République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 29 novembre 2002 à 14h
55e législature - 2e année - 2e session - 8e séance -autres séances de la session
Le président. La séance est ouverte à 14 h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Robert Cramer, Micheline Spoerri et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf et Carlo Lamprecht, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne-Marie Von Arx-Vernon, Erica Deuber Ziegler, Philippe Glatz, Mariane Grobet-Wellner, Michel Halpérin, Dominique Hausser, André Hediger, David Hiler, Jacqueline Pla, Maria Roth-Bernasconi, Pierre Schifferli, Patrick Schmied, Ivan Slatkine, Alberto Velasco, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La loi 8848 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Premier débat
Le président. Madame Loly Bolay, si vous voulez parler, vous sortez de la salle, je vous remercie. (Protestations.)Je m'excuse, Mesdames et Messieurs, nous sommes télévisés, nous sommes dans une séance plénière du Grand Conseil et, même s'il n'y a que peu de députés, nous devons avoir une attitude digne vis-à-vis de chacun d'entre nous. Monsieur Matthey, vous avez la parole.
M. Blaise Matthey (L), rapporteur. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à mon rapport, mais j'aimerais signaler - et cela y figure d'ailleurs - que M. Fatio, président des Services industriels genevois, présentait le budget pour la dernière fois et qu'il a insisté sur la bonne nature de la collaboration qui s'étaient installée entre la commission de l'énergie et les Services industriels. Nous pouvons l'en remercier, entre autres.
La loi 8842 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Le président. Madame la conseillère d'Etat, vous voulez dire quelque chose ?
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Monsieur le président, je souhaite juste, au nom du Conseil d'Etat, remercier ce parlement. Le fait que vous ayez voté à l'unanimité ce projet de loi permettra aux Services industriels - dont la qualité du travail a été relevée par ailleurs - de connaître avant le mois de décembre les éléments nécessaires à l'élaboration de leur futur budget. Je crois que cela méritait d'être relevé et je vous remercie de la part du Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Avant de passer au point suivant de notre ordre du jour, je confirme pour M. le député Rodrik que j'ai fait renvoyer sans débat hier les quinze nouveaux projets de lois à la Fondation de valorisation, en énumérant la liste des numéros que portaient ces projets de lois.
Débat
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, c'est à l'unanimité des membres de la commission qu'a été voté le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Par celle-ci, l'association Convive se préoccupe de la problématique de la disparition de la petite faune dans notre canton, et elle y apporte des solutions simples et peu coûteuses.
En effet, une multitude de petits animaux, dont nous n'imaginons même pas la présence en milieu urbain, meurent parce que nous n'avons pas réfléchi aux impacts négatifs engendrés, par exemple, par la pose d'une grille d'égouts ou d'une bordure en béton infranchissables pour la petite faune. Souvent par méconnaissance, mais aussi parfois par désintérêt, des espèces se raréfient et finissent par disparaître. Certes, il est important de protéger les espèces menacées dans des pays lointains, mais, s'il vous plaît, pensez aussi aux espèces indigènes qui peuvent encore être sauvées et qui dépendent directement de nos agissements.
Je crois pouvoir dire que tous les commissaires ont été sensibles à la problématique soulevée dans cette pétition et intéressés par les solutions proposées par M. Loutan, président de Convive. Je vous invite donc à suivre la décision de vos commissaires et à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je voulais également souligner l'excellence de ce rapport, parce que les petits animaux sont innocents et ont besoin d'être protégés, et je voulais aussi remercier les inspecteurs cantonaux de la faune et les fonctionnaires du service qui ont accepté d'entrer en matière sur ce sujet et veulent en tenir compte. Je trouve important de le relever.
D'autre part, je pense qu'il faudra aussi transmettre l'information aux propriétaires privés de villas, qui souvent mettent des barrières jusqu'au sol, sans penser aux animaux qui pourraient passer dessous. Je trouve donc qu'il faudrait également passer l'information en dehors des chantiers publics.
M. Alain Etienne (S). La protection de la petite faune, des parcs et des jardins, est effectivement une préoccupation importante. Cette pétition est là pour nous rappeler que, souvent, il suffit de peu de chose pour faire changer les habitudes. L'association Convive l'a bien démontré lors de son audition. Des solutions existent, il suffit de les mettre en oeuvre.
Je constate que, souvent, pour tout ce qui touche à la construction et au béton, les connaissances sont pointues. Par contre, pour tout ce qui touche au bon fonctionnement de notre écosystème naturel, les techniques sont moins connues et moins prises en compte, quand bien même les prescriptions existent au niveau fédéral. Le parti socialiste formule donc l'espoir que cette pétition fasse avancer rapidement les choses et que les idées évoquées débouchent sur du concret.
M. Gabriel Barrillier (R). Tout ce qui est petit est digne de protection. Le parti radical soutient évidemment les conclusions de la commission. Quand je lis, par exemple, qu'il faut intégrer les aspects faunistiques dans les directives de construction, ou encore que les commissaires sont persuadés de l'importance d'apporter rapidement des changements dans les formulaires de demande de construction, je pense que cela est tout à fait logique et compréhensible, mais je demanderai à l'administration qui sera chargée de modifier les demandes d'autorisation et les formulaires y relatifs d'être pragmatique ! Il faudra solliciter l'avis de ceux qui sont particulièrement intéressés par la protection des musaraignes, par exemple, mais également celui des professionnels de la construction, pour qu'on trouve des solutions praticables, qui ne rallongent pas les délais de construction.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je voulais encore remercier, pour ses travaux, cette commission qui, unanimement, a fait cette proposition, rassurer M. Barrillier et dire, de la part de mon collègue Robert Cramer, que tout sera fait pour la mise en oeuvre nuancée de cette pétition.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition au Conseil d'Etat) sont adoptées.
Premier débat
M. Jean-Michel Gros (L), rapporteur. Juste un mot pour excuser ce manquement de ma part qui a fait sauter une page sur la première version de ce rapport, c'est entièrement de ma faute. Mes connaissances en informatique n'atteignent pas le niveau requis, à mon avis. Cela n'est en tout cas pas de la faute du service du Grand Conseil, et au contraire, je tiens à remercier les membres du service pour le correctif qu'ils ont très rapidement apporté.
Ceci dit, vous avez remarqué que la page 4 confirme que l'unanimité de la commission a été rassemblée autour de ce projet.
La loi 8758 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Débat
M. Antoine Droin (S), rapporteur. D'abord une petite rectification de détail - mais peut-être pas pour la personne citée - en page 2 du rapport, où il s'agit de M. Bernard Gut, et non Serge Gut. Je vous prie de m'en excuser.
Monsieur le président, la commission des droits de l'Homme a décidé de traiter la question des sans-papiers dans son ensemble, raison pour laquelle les deux motions renvoyées en commission ont été traitées simultanément et, pour une grande partie, sans distinction, tant il est vrai que cette question est délicate et compliquée à décrypter.
Au travers des auditions, la commission a constaté que les migrations sont en fait la résultante d'un mal pour un grand nombre de personnes, qui sont obligées de quitter pour une raison X ou Y leur lieu de vie habituel. J'insiste sur le fait que nous n'avons pas à juger en l'état le bien-fondé ou non de la migration de ces personnes. Comment en juger, d'ailleurs, puisque notre regard est à l'évidence ethnocentrique ? Si à ce jour les flux migratoires sont importants, il est évident que dans les décennies à venir les migrations seront encore plus importantes. N'oublions pas, cependant, que 70% des migrations actuelles se font dans les pays défavorisés.
En ce qui concerne les deux motions: la première, celle de l'Alternative, est la plus généreuse. Elle demande un traitement des sans-papiers d'une manière collective, en introduisant la notion de suspension des expulsions et une intégration dans le monde du travail. La seconde, émanant de l'Entente, souhaite la poursuite des examens au cas par cas.
En ce sens, la commission a constaté, au travers des auditions, que pour la motion 1432 une réglementation collective n'était envisageable qu'au regard d'une réflexion et, au-delà, d'une mise en application qui tienne compte de l'aspect économique, sous-entendu l'accès au travail.
La motion 1434, quant à elle, enfonce en quelque sorte une porte ouverte, puisqu'elle ne fait que confirmer ce qui est actuellement en vigueur et qui correspond à l'application des lois avec plus ou moins de bienveillance.
A ce stade, il est primordial de clarifier certaines terminologies couramment utilisées dans la dénomination des sans-papiers. En effet, tout un chacun utilise différents termes plus ou moins - voire pas - appropriés: clandestin, migrant, requérant, étranger, etc. Il est important de constater que les droits de l'homme sont dans une logique d'égalité. Tout être humain a droit, etc., etc. L'humanitaire, lui, rentre dans une logique d'assistance et de pitié. Les clandestins, eux, sont des personnes non identifiées par les autorités. En ce sens, leur nombre est difficile à établir. Pour cette catégorie, les décisions de renvoi sont liées à un refus d'autorisation de séjour, suite à une décision juridique et/ou administrative. Les requérants d'asile sont, eux, des réfugiés qui le plus souvent sont déboutés et pour qui il est indispensable de trouver des solutions. C'est vers eux que s'adresse un moratoire. Mais il est intéressant de constater que pour les deux catégories évoquées, nous pouvons trouver des personnes qui ont ou qui n'ont pas de papiers. La question qui se pose est plutôt de savoir si elles peuvent ou non les utiliser, pour différentes raisons.
En ce qui concerne la régularisation collective, il est apparu à la commission qu'en fait cela n'était qu'une solution à court terme. Des expériences, notamment en Italie et au Portugal, ont été menées au travers d'une double réflexion liant migration et travail. Le revers de la médaille réside dans le fait que ces régularisations ont malgré tout appelé d'autres régularisations, et que les solutions à long terme ne sont pas encore établies.
Enfin, à Genève, la commission des droits de l'Homme constate que les cantons ont une marge de manoeuvre extrêmement limitée. C'est le droit fédéral qui prédomine, bien que les critères d'acceptation aient été élargis pour la prise en considération des demandes. Les analyses ne portent plus uniquement sur la durée, mais bien sur la capacité à s'intégrer, même si le séjour est court. On ne peut pas admettre que cela soit une réussite, pour que seulement 152 cas soient régularisés depuis le début d'année, sur une estimation de cinq à dix mille personnes, les préavis cantonaux étant pour le moins peu suivis. En fait, la vraie question réside dans le fait de savoir si l'on donne une réelle chance aux migrants de pouvoir s'intégrer, si on les empêche de travailler. Ne s'agit-il pas plutôt d'une vraie hypocrisie de notre part ?
Pour terminer, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la commission vous demande de renvoyer la motion 1432 à la commission de l'économie, plus à même d'étudier la double question de la régularisation collective et de l'emploi, sans oublier une interpellation au niveau fédéral sur cette problématique.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je suis ici le porte-parole de notre collègue, Mme Maria Roth-Bernasconi. Le phénomène des sans-papiers existe depuis de nombreuses années. C'est une conséquence directe de la politique migratoire menée par la Confédération, et plus particulièrement de la mise en place du permis saisonnier. L'examen au cas par cas n'a jusqu'à aujourd'hui pas mené à l'éradication du problème. Nous sommes aujourd'hui face à des milliers de personnes qui travaillent dans notre pays, cotisent aux assurances sociales, mais n'ont aucun droit. Nous ne pouvons fermer les yeux devant le fait que de nombreuses entreprises, mais aussi des ménages privés ont besoin d'une main-d'oeuvre pas ou peu qualifiée. Le fait que la très grande partie des sans-papiers travaille montre que vivent ici des personnes dont l'économie a besoin.
La commission des Droits humains a été amenée à examiner les deux motions à ce sujet sous l'angle des droits fondamentaux. Ce n'est pas la politique d'immigration qui viole le droit humain, dans la mesure où il est admis à ce jour que les Etats ont le droit de réglementer l'immigration. En revanche, du moment où des personnes en situation irrégulière n'ont pas accès à l'un des droits humains, la commission a le droit, voire le devoir, d'agir. Si l'exposé des motifs de la motion 1432 parle bien de pratiques discriminatoires de la Suisse, contraires à la Déclaration universelle des Droits de l'Homme du 10 décembre 1948, de la condamnation par la Commission européenne du racisme et de l'intolérance, de la condamnation par le Comité de l'ONU de la discrimination raciale, il n'étaye pas ces propos. L'exposé des motifs est fondé sur des affirmations de principe. La commission n'a pas pu clarifier de quelles violations il s'agissait réellement. L'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme dit que toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. Ceci n'est qu'une résolution sans portée obligatoire. Le pacte sur les droits civils et politiques est plus directement juridique à son article 12: quiconque se trouve légalement sur un territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement sa résidence.
Les instruments internationaux font donc la différence entre séjour légal et séjour illégal. La libre circulation des personnes sur toute la Terre n'est à ce jour pas un droit humain accepté par la communauté internationale ou la Suisse. On peut le déplorer, mais on ne peut pas parler de violation des droits humains. Par contre, on peut conclure que la politique d'immigration est de la compétence de chaque Etat, et qu'en Suisse c'est la Confédération qui définit les lignes de cette politique. En tant que telle, cette politique n'est pas contraire aux droits humains.
Par rapport aux demandes formulées par les motionnaires, nous n'avons pas la compétence d'inviter le Conseil d'Etat à suspendre les expulsions, étant donné que le droit fédéral s'y oppose.
