République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9108
Projet de loi de MM. Bernard Annen, Claude Blanc, Thomas Büchi, Gilles Desplanches, Yvan Galeotto, Mark Muller, Jean-Marc Odier, Pascal Pétroz modifiant la loi générale sur les zones de développement (L 1 35)

Préconsultation

M. Claude Blanc (PDC). Ce projet de loi fait suite à une discussion entre membres de la commission du logement désireux de débloquer la situation de plus en plus tendue entre le DAEL et les communes. Il n'y a pas un seul plan d'aménagement, pas un seul projet de déclassement qui n'entraîne la résistance des communes. Le but de ce projet de loi consiste à associer les communes aux décisions quant à l'usage qui sera fait des terrains déclassés ou des terrains faisant l'objet d'un plan d'aménagement. Il s'agit d'offrir aux communes la possibilité de demander une proportion de logements différente du deux tiers / un tiers actuellement en vigueur, car cet élément est cause de blocages: l'imposition d'une telle proportion dans des communes où un effort considérable a déjà été fourni en matière de logement social tend à constituer des ghettos. Si l'on continue à traiter certaines communes comme on le fait actuellement - notamment celles qui ont déjà fourni un gros effort - on les aura de plus en plus contre nous. Je pense, par exemple, aux communes suburbaines de Vernier, d'Onex, de Meyrin et de Lancy.

Il n'est pas normal qu'un bras de fer s'amorce entre les communes et l'Etat concernant le problème du logement. Il faut absolument que l'on fasse un pas en direction des communes en leur donnant voix au chapitre sur les logements qui seront construits sur leur territoire à la suite de plans d'aménagement ou de déclassements. Voilà, Mesdames et Messieurs, la raison de ce projet de loi que je vous invite à renvoyer en commission !

M. Christian Grobet (AdG). Je viens d'entendre le porte-parole des milieux immobiliers... (Protestations.)... déclarer qu'il s'agissait de débloquer la situation. Or vous cherchez en réalité à bloquer encore davantage la situation ! Votre projet de loi, Messieurs Blanc et consorts, est particulièrement choquant ! Car, en réalité, quel est votre but ? C'est de bloquer la construction de logements locatifs au profit de la construction de logements en propriété par étage, lesquels ne sont accessibles qu'à une petite minorité de la population ! Je constate à cet égard - mais il est vrai que vous n'êtes pas toujours si prompts à écouter le peuple... - que vous avez subi, sur le thème de l'accession à la propriété, une claque magistrale le week-end dernier, et cela en dépit d'une campagne financée par des fonds extrêmement importants et menée à coup d'annonces en couleur et de panneaux fixés sur les trams, où l'on voyait des jeunes citoyens soi-disant désireux d'acheter leur appartement... On a évidemment voulu banaliser le référendum lancé contre la modification de la LDTR en indiquant qu'il ne s'agissait que d'une modification très modeste, sans grande portée - ce qui a même amené les Verts à trahir ce qu'ils avaient voté il y a quelques années. (Protestations.)Eh bien, le peuple ne s'est pas laissé duper ! Il s'est rendu compte que la politique que vous vouliez instaurer allait à l'encontre des logements locatifs et ne profitait qu'à une petite classe de privilégiés !

Je constate que vous persévérez et je vous annonce d'ores et déjà, Messieurs les représentants des milieux immobiliers qui avez déposé ce projet de loi, qu'un nouveau référendum sera lancé contre ce dernier. On se prononcera une nouvelle fois sur la question de savoir si la priorité consiste à construire des logements pour des personnes dont le revenu annuel s'élève à 100 000 F ou si elle consiste à construire des logements pour ceux qui subissent actuellement la crise - et il s'agit là de la majorité de la population, dont le revenu annuel est inférieur à 60 000 F. On sait très bien que vous mènerez cette politique de soutien aux nantis dans les communes où une majorité de droite détient le pouvoir exécutif.

