République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 30 janvier 2003 à 20h30
55e législature - 2e année - 4e session - 17e séance -autres séances de la session
Le président. La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat, Robert Cramer, Martine Brunschwig Graf, Carlo Lamprecht, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Erica Deuber-Ziegler, Pierre Froidevaux et Patrick Schmied, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Nous avons le regret d'enregister la démission de M. le député Dominique Hausser. Je prie notre secrétaire de bien vouloir donner lecture de sa lettre de démission.
Lettre de démission de M. Dominique Hausser
Le président. Il est pris acte de cette démission.Je tiens à saluer à la tribune Romuald Hausser, fils de Dominique Hausser, député ! (Applaudissements.)
Depuis bientôt dix ans, M. Dominique Hausser est député. Médecin de formation, il a été élu en 1993, réélu en 1997 et en 2001. C'est après un périple dans les mers du Sud qu'il nous annonce sa démission.
Il a été président de la commission des travaux, de novembre 1997 à novembre 1998, puis président de la commission des finances, de septembre 2000 à septembre 2001. Il fut également très actif et a suivi de près tous les travaux de la sous-commission du suivi informatique. De plus, comme vous le savez, il assume depuis plusieurs années la fonction de président du parti socialiste.
Nous tenons à le remercier de son activité au sein de notre parlement et lui souhaitons beaucoup de satisfaction dans sa carrière future. Nous lui offrons bien entendu le petit souvenir traditionnel, que Mme Schenk-Gottret lui remet ! (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). C'est presque une tradition ! Après la démission de Mireille Gossauer, le départ de Micheline Calmy-Rey pour la Berne fédérale, le groupe socialiste enregistre un nouveau départ, celui de son président, Dominique Hausser. A qui le tour en mars prochain ? Regardez la place de Charles Beer... il n'est pas là pour le moment !
Dominique s'en va de notre parlement pour occuper un poste important dans la fonction publique. Comme quoi il n'est pas obligatoire d'être un ancien journaliste pour être nommé dans une fonction étatique d'importance !
C'est toujours avec émotion que nous voyons partir un membre du groupe, un ami, un voisin de banc pour moi. Dominique nous quitte après avoir passé, comme l'a dit notre président, une décennie dans ce parlement. Président de plusieurs commissions, Dominique a joué un rôle majeur dans nombre de dossiers importants. Je ne vais pas vous en citer beaucoup, mais j'en ai quand même relevé quelques-uns à titre d'exemples. Même si cela n'a pas fait plaisir à tout le monde dans ce parlement, je vous rappelle que Dominique Hausser a notamment été rapporteur de minorité contre la coûteuse traversée de la rade, minorité qui s'est vite traversée... (Rires.)...qui s'est vite transformée en une forte majorité lorsque le peuple a été en mesure de pouvoir s'exprimer.
Plus fédérateur, Dominique a été aussi l'un des artisans de la planification sanitaire, concept essentiel de la politique de santé de notre canton. Je rappelle encore que, sans lui, la construction de la Halle 6 de Palexpo, qui va être inaugurée prochainement, aurait vraisemblablement été mise à mal, puisque Dominique a finalement trouvé le financement que le Conseil d'Etat peinait à mettre en oeuvre et à imaginer. Sa dernière réussite est certainement d'avoir préparé, au parti socialiste genevois, qu'il préside depuis près de trois ans, une candidature de choix au Conseil fédéral. Certes, Dominique, grand aventurier, était proche du Pôle Sud lors de l'élection de Micheline Calmy-Rey au Conseil fédéral, en nous précisant préalablement qu'il avait choisi une période calme pour s'en aller - comme quoi, cela n'a pas été calme pour tout le monde ! - mais je vous assure, et là je suis très sérieux, qu'il avait préparé le terrain avec beaucoup d'attention avant son départ pour garantir un maximum de chances à l'élection de notre ancienne ministre des finances ! Je crois que l'on peut le féliciter pour cette brillante élection à laquelle il a contribué très activement.
Toubib ayant exercé dans les pays les plus pauvres de cette planète, en pleine cohérence avec ses idées de partage et de solidarité, Dominique a été un député sérieux et un homme politique d'action. Mais c'est aussi un type qui sait s'amuser et profiter de la vie, comme quoi l'engagement politique n'est pas forcément triste et austère. Même si certains ont de temps en temps tendance à l'oublier. C'est pourquoi la deuxième partie et la fin de mon bref discours seront un peu moins sérieuses, voire un peu moins ennuyantes.
Membre du célèbre Club de la bière blanche, je vous rappelle que Dominique a été nominé - on ne s'en souvient pas toujours, mais il a été nominé ! - au célèbre Champignac d'or, pour avoir déclaré, en tant que médecin, que «les conditions offertes aux malades en fin de vie étaient véritablement invivables » ! (Rires.)Malgré ce sens de l'humour aigu, voire aiguisé - d'ailleurs, certains d'entre vous, voire parfois d'entre nous, en ont subi les conséquences : Dominique a toujours de la peine à sortir de sa passion pour la politique. Même à la buvette du Grand Conseil, il fait de la politique ! Il défend ses idées jusqu'au bout, puisqu'il est, de loin - je crois qu'il faut saluer l'exploit - l'homme de gauche qui s'est fait payer le plus de tournées par la droite... (Rires.)Ce qui prouve qu'il est un militant acharné de la redistribution des richesses ! (Rires.)
Salut Dominique ! Bonne chance dans tes nouvelles fonctions ! Maintenant, c'est l'heure de dire au revoir à Dominique. On le reverra d'ailleurs souvent autour de ce parlement ! C'est l'heure aussi d'accueillir notre nouveau député, François Thion ! C'est l'heure également, à ta vice-présidente, Laurence Fehlmann-Rielle, de t'offrir un cadeau bien mérité ! (Applaudissements.)
M. Dominique Hausser (S). C'est avec une certaine tristesse que je quitte cette assemblée, tant il est vrai que j'apprécie les joutes oratoires, tant il est vrai aussi que j'apprécie la vie politique. Fort heureusement, ayant bénéficié d'un Champignac il y a quelques années, je suis hors concours et je peux sans difficulté dire que je sors de ce parlement sur mes deux pieds et non pas les pieds devant, que vous entendrez encore parler de moi dans la vie sociale et politique de ce canton ! Je m'en réjouis ! Je me réjouis de vous rencontrer dans d'autres espaces que celui-ci, de manière à servir le mieux possible la population qui réside dans ce canton, qui le visite de manière fréquente et importante, de façon que Genève reste, même si on le dit, la plus petite capitale internationale d'envergure.
Je vous souhaite, Mesdames et Messieurs, une excellente fin de soirée et je vous prie d'accueillir mon successeur avec joie et dynamisme, François Thion ! (Applaudissements.)
M. Ueli Leuenberger (Ve), rapporteur. La commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil s'est réunie le 29 janvier 2003 pour examiner la situation de M. François Thion, premier des viennent-ensuite de la liste socialiste, appelé à remplacer le démissionnaire Dominique Hausser.
La commission unanime a constaté qu'il n'existait aucune incompatibilité et que les conditions posées à l'article 21 de la loi portant règlement du Grand Conseil étaient remplies. Les liens d'intérêt mentionnés par M. Thion, en tant qu'enseignant du secondaire et président de Partenaires alternatifs, sont deux liens tout à fait compatibles avec la charge de député.
J'ai donc le plaisir, Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, de vous recommander d'accueillir notre nouveau collègue dans ce conseil.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. M. François Thionest assermenté. (Applaudissements.)
Le président. Au point 12bis, qui annule et remplace l'élection de 17h - désignation de deux membres du comité de la société de radiodiffusion et de télévision du canton de Genève - les deux candidatures parvenues à la présidence sont celles de M. Carlo Sommaruga et de M. Pierre Weiss. Etant seuls candidats, MM. Sommaruga et Weiss sont élus tacitement. (Applaudissements.
Le président. Le sort a désigné Mme Jacqueline Pla. (Applaudissements.)
Suite du débat
Mme Esther Alder (Ve). Les Verts souscrivent aux conclusions du rapport de la commission des visiteurs et remercient Mme Anita Cuénod pour son excellent travail en sa qualité de rapporteure. Nous aimerions toutefois vous faire partager un certain nombre de remarques.
En premier lieu, nous sommes inquiets de la proportion grandissante de personnes présentant des troubles mentaux au sein de la population carcérale et nous pensons que le milieu pénitentiaire n'a pas à pallier l'insuffisance de prise en charge psychiatrique à l'extérieur. D'ailleurs, pas plus tard que mardi dernier, une femme s'est suicidée à la prison de Lonay. Considérant qu'elle ne pouvait être soignée, les psychiatres l'avaient fait incarcérer pour prévenir notamment un acte suicidaire.
Ensuite, force est de constater que les choses ont déjà beaucoup changé entre le dépôt de ce rapport et la situation d'aujourd'hui. J'en veux pour preuve la prise en charge des mineurs délinquants à La Clairière et j'approuve là les propos de M. Pagani, lorsqu'il s'est exprimé avant la pause. Quelle n'a pas été notre stupéfaction d'apprendre que des gardiens de Champ-Dollon seraient affectés à l'encadrement des mineurs! Pour notre groupe, c'est inadmissible et nous sommes perplexes face à la démission du personnel éducatif. Je tiens à le rappeler, les Verts avaient tout récemment approuvé le rattachement de La Clairière à l'Office pénitentiaire et par conséquent au département de justice et police, mais avec l'assurance du maintien de la vocation éducative de cet établissement. Or, que constatons-nous aujourd'hui ? C'est que l'aspect sécuritaire prend le pas sur l'éducatif. Nous ne pouvons le cautionner et nous déplorons qu'aucune concertation n'ait eu lieu sur cette approche pour le moins arbitraire, alors que bien d'autres alternatives auraient pu être envisagées.
Une autre de nos préoccupations est l'augmentation phénoménale des interventions de caractère social de la police. Là encore, nous constatons la défaillance de notre système de prise en charge psychosociale. Pourtant, Genève compte le plus grand nombre d'intervenants sociaux au m2. De nos jours, c'est la police qui pallie les lacunes de prise en charge du monde social, médical, éducatif ou familial. Au moment où l'on parle de proximité, où se trouvent ces intervenants ? Il devient inquiétant de voir que toutes les tâches d'autorité sont en train d'être déléguées aux forces de l'ordre. Nous assistons à des dérives qui font que la police ou la justice deviennent le réceptacle de tout le travail qui n'a pas été fait en amont par la famille, l'école ou l'institution. Mais je pose la question : qui accomplira les tâches de la police lorsque celle-ci déclarera forfait ? L'armée ? Mais, dans ce cas-là, j'exprime de réelles craintes pour le devenir de notre société. Non, selon les Verts, il y a d'autres réponses à donner.
Les moyens existent, mais il est urgent de procéder à une réelle restructuration. Cela exige que l'on redéfinisse des missions, les compétences et les moyens de chaque partie concernée. Pour être clair, il faut que tous les acteurs éducatifs, sociaux, sanitaires, scolaires, policiers et judiciaires se concertent et que chacun assume son rôle. Les conflits sont inévitables. Ils sont positifs et structurants. Mais notre société ne les accepte plus. Mettre des limites, cela signifie aussi prendre des risques.
Les Verts sont convaincus que le climat sécuritaire revendiqué par certains n'amènera rien de positif, bien au contraire! Il s'agit davantage de réfléchir à comment l'on vit ensemble, pourquoi, comment agir pour que chacun ait de meilleures chances et, surtout, d'être à l'écoute.
Pour en revenir aux mineurs, je reste persuadée qu'il n'y a pas de mauvais enfants. Il y a plutôt de mauvais éducateurs. (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). De ce rapport fort bien détaillé, j'aimerais, au nom du PDC, relever l'excellente qualité de relation qui existe entre les membres de la commission des visiteurs officiels et les collaborateurs de Mme la conseillère d'Etat Micheline Spoerri. En effet, aucun sujet n'a été tabou, aucun tabou n'a été évité lors des travaux. Les points les plus délicats ont été abordés avec les directeurs et les responsables. Les réponses apportées ont démontré le souci permanent de remplir des tâches, parfois difficiles, au plus près de leur mandat et de leur conscience. Même dans les quelques cas de dysfonctionnement avéré, les problèmes ont été nommés et nous avons eu l'assurance qu'ils seraient traités dans la transparence et avec la rigueur qu'il convient. De cela, nous ne pouvons que nous en réjouir, même si les tâches sont particulièrement délicates.
Des points très importants ont été abordés et restent une priorité pour le parti démocrate-chrétien. Parmi ceux-ci, nous pouvons relever entre autres le besoin de répondre au manque de places pour l'incarcération des mineurs et également d'harmoniser l'approche médicale et la répression en matière de drogue en prison.
Le travail de la commission doit continuer à être bien compris, tant par le service pénitentiaire que par la police et par la population également. Il ne s'agit pas d'un groupe d'enquêteurs intrusifs qui cherchent la faute et se réjouissent de mettre en difficulté des collaborateurs. Il ne s'agit pas non plus d'un groupe en course d'école conviviale, qui doit se contenter de ce qu'on lui raconte et de ce qu'on lui montre. Cette commission est au service des professionnels du département de justice, police et sécurité, dans le respect de l'application de la loi. Il est bon de le répéter aussi souvent que nécessaire.
Je peux témoigner que c'est dans un état d'esprit conscient des difficultés rencontrées par les collaboratrices et les collaborateurs et dans un état d'esprit également respectueux du travail remarquable déjà effectué que cette commission a travaillé, travaille et travaillera.
M. Jacques Baud (UDC). Je viens d'entendre des choses qui m'ont un peu choqué de la part de M. le député Pagani qui s'indigne que l'on emploie des gardiens de Champ-Dollon à La Clairière. Je suis plus ou moins lié par la confidentialité, mais, devant des accusations pareilles, je suis dans l'obligation d'intervenir et de dire ce qui est.
Le danger est permanent. Les portes des cellules sont défoncées. Des jeunes cassent, même avec leur tête, les vitres blindées des cellules. Des locaux sont saccagés. La santé physique des éducateurs est menacée. Deux, trois, voire quatre fois par semaine, la police monte à La Clairière pour porter secours aux éducateurs. Elle est dans l'obligation de prendre ces jeunes et de les amener à Champ-Dollon. Il y a donc là quelque chose qui ne tourne pas rond!
Le travail des éducateurs est admirable. Mais la réalité est ce qu'elle est. Je n'admets pas que l'on critique le directeur de La Clairière et qu'on lui reproche d'être dans l'obligation de faire venir des gardiens de Champ-Dollon. Il n'a pas le choix ! C'est malheureux certes, mais la position de la gauche à ce sujet me révulse ! Je la trouve inadmissible, car vous êtes parfaitement au courant de ce qui se passe !