Le groupe socialiste est d'accord de renvoyer cette motion à la commission économique pour que celle-ci puisse trouver une solution à la problématique des travailleurs et travailleuses en situation irrégulière à Genève. Des démarches sont en cours pour éventuellement fonder une association patronale pour les ménages qui ont besoin de personnel. Il ne s'agit pas seulement de femmes de ménage, mais également de personnes qui pourraient s'occuper de personnes âgées. Nous invitons la commission de l'économie à creuser ce sujet et à trouver des solutions, afin que des personnes qui sont depuis bien longtemps à Genève, qui y ont un travail et de ce fait sont bien intégrées, puissent rester ici. Cela permettrait également de mieux contrôler un marché qui aujourd'hui n'est soumis à aucune loi ou réglementation, et qui permet de ce fait un dumping salarial indigne d'un canton riche. Nous vous invitons donc vivement à renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
En ce qui concerne la motion 1434, la commission constate avec raison qu'elle est effectivement compétente pour reconnaître les problèmes évoqués. Ceux-ci relèvent indiscutablement du respect de la liberté individuelle, du respect des procédures en matière d'interpellation et d'expulsion, notamment en regard de l'article 13 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. Sachant que le Conseil d'Etat souhaite poursuivre sa politique d'examen cas par cas et qu'il a mis en place une politique visant à assurer le respect de la dignité des personnes concernées si leur situation ne peut pas être régularisée, le groupe socialiste est d'accord de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat, pour qu'il fasse un rapport sur la situation actuelle et qu'il veille au respect des droits de ces gens qui nous rendent réellement service.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Les sans-papiers, c'est une réalité de notre société également à Genève - on peut le constater tous les jours - et la commission qui a travaillé sur ce sujet l'a bien relevé.
La solution au cas par cas préconisée actuellement n'amène malheureusement que très peu de résultats, car ce n'est pas une solution au phénomène en soi. Ceci est particulièrement vrai pour ceux qui travaillent depuis fort longtemps ici à Genève ou en Suisse, et à qui il ne manque qu'une seule chose: une autorisation de travail. Il est peut-être insuffisamment souligné à quel point la politique d'immigration actuelle, celle dite des trois cercles et devenue celle des deux cercles, a exclu du marché du travail les ressortissants de l'ex-Yougoslavie et de la Turquie, en traitant ces régions de zones non traditionnelles de recrutement de la main-d'oeuvre étrangère, comme il est dit de façon barbare dans l'ordonnance.
D'une manière artificielle, à partir de 1991, des milliers, voire des dizaines de milliers de travailleurs, anciens saisonniers, ont été exclus du marché du travail. On sait qu'à ce moment-là, certains sont devenus des travailleurs sans autorisation de travail, d'autres des requérants d'asile, mais que ces gens sont maintenant retournés dans leur pays.
La réalité des sans-papiers, c'est une très grande hypocrisie à laquelle nous sommes confrontés tous les jours. Je vais essayer de l'illustrer par un exemple: il y a peu de temps, dans un grand palace de Genève, une réception officielle a été organisée pour une personnalité étrangère très importante. Tous ceux qui portent un nom à Genève - les responsables politiques - étaient présents pour accueillir cette personnalité. Or il y avait à ce moment-là, dans ce palace, une quarantaine de personnes sans autorisation de travail, qui contribuaient à la bonne réussite de la réception. Où que l'on regarde, dans les différents secteurs de l'économie, on est confronté à ce problème. Il y a par ailleurs passablement d'employeurs qui souhaiteraient aussi la régularisation de la situation de leurs employés. Ceux qui emploient des travailleurs au noir ne sont pas tous des négriers, même si cela existe aussi dans cette République.
Les solutions préconisées actuellement sont donc totalement insuffisantes. Au niveau de la Confédération, le 12 décembre prochain aura lieu pour la première fois une table ronde organisée par des parlementaires de presque tous les partis politiques, avec les églises, les syndicats, les associations patronales, le mouvement de défense des sans-papiers. Et même si le climat est rude actuellement en Suisse, il faut qu'on réfléchisse ensemble, au niveau de Genève également, pour trouver d'autres solutions que celles qui sont proposées actuellement.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer le rapport M 1432-A à la commission de l'économie est adoptée.
Mise aux voix, la motion 1434 est adoptée.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, permettez-moi de saisir cette occasion pour vous rappeler ce qui probablement a été évoqué pendant vos travaux à la commission des droits de l'Homme, mais qui mérite d'être relevé aujourd'hui en matière de politique du département de justice et police: tout d'abord, l'obligation que nous avons faite au sein du département pour la police d'annoncer toute interpellation de clandestin à l'office cantonal de la population; puis la pratique de l'examen des situations au cas par cas qui, à mon sens, est la seule réaliste même si elle appelle de notre part un travail extrêmement important; la présentation des cas de détresse grave aux autorités fédérales concernées - seule autorité compétente en la matière, comme l'a rappelé M. Droin - en vue de régulariser certains séjours; le renvoi des personnes en situation illégale dont le séjour ne peut être régularisé, avec une fixation de délai de départ selon la situation familiale et la longueur du séjour en Suisse; enfin - et ceci, nous l'avons mis en vigueur après certains événements que nous avons connus au début de l'année - lorsque des enfants sont concernés, une prise de contact et un lien avec le département de l'instruction publique sont instaurés pour voir s'il y a scolarisation, et la fixation du délai de départ tient compte de l'avancement de l'enfant dans son parcours scolaire.
Voilà, Mesdames et Messieurs. Pour le reste, je salue la volonté de la commission d'aller devant la commission des droits politiques. En réalité, le département essaie depuis longtemps de faire comprendre à Berne qu'il serait absolument indispensable d'entrer en matière sur la migration extra-européenne peu qualifiée, et j'espère que le travail de la commission de l'économie - qui ira sans doute dans ce sens-là - donnera un peu plus de poids à nos démarches auprès de Berne. Pour le reste, je remercie la commission.
Préconsultation
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, nous nous demandons souvent à quoi sert l'art conceptuel et l'art moderne, et il est vrai que ces questions peuvent parfois paraître obscures. Simplement, nous sommes ici dans une enceinte où nous édictons la norme et disons ce qui soit se faire. Les artistes conceptuels ont aujourd'hui la tâche dans notre société de nous permettre de nous interroger sur cette norme.
Le Mamco est un musée de renommée internationale, avec une politique d'achat d'oeuvres significatives au niveau de l'art moderne et contemporain à Genève. Son système de fonctionnement a été repris par différents musées. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à faire bon accueil à ce projet de loi et à le renvoyer à la commission des finances.
M. Albert Rodrik (S). Le dépôt de ce projet de loi du Conseil d'Etat est un moment important de ce que j'avais appelé un jour ici «la politique du faire ensemble». C'est en effet excessivement réjouissant que l'Etat vienne compléter l'oeuvre de la ville en matière culturelle, de cette façon et pour des aspects bien précis.
Par ailleurs, c'est également un exemple de la collaboration qui peut s'instaurer entre les collectivités publiques et des donateurs privés. Cette situation, en dépit de certains engagements aujourd'hui périmés - selon lesquels à Genève on ne pouvait mettre à disposition de l'art contemporain que des locaux et des fluides - montre bien l'importance que nous accordons, en tant que collectivité genevoise, au fait que l'on doive assurer la pérennité dans nos murs d'un musée consacré à l'art moderne et contemporain, à l'instar de ce qui se fait dans toutes les grandes villes du monde, d'Europe, et dans certaines grandes villes de notre pays.
Au-delà de cette affaire, on peut espérer que ce projet de loi soit prémonitoire et pionnier pour d'autres formes de collaboration, sur d'autres thèmes, ou encore dans le thème de la culture avec d'autres partenaires tels que les autres communes et notamment les plus grandes d'entre elles. Je salue, au nom du groupe socialiste, l'arrivée de ce projet de loi, comme concrétisation de cette volonté d'avenir du faire ensemble.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC accueille avec une certaine réserve ce projet de loi. Son avis dépendra surtout de l'état de santé des finances cantonales. Nous rappelons simplement que le crédit de fonctionnement qui nous est proposé représente 50 F par entrée au musée, et nous nous demandons si ce musée n'a pas une importance régionale et donc s'il ne faudrait pas envisager un subventionnement régional pour les projets qui peuvent être faits dans les structures existantes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'essaierai de ne pas être trop long, mais il m'apparaît tout de même important que votre Conseil soit saisi de ce projet qui entend donner une vie au long cours à un musée d'art moderne dont une ville comme la nôtre, internationale, cosmopolite, la plus petite des grandes capitales dit-on, ne peut désormais se passer. J'en veux pour preuve que le Mamco est né en 1994, en pleine crise des finances publiques, et à l'initiative de milieux privés, dont il est tout de même bon de rappeler ici qu'ils ont versé entre 1994 et 2002 plus de 17 millions de leurs propres poches. Bien entendu, l'acquisition - le député Bavarel l'a dit - d'un certain nombre d'oeuvres, qui valent un certain prix, nécessite l'intervention de l'Etat, de même que le maintien et le développement du capital des oeuvres que doit comprendre un musée d'art moderne.
J'aimerais en outre signaler que ce musée, de manière parfaitement pilote et intelligente, a développé en collaboration avec le département de l'instruction publique une sensibilisation des classes à l'art moderne et que pour cela le département de l'instruction publique verse d'ores et déjà 250 000 F par année.
Pour les quelques-uns d'entre vous qui pourraient avoir des doutes, il n'est pas de meilleur moyen que de se rendre sur place et cela, Monsieur Catelain, après avoir pris contact avec le directeur de ce musée, un homme admirable, qui s'investit quinze à dix-huit heures par jour pour faire vivre cette oeuvre - car le musée est en lui-même une oeuvre - qui vous accompagnera, qui vous explicitera et qui vous montrera l'importance de ne pas rester en rade dans ce domaine.
Deux mots encore pour remercier le député Rodrik qui souligne à quel point la façon moderne de faire - et heureusement qu'on le fait dans les musées d'art moderne, peut-être le fera-t-on même un jour dans le domaine des CASS - c'est celle du faire ensemble, pour que chacun ajoute, à sa capacité et à sa compétence, celles de ses voisins. C'est les structures dites subsidiaires, et en tout cas complémentaires.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Premier débat
Le président. Le rapport est de Mme Loly Bolay, que nous nous réjouissons de voir avec son sourire habituel. Madame la rapporteuse, avez-vous quelque chose à rajouter ?
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Non, Monsieur le président, je n'ai rien à ajouter à mon rapport.
Le président. Merci, Madame la rapporteuse. La parole n'étant pas demandée, nous passons au vote.
La loi 8738 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Préconsultation
M. Gilbert Catelain (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas m'étendre longuement sur le motif de ce projet de loi. Il fait suite à une interpellation urgente dans le cadre du deuxième «anniversaire» de la catastrophe qui s'est déroulée à Gondo et qui a touché une population qui s'est déjà beaucoup investie. Je rappelle que les 50% des habitants de la commune n'ont pas pu regagner leurs logements, qu'une partie des nouveaux logements est encore en construction. Ce projet rentre dans le cadre des droits de l'homme qu'on citait tout à l'heure, selon quoi chacun a le droit de revenir vivre dans son pays et donc, dans le cas présent, sur la commune de Gondo.
C'est donc un geste de solidarité, à mettre en parallèle avec les festivités du 400e anniversaire de l'Escalade. Je vous serais reconnaissant si ce projet de loi pouvait être accepté cette année.
Le président. Merci Monsieur le député, j'en déduis que vous souhaitez la discussion immédiate. La parole est à Mme la députée Anita Cuénod.
Mme Anita Cuénod (AdG). Ce qui n'apparaît pas dans l'exposé des motifs et que je ne vous ai pas entendu dire, Monsieur Catelain, alors que cela peut paraître absurde pour un député qui sait que Gondo a reçu énormément d'aide, c'est la raison pour laquelle vous vous préoccupez de Gondo maintenant, alors que vous auriez pu peut-être vous préoccuper aussi de Lully, de Schlanz, et d'autres endroits.
Je crois que ce qu'il ne faut pas oublier de dire, c'est que ce n'est pas exactement la collectivité de Gondo qui a racheté la tour Stockalper, mais bien une fondation, et qu'à la tête de cette fondation se trouve l'ex-conseiller fédéral Adolf Ogi.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je ne veux pas entrer dans un débat politique. Il y a effectivement une fondation qui va gérer cette tour, mais il y a deux projets à Gondo. Un premier a été pris en charge par cette petite commune, il s'agit du rachat des murs de cette tour, qui est un bâtiment historique de la commune et que les propriétaires ont vendu relativement cher, d'ailleurs. Par ailleurs, la Chaîne du Bonheur a fait certaines promesses il y a deux ans, mais elle a du mal à les concrétiser. J'ai pu discuter avec le conseil municipal de cette commune et ses membres demandent qu'on les aide à avancer dans leurs projets, car sans la réalisation de ces deux projets d'importance, l'avenir de cette commune est relativement condamné.
Pourquoi cette commune plutôt qu'une autre ? C'est une commune excentrique, totalement isolée du reste du canton du Valais, elle est plus proche de l'Italie que du Valais, et n'a pas, comme d'autres communes, une capacité économique qui lui permettrait de vivre d'elle-même, elle ne peut développer de tourisme étant donné sa localisation géographique.