Vous avez prétendu tout à l'heure, Monsieur Blanc, que les plans localisés de quartiers étaient bloqués. Ils le sont, c'est vrai, et cela grâce à l'action de vos partis dans un certain nombre de communes. Par contre, je n'ai constaté aucun blocage en Ville de Genève... (Vives protestations.)Alors, donnez-moi un seul exemple d'un plan localisé de quartier qui aurait été bloqué durant ces deux dernières années ! (L'orateur est interpellé par M. Vaucher.)Vous dites des bêtises, Monsieur Vaucher, et c'est dommage ! Comme vous le savez fort bien, ce plan localisé de quartier de la Roseraie a été adopté en 1995 et il est toujours en force. Il avait été adopté d'une manière irrégulière par le Conseil d'Etat monocolore, mais il s'agit là d'un autre problème: la modification de ce plan n'a pas été soumise au Conseil municipal.

Depuis six ans, aucun plan localisé de quartier n'a été refusé par le Conseil municipal de la Ville et il n'y a plus eu aucun référendum contre les mauvais plans localisés de quartiers du gouvernement monocolore ! Il n'y a donc aucun problème en Ville de Genève. En revanche, dans certaines communes où il n'y a quasiment pas de HLM - où il n'y a plus de HLM - on a l'arrogance de vouloir refuser la construction de logements locatifs, lesquels ne sont même pas des logements sociaux ! Compte tenu de la crise du logement actuelle, j'estime qu'un tel comportement est absolument honteux !

Je déplore, Monsieur Blanc, que votre parti, qui était le constructeur des logements HLM - et il s'agissait là de l'un de ses aspects emblématiques - ait complètement abandonné sa vocation de construire des logements sociaux. Les lois Dupont, les lois Babel, cela ne vous dit visiblement plus rien du tout ! De surcroît, vous mettez en cause notre système d'aménagement du territoire, dans lequel c'est heureusement - heureusement ! - le canton qui mène la politique...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ...alors même que vous souhaitez l'inverse en matière de circulation: dans ce dernier domaine, vous n'avez aucune envie d'octroyer davantage de compétences aux communes ! Vous vous montrez extrêmement sélectifs: dans un cas, il faut donner des compétences aux communes, dans l'autre pas - et ce, en fonction de vos intérêts... Si le canton est parvenu, en matière d'aménagement du territoire, à mener une politique cohérente en se mettant à l'écoute des communes, c'est précisément parce que les compétences en la matière appartiennent à l'Etat ! Vous le savez, puisque vous en étiez du reste partisans ! C'est donc un retour de soixante ou de quatre-vingt ans en arrière que vous nous proposez ! Il est vrai que vous n'êtes pas très progressiste, mais...

Le président. Veuillez conclure, s'il vous plaît, Monsieur le député !

M. Christian Grobet. ... là, vous vous vous montrez pour le moins rétrograde ! (Applaudissements.)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, il me semble qu'un petit rappel s'impose. Nous sommes en préconsultation: un seul représentant par groupe peut donc s'exprimer, cela durant cinq minutes - et non pas sept, comme l'ont fait certains députés... Je passe brièvement la parole à M. Blanc, qui a été mis en cause. Ensuite, M. le député Velasco s'exprimera.

M. Claude Blanc (PDC). Je ne peux pas tolérer les propos de M. Grobet: ce dernier attaque mon parti sur le plan du logement, alors que ce n'est vraiment pas ce parti qu'il conviendrait d'attaquer ! J'en profite pour faire remarquer que, dans le cadre du plateau de Frontenex, c'est mon parti qui demande la réouverture du dossier. Vous êtes, par conséquent, bien mal placé pour dire que le parti démocrate-chrétien s'oppose à la construction de logements correspondant aux besoins prépondérants de la majorité de la population !

Nous voulons simplement redonner un petit peu voix au chapitre aux communes. Depuis quelques années, ces dernières sont en effet considérées comme quantité négligeable par le DAEL. Cela ne peut plus continuer ainsi !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je précise à l'intention de certains que j'ai consulté le Bureau avant de considérer que M. Blanc avait été mis en cause. Par conséquent, il ne s'agit pas de ma propre décision.

