République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 15 novembre 2002 à 14h
55e législature - 2e année - 1re session - 3e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 14 h, sous la présidence de M. Bernard Lescaze, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Laurent Moutinot, Martine Brunschwig Graf et Pierre-François Unger, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Robert Cramer et Micheline Spoerri, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Baudit, Thomas Büchi, Gilles Desplanches, Erica Deuber Ziegler, John Dupraz, René Ecuyer, Pierre Froidevaux, Yvan Galeotto, Philippe Glatz, Mariane Grobet-Wellner, Dominique Hausser, André Hediger, David Hiler, Pierre Schifferli, Patrick Schmied, Louis Serex, Ivan Slatkine, Alberto Velasco, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La loi 8691 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble (nouvel intitulé).
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Ce projet de loi fait apparaître une problématique qui mériterait d'être éclaircie. Nous avons accepté à la majorité la vente de cet hôtel, mais énormément de personnes de tous bords se sont abstenues, parce que la perte est calculée sur la créance de juin 2000 - ce qui est logique - mais aussi augmentée des intérêts qui ont couru jusqu'au moment de la reprise par la fondation. Or, ce n'est simplement pas normal et pas conforme à la convention, c'est pourquoi j'invite le Conseil d'Etat à être extrêmement attentif - nous le serons encore en commission - car il y a un réel problème. Si l'on commence à payer les intérêts que la Banque est chargée de payer, tout en payant en même temps les intérêts, on les paye deux fois alors que tel n'est pas le rôle de l'Etat.
En l'occurrence, nous proposons d'accepter cette vente, parce que les 5 millions sont un bon prix pour cet hôtel particulier, par contre le décompte de la perte doit être fait différemment, car celle-ci fait apparaître un différentiel de 600 000 F. Si on multiplie ce chiffre par le nombre d'objets qui sont encore à la fondation de valorisation, on n'arrive plus à 5 mais à 6 milliards. C'est donc un élément assez inquiétant.
La loi 8718 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble (nouvel intitulé) .
La loi 8776 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble (nouvel intitulé) .
Premier débat
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. J'aimerais rajouter que c'est le même problème que pour l'hôtel particulier, mais dans une moindre mesure, et que là aussi, la perte ne correspond pas forcément à celle qui devrait être. Elle serait donc moindre.
M. Robert Iselin (UDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je trouve la procédure un peu expéditive dans ces matières de ventes d'immeubles qui nous sont présentées. Surtout, je trouve que nous sommes mal informés sur les valeurs éventuellement réelles ou supposées des immeubles qui sont à vendre. Je trouve qu'on pourrait nous donner non pas des estimations qui sont souvent des documents de quelques pages et que nous n'aurions certainement pas le temps de lire, mais on pourrait au minimum nous dire: «Nous sommes en possessions de deux estimations qui varient de tant à tant, et nous avons X acheteurs en face de nous.» C'est tout ce que j'avais à dire.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Au nom du Conseil d'Etat, je vais juste rappeler une chose qui n'a rien de technique, c'est le fait que vous avez souhaité associer le Grand Conseil à la procédure. Il y a des règles à respecter, puisqu'on est dans des dispositions où les marchés rendent les choses plus complexes, et qu'il a toujours été entendu qu'un degré de confidentialité devait être observé par la commission chargée de contrôler les ventes. Cela rend évidemment cette démarche un tout petit peu délicate, parce qu'on ne pourra jamais satisfaire complètement le Grand Conseil. C'est cependant l'ultime possibilité de contrôle que vous ayez.
Je vous donnerai encore une opinion personnelle qui avait été débattue au Conseil d'Etat à l'époque. La question s'était réellement posée de savoir si le Grand Conseil pouvait véritablement assumer son rôle de contrôle. Je pense quant à moi que la commission qui s'en occupe serait bien inspirée d'au moins tirer parti de son expérience d'un ou deux ans, pour voir dans quelle mesure ce contrôle est satisfaisant ou non et quelles considérations elle peut en tirer. C'est la seule solution pour ouvrir le débat sur une autre base.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse. Tous les partis étant représentés dans cette commission, je pense que les informations peuvent être transmises. J'aimerais simplement informer M. Iselin qu'en réalité la plupart de ces objets ont été vendus au-delà de l'estimation. Je signale aussi qu'il s'agit de projets amendés, et je crois que vous l'avez vu, Monsieur le président. Le fonctionnement de la commission de contrôle est toujours en discussion, mais je crois qu'il est très démocratique et qu'il y a tout de même pas mal d'informations qui circulent.
Le président. Nous vous remercions, Madame, pour ces précisions. Il va de soi que les précisions que vous avez données auparavant font que le projet de loi est certes amendé, mais il ne l'est pas ici. Il a été amendé par la commission. Monsieur le député Rodrik, je vous cède la parole.
M. Albert Rodrik (S). Je souscris à ce que vient de dire Mme Brunschwig Graf, mais avec un certain nombre de bémols. L'article 80A de la constitution existe, mais nous avons fait preuve de souplesse. Chaque fois que nominalement la propriété était en main d'une société de portage, la vente s'est faite sans passer par le Grand Conseil. En dehors de cela, tant que l'article 80A est là et que la fondation de valorisation est une fondation de droit public, l'aliénation d'immeubles est soumise à l'approbation du Grand Conseil. Mais le corollaire de cela - et nous avons réussi grosso modo pendant une vingtaine de mois à l'assurer - c'est que les informations qui proviennent de la fondation de valorisation à la commission sont fiables, complètes et non contradictoires.
Pour le dernier rapport que j'avais fait il y a deux mois en quittant cette commission, j'avais rappelé que nous sommes tributaires, pour faire notre travail de Grand Conseil, de la régularité, de la fiabilité, de la solidité du flux d'informations que l'on donne à cette commission. Je crois qu'on ne le répétera jamais assez et que le conseil de fondation comprendra que c'est dans son intérêt de fournir toutes les informations.
M. Mark Muller (L). Ce projet de loi est peut-être effectivement l'occasion d'attirer l'attention de ce plénum sur certaines lacunes dans le fonctionnement de notre commission. Cela étant, à mon sens, les dossiers les plus problématiques au sein de notre commission ne sont pas ceux où la fondation vend un immeuble à un privé - ce sont là les projets qui doivent faire l'objet d'un projet de loi voté par notre Grand Conseil - mais les autres. Sont sujettes à discussion les transactions qui ne passent pas devant notre plénum, soit les immeubles propriété de la fondation qui sont vendus à d'autres collectivités publiques. Nous avons vécu un certain nombre de cas extrêmement conflictuels au sein de la commission, mais qui n'aboutissent pas devant notre plénum, parce que nous ne sommes ma foi pas compétents pour le faire. Et puis sont également problématiques tous les immeubles qui ne sont pas en mains propres de la fondation, qui appartiennent toujours au débiteur d'origine, mais que la fondation maîtrise, vend ou fait vendre à des tiers, soit par le biais de ventes aux enchères, soit de gré à gré. Là aussi nous n'avons que très peu de maîtrise du dossier, là non plus notre Grand Conseil ne se prononce pas, et là aussi nous avons été confrontés à un certain nombre de difficultés et de critiques. C'est à ce niveau-là que nous devrions effectivement nous interroger au sein de la commission, je rejoins tout à fait la suggestion de Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf. Au-delà des bilans annuels très concrets de notre commission, nous devrions un jour faire un bilan de l'utilité et de l'efficacité de notre commission quant au contrôle réel que nous pouvons opérer sur la fondation.
