République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 avril 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 7e session - 34e séance
GR 417-A
M. Alain Meylan (L), rapporteur. C'est une demande de grâce du solde de la mesure d'expulsion du territoire suisse, demandée par Mme A.V.
Les faits qui ont conduit cette dame à sa condamnation remontent à 1999, mais elle était en Suisse dans l'illégalité depuis 1998. En 1999, elle a pris part à un trafic de drogue, qui l'a conduite à être condamnée à deux ans de prison ferme et à une expulsion du territoire suisse de dix ans. Elle a purgé l'entier de sa peine puis est rentrée dans son pays, mais elle est revenue en Suisse en 2003, année où elle a connu un ressortissant italien résidant en Suisse tout à fait légalement et avec qui elle a eu un enfant récemment.
Au cours de ses démarches visant à régulariser sa situation, elle s'est aperçue, en allant à la mairie, qu'elle faisait l'objet d'une expulsion du territoire suisse. Elle se trouve désormais dans la situation suivante: avec un premier fils inscrit depuis deux ou trois ans à l'école primaire et avec un deuxième fils d'un ressortissant italien résidant en Suisse. C'est pourquoi elle demande la grâce du solde de la mesure d'expulsion du territoire suisse, à savoir quatre années.
Après discussion, la commission, dans une courte majorité, vous propose d'accorder cette grâce.
Une voix. Rejet !
La présidente. Il est écrit: «Rejet de la grâce» sur le document... (Commentaires. Brouhaha.)Alors, qu'en est-il ?
M. Alain Meylan. La grâce est acceptée.
Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von. La grâce est acceptée.
La présidente. En êtes-vous sûrs ?
M. Alain Meylan. Oui ! Je peux vous dire que le vote a été de quatre oui contre trois non et une abstention.
La présidente. Je vous soumets, par vote électronique, la proposition de la commission. Contrairement à ce qu'indique le document, c'est la grâce qui est acceptée. (Remarque.)Avant de voter, je donne la parole à M. Gilbert Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Merci, Madame la présidente. Je voulais simplement demander aux représentants de la commission de grâce s'ils se rendent compte de l'impact de l'image qu'ils donnent de Genève et de sa visibilité aux autres cantons suisses.
Comme j'ai pu m'en rendre compte par des discussions, la plupart des cantons sont agacés par les demandes de régularisation genevoises et suite auxquelles on libère les gens d'une interdiction d'entrer ou d'une peine d'expulsion... Bientôt, si je vous comprends bien, il faudra faire du trafic de stupéfiants pour obtenir un permis de séjour ! (Exclamations.)C'est exactement ça ! Une personne qui demande un visa selon la procédure normale ne l'obtiendrait pas forcément, parce que, dans le cadre d'une politique commune des visas, si l'UE ne les délivre pas, la Suisse ne les délivrerait pas non plus.
Par contre, si une personne se fait interpeller, condamner pour trafic de stupéfiants, qu'elle purge une peine de prison en Suisse, qu'ensuite elle y reste illégalement et qu'enfin elle présente une demande de grâce, eh bien, elle obtient un permis de séjour !
Voilà la politique de ce canton ! Opposée à 180% à ce qui se pratique dans la grande majorité des cantons de ce pays.
La présidente. Monsieur le député, votre parti a un membre dans la commission de grâce, et il a pu prendre position.
M. Rémy Pagani (AdG). Il est de coutume - malheureusement M. Catelain ne s'en est pas aperçu - que notre Grand Conseil suive l'avis de la commission de grâce, car, bien évidemment, toute une série d'informations échappent à ceux qui ne sont pas membres de cette commission. De ce fait, nous faisons confiance à nos commissaires de la commission de grâce.
Il est aussi de coutume de faire en sorte que les condamnés le soient - sévèrement, s'il le faut - mais qu'ils ne soient pas doublement punis.
En l'occurrence, il est question d'une double peine, et nous nous y sommes toujours opposés. Parce qu'elle ne fait pas partie du jugement, Monsieur Catelain, elle relève simplement de l'administration !
Je vous rappelle encore que si notre Grand Conseil accorde la grâce, cela ne permettra pas à cette personne d'obtenir immédiatement ce qu'elle demande humblement. Elle devra aussi faire valoir des arguments au niveau fédéral. Et la Confédération, jusqu'à preuve du contraire, est capable, elle aussi, comme une «grande fille» qu'elle est, de juger. Et, bien souvent, elle nous donne raison, contrairement à ce que vous affirmez, Monsieur Catelain !
Mme Anne-Marie Arx-Vernon Von (PDC). Je ne peux pas laisser dire n'importe quoi sur une situation que M. Catelain se permet d'interpréter - nous avons travaillé avec le plus grand sérieux et le plus grand respect.
Il s'agit là d'une situation qui n'est pas facile, cependant cette personne ne peut pas être identifiée, avec autant de simplisme et de mépris, comme étant une trafiquante de drogue, car ce n'est pas le cas.
Aujourd'hui, cette femme va se marier en Suisse avec un homme qui a une situation tout à fait honorable. Elle a un bébé. Elle a un enfant scolarisé à Genève et elle a une vie qui peut être tout à fait exemplaire. Et elle a purgé sa peine. Je pense que lui accorder la grâce fait partie des valeurs que nous défendons, en tout cas une majorité d'entre nous ici. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, j'insiste. Et, de toute manière, je connais le vote de notre représentant dans la commission. En tout cas, il n'y a pas eu unanimité au sein de la commission sur ce point-là.
Je rappelle simplement les faits. Cette femme a commis une infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants. Dans le cadre du système Schengen, elle y serait enregistrée, parce que c'est une infraction grave. (Commentaires.)Elle n'aurait pas le droit de se rendre dans l'espace Schengen: grâce ou pas grâce ! C'est le premier point.
Elle a purgé sa peine de deux ans d'emprisonnement, mais je rappelle, en ce qui concerne la mesure d'expulsion, que c'est un juge - dans le cadre du jugement - qui prend cette décision pour protéger la société d'une récidive. Cette mesure fait donc partie du jugement ! Moi, je respecte la séparation des pouvoirs. Si le juge a décidé que pour protéger la société, notre jeunesse notamment, cette femme devait être expulsée de Suisse pendant dix ans, elle doit l'être. C'est le simple respect de la séparation des pouvoirs, de la volonté du peuple, de la constitution dans une démocratie et un Etat de droit.
La présidente. Nous sommes désolés de l'erreur commise sur le feuillet de la commission de grâce. Je vous prie de bien noter que la commission propose d'accepter la grâce... (Remarque.)Monsieur Deneys, vous voulez intervenir sur ce dossier ?
M. Roger Deneys (S). Monsieur Catelain, si vous interprétez ainsi le travail de la commission de grâce, vous devez conclure que la commission de grâce doit être supprimée, puisque l'essentiel de son travail est de remettre en cause des décisions à un moment donné, en fonction des situations ou des personnes. Elle accorde la grâce d'un solde de peine dans des circonstances particulières, où des enjeux humains entrent en ligne de compte.
Si vous êtes contre ce principe, alors il faut supprimer la commission de grâce !
La présidente. Nous allons procéder par vote électronique. Contrairement à ce qui est noté sur le document que vous avez reçu, la grâce est accordée. Je mets donc aux voix les conclusions de la commission de grâce.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce du solde de la mesure d'expulsion) est adopté par 38 oui contre 18 non et 5 abstentions.
La présidente. Je vous annonce que les trois élections suivantes sont reportées faute de candidats:
Le point 11, E 1308: élection complémentaire de trois secrétaires du Bureau du Grand Conseil; le point 12, E 1316: élection d'une ou d'un membre de la commission administrative de la Fondation officielle de la jeunesse, en remplacement de Mme Stéphanie Nussbaumer (Ve), démissionnaire; le point 13, E 1320: élection d'un membre de la Fondation immobilière HBM Kammacher Emma, en remplacement de M. Nicolas Roll (Ve), démissionnaire.
Par ailleurs, vous avez trouvé sur vos places... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... les réponses du Conseil d'Etat aux interpellations urgentes écrites. Je demande à Mme la deuxième vice-présidente de bien vouloir lire la liste des interpellations urgentes écrites, ceci afin de ménager ma voix.