République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 19 novembre 2004 à 20h30
55e législature - 4e année - 1re session - 5e séance
PL 9157-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse de majorité. Je vais tout d'abord situer ce rapport sur le projet de loi qui nous est soumis. Cet objet concerne un problème très délicat et très important, à savoir les jeunes qui sortent de l'école obligatoire sans avoir le niveau suffisant pour être admis soit dans les filières gymnasiales soit directement en apprentissage. Cette réalité touche quelque 700 jeunes à l'heure actuelle, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. On ne peut donc pas les ignorer et faire comme s'ils n'existaient pas. Si leur nombre augmente encore actuellement, c'est parce que les exigences pour être admis dans une formation postobligatoire supérieure sont de plus en plus poussées, ce qui laisse effectivement sur le carreau quelques centaines de jeunes chaque année.
A l'heure actuelle, deux systèmes de préapprentissage peuvent les accueillir: un de droit privé, la SGIPA - Société genevoise pour l'insertion professionnelle des adolescents - et un système de droit public, la CEFP - Classe d'encouragement à la formation professionnelle - rattachée au département. Aussi, pour répondre à une pétition qui demandait fermement le rattachement des enseignants de la SGIPA au DIP, et suite à une large consultation demandée par le département, ce dernier propose, par le biais de ce projet de loi, l'organisation d'un dispositif de transition cohérent qui inclut l'insertion professionnelle et scolaire sous son égide. Cela permettra à ces jeunes à la sortie de l'école de ne plus avoir à choisir entre une structure privée et une structure publique, ce qui pose effectivement des problèmes.
De plus, pour répondre à la pétition, le département de l'instruction publique offrira à tous les enseignants qui s'occupent de ces jeunes un statut similaire pour qu'ils remplissent au mieux leur mission de formation continue, de responsabilité pédagogique et d'intégration sociale, et en outre - c'est important - de certification unifiée. En effet, les jeunes sortent à l'heure actuelle de la SGIPA avec un diplôme différent de celui obtenu par le biais des classes organisées par le département, ce qui peut aussi leur poser des problèmes par la suite.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier que si ces jeunes sont laissés sur le carreau et s'ils ne peuvent pas bénéficier d'un dispositif à la hauteur de leurs prétentions, ils coûteront cher à la société, car ils auront des difficultés d'insertion; ils se retrouveront à la rue et poseront des problèmes gravissimes pour tout le monde.
Par contre, la diversité des lieux d'apprentissage est conservée, de même que les différentes spécificités.
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Si les choses étaient aussi simples que le dit Mme Leuenberger, nous devrions effectivement voter ce projet de loi... Malheureusement, ce n'est pas le cas !
Vous savez tous - en tout cas, les membres de la commission de l'enseignement - à quel point je suis impliqué dans l'enseignement depuis quelques années. Et ce soir, je peux vous dire que ce serait une bêtise de voter ce projet de loi, et une bêtise importante, parce qu'elle va changer le cours de l'école genevoise, et cela de manière relativement profonde.
L'historique que nous a fait Mme Leuenberger est un peu sommaire... Il faut quand même reprendre les choses depuis le début. Ce qui a motivé ce grand changement - Mme Leuenberger l'a dit: c'est une pétition. Et que voulait cette pétition ? Simplement que les enseignants de la SGIPA, qui ont un statut privé, puissent obtenir un statut public - ce n'était qu'une vulgaire question d'argent ! Les mêmes droits, mais, aussi, les mêmes possibilités de formation et de mobilité que dans l'enseignement public.
A un certain moment, sur la base des travaux de notre commission, le Conseil d'Etat a fait un rapport, et Mme Brunschwig Graf a effectivement pris les choses en main. Elle a d'ailleurs très bien réglé la situation. En effet, elle a fait une convention collective avec la SGIPA, qui donnait aux enseignants le statut tant désiré. Dès lors, le problème était relativement réglé... Ce rapport, le RD 468, si mes souvenirs sont bons, disait clairement que les choses étaient rentrées dans l'ordre.
Mais, voilà, un changement est intervenu, puisque le nouveau chef de ce département a décidé de procéder à une large consultation - comme on nous l'a expliqué - qui a débouché sur ce projet de loi. Pour ma part, je n'ai qu'un regret - il faut quand même que vous le sachiez, et j'espère que c'est un oubli inconscient - le projet de loi figure bien dans le rapport de majorité, mais pas l'exposé des motifs... Or, et c'est très important, il aurait fallu que cet exposé y figure pour... (Commentaires.)Alors, permettez-moi de vous dire que c'est dans l'exposé des motifs qu'est expliqué le fond du problème !
Et celui-ci nous apprend tout d'abord que le Conseil d'Etat n'a absolument pas besoin - il le confirme - de ce projet de loi pour rattacher la SGIPA au SCAI. Sachant cela, on peut déjà se demander ce que ça cache... En effet, pour quelle raison, alors qu'il n'en a pas besoin, le département propose-t-il un tel projet de loi ? La réponse arrive un peu plus loin dans l'exposé des motifs en question, en page 4... On nous explique qu'en fait il y a des problèmes au cycle d'orientation, que ces problèmes datent de 1999, que, depuis quelques années, les règles d'admission ont été modifiées en fonction des prérequis et que des élèves qui sont promus en regroupement B ne peuvent plus accéder à l'Ecole de culture générale ou à l'Ecole de commerce... Ces portes leur sont complètement fermées.
Alors, il y a un lézard ! En effet, lorsqu'un élève est promu, il n'est pas logique de ne pas lui permettre d'accéder aux filières de formation. Il fallait donc combler cette lacune réglementaire par une loi, et c'est exactement ce que cherche à faire ce projet de loi.
On peut bien sûr se demander si la SGIPA doit être rattachée au SCAI, s'ils doivent rester indépendants ou fonctionner ensemble... Pourquoi pas ! Cela n'est pas vraiment le fond du problème, bien qu'on puisse quand même se poser la question étant donné l'utilité avérée de la SGIPA. On oublie en effet trop souvent que la mission de la SGIPA est de conduire les jeunes dans le système professionnel. Son but n'est pas de les former au niveau scolaire ! Or, la SGIPA a un atout énorme par rapport au SCAI, à savoir qu'elle a, elle, des rapports étroits avec l'industrie et un taux de réussite extraordinaire pour ce qui est des placements. Je peux le dire, parce que j'ai eu recours à la SGIPA à plusieurs reprises, et j'ai à chaque fois été enchanté des personnes qui m'ont été présentées.
Maintenant, que nous demande le Conseil d'Etat aujourd'hui ? Simplement de l'aider à corriger le dysfonctionnement dans les règles d'admission au dixième degré ! En ce qui me concerne, j'ai de la peine à adhérer à ce mode de faire, parce je pense qu'on ne s'est pas posé les bonnes questions, et cela parce qu'on n'aborde pas le problème pas le bon bout.
Par exemple, on ne s'est pas demandé si la formation professionnelle devait toujours dépendre du département de l'instruction publique ou si elle devait dépendre du département de l'économie. C'est pourtant une question fondamentale qu'il faudra bien se poser un jour ! Autre question importante qu'on ne s'est pas posée non plus: pourquoi essayer d'agir au niveau du préapprentissage et ne pas essayer de le faire en amont ? Il est clair et net - et vous n'y couperez pas, Mesdames et Messieurs les députés - que nous devrons remettre le problème du cycle d'orientation sur la table ! Ce ne sont pas les quelques petites entourloupes de ce projet qui vont arriver à cacher les problèmes de fond du cycle d'orientation !
La situation au cycle d'orientation n'est pas comme le disait Mme Leuenberger... Il est vrai qu'aujourd'hui de nombreux élèves qui sortent du cycle n'ont pas les niveaux requis pour obtenir la maturité professionnelle ou pour avoir le niveau des HES, mais ce n'est pas avec un tel système que nous y améliorerons les choses. Moi, je vous le dis clairement: je n'aime pas ce mode de faire: c'est du bricolage !
Madame la présidente, en conclusion, je vous dirai... (Exclamations de satisfaction.)... que je ne suis pas d'accord que l'on crée un système d'apprentissage bricolé tel que ce projet le propose ! Je vous suggère donc, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser l'entrée en matière et de renvoyer ce projet de loi au département afin qu'il fasse, pour une fois, correctement son travail. (Exclamations.)
Mme Marie-Louise Thorel (S). Tout d'abord, permettez-moi de remercier Mme Leuenberger pour sa promptitude à rédiger son rapport. Je souhaiterais aussi remercier la SGIPA pour le travail effectué jusqu'à présent et plus particulièrement son fondateur, M. Uldry, que nous avons auditionné dans le cadre de la commission.
Il faut reconnaître qu'à Genève la société civile, à maintes reprises, a fait preuve de créativité, à une époque où il n'y avait rien pour les personnes handicapées, pour les enfants en difficulté. Ce sont des associations, des fondations, qui ont créé un certain nombre de structures. Elles étaient en quelque sorte des précurseurs.
Mais il faut bien constater qu'avec l'évolution actuelle, les systèmes de formation sont beaucoup plus exigeants. Il faut, par exemple, avoir 4,8 de moyenne pour accéder à l'Ecole de culture générale. L'entrée en apprentissage devient aussi nettement plus difficile - on a eu l'occasion de lire dans nos courriels qu'il y avait des examens pour entrer en apprentissage - et y accéder n'est plus à la portée de tous les adolescents qui sortent du cycle d'orientation. Ces exigences posent un certain nombre de problèmes à des jeunes qui peuvent ainsi se retrouver à la sortie du cycle sans activité, sans avenir professionnel.
La SGIPA a fait un excellent travail: nous le relevons, mais le DIP aussi. Et force est de constater que, vu l'augmentation du nombre de jeunes en difficulté, il ne s'agit plus de choisir l'une ou l'autre filière, soit la SGIPA soit le DIP, mais de se glisser là où il y a de la place. Une seule structure - en l'occurrence, le DIP - permettra une gestion plus fine, plus ciblée, des besoins et du suivi des élèves en difficulté, qui sont, je le répète, en constante augmentation. Mme Leuenberger souligne dans son rapport - cela avait été dit en commission - que l'orientation du jeune doit s'effectuer sur la base de son besoin individuel et non pas, comme c'est le cas actuellement, sur la base d'une répartition en fonction des disponibilités, soit au sein de la SGIPA soit au sein du DIP.
En ce qui concerne l'évolution de la SGIPA, sa disparition n'est pas à craindre... Le travail qu'elle effectue auprès des personnes mentalement handicapées est très apprécié et devrait tendre à se développer étant donné les besoins du canton en la matière.
La majorité des partis ont voté pour ce projet de loi. Nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, à en faire autant. (Applaudissements.)