M. Thierry Apothéloz (S). C'est au nom du groupe socialiste que je souhaite prendre la parole aujourd'hui, non sans une certaine émotion, puisque c'est Dominique Hausser qui devait faire cette intervention. J'aurais grand plaisir à pouvoir dire quelques mots au sujet de ce rapport qui, je dois le dire, est intéressant à différents niveaux, puisqu'il relève tout de même un certain nombre de détails qu'il convient d'examiner. Lorsque je dis «nous», c'est le Grand Conseil, mais également le Conseil d'Etat, puisque ce rapport pose, à notre sens, des questions importantes, voire des questions de société, qu'il conviendra de reprendre dans différentes commissions.
Je tiens tout d'abord à saluer l'intérêt de la commission des visiteurs officiels de prisons en matière d'écoute des détenus, mais également de vérification des conditions de détention. La crise pénitentiaire traversée voici quelques années et le travail intensif de la commission ont permis de systématiser les visites dans les différents lieux de détention, comme la loi lui demande de le faire, qu'ils soient à Genève ou dans d'autres cantons.
Je tiens à rappeler également qu'une motion a été déposée il y a quelques mois, concernant le concordat d'exécution des peines. Pour cela, la commission des visiteurs de prisons, mais également tout ce conseil, souhaitent rappeler que nous attendons la réponse du Conseil d'Etat. Nous l'encourageons à travailler au plus vite pour que nous puissions aboutir à quelque chose d'important et d'intéressant, nous l'espérons, avant la fin de cette législature.
S'agissant du suivi des travaux, le Conseil d'Etat doit également nous rendre un rapport tous les quatre ans. Nous espérons effectivement l'avoir pour l'automne 2004.
S'agissant enfin de l'excès de parole de M. Baud, ou du cri du coeur, suivant l'interprétation que l'on en fait, quant à la situation des mineurs, il conviendra effectivement de prendre en compte la situation personnelle des mineurs, mais également la question du renforcement de l'équipe éducative. Une des positions a été à un moment donné de renforcer l'aspect sécuritaire. Je ne crois pas qu'il faille s'abandonner complètement à cette idée-là. L'une des conditions que la commission a posée à cette expérience-là est qu'elle désire disposer dans les six mois à venir d'une évaluation de la présence de gardiens et de surveillantes de prison à La Clairière.
Notre groupe prendra acte de ce rapport et nous continuerons à suivre au plus près les travaux de la commission, tant il est vrai que cela pose des questions importantes de société, comme je l'ai dit tout à l'heure, d'une part pour les détenus, mais également pour les mineurs, puisque cette question-là constituera le thème central de l'année 2003 pour la commission des visiteurs de prisons.
M. Rémy Pagani (AdG). Je regrette que M. Baud, après les attaques qu'il s'est permis de porter, ne soit pas là pour écouter ce que j'ai à lui répondre. Car il y a, en l'occurrence, un certain nombre de problèmes qu'il ignore. Il stigmatise bien évidemment, comme beaucoup le font en ce moment, l'augmentation de la violence pour reprocher à la gauche sa prétendue inaction ou sa tolérance vis-à-vis de ces phénomènes, ou, dans d'autres pays, son inaction et sa mollesse. Or, le problème n'est pas là, Mesdames et Messieurs les députés. La crise économique se fait sentir depuis bien dix ans. Les familles l'ont ressentie. Les enfants de la crise, malheureusement, sont à nos portes, en l'occurrence à la porte de la prison de Champ-Dollon pour les plus cassés d'entre eux. (Brouhaha.)Il y a quinze ans, un certain nombre d'adolescents étaient aussi violents. Mais, heureusement pour eux, ils vivaient dans une société qui savait au moins, non pas tolérer, mais avoir de la mansuétude et de la compassion par rapport à cette période de la vie qui s'avère très compliquée pour certains, pas pour la majorité, mais pour certains d'entre eux.
Qu'avez-vous fait, Mesdames et Messieurs de la droite ? Vous avez eu un conseiller d'Etat, M. Ramseyer pour ne pas le nommer, qui a trouvé la meilleure solution possible, La Clairière voyant le nombre de ses pensionnaires augmenter, celle de les placer à la prison de Champ-Dollon! Bien évidemment, un certain nombre de jeunes récidivent, parce qu'ils sont en contact avec des adultes, parce qu'ils sont en contact avec des milieux avec lesquels ils ne devraient pas avoir de contact. Et la spirale s'enchaîne! Nous avions instamment demandé, et j'en prends la responsabilité, nous avions exigé, lorsque nous avions la majorité, que La Clairière augmente le nombre de ses places d'accueil. Nous avions prévu une structure. Mais malheureusement, pour toute une série de raisons technico-financières, La Clairière n'est pas apte aujourd'hui à absorber en termes éducatifs le problème qui surgit à nos portes. Nous le regrettons.
Nous assistons aujourd'hui à une dérive de plus qui consiste à faire venir à La Clairière, puisque l'on n'arrive pas à faire face à la situation dans ce lieu qui doit rester éducatif, des gardiens de prison pour en faire une prison. Ce que nous refusons, parce que nous estimons, nous, par principe, que les adolescents de 12 à 18 ans ont encore une chance d'être éduqués et de ne pas être réprimés à priori. Il faut leur donner la possibilité de sortir de l'engrenage dans lequel ils sont pris. De ce point de vue-là, tant les juges que les éducateurs doivent prendre leurs responsabilités et faire preuve d'une part de compassion, d'une part, et d'exigence éducative, d'autre part, mais pas d'exigence punitive a priori! C'est notre principe de base. J'estime que le gouvernement n'a malheureusement pas pris ses responsabilités. Je l'avais dit voici quatre ans - et je me réjouis que Mme Brunschwig Graf soit là ce soir - je m'étais levé ici et j'avais demandé à Mme Brunschwig Graf d'ouvrir un foyer disponible pour faire ce que l'on appelle des évaluations éducatives puisqu'il y a, à La Clairière, douze places destinées aux évaluations d'enfants qui, à mon avis, ne devraient à mon avis pas se trouver à La Clairière, mais dans un autre foyer fermé, et en tous les cas pas dans les conditions actuelles de La Clairière. Cette solution permettrait à La Clairière d'accueillir douze enfants de plus.
J'avais aussi demandé à M. Moutinot de mettre très rapidement en chantier l'agrandissement de La Clairière, le projet Cla+. Il y a malheureusement une année de retard. Là-aussi, il y a des responsabilités à prendre! Nous avions également demandé, lorsque nous avions la majorité, à voir les plans et à procéder à toute une série de modifications pour que, je le répète, les enfants - les enfants qui tombent malheureusement dans la délinquance et, pour certains, dans la grande délinquance - continuent à être éduqués envers et contre tout, Mesdames et Messieurs les députés! C'est cela que nous voulons. Nous constatons malheureusement que tel n'est pas le cas. Certains s'évertuent à stigmatiser la situation, sans pour autant proposer de solutions. La démonstration en est faite avec M. Blanc. Or, des solutions existent, y compris à La Clairière! Il y a des protocoles d'accueil pour des enfants, je les ai moi-même appliqués, non pas en tant que délinquant, mais en tant qu'éducateur ! (Exclamations.)Et ces protocoles permettent à chaque éducateur d'une part de se protéger, d'autre part de casser toute formation de bandes à l'intérieur de l'institution. Ces protocoles ne sont donc pas respectés. Il n'y a pas de protocole à La Clairière. Là aussi, le gouvernement doit faire un effort considérable pour mettre en place des protocoles d'accueil qui tiennent la route face à ces adolescents en dérive sociale. Je me tourne du côté du gouvernement pour qu'il y mette bon ordre. On a peut-être commis une erreur en intégrant La Clairière à l'office pénitentiaire. Elle aurait, à mon avis, dû rester au sein du département de l'instruction publique... (L'orateur est interpellé.)Toujours est-il que c'était le département de l'instruction publique qui avait auparavant la haute main sur le financement de cet établissement.
Il y a donc une responsabilité, et j'en terminerai par là, une responsabilité essentielle, aujourd'hui et pas demain, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, par rapport à ces jeunes! Demain, la crise économique s'accentuant encore plus, il va en arriver encore d'autres, de ces jeunes en rupture de ban.
Le président. M. le député Pagani a parlé six minutes et onze secondes. Pour ceux qui s'inquiétaient de son temps de parole, il ne l'a, pour une fois, pas épuisé !
M. Renaud Gautier (L). Le groupe libéral s'associe évidemment aux éloges qui ont été faits à Mme la «rapportrice» - elle tient beaucoup à son titre ! - sur la qualité du rapport. Je m'en voudrais bien évidemment de débattre sociologie avec mon éminent préopinant. A l'entendre, je me dis que les problèmes de délinquance à Genève peuvent, somme toute, être très facilement résolus. Y'a qu'à !
Cela étant, il est vrai qu'un certain nombre de problèmes se posent, mais il faut dire que la vigilance de la commission des visiteurs est là pour rappeler aux uns et aux autres les urgences. Je n'entrerai pas dans le débat quant au fait de savoir où s'arrête l'éducation et ou commence la prévention. Je constate simplement qu'il y a effectivement une évolution de la population mineure qui se trouve actuellement à La Clairière et que le type de violence que l'on relève maintenant n'existait pas dans le temps. Que cette violence soit due à ceci ou à cela m'a l'air relativement moins important que de savoir de quelle manière l'on peut, ou l'on doit, répondre à ces actes de déprédation. Il faut aussi reconnaître, Monsieur Pagani, que les éducateurs de La Clairière sont eux-mêmes relativement demandeurs de situations alternatives, tant ils n'arrivent plus, de fait, à répondre, à accepter ou à être en position éducative face à des enfants dont l'essentiel des activités consiste à démolir des portes. Je vous engage très vivement à être un jour le remplaçant de votre collègue de parti lorsque nous nous rendrons à La Clairière. Vous verrez l'évolution des dégâts !
La question ne se pose pas de savoir ce qui aurait pu être fait. J'aimerais juste dire que, si ce parlement mettait autant d'énergie au problème du logement des personnes privées de liberté qu'il en met et qu'il passe du temps à discuter de l'emplacement des HLM, je peux vous garantir, Monsieur Pagani, que nous n'aurions pas ces problèmes à Genève. Ni vous, ni probablement nous, n'avons mis assez de pression sur la nécessité qu'il y a à adapter, tant en termes de surface qu'en termes de qualité de logements, les lieux dans lesquels sont enfermés ceux qui sont privés de liberté. Mais, pour cela, il faut que chacun d'entre nous s'y mette plutôt que de brandir des anathèmes qui ne font pas avancer la résolution du problème.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Il me semble très important de relever ce qu'a dit M. Pagani. Ce n'est pas au moment où l'on doit faire face à la plus grande difficulté pour rappeler la notion d'ordre, la notion de limites, la notion de contenant à des jeunes qui ont perdu des points de repère, qu'il nous faut, nous, représentants du peuple, nous laisser aller à une synthèse extrêmement raccourcie, à l'exemple finalement le plus caricatural de ce qui donne aux jeunes l'envie de dépasser les limites. A partir du moment où l'on remet en question la présence momentanée ou à plus long terme de représentants de la loi et de notre ordre républicain, c'est le meilleur moyen de cautionner le manque de limites et le manque de cadre. Je ne peux pas imaginer un seul instant que l'on puisse utiliser des manières aussi simplistes pour faire parler de soi aussi longtemps !
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je vous prie d'abord de bien vouloir m'excuser, car j'étais absente en début de séance. Si je l'étais, c'est que j'avais des impératifs. Il m'a pourtant été relaté le début des débats.
Si je n'étais pas chargée de ce département et de ce problème, je me demanderais où je suis aujourd'hui. J'attribue l'émotion des débats à l'intérêt tout particulier que les visiteurs et ce parlement accordent légitimement au problème de la détention, particulièrement à celui des mineurs.
Vous l'avez dit, Madame Alder, à chacun son rôle. Ce n'est pas chose facile, non pas seulement à comprendre, mais aussi à faire. Très rapidement au début de mon mandat, j'ai indiqué clairement que les policiers n'étaient pas des éducateurs sociaux. Je le répète. Ils doivent avoir une sensibilité sociale et une éducation sociale, mais ils ont une mission. Ils doivent l'accomplir et ils doivent l'accomplir complètement. Les éducateurs ont une formation sociale. Ce ne sont pas des policiers. Il en est de même. Ainsi, sur le fait que chacun doive jouer son rôle, je souligne votre intervention. Là où je ne suis pas tout à fait d'accord, c'est lorsque vous dites que nous en avons les moyens. Je vous réponds: «non, Madame»!
Les parlements précédents, nous, tous ensemble - j'en étais de ce parlement - n'avons probablement pas été suffisamment attentifs aux vrais besoins. Cela peut arriver à tout le monde. L'évolution sociale n'est pas non plus si simple à prévoir. Nous avons pris du retard, il s'agit maintenant de le combler.
Lors de l'anniversaire de la prison de Champ-Dollon, après m'en être ouverte auprès de mes collègues du Conseil d'Etat, j'ai annoncé une volonté de planification de tout ce qui est lié à l'office pénitentiaire, auquel La Clairière appartient. Nous avons identifié les problèmes que la commission des visiteurs a elle-même pu reconnaître sur le terrain. Il ne s'agit pas, Mesdames et Messieurs, de publier un rapport tous les quatre ans! Je reviendrai dans quinze jours devant le Conseil d'Etat avec une planification. Dès que vous en serez convaincus, vous voterez sur cette planification. Nous n'en sommes pas au moment des mots, ni à celui des démonstrations politiques, mais nous en sommes au temps des décisions et des actions.
S'agissant du rôle des uns et des autres, nous sommes en train d'explorer, en particulier avec M. le chef de la police, mais également avec mon collègue, M. Pierre-François Unger, la nécessité de mettre en oeuvre à Genève ce que l'on appelle un SAMU social. Actuellement, dès qu'il y a un problème dans une famille ou ailleurs, on compose le 117. Aujourd'hui, il est évident qu'il y a précisément une non-adéquation entre le besoin, qui est réel - un besoin est de toute façon un besoin - et la question de savoir à qui l'on téléphone, quand et comment.
Vous parlez aussi de l'histoire - pardonnez-moi de le dire ainsi - des gardiens de Champ-Dollon à La Clairière et je vous dirais l'inverse : des éducateurs de La Clairière à Champ-Dollon. Mais il s'agit d'un non-sens total! C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que vous ne pouvez pas dire que nous en avons les moyens. Donnez les moyens au gouvernement de le faire !
C'est moi, Monsieur le député, qui ai donné l'ordre impératif aux gardiens de Champ-Dollon d'aller protéger les éducateurs sociaux de La Clairière ! Est-ce que ces choses sont claires pour ce parlement ? Parce que les éducateurs étaient agressés ! J'étais sur le terrain avec l'ensemble de l'office pénitentiaire. Nous nous sommes longuement entretenus de ce problème. J'ai pris la décision, le jour même, d'envoyer à La Clairière des gardiens de la prison de Champ-Dollon. Je vous signale que celui qui était préposé de Champ-Dollon s'est fait démolir le lendemain à la Clairière.