La loi 8851 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Débat
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse. Pendant cette année, nous avons élaboré une fois de plus une certaine ligne de travail à la commission des droits de l'Homme (droits de la personne) et, grâce au climat très agréable qui règne dans cette commission, notre travail a été, à mon avis, très constructif. J'aimerais juste rappeler ici quel est le rôle de cette commission, avant de vous faire une petite recommandation.
Premièrement, la commission des droits humains n'est pas un tribunal, elle est une instance politique. C'est important que la population le sache, même si elle s'adresse par exemple par des requêtes individuelles à cette commission. Celle-ci n'investigue pas, elle surveille, elle peut déplorer, elle constate et éventuellement elle recommande, mais elle n'est pas composée de juges, et donc elle ne juge pas.
Deuxièmement, même si c'est une instance politique, la commission travaille dans un esprit non partisan - ce qui est parfois assez reposant. Par ailleurs, la commission examine chaque sujet sous l'angle des droits humains et seulement sous cet angle-là. Cela est apparu notamment lorsque nous avons dû traiter de personnes sans-papiers. Dans ces dossiers-là, il peut y avoir un problème de droits humains, mais le problème majeur est probablement plutôt de l'ordre de la politique fédérale ou d'ordre économique.
Ce qui est également très important de l'avis des membres de la commission, c'est qu'elle doit faire preuve de rigueur juridique, se référer toujours à des bases légales ratifiées par les pays concernés ou au droit coutumier, établi comme étant des règles de droit impératives. De ce fait, la commission pèse souvent chaque mot qu'elle inscrit ensuite dans ses textes. Nous sommes obligés de le faire de cette manière-là pour rester crédibles.
Il existe un socle de droits humains pour la commission, le jus cogens ,le noyau dur auquel on ne peut déroger sous aucun prétexte, comme par exemple le droit à la vie, le droit à l'intégrité physique, le droit à ne pas être torturé, etc. Nous avons pu définir ce socle de droits humains lorsque nous avons traité des droits humains en Chine.
Enfin, il me semble tout de même important d'affirmer encore aujourd'hui qu'en dépit des différences culturelles, religieuses ou autres, les droits humains sont à notre avis universels et s'appliquent partout, pour tout être humain.
Aux députés qui s'offusquent parfois que l'on traite de sujets qui ne concernent pas directement Genève, j'aimerais rappeler que Genève est la capitale mondiale des droits humains - M. Halpérin le disait il y a une année - et que, de ce fait, notre Grand Conseil doit s'intéresser au respect des droits humains à Genève et dans le monde, et être attentif et à l'écoute de toute plainte ou dénonciation, d'où qu'elle vienne. Genève doit être irréprochable en la matière, notamment sur son territoire.
La commission a parfois pris beaucoup de temps pour traiter certains sujets, notamment parce que les textes de base étaient imprécis dans le sens où l'unité de matière n'était pas toujours respectée, ou parce qu'ils se basaient seulement sur des affirmations de principes sans énoncer clairement les droits humains violés ou les textes qui s'y réfèrent. Au nom de la commission, je vous invite, chers et chères collègues députés, à faire oeuvre d'un peu plus de rigueur lorsque vous voulez déposer un texte au sujet des droits humains. Le travail de la commission des droits de l'Homme en serait grandement facilité. Je vous remercie.
M. Antoine Droin (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aurais juste deux choses à relever concernant le rapport de Mme Roth-Bernasconi. La première chose qui est peut-être étonnante et pourrait relever d'un problème de communication est le fait que, comme l'a relevé Mme Bernasconi dans son rapport, nous n'avons jamais été interpellés jusqu'à ce jour par des personnes qui auraient été victimes ou se sentiraient victimes d'une violation des droits de l'Homme. On pourrait imaginer deux explications à cela: soit il n'y a pas de problèmes dans notre République, soit les gens ne savent pas forcément qu'ils peuvent s'adresser à notre commission en cas de problèmes de cet ordre. C'était là ma première remarque.
Deuxièmement, je voulais relever que le climat qui règne dans la commission est très intéressant, même passionnant devrais-je dire, car de réels débats y ont lieu, des débats qui vont au fond des choses et où on peut s'apercevoir que les clivages politiques sont relativement bien nivelés. C'était un aspect que je jugeais important de relever.
M. Pierre Vanek (AdG). Monsieur le président, je remercie la rapporteuse pour la qualité de son travail. J'ai un mot quand même à rajouter. Il a été dit qu'il n'y avait pas de contradictions politiques et que ces débats se plaçaient au-delà du type de contradictions politiques qui prévalent habituellement dans ce parlement. Je tiens tout de même à rappeler qu'au moment de la fondation et de la mise en place de la commission, il y a eu une contradiction - qui est bien politique - qui faisait débat et portait sur la question des droits de l'Homme. Nous avons échangé nos points de vue l'an dernier avec Michel Halpérin, un des inspirateurs de la création de cette commission, sur l'idée que vous avez évoquée, Mme la rapporteuse, d'un prétendu «socle minimum», d'un «noyau dur» des droits de l'Homme. Au-delà, les droits économiques et sociaux - quelle que soit leur importance, quelle que soit la reconnaissance du fait qu'ils sont effectivement inscrits dans la déclaration universelle des droits de l'Homme - seraient en quelque sorte des droits de deuxième zone. J'ai combattu ce point de vue-là dès le début, et nous avons été un certain nombre - ce n'est donc pas une question étroitement politique ou personnelle - à défendre l'idée que les droits de l'Homme forment un tout, que notamment les droits économiques et sociaux sont parmi ceux qui sont, à l'échelle de ce monde, le plus souvent violés, et qu'ils ont une importance, qu'ils doivent être défendus tout autant que les autres droits politiques, individuels et autres qui sont inscrits dans les textes sur les droits de l'Homme.