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien est très sensible à la problématique des élèves qui se trouvent en fait entre deux systèmes: sortis du système scolaire obligatoire et pas encore entrés dans la suite de leur formation, qui est peut-être devenue peu accessible. C'est une raison qu'on peut discuter séparément.
C'est pourquoi nous sommes favorables à toutes les mesures qui peuvent aider les jeunes à remonter, si j'ose dire, dans le train de la formation. Nous sommes donc favorables à ce projet de loi dans la mesure où nous pensons que les propositions qui sont faites permettront une augmentation de l'efficacité du dispositif dans le sens d'une meilleure utilisation des ressources. Et l'on peut tirer son chapeau, comme l'a fait Mme Thorel avant moi, au créateur de la SGIPA pour son travail dans ce domaine. Mais les conditions actuelles sont telles qu'il est logique que cet organisme soit rattaché au DIP, qui sera mieux à même de l'utiliser.
Nous faisons donc confiance au département, duquel nous attendons que la rationalisation annoncée en soit vraiment une et qu'il ne s'agisse pas, comme on a pu le craindre au début de l'examen de ce projet de loi, d'un agrandissement de structure, car ce n'est pas le but. Nous faisons donc confiance a priori. Et, à cet égard, nous surveillerons les travaux de cette commission d'insertion. Nous avons insisté pour qu'elle soit une commission au sein du département. Car c'est au département de prendre ses responsabilités, c'est à lui de faire son travail. Ce n'est pas le rôle d'une commission confiée à toutes sortes de personnes extérieures. Nous prenons donc rendez-vous avec le département dans un an, quand nous ferons le premier bilan annuel, pour vérifier que la confiance que nous avons mise dans ce projet de loi a été bien placée.
En attendant, nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements.)
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). La question qui nous est posée aujourd'hui à travers ce projet de loi est celle de l'égalité de traitement pour les jeunes les plus en difficulté, surtout sortant de la scolarité obligatoire.
Chaque année, un certain nombre d'élèves en échec en fin de scolarité obligatoire se retrouvent sans débouché scolaire ou professionnel. D'autres, pourtant promus en fin de neuvième, niveau B, qui ont une moyenne inférieure à 4,8, ne peuvent plus accéder à une école du postobligatoire.
Actuellement, les normes de promotion pour entrer à l'Ecole de culture générale sont équivalentes à celles requises pour l'entrée à l'Ecole de commerce, l'ECG ayant redéfini ses exigences à la hausse pour s'adapter aux normes HES. L'entrée en apprentissage, que ce soit à plein temps à l'école ou sous sa forme duale, applique elle aussi une sélection très sévère. De plus, très peu d'employeurs engagent un jeune de 15 ans sortant du cycle d'orientation, même promu. Moins de 5% des élèves, à la fin de la neuvième, entrent dans un apprentissage dual. Les patrons préfèrent engager des jeunes de plus de 16 ans, ayant déjà accompli un an, voire deux, dans une école du postobligatoire.
Par ailleurs, l'entrée en vigueur de la libre circulation des personnes sans mesures d'accompagnement mettra en concurrence sur le marché de l'apprentissage les jeunes frontaliers de 18 ans ayant obtenu un bac professionnel avec nos jeunes issus du cycle d'orientation. C'est une dure réalité, avec ses changements et ses réformes. La promotion de neuvième du cycle d'orientation n'offre plus aujourd'hui le même avenir scolaire ou professionnel qu'auparavant.
Pour répondre à cette situation difficile pour les jeunes, il existe deux structures de préapprentissage: une publique, le SCAI, et l'autre privée, mais très largement subventionnée par le DIP, la SGIPA. Toutes deux offrent aux jeunes des enseignements de qualité, des enseignants dévoués et motivés par leur travail, préparant les élèves à l'entrée en apprentissage ou à l'ECG.
Toutefois, les différences structurelles génèrent une vraie égalité de traitement pour les élèves. Alors que Genève offre un enseignement public tout au long de la scolarité jusqu'à l'université, les jeunes en préapprentissage peuvent se retrouver dans une école privée, non pas par choix ou pour répondre à un besoin de prise en charge différent, mais pour des raisons de places d'accueil.
Pour les Verts, tous les jeunes doivent bénéficier d'un droit à faire partie de l'instruction publique. Il s'agit d'une responsabilité collective que l'Etat doit assumer.
Le but de cette loi, en réunissant les deux structures de préapprentissage sous l'égide du DIP est de mieux rassembler, de cadrer les plans d'étude, les objectifs d'apprentissage, les exigences et les évaluations. Actuellement, la certification est différente dans ces deux structures, ce qui n'est pas acceptable en matière d'égalité.
Maintenant, permettez-moi de m'étonner que M. Follonier, député radical, rapporteur de minorité, soit le plus réfractaire à cette harmonisation du préapprentissage, alors que son parti fait de l'uniformisation de la scolarité en Suisse son nouveau cheval de bataille ! Le parti radical n'est décidément pas à une incohérence près !
Pour conclure, les Verts vous demandent, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter cette loi, qui - faut-il le rappeler ? - n'a pas suscité d'opposition majeure de la part des diverses personnes auditionnées. (Applaudissements.)
Mme Janine Hagmann (L). Aujourd'hui, nous allons probablement, avec une certaine nostalgie, tourner une page... En effet, depuis sa création il y a une quarantaine d'années, le secteur du préapprentissage de la SGIPA participe activement au processus d'insertion de jeunes en difficulté, en réalisant le but qui lui a été assigné, c'est-à-dire: être un tremplin entre l'école et la vie professionnelle.
La commission a effectivement été admirative et impressionnée par l'audition de M. Raymond Uldry, actuellement âgé de 93 ans, fondateur - entre autres - de la SGIPA. Ce dernier a posé la question pertinente suivante: faut-il créer de nouveaux services publics ou conserver des institutions privées d'utilité publique qui fonctionnent bien ? Vous pouvez vous l'imaginer, le groupe libéral n'a cessé de se poser cette question ! Comme celle des partenaires essentiels à cette dynamique, c'est-à-dire les entreprises qui ont toujours été présentes avec la structure en place.
Alors, me demanderez-vous: pourquoi n'avez-vous pas soutenu en commission le rapport de minorité ? Parce que, même le bureau du Conseil de fondation et la direction de la SGIPA n'ont pas été opposés à ce transfert au DIP. En réponse à la large consultation lancée par le DIP, ils ont pesé le pour, le contre, et ils ont refusé de prendre parti tout en permettant à la commission de poursuivre la réflexion.
Il est intéressant de constater que sur les vingt-deux instances concernées consultées par M. Beer, quinze ont été favorables au rattachement, deux s'y sont opposées et cinq n'étaient ni pour ni contre.
Pour amusement, je vous rappelle qu'en 1993, lorsque M. Unger présidait la commission de l'enseignement, les résultats d'une consultation n'ont pas été si différents.
Sur le plan pédagogique, le maintien d'une diversité d'approche permet effectivement d'offrir des réponses mieux adaptées aux types d'élèves fréquentant cette structure, de même que la diversité géographique paraît une solution judicieuse. Mais, l'homogénéisation des acquis et leur validation sont certainement un plus.
Sur le plan organisationnel, chacun sait qu'une institution privée offre plus de souplesse qu'une structure au sein d'un grand département. Cependant, un cursus scolaire dans une même structure publique, c'est-à-dire une coordination institutionnelle SCAI-SGIPA, permet de créer un organisme unique de décision.
Il est vrai que, primitivement, ce rattachement a été suggéré par le personnel qui y voyait une unité de gestion et de traitement, ce qui est actuellement pratiquement respecté. Je ne suis d'ailleurs pas tout à fait sûre qu'aujourd'hui cet argument serait avancé par le personnel... qui n'est peut-être pas aussi pressé de devenir fonctionnaire qu'il y a quelques années ! Vous constatez, Mesdames et Messieurs les députés, que, dans la balance, la décision est difficile à prendre... Il semble qu'actuellement le processus de rattachement est inéluctable, puisque les acteurs concernés sont consentants.
Mais le groupe libéral se pose encore quelques questions... Le département peut-il promettre qu'il n'est pas en train de créer un dixième degré fourre-tout, de mettre sur pied une scolarisation rampante, une sorte de prétexte pour gérer l'ingérable ? Cette loi servira-t-elle de précédent pour attirer sous l'aile de l'Etat tout ce qui en privé rend service à la collectivité ? Ce questionnement est très important.
Si le groupe libéral ne s'oppose pas à l'intégration du secteur du préapprentissage SGIPA par le DIP, il tient à dire clairement qu'il n'en ira pas de même pour les institutions qui continuent à fonctionner à satisfaction avec des statuts de droit privé.
La SGIPA, même amputée d'un membre, continuera à vivre et à développer sa tâche importante de formation et d'intégration des personnes handicapées. Le Centre éducatif de formation initiale est une spécificité de la SGIPA. Le groupe libéral est conscient de la difficulté de la tâche qui incombe aux enseignants, mais il tient surtout à relever que les ateliers protégés de la SGIPA sont un partenaire à part entière de l'économie genevoise. Et cela doit perdurer !
Toute étatisation est contraire à la doctrine libérale - vous le savez - mais, comme déjà dit plus haut, nous ne voulons pas être en contradiction avec les acteurs du préapprentissage. Nous préconisons donc de nous abstenir sur ce projet de loi.
La présidente. Merci, Madame la députée. Avant de passer la parole à M. Christian Brunier, Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste. Voici les députés inscrits: Mme Jeannine de Haller, M. Gabriel Barrillier, M. Rémy Pagani, M. François Thion, M. Claude Aubert, M. Souhail Mouhanna et M. Jacques Follonier.
M. Christian Brunier (S). J'aimerais commencer mon exposé par deux constats tout de même relativement affligeants... Le premier: dès qu'on parle de l'école dans ce parlement, la salle se vide. Lorsqu'il y a un débat sur ce sujet, les députés n'y assistent pratiquement jamais tous. Et si aujourd'hui l'école rencontre quelques problèmes, c'est peut-être parce que, pour beaucoup de députés - de droite comme de gauche, mais un peu plus de droite... (L'orateur est interpellé.)Malheureusement... (Exclamations. La présidente agite la cloche.)Pour beaucoup de députés, l'école n'est plus une priorité, et c'est grave ! (Exclamations.)C'est un constat !
M. Gabriel Barrillier. Regarde devant, le premier rang !
M. Christian Brunier. Deuxième constat. Chaque fois qu'une proposition est faite pour que l'école évolue, ce sont toujours les mêmes - je pourrai même dire «le même», Monsieur Follonier, puisque vous étiez le seul en commission à vous y opposer - qui mettent les pieds au mur. C'est comme cela pour chaque réforme. C'est une attitude assez habituelle pour des gens qui résistent à tout changement, mais quand même ! Evolution du primaire: nietà tout ! Actuellement, nous sommes en train d'étudier en commission une meilleure intégration des enfants handicapés à l'école... Vous nous avez déjà dit que vous n'y étiez pas très favorables ! Aujourd'hui, une amélioration du préapprentissage est proposée, et vous vous y opposez ! Je le répète, c'est un symptôme récurrent de votre résistance au changement. Mais je pense qu'à force de stagner, à force de ne pas comprendre que la société évolue, vous faites rétrograder l'école, ce qui est une responsabilité assez grave.