Vous pouvez tout raconter autour de cette table, mais les réalités sont là ! Nous avons pris du retard. La volonté du gouvernement est d'aller de l'avant. M. le conseiller d'Etat Moutinot interviendra probablement tout à l'heure à propos des moyens complémentaires liés à la sécurité.
J'aimerais conclure avec le problème des mineurs. Victimiser les mineurs parce que, les pauvres, ce sont de pauvres victimes, est un discours qui a prévalu pendant longtemps. Je ne partage pas cette analyse aujourd'hui. Tous les enfants ne sont pas bons à la base ! Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. (L'oratrice est interpellée.)C'est la biologiste qui parle maintenant ! Nous avons tous des instincts. Parmi ceux-ci, nous avons un instinct de violence. Lorsque nous n'avons pas eu la chance d'avoir une autorité parentale, d'avoir une autorité institutionnelle ou autre, qui nous a appris qu'à partir du moment où l'on va trop loin et que l'on est un brise-fer parce que l'on a quelques mois, que ce moment-là doit être traversé limité par une autorité, si nous n'avons pas eu cette chance, nous serons demain des violents! L'instinct de violence existe en chaque être humain. Si la première phase d'autorité n'a pas été provoquée - lorsqu'on parle d'autorité, on ne parle pas de violence - tout enfant devient un brise-fer si vous ne lui laissez pas faire ce qu'il veut. Il y a donc une première phase dont un certain nombre d'enfants n'ont pas pu bénéficier. C'est là où l'injustice sociale existe, parce que ces enfants-là n'ont pas eu de parents, ni de contexte. Il faut commencer par cela! Les bandes de casseurs - qui commencent malheureusement à sévir à Genève, c'est une des raisons qui m'ont retardée ce soir - ces casseurs existent et doivent comprendre qu'il y a des règles sociales! Il faut d'abord leur apporter l'autorité et les limites pour pouvoir enchaîner sur l'éducation. Ces jeunes ne savent pas ce que veut dire l'éducation, ils n'en ont pas eu les premiers éléments! D'ailleurs, ce n'est pas trahir le Code pénal suisse actuel et futur, puisqu'il conduit inéluctablement et légitimement à une action éducative associée à la détention ou à toute action liée à la détention. Il y a des moments pour faire quelque chose et des moments pour faire autre chose! Aujourd'hui, les infractructures que nous avons à Genève ne sont pas adaptées, ni en nombre, ni en aucune façon pour aller dans ce sens-là par rapport aux mineurs.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais tout de même rappeler aux uns et aux autres. Je peux vous dire que la volonté du département, et celle du Conseil d'Etat confondue, est de ne pas banaliser la situation. Mais nous ne pouvons pas nous tromper d'analyse en permanence. Cela ne sert à rien de victimiser sans arrêt les enfants, de dire que les éducateurs sont de pauvres êtres qui ne savent pas faire et que la police ou les instances de police sont là pour taper sur la table. Les problèmes sont un tout petit peu plus subtils. Je croyais, et j'espère encore pouvoir le croire ce soir, que la commission des visiteurs avait compris tout cela. C'est dans ce sens-là que nous irons. Voilà tout ce que j'avais à vous déclarer. (Applaudissements.)
M. Laurent Moutinot, président du Conseil d'Etat. Dans le débat de ce soir, des avis assez divergents ont été exprimés et ce débat va certainement continuer. Mais j'observe cependant une chose, c'est que le rapport dont nous discutons a été adopté à l'unanimité par votre commission et que le Conseil d'Etat accepte ce rapport. Je me souviens d'autres rapports de la commission des visiteurs, faisant l'objet d'assez solides divergences entre les membres de la commission d'une part, entre la commission et le Conseil d'Etat d'autre part. Tel n'est pas le cas aujourd'hui. Par conséquent, vous allez adopter ce rapport que le Conseil d'Etat accepte.
En ce qui concerne la problématique des travaux qui a été soulevée, qu'il s'agisse des travaux de sécurité à Champ-Dollon ou qu'il s'agisse des travaux à La Clairière, je me propose, plutôt que d'allonger les débats, de me rendre, si la commission des visiteurs de prison le veut bien, devant elle et de lui exposer dans le détail où l'on en est sur ces différents projets. Il faudra juste que vous nous laissiez quelques jours, parce que Mme Micheline Spoerri et moi-même devons nous rencontrer avec nos différents services, dès lors que la situation a effectivement quelque chose d'évolutif et qu'un certain nombre de plaintes, justifiées ou moins justifiées, d'angoisses, de réalités font que les projets bougent un peu. Ce qui explique d'ailleurs en partie le retard, à force de devoir intégrer ou de ne pas intégrer un certain nombre de demandes qui nous sont soumises. Il est donc prévu très prochainement un point de situation entre nos deux départements. Je vous suggère, si vous le souhaitez, d'exposer devant votre commission, à votre meilleure convenance, la partie construction, travaux et autres.
Mis aux voix, ce rapport est approuvé.
Débat
M. Pierre Kunz (R), rapporteur ad interim. Je me fais le porte-parole de Pierre Froidevaux, auteur du rapport qui nous occupe. C'est un rapport qui est long, et il mérite de l'être; il est complexe, parce qu'il doit l'être. Permettez-moi donc de prendre dix minutes de votre temps pour vous le présenter et pour le présenter surtout à tous ceux qui n'ont pas eu le courage de le lire, car c'est un rapport important.
Conformément à la volonté de notre conseil, la commission de contrôle de gestion rend public, avec ce rapport, l'ensemble de ses activités de l'année écoulée. Ce rapport décrit la totalité des dossiers examinés. Il est exhaustif des sujets pris en considération. Cependant, la grande majorité de ceux-ci ne font pas l'objet d'un développement. Une publication ultérieure est à envisager selon leur importance qui dépend évidemment, essentiellement, de l'intérêt général. Il convient de rappeler ici la légitimité de cette commission, sa crédibilité et de terminer par quelques rappels et des recommandations.
La légitimité de la commission tout d'abord, Mesdames et Messieurs. Le contrôle de l'activité de l'Etat est le rôle essentiel du parlement et a fortiori de toutes ses commissions. Cependant, notre parlement a souhaité, en 1999, qu'une commission soit plus spécifiquement dédiée au contrôle de la gestion des affaires publiques.
Petit rappel de l'histoire genevoise récente. A partir des années 90, les collectivités publiques et surtout l'Etat de Genève ont accumulé des déficits abyssaux. En 1996, le souverain avait réagi en soutenant largement l'initiative du comité «Halte au déficit» qui réclamait un audit généralisé des finances publiques. Le Conseil d'Etat s'y était opposé, à l'image d'ailleurs de tous les partis représentés à l'époque dans cette enceinte. Mais le peuple a exigé ce contrôle malgré ce vent contraire. A la suite du vote, Arthur Andersen a fait son travail en rendant un audit qui a provoqué de multiples discussions sans déboucher sur du tangible.
Devant ce qu'il convient d'appeler, quoi que l'on en dise, une certaine inertie du Conseil d'Etat, du moins apparente, notre conseil, par respect de la volonté populaire, a mis en place une commission appelée «suivi de l'audit». Celle-ci s'est mise au travail en automne 1997 et a perçu des borborygmes de chaque département, mais n'a mis en évidence aucune réforme concrète.
Un parlement de milice n'a ni les moyens ni les compétences pour mettre en oeuvre les réformes de l'administration. Celles-ci sont de la compétence exclusive ou des moyens exclusifs de l'exécutif. Par contre, ce parlement a la tâche de les constater, de les discuter, de le rejeter ou de les soutenir. Comme cette commission n'avait strictement rien à soutenir, elle n'a pu que partiellement constater. Le constat le plus fondamental fut la mise en évidence d'un dysfonctionnement grave. Depuis quelques années, un contrôle transversal, interdépartemental, avait été mis en place, celui de l'Inspection cantonale des finances surnommée ICF. L'ICF rendait ses différents rapports exclusivement au Conseil d'Etat. Ce dernier les transmettait ou ne les transmettait pas, selon son bon vouloir, à la commission des finances. Le Conseil d'Etat faisait en l'occurrence preuve d'une curieuse opacité, opacité qu'avait pourtant déjà comprise toute la population en exigeant l'audit dont nous avons parlé. Il est alors apparu nécessaire de modifier cette étrangeté. La commission de contrôle de gestion est née ainsi.
Cette commission s'est donné les moyens nécessaires afin de pouvoir suivre la réforme de l'Etat et d'être le dépositaire privilégié des rapports des organes de surveillance de la gestion de l'Etat. Ainsi, la genèse de la commission de contrôle de gestion se résume par une légitimité issue de la volonté populaire afin d'assurer la transparence de la gestion publique et la mise en place d'une administration toujours adaptée à la marche du temps.
Si la légitimité de la commission ne peut être mise en doute, il reste à asseoir sa crédibilité.
Cette crédibilité dépend d'abord de sa méthode de travail. Aussi, ce premier rapport annuel décrit-il son fonctionnement tout en expliquant les quelques correctifs nécessaires pour en faire un instrument mieux adapté à sa tâche. Cette réflexion n'est d'ailleurs pas l'apanage de la seule commission de gestion genevoise. Son homologue fédérale s'est penchée sur son mode de fonctionnement, celui de la commission fédérale, pendant trois années. Ses conclusions, fort intéressantes, sont annexées au rapport. Le parlement fédéral s'est plus particulièrement astreint à définir le but d'une telle commission. Quel est-il ? Conformément à la constitution et à la loi, les commissions de contrôle de gestion sont chargées, nous dit-on, d'exercer un contrôle sur le gouvernement et l'administration. Elles doivent notamment faire ressortir la responsabilité démocratique de l'exécutif et de l'administration, évaluer, en deuxième lieu, les effets des activités de l'exécutif et de l'administration, et, en troisième lieu, engager avec l'exécutif et l'administration un processus d'apprentissage réciproque. On entend par «responsabilité démocratique» le devoir qui incombe à l'exécutif de justifier ses décisions devant le parlement. On entend par «évaluation des effets» l'appréciation portée par le parlement sur le but et les effets de l'exécution de la loi. On entend par «processus d'apprentissage» le fait de tirer les conséquences par la voie du dialogue, de l'appréciation portée.
Le président. Il faut vous acheminer vers votre conclusion, Monsieur le rapporteur, car vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Pierre Kunz. Déjà ? Je suis très emprunté, Monsieur le président, car ce n'est pas mon rapport et je n'aimerais pas être un mauvais...
Le président. Le rapporteur dispose de 7 minutes, comme tout le monde. Allez-y, terminez !
M. Pierre Kunz. Merci !
Une voix. Quel président réducteur !
M. Pierre Kunz. Une commission de controle agit pour le bien général. Elle tient compte de la volonté populaire, des impératifs politiques et des tâches de l'administration. Elle perdrait donc tout son sens si elle s'opposait au souverain, si elle bloquait un processus politique ou si encore elle laminait l'administration. Ses délibérations tentent donc de se conformer à l'objectif du consensus. La commission doit s'efforcer de formuler les critiques et recommandations d'une manière qui soit acceptable pour tous ses membres et convaincantes vis-à-vis de l'extérieur.
La crédibilité de la commission de contrôle de gestion dépend aussi de sa force de persuasion. Lors de l'affaire des offices des poursuites et faillites, elle a su se constituer comme la plus haute autorité de la République afin d'imposer une réforme salutaire.
Quelles sont alors les recommandations de la commission ? L'examen des rapports des organes de surveillance de l'Etat montre que, globalement, les principes d'une comptabilité moderne ne sont toujours pas admis dans l'administration, qu'elle soit centralisée ou décentralisée. La diversité des plans comptables et leur changement parfois annuel, faute de directives imposées, ne permettent même pas de comparaisons entre les années.
Nous sommes donc très loin de l'objectif attendu par tous lors de la lecture des comptes, soit à connaître le coût réel d'une prestation servie par l'Etat de Genève. Aucun de ses services n'est capable de répondre à cette question pourtant élémentaire. Les normes que notre conseil a voulu imposer, appelées IAS, n'ont été adoptées jusqu'ici que par les Services industriels et l'Aéroport. Tous les autres organismes, l'Etat en particulier, ne sont pas en conformité, Mesdames et Messieurs, avec la loi. Il faut donc espérer que le successeur de Mme Calmy-Rey soit nettement plus... radical en la matière ! (Rires.)C'est ce que l'on appellerait la recommandation de principe. Cette action radicale doit aussi s'exercer sur la mise en oeuvre du processus de réforme de l'administration, appelé Service public ou SP 2005.
En guise de conclusion, Mesdames et Messieurs, le rapporteur tient à remercier tous ses collègues, le service du Grand Conseil et les différents organes de surveillance. En effet, cette commission est purement milicienne et ne s'appuie sur aucun département. Ce contexte rend difficile le devoir d'élu, alors que, par exemple, l'exécutif s'appuie sur une kyrielle de fonctionnaires prêts, je dirais même obligés de l'aider. Mais, Mesdames et Messieurs, nous avons au moins un de ces collaborateurs, notre secrétaire scientifique, M. Laurent Koelliker, chargé de la continuité de nos travaux et qui a été nommé voici quelques mois. Ce qui montre que nous, les députés, acceptons et sommes capables de réformer notre fonctionnement !
Enfin, une toute dernière remarque, Monsieur le président, qui nous rapprochera de la situation financière de l'Etat dont il a été question en début de soirée. En 1995, date du premier contrôle des comptes par l'ICF, les experts de cet inspectorat ont estimé que les comptes de l'Etat de Genève avaient été améliorés de près d'un demi-milliard vis-à-vis de la réalité. Cette manière de comprendre les chiffres a duré jusqu'en 1998, pour ensuite s'inverser. Dès 1999, les mêmes experts de l'ICF constatent une péjoration artificielle de ces mêmes comptes, par exemple de plus de 100 millions en 2001 en raison de provisions estimées exagérées. Depuis 1999, la présentation des comptes de l'Etat de Genève est devenue plus solide. Cette date coïncide - n'est-ce qu'un hasard ? - avec le début de l'activité de la commission de contrôle de gestion ! A l'image de son homologue fédérale, cette commission fait ressortir la responsabilité démocratique de l'exécutif et de l'administration et participe ainsi au changement. C'était son premier but. Il a été atteint, même si ce n'est que partiellement.
Le président. Je tiens à vous signaler, Monsieur le rapporteur que vous avez parlé 12 minutes et 45 secondes ! Je voulais exprès ne pas vous interrompre, mais l'on croit toujours que l'on parle brièvement, alors que l'on parle plus longuement. J'aimerais vraiment que le temps de parole inscrit dans notre règlement soit respecté par tout le monde. Je donne à présent la parole à Mme Gobet-Winiger qui, je le sais, sera brève !
Mme Alexandra Gobet Winiger (S). A l'occasion de ce premier rapport de la commission de contrôle de gestion, j'aimerais saluer l'important travail qui a été effectué par M. Pierre Froidevaux pour mettre en lumière tout le travail de la commission de contrôle de gestion, qui s'effectue à l'abri des regards des médias et même, souvent, de toute communication dans ce Grand Conseil.