M. Christian Grobet. C'est un Bureau de droite, alors forcément ! (Vives protestations.)

M. Alberto Velasco (S). Il est vrai que le projet qui nous est soumis traite de la problématique du logement. Malheureusement, il s'agit dans ce projet de dépouiller l'Etat de certaines prérogatives... Ce qui est beaucoup plus dommageable, c'est que l'on prétérite ici l'esprit républicain. Je m'explique: vous voulez enlever des compétences à l'Etat pour les octroyer aux communes. Or c'est donner plus d'attaches aux problèmes d'une partie de la population, sans prendre en compte les intérêts de la majorité de la population ! Dans un Etat républicain, c'est à l'Etat de détenir ces prérogatives, et non aux communes.

Nous avions offert aux communes la possibilité de déposer des motions - et il s'agissait, là aussi, de l'octroi d'une nouvelle compétence. Il est intéressant de constater que la droite avait refusé l'octroi de cette nouvelle compétence aux communes. Nous avions donné certaines prérogatives aux communes en matière de circulation: vous les avez également refusées. Je crois en outre savoir que vous êtes également en train de vous opposer à la taxe professionnelle en commission. Il est dès lors pour le moins étonnant de vous voir aujourd'hui affirmer avec emphase qu'il faut donner des compétences aux communes ! Ce n'est pas aux communes que vous octroyez des compétences, c'est à certains intérêts qui se trouvent sur ces communes ! En effet, vous mettez en question la répartition des «deux tiers / un tiers», et c'est là que réside le vrai problème !

Lors d'un récent débat, j'ai démontré, à l'aide de chiffres fournis par le département, que le canton comprenait en réalité un tiers de logement social et deux tiers de loyer libre - compte tenu de la zone villas qui se construit. Et vous voulez encore aggraver cette fraction au détriment, précisément, du logement social ! Vous voulez, par conséquent, continuer à transférer le logement social dans des communes qui en comptent déjà pas mal ! Il est en effet très intéressant de construire du logement libre ou du PPE dans certaines communes, parce que cela signifie la venue de contribuables fort intéressants pour ces dernières... Voilà quelle est la finalité de ce projet de loi ! Ce dernier contient une injustice sociale, non seulement parce que vous ne contribuez pas au logement social par son biais, mais, surtout, parce que vous priverez d'autres communes de contribuables intéressants !

Par conséquent, mon groupe s'opposera à ce projet de loi lors des travaux en commission. (Applaudissements.)

Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, première vice-présidente

M. Gabriel Barrillier (R). Je constate que M. le député Grobet a quitté la salle... (Arrivée de M. Grobet dans la salle.)Le revoilà ! Bonjour, Monsieur le député !

Comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises dans cette enceinte, je ne suis pas un partisan absolu de l'autonomie communale en matière d'aménagement du territoire. J'ai néanmoins dû constater, en deux ans et demi de Grand Conseil et de commission de l'aménagement, que l'on ne pouvait guère avancer sans tenir compte de l'avis des communes. Il s'agit là d'une réalité ! Ce n'est pas, collègue Velasco, par esprit républicain ou antirépublicain que j'ai dû me résoudre à accepter cette réalité. Comme vous l'avez soulevé, Monsieur Velasco - bien que vous ne l'ayez pas expliqué dans ce sens-là - le problème réside dans l'obstination du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement à s'accrocher à la règle du «deux tiers / un tiers». Que constate-t-on ? On nous a demandé de fournir des exemples. Eh bien, je pense que l'on aura, pas plus tard qu'aujourd'hui, un débat sur un projet de résolution du Conseil d'Etat pour passer outre à l'opposition d'une commune suburbaine concernant l'adoption d'un PLQ. Il s'agit de la commune d'Onex, dont le maire est M. Longet...

M. Claude Blanc. «Longet City» !

M. Gabriel Barrillier. Ce dernier a exposé la position de la commune d'Onex, dont on ne peut pas soupçonner qu'elle soit complètement ridicule. L'opposition de cette commune s'explique, bien entendu, en partie par des objectifs de fiscalité, mais, surtout, par la diversité -ou la diversification - du logement. On a vu, dans le cadre de ces oppositions, les enseignants - les enseignants ! - d'Onex s'inquiéter fortement de la concentration d'un certain type de logement sur le territoire communal. On ne peut donc pas prétendre que ces oppositions émanent de riches qui veulent s'en mettre plein les poches ! Alors, il me paraît nécessaire d'avoir un débat au sujet du logement.