Ce point-là fait effectivement l'objet d'appréciations différentes, d'un côté et de l'autre de cette enceinte. C'est une appréciation politique sur ces questions, c'est un débat de bonne tenue que nous avons eu dans cette salle, et je ne crois pas qu'il faille, au nom du consensus ou de la prudence, éluder cette contradiction qui continuera évidemment à traverser les travaux de ce parlement, mais aussi bien sûr de la commission des droits de l'Homme.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Si le parti démocrate-chrétien ne peut que vous recommander d'accepter l'excellent rapport de Mme Roth-Bernasconi, c'est qu'effectivement, y apparaissent à la fois la qualité de notre travail et la qualité de nos échanges. Nos limites y sont également mentionnées, et nous pouvons désormais continuer nos travaux en osant aborder cette question des limites de la commission. Je crois tout simplement qu'au-delà des clivages politiques, nous pouvons travailler au sein de cette commission avec la meilleure partie de nous-mêmes, ce qui nous est très utile.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse. J'aimerais juste rappeler ce qu'on entend en général par le terme de jus cogens.Il s'agit des droits fondamentaux auxquels il ne peut en aucun cas être dérogé. Il n'y a pas de droits humains de première, deuxième, voire troisième classe ! Tous les droits humains ont probablement le même niveau. Ce que je voulais dire par mon énoncé, c'est qu'il y a certains droits tels que le droit à la vie, le droit de ne pas être torturé, auxquels on ne peut sous aucun cas déroger. Je prends un autre exemple, concernant la liberté d'opinion et la liberté d'association. Si le principe de la proportionnalité et le principe de la légalité sont respectés, on a le droit de déroger à ces libertés-là. Par contre, on n'a pas le droit de tuer quelqu'un, même si le droit de proportionnalité ou de légalité était respecté. C'était juste cet aspect-là que je voulais mentionner, Monsieur Vanek, mais je ne dirai jamais qu'il y a des droits de première, deuxième ou troisième classe; il a y suffisamment de classifications de ce genre ailleurs.
M. Antoine Droin (S). J'aimerais revenir sur les propos de M. Vanek. Si sur le fond je peux adhérer à certains de vos propos, Monsieur Vanek, je déplore simplement une chose: vous parlez de l'année précédente, et non de celle qui vient de se dérouler. En effet, je ne vois pas très bien comment vous auriez pu émettre un jugement sur ce qui s'est passé dans cette commission et sur la qualité des débats, puisqu'on ne vous y a vu qu'une fois...
M. Pierre Vanek (AdG). Je regrette en effet de ne pas avoir pu participer autant que je l'aurais voulu aux travaux de cette commission, et vous avez raison de le relever, mais je ne me suis permis en aucune manière de commenter des travaux particuliers. Mon intervention ne portait ni sur cette année, ni sur la précédente, ni sur la suivante, mais sur des questions générales de principe. Vous devez reconnaître, Monsieur le député, qu'il y a eu contradiction, qu'elle était de nature politique, et qu'il y a une perception très différente - j'essaie d'être modéré dans mes propos - du rapport entre ce que certains appellent le «noyau dur», soit le droit individuel à la vie, à la liberté, etc., et les droits économiques et sociaux.
Or il y a aujourd'hui, à mon sens, une importance particulière à mener campagne et à se battre pour les droits économiques et sociaux, pour le droit à la santé, à l'éducation, à ce genre de choses parfaitement élémentaires, qui ont évidemment aussi des incidences très concrètes sur les individus. Comment peut-on exercer des droits politiques élémentaires si l'on n'a pas droit à l'éducation, si l'on ne sait pas lire ni écrire ? Même s'il ne s'agit peut-être pas d'exécution, comment peut-on parler de droit à la vie s'il l'on meurt de maladie endémique ou épidémique ? Ces choses-là sont articulées. Toutes les organisations qui s'occupent de ces questions et que nous avons entendues au début des travaux de la commission le disent. J'ai cité Oxfram dans le débat sur le secret bancaire que nous avons eu hier; or, Mary Robinson - dont nous connaissons l'attachement aux droits de l'Homme et qui a accédé à la présidence d'honneur de cette ONG - insistait précisément dans un communiqué du mois de novembre de cette année sur l'importance du combat pour les droits économiques et sociaux. Le sens de mon intervention n'était pas du tout de faire des commentaires particuliers sur les travaux de la commission, ni de remettre en cause tel ou tel aspect de ceux-ci, mais puisque c'est un rapport annuel et qu'il y est question de principes et d'orientations générales, je voulais insister sur cette question des droits économiques et sociaux comme s'articulant étroitement avec tous les autres droits humains et comme étant un objectif essentiel, central, d'une politique qui voudrait se battre réellement, sur le fond, pour le respect des droits de l'Homme dans cette République et dans le monde.
M. Albert Rodrik (S). Il y a lieu ici de rappeler qu'avant que l'on crée cette commission lors de la précédente législature, nous avons eu un débat au cours duquel une amicale passe d'armes entre M. Halpérin et moi-même a cerné ici les différences de perception en matière d'étendue de droits de l'homme - perception qui est normale et naturelle dans sa différence. Rien ne serait pire que de prétendre qu'il y a une doctrine dominante ou unique à ce sujet. Ceci dit, la gauche a affirmé ici que son socle de droits humains intouchables englobait non seulement les droits économiques et sociaux, mais également les droits culturels, parce que, de par le monde, l'agression à l'égard du patrimoine culturel des gens commence à prendre des proportions énormes. Il a été clairement dit et affirmé que de ce côté-ci de l'assemblée, nous voulions ce socle plus large et moins spécieux et casuistique que certains de nos collègues le voudraient. La commission et le Grand Conseil doivent être traversés par ces différences et, je le répète, rien ne serait plus stérilisant que de vouloir s'acheminer vers une doctrine unique ou même dominante à ce sujet. Nous perdrions le pari de cette commission.
Mme Maria Roth-Bernasconi (S), rapporteuse. Je souscris tout à fait à ce que M. Rodrik a dit, ainsi qu'à la dernière intervention de M. Vanek. Il s'agissait uniquement de rappeler ici qu'il y a des droits qui sont inviolables. J'ai fait un rapport annuel et nous en avons parlé notamment en lien avec la résolution sur le Falun Gong, où certaines personnes ont tout de même remis en cause la défense de ces droits de toute première importance et qui sont inviolables. Mais, je le redis, il ne s'agit pas de classifier les droits humains. Il y a peut-être des droits humains de première et de deuxième génération, mais il n'y a pas d'autre distinction à faire. Je vous prie donc de bien vouloir considérer les déclarations de mon rapport dans ce sens-là.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Premier débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je suis très heureux de venir vous présenter à cette table ce projet de loi, et aussi rassuré que cet objet ait été mis à l'ordre du jour avant la fin de l'année, puisque vous savez que nous avions le devoir de voter cette loi avant la fin de l'année.
Au nom de la commission, je tiens à saluer le travail de rédaction du rapport RD 447-A, fait par le service du développement durable du DIAE. Ce rapport nous dit exactement tout ce qui a été fait depuis l'entrée en vigueur de la loi. Je tiens à rappeler ici que le délai a été particulièrement court, puisque la loi est entrée en vigueur - sauf erreur - le 19 mai 2001. Le Conseil d'Etat nous a donc présenté le projet de loi 8786, auquel quelques modifications ont été apportées. Je vous invite à prendre acte du rapport 447 et à voter le projet de loi 8786.
M. Christian Bavarel (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez l'attachement des Verts à l'Agenda 21. Nous sommes extrêmement satisfaits de voir qu'en commission, nous avons obtenu l'unanimité par rapport à cet Agenda 21. Nous tenons simplement à souligner l'importance des économies et du respect de l'environnement qu'il est possible de développer avec des outils de ce type-là. En effet, il s'agit là de permettre à l'administration et aux fonctionnaires qui y travaillent de faire un réel travail pour l'environnement, au quotidien et dans le cadre-même de leur emploi. Ce sont des choses qui nous tiennent à coeur, nous les Verts, et nous sommes très satisfaits de voir que nous avons eu autant de soutien et autant d'élan autour de cet Agenda 21 en commission.