J'aimerais dire ici combien cette voie, en quelque sorte souterraine mais constante, est importante, un peu avec les mêmes buts que les efforts de réflexion de la commission des finances, pour veiller à ce que les deniers publics atteignent la cible pour laquelle ils sont affectés ou alors, s'il y a des dysfonctionnements, pour que ceux-ci soient corrigés.
Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres tant il est vrai que nous peinons à voir spontanément les rapports de surveillance suivis d'effets par les entités auxquelles ils sont adressés. C'est là qu'il est important qu'il y ait un regard des élus du peuple pour s'assurer que les entités, le gouvernement, donnent une suite, débordés qu'ils sont, aux observations qui leur sont adressées. La réponse est variable d'un département à l'autre. Il reste encore beaucoup de choses à modifier et à adapter.
Il est important de dire que s'il n'y a pas eu à ce jour beaucoup de rapports de la commission de contrôle de gestion, il se pourrait bien qu'il y en ait davantage en 2003. On ne nous en voudra pas si certaines choses ne restent finalement que des conversations entre le gouvernement et la commission. C'est aussi un moyen d'améliorer le fonctionnement de l'Etat. (Applaudissement.)
M. Christian Grobet (AdG). J'aimerais m'associer aux remerciements de Mme Gobet pour le rapport de M. Froidevaux qui a effectivement accompli un travail considérable, mais aussi remercier M. Kunz qui l'a remplacé au pied levé et qui, même s'il est membre de la commission et suit de près ses affaires, a parfaitement su prendre le relais de M. Froidevaux.
A la fin de son intervention, M. Kunz a mis en évidence le travail considérable que représentent les enquêtes menées par une commission formée de députés de milice et les problèmes que cela pouvait susciter. Ce qui m'amène d'abord à remercier les membres de cette commission, qui ont fait un travail énorme, dans l'ombre, comme Mme Gobet vient de le souligner, et un travail qui n'est peut-être pas aussi spectaculaire que celui d'autres commissions, mais combien utile !
On en revient là au problème posé, qui est de savoir de quelle manière on peut contrôler, de la façon la plus efficace possible la gestion de l'Etat, qui est évidemment un énorme mastodonte, comme M. Kunz l'a relevé tout à l'heure. Quel que soit l'organe de contrôle, il est difficile de tout contrôler. On est obligé de sélectionner. Je rappelle que l'Alliance de gauche avait déposé un projet de loi qui est à l'origine de ces mesures, quoique nous aurions voulu précisément que la commission de contrôle de gestion, élue par le Grand Conseil, puisse comporter des membres qui ne siègent pas forcément comme députés au Grand Conseil et qui auraient été rémunérés de manière qu'ils puissent consacrer un certain temps à cette tâche. Il est effectivement difficile pour les députés de milice d'assumer cette tâche importante. Nous avons déjà une commission très lourde, la commission des finances, sans parler de toutes les autres commissions où il faut siéger.
A mon avis, il est évident, et je crois que le travail de la commission le montre, que le contrôle parlementaire est quand même le meilleur des contrôles. Le rôle de l'Inspection cantonale des finances a été valorisé à partir du moment où l'on a prévu dans la loi que ses rapports ne seraient pas seulement remis au Conseil d'Etat. Lorsque nous étions dans la commission ad hoc en train d'élaborer la loi permettant à cette commission de contrôle de gestion de fonctionner, j'avais fait part de ma propre expérience au Conseil d'Etat, où les rapports de l'ICF finissaient dans un tiroir et dont personne ne s'occupait. Maintenant, le simple fait que ces rapports arrivent également à la commission de contrôle de gestion a certainement eu comme effet que les rapports de l'ICF sont beaucoup plus sérieusement pris en compte par le Conseil d'Etat. S'il ne devait pas le faire, la commission de contrôle de gestion ou la commission des finances pourraient évidemment demander des comptes sur le suivi de ces rapports.
J'aimerais quand même rappeler que c'est grâce à ce Grand Conseil que le dysfonctionnement d'un service particulièrement important de l'Etat, sur lequel planaient des soupçons depuis des années, mais où rien ne s'était passé - je parle de l'office des poursuites et faillites - a finalement été mis à jour et que des mesures de réorganisation ont pu être prises. On voit bien l'efficacité d'un organisme parlementaire qui a évidemment une résonnance toute autre qu'un service qui se borne à remettre des rapports au gouvernement! C'est pour cela, dans l'examen des moyens futurs, que l'on parle beaucoup de la cour des comptes, qui est un modèle français. Je ne doute pas que cette cour des comptes, avec des professionnels, pourra faire du bon travail, mais je ne suis pas encore certain que les rapports de la cour des comptes seront aussi percutants dans le suivi que les rapports de la commission de contrôle de gestion. Il faudra prendre garde, à un moment donné, que l'on ne se marche pas trop sur les pieds entre l'ICF, la commission de contrôle de gestion et une éventuelle cour des comptes. C'est un problème réel.
Les membres de la commission de contrôle de gestion, qui sont en train de faire l'apprentissage de ce nouvel organe de contrôle, devront effectivement réfléchir à un moment donné, comme M. Kunz l'a dit, aux moyens dont disposera cette commission. Vous avez souligné qu'un collaborateur scientifique, semble-t-il de haut niveau, avait été engagé. Mais peut-être faudra-t-il envisager d'en avoir quelques-uns de plus pour précisément, en collaboration avec l'ICF, assurer véritablement le suivi. Il ne sera pas possible que les députés de milice fassent cela eux-mêmes.
Je considère pour ma part, et c'est le point de vue de l'AdG, que nous devons privilégier le contrôle parlementaire parce que c'est celui qui a le plus de chances, à notre avis, de donner des résultats concrets. Je crois que vous êtes en train d'en fournir la preuve.
J'en terminerai simplement, on n'a pas encore eu l'occasion de l'évoquer, avec le projet de loi concernant cette institution sociale très intéressante qui s'appelle Trajet. Nous souhaiterions, Monsieur Kunz, que la commission de contrôle de gestion examine un dossier comme celui-là. Nous sommes saisis maintenant d'une demande de crédit supplémentaire très important. Or, cela fait trois ou quatre ans que l'on se rend compte qu'il y a de graves problèmes au sein de cette institution. Une première série de mesures de sauvetage a été prise. Voilà que le Conseil d'Etat nous demande de nouveau...
Le président. Il faut s'acheminer vers la conclusion !
M. Christian Grobet. J'en termine par là ! ...une contribution importante. Avec votre sagacité, voilà un dossier qui... Je m'excuse de parler d'un nouveau dossier, Monsieur Kunz, mais comme vous semblez assez friand en la matière, je voulais profiter de cette occasion pour en signaler un qui nous préoccupe, en tout cas dans notre groupe de députés.
M. Pascal Pétroz (PDC). J'aimerais m'associer aux louanges de mes préopinants à l'égard de M. Pierre Froidevaux, président de la commission de contrôle de gestion, ainsi qu'à M. Kunz qui vient de nous livrer un excellent rapport.
Il est vrai que la commission de contrôle de gestion a de nombreux avantages. Un des plus importants est le fait que cette commission soit capable de s'autosaisir. N'importe quel citoyen peut s'adresser à un député membre de la commission de contrôle de gestion. Si ce député estime qu'il y a lieu de mener une enquête, il peut alors soumettre le cas à la commission qui décide s'il y a lieu d'aller de l'avant ou pas. Du point de vue démocratique, il s'agit d'un instrument extrêmement important.
En pratique, ce qui est aussi extrêmement intéressant, c'est que les débats au sein de cette commission ne sont pas partisans. L'activité de cette commission est la plupart du temps consensuelle et constructive, ce qui est important.
Cela étant, Mesdames et Messieurs les députés, tout n'est pas rose et je n'aimerais pas que le débat qui a lieu à l'occasion de ce rapport se limite à un exercice d'autocongratulations. Il y a quand même un certain nombre de questions que nous devons nous poser au sujet du fonctionnement de cette commission de contrôle de gestion.
Je fais partie des nouveaux membres de cette dernière et je dois dire que j'ai été relativement frappé, c'est aussi le cas de M. Slatkine puisque nous nous sommes souvent exprimés à ce propos, par l'utilité du travail que nous pouvions avoir parfois. Il y a d'une part le manque de moyens, dont nous avons parlé tout à l'heure, qui devrait s'améliorer par l'engagement du collaborateur scientifique dont nous avons parlé, mais il y a un autre problème: la commission de contrôle de gestion peut confier des mandats à l'extérieur pour se livrer à des études particulières, mais le budget dévolu à la commission est limité à 100 000 F. C'est un budget qui peut être considéré comme très important dans certaines circonstances, mais, dans d'autres, ce n'est pas suffisant.
Cela étant, le problème des moyens n'est pas le seul. On constate tout de même qu'une bonne partie des débats de la commission de contrôle de gestion est éminemment utile, mais il faut aussi bien considérer qu'une autre partie du temps consacré à l'analyse des différents problèmes est l'occasion de réinventer la roue. Ce sont des discussions certes intéressantes, mais qui ne nous permettent pas d'avancer concrètement, qui relèvent plus de la discussion de comptoir que d'un travail constructif et utile.
Je vous livrerai, Mesdames et Messieurs les députés, un sentiment mitigé en tant que membre de cette commission de contrôle de gestion. Une envie de faire oeuvre utile, mais le sentiment que cette activité est insuffisante, notamment en ce qui concerne le manque de moyens que nous avons et le lien que notre commission peut avoir avec d'autres instances de contrôle de notre Etat. Je parle par exemple de l'ICF. Nous travaillons la plupart du temps de la manière suivante: nous prenons connaissance des rapports de l'ICF et nous nous répartissons, un député de l'Entente et un député de l'Alternative, un sujet particulier. Ces deux sous-commissaires sont chargés de rapporter à la commission de contrôle de gestion. C'est bien joli sur le papier, mais que se passe-t-il en pratique ? Nous avons un rapport de l'ICF, qui est un rapport fouillé. Les inspecteurs de l'ICF sont des professionnels, ils se sont rendus sur place, ont épluché les comptes, regardé comment les choses se passaient. Bref, ils ont effectué un travail de fond. Que faisons-nous ? Nous reprenons les rapports de l'ICF et nous refaisons exactement le même travail, avec beaucoup moins de moyens. J'estime que ce type de travail est très utile. Pour la culture générale des députés qui s'en occupent, c'est certainement très intéressant, mais il me semble que ce n'est pas particulièrement utile et toujours constructif. Ce que je souhaite pour l'année prochaine, c'est que cette commission, qui peut avoir un rôle majeur à jouer, s'attelle à réévaluer un peu son mode de fonctionnement, son mode de travail, de manière à être vraiment utile et de façon à pouvoir relever les défis qu'elle doit. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). J'aimerais approuver les propos tenus par mon collègue, M. Grobet, sur l'appréciation positive concernant le rapport qui nous a été soumis ce soir par le tandem - oserais-je l'appeler ainsi ? - des deux Pierre. Un troisième essayera d'apporter la sienne à ce propos ! Celle que j'aimerais apporter consiste à signaler qu'une réflexion est en train de s'instaurer au travers des discussions qui sont actuellement en cours à la commission des finances à propos d'un projet de loi concernant la création d'une cour des comptes. Il est procédé à des auditions qui nous permettent d'entendre ce qui se passe à Berne et, d'une certaine façon, en France et dans d'autres pays européens. A l'issue de ces travaux et de ces auditions, nous ne manquerons pas, par un rapport adéquat, de venir devant vous pour vous proposer une nouvelle articulation de la configuration qui existe à ce jour. L'on peut certainement se demander s'il ne serait pas exagéré d'ajouter une cour des comptes à ce qui existe aujourd'hui. Mais l'on peut tout aussi bien se dire le contraire, sans pour autant mettre en cause l'existence de la commission de contrôle de gestion. Même si certains doutent de sa réelle pertinence, on peut néanmoins penser qu'elle joue un rôle réel. Se pose encore la question de la place à accorder à l'ICF.
Lorsqu'on se penche sur certains rapports de l'ICF, concernant notamment des institutions ou des segments de l'Etat connaissant des passages douloureux, l'on peut penser qu'il serait préférable que cette ICF devienne le bras armé, en quelque sorte... (L'orateur est interpellé.)...qui est l'expression, je n'ose dire de mon alter ego, mais en tout cas de la version française de mon nom, à savoir M. Blanc, qu'elle devienne le bras armé de cette cour des comptes, laquelle, formée de magistrats, aurait une puissance bien autre et aussi une indépendance toute autre que celles dont jouit, ou plutôt dont ne jouit actuellement pas l'ICF du fait de son rattachement au département des finances.
C'est dans ce sens, Mesdames et Messieurs les députés, que j'aimerais conclure mon intervention. Si le rapport de ce soir concernant la commission de contrôle de gestion est important, il est aussi un propos d'étape et nous n'en avons pas fini d'en reparler. (Applaudissements.)
Mme Martine Brunschwig Graf. En présence de mes nombreux collègues, j'ai le plaisir de prendre brièvement la parole. Tout d'abord pour remercier la commission de contrôle de gestion. Il est vrai que le Conseil d'Etat, qui est en l'occurrence indépendant, comme l'est d'ailleurs la commission, si ce n'est qu'il est soumis à votre contrôle, a bénéficié d'un travail de qualité, de rapports transparents et de procédures permettant de respecter à la fois les personnes et les processus mis en cause.
J'aimerais ajouter une seconde chose - puisque vous avez évoqué tout à l'heure les rapports de l'ICF, les recommandations et leur suivi - qui était l'une des préoccupations de la commission de contrôle de gestion. Je rappelle que les directives ou plutôt les recommandations de l'ICF sont, de par la loi, à partir de 2002, contraignantes et que le Conseil d'Etat doit, s'il ne les suit pas, donner les explications nécessaires. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'ICF de procéder à l'évaluation des recommandations, d'envoyer la liste au Conseil d'Etat et de signaler au Conseil d'Etat les éléments pour lesquels il estime qu'il n'y a pas eu jusqu'ici de suivi et qui devraient donner lieu, pour le Conseil d'Etat, à une prise de position et à des décisions. Il en sera donc fait ainsi et les commissions concernées du Grand Conseil en seront informées.
Troisièmement, je relève, tout comme l'ont dit quelques préopinants, le fait qu'il sera nécessaire, dans les débats sur la cour des comptes, de prendre en considération les expériences que vous menez à l'heure actuelle avec la commission de contrôle de gestion. Quelle que soit la structure de contrôle choisie à l'issue des travaux de la commission des finances, il sera important à la fois de ne pas créer de doublons, c'est tout aussi dangereux dans le contrôle, et de ne pas engendrer de lacunes, ce qui serait tout aussi dommageable. C'est donc un travail minutieux qu'il s'agira de faire. En ce sens, l'expérience de la commission de contrôle de gestion se révélera très utile.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Préconsultation
Le président. Comme il s'agit d'une prise en considération, vous avez droit à 5 minutes par groupe, un intervenant par groupe.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG). Notre groupe a été le seul à demander le débat de préconsultation pour cet objet qui est devant le Grand Conseil depuis plusieurs sessions. Il est tout de même important - et je suis contente de voir que d'autres groupes le veulent également - de s'exprimer à ce sujet en débat de préconsultation.