Par ailleurs, Monsieur Follonier, vous nous dites que, finalement, la situation est relativement bonne, que chaque structure fonctionne bien... Et c'est vrai: le SCAI fonctionne, la SGIPA fonctionne, et c'est aussi le cas d'autres institutions qui font du préapprentissage. Néanmoins, à un moment donné, il faut se poser des questions ! On parle toujours de réformer l'Etat pour améliorer son fonctionnement... Il y a quand même dans cette République au moins deux structures, voire plus, qui font un travail très similaire: et cela s'appelle un doublon ! Il y en a peu, mais, dans ce cas, c'est un vrai doublon...
Mettez-vous à la place des jeunes qui sortent du cycle d'orientation ! S'ils ne trouvent pas de place d'apprentissage et s'ils ne sont pas promus, ils ne savent pas très bien vers quelle structure se tourner, car les critères sont peu clairs aujourd'hui, ce qui n'était pas le cas auparavant. Mais, depuis quelque temps, on balade ces jeunes d'une structure à l'autre, ce qui ne leur facilite pas les choses, d'autant moins qu'une structure est publique et l'autre privée. Il y a des enfants qui se retrouvent dans le privé ou qui sont maintenus dans le public un peu au hasard, et cela n'est pas normal.
Vous parliez des patrons tout à l'heure... Je peux vous dire que, quand ils voient des jeunes sortir du préapprentissage, ils s'y perdent aussi !
Mme Janine Berberat. Pas du tout !
M. Christian Brunier. Ils s'y perdent ! Lorsque nous avions écrit le projet de loi initial, nous avions questionné des patrons, et je peux vous dire qu'ils ne comprenaient plus rien ! Deux écoles qui font quasiment la même chose, mais qui n'ont pas tout à fait les mêmes critères d'évaluation... Bref, je crois que ce n'est pas satisfaisant, même si chaque institution fait un bon boulot !
Comme je l'ai dit, les structures juridiques sont différentes: le privé et le public. Et puis, il n'est pas normal non plus que des personnes qui font le même job, qui ont la même formation, n'aient pas le même statut du personnel et ne soient pas rémunérées de la même façon ! Ce n'est pas normal ! (L'orateur est interpellé.)Vous trouvez normal de faire le même travail, avec la même formation, et de ne pas avoir la même rétribution ? Non ! (Exclamations. La présidente agite la cloche.)
Vous savez qu'une série de synergies entre les deux structures n'ont pas fonctionné malgré la bonne volonté des deux directions - ce qui n'a pas toujours été le cas... Aujourd'hui, les deux directions collaborent, mais leurs représentants ont néanmoins reconnu que les synergies pourraient nettement être améliorées. Le fait d'avoir deux directions n'est déjà pas la meilleure façon d'optimiser le fonctionnement de ces structures, comme on pourrait le souhaiter pour l'école, en tout cas l'école publique.
Je me suis donné la peine de lire votre rapport de minorité, Monsieur Follonier, parce que je ne comprenais vraiment pas pourquoi vous étiez le seul en commission à vous être opposé à ce projet. Je n'y ai trouvé que cinq arguments... Vous vous opposez à ce projet sur la base de cinq arguments seulement ! Vous les avez du reste peu évoqués tout à l'heure !
Premièrement, vous nous dites que: «... le rattachement de la SGIPA au SCAI pour créer une entité globale n'était pas le but de ce projet de loi...». Alors que c'est le but central ! Aussi, j'ai essayé de comprendre quel était le but... Vous le dites, je cite: «... le moyen détourné de trouver une solution à des modifications structurelles du cycle d'orientation...». Excusez-moi de vous le dire, mais, là, on n'est plus au niveau du débat idéologique, mais au niveau de la paranoïa !
Votre deuxième argument est le suivant. Vous nous dites qu'il est scandaleux - et c'est écrit dans votre rapport - que le département ne prenne pas ses responsabilités, puisqu'il n'avait pas besoin d'une loi pour procéder à l'intégration du secteur du préapprentissage de la SGIPA dans les structures du DIP et qu'il essaie simplement de se faire couvrir par le parlement... Monsieur Follonier, je ne vous comprends pas ! Vous avez reproché pendant des années à Mme Martine Brunschwig Graf de faire une réforme sans passer par le parlement... (L'orateur est interpellé.)C'est ce que vous lui avez reproché ! Maintenant, Charles Beer propose un projet et demande l'avis du parlement pour qu'il y ait un vrai débat démocratique, et vous dites que c'est scandaleux, que c'est parce qu'il n'ose pas le faire tout seul ! Il faudrait savoir si vous voulez que le gouvernement gère les affaires tout seul dans son coin ou si vous voulez que le parlement soit consulté ! Mais ce n'est pas à géométrie variable quand ça vous arrange !
Troisième argument: vous nous dites que ce projet de loi coûte 1 035 000 F de plus. J'ai donc demandé le décompte pour savoir ce que représentait cette somme: eh bien, elle ne concerne pas ce projet de loi ! Les 507 000 F représentent la création de deux ateliers, qui ne sont pas forcément liés à ce projet de loi: c'est un véritable besoin ! Et les 528 000 F concernent le secteur des handicapés: ils sont destinés à couvrir l'engagement d'éducateurs... Cela n'a rien à voir avec ce projet de loi !
Votre quatrième argument - je le partage - est le suivant, je cite: «Tout élève provenant du cycle d'orientation en regroupement B NN ayant une moyenne générale inférieure à 4,8 ne pourra plus continuer son parcours scolaire...», etc. Vous avez raison sur ce point, mais le problème, c'est que cela n'a rien à voir non plus avec ce projet de loi ! Il y a un vrai problème de sélection, global à la fin du cycle d'orientation, mais il n'est en tout cas pas lié au préapprentissage.
Enfin, cinquième argument. Vous dites que ce projet de loi ne règle pas toute la problématique du dixième degré... C'est vrai, mais ce n'est pas parce que ce projet ne règle pas tous les problèmes qu'il faut s'y opposer, car il en règle tout de même une bonne partie. A tout vouloir on n'obtient pas grand-chose ! Ce projet représente une amélioration sensible, et je crois qu'il faut le soutenir.
Vous avez dit tout à l'heure que Mme Martine Brunschwig Graf s'était à l'époque opposée à ce regroupement. Vous avez juste oublié de dire...
La présidente. Monsieur Brunier, il faudra bientôt conclure !
M. Christian Brunier. Je suis en train de conclure !
La présidente. Merci, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. Je suis en train de conclure ! Vous avez juste oublié de dire que Martine Brunschwig Graf soutient maintenant ce projet à travers le Conseil d'Etat, puisque le Conseil d'Etat a été unanime sur ce projet. La seule personne qui s'est opposée à ce projet est M. Raymond Uldry, qui est un grand monsieur de l'éducation, qui craint de voir disparaître la SGIPA - il l'a dit - car il a peur que ce rattachement la mette en danger. Au contraire - et les engagements du département dans ce sens ont été très forts - la SGIPA va s'en trouver consolidée, en se recentrant sur son activité principale, c'est-à-dire l'intégration des enfants handicapés. Et je crois qu'il y a de grands besoins en la matière.
Je conclurai en rendant un hommage très fort à notre ami, le regretté René Gossauer, qui se battait très sincèrement pour améliorer le préapprentissage dans ce canton. Et, lui, n'avait pas d'intérêts électoraux ! (Applaudissements.)
Mme Jeannine De Haller (AdG). En préambule, je voudrais saluer le souci constant du chef du département de l'instruction publique de favoriser la concertation, et cela, systématiquement. Pour chaque sujet, quel qu'il soit, il consulte autant les enseignants, les parents, les personnes concernées, que le parlement. Et je le remercie de travailler de cette manière.
J'aimerais simplement vous rappeler que nous avons à coeur depuis de nombreuses années de sortir le préapprentissage de la SGIPA. Ce projet de loi est en fait une première étape: nous rattachons le préapprentissage au département de l'instruction publique, mais nous ne l'attribuons pas encore à une structure précise. Madame Hagmann, je vous dirai en passant que, pour ma part, je préfère que soit instauré un dixième degré institué, même si ce n'est absolument pas prévu dans ce projet de loi, plutôt que de voir des jeunes dans la rue !
Bref, ce projet de loi est une première étape, et je souhaite quant à moi que le préapprentissage soit ensuite regroupé au CEPTA, puisque c'est l'école en charge de ce secteur de formation, qui ne fait pas de distinction entre origine et provenance des élèves, et qu'il doit donc logiquement assumer aussi le rattrapage de ceux qui ont des lacunes scolaires au seuil de la formation professionnelle. Il n'est pas sain que le préapprentissage reste au SCAI - Service des classes d'accueil et d'insertion - dans la mesure où il mélange la problématique de l'intégration scolaire des migrants avec celle des élèves suisses ou immigrés qui ont besoin d'une mise à niveau scolaire avant de pouvoir entreprendre un apprentissage, soit à plein temps au CEPTA soit dual en entreprise. Le SCAI devrait n'assumer que l'intégration scolaire différenciée des élèves migrants, pour qu'ils puissent rejoindre, selon leur niveau de formation antérieur, soit une classe ordinaire ou préparatoire d'une école du postobligatoire soit une classe d'apprentissage ou de préapprentissage du CEPTA. Il faut donc transférer au CEPTA - et c'est ce que je souhaite pour la suite - les classes actuelles dites «CIPA» ou «CEFP» du SCAI.
Enfin, il faut que le CEPTA mette sur pied des formations professionnelles à plein temps du type formation élémentaire ou pratique pour ceux, Suisses ou immigrés, qui n'ont pas trouvé de place d'apprentissage de ce niveau en entreprise ou pour ceux qui n'ont pas de statut les autorisant à entrer en formation duale.
C'est mon souhait, et je crois que c'est celui de l'Alliance de gauche. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). En préambule - puisque tout le monde en a fait un... - j'aimerais dire que la problématique du préapprentissage, c'est-à-dire l'apport d'outils nécessaires à des jeunes filles et des jeunes gens qui, pour différentes raisons, n'ont pas les prérequis suffisants pour entreprendre des études longues ou un apprentissage, est une réalité qui prend de plus en plus d'importance à Genève. Et je crois pouvoir dire - le président du département le sait - que je représente ici des associations professionnelles, mais que je m'implique aussi énormément à titre personnel et depuis de nombreuses années dans cette problématique qui prend de l'ampleur, étant donné l'évolution de la population de jeunes filles et de jeunes gens qui arrivent en fin de scolarité.