M. Antoine Droin (S). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais compléter un peu ce qui a été dit concernant le développement durable, par rapport à quelque chose qui transparaît dans le rapport sans être forcément explicite, et qui constitue le fondement de cette loi: il s'agit de redéfinir et mieux situer ce qu'est le développement durable. Cette notion me semble importante, au-delà des Agendas 21 mis en place, parce qu'elle s'inscrit dans la durée et concerne les citoyens, la société civile, la collectivité publique. Tout le monde a un rôle primordial à jouer dans le développement durable et dans cette dynamique. Le développement durable nous apprend à gérer le quotidien, mais aussi à envisager l'avenir avec des solutions viables pour les générations futures. Cela constitue un élément clé de la définition du développement durable, et par là de ce que contient la loi proposée.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical salue le travail qui a été fait, en particulier les adjonctions apportées à la loi, garantissant l'équilibre entre les trois pôles du développement durable. Je tiens à relever, par exemple, la création d'un comité de pilotage interdépartemental, qui va assurer une approche transversale de ce thème.
Permettez-moi d'attirer l'attention du Conseil d'Etat sur un problème, peut-être plus pratique, d'application: il s'agit de la déclaration environnementale du Conseil d'Etat, jointe au rapport de la commission. Comme vous le savez, l'Etat est un gros pourvoyeur de commandes, un maître d'ouvrage très important. Or, il est dit dans cette déclaration que, notamment, le Conseil d'Etat doit «adopter une politique d'achat et une gestion du parc immobilier conformes au développement durable». C'est parfait ! Je souhaiterais que le Conseil d'Etat ajoute, lorsqu'il reverra cette déclaration, «adopter une politique d'achat de soumission et d'adjudication des travaux qui tienne compte du développement durable». En effet, de plus en plus de cas précis se présentent où l'on devra prendre soin, dans les décisions d'adjudication, de vérifier l'impact sur l'environnement de ces décisions. Voici un exemple tout simple: le DAEL doit actuellement adjuger des travaux très importants de construction d'une route, de l'ordre de 3 millions de francs, avec des transports de matériaux pondéreux. Une des offres provient d'une entreprise située à 150 km et qui va aller chercher ces matériaux à 100 km avec des va-et-vient très importants de transports. Ce sont là des éléments extrêmement importants que l'autorité devra prendre en compte, si elle veut appliquer véritablement l'Agenda 21 et cette transversalité.
M. René Desbaillets (L). Chers collèges, comme mes préopinants, j'ai trouvé qu'on avait eu des discussions très intéressantes en commission sur le développement durable. J'ai mis l'accent pour ma part sur le fait que bien que Genève soit une petite cité internationale entre le Jura et le Salève, on ne doive pas s'arrêter à ces petites limites lorsqu'on parle de développement durable. Il faut au contraire voir beaucoup plus loin, au niveau mondial. J'ai donc ajouté une petite phrase à l'article 15. J'ai mis l'accent sur le fait que, lorsqu'on importe notamment des produits agricoles, il faut également veiller à ce que le développement durable et surtout les droits de l'Homme des travailleurs de ces pays étrangers soient respectés. Il est parfois en effet un peu facile de faire en sorte que la main droite ignore ce que fait la main gauche.
Le Grand Conseil prend acte du rapport 447-A.
La loi 8786 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Débat
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce rapport met l'accent sur la concertation avec les milieux intéressés. Il est vrai que la problématique de la circulation aux Pâquis a été critiquée, dénoncée à plusieurs reprises dans ce parlement, mais aussi au Conseil municipal de la Ville de Genève. Il est vrai que le quartier des Pâquis, tout comme celui de la Vieille-Ville ou des Eaux-Vives entre autres, souffre d'asphyxie due au trop-plein de voitures. Or, on se souvient tous de notre tentative de mettre le paquet en réduisant la circulation à 30 km/h et de la montée aux barricades des entreprises et des cafés des Pâquis, qui craignaient que ces mesures n'entraînent un manque à gagner. Or on voit qu'il n'en est rien, puisque non seulement les mesures des 30km/h ont au contraire offert une meilleure qualité de vie aux Pâquis, mais en plus les mesures d'accompagnement - c'est-à-dire le dispositif de macarons mis en place - ont également contribué à améliorer la qualité de vie, et peut-être aussi à donner un nouvel élan aux commerçants.
Cela dit, à l'heure actuelle, les Pâquis souffrent des travaux sur la rue de Lausanne, qui provoquent un transfert de voitures sur les Pâquis, ainsi que de la problématique de l'aménagement de la place de la Navigation. Il y aurait apparemment un autre projet de la Ville de Genève visant à réaménager la place des Alpes. Je suis intervenue ici pour dire que cette concertation était nécessaire, afin d'éviter des problèmes qui pourraient surgir par la suite, étant donné les nombreux milieux intéressés. J'invite donc le Conseil d'Etat à intervenir dans ce sens.
M. Ueli Leuenberger (Ve). J'aimerais faire une remarque concernant le rapport et la situation dans le quartier des Pâquis, en demandant au Conseil d'Etat d'intervenir auprès des services concernés - je pense avant tout aux services de la Ville de Genève - pour qu'on prenne enfin des mesures constructives au niveau de la signalisation du début de la zone à 30 km/h. Enormément d'automobilistes ne respectent pas la limitation de vitesse, tout simplement parce que la signalisation à l'entrée est mauvaise. C'est un réel danger actuellement. Je crois que la grande majorité des habitants des Pâquis sont satisfaits des mesures qui ont été prises, mais il faut encore mieux signaler et peut-être contrôler le respect de cette limitation, ceci le plus rapidement possible.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Puisqu'il y a une demande «spontanée» d'un député, je vais y répondre très rapidement. Le Conseil d'Etat avait anticipé cette question, puisqu'il m'avait chargée de vous dire que s'il y avait des demandes de précisions en matière de marquage, favorisant une meilleure circulation et un meilleur respect des règles, le Conseil d'Etat se ferait un plaisir de transmettre ces demandes au Conseil administratif. Il en sera fait ainsi.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Débat
M. Antonio Hodgers (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de rappeler les objectifs de cette journée qui, à notre avis, sont avant tout pédagogiques. En effet, c'est une pédagogie pour la population que de vivre ces journées du 22 septembre, car si aujourd'hui cette journée «sans ma voiture» est l'exception dans l'année, d'ici dix ou vingt ans, c'est à celle-ci que devrait ressembler notre ville, c'est à elle que ressembleront les villes européennes. Face à la problématique de la pollution et de l'épuisement des ressources naturelles, nous n'aurons en effet pas d'autre choix que de vivre autrement. Cette journée est aussi un moment de festivités, d'échanges, de convivialité, et en ce sens-là - même si cela fait mal à certains - elle est très appréciée par la population, comme un récent sondage vient de le démontrer.