Avec l'explication d'un transfert administratif du CIFERN aux HUG, on nous propose purement et simplement d'abolir, en fait, la loi concernant le centre d'information familiale et de régulation des naissances. Ce n'est pas quelque chose d'anodin. Si l'on peut tout à fait comprendre un rattachement administratif aux HUG, je rappelle ici que ceux-ci sont, depuis leur fusion, organisés en départements médicaux. Le CIFERN serait donc rattaché à un département médical et, ainsi, soumis à une autorité médicale. Si, pour l'instant, la direction du CIFERN n'est pas représentée par un médecin, rien ne nous garantit que cela ne le sera pas à l'avenir. C'est d'autant plus important que l'on supprime, par l'abrogation de la loi sur la régulation des naissances, la légitimité, l'existence même de ce centre. Je rappelle que ce centre a pour but d'informer le public sur toutes les questions médicales, sociales, psychologiques concernant la conception et la naissance, ainsi que celles se rapportant au développement de la famille. Cela concerne la santé sexuelle et procréative. Ce ne sont donc pas des maladies et cela ne nécessite pas forcément des prescriptions médicales. Quand c'est le cas, ce peut être pour la pilule d'urgence. C'est d'ailleurs l'un des arguments avancés pour dire que le CIFERN est devenu un centre prescripteur. Ce n'est pas devenu un centre prescripteur parce que, de toute façon, les prescriptions sont rédigées par des médecins de la Maternité. C'est donc une erreur que de dire que le centre est un organe prescripteur! Il faut aussi rappeler que ce centre est gratuit, ce qui ne serait plus le cas dans le cadre des HUG.
Il y a plus important encore, c'est que cette loi, que l'on veut abroger, est soumise à la loi fédérale sur les centres de consultation de grossesse. Cette loi fédérale précise que les cantons doivent mettre sur pied ces centres d'information sociale et éducative, qu'ils doivent être gratuits, ce qui ne serait plus le cas à l'Hôpital cantonal. Il y a aussi le problème de la formation donnée aux conseillers conjugaux dans ces centres de formation.
Tout cela sera, bien sûr, discuté en commission, mais je rends attentif ce Grand Conseil qu'il suffirait simplement d'amender la loi sur le centre d'information et de régulation des naissances en lui donnant un rattachement administratif aux HUG, mais de ne surtout pas supprimer son existence.
M. Jacques Follonier (R). C'est avec un certain étonnement que nous avons pris note du projet du Conseil d'Etat concernant le CIFERN. Il est vrai que le planning familial n'a, pour nous, rien à voir avec une structure hospitalière et qu'il doit rester à disposition de la population, ce qui n'est pas forcément le cas lorsqu'on doit ouvrir la porte de l'hôpital.
Je vous rappelle pour mémoire que ce projet de loi a été conçu sur le base de la prescription de la pilule du lendemain. Or, vous n'êtes pas sans savoir que les pharmaciens ont la possibilité depuis plusieurs mois de distribuer la pilule du lendemain, ceci sans prescription médicale, sous la condition bien sûr d'un compte-rendu très précis, d'un protocole qu'ils appliquent dans toutes les pharmacies genevoises depuis plusieurs semaines avec toute la rigueur et toute l'efficacité nécessaires.
Je suis dès lors un peu étonné de voir cet état de fait, d'autant plus lorsque je lis qu'il se justifiait, dans la mesure où le CIFERN peut désomais être assimilé à un centre prescripteur, de le rattacher à un service clinique des HUG. J'ose espérer qu'il n'est pas dans la volonté du Conseil d'Etat de rattacher les pharmaciens et de les assimiler aux HUG ! Dès lors, je comprends mal le sens de ce projet de loi.
Par ailleurs, il m'est relativement désagréable de voir qu'un projet de loi, présenté ainsi, l'est en nous expliquant que les postes, le personnel, ainsi que l'équipement informatique ont d'ores et déjà été transférés aux HUG depuis le 1er janvier 2002. C'est pratiquement nous demander de cautionner quelque chose qui est déjà réalisé, ce qui me gêne profondément. Dès lors, le groupe radical se réjouit d'examiner ce projet de loi à la commission de la santé, où nous ne manquerons pas de le remettre à sa juste place.
M. Albert Rodrik (S). Le projet de loi que l'on nous propose là est la conséquence logique, automatique et formelle d'une option prise dans les deux derniers mois de son mandat par le précédent chef du département de l'action sociale et de la santé. Cette loi ou pas cette loi, créer des services, modifier des services, rattacher des services étant de la compétence exclusive du Conseil d'Etat, il a d'ores et déjà fait modifier en novembre 2001 le règlement d'organisation de l'administration cantonale, nommément son article 9 consacré au DASS, il a chamboulé les rubriques du budget depuis le 1er janvier 2002 et a intégré ce service en médecine communautaire. Ce qui est probablement le moins mauvais rattachement que l'on puisse imaginer.
Néanmoins, vous avez bien lu l'exposé des motifs qui explique très clairement ce qu'est le CIFERN, il s'agit d'un service au carrefour de l'action sociale et de la santé publique, un service d'accueil, un service d'orientation, un service de conseil, et non d'un service hospitalier.
Un des prétextes a été évoqué par notre collègue Follonier, mais un autre était le fait que l'on a besoin de prescriptions. Je vous signale, Mesdames et Messieurs les députés que le CIFERN, depuis sa création, a toujours orienté vers le corps médical la plupart des personnes qui le sollicitaient, parce que les problèmes qu'elles posaient relevaient de la compétence des médecins. Ceci était le cas même lorsque le chef nominal de ce service était un professeur de médecine et, aussi, lorsqu'il a cessé de l'être pour devenir très justement un conseiller.
Je regrette, Mesdames et Messieurs les députés, que l'on ait attendu sept mois pour pouvoir aller en commission. Cela n'a pas dépendu de nous. C'est un problème grave que nous devons étudier, car il y a, pour le groupe socialiste, une erreur conceptuelle dans le fait de noyer ce service dans l'Hôpital universitaire. Et cela ne relève pas des effets de plénum!
Sous peine de dire que la médecine communautaire n'est pas l'hôpital, nous ne comprenons pas ce rattachement, même si, je le répète encore une fois, c'est le moins mauvais rattachement que l'on puisse imaginer. Le CIFERN a sa place à la direction générale de la santé et nous serons extrêmement attentifs aux explications de cette fusion.
Tout ne peut pas passer par une restructuration afin de pouvoir dire dans un rapport annuel: «Coupé-collé, j'ai enlevé ce service, je l'ai réduit, le l'ai reconstitué». Nous voudrions que le concept même soit reconsidéré. Ces lois font partie d'un stock de lois des années 60 et 70, qui sont désuètes parce qu'elles ne servaient à l'époque qu'à créer des services, mais aussi à associer le Grand Conseil à des options importantes. La mission du CIFERN n'est pas tributaire de cette loi. Mais, Mesdames et Messieurs, ce que notre collègue Follonier a dit à propos du fait accompli ne peut pas être escamoté.
Nous serons donc extrêmement attentifs à ce que l'on nous dit, mais nous serons aussi, Monsieur le conseiller d'Etat, attentifs à autre chose. Vous connaissez les débuts ambigus, difficiles, de la médecine communautaire. Nous aurons aussi soin de vous demander, dans la grande échéance du 1er octobre 2003, où beaucoup de choses, dans le département de médecine interne, sont destinées à se modifier par des relèves importantes de personnel, ce que deviendra la médecine communautaire, quel est son avenir et, dans la foulée, avec la médecine communautaire quel avenir préparons-nous au CIFERN ? Mais encore une fois, le CIFERN, pour nous, au carrefour d'une politique sociale et d'une politique de santé publique, était parfaitement bien à la direction générale de la santé. Vous n'y pouvez rien, je le concède, mais nous nous réjouissons de vous entendre !
M. Claude Aubert (L). Mon intervention sera brève. Elle peut se résumer en un «In memoriam». Comme cela a été relevé, le Conseil d'Etat a pris la décision, le 5 septembre 2001, de transférer le CIFERN aux Hôpitaux universitaires. On apprend ensuite que tout le monde a été transféré le 1er janvier 2002. Vous savez que les médecins peuvent délivrer des certificats médicaux rétroactifs, mais en aucun cas antidatés. Par conséquent, le vote de ce soir, ou le renvoi en commission, est probablement un vote rétroactif. Dans ces conditions-là, on se demande si l'on n'est pas plutôt dans la zone ubuesque de la différence entre un certain nombre de réalités qui se côtoient et s'entrecroisent ici.
M. Guy Mettan (PDC). Je crois que beaucoup de choses ont déjà été dites et je ne vais pas les répéter, notamment par M. le député Rodrik, qui a bien résumé la situation. On peut relever deux choses importantes concernant ce projet. Premièrement, tout le monde ici est attaché à la bonne marche du centre d'information familiale et de régulation des naissances, c'est un facteur autour duquel nous pouvons tous nous retrouver. Dès lors, l'idée de rattacher ce centre aux HUG n'est pas une idée aussi farfelue qu'il peut paraître puisque les hôpitaux connaissent quand même une fréquentation très importante de la part de la population. Il n'est donc pas insensé de mettre un tel centre près d'un lieu où une part très appréciable de la population a coutume de se rendre. C'est un élément important.
Deuxième chose: comme le transfert a déjà été fait, en renvoyant ce projet de loi en commission, on pourra juger de l'efficacité de ce transfert sur pièce puisque l'on pourra déjà disposer des résultats concrets de ce changement.
Je vous propose donc de renvoyer ce projet en commission afin de pouvoir juger sur pièce.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je ne pensais pas, effectivement, être ébouriffé par un tollé aussi positif à l'accueil de ce projet de loi. Néanmoins, permettez-moi une ou deux observations avant que nous en discutions tranquillement en commission.
Tout d'abord, Monsieur Follonier, pour vous dire que vous me faites un mauvais procès. Si votre parlement a mis neuf mois pour faire la première consultation de ce projet - il aurait peut-être d'ailleurs eu le mérite de consulter le CIFERN - cela aurait permis d'éviter d'attendre aussi longtemps. Mais le 15 juin de l'année dernière, lorsque ce projet vous a été soumis, la vente de la pilule du lendemain n'était pas encore autorisée dans les pharmacies. Ceci date du 15 novembre 2002. Il est vrai qu'une partie de l'argumentaire de ce projet de loi a perdu de sa pertinence grâce à son traitement...
Une voix. Tardif !
M. Pierre-François Unger. ...tardif, dirons-nous, en tout cas non prématuré !
Cela étant dit, la vraie discussion tournera autour de ce que votre parlement entend faire du département de médecine communautaire. Le député Rodrik l'a parfaitement relevé, l'enjeu est là. Voulons-nous d'une médecine communautaire qui ressemble à l'ancienne policlinique de médecine et qui ne s'occupe que d'un certain nombre de patients dont personne ne veut s'occuper ? Ou bien voulons-nous lui donner cette dynamique ? C'est une dynamique de l'intersection entre les aspects sociaux et les aspects médicaux d'un certain nombre de populations qui ont un accès difficile au système de soins. Je veux parler de l'unité mobile qui s'occupe d'un certain nombre de clandestins. Je veux parler des soins aux requérants. Je veux parler du CIFERN qui touche une population qui n'a pas forcément les mêmes obstacles sociaux, mais qui a des obstacles sociaux d'une autre nature, les obstacles sociaux du jeune âge, de l'adolescence ou de la postadolescence face aux problèmes que représentent la contraception ou la conception. L'enjeu sera là.
Je me réjouis d'en discuter avec vous. Il est vrai que j'avais été mis devant une forme de fait accompli et que j'ai eu l'honnêteté de vous dire que ce dernier imposait l'abrogation d'une loi existante. Je n'entends pas enlever une des prérogatives du CIFERN, mais j'entends discuter avec vous de ce que vous voulez faire de ce département de médecine communautaire qui, après des débuts balbutiants, se montre être un outil extrêmement utile pour faire se coordonner ces intersections des difficultés sociales les plus grandes et des problèmes de santé les plus lourds. Nous en discuterons en commission et vous prendrez la décision que vous jugerez utile à l'égard de ce projet.
Le président. Je rappelle à M. Unger qu'il n'est pas, comme le disait le président Queuille, de problème politique qu'une absence de solution ne parvienne à résoudre !
Ce projet est renvoyé à la commission de la santé.
Préconsultation
Mme Jocelyne Haller (AdG). L'assistance publique se présente en quelque sorte comme une vénérable vieille dame, désuète à certains égards. Elle n'en demeure pas moins un des piliers de l'action sociale dans notre canton. Elle mérite donc à ce titre toute notre attention, car elle en a bien besoin. Après avoir malheureusement vu refuser en mai dernier le revenu minimum de réinsertion, qui aurait pu constituer une véritable cure de jouvence, nous en sommes réduits aujourd'hui à quelques soins d'urgence. Que l'on ne se méprenne pas ! Il n'entre pas dans notre intention de disqualifier le projet de loi qui nous est soumis par le Conseil d'Etat. Il demeure une démarche appréciable. Nous tenons néanmoins à en relever le caractère partiel compte tenu des enjeux majeurs de l'avenir de l'aide sociale et du rôle important qu'elle sera appelée à jouer dans un contexte économique et social qui ne cesse de se dégrader.
Cela dit, inscrire la suppression de la dette d'assistance dans la loi de l'assistance publique n'est pas un acte anodin. Cela ne se réduit pas à une mise au goût du jour ou au simple fait de renoncer à demander de l'argent à quelqu'un qui n'en a pas. Il ne s'agit pas moins que d'instituer, au titre de la solidarité, le devoir de l'Etat de garantir à chaque citoyen les moyens de subvenir à ses besoins.
Il n'est pas inutile ici de rappeler la finalité de l'assistance publique. Elle vise à la réintégration sociale et professionnelle des personnes qui la sollicitent. Car enfin, ce qui convient, c'est moins de solliciter le remboursement d'une aide auprès d'une personne qui est peu ou pas solvable, ou de l'assurer de sa bienveillance, que de mettre cette dernière durablement à l'abri du besoin par la réalisation d'un projet d'insertion. Cette orientation nécessite cependant dans un premier temps, il ne faut pas l'occulter, un investissement en forces de travail et en moyens matériels pour développer des alternatives à la désinsertion. C'est également par cette voie que l'on pourra prétendre agir sur les prestations indûment perçues.
Enfin, prévoir des dispositions pour faire face aux prestations versées au titre d'avance sur des prestations d'assurance sociale peut sembler nécessaire pour les situations particulières où l'on ne peut empêcher ce mécanisme. Mais elles ne peuvent et elles ne doivent en aucun cas entériner cette distorsion qui veut que, en raison de complexification et de retards de procédure outranciers, l'Hospice général soit contraint de procéder à des avances et à faire office de banquier de la sécurité sociale.
En ce sens, nous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cet objet à la commission des affaires sociales et de réserver le même sort aux propositions de motions 1497 et 1467 qui portent sur la même problématique (Applaudissements.)
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Je serai brève. Il est important pour le PDC de pouvoir dire que ce projet de loi est le signe que l'on entre dans un modèle de société où la justice sociale, garante de la dignité humaine, peut remplacer la charité. Ce projet de loi est un outil utile pour renforcer la place de chacun et de chacune dans la société. C'est pourquoi nous vous recommandons d'envoyer ce projet de loi à la commission des affaires sociales.
M. Thierry Apothéloz (S). A Genève, l'Hospice général prend en charge l'assistance publique. Il intervient ainsi à différents niveaux, que ce soit en matière d'aide sociale et financière, de complément pour une finance familiale, d'aide à un placement de mineurs et, surtout, d'aide à l'insertion professionnelle et sociale, dont parlait Mme Haller tout à l'heure. L'aide financière ainsi avancée était constitutive d'une dette. Mais force est de constater aujourd'hui que de plus en plus de personnes n'arrivent tout simplement pas à pouvoir rembourser cette dette. Le groupe socialiste se réjouit ainsi de discuter les mérites de ce projet de loi, à la lumière, je dois quand même le dire, de ce que les adversaires du RMR ont pu mettre en évidence lorsqu'il a fallu combattre le projet que j'ai nommé tout à l'heure et qui a malheureusement échoué.
Ce projet de loi ne doit pas être considéré comme un remplaçant du RMR. Il conviendra de revisiter l'assistance publique dans son sens large, car le système actuel ne convient pas - j'ai presque envie de reprendre le titre de la motion de l'Entente sur la fiscalité que nous avons reçue aujourd'hui - pour qu'une assistance publique juste et résolument moderne puisse naître à Genève ! Nous serons donc attentifs à ce que nous puissions étudier ce projet de loi dans un sens large et nous nous réjouissons de le faire à la commission des affaires sociales.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts étudieront avec intérêt ce projet de loi en commission sociale. Nous saluons le projet de suppression de la dette d'assistance et regrettons que le nouveau projet de RMR, qui était quelque part promis par les partis de l'Entente, qui avaient repéré des défauts dans le projet, ait malheureusement été refusé par le peuple, mais également par le Conseil d'Etat qui s'était engagé lors de cette campagne à présenter un autre projet.
Nous en discuterons donc en commission. Nous demandons quand même au Conseil d'Etat à quel moment il soumettra un nouveau projet de RMR. Nous serons heureux d'en débattre à ce moment-là.
M. Pierre-François Unger. Vous l'avez soulevé, ce projet est à la fois un petit projet - parce qu'il n'est que le premier d'une série de projets qui vont tendre à moderniser l'aide sociale, vous l'avez toutes et tous dit - et un pas significatif tout de même. D'abord parce que c'est le premier engagement que j'avais pris au soir même du vote négatif sur le RMR, pour dire que l'on pourrait commencer par ce premier pas-là, qui cesserait d'étouffer un certain nombre de personnes dont la réinsertion est particulièrement difficile et précisément rendue parfois impossible par le simple fait de savoir que leur premier devoir, en retrouvant un emploi ou une insertion dans la société, serait de rembourser leur dette.
On a longtemps cru aux vertus rédemptrices du remboursement de l'assistance. Mais les faits sont là et les faits sont têtus. Il n'y a pas de vertus rédemptrices au remboursement de l'assistance. C'est donc ce premier pas, tout à fait modeste, que je vous propose d'étudier en commission. Pendant ces travaux en commission, nous pourrons vous donner les perspectives d'un groupe de travail que j'ai mandaté, avec un certain nombre de directives, pour une refonte plus complète de l'aide sociale qui s'articulera d'ailleurs avec des projets de mon collègue Carlo Lamprecht s'agissant de la perte d'emploi. L'un et l'autre ne sont évidemment pas complètement superposables. Seule une partie de ces populations est superposable. Nous entendons proposer une vue plus cohérente de l'ensemble du dispositif des gens en difficulté, dont nous pourrons d'ores et déjà vous donner quelques aperçus à l'occasion de cette première discussion.
Ce projet est renvoyé à la commission des affaires sociales.
Premier débat
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de la santé a étudié ce projet de loi lors de la séance du 1er mars 2002. La loi relative à la qualité, la rapidité et l'efficacité des transports sanitaires urgents actuellement en vigueur a été confirmée en votation populaire le 26 novembre 2000. Son règlement d'application est entré en vigueur le 1er juillet 2001.
Ce projet de loi de MM. Grobet, Vanek, Spielmann et de Mme Wenger a été déposé le 4 septembre 2001. Invoquant le manque de motivation du Conseil d'Etat pour créer la nouvelle brigade sanitaire cantonale, ils demandaient de confier la tâche de brigade sanitaire urgente au Service incendie et secours de la Ville de Genève. Pour rappel, la brigade sanitaire cantonale se compose du Cardiomobile, des véhicules de l'aéroport et de l'hélicoptère. Le SIS de la Ville de Genève ainsi que les ambulances privées en sont les autres partenaires.
Les informations rapportées par M. Unger lors de la séance de commission sont satisfaisantes. En voici un rapide résumé, en commençant par le point qui est incontestablement le plus important, à savoir le temps d'intervention: celui-ci s'est sensiblement amélioré grâce à une centralisation des appels au 144 qui, après une évaluation sanitaire, ventile les missions vers les ambulances se trouvant au plus près en temps d'intervention. Il pourrait encore être amélioré par une modernisation de la centrale téléphonique et par l'installation de matériel GPS dans les véhicules d'urgence. Un médecin responsable de la brigade sanitaire publique a en outre été nommé par le Conseil d'Etat, cet été, et une convention tarifaire a été signée par tous les partenaires - à l'exception du SIS de la Ville de Genève. Un tarif unique, fixé à 618 francs, est désormais appliqué par tous les signataires. M. Unger a toutefois bon espoir que ce montant soit bientôt revu à la baisse. Malgré ces informations rassurantes, la commission a exprimé la volonté que le parlement soit tenu régulièrement informé de l'état d'avancement de la mise en place de la loi. M. Unger s'y est formellement engagé.
Ce projet de loi allant à l'encontre d'une décision populaire et les informations rapportées en commission attestant de la volonté du président du DASS d'oeuvrer dans le but d'optimiser les transports sanitaires urgents dans notre canton, je vous prie, Mesdames et Messieurs les députés, de suivre l'unanimité - moins deux abstentions - de la commission et de refuser ce projet de loi.
M. Albert Rodrik (S). Deux personnes dans cette enceinte peuvent probablement comprendre l'impatience ou l'exaspération de ceux qui ont déposé ce projet de loi: l'un se trouve maintenant au banc du gouvernement, l'autre est en train de vous parler. Néanmoins, essayer d'aligner des noix sur un bâton pour une formule qui serait incompatible avec ce que le peuple a approuvé ne saurait apporter de solution à cette impatience et à cette exaspération pourtant légitimes. Nous avions une brigade publique - que nous n'appelions pas encore ainsi à l'époque - qui, pour diverses circonstances, s'est évaporée; il nous faut donc la reconstituer. Mais nous ne pouvons pas disposer du SIS, qui appartient à la Ville de Genève. Or, quiconque a fait de la politique en Ville de Genève sait que le SIS représente la prunelle des yeux de celle-ci et qu'on ne peut pas, non plus, oublier le service de sécurité de l'aéroport.
Cela dit, je me demande si ce parlement est capable de réfléchir aux causes qui ont fait aboutir à une telle situation. Celle-ci est le fruit de la mise à mal par le parlement, sur deux législatures, du seul projet viable qui aurait permis de réaliser une transition convenable: il s'agissait du projet de loi initial du Conseil d'Etat, que son auteur même n'a pas défendu et qui est mort suite à une guerre civile entre deux conseillers d'Etat, à diverses péripéties ainsi qu'à des bagarres internes au sein d'une commission. Voici donc la situation dans laquelle nous nous trouvons six ans plus tard.
Cela ne nous permet pas de nous consoler avec le projet de loi qui nous est présenté. Je vous demande donc de suivre le rapport qui vous est soumis et, à mon grand regret, de refuser ce projet de loi.
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'interviens concernant ce rapport pour plusieurs raisons. La première a trait à un certain nombre d'inexactitudes que j'y ai constatées. Je ne vous donnerai qu'un exemple: contrairement à ce qu'il est affirmé dans le rapport, il est faux de dire que le parlement avait proposé aux ambulanciers de la police de conserver leur statut au sein de la brigade sanitaire cantonale. Je rappelle qu'un référendum avait été lancé contre la loi relative à la qualité, la rapidité et l'efficacité des transports sanitaires urgents. Ayant moi-même fait partie du comité référendaire, je peux vous affirmer qu'il s'agissait précisément de protester contre le traitement peu équitable que cette loi réservait aux différentes entités. Parmi les entités constituantes de cette brigade figuraient le SSA (Service de sécurité de l'aéroport) ainsi que le SIS (Service incendie et secours de la Ville de Genève). Comme chacune et chacun le sait, ces deux entités ont pu conserver leur statut. Les policiers ont dû, en revanche, choisir entre la conservation ou l'abandon de leur statut. Il nous a été dit que les policiers conserveraient cependant un certain nombre d'acquis dans leur corps de police s'ils quittaient ce dernier pour s'engager comme ambulancier de la brigade.
Cet élément constitue une raison supplémentaire de s'interroger sur les causes du refus de traiter les policiers comme les employés du SIS et du SSA, puisqu'on leur a affirmé qu'ils pourraient conserver un certain nombre d'acquis. La seule explication fournie avait été la suivante: il ne fallait pas que la police puisse accomplir des tâches d'ambulancier. Autrement dit, on voulait strictement cantonner la police dans une activité de répression. Tout à l'heure, on a parlé d'un certain nombre de dérapages concernant, précisément, les activités de répression. Je tiens pour ma part à dire que l'immense majorité des policiers accomplissent leur activité et leur tâche au plus près de leur conscience.
Cette loi a engendré la défection de dix ambulanciers de grande qualité de la police. J'ai appris que nonante-huit ambulanciers sont actuellement en activité, alors que, selon M. Unger, l'idéal serait de disposer de deux cents ambulanciers actifs. On s'est, par conséquent, privé de 20% des effectifs nécessaires alors que chacune et chacun sait que ces ambulanciers étaient indispensables. La seule chose que l'on a voulu faire était de maintenir la police dans une activité de répression, alors que ces ambulanciers ont rendu d'énormes services à la population, que ce soit aux personnes âgées, aux écoliers ou aux accidentés.
Je voulais également relever que les ambulanciers de la police pratiquaient, comme tout le monde le sait, des tarifs extrêmement bas - de l'ordre de quatre-vingts francs - voire gratuits, alors que les tarifs sont actuellement de 618 francs au minimum. Un cadeau est, par conséquent, fait à d'autres destinataires que les prestataires!
Certains ont prétendu que ce projet de loi était en contradiction avec le vote populaire. C'est faux: il s'agit simplement d'affecter un certain nombre d'ambulances supplémentaires au SIS qui, comme on le sait, pratique des tarifs beaucoup plus bas que les 618 francs qui sont actuellement demandés. Comme je tenais à le dire, ce projet de loi n'est donc pas incompatible avec le vote populaire. Ainsi, nous refuserons les conclusions de ce rapport.
M. Christian Grobet (AdG). La rapporteuse de la commission a fait valoir que notre projet de loi ne respecterait pas la volonté populaire. Je m'étonne qu'en tant que représentant du parti radical M. Dupraz oublie que son parti - mais peut-être n'était-il pas du même avis que ses amis politiques - avait soutenu le référendum contre la loi relative à la qualité, la rapidité et l'efficacité des transports.
M. John Dupraz. Non ! Ce n'était pas moi, c'était Ramseyer !
Le président. Monsieur Dupraz, vous n'avez pas la parole ! (Brouhaha.)
M. Christian Grobet. Mais bien sûr que si, c'était vous !
Le président. Monsieur Grobet, je vous demande de vous adresser à l'assemblée ou au président; Monsieur Dupraz,je vous prie quant à vous de vous taire !
M. Christian Grobet. Je m'adresse donc au président. Vous aurez constaté, Monsieur le président, qu'un éminent membre de votre propre parti m'a interpellé au milieu de mon intervention, ce qui m'a amené à lui rappeler la position de son parti. Ce député semble en effet frappé d'amnésie: il ne se souvient pas que le parti radical, dont vous êtes également l'un des éminents représentants, avait soutenu avec beaucoup de vigueur le référendum contre la loi relative à la qualité, la rapidité et l'efficacité des transports sanitaires urgents.
Je voulais simplement informer M. Dupraz - sans le regarder, pour répondre aux désirs du président qui, lui, aime qu'on le regarde (Rires.) -de ma participation à un débat organisé par la «Tribune de Genève», débat qui comprenait quatre participants: deux opposants à ce projet de loi, M. Visseur - ancien député que M. Dupraz et le président connaissaient bien, puisqu'il siégeait sur leurs bancs - ainsi que moi-même. Même si j'ai perdu un peu de mon temps de parole (Exclamations.),je tenais par ces propos à rappeler à M. Dupraz certains faits qui, me semble-t-il, sont connus de tous.
Je désire par ailleurs insister sur le fait que, comme nous l'avions pressenti, le Conseil d'Etat a trompé la population. Même s'il s'est félicité après coup du résultat de cette votation, M. Unger n'en est en rien responsable puisqu'il n'était à cette époque pas membre du Conseil d'Etat ni du Grand Conseil. Comme je vois Mme Brunschwig Graf froncer les sourcils, je m'empresse de préciser que je ne parle pas d'elle personnellement; elle sait cependant fort bien que, lorsqu'on siège au Conseil d'Etat, on se voit malheureusement obligé de supporter les interventions des différents membres de ce Conseil. (Brouhaha.) (Le président agite la cloche.)