On a cité M. Gossauer, que j'ai connu aussi et à qui je rends hommage, et d'autres, comme M. Uldry qui avait créé le Chalet des Apprentis - enfin, c'est toute une histoire. J'aimerais dire que c'est le passé, mais c'est aussi le présent.
Ces personnalités, et d'autres, se sont investies déjà à l'époque pour trouver des solutions pour cette catégorie de jeunes filles et de jeunes gens qui ont de la peine à trouver leurs marques dans notre société sur le marché de l'apprentissage et le marché de l'emploi. Je ne cherche pas à faire ici du sentimentalisme et honorer la mémoire de ces personnes pour essayer de faire passer un message, mais j'aimerais vous montrer par là qu'à Genève, peut-être plus qu'ailleurs, nous avons eu des précurseurs qui ont créé des institutions, il y a plusieurs dizaines d'années. Et la SGIPA est un exemple de l'engagement personnel de femmes et d'hommes qui ont perçu dès le départ qu'il fallait apporter un plus aux jeunes qui n'ont pas le niveau nécessaire ni les capacités pour s'engager directement en apprentissage.
Je peux aussi vous certifier, par expérience, que les jeunes gens qui sortent des ateliers de préapprentissage de la SGIPA et qui embrassent, par exemple, un métier dans le bâtiment, la maçonnerie, le génie civil, sont parmi ceux qui ont les meilleurs résultats. C'est dire que le travail effectué par la SGIPA pour essayer de donner un supplément de formation pratique et professionnelle donne des résultats extraordinaires. Je me rappelle encore d'une statistique qui montrait que, sur vingt maçons entrés en apprentissage dans les métiers du gros oeuvre, dix, qui venaient de la SGIPA, avaient tous réussi. Tous ! Je ne veux pas dire par là que ceux qui étaient formés ailleurs étaient moins bons, je veux simplement souligner le travail extraordinaire de la SGIPA.
Maintenant, fallait-il rattacher ces deux structures ? Monsieur le président du département de l'instruction publique, dès que vous avez accédé à votre poste, vous avez effectivement lancé cette réforme. Et, en tout cas du côté des associations professionnelles et compte tenu de l'efficacité de la SGIPA, on s'est demandé pour quelle raison. Vous avez parlé d'une large consultation, Madame de Haller... Vous caressez quelque peu votre ministre dans le sens du poil - je me permets de vous le dire... (Rires et exclamations.)En réalité, cette consultation a été menée à la Pyrrhus, très rapidement ! Et vous devez savoir que les associations patronales et professionnelles se sont opposées à ces propositions. Il était de la liberté du département, ensuite, de passer outre à ces oppositions et de montrer que cette réforme était une bonne chose.
Je voudrais vous dire une chose Madame Wisard-Blum: vous avez expliqué que les exigences des patrons à l'égard des jeunes sont de plus en plus élevées... Mais non ! Mais, non ! Vous savez que c'est un sujet chaud, délicat... Je signale que le président du département a repris la démarche initiée par Mme Brunschwig Graf, soit de faire une analyse franche, transparente, pour que tous les acteurs de la formation, que ce soit l'institution scolaire, les associations professionnelles, les partenaires sociaux, les syndicats, vérifient, une bonne fois pour toute, que le niveau de formation de ces jeunes filles et de ces jeunes gens - et c'est la majorité d'entre eux - leur permettra d'entrer en apprentissage. Eh bien, je puis vous confirmer qu'un groupe de travail se penche sur ce problème depuis deux ans - même un peu plus - et que nous nous réunissons régulièrement pour savoir si les milieux professionnels sont trop gourmands et trop exigeants ou si c'est l'institution scolaire qui n'arrive pas à amener ces jeunes au bon niveau. Il a d'abord fallu s'apprivoiser quand ce mandat a été créé - excusez-moi, mais je dois expliquer la démarche, Madame la présidente ! Nous sommes en plein travail, et nous avons réussi pour l'instant à...
La présidente. Monsieur Barrillier, vous devez conclure !
M. Gabriel Barrillier. Je sais ! Je vais revenir à mon propos ! (Rires.)Vous devez savoir qu'une démarche est en cours à ce sujet.
Je conclurai en disant la chose suivante. L'uniformisation et la concentration des moyens que demande ce projet de loi sont-elles une garantie d'efficacité ? Vont-elles permettre d'économiser des sous ? Il y aura en effet un directeur au lieu de deux... Va-t-on tenir compte du génie des lieux, c'est-à-dire de l'efficacité de la SGIPA et du SCAI ? Enfin, toute cette opération - et c'est un peu le sentiment que j'ai eu...
La présidente. Sept minutes !
M. Gabriel Barrillier. Finalement, Madame la présidente, le motif essentiel de cette opération n'était-il pas de mettre au même niveau les rémunérations et le statut du personnel de la SGIPA avec ceux du SCAI ? Ne serait-ce pas ce corporatisme qui triomphe ? (Applaudissements.)
M. Rémy Pagani (AdG). Je ne crois pas qu'il faille se jeter à la figure les responsabilités dans ce dossier... On pourrait très bien dire, comme M. Barrillier, que c'est du corporatisme... Je pourrais aussi prétendre que c'est de la faute des patrons... La question n'est pas là !
C'est une réalité, et je peux le dire dans la mesure où j'ai placé un certain nombre d'apprentis. Il y a une vingtaine d'années on trouvait des places d'apprentissage facilement, et j'ai même réussi à placer des apprentis âgés de 14 ans qui n'avaient pas terminé la scolarité obligatoire - vous vous en souvenez aussi, Monsieur Barrillier. Aujourd'hui, si un jeune arrive à trouver une place d'apprentissage à 18 ans, même en ayant fait deux ans de collège ou deux ans de culture générale, il a bien de la chance !
Il y a vingt ans, les jeunes qui avaient fini leur formation, quelle qu'elle soit, trouvaient un travail. Nous sommes d'ailleurs la résultante de cette époque: nous avions la chance de pouvoir trouver un travail et, même, de pouvoir choisir. Or aujourd'hui - et les statistiques le montrent - les jeunes sont une des catégories de la population les plus touchées par le chômage. Cette réalité, quelles que soient les explications qu'on peut lui donner, existe: elle est bien là, et nous devons nous donner les moyens d'améliorer les choses ! Et la pierre que nous allons poser ce soir avec ce projet est un début de solution. Ce n'est peut-être pas la meilleure et elle comporte des risques - M. Follonier a dit que cela risquait de devenir une sorte de «dépotoir», entre guillemets, comme l'a été, à un certain moment, l'Ecole de culture générale ou, tout d'une moins, une partie de cette école. Toujours est-il qu'il faut trouver des solutions pour résoudre le problème des jeunes qui ont terminé leur formation et qui se retrouvent au chômage...
Actuellement - et je suppose que vous en êtes aussi scandalisés que moi - des jeunes qui ont fini leur formation depuis trois ans sont encore au chômage en quête d'un premier emploi... Et les employeurs qui les auditionnent ne les engagent pas, parce qu'ils n'ont pas d'expérience... C'est quand même assez incroyable !
Il faut donc mener une réflexion non seulement au niveau de la formation, mais aussi au niveau des horaires de travail. En effet, nous travaillons toujours trop, et il n'y a pas assez de travail pour tout le monde... Nous avons déjà eu ce débat sur le chômage: nous devons essayer de nous répartir les heures de travail que nous avons à disposition, collectivement parlant.
Il faut aussi réfléchir au problème de la retraite... (Brouhaha.)On l'a bien compris, puisque le gouvernement a encore maintenu le PLEND cette année. Effectivement, il est préférable de permettre à nos anciens de pouvoir partir plus rapidement à la retraite pour laisser des places de travail aux jeunes qui ont suivi une formation et n'attendent que cela pour avoir au moins une expérience professionnelle. Il faut réfléchir à cette problématique de manière globale. Vous avez raison, Monsieur Follonier et Monsieur Barrillier, la question du dixième degré se pose et elle va continuer à se poser tout au long des réformes que nous allons devoir faire pour assumer ce changement. Celui-ci est dû - et là, vous me permettrez une petite polémique, parce que cela me semble nécessaire - à l'augmentation de la concurrence entre les entreprises, à la délocalisation et, d'une certaine manière, à la mondialisation de notre économie, qui font, malheureusement, que le patronat, qu'il soit local ou international, embauche les employés les plus expérimentés, les plus capables et de laisser sur le bord du chemin toute une série de personnes, les jeunes ou les adultes de plus de 55 ans. Avant, toutes ces personnes étaient intégrées et avaient leur place dans notre économie, mais aujourd'hui elles sont mises de côté. Nous le déplorons, et nous devons aussi nous donner des moyens de pouvoir assumer ce type de risque.
C'est d'ailleurs pour cela que je vous invite à signer le référendum sur le chômage qui a été lancé il y a deux semaines.
M. François Thion (S). M. Barrillier a longuement parlé des associations patronales... Permettez-moi de parler aussi des élèves un petit moment !
C'est vrai, il y a toujours eu des élèves qui sortaient du cycle d'orientation et qui se retrouvaient en très grosses difficultés scolaires, sans savoir ni l'orthographe ni les opérations de calcul les plus simples. Et nous avons toujours été très contents de pouvoir compter sur la SGIPA pour placer certains de ces élèves en préapprentissage.
Il faudrait peut-être modifier la moyenne actuelle de 4,8 en neuvième, mais, quoi qu'il en soit, il y a toujours des élèves en grande difficulté; qu'ils aient 4,8 de moyenne ou non, cela ne change rien! Ces élèves ne peuvent pas aller à l'Ecole de culture générale. Ce n'est pas seulement une question de note, c'est une question de capacités scolaires réelles.
J'aimerais apporter mon témoignage, parce que j'ai visité les classes de la SGIPA au cours d'une formation continue. J'y ai passé une matinée, et je dois dire que j'ai été très impressionné. C'est une structure qui fonctionne d'une manière vraiment exemplaire. D'abord, les classes ont des petits effectifs et on y apprend à la fois la théorie et la pratique: il y a quelques pupitres où les élèves apprennent des bases scolaires et, tout de suite après, ils passent à l'atelier juste à côté pour essayer de mieux comprendre les choses. Il faut aussi souligner la patience incroyable des enseignants, qui font preuve d'une grande écoute envers ces élèves. Je le répète, j'en ai été très impressionné, et, surtout, ces enseignants tiennent leurs classes d'une manière incroyable - des classes, comme je l'ai déjà dit, avec de petits effectifs.