C'est tout ce que je peux dire par rapport à ce projet de loi.
M. Antoine Droin (S). Je demande d'ores et déjà le renvoi à la commission des finances.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, on peut discuter à l'infini pour savoir quel type d'acte il faut faire, à quel moment et pour quel montant. Ce projet est limité à une commune, qui a vécu un sinistre comme peu de communes en Suisse en ont connu ces dernières années. On peut, bien entendu, renvoyer ce projet à la commission des finances. J'observerai tout de même que notre République qui va faire une fête de 400e pourrait, dans un souci d'élégance, faire un acte solidaire en même temps que celle-ci plutôt que de manière différée. Ce n'est évidemment pas au Conseil d'Etat de suggérer une discussion immédiate, mais sachez en tout cas que le Conseil d'Etat n'y est pas opposé, et que si votre Conseil devait en décider ainsi, j'ai même trouvé la rubrique à laquelle nous pourrions imputer ce montant - il s'agirait du fonds des droits des pauvres - et que le cas échéant, je me chargerais de déposer un amendement pour que tout le monde ait la visibilité du financement que nous proposerons.
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat, voulez-vous bien formuler immédiatement votre amendement, car je dois faire voter, selon l'article 130 alinéa 2, la discussion immédiate avant le renvoi en commission. D'habitude, en préconsultation, le Conseil d'Etat parle en dernier. Il y a effectivement une personne par groupe qui a droit à la parole, il reste MM. Blanc et Gros. Nous sommes toujours en préconsultation. Ensuite, seuls les Verts et les radicaux pourront encore parler et nous passerons au vote sur la discussion immédiate.
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, je pensais qu'on était déjà en premier débat, puisque vous avez donné deux fois la parole à M. Catelain, alors qu'on était en fait en préconsultation...
Le président. Je l'ai fait parce qu'il y avait une question précise, c'était pour faire avancer la discussion. Je m'en suis tout de suite aperçu, je vous remercie aussi de le faire, mais je pense que cela a permis à M. Catelain de répondre immédiatement à la question posée intelligemment par Mme Cuénod.
M. Claude Blanc. Dans ces conditions, Monsieur le président, je demanderai aussi la discussion immédiate et le vote immédiat de ce projet de loi, conformément à la proposition du Conseil d'Etat.
M. Jean-Michel Gros (L). Chacun a évidemment beaucoup de sympathie pour la commune de Gondo et pour ce qu'elle a vécu il y a deux ans. Cependant, nous nous trouvons dans un cas de figure assez original: si le Conseil d'Etat nous demande un crédit d'urgence pour aider telle ou telle commune, et qu'il a pris les renseignements nécessaires pour savoir quels sont les besoins spécifiques de telle commune sinistrée, je ne vois aucun inconvénient à la discussion immédiate. Mais si nous entrons dans le jeu - et je répète qu'a priori, j'ai de la sympathie pour la commune de Gondo ! - si dorénavant chaque député rencontre ici le président, ici le syndic, ici le maire ou le bourgmestre d'une commune qui lui évoque ses besoins, et si ce député vient déposer un projet nous demandant telle ou telle somme, et que nous le votons en discussion immédiate, je trouve que ça n'est pas un travail sérieux.
Je soutiens le renvoi en commission des finances, et souhaite vivement que celle-ci s'en saisisse rapidement, qu'elle fasse un rapport bref et circonstancié sur les réels besoins de cette commune.
Le président. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix la proposition de discussion immédiate par vote électronique. Si elle est refusée, le projet de loi sera automatiquement renvoyé à la commission des finances.
Mise aux voix, cette proposition est rejetée par 27 non contre 22 oui et 5 abstentions.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Préconsultation
M. Christian Brunier (S). Lors d'une rencontre avec des petits commerçants, nous nous sommes rendu compte que la taxe d'encouragement au tourisme empoisonnait les PME et les petits commerçants. C'est une taxe qui est peut-être peu élevée pour certains, mais néanmoins ce sont souvent les 1000 à 3000 F de trop pour un petit commerçant ou pour une petite entreprise.
Nous nous sommes donc intéressés à cette taxe pour mieux comprendre ce qui se passait. Nous avons vu que, dans les grandes lignes, cette loi pouvait tenir la route puisqu'on taxait plutôt les activités et les zones géographiques qui bénéficiaient du tourisme, et que le reste de la taxe était géré par voie réglementaire. (Brouhaha.)En essayant de comprendre ce qui se passait dans les règlements... (Le président agite la cloche.)...nous avons constaté, premièrement, peu de transparence. Par exemple, nous avons eu pas mal de peine à définir quelles étaient les zones de taxations, ce qui démontre que la transparence de l'Etat n'est pas encore réelle malgré les lois que nous avons votées. Si nous n'avions pas une collaboratrice parlementaire un peu têtue, je ne suis pas sûr qu'on aurait obtenu cette information. Nous avons donc décidé en premier lieu de modifier la loi pour rendre les choses plus transparentes, c'est pourquoi dans notre projet de loi nous proposons tout un arsenal de mesures, afin de rendre transparentes les modifications de zone ainsi que les taxations par activité économique. En effet, certaines activités sont plus taxées que d'autres. Or, là aussi, on pense qu'il y a peu de transparence concernant les motifs et niveaux de taxation des différentes activités. Nous demandons donc un certain nombre d'actes parlementaires et de publications dans la Feuille d'avis afin de rendre les choses plus transparentes.
Nous avons vu ensuite des choses qui nous ont encore plus dérangés: dans les zones géographiques soi-disant plus bénéficiaires du tourisme que d'autres, il y a des choses très étonnantes. Par exemple, si vous avez un commerce à l'intérieur des Pâquis, vous êtes forcément en zone A, la zone la plus taxée, alors que sur l'autre rive, aux Eaux-Vives, zone qui bénéficie également du tourisme, vous voyez que les quais sont en zone A, mais que les rues adjacentes sont soumises à une tarification beaucoup plus souple. On comprend mal pourquoi.
Plus inquiétant encore: si nous regardons la zone A autour de l'aéroport - le Conseil d'Etat considère que cette zone bénéficie du tourisme et je crois que nous sommes tous d'accord pour le dire - nous constatons avec étonnement que cette zone s'arrête à la limite de certains hôtels, et que certains hôtels qui sont dans cette zone échappent à la taxe.
Chose plus inquiétante et qui correspond à tout un registre de notre projet de loi: les calculs que nous avons faits par rapport à l'activité et à la zone. Un petit commerce est taxé de 1000 à 3000 F par année, alors que la grande surface commerciale dans le même secteur, peut-être même dans la même activité économique, plafonne à 5000 F, puisque telle avait été la décision du législateur à l'époque. Il est très facile de voir que c'est une petite taxe qui devient vite insupportable pour les tout petits, et une toute petite taxe pour les grandes surfaces et les grosses entreprises, puisqu'elle plafonne à 5000 F.
Notre projet de loi demande donc un déplafonnement, solidaire je dirais - on a dit 20 000 F, ça peut être plus ou moins - à ajuster en fonction du calcul économique, puisque nous voulons que cette taxe entre dans une neutralité fiscale. Nous aimerions que cette taxe un peu plus forte pour les grands commerces et entreprises puisse bénéficier aux plus petits, c'est pourquoi nous demandons l'exonération des entreprises et commerces ayant moins de quatre employés.
Pour conclure, nous pensons tout simplement, à travers ce projet de loi, donner plus de justice fiscale, comme je vous le disais, en faisant bénéficier les plus petits et en demandant un tout petit peu plus de solidarité aux grands, et nous demandons beaucoup plus de transparence. Je pense que sur ces deux axes nous devrions trouver une grande majorité de ce parlement, voire l'unanimité. Je vous demande juste de mettre en adéquation les théories que vous émettez tous dans vos programmes politiques avec vos actes. Merci d'avance.
Mme Stéphanie Ruegsegger (PDC). Il est clair que la taxe tourisme est mal perçue par les commerçants, par l'ensemble des commerçants. Le règlement qui régit cette taxe est peut-être un peu obscur et mal compris par la plupart des gens. Ne serait-ce que pour cela, il y a un intérêt à examiner ce projet de loi, bien que je ne sois pas certaine que ce projet de loi soit beaucoup plus clair.
Sur le fond, je ne suis pas totalement persuadée que d'augmenter à 20 000 F la taxe tourisme pour certains commerces soit de nature à faire disparaître le malaise que les commerçants ressentent à payer cette taxe. Au contraire, je pense que certains considèreront que cette taxe est encore plus injuste avec le projet de loi socialiste qu'aujourd'hui. De plus, je m'étonne que le parti socialiste nous demande aujourd'hui de diminuer cette taxe puisqu'il y a quelques années, avec les autres partis de gauche, il avait fait un véritable chantage pour augmenter cette taxe tourisme afin de financer la Halle 6. Hier ils demandaient une augmentation massive, aujourd'hui ils nous disent vouloir la diminuer, en tout cas pour les petits commerces. Ils oublient de dire qu'ils l'augmentent massivement pour d'autres commerces.
Venons-en à la défense des petits commerces: je suis absolument ravie d'entendre que le groupe socialiste défend le petit commerce ! Je me réjouis de les voir faire lorsqu'il s'agira de laisser notamment les automobilistes venir jusqu'au centre-ville pour aller acheter dans les petits commerces... (Protestations dans la salle.)Nous vous attendons au contour.
M. Olivier Vaucher. Pas en 4X4 !
Mme Stéphanie Ruegsegger. Pas en 4X4, non... Je me réjouis de vous entendre défendre le petit commerce, car je vous rappelle qu'avant de payer des taxes les petits commerces souhaitent avant tout avoir des clients, et c'est ce qui importe pour eux.
Nous soutiendrons donc le renvoi en commission et verrons ensuite ce que nous ferons avec ce projet de loi.
M. Gilles Desplanches (L). Pratiquement tout a été dit, mais en tant que commerçant, je trouve que le projet de loi socialiste mérite d'être travaillé, parce qu'il faut tout de même reconnaître que nous les commerçants, petits ou grands, payons beaucoup trop de taxes. Je ne dis pas que je serai d'accord d'augmenter les taxes pour les plus grands commerces, mais je pense qu'il est vrai que les plus petits devraient bénéficier d'un tarif plus avantageux. Cette taxe est une occasion supplémentaire d'ajouter encore une certaine fiscalité.
Pour cette raison, je trouve que ce projet de loi doit être renvoyé en commission, auquel cas on se fera un grand plaisir d'y travailler. J'aimerais dire surtout que c'est la première fois que le parti socialiste fait un projet de loi qui concerne réellement les petites entreprises, et c'est également une raison pour nous de vous suivre sur le renvoi en commission, pour y travailler avec vous.
M. Pierre Kunz (R). Le parti radical s'étonne, comme ses cousins, de cette sollicitude subite - elle ne date d'ailleurs pas d'aujourd'hui, puisqu'on nous en a fait la preuve il y a quelque temps - de la gauche et du parti socialiste en particulier pour la fiscalité trop lourde de certains de nos concitoyens.
Il est vrai que la loi en question est critiquable, la pratique l'a montré et nous avons déjà eu l'occasion d'en parler dans ce parlement, mais il est curieux que, si la loi est considérée comme étant mauvaise pour les uns, elle soit bonne pour d'autres... Sauf à penser que désormais, les socialistes considèrent que la dégressivité des taxes en fonction du volume autant que la progressivité des impôts en fonction du revenu devient critiquable... Je me réjouis de reparler dans l'autre sens de la problématique de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, qui est excessif pour les hauts revenus et insuffisant pour les bas revenus !
Une voix. On te reconnaît bien là !
M. Christian Brunier. Article 24 !
M. Pierre Kunz. En ce qui concerne l'idée de base de ce projet de loi, les radicaux seront évidemment ravis si tous ensemble nous parvenons à réduire l'importance des taxes qui pèsent sur les entreprises. Il n'est bien entendu pas question d'augmenter les taxes qui pèsent sur les autres ! Mais cela mérite un débat, et ne serait-ce qu'en vertu de l'importance, de l'épaisseur de ce projet de loi, les radicaux se feront un plaisir de l'envoyer en commission.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'économie.
Premier débat
M. Gilles Desplanches (L), rapporteur de majorité. J'aimerais tout d'abord compléter mon rapport de majorité. J'ai en effet omis de mentionner la séance de la commission de l'économie du 17 juin dernier. Cette séance avait pour but de définir la façon dont nous traiterions ce projet en plénière dans la mesure où l'entrée en matière a fait l'objet de deux votes distincts et aux résultats discordants en commission. Il est largement question de ce problème dans le rapport de minorité. La commission s'est prononcée en deuxième et troisième débat, le 17 juin, sur la proposition de Charles Beer. Le résultat de ces deux votes était 11 voix pour, aucune contre et 3 abstentions. Quant au vote final, le projet a été refusé, toujours le 17 juin, par 8 voix contre - à savoir 3 libéraux, 2 radicaux, 2 démocrates-chrétiens et 1 UDC - 3 voix pour - 3 socialistes - et 3 abstentions - 2 Verts et 1 AdG. Voilà, mon omission est comblée, j'en viens au fond de ce projet de loi.
Il avait pour but de faciliter la mise en place d'essais pilotes en matière de partage du travail pour prévenir les licenciements et encourager l'embauche. Ce projet a été rédigé durant la législature dite monocolore, travaillé sous la majorité de gauche et le vote final est intervenu en commission au début de cette nouvelle législature. Ce projet n'a cependant pas souffert du clivage gauche-droite étant donné les abstentions des Verts et de l'Alliance de gauche. La commission a consacré à ce projet treize séances de travail dont huit ont été dédiées à des auditions. Nous avons entendu la commission de surveillance du chômage, l'office fédéral du développement économique et de l'emploi, la CGAS, l'UAPG, M. Ulrich Kohli, professeur d'économie à l'Université, le CES, des représentants d'ABB Sécheron et Mme Calmy-Rey.
Après les auditions et le vote d'entrée en matière, la commission a décidé de suspendre les travaux sur ce projet de loi et de traiter à la place la motion 1058. Le département de M. Lamprecht a confié au professeur Flückiger un mandat en trois parties sur le partage du temps de travail. La première partie s'intitulait «Recherche de modèles et prospection d'entreprises»; la seconde «Mesures retenues pour les entreprises pilotes» et la troisième «Evaluation des différentes mesures». Les conclusions de ces études figurent dans le rapport de majorité.
Au cours des auditions, nous nous sommes aperçus que le partage du temps de travail était, malheureusement ou heureusement, très peu mis en pratique, par les grandes entreprises comme par les petites. L'exemple d'ABB est révélateur à cet égard. Seuls 15% des membres de l'entreprise, soit 35 personnes, étaient d'accord d'envisager une activité à temps partiel. Leurs motivations étaient principalement l'amélioration de la qualité de vie ou des relations familiales, mais aussi les conditions salariales ou des redéfinitions d'activités. Au final, seules 8 personnes se sont déclarées favorables à un partage du temps de travail, c'est-à-dire moins de 3% du personnel. D'ailleurs, les conclusions de «Why not?», l'enquête du professeur Flückiger, démontrent particulièrement bien les difficultés de mise en place et l'inadéquation de ce projet de loi, inadéquation qui ne signifie cependant pas désintérêt.
Je rappelle tout de même que la diminution du temps de travail en France s'est effectuée sous la contrainte des pouvoirs publics et que l'économie a obtempéré, non sans compensations pour les grandes entreprises - qui en ont parfois profité pour se restructurer - mais au détriment des PME. Or, en Suisse, les PME représentent 98% des entreprises et 85% des emplois.
M. Charles Beer (S), rapporteur de minorité. Je ne voudrais pas sombrer dans des propos trop théoriques qui auraient pour effet de décourager notre Conseil de traiter cette question du partage du temps de travail. J'entends malgré tout mettre en évidence un certain nombre de points qu'il est nécessaire de rappeler parce que le rapport de majorité de même que les propos complémentaires de M. Desplanches entretiennent le trouble, le flou et la confusion autour de la notion de partage du travail.
J'aimerais ainsi rappeler qu'il existe deux formes de réduction du temps de travail : une forme volontaire et une forme obligatoire. M. Desplanches a fait référence tout à l'heure aux lois Aubry qui ont introduit la semaine de 35 heures en France avec des effets dont il n'a mis en avant que les défauts. En Suisse, nous avons une initiative pour 36 heures en moyenne annuelle qui a été refusée très largement par le peuple. Ces deux exemples sont des réductions obligatoires du temps de travail introduites par des lois et s'appliquant à l'ensemble des secteurs de l'économie.
Contrairement à ce que prétend M. Desplanches, le projet de loi dont il est question ici n'a rien à voir avec cette réduction obligatoire. Ce projet ne vise que la promotion du partage du temps de travail, qui plus est une promotion dans le cadre de la loi sur l'assurance-chômage, plus précisément en application de son article 110A. Cet article permet, pour engager un certain nombre de chômeurs et chômeuses, d'utiliser le partage voire la flexibilisation du temps de travail. Le projet de loi 7594 vise à donner un cadre pour l'application de l'article 110A de la loi sur l'assurance-chômage qui, lui, existe de toute façon. Je récuse donc d'avance toute confusion volontaire qui viserait à confondre la réduction du temps de travail obligatoire et l'incitation à la réduction du temps de travail.
Puisque M. Desplanches a cru bon de citer l'exemple des lois Aubry, je me permettrai d'évoquer en retour la loi Robien, votée par le Parlement français en 1995 sous une majorité de droite et qui devait permettre d'inciter au partage du temps de travail en mettant sur pied des expériences dans ce domaine. Il y a aujourd'hui encore des applications concrètes de cette loi, comme il existe de nombreuses expériences de partage du temps de travail, sans loi mais par des arrangements conventionnels, en Allemagne et aux Pays-Bas, pour ne citer que ces pays. L'exemple le plus célèbre est précisément allemand, c'est celui de Volkswagen qui, grâce à un programme de réduction du temps de travail sur une base volontaire financé en partie par les pouvoirs publics a permis d'éviter un chômage trop massif dans l'automobile allemande.
Encore une fois, notre projet est un projet fort modeste d'application d'une loi fédérale. Ce que nous proposons est une mesure parmi d'autres visant à lutter contre le chômage. M. Desplanches a évoqué largement l'enquête «Why not?» et le rapport du laboratoire d'économie appliquée. Il aurait fallu lire toutes les recommandations de ce rapport et notamment la deuxième d'entre elles qui dit : «A l'aide d'incitations fiscales, l'Etat peut donner aux entreprises sur son engagement actif dans la recherche de nouvelles solutions aux problèmes économiques et en particulier du chômage. La position actuelle du département des finances est de traiter les dossiers cas par cas.» J'aimerais maintenant intervenir brièvement sur la forme pour souligner que les travaux ont été interrompus deux fois : à la demande tout d'abord du département des finances qui entendait mettre sur pied trois expériences de partage du temps de travail dans l'administration cantonale qui ont fait l'objet d'un rapport en demi-teinte quant au succès de la mesure; le 15 mai 1998 ensuite, en raison du vote, avec le soutien du DEEE, d'une motion demandant la mise en vigueur des dispositions prévues dans le projet de loi. Ce vote était intervenu dans une configuration politique différente du clivage gauche-droite, puisque les socialistes, le PDC et une partie des radicaux soutenaient la motion, tandis que l'Alliance de gauche d'abstenait. Après ces deux interruptions, la majorité de la commission a décidé en dix minutes, ivre d'une récente victoire électorale, que le projet de loi ne méritait pas une entrée en matière alors que celle-ci avait été acceptée deux ans auparavant. Cela montre qu'il y a un léger problème dans la qualité du travail de la commission, ce que l'on peut constater aujourd'hui encore.
Ce que nous demandons, c'est que, de manière pragmatique, posée, on veuille bien étudier ce projet en commission parce qu'il est plus utile que jamais. Les difficultés économiques, notamment dans le secteur bancaire, ne permettent pas de balayer de notre route la piste du partage du temps de travail avec une incitation des pouvoirs publics. Cette mesure est favorable aux chômeurs, aux entreprises et à l'Etat qui n'indemnise pas des gens à plein-temps pour ne rien faire. Il convient donc de renvoyer ce projet en commission.
Le président. Le renvoi en commission ayant été demandé, je prie les prochains intervenants de se prononcer sur cette demande exclusivement.
M. Alain Charbonnier (S). Comme l'ont indiqué les deux rapporteurs, nous sommes face à un rapport de majorité qui se termine sur un vote d'entrée en matière négatif et un rapport de minorité qui se conclut par un vote de troisième débat rejetant ce projet de loi. L'explication de cette situation est simple et en même temps compliquée: elle vous a été en partie donnée par les deux rapporteurs. Lors de la précédente législature, la commission de l'économie a voté deux fois l'entrée en matière: une fois positivement le 4 mai 1998 et une fois négativement le 8 octobre 2001. Il y a effectivement de quoi se poser des questions sur l'organisation des travaux dans nos commissions ! Face à cette situation, la commission de l'économie a décidé, le 17 juin 2002, de prendre en compte le premier vote d'entrée en matière et de passer aux deuxième et troisième débats qui ont débouché sur le rejet de ce projet de loi, sans que la plupart des commissaires présents aient eu accès aux documents des séances antérieures puisqu'ils ne siégeaient pas durant la précédente législature. Aucune trace de cette séance n'apparaît dans le rapport de majorité, ce qui n'est pas très sérieux, j'espère que tout le monde en convient. Ces événements sont révélateurs de l'absence de volonté politique de la majorité de la commission, mais aussi du département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures, en ce qui concerne le partage du temps de travail. Depuis le dépôt de ce projet de loi en mars 1997, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts. Le taux de chômage a diminué, puis a repris son ascension il y a quelques mois. Il nous paraît indispensable d'étudier toutes les pistes sérieuses pour combattre ce fléau. Le partage du temps de travail, déjà pratiqué par certains de nos voisins - l'Allemagne avec VW par exemple - est une de ces pistes. Nous vous demandons donc de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'économie afin qu'il soit véritablement examiné et éventuellement mis à jour. Nous espérons aussi que les dysfonctionnements apparus à la commission de l'économie seront résorbés et qu'un rapport digne de ce nom sera rédigé sur ce projet de loi.
M. Christian Bavarel (Ve). Je veux seulement indiquer que les Verts soutiendront le renvoi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer ce rapport en commission est rejetée par 40 non contre 25 oui.
Mme Loly Bolay (S). Le partage du temps de travail est une nécessité. Nous devons l'encourager pour réduire le chômage. Depuis les années 90, notre pays et plus particulièrement notre canton, subissent des taux de chômage records, même s'il y a eu une embellie ces dernières années. Dans l'Union européenne, le débat sur la diminution du temps de travail a débuté en 1983 déjà et la commission européenne a remis un rapport au Conseil de l'Europe qui recommande la réorganisation du temps de travail. J'aimerais vous donner quelques exemples dans lesquels le travail a été partagé avec succès.
Aux Pays-Bas, le taux de chômage était de 12% en 1982. On a introduit la semaine de travail de 38 heures et, entre 1982 et 1997, le taux de chômage est passé de 12 à 5,6%. Depuis 1997, la semaine de travail est passée à 36 heures et le chômage a diminué.
En Allemagne, 1 million d'emplois ont été sauvés grâce au partage du temps de travail. Et ceci sans parler de ce qui a été fait chez Volkswagen où 30'000 emplois ont été sauvés. D'autres pays ont suivi le mouvement, comme l'Autriche, comme l'Italie ou l'Espagne. Je mentionnerai enfin la loi Robien rédigée par M. Gilles de Robien, qui est aujourd'hui ministre du gouvernement de M. Raffarin.
Mesdames et Messieurs les députés, le tissu économique genevois est composé à 80% de PME. Il est vrai que l'organisation du temps de travail dans les petites et moyennes entreprises est une chose complexe. J'aimerais cependant souligner l'exemple de la région Rhône-Alpes qui a mis en place un dispositif par lequel l'Etat français et la région ont financé la réorganisation des petites et moyennes entreprises. Grâce à ce dispositif, une diminution de 10% du temps de travail a permis une augmentation de 12% de l'emploi dans les petites et moyennes entreprises.
Enfin, je regrette que la commission de l'économie n'ait pas procédé véritablement à un débat de fond sur ces questions. Cela est pourtant plus que nécessaire dans la mesure où le monde du travail est à nouveau en difficulté; une hécatombe est à prévoir notamment dans les banques. C'est pour cette raison que je reformule la demande de renvoi en commission
Le président. Il faudra reformuler cette demande plus tard dans le débat, Madame la députée. Nous n'allons pas procéder au vote sur le renvoi en commission après chaque intervention alors que celui-ci a été largement refusé à l'instant.
M. Jacques Jeannerat (R). Chacun le sait, le concept de partage du temps de travail a pratiquement toujours échoué, quelle que soit la conjoncture économique et quel que soit le pays où l'on a tenté de l'introduire. Les rares exceptions à ces échecs - M. Beer et Mme Bolay les ont citées - ce sont les grands sites industriels, notamment en Allemagne, et encore pour des périodes limitées. Ainsi, l'incitation au partage du temps de travail ne saurait absolument pas être appliquée dans notre pays puisque l'essentiel du tissu économique est composé de PME. Les radicaux vous recommandent donc de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). La question du temps de travail et de son partage m'intéresse depuis un certain temps. Je m'intéresse en effet aux modes intellectuelles qui vont et viennent en fonction de la conjoncture. Je crois que nous nous trouvons actuellement dans une période où elle s'en va, tel le reflux de la mer. Néanmoins, pour la bonne forme, et puisque ce projet de loi nous est soumis, il convient d'en dire quelques mots. Je ferai en sorte de ne pas être trop long.
Lorsque le SECO a été entendu par la commission de l'économie, il a fait état avec une certaine réserve de la possibilité pour Genève de se transformer en canton pilote et il a indiqué qu'aucun blanc-seing ne serait accordé à notre canton.
Je crois qu'il convient de bien distinguer la situation des entreprises privées de celle des entreprises publiques. Ce projet de loi ne prend pas en compte suffisamment cette distinction. Ainsi, il prétend vouloir encourager le partage du travail à l'Etat, mais dans le même temps il pose comme condition pour le soutien financier aux essais-pilotes un chômage particulièrement élevé dans une branche spécifique. Cette condition n'est pas remplie pour l'Etat.