Je souhaite faire une deuxième remarque. Il s'agit, Madame la présidente, d'une remarque générale, puisque l'on n'a pas le droit de s'adresser à une personne, que l'on ne veut pas mettre en cause, mais à qui on veut, disons, communiquer quelque chose. Je constate que, pour se donner bonne conscience et pour soupçonner d'autres députés - lesquels sont les représentants de la volonté populaire - le député Grobet déclare à chaque fois que ces députés sont les représentants de telle ou telle catégorie. Il est quelque peu exagéré de traiter M. Blanc de «représentant des milieux immobiliers» ! Je signale en passant que ce n'est pas une maladie que d'être le représentant des milieux immobiliers... Et je regrette que notre collègue Grobet tente à chaque fois de tirer sur cette corde en tenant le discours suivant: «Ceux-là sont les méchants, alors que moi, qui représente les locataires, j'ai le bon droit avec moi». On n'avance pas ainsi ! Si je me permets de faire cette remarque, c'est parce que je m'estime personnellement aussi capable et aussi soucieux de faire avancer l'intérêt général.

Quant à la question des trois tiers, Monsieur Velasco, vous me faites penser à Pagnol chaque fois que vous l'évoquez: il y a un tiers de HBM, il y a un tiers de HCM, il y a un tiers de HLM et il y a un tiers à loyer libre... ce qui fait quatre tiers ! On n'avancera pas, ainsi !

Je suis favorable au renvoi de ce projet de loi à la commission du logement - laquelle n'a plus rien à faire ! (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). Ce projet de loi est extrêmement grave. En premier lieu, bien que personne ne l'ait encore relevé, il s'agit d'un avatar de l'initiative 116. Cette dernière, qui avait lamentablement échoué, nous revient sous un autre numéro !

En deuxième lieu, j'estime que ce projet constitue une grave atteinte à l'esprit de la zone de développement. Il ne restera plus rien de ce qui fait le but de cette zone, puisque l'on ne disposera plus, ou de très peu, de prérogatives sur le type de logement qui y sera construit: on ne pourra plus choisir d'y construire des logements locatifs ou des logements destinés à la vente. On ne pourra plus décider du type de logement que l'on voudra. Il ne s'agit pas d'une répartition «deux tiers / un tiers»: on nous laisse - éventuellement - un cinquième de logement à la location...

Ce projet est franchement scandaleux ! S'il était accepté, un référendum serait évidemment lancé, car il constitue une atteinte grave - extrêmement grave ! - à l'esprit de la zone de développement et à l'ensemble de la politique du logement !

Voici ce qu'il nous faut combattre: l'accaparement de toute la zone de développement au profit des plus riches - lesquels disposent déjà de la zone villas et de la zone ordinaire !

Il est évident qu'il s'agit là du but de ce projet, puisque l'Etat ne disposera plus d'aucun droit de regard sur les futures constructions ! On déclare que l'on transfère ces compétences aux communes... mais ce n'est là qu'une éventualité !

En troisième lieu, on peut constater que ce projet contient de nombreux éléments incongrus. Tout d'abord, le préavis communal se transformerait en préavis décisionnel. Cela est incongru, impossible ! Ensuite, sans disposer d'aucun pouvoir, l'Etat devrait néanmoins veiller à ce qu'un équilibre se réalise... On ne sait pas comment ce serait possible, puisqu'il ne serait doté d'aucun pouvoir ! Enfin, ce projet établit une inégalité de traitement entre propriétaires - et c'est là difficilement concevable lorsqu'on sait de quels milieux est issu ce projet de loi... Donc, certains propriétaires pourraient se voir imposer de ne faire que du logement locatif ou du logement social si le quota du logement en PPE était atteint dans leur commune.

Il s'agit donc d'un projet dangereux, que je vous invite à refuser en commission. On verra bien ce qui en ressortira, mais j'espère qu'il sera refusé par tous les députés ! (Applaudissements.)

Présidence de M. Pascal Pétroz, président

M. Mark Muller (L). Nous avons le plaisir de vous proposer aujourd'hui un excellent projet de loi (Exclamations.)Et la virulence dont vous faites preuve nous démontre que nous sommes dans la bonne voie !