J'en viens maintenant à l'un des aspects qui avaient été soulevés par les auteurs de cette motion, à savoir que cette limitation du trafic privé pourrait être néfaste aux commerces. Eh bien non ! Les études ont montré qu'un nombre croissant d'habitants effectuent leurs achats en bus. Et la pratique démontre, que ce soit à Genève ou dans l'Union européenne qui connaît aussi cette journée, que les zones piétonnes sont plutôt dynamisantes pour les petits et les moyens commerces. On se rend donc compte à la pratique que les commerces ne sont pas du tout péjorés par une diminution des voitures dans leur périmètre mais, au contraire, que leur activité économique est stimulée. Dans ce rapport, on nous dit qu'il est difficile d'établir un bilan avec une seule journée par année, ce qui est vrai. C'est pourquoi le Conseil d'Etat pourrait peut-être proposer, afin d'avoir un bilan plus étoffé et des données plus concrètes, d'établir une journée par mois «en ville sans ma voiture».
M. Sami Kanaan (S). Monsieur le président, vous n'en serez pas surpris, je suis très proche de ce que vient de dire M. Hodgers, ce qui abrégera mon intervention. J'aimerais surtout attirer votre attention sur le fait que si nous voulons avoir une discussion constructive sur ce sujet, qui est visiblement sensible dans la politique genevoise, il faut éviter de faire des amalgames, tel que cela a été le cas à l'époque. Je crois que, depuis, nous avons tous fait du chemin sur ce sujet, puisqu'il y a eu deux nouvelles journées sans voitures depuis l'année 2000. Il serait malheureux d'attribuer à une journée sans voitures l'ensemble de la dégradation de l'emploi en ville de Genève sur dix ans - c'est un genre de raisonnement un peu court. On justifie la motion d'origine par la baisse du nombre d'emplois, mais heureusement, le rapport montre bien qu'il faut relativiser les liens de causalité, puisqu'une journée ne peut pas, à elle seule, expliquer des milliers de pertes d'emplois en ville de Genève. Il ne s'agit pas seulement de la ville de Genève, puisque nous savons que dans l'ensemble des villes, de façon relativement uniforme en Europe, il y a un phénomène de perte de substance économique dans les centres-villes. Cela mériterait une analyse plus approfondie que de considérer uniquement les effets de la journée sans voitures. Nous saluons d'ailleurs depuis - et c'était utile de ce point de vue-là - les clarifications faites par l'évaluation de la journée sans voitures, et je crois que la Ville de Genève a aussi fait preuve de bonne volonté en rendant plus crédible cette évaluation. Celle de la journée 2002 vient d'ailleurs d'être publiée, elle a été faite par une instance indépendante qui confirme que c'est un événement populaire. Je crois que la journée sans voiture est une occasion unique pour tous les bords, dans le cadre d'une journée symbolique, de discuter de différents scénarii pour la gestion de la mobilité au centre-ville. Je souhaite qu'il y ait une prise de conscience que la mobilité au centre-ville ne pourra certainement pas se régler à coups de solutions simplistes, dans un sens comme dans l'autre. Nous saluons donc ce rapport, qui vient relativement tard mais reste d'actualité, et espérons que ce processus qui tend à évaluer de manière plus systématique les effets de la journée sans voitures se maintienne, et espérons surtout que cette journée sans voitures soit à l'avenir moins polémique et plus consensuelle. C'est vraiment une occasion unique d'étudier ensemble ces questions.
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, j'aimerais abonder dans le sens des deux préopinants. Je constate en tous cas que la situation de la circulation, ou plus exactement de la mobilité en ville de Genève, s'est très fortement dégradée ces dernières années. C'est assez frappant: j'ai discuté par hasard ces derniers jours avec plusieurs personnes venant d'autres cantons qui m'ont dit ne plus vouloir venir à Genève en voiture - ce qui, du reste, est une bonne conclusion - mais préférer le train et les transports publics, parce que le taux d'augmentation des voitures automobiles fait qu'aujourd'hui les déplacements deviennent de plus en plus difficiles. A cela s'ajoute une dégradation importante de la qualité de vie.
J'ai eu l'occasion, pendant les vacances scolaires, d'aller en Italie, où l'on voit le pire, mais aussi des choses assez exceptionnelles. J'étais dans la ville de Lucca, ou tout le centre est piétonnier, où les gens se déplacent en bicyclette, et il y a là une qualité de vie absolument extraordinaire ! J'ai été enthousiasmé par cette ville. Il y a des villes italiennes qui se sont rendu compte qu'avec l'augmentation du trafic il fallait prendre de nouvelles mesures.
Je pense donc que cette «journée sans ma voiture», comme cela vient d'être dit, est en effet une excellente occasion de prendre conscience de ce phénomène, d'autant plus que - et on l'a entendu de délégués de Strasbourg et d'ailleurs - la France a connu une situation identique: la première réaction des commerçants a été négative. C'est vrai que c'est peut-être plus facile en France, où on a un régime préfectoral...
M. Claude Blanc. En France, il y a Sarkozy !
M. Christian Grobet. Je ne veux pas personnaliser le débat, Monsieur Blanc, il y a surtout un régime dit républicain, très centralisé, avec des préfets qui ont beaucoup de pouvoir, ce qui fait que lorsqu'une municipalité décide de mettre en place des zones piétonnes en ville, elles sont réalisées très rapidement. Or, tous les commerçants qui, au départ, y étaient opposés, ne voudraient plus aujourd'hui que cela change. Il faut donc faire prendre conscience aux gens de ces avantages.
Je voulais aussi insister sur un élément nouveau, apparu tout récemment, à savoir que les résultats de ces journées piétonnes ayant été contestés par certains sur le plan scientifique et sur le plan de la crédibilité, la Ville de Genève a eu l'heureuse idée de recourir aux services de l'université - voyez, Madame Brunschwig Graf ! - et je trouve qu'on devrait recourir plus souvent aux scientifiques dont on bénéficie dans l'université. Or, le laboratoire d'économie appliquée de la faculté des sciences économiques et sociales a rendu tout un rapport sur les effets de cette journée. Ce qui est intéressant, c'est que ce rapport tout à fait scientifique rejoigne et confirme les conclusions auxquelles la Ville de Genève était arrivée. En conclusion, je voudrais simplement dire à ceux qui seraient épris de pessimisme de demander à la Ville de Genève une copie de ces deux documents, tout à fait instructifs.
M. Pierre Kunz (R). Mesdames et Messieurs les députés, nous avons entendu un certain nombre de propos à caractère pédagogique venant des milieux de gauche, mais qu'ils soient de gauche ou de droite, lorsque ces milieux politiques se mettent à faire de la pédagogie, j'avoue que je me méfie toujours.
Cette journée sans voiture est en réalité, lorsqu'on va au fond des choses, une atteinte bureaucratique et simpliste à la liberté de mouvement, à la mobilité. La conséquence est évidente: le centre-ville y perd chaque fois un peu de son attractivité, de son potentiel économique et fiscal, et ceci pour le plus grand bonheur des centres commerciaux périphériques. (Protestations.)C'est pour cela, Mesdames et Messieurs - sans vouloir faire de pédagogie - que je me permets de prendre la parole, car, en tant qu'acteur économique, je ne me sens pas du tout concerné par la problématique du centre-ville.
Ce qu'il faut - si j'ose vous le dire en ma qualité de citoyen - c'est que le monde politique, sans dogmatisme et avec pragmatisme, s'astreigne à mettre en place des conditions-cadres qui favorisent le rôle historique de la ville de Genève, un rôle de catalyseur de la vie sociale, culturelle et économique. Pour cela, il n'y a pas besoin de limiter le mouvement des gens ! Il faut favoriser le développement harmonieux des transports publics et des transports privés.
M. Jean Rémy Roulet (L). Monsieur le président, chers collègues, en entendant M. Grobet nous narrer avec conviction ses vacances en Italie, je me suis souvenu d'une citation d'un conseiller d'Etat radical qui disait qu'il y a autant d'ingénieurs de la circulation dans ce canton qu'il y a de citoyens.
M. Jean-Michel Gros. Il y en a un de moins !
M. Jean Rémy Roulet. Ceci étant dit, la motion traite d'un point tout à fait précis: il s'agit de redonner un équilibre en matière de développement durable entre les trois pôles qui le constituent, à savoir l'économie, le social et l'environnement. Or, la première manifestation d'«une journée sans ma voiture» orchestrée par M. Ferrazino était exclusivement centrée sur les problématiques sociale et environnementale - auxquelles chacun d'entre nous ici est fortement attaché - mais tout le volet économique a été sciemment ou inconsciemment négligé. C'est pour cette seule et unique raison que les auteurs de cette motion ont demandé au Conseil d'Etat non pas de sévir, mais de demander au Conseil administratif de la Ville d'être beaucoup plus égal dans le traitement des trois paramètres que j'ai préalablement indiqués.
Je dois dire que le rapport qui a été rendu récemment dans la presse à ce sujet est partiellement satisfaisant, parce qu'il continue de nier l'impact économique réel sur le commerce et sur d'autres activités du centre-ville. Mais disons qu'un premier pas a été fait et nous sommes sûrs que pour les prochaines journées sans voitures, le pôle économique sera d'autant plus martelé. Je dirais en conclusion que dans tout ce débat sur la mobilité, il ne faut pas oublier que le peuple genevois a récemment voté l'égalité de traitement entre les différents modes de transports, privés ou publics, et nous souhaiterions, pour la suite des travaux, que ce type de considération soit mieux pris en compte.
Le président. Merci, Monsieur le député, la parole est à M. le député Rodrik. Je vous rappelle qu'il s'agit de la deuxième mouture de ce rapport du Conseil d'Etat sur la journée 2000.
M. Albert Rodrik (S). Merci, Monsieur le président. Bien entendu, nul ne va plaider dans cette enceinte pour des rapports pas sérieux ! Le problème, c'est que dans cette enceinte, chacun trouve sérieux les rapports qui lui conviennent... Je me lève pour vous rappeler une seule chose, puisque je ne l'ai pas entendue de tout ce débat: il y a encore et toujours, depuis environ cinquante ans, mettons trente ans, un véhicule pour moins de deux habitants dans ce canton. Ce chiffre - un véhicule pour moins de deux habitants ! - est en lui-même monstrueux. Je vous remercie.
M. Jean-Michel Gros (L). Mesdames et Messieurs les députés, on nous a parlé pédagogie, on nous a parlé du trop grand nombre de véhicules, notre chef de groupe libéral a évoqué la valeur économique des commerces du centre-ville, moi je voulais juste ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Grobet. M. Grobet s'est félicité d'une étude commandée à l'université. Bien sûr, tout le monde se félicite d'une étude commandée à l'extérieur par la Ville de Genève, car cela donne plus d'objectivité au rapport. Cependant, les résultats de cette étude me laissent tout de même songeur... Lorsque cette étude conclut simplement qu'il y avait x % de véhicules en moins ce jour-là en ville de Genève, et que les TPG ont été utilisés x % de plus, cela me paraît être quelque chose que l'on aurait pu deviner tout seul... Evidemment, lorsqu'on nous annonce à force médias que le centre-ville sera bouclé à la circulation tel jour, il est évident que si nous avons effectivement besoin de descendre en ville ce jour-là, nous prendrons les TPG ! En tout cas, il serait complètement aberrant de prendre sa voiture, sachant qu'il y aura perspective de bouchons.
Ces études me semblent donc véritablement réductrices. Lorsque la Ville de Genève ou d'autres communes genevoises fermeront l'entier de leur voirie de circulation pendant un jour par semaine, je peux imaginer que l'étude sera encore plus favorable à vos thèses, et qu'il y aura peut-être une diminution de 100% de la circulation automobile à Genève, et une augmentation de près de 100% de l'utilisation des TPG. Ces études ne sont donc pas sérieuses ! Je crois vraiment qu'une étude doit absolument être faite sur les pertes éventuelles pour l'économie du centre-ville - étude impossible cette année, puisque cette journée tombait un dimanche. C'est à ce niveau-là qu'une étude scientifique aurait vraiment de la valeur. Quant au rapport du Conseil d'Etat sur cette motion, nous ne pouvons qu'en prendre acte, tant il est - pardonnez-moi l'expression - un peu léger.
Le président. Il y a encore deux orateurs inscrits, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. Très bien, sont inscrits MM. Muller et Kanaan. Monsieur Muller, c'était une erreur ? Bien, M. Kanaan, ce n'est sans doute pas une erreur.
M. Sami Kanaan (S). Non, je ne suis pas une erreur, du moins je n'espère pas l'être. (Rires.)
M. Gros vient de donner l'illustration parfaite de ce que vient de dire notre collègue Rodrik, soit qu'on ne considère comme sérieux que ce qui nous convient. Il l'a fait de manière encore plus précise, puisqu'il a choisi dans le rapport ce qui ne lui convenait pas ou ce qu'il ne trouvait pas crédible pour critiquer un rapport entier qui contenait bien plus d'informations.
Evidemment, un rapport commence par des constats, et c'était un constat et non un jugement que faisait ce rapport en disant qu'il y avait moins de trafic. Vous avez raison, Monsieur Gros, certaines personnes ont renoncé à prendre leur voiture sachant qu'il y aurait un problème. C'est là un constat qu'il fallait faire pour mesurer à quel point les gens avaient ce choix. Mais le rapport montre aussi toute une série d'autres éléments, notamment que ce genre de journées est apprécié, même s'il est vrai que cette année était un cas particulier, puisque la journée est tombée un dimanche. On sait que dans la population suisse, il y aurait peut-être une certaine sympathie pour les dimanches sans voitures, que ce soit par nostalgie des dimanches sans voitures des années 73 et suivantes, par conviction ou pour d'autres raisons. Nous aurons d'ailleurs un vote fédéral à ce sujet dans les mois ou années qui viennent.
Pour en revenir à l'impact économique qui vous préoccupe tant, je souhaiterais que l'on fasse une étude sur l'impact économique sur le commerce du trop-plein de voitures au centre-ville. Et je suis persuadé que si elle est menée sérieusement, vous verrez que l'augmentation massive de voitures dont parlait entre autres M. Grobet est justement extrêmement négative pour le commerce du centre-ville. Je pense en particulier aux petits et moyens commerces, mais même les grands commerces de la zone centre-ville profiteraient bien plus d'une politique qui consisterait à éviter les bouchons, le stationnement sauvage et l'absence de contrôle. Je peux vous garantir que ces points-là sont particulièrement néfastes et que les gens ne se sentent pas incités à aller au centre-ville si même les trottoirs sont couverts de voitures. Cela est à mon avis beaucoup plus grave à long terme pour la situation économique du centre-ville qu'une journée sans voitures.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Préconsultation
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste vous propose ce projet de loi, car la question du jeu excessif ou jeu pathologique est un véritable problème de santé publique. L'association «Rien ne va plus» a été créée en 2000. Elle est un centre de prévention des problèmes de jeu excessif et offre une série de prestations et services aux personnes touchées par ce fléau. Il faut dire qu'à Genève environ 7000 personnes souffrent de ce problème, sans parler de leurs familles qui sont également touchées. Je ne serai pas très longue dans mes explications, je vous demande tout simplement d'appuyer ce projet de loi, étant précisé que l'association «Rien ne va plus» était subventionnée par le Casino de Genève, dont on connaît tous le sort. C'est la raison pour laquelle je vous demande d'accepter ce projet de loi et de le renvoyer en commission.
M. Christian Grobet (AdG). Je voulais simplement intervenir pour dire que, bien entendu, nous appuyons la démarche socialiste qui vise à soutenir l'association «Rien ne va plus», qui fait effectivement un travail important et apprécié en matière de prévention du jeu excessif.
Mme Loly Bolay a bien fait de rappeler que si cette association a perdu une subvention, c'est que cette dernière était versée par le Casino de Genève. L'AdG estime que, selon le même principe que celui du «pollueur-payeur», ce devrait être l'établissement qui est à l'origine de l'offre de jeu - et qui peut donc provoquer le jeu excessif - qui devrait prendre en charge les conséquences de son activité. Je rappelle que c'est un autre casino que celui défendu par la Ville de Genève qui a bénéficié de la concession du Conseil fédéral. A ce sujet, ce sera peut-être intéressant de savoir - mais je pense que ce dossier ne relève pas de la compétence des deux conseillers d'Etat ici présents - où en est la mise en exploitation de ce casino à Meyrin, et si le Conseil d'Etat a suivi de près l'évolution de ce dossier. Vous avez sans nul doute lu dans la presse, comme moi, que le bénéficiaire de la concession ne va finalement pas l'exploiter et que la concession va de fait être remise à une autre société française. Celle-ci aurait, semble-t-il, racheté le capital-actions de la société concessionnaire, mais il s'agit en fait d'un transfert de concession. On sait la réputation qu'ont certains casinos français, et elle n'est en tout cas pas celle que le Conseil fédéral et moi espérons pour Genève. Il est notoire en effet que la mafia a envahi un certain nombre de sociétés françaises de casinos. Je dois dire que le fait qu'une société puisse, par le biais d'une reprise d'actions, mettre la main sur une concession qui a été délivrée à une autre société, a de quoi m'inquiéter. Je crois pouvoir dire que je ne suis pas le seul. Je sais que notre nouveau président a beaucoup à faire, mais il nous a promis de nous rendre son rapport sur les débats que nous avons eus sur la question du casino; il y a là un certain nombre d'informations qui ont étonné l'ensemble des membres de la commission législative. Du reste, c'est à cette occasion-là que nous avions entendu l'association «Rien ne va plus».
Nous devrions avoir rapidement une information de la part du Conseil d'Etat sur la situation de Meyrin, pour savoir notamment si le Conseil d'Etat est intervenu ou a envisagé que, précisément, cette société verse une contribution à l'association «Rien ne va plus». J'estime en effet que ce casino devrait contribuer au travail de cette association. C'est la raison pour laquelle je crois que le contexte assez particulier de cette affaire justifierait, comme il s'agit d'une demande de subvention, que le projet de loi soit renvoyé devant la commission des finances, mais aussi que la commission législative donne son avis sur le projet de loi. Les deux auteurs en font partie et on y avait longuement débattu de cette question. Le projet de loi serait l'occasion d'obtenir un certain nombre de renseignements complémentaires, nécessaires pour apprécier l'attribution de cette subvention.
Le président. Je vous rappelle que nous sommes en préconsultation, que ce projet de loi, s'il est renvoyé en commission, ira aux finances puisqu'il s'agit d'une subvention, et qu'effectivement, le Bureau et les chefs de groupe ont suggéré que la commission des finances prenne l'avis de la commission législative. La parole est à M. le conseiller d'Etat Unger, qui souhaite répondre directement à certaines des questions posées.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Merci Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est vrai que le jeu pathologique est un vrai problème de santé publique, au même titre que toutes les autres dépendances, qu'elles soient à des substances ou, respectivement, à des comportements légaux ou illégaux. A cet égard, il est du devoir de la santé publique de s'occuper de prévention. J'observe toutefois que le projet, tel qu'il nous est soumis et qui sera certainement amendé en commission, pose un certain nombre de problèmes.
Le premier, c'est d'offrir des ressources thérapeutiques. La thérapeutique n'est pas du domaine de la santé publique, elle est du domaine de la santé tout court. Il n'y a pas de raison particulière de financer des soins gratuits pour les joueurs pathologiques, alors que les toxicomanes-dépendants devraient, eux, dépenser ou faire dépenser par leur caisse maladie une certaine somme. Il y a là quelque chose qui ne joue pas. Il faut séparer la prévention de l'aspect thérapeutique.
Deuxième élément, purement formel, j'en conviens : lorsque des députés produisent un projet de loi qui induit une dépense supplémentaire, et que cette dépense dépasse 60 000 F - mais, Mesdames et Messieurs, c'est notre bien commun - il est prévu par notre constitution que les députés fournissent la source de financement.
J'en viens à ma conclusion, parce qu'au fond - M. Grobet vient de le dire aussi bien, sinon mieux que ce que j'allais faire - pour une fois, nous avons cette source de financement ! Mesdames et Messieurs, un casino va s'ouvrir, et ce casino doit de toute évidence - pour autant qu'il s'ouvre... - selon le même principe que celui du «pollueur-payeur» cité par M. Grobet, contribuer à la hauteur qui doit être la sienne. Les gens qui exploitent des casinos se doivent d'assumer les charges liées à la perturbation de la santé publique qu'ils introduisent.
J'en profite - mais ça n'engage que moi, car c'est antérieur à ma présence au Conseil d'Etat - pour vous dire toute l'opposition que j'avais formulée à l'époque à la loi sur les casinos, et toute l'opposition que je ferai à ce qu'on tende à nos jeunes et aux gens les plus fragiles les outils de leur propre destruction.
M. Gilbert Catelain (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'abonde dans le sens du conseiller d'Etat par rapport à ce projet de loi, qui nous dit que si rien ne va plus pour les joueurs du casino, on peut dire au contraire que tout va pour le mieux au niveau des casinos.
Je constate qu'à l'annexe du projet de loi le budget 2001 de cette association était grosso modo de 123 000 F au niveau des recettes et de 116 000 F au niveau des dépenses, et qu'on veut porter ces recettes à 275 000 F en 2005, soit une augmentation supérieure à 100 %. J'observe aussi que jusqu'à présent cette association a pu exercer sans subvention de l'Etat - ce qui est tout à son honneur - et je m'étonne que la commune de Meyrin, qui va héberger ce casino de catégorie A, ne soit pas intégrée dans ce projet de loi, alors qu'elle bénéficiera des recettes fiscales liées à l'exploitation de ce casino. Personnellement, j'inviterais donc les auteurs de ce projet de loi à contacter la commune de Meyrin, qui pourra faire de bonnes oeuvres. M. Blanc ne pourra pas me démentir sur ce point-là, vu sa couleur politique.
En conséquence, il apparaît qu'une subvention de l'Etat de Genève ne se justifie pas pour l'instant, sachant que le casino de la commune de Meyrin pourra lui aussi suppléer à la subvention qui était accordée à l'époque par le casino de la ville de Genève. Au demeurant, on pourrait demander au conseil administratif de la Ville de Genève de faire aussi un petit geste au profit de cette association.
M. Claude Aubert (L). Il est assez rare qu'on ait dans un projet de loi le développement d'un type de raisonnement. Or ce type de raisonnement est extrêmement important à comprendre, parce qu'historiquement il a façonné le paysage sanitaire et psychosocial genevois.
Ce raisonnement est très simple, il est ou a été extrêmement utile, et on pourrait le formuler de la manière suivante: si vous avez un problème, vous créez une structure. Si l'on remonte dans le temps, par exemple aux années 60-70, il y avait ici à Genève une volonté politique et populaire de développer toute une série de structures. Bravo, c'était magnifique. Il y avait un problème avec les personnes âgées, on a créé l'hôpital gériatrique; il y avait un problème avec les toxicomanes, on a créé un service adapté; un problème avec les enfants, on a créé la guidance. C'est merveilleux, c'est fantastique.
Seulement, au bout d'un moment, on en arrive à la limite du système. Cette limite pourrait s'appeler la fragmentation. Prenons un exemple qui m'est plus familier, c'est celui de la médecine: à l'époque on avait ce qu'on appelait la médecine interne, ensuite se sont dégagées un certain nombre de spécialités telles que la pneumologie, la cardiologie ou l'infectiologie. Chacune de ces unités était extrêmement utile et heureusement qu'on les a créées, mais vous voyez progressivement un système qui commence à ressembler à un baobab, parce que chaque unité a un staff, que celui-ci grandit, et qu'au bout d'un certain nombre d'années, vous avez besoin de dix ou quinze patients pour animer un ensemble gigantesque. Plus prosaïquement et plus dramatiquement, il est certain que le drame de Meyrin est lié aussi à cette pathologie d'un système, qui s'appelle la fragmentation.
«Forum santé» est allé un peu dans mon sens, en disant qu'il fallait s'occuper de la personne, et pas forcément du symptôme. Si on continue dans la caricature, un joueur pathologique qui a un conflit de couple va être orienté vers un centre qui s'occupe de thérapies de couples; comme il aura des problèmes familiaux, on va l'orienter vers un centre de thérapies de familles, etc., etc.
Dans le projet de loi, on a une solution: pas dans le projet de loi lui-même, mais dans les considérants. Cette solution consiste à cesser de réfléchir en termes d'addition, pour se pencher sur la connexion. Nous avons à Genève des ressources immenses en termes d'associations, de groupes de thérapies, d'institutions et autres, et il me semble extrêmement important que l'on change de politique - parce qu'il s'agit vraiment d'un choix politique - et que l'on décide d'utiliser les ressources existantes et de les mettre en connexion. On éviterait ainsi de prolonger un système qui foisonne, parce que - je vous le fais remarquer - tout le monde est d'accord de poursuivre la création et le développement du baobab, mais dès l'instant où l'on voit qu'il y a un baobab, on s'en étonne et se dit que c'est beaucoup trop cher.
En ce qui concerne les libéraux, même s'il est très louable de vouloir s'occuper de ce problème de cette manière-là, nous pensons que pour des raisons politiques il faut changer d'arguments, il faut cesser d'additionner pour se mettre à connecter, c'est pourquoi nous ne pouvons pas nous associer à ce projet de loi.
M. Claude Blanc (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ayant été invité par M. Catelain à le contredire, je vais au contraire lui dire que je suis d'accord avec lui. Je voudrais rappeler ici, pour rejoindre les propos de M. le conseiller d'Etat Unger, qu'il y déjà un certain nombre d'années - évidemment les députés survivants sont peu nombreux, mais il en reste quelques-uns - quand a commencé la fâcheuse aventure du Casino de Genève, dont on ne savait pas encore qu'elle finirait aussi fâcheusement, nous étions deux dans ce parlement à essayer de nous opposer à l'ouverture de ce casino. L'initiative venait d'ailleurs de Mme Jacqueline Damien, notre ancienne collègue. Nous étions donc tous deux à mener un combat d'arrière-garde contre ce casino, puis nous avions été submergés par le vote du peuple suisse qui a libéralisé le jeu dans notre pays, tout ça parce qu'on disait à l'époque: «si on ne joue pas à Genève, on ira jouer à Divonne ou à Evian et ce sera la même chose, si ce n'est que notre bon argent nous échappera.» Tout le monde sait que dans ce pays, le culte de l'argent est très développé, mais voilà où on en arrive, Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on adore l'argent à ce point-là.
Pour revenir à ce que disait M. Catelain, je suis tout à fait d'accord avec lui pour dire que les pollueurs doivent être les payeurs. Je ne sais pas si c'est la commune de Meyrin qui devrait le faire, mais cela est certain concernant le casino, pour autant qu'il s'ouvre. Nous sommes entièrement d'accord là-dessus. Je ne vois en tout cas pas l'Etat se mêler de ça. Vous savez ou nous en sommes par rapport à l'étude du budget, vous savez ce que nous avons tous demandé au Conseil d'Etat, à savoir de maîtriser les dépenses budgétaires, vous savez qu'une partie des efforts de la commission des finances a justement porté sur le contrôle des subventions qui se multiplient chaque année. Chaque fois qu'on vient avec un nouveau projet de subventionnement, il faut être extrêmement restrictif, et voir s'il n'y a pas un autre moyen de résoudre le problème posé.
Ce projet de loi est renvoyé à la commission des finances, avec la demande à celle-ci qu'elle interroge, le cas échéant, la commission législative.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Je tiens à préciser d'emblée que notre groupe n'est bien entendu pas opposé à ce crédit d'investissement. Il s'agit de faire en sorte que la centrale téléphonique qui recueille les appels relatifs aux transports sanitaires urgents soit aussi efficiente que possible et bénéficie d'une infrastructure adéquate.
Cependant, c'est également l'occasion de demander au Conseil d'Etat de nous donner un certain nombre de renseignements sur la fameuse brigade d'ambulances publiques, qui avait été promise au moment du vote référendaire, certes pas par M. Unger mais par son prédécesseur. