République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1328-A
Rapport de la commission du logement chargée d'étudier la motion de MM. Florian Barro, Jacques Béné, Thomas Büchi, Michel Parrat sur la politique du Conseil d'Etat pour la production de logements

Débat

M. Carlo Sommaruga (S). Il est intéressant de constater que, finalement, malgré la préoccupation qu'avait suscité la crise du logement chez les signataires de cette motion qui date d'il y a plus de deux ans, cette crise n'a pas été résorbée, loin s'en faut.

Cette motion a été votée à l'unanimité en commission. Elle vise essentiellement à demander au Conseil d'Etat un certain nombre d'informations statistiques destinées à analyser la situation actuelle.

Il est vrai aussi que, depuis que cette motion a été adoptée en commission, un certain nombre d'informations nous sont parvenues. Cela dit, ce ne sont pas les débats sur de telles motions, ni les statistiques sur les demandes de logements - qui sont déjà connues - ni l'évolution de la situation de ces vingt dernières années remise à jour en 2002 ou 2003 qui vont changer quelque chose...

Derrière l'unanimité de la commission, il convient de relever que le problème essentiel aujourd'hui reste la possibilité d'utiliser un certain nombre de terrains pour résoudre la crise du logement, en les densifiant et en construisant de nouveaux quartiers. Et le problème est que, sur ce point, il n'y a pas d'unanimité...

Alors, je m'étonne de voir que les députés de la majorité actuelle se contentent de critiquer les éléments statistiques sans faire de propositions concrètes et qu'ils bloquent systématiquement tous les projets de déclassement ou de densification proposés par le Conseil d'Etat, ce qui empêche malheureusement de résorber la crise du logement. Nous ne pouvons que le regretter et relever que cette unanimité de façade ne porte aujourd'hui que sur la demande de renseignements statistiques... C'est maigre, et il me semble nécessaire de retrouver une majorité sur la problématique de la construction de logements destinés à la population genevoise et à ceux qui travaillent à Genève.

Cela me paraît important, et j'invite chaque fraction à y réfléchir pour éviter de nous trouver encore dans des débats parfois extrêmement tendus et longs qui débouchent sur des résultats moindres - quelques logements - alors que nous aurions pu imaginer des solutions pour voir sortir de terre des centaines de logements.

M. Hugues Hiltpold (R). Vous n'êtes pas sans savoir que Genève connaît une crise du logement sans précédent et que cette motion a été traitée en commission il y a bien longtemps. Or le rapport a été déposé il y a déjà pratiquement un an.

Je demande donc que cette motion soit renvoyée en commission du logement de façon qu'elle soit retravaillée, parce que certains éléments ont quelque peu changé depuis le dépôt de ce rapport.

Le président. Une demande de renvoi en commission vient d'être faite. Je prie donc les orateurs suivants de bien vouloir s'exprimer sur le renvoi en commission uniquement, bien que cette motion en provienne. Très rapidement, nous passerons au vote. Vous pourrez bien entendu vous exprimer à nouveau sur le fond si la motion n'est pas renvoyée en commission.

Madame Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Je suis franchement étonnée de voir que l'on veut renvoyer cette motion en commission, alors qu'elle ne fait que demander des renseignements statistiques...

Il faut savoir - et vous êtes bien placé, Monsieur le président, pour cela - que cette crise n'est pas nouvelle ! Genève a connu de nombreuses crises graves du logement ! On peut lire dans les statistiques des années 60 qu'il y avait trois logements vacants seulement en Ville de Genève ! Cela représentait 0,00% de logements vacants ! Ce n'est donc pas nouveau !

Cette motion demande en fait des renseignements - dont nous disposons déjà - pour déterminer clairement s'il faut construire moins de logements subventionnés... La réponse est toute trouvée: c'est non ! C'est évident, le nombre des logements subventionnés a fortement diminué: nous arrivons à moins de 10% de logements subventionnés! Alors, je le répète, la réponse est claire: ce n'est pas la peine de renvoyer cette motion en commission pour savoir qu'il faut continuer à construire des logements subventionnés!

M. Mark Muller (L). La demande de renvoi en commission formulée par M. Hiltpold rejoint en quelque sorte les déclarations de M. Sommaruga qui nous disait tout à l'heure que le contenu de cette motion était bien maigre par rapport à la gravité de la situation...

Aussi, nous soutiendrons bien évidemment cette demande de renvoi en commission.

M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Je me suis abstenu d'intervenir au début du débat, mais je tiens toutefois à rappeler, puisque j'ai essayé de la faire ressentir, la touchante unanimité qui avait surgi lors de cette séance du 2 septembre 2002 - c'est bien cela ? Je crois que cette séance suivait une votation, d'ailleurs sur la LDTR.