En ce qui concerne les entreprises privées, il faut rappeler que les êtres humains, les travailleurs ne sont pas des fourmis interchangeables qui suivraient la reine des fourmis. Non ! Ce sont des personnes qui ont des compétences différentes. Ce sont des personnes qui ont des qualifications particulières qui font qu'elles ne sont pas remplaçables par décret. Par conséquent, il est, vu la structure économique que nous connaissons en Suisse, peu pertinent de proposer une telle loi.
Monsieur Desplanches, je ne vous ferai pas l'injure d'ignorer que vous fabriquez de temps à autres des gâteaux. Vous savez donc que les tranches des gâteaux ne sont pas divisibles à l'infini. En revanche, la surface des gâteaux peut, elle, être étendue. Voilà ce qu'il faut faire. Ne soyons pas malthusiens face à la question du temps de travail ! Qu'aurions-nous fait si nous en étions restés à la masse de travail disponible au XIXe siècle ? Aurions-nous renoncé à moderniser les structures de travail pour éviter aux tisserands de tomber dans le chômage ? C'est cela la logique du partage du travail; c'est ce qu'il convient de refuser.
Le professeur Kohli, mon ancien collègue, aujourd'hui directeur de la Banque nationale, a bien dit qu'il n'y avait pas de corrélation entre la durée du travail et le taux de chômage. Mais ce qui vaut dans un sens vaut aussi dans l'autre : ce n'est pas parce que l'on diminuerait le temps de travail que l'on pourrait diminuer le taux de chômage. Cela vaut aussi pour des pays qui sont des artefacts de la réflexion superficielle sur le temps de travail comme les Pays-Bas. Pourquoi y a-t-il eu aux Pays-Bas une diminution forte du chômage à une certaine période ? Précisément parce qu'une législation a été introduite faisant passer des personnes que l'on ne voulait plus décompter au nombre des chômeurs dans un système qui s'apparente à l'assurance-invalidité. Madame Bolay, je crois qu'il conviendrait que vous accroissiez vos connaissances de néerlandais et que vous puissiez constater ce qui s'est passé effectivement dans ce pays-là.
En outre, les aides au secteur privé seraient, même si elles étaient accordées sous forme indirecte par le biais d'incitations fiscales, un retard à la rationalisation. Nous travaillerions contre l'intérêt même des travailleurs en empêchant un accroissement de la richesse collective totale du pays. C'est une raison supplémentaire de s'opposer à ce projet de loi. En revanche, les entreprises qui le souhaiteraient ne doivent pas être empêchées de procéder à des expériences de partage du temps de travail, mais sans incitation de l'Etat. L'exemple de Volkswagen est intéressant, tant en ce qui concerne l'entrée dans une expérience de partage du travail que pour la sortie d'une telle expérience. Je le répète, les moyens de la collectivité publique ne doivent pas être dépensés dans ces expériences. Il ne faut pas penser que l'on pourrait soigner un mal par un autre mal.
Mesdames et Messieurs, ce qu'il faut à Genève pour diminuer son taux de chômage, c'est attaquer le mal qui ronge notre économie et qui frappe un nombre non négligeable de travailleurs. Il faut modifier d'autres lois et non pas ajouter une loi inutile. Ce qu'il faut modifier c'est la législation cantonale sur le chômage, mais aussi des dispositifs particuliers relatifs à l'assistance sociale. On pourrait aussi penser à des compléments de formation pour des chômeurs qui se trouvent dans une phase difficile de leur vie et sont, pour certains, découragés, ou qui ne disposent plus de compétences pertinentes pour être remis sur le marché du travail.
Cet ensemble d'arguments, dont j'espère qu'il vous a convaincus, Mesdames et Messieurs les députés, me porte à souhaiter que nous passions au prochain point de l'ordre du jour avant que nous nous soyons épuisés à démontrer qu'il est inutile d'en parler encore aujourd'hui.
Le président. A défaut du temps de travail, il faudra penser à partager le temps de parole, car vous avez parlé 6 minutes et 40 secondes, Monsieur le député.
M. Claude Blanc (PDC). Si le préopinant vous a fatigués, je m'efforcerai d'être d'autant plus bref que je suis moins érudit que lui.
M. Beer a mentionné tout à l'heure les expériences de partage du temps de travail à l'Etat et il a indiqué avec un euphémisme que ces expériences avaient rencontré un succès en demi-teinte. M. Beer est bien bon, parce qu'en fait de succès en demi-teinte, c'est un échec complet. Cette expérience n'a pas fonctionné. Pourquoi n'a-t-elle pas fonctionné ? Parce que lorsqu'il s'agit de diminuer le temps de travail, tout le monde répond présent; mais dès que l'on aborde le volet salarial de la diminution du temps de travail, tout le monde répond absent. Le partage du temps de travail c'est toujours pour les autres. Ceux qui ont du travail ne veulent pas le partager et leur salaire encore moins. C'est pour cette raison essentiellement que l'expérience en question a été un échec. Ainsi, l'article premier de cette loi qui vise à encourager les essais pilotes menés par le canton est hors de saison : ces essais n'ont plus à être encouragés, ils ont échoué.
Par ailleurs, l'article 2 prévoit des allégements fiscaux. Je rappellerai à ceux d'entre vous qui font partie de la commission fiscale que nous avons essayé de concrétiser l'initiative pour l'accession à la propriété par des allégements fiscaux et que nous nous sommes aperçus que la LHID ne nous permettait plus d'accorder des allégements pour réguler l'économie. Par conséquent l'article 2 est lui aussi dépassé.
Enfin, l'article 10 est parfaitement inopérant. Il précise que les salariés dont le contrat serait résilié pendant la durée de l'expérience de partage du travail auront droit à une indemnité calculée sur le salaire assuré avant la réduction. L'assurance-chômage n'acceptera jamais cela.
Vu le nombre d'article qui sont caduques ou inopérants, je crois que l'on peut rejeter la loi en bloc.
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je n'entrerai pas dans le détail de ce projet de loi. Ce que l'Alliance de gauche défend, c'est la réduction du temps de travail sans réduction de salaire. (Brouhaha.)Il semble que cela vous surprenne, Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que le temps de travail au début du XXe siècle était de l'ordre de 80 heures hebdomadaires. Moins d'un siècle après, le temps de travail a été divisé par 2,5 et les salaires multipliés par 7. Cela n'a pas empêché l'économie de se développer comme vous le savez. Il est donc toujours possible d'abaisser le temps de travail en maintenant le salaire à son niveau antérieur. Diminuer le temps de travail en diminuant les salaires en proportion revient en fait à imposer un travail à temps partiel.
J'aimerais également répondre à M. Weiss qui a parlé tout à l'heure d'un gâteau qui n'est pas extensible. Il est clair que le gâteau en question se réduit à vue d'oeil pour les travailleurs. Cependant les administrateurs de Swissair, du Crédit Suisse ou d'ABB se servent toujours les plus grosses parts... en millions, voire en dizaines de millions. Pour compenser ce déséquilibre, on procède à des licenciements. L'Alliance de gauche est favorable à l'interdiction des licenciements et la réduction du temps de travail sans réduction de salaire, cela est possible à la condition d'un partage équitable des richesses produites par les travailleurs.
M. Robert Iselin (UDC). L'UDC n'est généralement pas en faveur de ce type de lois. Elles sont coercitives, elles engendrent une grande quantité de fonctionnaires et elles gênent la souplesse nécessaire à l'économie. Je voudrais indiquer en outre, en complément de ce qu'a dit mon collègue Weiss, que des expériences de réduction du temps de travail ont déjà été conduites en Suisse.
Il y a environ 25 ou 30 ans, la fabrique Ritter à Winthertur qui produit des machines à tisser célèbres dans le monde entier a traversé une grave crise. La direction de Ritter a proposé à ses employés soit de se séparer de 20 ou 25% d'entre eux, soit de diminuer le temps de travail pour assurer les emplois de tous. Les travailleurs de l'usine Ritter ont librement voté par 57% contre 43 la réduction du temps de travail pour tous. C'est un exemple, Mesdames et Messieurs les députés. Je pense que ce type de solution est dix fois meilleure que des lois qui comprennent des dispositions coercitives qui interdisent tout renvoi pour raisons économiques. Comment voulez-vous qu'une affaire progresse si l'on empêche les renvois pour motif économique ?
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 38 non contre 31 oui.
Premier débat
M. Alain-Dominique Mauris (L), rapporteur de majorité. Je voudrais ajouter quelques brefs commentaires à mon rapport. Vous aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, que ce projet de loi est un projet conjoncturel qui s'inscrivait dans une période un peu difficile pour notre canton. Le sujet traité n'est en fait plus d'actualité.
Deux remarques tout de même concernant le rapport de minorité. Le rapporteur dit qu'il aurait souhaité ouvrir une réflexion en commission autour des questions posées par le projet de loi. Je vous rappelle, Monsieur Vanek, que la réflexion a eu lieu puisque nous avons procédé à deux auditions et qu'il y a eu une discussion en commission. Par ailleurs, la proposition d'amendement, telle qu'elle est mentionnée à la fin du rapport de minorité, n'a jamais été discutée en commission. Comme elle modifie complètement ce projet de loi, nous ne pouvons pas entrer en matière sur cette proposition.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, ce projet de loi est conjoncturel, du moins fait-il référence à un contexte bien précis : celui de la débâcle de la compagnie d'aviation Swissair. Ce projet de loi visait à assurer la pérennité des activités de la société de handlingSwissport en indiquant que cette société serait reprise par l'aéroport international de Genève au cas où Swissair aurait dû l'abandonner suite aux événements que l'on sait.
Depuis le dépôt de ce projet, les choses se sont transformées et Swissport a été rachetée par une multinationale financière anglaise, Candover. Les choses semblaient réglées. En fait, l'actualité nous le montre fréquemment, les choses ne sont pas forcément réglées de manière définitive et pérenne, et c'est un euphémisme.
Certes, mon amendement n'a pas été proposé durant les travaux en commission - qui ont duré une séance, ce qui n'est peut-être pas suffisant pour élaborer un amendement - mais, cette proposition conserve parfaitement l'esprit du projet de loi initial. En effet, cet amendement concerne toujours la reprise des activités de l'entreprise Swissport. Il est ainsi formulé : «Au cas où la société Candover décidait de revendre l'entreprise Swissport Genève soit par le transfert des activités ou par la cession d'actions à une autre société, ces tâches seront reprises par l'aéroport qui devra proposer à cette fin le réengagement du personnel qui leur est affecté.»
Alors de deux choses l'une : soit, comme le prétend le rapporteur de majorité, la situation est pérennisée et alors cet article ne sert à rien, à la manière d'un filet de sécurité qui ne sert à rien tant que le trapéziste ne tombe pas; soit - et on ne peut pas l'exclure dans ce secteur et vu le pedigree de la société financière Candover - Swissport n'est pas sorti des turbulences que l'on connaît dans le domaine de l'aviation, auquel cas cet article est utile et déploiera un effet. C'est pourquoi je ne peux pas vraiment accepter la remarque du rapporteur de majorité selon laquelle cet amendement serait une pièce rapportée qui n'aurait rien à voir avec l'esprit du projet de loi. C'est bien de la même chose qu'il s'agit : il est question de la reprise par l'aéroport de Genève, avec les garanties que cela représente, de l'activité ou d'une partie de l'activité de handling .Voilà pourquoi je vous invite à voter l'amendement proposé dans le rapport de M. Pagani.
Le président. Même s'il figure dans le rapport, je vous demande de remettre un exemplaire de cet amendement signé au Bureau.
M. Jacques Jeannerat (R). Je vous rappelle, Mesdames et Messieurs les députés, que l'intention des auteurs de ce projet de loi était de maintenir les emplois de la société Swissport dans le contexte de la déconfiture du groupe Swissair. Comme l'a dit le rapporteur de minorité, Swissport a été racheté par le groupe Candover et quelques mois après ce rachat, le nombre de collaborateurs a augmenté. Par conséquent ce projet de loi n'a aucune raison d'être et je demande que nous procédions immédiatement au vote comme nous le permet l'article 79 du règlement.
M. Claude Blanc (PDC). Non seulement l'Alliance de gauche retarde d'une guerre, car Swissport n'est plus à vendre, mais en outre le projet de l'Alliance de gauche est contraire à une directive européenne dont la teneur est transcrite dans le rapport de M. Mauris : «L'aéroport délivre des concessions aux prestataires de services qui exercent une activité de manutention des bagages et d'assistance aux passagers. Une directive européenne stipule qu'il faut deux prestataires de services indépendants l'un de l'autre et indépendants de l'exploitant de l'aéroport pour que la concurrence puisse jouer.» Ainsi s'est exprimé M. Jobin, le directeur de l'aéroport lorsque nous l'avons entendu. Actuellement, l'aéroport de Cointrin répond à cette condition. Swissport est certes le prestataire le plus important, mais certaines compagnies assurent elles-mêmes la manutention des bagages.
C'est dire que si nous votions ce projet de loi, nous serions en contradiction avec les directives européennes que nous nous sommes engagés à respecter en signant les accords bilatéraux.
Par conséquent, ce projet de loi doit être refusé sans autre forme de procès.
M. Christian Grobet (AdG). L'Alliance de gauche ne partage évidemment pas les avis de MM. Jeannerat et Blanc. Nous pensons que la force de l'aéroport, c'est précisément de contrôler lui-même les infrastructures que je qualifierais de vitales pour son fonctionnement. Nous ne demandons pas que l'aéroport gère lui-même tous les magasins qui se trouvent dans la galerie marchande. En revanche, les activités qui sont déployées par Swissport concernent directement l'exploitation de l'aéroport et son bon fonctionnement. M. Pagani l'a rappelé dans son rapport, les bandes roulantes pour le transport des bagages étaient en mains privées parce que Swissair en avait financé l'installation. On a pu voir les inconvénients que cela représente.
Nous constatons une chose, c'est que rien, hélas, n'est définitif. Les situations peuvent évoluer à une vitesse phénoménale. Qui aurait imaginé, il y a deux ans que Swissair, un des fleurons de notre économie, allait tout d'un coup tomber en faillite? C'est pourquoi il faut prendre les devants. Swissport a été rachetée par une société financière internationale qui, dans d'autres cas, a acquis des sociétés dans le but de les revendre ensuite. Cette possibilité peut présenter des inconvénients majeurs pour l'aéroport et c'est pourquoi nous avons proposé cet amendement.
Monsieur Blanc, je dois vous dire que je ne suis pas du tout convaincu que cette solution soit contraire au droit européen. Un exemple m'est venu à l'esprit en vous parlant : en 1968, le Conseil municipal avait voulu prendre des précautions en ce qui concerne le casino... (Rires.)Oui, ça vous fait rigoler, Monsieur Blanc, mais c'est comme je vous le dis ! Le contrat passé à l'époque avec le prétendu futur exploitant de l'hôtel - une société contrôlée par les frères Weissen - était parfaitement désastreux. La société en question n'a évidemment jamais construit l'hôtel et il a fallu ensuite des négociations extrêmement dures avec M. Gaon pour que la Ville récupère une partie de cet actif qu'elle a effectivement perdu par la suite. Ce que je veux dire c'est qu'à l'époque tout le monde était convaincu que la mise resterait limitée à 5 francs et que nous n'aurions jamais un casino comme on les connaît aujourd'hui. Je me souviens d'être intervenu alors au Conseil municipal en disant que l'on ne peut pas jurer de l'avenir. Il en va de même dans l'affaire qui nous occupe : on ne peut pas savoir comment la situation évoluera. Nous estimons en conséquence que la disposition proposée par le rapporteur de minorité est utile à l'aéroport.
M. Claude Blanc (PDC). Je m'amuse beaucoup cet après-midi parce que je viens d'entendre M. Grobet faire une démonstration extraordinaire. Il vient de nous dire que la Ville de Genève avait dû se battre contre une société privée pour reprendre le contrôle du casino. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, on peut voir ce qui arrive quand les pouvoirs publics se mêlent de faire ce qu'ils ne savent pas faire. La démonstration de M. Grobet est brillante comme toujours, mais elle fait l'effet d'un boomerang.
Je reviens maintenant à ce que je disais tout à l'heure. M. Grobet semble le mettre en doute. Il sait très bien qu'il a tort parce qu'il connaît les dispositions européennes, mais il feint de ne pas les connaître. L'aéroport de Genève délivre des concessions aux prestataires de service et c'est précisément pourquoi il ne peut pas être lui-même concessionnaire, ne pouvant pas être juge et partie. C'est l'évidence et M. Grobet pourra tourner les choses comme il voudra, cette loi est inopérante parce que contraire aux directives européennes.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur Blanc, vous connaissez mal, évidemment, le dossier du casino de Genève : je n'ai pas dit que la Ville avait repris le casino pour la simple raison qu'elle était l'actionnaire quasiment unique de la société d'exploitation. Ce que la Ville a réussi à reprendre, c'étaient les locaux nécessaires à l'exploitation de ce casino. Elle n'y est pas arrivée entièrement puisque, comme vous le savez, le problème de la salle de spectacle n'a pas été réglé et que nous risquons de perdre le bénéfice de cette salle.
Je n'entrerai pas ici dans le détail de cette opération, mais je voulais simplement souligner le fait qu'à l'époque, des dispositions avaient été prises en considérant que la mise serait toujours limitée à 5 francs. Vingt-cinq ans plus tard, la situation a changé ce que personne ne pouvait prévoir.
Ce que nous voulons, c'est prévenir un éventuel changement dans la situation actuelle de la société Swissport. En ce qui concerne la concurrence, il y a d'autres sociétés de handlingà l'aéroport; je ne pense donc pas que vous puissiez prétendre que la reprise éventuelle par l'aéroport de l'activité déployée par Candover supprimera la situation de concurrence.
M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité ad interim. Sans vouloir relancer le débat, j'aimerais faire deux remarques suite à l'intervention de notre collègue Claude Blanc. Il a rebondi sur les propos de M. Grobet pour prétendre que quand l'Etat se mêle de quelque chose la gestion est désastreuse. Je ne sais pas si votre intention, Monsieur Blanc, était de comparer la gestion de l'aéroport de Genève en tant qu'établissement public autonome à celle du casino. Je veux préciser cependant que le but de notre amendement est d'encourager, au cas où Candover décide de vendre ou de céder les actions de l'entreprise Swissport, la reprise des activités de Swissport par l'aéroport international de Genève pour assurer une tâche essentielle à son fonctionnement. Il ne s'agit donc pas de confier cette activité à l'Etat.
Sur la question de la directive européenne, je n'ai pas les grandes compétences de M. Blanc en matière de droit européen, ni celles de mon collègue Christian Grobet. Je sais que le droit n'est pas une science exacte. Ce que je sais aussi, c'est que depuis cinq ou six ans on m'assène dans les commissions de ce Parlement l'inéluctabilité de la libéralisation du marché de l'électricité, exigée semblait-il par une directive européenne. Or, les électeurs qui ont participé à la consultation populaire du 22 septembre en ont décidé autrement. On s'aperçoit alors qu'il est parfaitement possible de vivre en ayant pris une décision politique dont on nous disait qu'elle était parfaitement exclue au nom aussi, Monsieur Blanc, d'une directive européenne. Qui peut le plus peut le moins; en l'occurrence, la libéralisation du marché de l'électricité était une entreprise bien plus vaste que la reprise de Swissport par l'aéroport de Genève. Par conséquent, je ne pense pas que cette directive européenne doive nous empêcher de prendre une décision.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Je n'ai aucune compétence en droit européen, je ne m'étendrai donc pas sur la portée de la directive dont il est question. En revanche, ce dont je me souviens, c'est que l'aéroport est devenu un établissement public autonome suite à une votation populaire. Le peuple a donc montré son attachement à l'autonomie de cet aéroport.
Par ailleurs, et je suis surpris que cela n'ait pas été évoqué dans vos débats, une société de handlings'occupe d'intendance et voit par conséquent son activité dépendre non pas de qui la possède, mais du nombre d'avions qui se posent et qui décollent. En conséquence de quoi, il n'y a qu'une chose à encourager, c'est le dynamisme de notre aéroport pour que Swissport ait suffisamment de travail. C'est ainsi, Mesdames et Messieurs les députés, que vous assurerez les emplois, qu'ils soient ceux de Swissport ou de ses concurrents. J'espère dès lors que votre Parlement soutiendra toute initiative visant à dynamiser notre aéroport dont on sait l'importance pour la Genève internationale et pour la Genève économique.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat par 47 non contre 24 oui et 1 abstention.
Débat
M. Charles Beer (S). La motion dont nous avons à traiter est un peu décalée par rapport à deux points traités ici même précédemment : l'un qui concernait la place financière genevoise et l'autre, que nous venons d'aborder, qui concernait le partage du temps de travail. Cette motion ne s'intéresse pas directement à ce qui se passera dans l'avenir, mais simplement à ce qui est en train de se passer à Genève. Ainsi, nous constatons, depuis une année, que, selon l'office cantonal de l'emploi, le chômage a doublé. Le nombre des demandeurs et demandeuses d'emplois dans ce secteur atteint pratiquement 700. En outre, le nombre de places de travail supprimées, si l'on ajoute les suppressions effectives et les suppressions annoncées, est d'environ 1200. Notre motion propose quelques éléments d'analyse pour comprendre comment nous en sommes arrivés là. Nous mettons particulièrement en évidence la sensibilité de la place financière genevoise en raison de son savoir-faire en matière de gestion de fortune. Ce secteur économique a été exposé à une croissance démesurée, un peu folle, sur le plan mondial, et qui a produit la bulle spéculative de la nouvelle économie, dont tout le monde reconnaît aujourd'hui les effets négatifs. Notre place financière est aussi affectée par des fusions au caractère inhumain par leur taille, par leurs conséquences et par leurs résultats. Un grand nombre de ces entreprises multinationales présentent, en lieu et place de comptes, de véritables écrans de fumée. Ces entreprises de l'économie casino ne sont pas seulement des multinationales du nom d'Enron, mais également des entreprises suisses telles que la Rentenanstalt.
Partant de ce constat, nous proposons que les pouvoirs publics se mettent au travail. Nous ne proposons pas qu'ils renoncent au travail obligatoire prévu par la loi sur l'assurance-chômage, mais nous souhaitons qu'ils le complètent, en lien avec les partenaires sociaux. Des mesures doivent être trouvées pour diminuer le taux de chômage, pour soulager les demandeurs et demandeuses d'emploi, notamment en dégageant des perspectives d'insertion économique durables. Parmi ces mesures, nous suggérons la réduction du temps de travail sur une base volontaire. Nous pensons aussi à la formation continue et au recyclage.
Il serait souhaitable, Mesdames et Messieurs les députés, vu l'urgence de la situation et les chiffres de l'emploi dans ce secteur que cette motion soit renvoyée le plus vite possible au Conseil d'Etat et que l'ensemble du Parlement lui fasse bon accueil. Elle ne devrait pas opposer la gauche à la droite, en tant qu'elle propose une démarche pragmatique à partir d'un constat douloureux.
M. Jean Rémy Roulet (L). Le groupe libéral avait demandé unanimement à Michel Halpérin d'être son porte-parole dans le débat sur cette motion. Il se trouve que, parce que notre ordre du jour vert a été épuisé, nous sommes passés à l'ordre du jour bleu. M. Halpérin, comme d'autres parlementaires d'ailleurs, est à son poste de travail et ne peut effectuer son travail de député, ce que nous regrettons fortement. Nous nous opposerons désormais avec véhémence à tout chamboulement de l'ordre du jour qui interdirait à l'un ou à l'autre de prendre la parole pour cause de travail. Par ailleurs, nous avons déposé un amendement à cette motion dans la précipitation de sorte qu'il subsiste une faute d'orthographe dans l'une des deux invites, mais vous l'aurez corrigée vous-mêmes.
En ce qui concerne la motion elle-même, je suis content que M. Beer ne fasse pas ici de la politique politicienne autour d'un sujet douloureux.
Il faut dire tout de même que nous avons déjà eu un débat sur le secret bancaire et sur la place financière genevoise. Suite à ce débat, le Conseil d'Etat a été saisi d'une demande formelle de ce Parlement visant à l'élaboration d'un rapport des impacts économiques et fiscaux de ce secteur sur notre économie. Dans ce contexte, le parti libéral ne tient pas à tirer sur l'ambulance et à faire de cette motion un enjeu de débat. C'est dans cet esprit que nous vous proposons la suppression de la seconde invite de la motion socialiste. Cette motion concerne l'organisation du partage du temps de travail. Or, s'il est un secteur qui s'est déjà organisé, sans l'aide de l'Etat, au niveau du partage du temps de travail, de la responsabilité environnementale, de la responsabilité sociale, c'est bien le secteur bancaire, grandes banques comme banques privées. Sans doute mon collègue Mauris qui travaille dans une des grandes banques de la place témoignera dans ce sens. Savez-vous que dans les banques les femmes ont un congé maternité largement plus long que celui que nous avons voté ici ? Oui, des mesures sociales sont prises dans ce secteur comme nulle part ailleurs. Il n'y a donc aucune raison d'intégrer dans cette motion une invite relative au partage du temps de travail.
Par ailleurs, nous proposons une invite supplémentaire qui a trait au renforcement du secteur bancaire. Cette invite demande au Conseil d'Etat de faire, vu l'urgence, tout ce qui est possible pour soutenir ce secteur économique.
Enfin, nous vous proposons de renvoyer le plus rapidement possible cette motion au Conseil d'Etat et de clore ce débat au plus vite.
Le président. Je rappelle simplement que c'est le Bureau et les chefs de groupes qui ont décidé de reprendre l'ordre du jour normal au cas où l'ordre du jour des extraits serait épuisé. J'ajoute que tout député qui présenterait un amendement sur lequel sa signature ne figurerait pas pourrait, à bon droit, contester qu'on ait présenté un amendement sous son nom. Pour ma part, je ne suis pas prêt à accepter des amendements présentés sans signature. La signature atteste en effet de l'accord formel du député.
M. Pierre Kunz (R). Depuis toujours la gauche a prétendu défendre les travailleurs. Simultanément, la gauche, la gauche genevoise en particulier, guidée par son mentor Jean Ziegler, s'est drapée dans le manteau de la vertu et de la moralité. C'est ainsi drapée qu'elle a pourfendu et tenté avec constance de détruire quelques-uns des fondements du système bancaire helvétique, sans jamais, bien sûr, réfléchir aux conséquences d'une telle attitude sur l'emploi. Voilà qu'aujourd'hui, rattrapée par les échéances électorales et par les réalités économiques et sociales, cette gauche, non seulement jette aux orties son manteau de vertu et de moralité, mais surtout tente d'exploiter ce qu'elle pense être une nouvelle niche électorale, un nouveau fonds de commerce politique. La gauche s'inquiète ainsi des préoccupations des employés du secteur bancaire. Mieux, elle souligne son inquiétude au sujet «des mesures à prendre pour le maintien des connaissances de la branche». Chose curieuse, parmi ces connaissances de la branche, figure sans doute la promotion du secret bancaire et des comptes numérotés. Voilà, Mesdames et Messieurs, un retournement qui restera dans les annales.
Au-delà de ce reniement, de ce qu'on pourrait appeler un blanchiment, on note dans cette motion une énorme part de méconnaissance pour ne pas parler de mauvaise foi. Les auteurs de ce texte font preuve d'une parfaite méconnaissance de la façon dont les chefs d'entreprise, en général, et les responsables bancaires en particulier, conçoivent et vivent leurs devoirs à l'égard de la collectivité et de leur personnel. Il y a aussi une incompréhension grave de la dépendance, je pèse mes mots, d'une entreprise par rapport à son personnel. Mesdames et Messieurs, si cette méconnaissance et cette incompréhension n'existaient pas, cette motion n'aurait jamais vu le jour.
Enfin, cette motion contient une dose immense de prétention. La prétention, largement répandue dans notre aquarium politique, qui nous amène à penser que nous savons mieux, nous acteurs de la politique, que les acteurs de l'économie comment il faut prévoir et organiser l'avenir des entreprises et de leurs employés. Certes les patrons se trompent parfois et certains dirigeants d'entreprises, fort heureusement peu nombreux, se comportent même de manière scandaleuse, inacceptable, inexcusable. Chacun devrait cependant admettre ici que nous les politiciens nous nous trompons au moins aussi souvent et que nous nous comportons parfois de manière aussi scandaleuse et inexcusable que les acteurs de l'économie.
Ainsi, prétendre que le monde politique doit s'engager à la place des milieux bancaires pour gérer la crise que ceux-ci traversent, c'est faire croire que ces derniers sont incapables de faire face à leurs obligations économiques et à leurs devoirs sociaux et moraux. Mesdames et Messieurs, même si cette motion utilise des termes tels que «concertation», «encourager», «convier», elle n'en est pas moins un moyen de discréditer les milieux bancaires avant même que ceux-ci aient eu le temps d'agir et de montrer qu'ils assument pleinement leurs responsabilités. Il s'agit d'une tentative de récupération indigne, que nous devons purement et simplement rejeter. Les radicaux refuseront aussi bien les amendements que le renvoi en commission.
M. Alain-Dominique Mauris (L). Monsieur Beer, vous en avez appelé au pragmatisme, et vous avez raison: soyons pragmatiques, prenons conscience que le monde bancaire n'est pas une affaire purement genevoise, mais une affaire mondiale. Soyons aussi conscients que ce n'est pas à Genève que l'on influence le marché mondial. Celui-ci échappe complètement aux bonnes volontés de chacun des membres de ce Parlement, de chaque citoyen de Genève. Une banque repose sur trois éléments : sur la formation de ses employés, leur excellence, sur les capacités que Genève peut offrir dans la compétition mondiale ou même seulement nationale, sur ses clients enfin. Toute personne qui travaille dans un commerce vous le dira, Mesdames et Messieurs les députés, la première nécessité, c'est d'avoir des clients. Or, ce que les clients adorent à Genève, c'est le secret bancaire. Sans secret bancaire, il est évident que nous aurons beaucoup moins de clients et donc beaucoup moins de banques. Il faut être conscients de cela et du paradoxe que constitue, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, votre critique du secret bancaire et le dépôt de la motion dont nous traitons aujourd'hui. Le secret bancaire est un élément en notre faveur dans la compétition mondiale.
Sachez enfin que ce n'est pas la première fois que le secteur bancaire sent passer le vent du boulet. Nous avons connu une situation semblable à celle d'aujourd'hui il y a quelques années déjà. Je me souviens que vos milieux critiquaient, il y a des années, le secteur industriel parce qu'il générait beaucoup de bénéfices et qu'il était prospère. Ce secteur industriel a aujourd'hui pratiquement disparu de Genève. Je me souviens encore des critiques qui pesaient sur les banques en raison de leurs supposés bénéfices faramineux, dont vous disiez qu'ils étaient honteux - pas vous Monsieur Beer, mais les milieux auxquels vous appartenez. On voit aujourd'hui le bilan du Crédit Suisse : il n'y a plus de bénéfices, mais des pertes. Alors je crois qu'il est préférable de réfléchir avant de critiquer des secteurs d'activités économiques lorsqu'ils sont prospères, plutôt que de leur lancer la bouée lorsqu'ils connaissent des difficultés. La question qu'il faut se poser, quand un secteur a le vent en poupe, c'est de savoir comment faire pour qu'il conserve sa place de leaderdans son domaine. Votre motion a cependant un mérite : elle tire la sonnette d'alarme comme nous l'avons fait à plusieurs reprises. L'amendement proposé par M. Roulet est très important car il s'agit bien aujourd'hui de mettre tous les moyens en oeuvre pour soutenir le secteur bancaire. J'en ai terminé, Mesdames et Messieurs les députés, et je reviendrai éventuellement, plus tard, sur la seconde invite de la motion. (Applaudissements.)
M. Charles Beer (S). L'essentiel du débat portera sur les amendements proposés par le groupe libéral. J'aimerais cependant souligner un élément du discours de M. Mauris. Selon lui, pratiquement tout nous échapperait; les instances démocratiques, le cadre régional ou national se trouveraient réduits au silence en ce qui concerne le secteur bancaire. Nous ne contestons certes pas l'aspect mondial du marché. Nous ne pensons pas régler le problème à Genève, mais, plus simplement, nous pensons qu'il y a de quoi discuter en matière de temps de travail et, vous l'avez dit vous-même, Monsieur Mauris, en matière de formation. Nous souhaitons que ces discussions aient lieu dans un cadre négocié. C'est pourquoi nous espérons que cette motion sera tout de même renvoyée au Conseil d'Etat, malgré le fait que M. Kunz, une fois de plus, n'en aura pas saisi l'enjeu.
M. Christian Brunier (S). A entendre M. Kunz et M. Mauris, j'ai le sentiment qu'il y a une sorte de démission du pouvoir politique. (Rires.)Nous nous trouvons face à une crise majeure dans un secteur économique extrêmement important pour Genève, puisqu'il représente environ 10% des emplois. Nous n'avons jamais dit le contraire. Bien sûr, lorsqu'il y a une crise, dans le monde bancaire, dans le monde industriel ou ailleurs, c'est bien sûr aux entreprises de trouver des solutions, mais il est juste que les syndicats soient associés à la recherche de solutions. D'ailleurs, les syndicats et les patrons sont souvent assis à la même table, même s'ils ne proposent pas les mêmes solutions. Cependant, l'autorité politique a aussi un rôle à jouer. Nous ne prétendons pas avec cette motion qu'il y ait un remède miracle, mais nous pensons qu'il est temps que l'ensemble des acteurs économiques, sociaux, politiques de ce canton se mettent autour de la table pour essayer ensemble de trouver les meilleures solutions pour répondre, localement certes, à une crise bancaire dont les causes sont internationales. Aujourd'hui, il semble bien que cette coordination des différents acteurs n'existe pas ou pas en suffisance. En entendant les interventions des députés de l'Entente sur cette motion, je me dis que nous avons eu raison de porter ce débat devant notre Conseil.
Prétendre que cette crise est causée exclusivement par les attaques contre le secret bancaire est une explication un peu simpliste. Nous avons eu un débat sur le secret bancaire, nous ne le ferons pas une nouvelle fois aujourd'hui. Néanmoins, je n'ai pas entendu, en tout cas sur les bancs de l'Entente, qu'une des causes de cette crise réside notamment dans les excès spéculatifs, dans les multiples fusions et rationalisations qui éliminent des emplois. On ne peut pas simplement rejeter la faute sur le débat, légitime au demeurant, au sujet du secret bancaire.
Enfin, je pense que cette motion est tout à fait pragmatique. Je ne sais pas si vous avez bien lu les invites. La première vise à mobiliser tous les acteurs à l'oeuvre dans le secteur bancaire. Je ne vois pas comment on peut être opposé à une telle proposition. La deuxième invite propose de mettre tout en oeuvre pour soutenir le secteur bancaire, et notamment, éventuellement, sur une base volontaire et négociée, le partage du travail. Pourquoi fermer aujourd'hui, a priori,telle ou telle piste pour essayer de résoudre ce problème? Je l'ai dit tout à l'heure, il n'y a pas de remède miracle, il y a certainement toute une série de mesures susceptibles d'atténuer la crise de l'emploi dans les banques et je pense que nous n'avons pas le droit, nous responsables politiques, d'exclure l'une ou l'autre de ces mesures. La troisième invite quant à elle propose un certain nombre de mesures envisageables, qu'il s'agisse de la requalification, du recyclage des employés ou encore leur reconversion. Ce que nous souhaitons, c'est que les personnes touchées par des plans sociaux puissent retrouver, le plus rapidement possible, un emploi.
Je vous invite vraiment à renvoyer au Conseil d'Etat cette motion qui est pragmatique et qui ne vise qu'une chose, c'est la mobilisation de toutes et tous autour de ce problème qui touche aujourd'hui des milliers de travailleurs à Genève.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, je vous rappelle que nous ne savons toujours pas si cette motion sera prise en considération, rejetée, renvoyée au Conseil d'Etat ou en commission. Cependant, la liste des orateurs s'allonge et le Bureau vous propose de la clore. Elle comprend MM. Grobet, Iselin, Leuenberger et Kunz. (Protestations.)Je vous rappelle qu'après ces orateurs nous aurons encore un débat sur les deux amendements proposés. Je souhaiterais donc que les orateurs soient brefs. La liste est la suivante : MM. Grobet, Iselin, Leuenberger, Kunz, Weiss, Beer, Spielmann et Mme Bolay. Celles et ceux qui acceptent la clôture de la liste sont priés de lever la main.
Mise aux voix, la proposition de clore la liste des orateurs est adoptée.
M. Christian Grobet (AdG). Je comprends bien, Monsieur le président, que vous essayiez de limiter la durée des débats trop longs, mais si vous admettez les députés qui appuient sur le bouton de demande de parole au moment où vous faites la proposition de clore la liste des orateurs, vous ne pouvez pas refuser ceux qui appuient 15 secondes après parce qu'ils étaient debout. Je pense qu'il faudrait trouver une solution.
Le président. Je vous remercie pour vos conseils, Monsieur le député.
M. Christian Grobet. Je vous demande de réfléchir, Monsieur le président, parce que je ne voudrais pas qu'il y ait des incidents. Ceci dit, j'en viens à la motion dont nous débattons.
Je ne sais pas si je dois dire que M. Kunz m'étonne, mais je crois que quand il s'exprime il vaut mieux ne plus s'étonner de rien. Quelles que soient les divergences qu'on peut avoir sur la politique menée par certaines entreprises, je crois que toutes celles et tous ceux qui siègent dans ce Conseil sont soucieux de la préservation de l'emploi. Alors, Monsieur Kunz, vous reprochez aux motionnaires de récupérer un sujet, d'être en quelque sorte opportunistes, mais qu'auriez-vous dit si nous n'avions pas débattu d'un problème qui concerne effectivement un nombre important de places de travail à Genève ? Si nous n'en avions pas débattu, nous aurions été, en tant que parlement de ce canton, parfaitement déconnectés de la réalité et des préoccupations de la population. Véritablement, Monsieur Kunz, il est totalement déraisonnable de penser que les pouvoirs publics ne doivent pas s'occuper de questions aussi importantes que celle de l'emploi. Ce d'autant plus que les milieux que vous représentez n'hésitent pas, en mille occasions - rappelez-vous Swissair - à solliciter l'Etat lorsqu'ils ont besoin non pas simplement d'un appui, disons logistique, mais d'un appui financier.
L'Alliance de gauche appuiera évidemment cette motion. Nous pensons que la question du partage du travail est une question importante. Je ne sais plus qui tout à l'heure disait que le monde bancaire était à l'avant-garde en matière sociale. J'ai l'occasion de siéger dans un conseil de fondation qui me permet de mieux connaître le monde bancaire et je le trouve d'un conservatisme extraordinaire en ce qui concerne les questions du partage du travail. Il y a un point sur lequel le monde bancaire n'est guère conservateur, c'est celui des salaires. Il est exact que dans le monde bancaire les salaires sont plus élevés qu'ailleurs, avec peut-être la conséquence que, lorsqu'il y a une crise, on veut se débarrasser de certains employés. Si on partageait un peu mieux les salaires, cela permettrait aussi de préserver des places de travail. En tous les cas, je sais que dans un certain nombre de banques le travail à mi-temps n'est pas admis, au contraire de ce que M. Roulet a prétendu tout à l'heure. C'est effectivement une problématique générale; au sein de la fonction publique des modalités de partage du temps de travail devraient aussi être trouvées. Je pense qu'entre des taux de 50% et 100% il y a toutes sortes d'arrangements possibles.