Alors, j'aimerais bien que cette nouvelle loi permette de garder ces mêmes équipes d'enseignants et ces mêmes effectifs réduits. Je vais vous dire très honnêtement que le gros problème que j'ai rencontré, lorsque j'ai enseigné au cycle d'orientation et que j'avais des élèves en difficulté, c'est qu'il n'y avait pas de place à la SGIPA... Il fallait quasiment s'y prendre huit mois à l'avance pour inscrire les élèves, car ils n'étaient pas du tout sûrs de trouver une place.
Ces dernières années, un autre grand problème s'est présenté: quand on disait à un élève que la SGIPA était ce qu'il y avait de mieux pour lui, il nous répondait qu'il ne voulait surtout pas «aller avec les débiles mentaux»... Et trouver une place et convaincre les élèves d'aller à la SGIPA ont très souvent été un frein à ce niveau-là. Je pense tout de même que cette nouvelle structure permettra des progrès dans ce sens et les choses seront claires: les élèves resteront au DIP.
Mais il va falloir ouvrir davantage de classes de préapprentissage, parce que les élèves en difficulté sont toujours plus nombreux. C'est un phénomène de société: certains élèves se sentent complètement abandonnés par leurs parents; ils sont livrés à eux-mêmes. Et le passage au cycle d'orientation est une épreuve pour eux, non pas pour le fait d'aller à l'école, mais en raison de leur environnement familial: les parents ne s'occupent pas d'eux et ils se retrouvent dans la rue... Enfin, on connaît tout ça ! Alors, à un moment donné, il faut pouvoir les reprendre en main, et je crois que ces places de préapprentissage sont une bonne chose à cet égard. Il est vrai, jusqu'à présent en tout cas, que les jeunes qui travaillaient bien en préapprentissage ont presque toujours réussi leur apprentissage et trouvé une place.
Je tenais à vous donner ce témoignage, plutôt du point de vue des élèves, et vous aurez remarqué que je n'ai pas du tout défendu les enseignants «par corporatisme», comme je l'ai entendu. C'est une autre question, dont je ne veux pas me mêler... (Applaudissements.)
M. Claude Aubert (L). J'aimerais dire deux mots concernant les enfants qui n'ont pas de chance... Il y a des enfants qui n'ont pas de chance parce qu'ils sont nés dans une famille où ils se sont développés difficilement ou qui ont un handicap médical ou psychiatrique. Ces enfants ont besoin de recevoir une instruction assez spécialisée, et c'est toujours un énorme problème pour les parents de savoir comment les choses vont se passer pour la période postobligatoire, jusqu'au moment où les rentes AI permettent aux parents de souffler.
Bien évidemment, d'autres enfants n'ont pas de chance, qui font un mauvais parcours scolaire, pour des raisons familiales ou de tous genres, pour lesquelles il n'y sont pour rien... Par conséquent, on peut bien sûr les considérer comme étant victimes des événements. Et, dans ce sens, nous devons prévoir toute une série de dispositifs pour les aider.
Mais j'aimerais quand même signaler au passage une autre catégorie d'enfants ou d'adolescents, ceux qui n'ont aucune raison de s'intégrer dans la société... Et l'on pourrait d'ailleurs se demander à quoi cela sert de s'intégrer dans la société. Pour prendre un exemple que vous connaissez bien: pensez-vous qu'en nous regardant fonctionner les jeunes aient envie de s'intégrer dans la société ?
C'est pourquoi on ne doit pas forcément penser que la voie royale consiste à s'intégrer dans la société: il y a toujours une partie des enfants et des adolescents qui sont, de ce point de vue, totalement rebelles et qui le restent. Pour ces jeunes totalement rebelles à toute forme de prise en charge, il faut donc trouver des moyens de les aider par le biais d'enseignants et d'éducateurs qui ont vraiment le génie de pouvoir les aider. Et, dans ce sens, le problème pourrait se poser de la manière suivante: quelle est la forme d'institution qui permet le mieux à un enseignant de pouvoir développer son propre génie pour aider ces enfants ?
C'est dans ce sens-là que nous pensons que les structures de type privé permettent mieux que les autres le développement de ces prises en charge, parce que celles et ceux qui s'y consacrent ont une beaucoup plus grande liberté d'action. Nous souhaitons bien évidemment que ce soit aussi le cas pour les enseignants des structures d'Etat, afin qu'ils puissent développer toute leur attention et toutes leurs idées pour aider ces jeunes rebelles.
J'ai entendu dire qu'il faut faire en sorte que ces jeunes ne soient pas dans la rue... La première chose qu'on devrait peut-être essayer de faire, c'est de leur donner envie de s'intégrer dans la société !
M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Aubert vient de nous faire une belle démonstration de contradiction... D'un côté, il commence par dire qu'il ne faut pas embêter les jeunes qui ne veulent pas s'intégrer, qui veulent tout autre chose, et, de l'autre, il voudrait que des personnes spécialisées puissent aider ces mêmes jeunes à s'intégrer ! Alors, il faut savoir: ou bien il faut véritablement faire un effort pour les intégrer, ou bien il faut les laisser tomber !
Pour notre part, nous sommes voulons que tout soit fait pour que personne ne se retrouve sur le bord du chemin, au niveau de la formation, au niveau de la construction d'un projet de vie.
Les radicaux sont également dans une contradiction assez incroyable... Je prends quelques exemples en passant. Les radicaux étaient parmi les ardents défenseurs d'un regroupement d'écoles sur plusieurs cantons, comme les HES, des écoles complètement dissemblables, situées à des centaines de kilomètres les unes des autres, et ils ont voulu - avec d'autres, d'ailleurs - en faire une seule entité, avec des couches administratives à n'en plus finir - et là, on ne s'est pas demandé si cela coûtait cher - avec des dizaines de personnes qui se trouvent dans un canton alors qu'il n'y aucun étudiant sur place ! Eh bien, vous avez, les uns et les autres, défendu ces regroupements dont on constate aujourd'hui qu'ils ont été un échec !
Dans le cas qui nous occupe, il y a dans un même canton des formations qui pourraient effectivement être regroupées. Mais pourquoi les regrouper ? Sur ce point, j'ai l'impression que certains groupes de droite n'arrivent pas à imaginer une seule seconde que les enseignants pourraient avoir envie de faire quelque chose de bien dans leur métier... Une seule chose les intéresse, selon certains... A chaque fois que l'on parle des enseignants ou des membres du personnel de la fonction publique, M. Catelain essaie de faire croire qu'il n'y a qu'une chose qui les intéresse. Ce n'est pas la santé des patients, ce n'est pas l'avenir des élèves, non, rien du tout ! Ce n'est que le portefeuille ! Comme si M. Catelain voulait travailler gratuitement ! C'est tout de même extraordinaire ! Non, Mesdames et Messieurs les députés, l'immense majorité des enseignants pensent aussi, et je dirai surtout, à l'avenir des enfants, à l'avenir des jeunes dont ils ont la charge ! Il faut arrêter d'imaginer que les gens ne pensent qu'à leur salaire. Et je pense que vous avez, vous aussi, certainement d'autres projets dans la vie que d'attendre la fin du mois. Il est indispensable de pouvoir finir le mois correctement, mais ce n'est pas la motivation première ! Nous, nous voulons que le salaire permette aux gens de faire autre chose, c'est-à-dire d'accomplir une trajectoire dans la vie, mais une trajectoire la plus positive qui soit, pour les uns et pour les autres !
Je dirai enfin... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Je dirai enfin que les enseignants... (L'orateur est interpellé.)Mais, écoutez, vous, les radicaux, vous ne savez plus quoi faire: c'est la démagogie à tout-va ! Finalement, vous allez perdre le peu de crédit que vous avez - s'il vous en reste !
Je voudrais vous dire encore une chose, Mesdames et Messieurs. En matière de préapprentissage, il est nécessaire de faire de la formation continue, comme c'est le cas au SCAI, et il faut aussi de la mobilité - elle a été vantée par Mme Brunschwig Graf à de nombreuses occasions. Cette mobilité-là vous est offerte aujourd'hui, justement dans le cadre de ces regroupements. Et vous qui avez soutenu la mobilité et des regroupements, alors qu'il y a des raisons valables pour procéder à ce regroupement-ci, il n'y a qu'une chose qui vous choque: c'est que des enseignants qui dispensent le même enseignement aient le même statut !
D'ailleurs, de quoi avez-vous peur, Mesdames et Messieurs, puisque vous voulez abolir le statut de la fonction publique et baisser les salaires ? Par conséquent, vous n'avez rien craindre ! Vous vous imaginez que vous allez réussir votre coup, mais, nous, nous allons vous en empêcher, parce que nous tenons à l'avenir de l'école publique et à l'avenir des enfants ! (Applaudissements.)
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Tous ces beaux discours m'inspirent en tout cas deux réflexions. Tout d'abord, j'ai entendu les propos de Mme Wisard, et je dois dire que j'en suis surpris. Je ne ferai pas injure à son intelligence, je pense que soit elle n'a pas compris ce que j'ai dit, soit elle ne m'a pas écouté...
«Harmonie» ne signifie pas fermer les yeux ! Aujourd'hui, les apprentissages sont différents selon les cantons. Certains cantons bénéficient de classes de préapprentissage, d'autres non; certains ont un apprentissage dual, d'autres non. Vous voulez rapprocher le SCAI et la SGIPA en invoquant l'harmonie, alors qu'il n'y a pas d'harmonie au niveau suisse !
Cela étant, je suis rassuré par les attaques de M. Brunier, parce que je me dis que, finalement, j'ai peut-être vu juste... Franchement, vos tentatives naïves pour me faire passer pour un vieux croulant sont pathétiques ! Vraiment, terriblement pathétiques ! Je n'arrive pas à comprendre comment vous pouvez prendre un rapport de minorité et citer des phrases hors de leur contexte, en omettant systématiquement certains passages ! Procéder à un tel découpage, c'est de la malhonnêteté intellectuelle ! (Exclamations. Vifs applaudissements. Quelques huées.)
Je vais vous lire ce que j'ai écrit textuellement: «Je ne me prononcerai pas sur ce rattachement, qui ressemble plus à un acte administratif qu'à un projet de loi...». Il est certain que si nous étions cohérents, nous pourrions dire ce soir au chef du département, dont vous avez vanté la transparence, de procéder au rattachement du SCAI et de la SGIPA, mais sans passer par ce projet de loi, puisque vous n'en avez pas besoin...
J'aimerais vous lire encore une phrase, en page 8 du projet de loi du Conseil d'Etat, sous «Commentaire des articles». Il est écrit: «En soi, l'intégration dans la structure du DIP du secteur du préapprentissage de la SGIPA ne nécessite l'édiction d'aucune base légale nouvelle...». (L'orateur est interpellé.)Mais alors, donnez-lui la possibilité de le faire, mais pourquoi ce projet de loi ? (Commentaires.)Je suis très étonné !
En dehors de cela, vous parlez toujours des problèmes des apprentis... Mais vous ne pouvez plus en parler comme ça ! L'apprentissage a été maltraité: on n'a pas voulu revaloriser l'apprentissage auprès des jeunes. Que font les jeunes aujourd'hui - et vous le savez aussi bien que moi, puisque vous parlez de temps en temps d'enseignement avec nous en commission? Eh bien, ils suivent d'abord leur filière au niveau du collège ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Et c'est uniquement lorsqu'ils ont raté qu'ils se présentent à un apprentissage. Eh bien, la réponse est là: il est clair qu'un patron aura tendance à préférer un jeune qui a déjà fait une année de collège à un jeune qui sort de l'école obligatoire ! Nous n'avons pas fait le bon choix.
Je pense que nous devrions être très prudents ce soir... Peut-être faudrait-il accepter de permettre au département de procéder à ce rattachement, mais, en ce qui me concerne, je vous encourage encore une fois à ne pas accepter ce projet de loi. (Applaudissements.)
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le débat a permis un échange d'arguments nourris, qui n'ont pas forcément toujours permis d'éclairer la thématique que nous devons traiter... Je tiens tout de même à rendre hommage à Mme Leuenberger pour la qualité de son rapport et dire combien j'apprécie que le débat soit porté devant cette enceinte. Et j'aurais l'occasion tout à l'heure de vous expliquer pourquoi j'ai fait ce choix.
Je souhaitais tout d'abord intervenir sur cette problématique. Oui, notre société - comme toutes les sociétés occidentales - est aujourd'hui confrontée, comme hier, à la difficulté de combattre l'échec scolaire. Echec scolaire qui se traduit, pour les jeunes gens à la sortie de l'école obligatoire, par la difficulté de trouver une formation, qu'elle soit professionnelle ou scolaire.
Malheureusement, Mesdames et Messieurs les députés, cette problématique s'est aggravée dans la mesure où l'apprentissage a été revalorisé. En effet, d'énormes efforts ont été consentis dans ce sens par le département de l'instruction publique, particulièrement sous la responsabilité de Mme Brunschwig Graf, et cette volonté de revaloriser l'apprentissage s'est traduite concrètement par deux points. Premier point: la création des maturités professionnelles; deuxième point: mettre sur pied des débouchés par le biais de hautes écoles spécialisées, ce qui ne s'est pas fait sans conséquences. Et la conséquence principale, c'est d'entraîner une hausse des exigences de l'Ecole de culture générale. La moyenne de 4,8 pour pouvoir y accéder, en sortant d'un regroupement B avec des niveaux NN, c'est-à-dire «normal normal» en allemand et en maths, n'a rien de satisfaisant, et je suis d'accord avec vous, Monsieur le député Follonier.
Nous avons donc à cet égard un certain nombre de responsabilités, et je suis parfaitement conscient, comme l'ensemble des députées et des députés qui se sont exprimés sur cette thématique, que nous n'avons pas encore résolu le problème à travers ce projet de loi. Il n'en demeure pas moins que ces élèves sont là. Et les laisser entrer à l'Ecole de culture générale et décrocher par centaines après quelques semaines seulement de scolarisation est tout simplement une politique irresponsable ! Pour ma part - comme du reste Mme Brunschwig Graf à l'époque - je n'ai pas eu envie de mener la politique de l'autruche, puisque les compléments de formation, qui ont été mis sur pied pour la première fois à la rentrée 2003, ont été conçus en 2002 et suivaient les classes VOIR qui reprenaient déjà cette volonté d'insertion.
Deuxième élément important: ce qui touche le préapprentissage. Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)... je pense qu'il est important de noter que si nous sommes en présence aujourd'hui de deux structures de préapprentissage - un doublon - c'est tout simplement parce que la SGIPA a fait oeuvre de pionnier. Et l'on peut effectivement rendre un hommage vibrant et appuyé, comme je l'ai fait à réitérées reprises, à M. Raymond Uldry pour ce qu'il a réalisé en la matière en faveur de tous ces élèves confrontés à l'échec scolaire. Mais c'est aussi parce la SGIPA n'a pas été en mesure de faire face à certaines difficultés, dont celle de répondre à l'accroissement de la demande - elle ne pouvait pas accueillir tous les élèves - que le service public a dû développer en parallèle le même type de prise en charge correspondant aux critères du préapprentissage. Et, à cet égard, Mesdames et Messieurs les députés, nous pouvons également rendre un vibrant hommage au regretté René Gossauer qui, lui, s'est investi personnellement - comme l'a fait à l'époque M. Uldry dans la SGIPA - dans le SCAI et le service public, pour donner un prolongement nécessaire à la prise en charge des élèves en difficulté.
Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas au bout des problèmes concernant le préapprentissage et, aussi, les compléments de formation. Ce problème aujourd'hui touche pratiquement sept cents élèves. Sept cents élèves à la sortie du cycle d'orientation n'ont pas directement accès à une structure, je le répète, qu'elle soit professionnelle ou scolaire. Et nous sommes ici confrontés à une des grandes difficultés: la mutation de l'apprentissage.
A ce sujet, on peut aussi rendre hommage aux entreprises qui continuent à s'engager, qui continuent à offrir des places d'apprentissage de qualité, mais qui, en même temps, n'intègrent plus des jeunes de 15 ou 16 ans, dans la mesure où elles estiment le plus souvent qu'ils sont trop jeunes pour entrer en apprentissage. La moyenne d'âge d'entrée en apprentissage, Mesdames et Messieurs les députés, est de 17 ans, et non de 15 ans ! A peine 5% des élèves qui sortent du cycle d'orientation accèdent directement à un apprentissage. D'où le fait que nous sommes confrontés à cette réalité et que nous devons prendre en charge les élèves les moins biens lotis au niveau des connaissances scolaires et des résultats.
Allons-nous créer ainsi un dixième degré, une espèce de «vaste machin», dans lequel on dirigerait l'ensemble des élèves dont je viens de parler ? Bien entendu, la réponse est non ! Bien entendu, la réponse est non ! Les compléments de formation existent, Mesdames et Messieurs les députés, et nous n'y toucherons pas ! Les ateliers de préapprentissage existent, nous n'y toucherons pas !
A travers ce projet de loi, nous avons simplement tenu à établir la manière dont nous entendons suivre les jeunes en difficulté. Et je vais maintenant vous expliquer pourquoi nous l'avons déposé.
Mesdames et Messieurs les députés, c'est dans un souci de transparence et d'honnêteté vis-à-vis de ce Grand Conseil. Tout simplement parce que des députés avaient décidé de déposer un projet de loi sur cette problématique à la fin des années 90 et que ce projet de loi demandant le rattachement de ces deux structures avait été refusé. Puis il avait justement été modifié, avec la volonté de mettre sur pied de réelles collaborations entre les deux structures de préapprentissage. Convenait-il, parce qu'il y eu un changement à la tête du département, d'ignorer la volonté du parlement qui avait pris cette décision ? Quelles auraient été vos réactions si on s'était permis d'agir de la sorte ? Quelle légèreté !
En tout cas, sachez que ce n'est pas ma manière de procéder, et je préfère vous rendre des comptes ici et débattre, y compris dans la difficulté, plutôt que de tenter de contourner les compétences du parlement qui doit statuer, surtout lorsqu'il a refusé dans un premier temps un projet - bien entendu, concrétisé d'une manière fort différente.
J'en viens maintenant au contenu et à la motivation de ce projet de loi. Le contenu et la motivation essentielle de ce projet de loi, c'est que la SGIPA, principalement pour ses ateliers de préapprentissage, est toujours confrontée à la logique de pouvoir s'adapter, en termes de nombre et de qualité de prise en charge dans le nombre. Etant tout à fait respectueuse des jeunes gens qu'elle accueille, la SGIPA dit très souvent ne pas pouvoir étendre sa prise en charge... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Nous sommes donc confrontés actuellement à un choix réel de prise en charge dans les préapprentissages pour les jeunes. Il y a grosso modo un préapprentissage par formation alternée au sein du SCAI, avec des stages en entreprises au sein du SCAI, ou des ateliers de préapprentissage au sein de la SGIPA: trois types de prise en charge.
Aujourd'hui, un jeune est-il sélectionné ou choisi ou peut-il choisir le type de préapprentissage en fonction de ses difficultés ? La réponse est non ! C'est la réponse administrative apportée aujourd'hui au besoin du futur apprenti... Eh bien, cela n'est pas possible si le Grand Conseil et le Conseil d'Etat entendent assurer une formation privilégiée à cette catégorie d'élèves !
Dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons effectivement voulu, avec ce regroupement, conserver la multiplicité et la diversité de la prise en charge - et non sa disparition - car nous savons à quel point elle est précieuse pour ces élèves en difficulté, et il n'est pas question pour nous de l'uniformiser un jour. Surtout au moment où il faut trouver des solutions adaptées, notamment par des classes à petits effectifs, pour ces élèves confrontés à d'importantes difficultés. Nous allons donc conserver la multiplicité et la diversité de la prise en charge; nous allons compter sur le savoir-faire de la SGIPA comme sur celui développé par le SCAI, c'est une précision qu'il me semble important de vous apporter.
Dernier élément - et je terminerai par là, Madame la présidente, je pense approcher le terme du temps de parole qui m'est imparti - pour vous dire qu'il s'agit d'un projet de loi auquel, effectivement, je tiens tout particulièrement. La plupart des milieux consultés, comme, du reste, des groupes parlementaires, ont donné leur accord avec la volonté de la commission d'améliorer la prise en charge de ces jeunes gens. Ce projet de loi n'a pas la prétention de régler la totalité du problème: nous proposons simplement, sans débat de structure, de nous atteler modestement à une meilleure prise en charge des élèves en difficulté, et c'est la seule raison pour laquelle ce projet me tient particulièrement à coeur. (Applaudissements.)
La présidente. Mesdames et Messieurs, je vous soumets maintenant la prise en considération du projet de loi 9157-A.
Mis aux voix, ce projet est adopté en premier débat par 49 oui, contre 15 non et 16 abstentions.
Deuxième débat
La présidente. Monsieur Marcet, avez-vous demandé la parole ?
M. Claude Marcet. Pas du tout !
La présidente. Alors, vous avez dû appuyer par erreur sur le bouton de demande de parole ! (Remarques.)Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes donc en deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
La présidente. Vous avez reçu tous les amendements sur vos places. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 44A, lettre b), dernière phrase, nouvelle teneur. Il s'agit de la suppression du mot «scolaire» après «d'insertion», ce qui donne: «L'enseignement secondaire II postobligatoire organise en outre des classes d'accueil et des classes d'insertion professionnelle destinées...».
Si vous acceptez cette modification à cet article, nous considérerons par analogie qu'il en est de même pour le chapitre IX A, à l'article 74D deux fois, à l'article 74F plus son intitulé et à l'article 74G deux fois. Je vous soumets donc cet amendement... Mais je vois que M. Follonier demande la parole: je la lui donne.
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Nous voilà enfin au coeur du débat... (Exclamations.)Eh oui, il fallait bien qu'on y arrive ! (Remarques.)
Depuis le début, on entend parler de SCAI et de SGIPA, on entend parler de formation professionnelle, on entend parler de filières d'apprentissage, on entend parler d'aide pour les jeunes en difficulté pour trouver des places d'apprentissage... Alors, comment se fait-il que tous les articles indiquent qu'il s'agit de «classes d'insertion scolaire et professionnelle» ? On parle d'insertion professionnelle ou d'insertion scolaire ? C'est le noeud du problème ! Nous avons tous parlé ce soir d'insertion au SCAI et à la SGIPA: pourquoi pas ? Mais cela n'a rien à voir avec l'insertion scolaire !
Monsieur le chef du département en a touché un mot tout à l'heure. Il n'a peut-être pas été aussi loin qu'il aurait voulu - ou il n'a pas osé - mais il nous a tout de même expliqué que le dixième degré serait un jour une nécessité. Il trouve peut-être un début de justification de ce dixième degré dans cette loi. Reste que, personnellement, je ne suis pas d'accord que nous réglions ce problème à la légère. C'est probablement un des problèmes les plus importants que nous devrons régler dans les années à venir ! Ce n'est pas le rattachement du SCAI et de la SGIPA, mais l'aide que nous devrons apporter à tous les enfants qui vont se retrouver coincés à la fin du cycle d'orientation. Or, ce problème ne peut pas être réglé par le biais d'un simple projet de loi dans lequel on accole deux mots pour permettre d'avoir une certaine latitude. Le fait d'ajouter le mot «scolaire» a changé fondamentalement la portée de la loi.
M. le président du département nous disait tout à l'heure que les exigences étaient plus élevées que par le passé. Mais, en fait, ce n'est pas tout à fait exact: il faut prendre les choses dans l'autre sens. C'est suite à la création des HES et de la maturité professionnelle, qui sont des filières fédérales, que l'on s'est rendu compte que les connaissances et les prérequis à la sortie du cycle d'orientation n'étaient pas adéquats à Genève alors qu'ils le sont dans d'autres cantons. Voilà, Mesdames et Messieurs, où réside le problème. C'est ce problème que nous devrons résoudre, mais ce n'est pas en ajoutant le mot «scolaire» dans le texte de loi que nous y arriverons !
Monsieur le président, je vous pose la question suivante solennellement: accepteriez-vous de retirer votre projet de loi si le parlement prenait ce soir la décision de vous accorder la possibilité de rattacher le SCAI et la SGIPA ? (Rires.)
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse de majorité. Je voudrais juste rappeler à M. Follonier qu'à l'origine le projet de loi déposé par le département ne précisait pas s'il s'agissait de classes d'insertion «scolaire» ou «professionnelle». Justement pour rester général, il parlait de classes d'insertion, tout court. Et les libéraux ont ensuite présenté un amendement proposant de préciser qu'il s'agissait de classes d'insertion professionnelle, pour souligner le côté professionnel de la formation... Finalement le terme «scolaire» a été ajouté, précisément parce que les jeunes qui sortent de l'école obligatoire avec des déficits ont des lacunes scolaires, ils ont une culture et des connaissances fragiles. Et rajouter le terme «scolaire» permettait d'une certaine manière de revaloriser la formation professionnelle, car avoir une formation professionnelle en ayant des lacunes en français et en maths élémentaires dévalorise le mot «professionnelle». Et puis, nous avons mis un «et», Monsieur ! Il y a «e, t» entre les mots «scolaire» et «professionnelle»... (Rires.)C'est un mariage des deux formations, qui valorise chacune d'entre elles et n'est pas exclusivement scolaire !
Je vous encourage donc à refuser l'amendement de M. Follonier. (Applaudissements.)
M. François Thion (S). Monsieur le rapporteur de minorité, je me demande si votre rejet du mot «scolaire» n'a pas quelque chose à voir avec votre passé. En effet, à chaque fois qu'on aborde le sujet de l'école vous avec une réaction négative...
M. Jacques Follonier. Pas de commentaire !
M. François Thion. Je plaisante, je plaisante ! Mais peut-être y a-t-il quand même un problème à ce niveau... (Rires.)Quand on parle d'insertion scolaire, on rappelle justement que ces jeunes ont des lacunes en sortant du cycle d'orientation - et des lacunes scolaires, pas seulement des lacunes au niveau d'un apprentissage manuel, qu'il faut combler !
Il me semble que le mot «scolaire» signifie qu'une culture générale doit être dispensée en complément de la formation professionnelle, culture générale qui doit amener les élèves à pouvoir lire un article dans le journal, à le comprendre, à se faire une opinion. Bien sûr, c'est ambitieux, mais c'est possible avec la majeure partie des élèves. Je crois que vous devriez cesser de rire, Monsieur Follonier... Le but est de former des citoyennes et des citoyens. Mais peut-être n'avez-vous pas très envie que ces jeunes se mettent à réfléchir... (Exclamations.)... et qu'ils participent aussi un jour à la vie de la cité. Voilà ce que je voulais dire !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à M. Bernard Annen. (Exclamations.)S'il vous plaît, pas de commentaire !
M. Bernard Annen (L). S'il est un domaine fondamental d'une partie de l'activité de l'ensemble de nos concitoyens, c'est bien l'apprentissage ! C'est vrai qu'il a été le parent pauvre durant très longtemps... J'ose dire: durant trop longtemps !
Le chef du département actuel dans son ancienne fonction, M. Barrillier, en tant que secrétaire patronal ou partenaire social - ce qui est aussi mon cas - et moi même, nous nous sommes préoccupés pendant des décennies de la formation professionnelle, et il faut en dégager un bilan aujourd'hui.
Quant à moi, deux réflexions me viennent à l'esprit, mais je n'entends pas être exhaustif en termes de bilan. La première, c'est que la formation professionnelle par un système dual est un enjeu fondamental. Alors, que pouvons-nous faire ? Certains ne parleront que de la formation en école: autrement dit, après la dixième on fera la onzième, la douzième, la treizième, la quatorzième - que sais-je ? Et les autres ne parleront que de la formation professionnelle en entreprise. Là également, peut-être aurons-nous des déboires.
Le système actuel est une mixité des deux systèmes. On peut se rendre compte que non seulement il fonctionne bien, mais - et le chef du département ne va pas me contredire - qu'il est en outre examiné avec intérêt par d'autres pays qui veulent l'appliquer. Je le répète: le système dual est fondamental.
Le débat d'aujourd'hui m'inquiète dans la mesure où j'ai l'impression que nous allons dans le mur... Pour quelle raison ? Parce que la droite s'attache à un certain nombre de principes - et je reviendrai peut-être sur ce point tout à l'heure. Vous êtes devant ce mur, Monsieur le président, et je ferai une proposition pour éviter que ce sujet ne devienne à nouveau un combat gauche-droite, ce qui risque d'être le cas avec actuellement. Non seulement ce serait dommage, mais dommageable. Dommageable ! (Brouhaha.)Monsieur Charbonnier, j'ai toujours cru que vous aviez le sens des responsabilités... (L'orateur est interpellé.)Taisez-vous, parce que vous êtes en train de montrer le contraire !
Un autre point me semble fondamental, je veux parler de la promotion de l'apprentissage. A une certaine époque, des personnes parlaient déjà de «l'intelligence de la main»... C'était un concept extraordinairement important ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Or aujourd'hui, il faut bien constater que l'apprentissage est le parent pauvre de la formation. Et là: nouvelle erreur... Hochez la tête si vous le voulez ! En ce qui me concerne j'ai au moins, par ma profession, l'avantage de savoir de quoi je parle, car c'est de quelque mille apprentis par année dont nous nous occupons dans le secteur du bâtiment. Je suis donc à même de parler de ce sujet en connaissance de cause, contrairement à un certain nombre d'entre vous qui hochez la tête ! (Exclamations.)
M. Olivier Vaucher. Monsieur Charbonnier, taisez-vous ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
M. Bernard Annen. Qui détient la vérité ?
Une voix. Nous ! (Rires.)
M. Bernard Annen. Personne ! La droite est en train de vous dire qu'il faut laisser une marge de manoeuvre... Nous présentons des amendements qui ne me paraissent pas inintelligents; le débat est fort instructif, et je pense que le chef du département a pu peser le pour et le contre. Si, aujourd'hui, vous vous butez, vous en assumerez les conséquences ! Nous collaborons régulièrement avec la SGIPA ! Nos contacts sont extrêmement importants avec ces gens. Et personne aujourd'hui ne réclame d'autre statut que l'actuel... Ce qui m'étonne, c'est que par le biais...
M. Alberto Velasco. Arrête !
M. Bernard Annen. Que tu es désagréable ! Mais ce que tu es désagréable ! Ce n'est pas grave, je te connais depuis suffisamment longtemps...
M. Alberto Velasco. Je t'aime bien, Bernard !
M. Bernard Annen. D'une certaine manière, vous êtes en train de passer à côté du sujet, uniquement pour des raisons de politique politicienne !
Madame la présidente, Monsieur le chef du département, je pense que vous avez pu entendre au cours de ce débat les prises de position des uns et des autres. Moi, je suggère que l'ensemble de ces propositions d'amendement soient reprises tranquillement en commission. Peut-être, ainsi, trouverions-nous un consensus. Et je suis sûr qu'il vous satisfera, Monsieur le président.
A mon avis, tout rendre obligatoire, c'est l'échec programmé. Pour ma part, je ne le souhaite pas ! (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur le conseiller d'Etat, Charles Beer, je vous donne la parole.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je parlerai en dernier.
La présidente. Je mets aux voix...
M.Charles Beer. Excusez-moi, Madame la présidente, mais il y avait une demande de parole...
La présidente. Vous ne voulez pas la parole ? Alors, je mets aux voix la demande de renvoi en commission...
M. Charles Beer. Non, laissez-moi m'exprimer !
La présidente. Mais je vous ai posé la question !
M. Charles Beer. Je disais simplement que quelqu'un s'était inscrit...
La présidente. Soit !
M. Charles Beer. Je voulais simplement m'exprimer en dernier sur cette question d'amendement et de renvoi en commission. Veuillez m'excuser, Madame la présidente !
Mesdames et Messieurs les députés, en deuxième débat se manifeste à nouveau une volonté ou une tentative de reprendre la problématique du projet de loi...
