l'idée que les personnes favorables à la protection du patrimoine cherchent à bloquer les projets: elles cherchent simplement à préserver notre patrimoine qui est extrêmement précieux et de grande qualité !
C'est dans cet esprit que je voulais évoquer le rôle des associations dans le cadre de ce projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). Contrairement à ce que l'on peut penser, les débats qui ont eu lieu en commission se sont passés sereinement à partir du moment où la Commission des monuments, de la nature et des sites a menacé de référendum celles et ceux qui voulaient supprimer son droit de recours. La majorité de droite a alors commencé à réfléchir, parce que cette commission est principalement composée de personnes issues de milieux de la droite qui sont, autant que nous, favorables à la protection du patrimoine de notre région. Nous avons donc effectivement travaillé de manière sereine dans la commission, dès le moment où les choses ont été mises à plat et où les enjeux ont été clairement établis. Toutefois, pour se venger d'une manière assez perfide, on s'est tout de même attaqué aux droits des associations, notamment les associations de quartier - dont je rappelle que certaines d'entre elles ont non seulement défendu le patrimoine, mais aussi sauvé des quartiers entiers. Je pense au quartier des Grottes, dont chacun reconnaît aujourd'hui, tous bords confondus, qu'il ne devait pas être démoli. Et, à l'époque, Mesdames et Messieurs les députés, l'association du quartier avait lancé pas moins de vingt recours, disposant ainsi du droit que vous voulez supprimer aujourd'hui !
Qu'adviendra-t-il demain si ces associations de quartier ou d'habitants sont spoliées de ce droit, comme ce projet le propose ? Eh bien, nous assisterons au retour des vieilles pratiques ! Le département constatera l'illégalité et l'absurdité d'une demande de démolition ou de construction d'immeuble et, comme personne ne pourra faire recours, la démolition ou la construction aura tout de même lieu... Ces absurdités, Mesdames et Messieurs les députés, nous les avons déjà connues dans notre République ! Du reste, M. Grobet, M. Joye et M. Moutinot se sont parfois plaints de ne pas être soutenus par une association qui avait le droit de recours.
En conséquence, et une fois de plus, nous estimons qu'il s'agit d'un recul démocratique, un recul par rapport à la participation des habitants qui nous délèguent, je le rappelle, leur pouvoir ! Cette participation des habitants à la vie de la cité est essentielle pour nous. Et il n'est pas question d'accepter que cela ne soit plus le cas, y compris avec le projet qui nous est soumis ce soir, même s'il me fait penser à une montagne qui accouche d'une souris ! Il était en effet question dans le projet de loi initial de supprimer totalement le droit de recours à toutes les associations, et aujourd'hui il est seulement question de supprimer ce droit aux associations qui ont moins de trois ans d'existence... Cette mesure va donc concerner toutes les petites associations.
Deuxième volet de cette affaire: on agite, comme des épouvantails - Mme Künzler l'a évoqué - les associations qui ont déposé des recours qu'elles n'ont pas gagné... Mais ces recours se comptent sur les doigts d'une main ! En effet, une étude a été effectuée par une association de l'environnement, qui a montré très clairement - cela a été redit au cours des travaux de la commission - que les recours déposés par les associations d'habitants, les associations de locataires, les associations de transport ou les associations d'environnement avaient presque tous été gagnés, sauf à de rares exceptions.
Les principaux recours sont déposés, Mesdames et Messieurs les députés, par des associations de propriétaires de villas et autres ! Et comme, en fait, vous ne voulez pas vous opposer à ceux que vous êtes censés défendre, vous agitez comme des épouvantails les associations d'habitants, les associations pour l'environnement ! Vous dites que vous voulez les combattre, mais, en réalité - on le sait très bien - vous voulez combattre les recours déposés par les associations issues de vos milieux...
Contrairement à vous, Mesdames et Messieurs les députés - Monsieur Weiss, vous pouvez rigoler... - nous estimons que leurs intérêts sont légitimes aussi et que ce droit démocratique, s'il s'applique aux associations de quartier, doit s'appliquer également aux associations de propriétaires de villas ! Il n'y a pas de raison d'être restrictifs !
Par conséquent, les trois partis de l'Alternative - l'Alliance de gauche, le parti socialiste et les Verts - vous proposent de restituer ce droit de recours aux associations d'habitants de quartier, par le biais d'un amendement, auquel - ils l'espèrent - vous réserverez bon accueil.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous prie de remettre votre amendement à Mme le sautier. Mesdames et Messieurs les députés, après l'intervention de M. le conseiller d'Etat, nous procéderons au vote d'entrée en matière, et nous reprendrons nos travaux demain.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Le projet de loi, dans sa version initiale, était dangereux et potentiellement dommageable pour la protection du patrimoine.
En revanche, tel qu'issu des travaux de votre commission, le projet qui vous est soumis est extrêmement modéré. Preuve en est que les débats sont courts et sereins, malgré l'heure tardive et malgré le fait qu'il s'agit de la loi sur les monuments, la nature et les sites.
En effet, Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi ne comporte plus que trois modifications. La première, sur laquelle pratiquement personne n'est intervenu, consiste à obliger le département à statuer dans les dix-huit mois pour une demande de mise à l'inventaire. J'ai indiqué toute la difficulté que nous aurions à respecter ce délai, compte tenu des maigres forces qui nous sont accordées, mais nous nous y efforcerons. Quoi qu'il en soit, fondamentalement, c'est une bonne chose de cadrer l'activité administrative dans des délais.
La deuxième modification revient à supprimer aux associations... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... la possibilité d'initier un plan de site. Elles ne s'en sont pas plaintes, dans la mesure où l'inventaire de tout ce qui doit être protégé est déjà bien avancé et où le risque de se trouver face à une situation inédite est assez faible. Et puis, les associations ont la capacité, s'il le fallait, de se manifester auprès du département.
Enfin, reste la troisième et dernière modification: à savoir la suppression du droit de recourir pour les associations locales.
Mesdames et Messieurs les députés, ces modifications ne vont pas changer grand-chose ! Ce projet ne brime pas la démocratie, dans la mesure où les particuliers et les grandes associations conservent ce droit. Pour des cas importants qui nécessiteraient un recours, il est difficile d'imaginer que seule une association locale veuille intervenir et qu'aucun particulier ou aucune association d'envergure cantonale ne veuille le faire. L'impact de cette mesure sur le plan pratique ne doit pas être exagéré: il est faible.
La seule avancée marquante est l'obligation pour le département de respecter un délai. C'est un défi pour l'administration, mais nous sommes prêts à le relever.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 46 oui contre 34 non.
La présidente. Je n'ai malheureusement pas encore reçu l'amendement pour la suite de la procédure. Ce sera donc pour demain... (Exclamations.)Je suis navrée, mais je ne l'ai pas reçu ! (Protestations.)Comme je vous l'ai dit, un amendement a été proposé, mais il n'est pas encore parvenu au Bureau... (Vives protestations.)Madame le sautier, l'avez-vous reçu ? On me signale qu'il y a une erreur dans la rédaction de l'amendement. Comme prévu, nous reprendrons cet objet demain, après les extraits.
Je vous souhaite une bonne nuit.
Suite et fin du débat: Session 08 (mai 2005) - Séance 46 du 20.05.2005
La séance est levée à 23h.