Je ne veux pas ouvrir à nouveau le débat sur le secret bancaire, mais comme certains ont cru devoir l'évoquer, j'entends seulement indiquer que le prétexte est fort mauvais. Si aujourd'hui il y a une crise, cela n'a rien à voir avec la question du secret bancaire. Au contraire, il y a d'autres raisons pour lesquelles le secteur de la gestion de fortune à Genève est fragilisé. La meilleure preuve est qu'aujourd'hui le secret bancaire n'est pas supprimé, et que la crise est là tout de même. On ne peut donc pas mettre sur le compte des seules critiques émises contre le secret bancaire la situation que nous connaissons actuellement.
Je donnerai un autre exemple, c'est celui du Tessin qui démontre toute la fragilité du secret bancaire. Il a en effet suffi à l'Italie de voter une première loi d'amnistie fiscale à laquelle succédera une seconde pour que le secteur bancaire du Tessin s'effondre littéralement avec des conséquences beaucoup plus importantes qu'à Genève. J'espère du moins que nous ne nous trouverons pas dans cette situation. Bref, cet exemple tessinois démontre que toute cette affaire de secret bancaire est extraordinairement fragile et qu'au lieu de vous raccrocher, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, à une institution dont on sait qu'elle disparaîtra fatalement, il vaudrait mieux nous préparer à cette disparition.
M. Robert Iselin (UDC). Je serai bref, mais je ne peux pas m'empêcher d'être stupéfait de constater qu'après avoir tiré à boulets rouges sur le secret bancaire il y a 15 jours, on veut maintenant s'occuper de ces chers banquiers, les pauvres, qui ont la vie si difficile... De toute façon, contrairement à ce que dit M. Grobet, le travail à temps partiel est connu et pratiqué depuis longtemps par des banques parfaitement conservatrices comme les banques privées. Je trouve un peu fort qu'on se mêle de leur donner des leçons. Finalement, je pense que ce Grand Conseil doit savoir que dans la plupart des cas les banquiers qui se sont trouvés obligés de réduire le nombre de leurs employés par suite de la conjoncture internationale auront offert aux employés des conditions de préretraite assez extraordinaires.
M. Ueli Leuenberger (Ve). Les Verts soutiennent la motion ainsi que l'amendement défendu par les socialistes. Il n'est pas question ici d'une campagne de soutien à la politique bancaire suisse. Nous continuerons d'exprimer nos critiques à ce sujet. Ce dont il est question ici, c'est, dans une situation de crise importante, de trouver des solutions pour les employés du secteur bancaire. Nous ne comprenons absolument pas que quiconque puisse s'opposer à la concertation, à la recherche de solution pour les nombreux employés de ce secteur, menacés de chômage. Nous soutenons donc cette motion, car nous estimons qu'il est important que l'Etat joue un rôle dans ce secteur économique comme dans d'autres, en particulier lorsqu'il peut favoriser la concertation.
Evidemment, nous pensons qu'il est utile d'examiner de près les mesures proposées et de laisser le soin aux partenaires sociaux de se déterminer sur celles qui leur semblent les plus intéressantes. Les Verts défendent depuis longtemps le partage du temps de travail, et si c'est une solution propre à éviter le chômage dans ce secteur, il est clair que nous la soutenons.
M. Pierre Kunz (R). M. Brunier estime que les invites de cette motion sont de nature pragmatique. C'est sur ce point que nous divergeons. Permettez-moi, Monsieur Brunier, de considérer que ces invites sont plutôt de nature éolienne. C'est du vent ! Prétendre que nous devons inciter le Conseil d'Etat à se pencher sur la problématique de l'emploi dans le secteur bancaire, me rappelle ce que le conseiller d'Etat Cramer nous disait hier soir à propos de la loi sur les cimetières : le Conseil d'Etat sait qu'il doit faire appliquer la loi. De la même manière, il y a un département de l'économie dont on peut penser qu'il est parfaitement au courant des enjeux de la crise actuelle dans le secteur bancaire. Ce département, il n'y a pas à en douter, est déjà en contact avec les intéressés. Je le répète, ces invites sont de nature éolienne.
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, il est impossible de figer l'évolution de l'économie. Or, d'une certaine façon, c'est ce que voudrait faire cette motion. Il est vrai cependant qu'elle le fait avec les meilleures intentions.
J'aimerais tout d'abord souligner, Monsieur Grobet, que dans le cas de Swissair, certaines personnes ont effectivement demandé aux pouvoirs publics d'intervenir pour recapitaliser cette société qui avait connu une mauvaise fortune et une mauvaise gestion. Je fais partie des opposants à cette recapitalisation de Swissair, et dans les rangs libéraux, nombreux sont ceux qui pensent de même. Nous estimons qu'il n'est pas du ressort de l'Etat d'intervenir dans le fonctionnement de sociétés privées, surtout lorsque celles-ci sont aussi mal gérées.
En ce qui concerne la crise que traverse aujourd'hui le monde bancaire genevois, il faut souligner tout d'abord que la solution du partage du travail n'est pas applicable à ce secteur. Il y a, comme l'a dit M. Iselin, de nombreux emplois à temps partiel. On ne peut cependant pas imaginer un partage du travail au sens d'une réduction du temps de travail sans réduction proportionnelle des rémunérations. Or, certains sur les bancs d'en face, M. Mouhanna par exemple, s'opposent à une réduction des rémunérations. On voit bien par là que le remède proposé est pire que le mal, puisqu'il conduit tout simplement à une augmentation du coût unitaire du travail et par conséquent à une augmentation des tarifs demandés aux clients, à une diminution de l'attractivité de la place financière genevoise.
Si le partage du travail sous cette forme n'est pas applicable, pourrait-on imaginer le partage des salaires ? Mesdames et Messieurs les députés, le partage des salaires existe déjà dans le secteur bancaire. En 2001, il y a eu, grosso modo, une baisse de 30 à 40% des bonus qui sont versés aux employés et aux cadres du secteur bancaire, notamment dans le domaine plus particulier de la gestion de fortune. Je vois M. Grobet qui m'indique que la diminution a été plus forte encore. En 2002, nous ne savons pas encore ce qu'il en aura été, parce que, généralement, c'est au début de l'année qui suit que les collaborateurs sont informés de ces décisions, mais on peut imaginer que des réductions supplémentaires seront opérées. Comment peut-on proposer dès lors le partage des salaires à un secteur qui l'applique de lui-même, sauf à vouloir rendre, pour les emplois qui sont encore rentables, la place financière genevoise moins attractive ?
Le Tessin a pu mesurer la rapidité des mouvements dans ce monde bancaire suite à l'amnistie fiscale italienne, et il faut bien nous rendre compte que si des mesures d'amnistie fiscale venaient à être adoptées dans d'autres pays limitrophes, par exemple par la France ou par l'Allemagne, alors il faudrait envisager pour les employés du secteur bancaire une adaptation dans le sens de la mobilité géographique. Voilà une mesure qui pourrait être proposée mais qui serait particulièrement douloureuse parce qu'elle amènerait ces employés à modifier leur lieu de résidence et donc à quitter Genève. Soyons donc réalistes, la requalification est une chose possible, mais ne pensons pas que le partage du travail au sens où il a été évoqué par M. Mouhanna puisse avoir une influence salvatrice.
M. Charles Beer (S). Je souhaiterais retirer aux bancs d'en face l'oreiller de paresse que constitue l'argument selon lequel le soutien au secteur bancaire tiendrait tout entier dans la défense du secret bancaire. J'aimerais vous rappeler qu'aujourd'hui il y a 730 demandeurs et demandeuses d'emploi, inscrits à l'office cantonal de l'emploi et dont les professions sont strictement liées à l'industrie bancaire. Or, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, c'étaient seulement 320 personnes qui étaient dans cette situation l'année dernière. On ne peut pas dire que les 410 nouveaux demandeurs d'emploi ont été licenciés à cause d'une levée du secret bancaire qui n'est pas encore intervenue. C'est un peu fort de ne désigner qu'une seule cause à cette crise. Le secret bancaire est un élément de discussion qui certes est important, mais qui permet surtout aux groupes radical et UDC de se cacher derrière un argument factice pour ne pas examiner une problématique qui les gêne.
Quant à nous, socialistes, nous sommes tout à fait à l'aise, tant du point de vue politique que du point de vue syndical. Je noterai simplement une chose, en Allemagne, il existe une place financière relativement forte, des banques relativement fortes, au point qu'elles sont susceptibles de reprendre, peut-être, certaines des grandes banques helvétiques. Dans ces établissements bancaires pourtant, il existe des syndicats forts, un temps de travail réduit, une productivité évidente. A partir de ce constat, vous ne pouvez plus prétendre que l'on ne peut pas défendre l'emploi dans ce secteur tout en combattant le secret bancaire.
Prenons note des chiffres de l'office cantonal de l'emploi qui nous indiquent ceci : il y a 240 personnes sur les 730 citées qui ne disposent pas d'une formation de niveau CFC. Où donc est la formation si admirable des employés du secteur bancaire ? Il convient donc, et M. Weiss, l'a évoqué tout à l'heure, de prendre des mesures de formation du personnel avant que celui-ci se retrouve au chômage. A cet égard, la loi sur le développement économique votée durant la législature précédente prévoyait qu'en cas de chômage important au niveau macro-économique, un fonds pour la formation et le perfectionnement professionnel serait doté de façon extraordinaire. Cette somme, qui équivaut pratiquement à 2 millions par année n'est pratiquement pas employée alors qu'elle vise précisément à former, durant son temps de travail, le personnel des entreprises, et ceci entreprise par entreprise. Or, on constate aujourd'hui que pratiquement aucun établissement ne recourt à ce type de mesures, soit parce que les entreprises ne les connaissent pas, soit parce que l'aspect prospectif et l'effet de levier n'existent pas. Nous ne pouvons donc que relever une fois de plus que la mobilisation de l'ensemble des acteurs sur le plan de la formation et de l'aménagement du temps de travail est nécessaire. Il faut souligner que les deux éléments vont de paire. Il ne saurait y avoir de requalification du personnel, de formation continue, sans abaissement du temps de travail parce que vous savez bien qu'une formation en dehors des 42 heures hebdomadaires de travail revient à ne dispenser aucune formation professionnelle.
Je vous invite donc à voter la motion telle que nous l'avons amendée. Soutenir ce texte, c'est être favorable à des mesures d'encouragement concertées, sur une base volontaire, en examinant le cas de chaque entreprise, de manière que l'ensemble des forces puisse être rassemblée autour de mesures constructives et qui n'ont rien d'idéologique, sans rapport avec les discours radicaux et UDC.
Mme Loly Bolay (S). Je serai brève car il est bientôt l'heure de la pause.
Mesdames et Messieurs les députés, la Suisse abritait en 1998, sur des comptes numérotés, 3000 milliards de francs provenant de l'étranger. C'est-à-dire plus du tiers de la masse monétaire mondiale. Je me souviens d'un débat dans cette enceinte, en 1998, lors de la fusion de l'UBS avec la SBS. C'est suite à une perte colossale de l'UBS, 950 millions, sur des produits dérivés que cette banque ne maîtrisait pas, que des centaines, voire des milliers de personnes se sont retrouvées au chômage. A l'époque nous disions, à gauche, qu'il fallait rappeler aux banques leur rôle social qu'elles ont oublié depuis de nombreuses années.
Aujourd'hui, il est choquant d'entendre M. Ospel, directeur de l'UBS, demander à M. Villiger d'arrêter immédiatement les négociations sur le second volet des bilatérales quand on sait que les autres milieux économiques attendent avec impatience la fin de ces négociations.
Il est aussi choquant qu'aujourd'hui des banques licencient du personnel tandis que les cadres et certains employés font des heures supplémentaires. Cela est honteux, car il n'est pas normal que les heures supplémentaires dans les banques servent à compenser les postes supprimés.
C'est tout ce que j'avais à vous dire. Comme M. Beer, je vous demande d'appuyer le renvoi de notre motion amendée au Conseil d'Etat. J'ajoute que je demande le vote nominal.
Le président. Je mettrai aux voix la prise en considération de la motion, mais auparavant je mets aux voix les trois amendements qui ont été déposés. Le plus éloigné du texte original vise à supprimer la deuxième invite, à savoir : «à adopter dans la concertation, un vaste plan de partage du travail couplé avec des mesures de formation continue». Cet amendement a été déposé par M. Roulet et Mme Berberat.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Le second amendement vise à ajouter une nouvelle invite ainsi formulée : «à examiner tous les moyens par lesquels le secteur bancaire genevois peut être renforcé». Cet amendement a également été déposé par M. Roulet et Mme Berberat, il fait l'objet d'un sous-amendement de MM. Droin, Beer, Brunier et de Mme Bolay sur lequel nous voterons ensuite.
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Le président. Je mets enfin aux voix le sous-amendement socialiste qui se formule ainsi : «... peut être renforcé, notamment la baisse du temps de travail, volontaire, entreprise par entreprise.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté.
Le résultat est douteux, il est procédé au vote électronique.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 38 non contre 30 oui et 6 abstentions.
Le président. A la demande de Mme Loly Bolay, nous procédons au vote nominal sur cette motion.
Mise aux voix à l'appel nominal, la motion 1487 est adoptée par 61 oui contre 9 non et 7 abstentions.
La séance est levée à 16 h 50.