Ce projet de loi poursuit deux objectifs. Il s'agit, en premier lieu, de combattre les blocages que le canton connaît en matière de construction de logements. Comme vous le savez, il existe des blocages à peu près pour chaque projet d'importance. Je n'en citerai que trois: le projet de Frontenex-La Tulette, dont on a abondamment eu l'occasion de parler il y a quelques temps; le périmètre d'Ambilly, sur la commune de Thônex; enfin, le futur projet de La Chapelle-Les Sciers, du côté de Plan-les-Ouates et de Lancy.

Pourquoi ces blocages entre le DAEL et les communes ? Eh bien, parce que les communes ont l'impression que le département cherche à leur imposer, d'en haut et par la force, un certain nombre d'exigences dont elles ne veulent pas ! Nous souhaitons donc conférer davantage de compétences aux communes afin de qu'elles puissent mieux maîtriser le développement de leurs territoires et, partant, afin de désamorcer ces blocages. Il est évident que, si les communes pouvaient davantage s'exprimer quant à l'aménagement de leur territoire, si elles disposaient d'une plus grande maîtrise sur la façon dont on va construire sur leur territoire, elles s'opposeraient moins aux propositions du département. Ce dernier ne pourrait plus leur imposer un diktat. C'est ce diktat-là que nous voulons éviter !

Le deuxième élément important de ce projet de loi concerne la pratique des «deux tiers / un tiers». M. Grobet se gargarisait tout à l'heure de la volonté populaire exprimée le week-end dernier par les Genevois, en relevant que ces derniers avaient démontré, par leur refus de la modification de la LDTR, leur attachement au logement social. Je vous rappelle toutefois que les Genevois ont approuvé par 60% - soit par une majorité encore plus nette que lors du vote concernant la LDTR - des abattements fiscaux pour favoriser l'accession à la propriété ! (L'orateur est interpellé.)

Et l'accession à la propriété constitue l'un de nos objectifs politiques: nous souhaitons la développer, car tel est le souhait de la population genevoise ! Pour que l'on puisse aller dans cette direction, il faut qu'il existe un marché: il faut que l'on mette des objets en propriété par étage sur le marché du logement à Genève. Or la pratique des «deux tiers / un tiers» empêche la construction de logements en propriété par étage, puisque l'on doit construire deux tiers de logements sociaux - soit deux tiers de logements locatifs. Il ne reste donc qu'un tiers pour le logement libre et la propriété par étage.

Le département ne faisant preuve d'aucune souplesse en la matière, il nous faut combattre par tous les moyens cette politique des «deux tiers / un tiers». L'un de ces moyens consiste, nous ne nous en cachons pas, à conférer cette compétence aux communes. Ces dernières en feront, nous en sommes persuadés, un excellent usage !

M. Gilbert Catelain (UDC). Quelle est la situation en matière de logement à Genève ? Vous la connaissez: elle est grave ! Le canton a connu, en 2003, une augmentation de la population d'environ 7000 personnes. Ces 7000 personnes qui sont venues s'établir à Genève, qui sont-elles ? Il s'agit en majorité du solde migratoire; il s'agit probablement de cadres d'entreprises internationales que le Conseil d'Etat a fait venir sur le territoire cantonal afin de doper ses rentrées fiscales; il s'agit également de fonctionnaires internationaux arrivés suite à la politique du Conseil d'Etat, qui consiste à accueillir sur le territoire de la République et du canton de Genève de nouveaux sièges d'organisations internationales. Le solde - soit une minorité de 1'300 personnes - est dû à la balance positive entre les naissances et les décès. Cet accroissement de la population est donc dû pour 80% à l'immigration légale voulue par ce canton. Or il faut bien loger ces 7000 personnes. Pour cela, combien faut-il de logements ? D'après les chiffres fournis par l'office cantonal de la statistique, le taux d'occupation étant de 2,1 personnes par logement, il faudrait construire 3500 logements. Et quelles solutions proposez-vous ? Je n'en ai pas encore vu une seule jusqu'à présent ! Ce projet pose, pour sa part, une pièce supplémentaire à l'édifice, puisqu'il permet la construction de plus de logements. Je conviens qu'il ne s'agit pas forcément de logement social. Je vous rappelle cependant qu'un individu quittant un logement locatif pour acheter son logement libérera un locatif - lequel pourra être reloué à une personne qui, dans bien des cas, en aura davantage le besoin.

Je ne suis pas un professionnel du logement et je n'ai aucun lien d'intérêt avec les milieux immobiliers, mais je constate qu'il faut être blindé et «indégoûtable» pour construire du logement à Genève, tant le cadre juridique et les procédures auxquels se trouvent soumis ces professionnels sont contraignants. Je constate également que la majorité des Genevois souhaitent accéder à la propriété. Je constate, enfin, que de nombreux locataires de ce canton - dont M. Grobet a fait remarquer, du moins pour certains d'entre eux, qu'ils étaient de condition modeste - sont propriétaires dans leur pays d'origine. Peut-être souhaiteraient-ils également devenir propriétaires à Genève, mais on ne leur laisse tout simplement pas le choix ! (Remarque.)Ce n'est pas forcément une question de moyens financiers, car on connaît le prix du logement locatif dans ce canton, il est parfois bien plus élevé que l'accès à la propriété.

Tout comme l'Entente, l'UDC soutiendra donc ce projet de loi qui vise au moins un but - soit la construction de logements. Il me semble qu'il s'agit là de la priorité. Décider ensuite s'il convient de construire plus ou moins de logements locatifs relève d'un débat que vous pourrez avoir en commission.

Nous soutiendrons donc le renvoi de ce projet de loi en commission.

M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La politique du logement à Genève - et je pense que vous adhérez tous à ce point - consiste à promouvoir la mixité des logements partout. Cela signifie que nous devons construire aussi bien des HBM et des HLM que du locatif libre, de la PPE et des villas; il n'est pas question de favoriser une catégorie plutôt qu'une autre. Or le marché se dirige forcément, de manière naturelle, vers un type de construction plutôt qu'un autre, et cela en fonction de la rentabilité. Cette direction varie: les investisseurs préfèrent tantôt la construction de logements subventionnés, tantôt la construction de logements libres. Le logement n'étant pas un bien comme les autres, il ne peut être soumis aux lois du marché, il doit faire l'objet d'une orientation politique afin de garantir que chacun puisse être logé. Lorsque vous demandez l'introduction de davantage de souplesse, Monsieur le député Muller, vous demandez en réalité que l'on favorise une partie de la population au détriment d'une autre ! Cette souplesse-là, je n'en veux pas ! Il n'y en aura pas !

Vous avez parlé de blocages en évoquant les règles procédurales. J'admets que celles-ci sont lourdes et nombreuses. Cependant vous perdez totalement de vue le fait que la résistance à l'acte de construire ne provient pas de l'existence de ces procédures, mais du fait que l'écrasante majorité de notre population est - malheureusement - opposée à l'acte de construire: étant bien logée, elle ne veut pas que son environnement immédiat soit modifié par de nouvelles constructions. Vous pouvez changer toutes les règles de procédure que vous voulez, mais il s'agit là de la réalité politique de notre pays ! Si l'on veut construire - et je suis d'avis qu'il faut construire pour répondre aux besoins - il n'y a qu'une chose à faire: il faut prendre son bâton de pèlerin et se rendre, soir après soir, dans les assemblées communales... (L'orateur est interpellé.)... pour expliquer la situation aux gens et les convaincre d'accepter de nouvelles constructions. C'est ce que je fais - et je rencontre dans ces soirées un certain nombre d'entre vous. Il s'agit de la seule méthode ! Le reste n'est qu'artifice et dogmatisme qui ne produira aucun logement supplémentaire !

Ce projet de loi a des effets pervers, car il nous maintient dans l'illusion que l'on peut régler la crise du logement par des règles de procédure. De grâce, au lieu d'aller boire des verres à la buvette du Grand Conseil, allons les boire dans les bistrots des quartiers et expliquons aux gens qu'il faut construire pour notre avenir ! (Applaudissements.)

Ce projet est renvoyé à la commission du logement.

Le président. Nous passons au point 31 de notre ordre du jour. Nous nous efforcerons de finir à 16 h 30, puisque la commission législative est convoquée à cette heure-ci.