Monsieur Annen, très franchement, entre nous - nous nous connaissons bien, nous avons l'occasion d'échanger nos points de vue sur l'apprentissage, et je sais l'attachement que vous lui portez, comme moi-même, du reste - je vous dirai la chose suivante: nous sommes en présence d'un projet de loi qui a été dûment examiné par toutes les organisations professionnelles; il a été dûment traité en commission, y compris par le parti libéral qui a décidé - et cela a été annoncé tout à l'heure par Mme Hagmann - de s'abstenir, et, finalement, vous êtes en train de transformer ce débat, à travers la discussion concernant les amendements, en un débat gauche-droite. Je le déplore ! C'est dommage, c'est un peu tard, et probablement que ce à quoi nous nous intéressons ne vaut pas réellement cette polémique. Je vous propose donc que nous nous en restions là sur cette question.
Pour ce qui est des mots «scolaire» et «professionnelle», j'aimerais juste rappeler que c'est le parti libéral qui a voulu ajouter le mot «professionnelle», pour bien distinguer les classes d'insertion scolaire des classes d'insertion professionnelle. Cet amendement a donc été intégré dans le projet de loi, et je trouve d'ailleurs que c'est une bonne chose, car il s'en trouve amélioré. J'estime qu'il n'est pas normal du tout de suggérer aujourd'hui, après tout le travail qui a été effectué en commission, de renvoyer ce projet de loi en commission !
J'aimerais encore dire... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
J'aimerais encore dire, si vous me le permettez, que nous devons maintenant préparer la rentrée 2005. Et ce projet de loi nous donne la possibilité de poursuivre, pour la rentrée 2005, l'effort en matière de concertation que je veux intense. Et je tiens, je le répète, à ce que cette démarche, par le débat, soit menée dans la transparence. Paradoxalement, on n'arrête pas de me le reprocher !
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Madame Berberat, je vous donne la parole, mais sur le renvoi en commission exclusivement.
Mme Janine Berberat (L). J'aimerais d'abord dire qu'il ne faudrait pas utiliser l'abstention du groupe libéral comme ça vous arrange. C'est en désespoir de cause: il ne peut pas s'y opposer, puisque la mesure est inéluctable et déjà en cours de réalisation.
Ce projet de loi ouvre les portes à la création d'un dixième degré, puisqu'on ne parle plus spécifiquement de préapprentissage mais d'insertion, à tous les niveaux. Cela nous pose un problème; c'est pourquoi nous avons demandé d'ajouter «professionnelle», pour bien ramener ce projet de loi au préapprentissage et à l'apprentissage. M. Follonier a présenté un amendement demandant de supprimer le mot «scolaire», car nous voulions conserver cette passerelle supplémentaire pour l'apprentissage. Comme nous n'avons pas pu l'enlever, on a rajouté le mot «professionnelle». Alors, je vous prie de ne pas détourner notre objectif !
Nous ne souhaitons pas que soit ajoutée une année de plus au cycle et prolonger la scolarité. Il faut bien voir les choses telles qu'elles sont: aujourd'hui, de plus en plus d'élèves sortent promus du cycle, mais promus à rien du tout ! A l'évidence, il y a un problème au cycle, et, pour nous, le fait d'ajouter une année n'est pas la bonne réponse à lui apporter.
Je vous demande donc à nouveau de ne pas transformer l'objet de notre amendement. Je le répète, nous voulons que ce «dixième degré» soit exceptionnel, réservé au préapprentissage.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je me permets de reprendre la parole, juste pour répondre aux questions évoquées par Mme Berberat - pas du tout pour polémiquer - qui vient en effet d'évoquer deux questions importantes, à savoir le lien entre les compléments de formation qui permettent d'entrer à l'Ecole de culture générale ou à l'Ecole de commerce et les ateliers de préapprentissage... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Nous avons effectivement voulu relever des éléments montrant la pertinence de cette volonté d'insertion. Tout simplement parce que certains élèves, qui fréquentent aujourd'hui le préapprentissage, entreront l'année prochaine à l'Ecole du culture générale. Comme certains élèves, qui se trouvent en complément de formation, entreront demain en préapprentissage, ce qui est une très bonne chose.
Nous avons simplement voulu rendre le dispositif clair. Cela me permet de répondre à un autre point évoqué tout à l'heure par Mme de Haller: un éventuel rattachement au CEPTA. Dans ce projet de loi - et c'est pour cela que je trouve important de vous répondre, Madame Berberat - nous n'avons pas voulu créer une nouvelle structure. Nous avons des classes, et demain il faudra en effet savoir où ces classes seront rattachées. Elles sont pour le moment intégrées au CEPTA physiquement parlant, mais rien n'est décidé du tout à l'heure actuelle pour ce qui est du rattachement. Cela permettra, dans un deuxième temps, de revenir vers vous en vous donnant le rapport sur l'application de la nouvelle loi, si vous daignez la voter... Je vous en remercie d'avance.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets la demande de renvoi en commission par vote électronique.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 9157 en commission de l'enseignement est rejeté par 54 non contre 23 oui et 2 abstentions.
La présidente. Je vous soumets l'amendement de M. Follonier, soit la suppression du mot «scolaire» à l'article 44, lettre b), dernière phrase.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 20 oui et 6 abstentions.
Mis aux voix, l'article 44, lettre b), dernière phrase (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'article 50, alinéa 2, lettre c) (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 74D et l'article 74E.
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Je présente également un amendement à l'article 74F, alinéa 1. Il s'agit de supprimer la fin de la phrase: «empêchant leur admission immédiate dans l'enseignement postobligatoire», après: «mais qui ont des lacunes scolaires».
La présidente. Je mets aux voix cet amendement que vous trouvez... Vous voulez encore ajouter quelque chose, Monsieur le rapporteur ?
M. Jacques Follonier. Oui. Je voudrais juste expliquer en deux secondes la raison de cet amendement. Le président du département est d'accord avec moi... Je ne suis pas d'accord avec le passage du neuvième au dixième degré.
Le fait que les enfants qui obtiennent 4,7 de moyenne ne soient pas promus est beaucoup plus stigmatisant pour eux. Pour ma part, je pense qu'il est dommage qu'un élève qui se bat toute l'année et qui obtient 4,7 de moyenne s'entende dire à la fin de l'année qu'il n'a pas de débouché sous prétexte que sa note n'est pas suffisante. Il y a quelque chose à faire à ce niveau; il faut peut-être avoir le courage de lui mettre 3,9 et de lui dire qu'il est en échec plutôt que de lui faire croire toute l'année qu'il n'est pas si mauvais, car ses notes sont supérieures à 4.
Vous l'avez reconnu, c'est un problème: il faut l'examiner ! Peut-être qu'en enlevant cette partie de la phrase, vous aurez l'occasion de revenir par la suite sur ce point pour nous soumettre une proposition plus satisfaisante que celle-ci.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve), rapporteuse de majorité. Je voudrais intervenir par rapport à cet amendement. Je ne comprends pas très bien, Monsieur Follonier, parce qu'à l'origine ce n'était effectivement pas précisé dans la loi... Il me semble qu'en enlevant cette partie de la phrase vous augmentez les possibilités pour les élèves de passer par ces classes d'insertion. Or dans le texte de loi tel qu'il est formulé, il est précisé que ces classes ne concernent que les jeunes qui n'ont pas la possibilité d'entrer dans une filière professionnelle. Je trouve donc que votre amendement est en contradiction avec ce que vous disiez ! Ce morceau de phrase précise justement quels élèves devront aller dans ces classes, il est plus restrictif !
La présidente. Merci, Madame. Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez quelque chose à ajouter ? (Remarques.)
M. Jacques Follonier (R), rapporteur de minorité. Mme Leuenberger n'a pas lu la loi qui nous avait été proposée. La loi stipulait: «...mais qui ont des lacunes scolaires empêchant leur admission immédiate au dixième degré», puis elle a été transformée par une nouvelle phrase. Mais cette indication d'admission immédiate au dixième degré était mentionnée. Ce qui nous avait d'ailleurs choqués, puisque nous ne voulions pas entendre parler d'un dixième degré. Cela a d'ailleurs fait l'objet d'une longue polémique en commission.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je serai bref. Il faut simplement noter - je pense que vous l'avez fait - que ces compléments de formation existent et que la moyenne de 4,8 n'est pas notée dans le texte. Il s'agit d'éléments de mesure. La situation actuelle - je vous l'ai déjà dit - n'est pas satisfaisante, je partage donc votre avis. Mais il convient tout de même de remarquer, Mesdames et Messieurs les députés, que les élèves en question n'ont aujourd'hui pas accès au dixième degré, et ce n'est pas en menant une politique de l'autruche qu'on va régler le problème ! Les classes d'insertion scolaire existantes correspondent aux besoins de ce type d'élèves. Il s'agit donc d'une redite de l'amendement précédent ! C'est ce que je tenais à préciser.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous soumets maintenant le nouvel amendement de M. Follonier - qui figure au point 3 de la feuille d'amendements - consistant à supprimer la fin de la phrase de l'alinéa 1 de l'article 74F, soit les mots: «empêchant leur admission immédiate dans l'enseignement postobligatoire».
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 19 oui et 8 abstentions.
Mis aux voix, l'article 74F (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'article 74G (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 74H (nouvelle teneur).
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné)
Troisième débat
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le troisième débat ayant été demandé, je vous soumets... (La présidente est interpellée.)Excusez-moi, j'allais un peu vite ! Monsieur Brunier, je vous donne la parole.
M. Christian Brunier (S). Je crois, Madame la présidente, que nous allons être d'accord sur un point avec M. Follonier... Je demande l'appel nominal !
La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? C'est le cas. (Appuyé.)
Nous procédons donc au vote du projet de loi 9157 par appel nominal.
La loi 9157 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9157 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 49 oui contre 19 non et 10 abstentions. (Vifs applaudissements.)
La présidente. Je vous soumets encore le dépôt de la pétition 1409-A sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission de l'enseignement et de l'éducation (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 60 oui contre 2 non et 3 abstentions.
La présidente. Enfin, nous prenons le rapport divers 468-A.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
La présidente. Je voulais saluer - elle est malheureusement déjà partie - la présence de Mme Mireille Gossauer-Zurcher, notre ancienne collègue députée, qui a assisté à nos débats. (Applaudissements.)
Nous allons passer, si vous êtes d'accord... (Exclamations.)Normalement, nous devrions avoir le temps, avant 22h30, de traiter le point 108 de notre ordre du jour, soit le projet de loi 9066-A. (Protestations.)Vous ne le souhaitez pas ? (Exclamations contradictoires.)
Alors, je vous soumets la proposition de traiter ce point aujourd'hui encore.
Mis aux voix, le traitement du projet de loi 9066-A est rejeté par 38 non contre 16 oui et 1 abstention.
La présidente. Ainsi, ce point ne sera malheureusement pas traité aujourd'hui.
Je saisis l'occasion de saluer la présence à la tribune de notre ancienne collègue, Mme Marianne Mathez-Roguet.
Mesdames et Messieurs les députés, je déclare le huis clos. Je prie les personnes assises à la tribune, de même que les journalistes et la télévision - sans oublier les huissiers - de prendre congé de nous.