C'était la photographie d'un certain degré de bonne volonté manifestée par l'ensemble des forces politiques, non pas pour trouver une solution définitive au problème du logement à Genève - elle n'existe pas - mais pour faire une analyse de la situation. Il suffit de lire les invites pour s'en persuader, notamment celle-ci: «de procéder, en collaboration avec les milieux concernés, à une analyse circonstanciée de la demande de logements;».

Or, cette analyse de la demande de logements n'a jamais été effectuée correctement ! Et pour essayer de planifier ou d'orienter la politique du logement, il faudrait d'abord savoir exactement quels sont les besoins à Genève.

Je n'aimerais pas que les citoyennes et les citoyens aient l'impression que l'on se désintéresse de ce dossier... Mais cela a été dit, et je crois qu'il faut rappeler le dernier chiffre en la matière: le taux de vacance est descendu à 0,17% à Genève. C'est le niveau le plus bas depuis une cinquantaine d'années, Madame Künzler, et ce taux n'a jamais été atteint par la ville de Zurich ou de Lausanne! Il faut donc que ce Grand Conseil prouve tout d'abord qu'il a la volonté de trouver des solutions et qu'il actualise ensuite son analyse de la situation.

C'est la raison pour laquelle le renvoi en commission de cette motion en commission pourrait être de bon augure, dans la mesure où la volonté d'aboutir est aussi forte que celle exprimée en septembre 2002.

M. Rémy Pagani (AdG). Je ne comprends pas très bien à quel jeu on joue... En effet, la droite fait proposition sur proposition pour nous empêcher de nous exprimer dans ce parlement... (Exclamations.)Suppression du débat de préconsultation, suppression des interpellations urgentes du jeudi soir, etc.! Et M. Hiltpold ne trouve rien de mieux que de proposer de renvoyer cette motion en commission, alors que le «boulot» de commission a déjà été fait! Alors, il vaut ce qu'il vaut et le texte de la motion est mal rédigé, je vous l'accorde - excusez-moi de le dire, mais il est vrai que, de manière générale, les propositions de motion et les projets de lois de la majorité actuelle sont «mal foutus» - mais il permet au moins que l'on s'entende sur le bilan de la situation actuelle, voire de la situation à venir - nous n'aurons les résultats de cette enquête, au mieux, que dans six mois - et sur la politique du Conseil d'Etat en matière de construction de nouveaux logements ! M. Hiltpold propose de renvoyer cette motion sans faire une seule proposition et sans même en expliquer la raison: dans quel but, dans quel cadre?

Il aurait pu, par exemple, revenir sur les invites, car - à moins que M. Hiltpold ne veuille reconsidérer l'ensemble de cette motion, auquel cas il aurait mieux fait de déposer une nouvelle motion, cela aurait eu le mérite d'être plus clair... Car le cadre du renvoi en commission qui nous est proposé reste, Mme künzler l'a dit, le cadre initial, soit de développer le secteur libre et solliciter de la Confédération des possibilités de dérogation quant aux conditions de résidence par rapport au lieu de travail pour les étrangers. Je vois donc mal comment la commission peut travailler à nouveau sur ce projet, dont la dernière invite est complètement obsolète... Je ne vois pas comment la commission pourra faire du travail sérieux!

Mesdames et Messieurs les députés, ce renvoi en commission n'est pas judicieux sauf si - j'insiste sur ce point - la volonté de la majorité de droite est de bloquer notre travail de parlementaires et de désigner faussement, une fois de plus, les fauteurs de troubles dans ce parlement!

M. Carlo Sommaruga (S). Le parti socialiste s'oppose au renvoi en commission, dans la mesure où ce n'est pas en accumulant des tonnes de papiers, de procès-verbaux de la commission du logement et en déposant des motions pour avoir des statistiques que l'on va pouvoir construire des logements!

Il faut, à mon avis, s'attaquer à des projets concrets, pour voir sortir de terre, comme je l'ai dit tout à l'heure, les logements dont la population genevoise a besoin.

Cela a été dit, cette motion demande simplement au Conseil d'Etat un certain nombre d'informations, qui existent déjà: elles sont produites par l'Observatoire du logement, auquel, d'ailleurs, le rapporteur participe. Elles sont régulièrement mises à jour. Les partenaires sociaux de la construction et du logement y sont représentés, mais il est toujours possible de demander des améliorations.

Il n'est donc pas pertinent de mobiliser la commission du logement sur un débat tout à fait inutile. On ne comprend d'ailleurs toujours pas pourquoi il faudrait reporter ce débat... Il faudrait plutôt passer au vote, adresser cette motion au Conseil d'Etat et aborder le problème concrètement pour répondre aux besoins de la population.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je mets aux voix le renvoi en commission de cette motion, qui avait pourtant été approuvée à l'unanimité de la commission du logement. Celles et ceux qui l'approuvent sont priés de lever la main... Bien! Et celles et ceux qui s'y opposent? A mon avis, il y a peu de différence... Nous devons donc procéder au vote électronique; il est lancé.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 30 oui contre 26 non.