Le Conseil d'Etat a donc assuré lors de cette votation que la nouvelle loi serait appliquée. Or, que dit cette nouvelle loi, dont M. Unger n'avait lui-même pas lu le texte exact il y a peu de temps de cela ? Je vous donne lecture de l'article 3 qui définit les prestataires de transports urgents: «Les transports sanitaires urgents sont effectués a) par la brigade sanitaire de l'Etat de Genève; b) par le Service incendie et secours de la Ville de Genève; c) par des entreprises privées d'ambulances selon les modalités d'un contrat de prestations conclu avec le Conseil d'Etat». Lorsque ce projet de loi a été débattu devant le Grand Conseil, tous les défenseurs de la brigade sanitaire de l'Etat de Genève ont été entendus. Vous n'étiez pas, chère Madame, sur les bancs des Verts à l'époque, mais l'éminent rapporteur médecin de votre parti n'a fait en séance plénière que de nous demander de voter en faveur de cette loi visant à remplacer la brigade sanitaire de la police - contre laquelle certains députés avaient par ailleurs des cutiréactions, alors qu'elle accomplissait fort bien son travail - par une brigade sanitaire de l'Etat! Nous étions persuadés que cette brigade sanitaire ne serait pas créée, et cela fut le cas. Une telle attitude nous semble absolument inadmissible! On ne peut, en effet, pas tenir un double langage au peuple, d'une part en l'invitant à voter pour une loi sous prétexte que l'on va supprimer la brigade sanitaire de la police, parce que soigner des malades ne relève pas de la mission de la police - on a d'ailleurs tout entendu à ce sujet, y compris que l'on risquerait de prendre des renseignements sur le compte des gens qui étaient transportés en ambulance - et, d'autre part, en annonçant la création, en lieu et place, d'une brigade de l'Etat qui n'a jamais vu le jour.
Certains imaginaient peut-être, comme l'a rappelé M. Unger, que la brigade sanitaire de la police, qui était composée de quatre ambulances et de dix-huit ambulanciers qualifiés, se convertirait dans cette fameuse brigade de l'Etat. Mais tout le monde savait, et en particulier le Conseil d'Etat, que cela ne serait pas le cas. Parce que les membres de la brigade sanitaire de la police avaient clairement dit qu'ils refuseraient d'abandonner leur fonction au sein de la police pour être repris dans une brigade sanitaire et de perdre leur statut de membre de la police.
Je veux bien croire que, comme l'a fait remarquer M. Rodrik, la mise en place de nouveaux services publics prend un peu de temps. Mais la moindre des choses était de mettre sur pied cette brigade sanitaire de l'Etat après la votation! Or, rien n'a été fait pour créer cette brigade, et ceci de manière délibérée. Il nous semble inadmissible que le Conseil d'Etat ne respecte pas cette loi!
Si Mme la rapporteuse sourit, je trouve pour ma part cette situation anormale. Nous avons essayé de trouver une solution qui n'était peut-être pas la meilleure pour créer cette brigade publique. En y incorporant le SIS, le schéma de la loi peut très bien être conservé. Mais nous avons surtout voulu que le Conseil d'Etat ait la décence de respecter la volonté de ce Grand Conseil. Je souhaite donc que ce projet de loi soit une nouvelle fois renvoyé en commission et que M. Unger vienne nous faire des propositions pour concrétiser la volonté du Grand Conseil!
Je terminerai par les mots très justes de M. Mouhanna: nous ne sommes pas dupes des motifs pour lesquels cette brigade sanitaire n'a pas été créée. Les tarifs de la brigade sanitaire de la police s'élevaient entre 90 et 150 francs. Or, comme nous nous y attendions, les tarifs actuels dépassent les 600 francs pour une course ! De tels tarifs sont inadmissibles ! Je me souviens que M. Daflon dénonçait ce racket il y a déjà vingt ans.
On se félicitait de posséder un service public qui prenne en charge les personnes accidentées à un tarif réduit. Mais l'on n'a, en fin de compte, nullement voulu créer une brigade sanitaire de l'Etat! On a simplement souhaité donner davantage de voyages à des ambulanciers privés, qui font effectivement d'excellentes affaires, tout en prétendant en même temps chercher des mesures pour...
Le président. Monsieur Grobet, vous parlez depuis neuf minutes.
M. Christian Grobet. ...réaliser des économies. Vous me permettrez de dire, cher Docteur, que c'est bien réussi !
Le président. J'ai bien écouté M. Grobet durant les neufs minutes qu'a duré son intervention. Le renvoi en commission ayant été demandé, les orateurs qui suivent jusqu'au vote du renvoi en commission sont priés de ne s'exprimer que sur ce sujet. S'ils ne souhaitent pas s'exprimer, je mets immédiatement aux voix le renvoi en commission. Comme je constate que MM. Glatz, Follonier et Rodrik ne souhaitent pas s'exprimer sur le renvoi en commission, je... (Protestations.)Les orateurs souhaitent s'exprimer à ce sujet ? Je cède donc la parole à M. Rodrik qui est prié de s'exprimer exclusivement sur le renvoi en commission.
M. Albert Rodrik (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, les raisons pour lesquelles M. Grobet a demandé le renvoi en commission ont leur validité. Ce n'est cependant pas par un renvoi en commission que l'on obtiendra ce qu'il cherche. Nous devons être informés, étape par étape, des efforts fournis par le gouvernement pour concrétiser ce qui a été approuvé par le peuple.
Je vous ai dit à quel point aussi bien le Conseil d'Etat que le Grand Conseil ont compliqué et défait le travail qui avait été préparé avec le projet de loi initial du Conseil d'Etat, lequel était le seul viable. Pour de multiples raisons, tant les députés de gauche que de droite ont refusé que ce projet se concrétise. Celui-ci appartient désormais au passé et il convient de l'oublier, y compris dans les rangs de la gauche!
On ne voulait pas, en pleine bagarre du RHUSO, donner la satisfaction de mettre sous toit ce projet de loi. Il faut se souvenir que cet élément a également contribué à l'échec dudit projet. Tout le travail ayant été accompli, il aurait pu être mis sous toit juste avant les élections de 97. Ce projet de loi du Conseil d'Etat - qui était le seul viable - ne s'est finalement pas réalisé, en raison de divers facteurs aussi bien à droite qu'à gauche, y compris d'une guerre civile entre deux conseillers d'Etat. Alors maintenant requiescat in pace,et oublions ce projet de loi !
M. Grobet a raison: la volonté populaire doit être respectée. Ce n'est cependant pas une mince affaire de créer un service public, comme il l'a lui-même reconnu. Je ne vois aucune raison de douter de la volonté de M. Unger quant à la création, dans le temps et avec les moyens nécessaires, de ce service. Ce n'est en tous cas pas par un renvoi de ce projet de loi en commission que nous l'obtiendrons!
Le président. Exclusivement sur le renvoi en commission, Monsieur Pagani !
M. Rémy Pagani (AdG). Il y a un volet de cette affaire que mon collègue Grobet n'a pas soulevé et qui justifie le renvoi en commission: nous allons nous retrouver dans la situation où nous ne savons pas quand nous allons rediscuter de cette affaire dans une commission du Grand Conseil. C'est pourquoi il serait utile peut-être d'avoir un rapport, un de plus, oral ou écrit, du Conseil d'Etat sur les difficultés de cette brigade sanitaire. Il y a, bien évidemment, la nécessité de respecter la loi, tout en faisant traîner les choses ou en justifiant, peut-être à juste raison, les difficultés de mettre sur pied cette brigade sanitaire publique.
Cela étant, je m'étonne qu'un certain nombre d'employés de l'aéroport, pour ne prendre qu'un seul exemple de notre administration, ont vu exploser cette dernière année les demandes d'intervention de l'ambulance de l'aéroport. A tel point que 14 personnes, qui étaient affectées... (L'orateur est interpellé.)Mais c'est sur le renvoi en commission ! C'est pour cela qu'il faut que l'on traite cette affaire le plus rapidement possible! Demain, il n'y aura même plus à traiter de ce problème puisque le service des pompiers ou le service d'ambulances de l'aéroport auront, si j'ose dire, accaparé l'ensemble des besoins. Et cette brigade sanitaire publique, que nous devons construire, n'aura plus de raison d'être! On dira à ce moment-là que l'aéroport dispose de 14 personnes, prend en charge plus de 4 000 interventions au cours de cette dernière année, ce qui montre l'explosion, alors qu'il y avait auparavant 400 interventions par année environ. On assistera à une nouvelle explosion pour l'année à venir, puisqu'ils sont en train de mettre en place maintenant une structure pour se doter d'une, voire de deux ambulances et couvrir l'ensemble du secteur. En plus de cela, pour se faire rembourser par les assurances et augmenter les bénéfices de l'aéroport...
Je maintiens que le renvoi en commission est nécessaire pour que nous ayons des éléments concrets et pour mettre en place, cette année encore, cette brigade sanitaire publique, qui soit là non pas comme élément de parade, mais pour contrôler de manière précise le coût du transport sanitaire. Je regrette de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que lorsqu'on est accidenté de la route et qu'il faut, en plus, sortir 600 F de sa poche... (L'orateur est interpellé.)Même 500 F ! Je trouve cela parfaitement inadmissible, surtout lorsqu'on est une personne âgée dans le besoin... (Brouhaha.)Attendez, je peux finir ? Je vous laisserai discuter ensuite ! Je trouve inadmissible, du point de vue de la population, que l'on se fasse du fric sur le dos des accidentés de la route!
Le président. Je mets aux voix le renvoi en commission.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée.
M. Philippe Glatz (PDC). Sans surprise, vous le comprendrez, le PDC vous incite à suivre les recommandations des commissaires et rejeter le projet de loi. En effet, M. Grobet a bien fait la démonstration qu'il était en retard d'une guerre, puisqu'il a parlé de l'étude de ce fameux projet de loi relatif à la qualité des transports sanitaires en citant M. Restellini. Il oublie que la commission de la santé a encore travaillé pendant une année sur ce fameux projet de loi. Il en est sorti un très bon projet de loi puisqu'il a été adopté par la majorité de ce parlement - l'immense majorité alors que l'Alternative détenait, elle, la majorité des voix. Par ailleurs, il a été approuvé ensuite par le peuple. C'est donc le peuple qui lui a donné toute sa légitimité. Et vous souhaiteriez aujourd'hui revenir en arrière, dans un esprit revanchard dont on ne peut comprendre le sens et la signification?
M. Mouhanna a dit que l'on aurait souhaité que la police soit cantonnée dans une activité de répression et que l'on ne souhaitait pas qu'elle puisse avoir une activité d'ambulancier. Il a mis en cause le fait qu'il a été offert à tous les ambulanciers de la police de conserver leur statut au sein de la brigade sanitaire cantonale. Il vous suffira, Monsieur Mouhanna, de reprendre le Mémorial, qui vous permettra d'attester que cette offre avait bien été faite à la police. S'il y a effectivement eu des difficultés par la suite pour mettre en place cette brigade sanitaire cantonale, c'est de par la défection de la police qui est respectable puisque les ambulanciers de la police avaient le choix d'intégrer ou non la brigade sanitaire cantonale. Nous respectons le choix qu'ils ont fait de vouloir rester dans le corps de police. Maintenant, il faut aussi se donner le temps de reconstituer cette brigade. Nous ne pouvons pas céder au fait qu'il y ait eu, à un moment donné, quelques défections pour renoncer à la mise en place du projet de loi initial tel qu'il a été voté par ce parlement, simplement sous prétexte que la formation des ambulanciers qui doivent remplacer ceux qui ont fait défection prendra du temps. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, il convient de continuer le travail sereinement pour la mise en place de cette brigade sanitaire cantonale, dont je rappelle qu'elle avait pour objectif de mieux coordonner, de mieux assurer la qualité de la prise en charge sur l'ensemble du territoire. Cela a été démontré à la suite, je le rappelle ici, de deux longues années de travail de plusieurs commissions de ce parlement. Je crois que nous pouvons faire confiance au Conseil d'Etat pour qu'il mette en place de manière sereine et sérieuse cette brigade sanitaire cantonale, qui est d'ailleurs déjà, pour la majeure partie, très efficiente, puisque nous ne notons pas de déficit de prise en charge sur notre territoire en matière d'ambulances.
M. Jacques Follonier (R). Ce projet de loi est un mauvais procès à l'encontre d'une décision populaire, qu'il n'est d'ailleurs pas étrange de voir émaner de l'Alliance de gauche et qui présente, je dois le dire, un fort relent de manoeuvre électorale.
La centralisation des départs pour les interventions d'urgence ne peut avoir que des effets bénéfiques puisqu'elle aura une diminution du temps d'intervention et forcément une augmentation du taux de réussite. Un seul principe doit fonctionner dans ce cas-là, c'est le principe de proximité. Qu'il soit d'ordre public ou d'ordre privé, cela n'a aucune importance. Pour y arriver, nous savons très bien qu'il faudra agir aussi bien sur les stratégies que sur la technologie. Sur la technologie, on nous l'a dit, le système DGPS est en cours de mise en place et je crois savoir que cela se fera dans quelque temps. Par contre, pour l'efficacité, le 144 devra prendre toute sa mesure et je compte sur le DASS pour diffuser de plus en plus ce numéro. Je tiens cependant à préciser, contrairement à ce qui est indiqué dans le rapport, que ce numéro ne devrait s'appliquer qu'aux appels urgents. Par ailleurs, force est de constater, dans les faits, que le temps d'intervention diminue actuellement, que les structures de la brigade sanitaire avancent sur de bonnes bases. Par conséquent, il n'est pas sensé de vouloir tout changer, alors que les résultats se font sentir maintenant dans le sens de la volonté populaire. Le groupe radical vous demande donc de bien vouloir rejeter ce projet de loi, par ailleurs fort inutile.
M. Souhail Mouhanna (AdG). J'entends réagir à ce que je viens d'entendre concernant la manoeuvre électorale. Je ne sais pas de quelles élections il s'agit, puisque la position que j'ai défendue tout à l'heure, que l'Alliance de gauche défend, est une position exprimée voici plus de trois ou quatre ans. Les discussions concernant justement la brigade sanitaire de la police de l'époque étaient sur le tapis. Par conséquent, les manoeuvres électorales et politiciennes, que l'on essaye de nous coller sur le dos, sont plutôt des manoeuvres de ceux qui le prétendent.
J'aimerais quand même dire la chose suivante. Ce qu'a relevé M. Glatz tout à l'heure confirme effectivement que la population a été trompée. M. Glatz a relevé tout à l'heure que l'on pourrait consulter le Mémorial du Grand Conseil pour y découvrir que le Grand Conseil a proposé aux ambulanciers de la police de conserver leur statut. C'est exactement ce qui avait été dit à la population pendant le débat sur le référendum. Nous avons toujours dénoncé cette manoeuvre-là! C'est une véritable manoeuvre pour tromper la population! Il n'a jamais été question que les policiers conservent leur statut. Lorsqu'on parle de statut, Monsieur Glatz, il s'agit du statut de policier! Vous venez juste de dire ensuite qu'ils ont préféré rester dans la police. C'est une contradiction qui prouve que même ceux qui ont essayé de tromper la population se trompent eux-mêmes dans le développement de leur argumentation.
J'aimerais également ajouter, les policiers ont dit à différentes reprises - j'ai lu les mémoriaux - qu'ils étaient tout à fait prêts à adhérer à cette brigade sanitaire publique à condition qu'ils ne soient pas obligés de quitter le corps de police. Pourquoi ne seraient-ils pas traités de la même manière que le Service d'incendie et de secours de la Ville de Genève, comme le service de sécurité de l'aéroport, dont les employés ont conservé leur statut ? A ceux-là, on n'a pas dit qu'ils devaient quitter la Ville de Genève ou l'aéroport! Aux policiers, on a dit qu'ils devaient partir! Ce qu'il y a évidemment derrière tout cela, c'est que l'on cherche à transformer la police en un instrument de répression alors que la police doit être selon nous, pour l'Alliance de gauche, proche des citoyens. Ce doit être une police républicaine et citoyenne! Une activité telle que l'activité des ambulanciers de la police montre bien que les policiers ne sont pas uniquement là pour taper sur les gens, comme leur hiérarchie et le pouvoir les envoient le faire! C'était une occasion pour démontrer que la police doit être proche de la population. Vous avez voulu qu'elle soit un instrument de répression. Nous le regrettons. Vous avez, avec ce rapport, apporté aujourd'hui la démonstration que ce qui était attendu de cette loi ne se réalise pas. C'est exactement ce que nous - nous! - avions prévu qui s'est réalisé aujourd'hui! La population a été trompée, nous le regrettons. Vous essayez aujourd'hui de faire croire que cette loi était véritablement la panacée pour résoudre les problèmes, alors que ces derniers n'ont fait que s'aggraver.
Le président. Nous avons encore trois orateurs inscrits, M. Grobet, M. Spielmann et M. Glatz. Le bureau a décidé de clôre ensuite la liste des orateurs.
M. Christian Grobet (AdG). Je ne voulais pas reprendre la parole, mais je n'accepte pas que M. Glatz vienne prétendre que nous agissons dans un esprit revanchard. Notre seul désir - je l'ai dit tout à l'heure, peut-être que le projet de loi n'est pas rédigé de manière adéquate - c'est que ce qui était prévu dans cette loi soit appliqué et soit respecté. Il semble du reste que ce soit également votre avis! Je me réjouis de l'entendre. Mais lorsque vous dites que cette brigade sanitaire doit être mise sur pied d'une manière sérieuse et dans la sérénité, je suis d'accord avec vous, mais vous me permettrez de dire que je ne sais pas si l'on s'entend sur le mot «sérénité». La loi a été votée et est entrée en vigueur il y a plus de deux ans. Je ne sais pas si le Conseil d'Etat a besoin d'une sérénité de deux ans - on verra ce que M. Unger nous dira tout à l'heure. Vous êtes plus dans les professions médicales que moi, mais je dirais que cette sérénité est un peu en train de s'apparenter à une somnolence, voyez-vous ! D'accord pour la sérénité, mais sortons de la somnolence et respectons simplement - je suis heureux de vous avoir entendus - la décision! La seule chose qui était sûre et certaine, pour les motifs que M. Mouhanna a expliqués, c'est que les agents de la police ne voulaient pas perdre leur statut, raison pour laquelle cette brigade, qui fonctionnait parfaitement bien, n'a pas été transférée. On peut le regretter. Mais vous avez fort bien déclaré que l'on ne pouvait pas obliger des gens à aller dans une autre entité, avec un autre statut, et que cela impliquait de chercher de nouveaux ambulanciers. Je sais qu'ils ne courrent pas les rues, que cela prend du temps de les former. Acheter des ambulances va plus vite. Entre parenthèse, je ne sais pas ce qui est advenu des quatre ambulances de la police... (L'orateur est interpellé.)A la poubelle ? Bon... J'espère, cher conseiller d'Etat... Enfin, je ne ferai pas de remarque... Je vous fais confiance et j'attends ce que vous allez nous dire maintenant !
Le président. La parole est à M. Jean Spielmann... il renonce. La liste des orateurs est close, Monsieur le conseiller d'Etat !
Une voix. Laissez le conseiller d'Etat s'exprimer !
M. Philippe Glatz (PDC). En deux mots je rendrai grâce à M. Grobet, puisqu'il nous dit et nous avoue maintenant que son principal souci est que cette brigade sanitaire cantonale soit mise en place et qu'il a rédigé un projet de loi de façon à stimuler, en quelque sorte, le gouvernement pour qu'il instaure cette brigade.
M. Mouhanna dit que la majorité de ce parlement avait cherché à tromper la population, parce qu'elle n'offrait pas le même statut aux policiers. En parlant de statut, il s'agissait bien de comprendre tout ce qui est rattaché à ce statut, c'est-à-dire les salaires, y compris les grades. Le problème était totalement différent. Il y avait le fait que les policiers souhaitaient rester rattachés à la hiérarchie policière. C'était parfaitement leur droit, ce n'était pas une question de statut. Il y a, dans la police, un esprit de corps extrêmement fort, qui est éminement respectable. Tous ceux d'entre nous qui avons participé à l'élaboration de ce projet de loi avions vivement souhaité que toutes ces compétences de la part des ambulanciers de la police puissent rejoindre le corps de la brigade sanitaire cantonale. Cela n'a malheureusement pas été le cas pour des questions de sentiment de rattachement et de sentiment de corps. Nous le regrettons, mais nous ne pouvons que le constater aujourd'hui.
Il s'agit à présent de mettre en place cette brigade sanitaire. Si votre projet de loi, Monsieur Grobet, avait pour objectif de stimuler le gouvernement, vous avez réussi, et il n'est pas nécessaire de le voter ce soir! C'est pourquoi nous allons refuser d'entrer en matière.
Le président. La parole est à M. le conseiller d'Etat Unger, qui ne l'a pas encore prise !
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Cela me fait plaisir d'être resté, car j'ai eu, un petit moment, peur de ne même pas pouvoir m'exprimer sur les sujets de mon département ! Vraiment un immense merci ! J'essayerai de ne pas être trop long.
Je veux toutefois vous rappeler ce que le député Rodrik a déjà dit avant moi. Un premier projet de loi du Conseil d'Etat, déposé en 1996, travaillé en 1996 et 1997 par la commission de la santé, était arrivé à un assez subtil équilibre. Pour des raisons qui tournent autour des années électorales, 1997 en était une, ce projet n'a pas été voté. Un nouveau parlement est entré fonction, c'est bien normal, et il s'est mis à l'ouvrage, l'ouvrage étant, comme pour toute nouvelle structure, de tout remettre en cause. Ce qui est au fond assez habituel, hélas, dans cette situation, puisque le projet de loi qui a abouti devant votre parlement a été querellé par voie de référendum, référendum qui n'a pas abouti à l'abrogation de cette loi, mais au contraire à sa promulgation. Depuis là, Mesdames et Messieurs les députés, il convenait de respecter la volonté populaire. Je ne reviendrai pas sur le transfert qui était possible, Monsieur Mouhanna, des ambulanciers de la police et dont j'ai regretté - j'ai eu l'occasion de vous dire à plusieurs reprises ce regret - qu'il n'ait pas eu lieu. Il s'agissait de 18 collaborateurs parfaitement performants, qui aimaient leur métier et qui, vous le savez bien, ont été obligés par une partie de leur hiérarchie à faire un choix qui n'était pas forcément celui qu'ils avaient envie de faire, et vous le savez aussi bien que moi, pour une bonne partie d'entre eux.
Que s'est-il passé depuis ? Il y a, et cela devrait rassurer l'Alliance de gauche, six ambulances publiques à l'heure actuelle. Elles ne sont pas toutes au SIS. Il y en a deux au service de sécurité de l'aéroport, deux au SIS, le cardiomobile aux Hôpitaux universitaires et l'hélicoptère. Vous me direz que l'hélicoptère est une ambulance un peu particulière, j'en conviens, mais c'en est une. Il y a donc bien six moyens publics de transporter des blessés. Et puis il y a des moyens privés, qui n'ont pas augmenté, puisque la répartition des courses qui ne sont plus assurées par la police, un peu plus de 2 500, se sont reportées tout naturellement sur l'ensemble des partenaires, puisque le principe qui prévalait dans le projet de loi accepté par le peuple était ce fameux principe de proximité, qui est le plus important en matière de vies sauvées ou d'épargne de longues souffrances ou de handicaps.
Alors que reste-t-il ? Tout n'est pas réglé, j'en conviens. Il reste le problème des tarifs. Le problème des tarifs est d'ailleurs assez singulier. Vous regrettez la police pour ses bas tarifs, mais c'étaient des bas tarifs qui auraient été remboursés intégralement par l'assurance-accident puisque, vous vous en souvenez, la police s'occupait essentiellement, pas exclusivement, mais essentiellement d'accidents sur la voie publique. Ainsi donc, à l'époque, la police faisait cadeau à l'assurance-accident de frais qui sont pris en charge dans les 25 autres cantons suisses... (L'orateur est interpellé.)Et oui ! Vous regrettez ces tarifs dans le cas de la maladie. Mais dans le cas de la maladie, la LAMal est en révision. Je suis d'ailleurs très surpris qu'aucun de nos parlementaires, que j'ai pourtant instruits à cet effet, n'ait parlé des tarifs ambulanciers dans le cadre de la LAMal. Pourquoi donc sont-ils remboursés de manière aussi faible, alors qu'un trajet en ambulance est presque toujours synonyme d'une hospitalisation ultérieure et donc d'une prise en charge forfaitaire? A l'heure actuelle, les tarifs ne sont remboursés qu'à la moitié du coût total et au maximum de 500 F par année, ceci pour des personnes qui, parfois légitimement, doivent être admises cinq ou six fois. Nous planchons au département, et avec les partenaires, sur un certain nombre de solutions qui seraient envisageables pour maîtriser les tarifs. Mais il ne faut pas confondre tarifs et coûts! Je tiens à vous dire à cet égard que vous pouvez examiner les tarifs des ambulances dans tous les cantons, et dans tous les cantons ces tarifs sont les mêmes. La manière dont les coûts sont assumés peuvent être parfois différents. Nous pourrons sans aucun doute, dès septembre, aboutir aux coûts réels d'un transport ambulancier et donc à un tarif légitime. Sur la base de ce tarif légitime, si votre parlement veut voter des subventions pour chacune des courses ambulancières afin d'en diminuer le prix pour les prestataires, il sera libre de le faire. Mais ne mettons pas en péril un projet de loi qui atteint tranquillement sa vitesse de croisière, avec des bénéfices extraordinaires pour la rapidité du sauvetage, la qualification des gens qui s'occupent du 144. Parce que l'on occulte le problème fondamental du tri par le 144, qui n'avait pas lieu avant. Et qui trahissait le fonctionnement de ceci ? vous le savez bien ! c'était le 117. Ce sont tous ces éléments-là qui ont fait que le peuple a pris cette décision, que nous respectons et que nous appliquons avec le plus de discernement possible, pour éviter les inconvénients que le projet retenu présentait par rapport à celui que votre parlement avait préféré... disons, retravailler.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 59 non contre 8 oui et 1 abstention.
Le président. Je vous propose de terminer rapidement par le point 21. Mme Jocelyne Haller avait proposé tout à l'heure un renvoi à la commission sociale. Mais comme nous n'avions pas lié ce point avec le projet de loi 8867, point 19, nous ne pouvions pas le faire. J'ouvre donc la discussion sur la motion 1497, dont le sujet est voisin.
Débat
Le président. La parole n'étant pas demandée, je renvoie cette motion...
Une voix. Si, la parole est demandée!
Le président. Madame Haller, vous avez de la peine à appuyer sur le bouton à temps. (Rires.)Allez-y !
Mme Jocelyne Haller (AdG). On pourrait dire que vous êtes taquin, Monsieur le président, mais j'ai été distraite !
Nous demandons, bien entendu, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales. Je souhaite vous communiquer quelques éléments à ce propos... (Protestations.)Mais je serai très rapide. Vous êtes déjà pressés ?
Une voix. Vas-y !
Mme Jocelyne Haller. On me dit d'y aller. (Protestations.)Attendez: soit j'y vais, soit je n'y vais pas, d'accord ? (Le président agite la cloche.)
Il semble que depuis quelques années nous nous soyons plus ou moins résignés, à Genève, au fait que nombre de personnes en attente de décisions d'administrations ou d'assurances sociales aient à pâtir des délais de traitement de leurs dossiers ou de la complexité de procédures, ce qui n'est pas sans effets sur leur situation financière. Or, pour tous ceux qui ne bénéficient pas de revenus ou d'une épargne qui leur permettent de faire face à un défaut de ressources, il ne reste que le recours à l'assistance publique ou la spirale de l'endettement. L'on retrouve parfois successivement l'une et l'autre, ou l'une pour sortir de l'autre - encore qu'il faille bien avouer que des ressources à hauteur du minimum vital constituent un bien piètre socle pour aborder un assainissement de situation.
Selon les chiffres que nous pouvons tirer des statistiques annuelles 2001 du secteur d'action sociale de l'hospice général, nous apprenons que, sur un nombre de 6307 dossiers financiers - ce qui représente 2,7% au regard de la population résidente - les avances sur assurances sociales, notamment, se décomposent comme suit dans les dossiers d'assistance: 32% pour les avances d'assurance-invalidité, 12% pour les indemnités de chômage et 3,2% pour les avances au CPA, soit un total de 47,2% des dossiers d'assistance.
Quoi qu'il en soit, ces chiffres sont alarmants à plus d'un titre: par leur ampleur tout d'abord mais, qui plus est, par les effets larvés qu'ils induisent sur la situation administrative et financière des usagers. Encore faut-il mesurer l'effet d'inflation et le détournement des besoins en agents de la fonction publique qu'ils génèrent. Aussi, nous considérons que les délais d'attente trop importants de l'AI et de l'OCPA ainsi que la complexification des procédures ou l'augmentation des obstacles administratifs constituent des dénis de droit. Nous nous inscrivons en faux contre les méandres d'une administration qui supposerait que le simple quidam ne puisse aborder des services publics sans être assisté par des professionnels. Nous estimons injuste et inadéquat que les usagers subissent des préjudices en raison de dysfonctionnements institutionnels et de l'insuffisance de moyens alloués aux services concernés.
C'est pourquoi nous invitons le Conseil d'Etat à veiller que les demandes d'allocations et de prestations d'assurances sociales soient traités avec diligence, à améliorer et renforcer la cohérence de la politique sociale cantonale, à définir et mettre en place dans les meilleurs délais un principe de revenu déterminant unique afin d'éviter toute redondance et, enfin, à assurer pour ce faire que des moyens en conséquence soient alloués aux services concernés.
A cette fin, nous vous recommandons, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer cette proposition de motion à la commission des affaires sociales afin qu'elle y soit traitée, si vous y consentez, en même temps que le projet de loi 8867 et la proposition de motion 1467.
J'espère avoir été suffisamment rapide.
Des voix. Mais oui!
Le président. Le projet de loi 8867 a déjà été renvoyé à la commission des affaires sociales; la proposition de motion 1467 sera pour sa part traitée au point 71. La parole n'étant plus demandée, je fais voter à main levée le renvoi de la motion 1497 à la commission des affaires sociales.
Mise aux voix, cette proposition de motion est renvoyée à la commission des affaires sociales.
Le président. Je vous remercie. Nous nous retrouvons demain à 14h.
La séance est levée à 23h10.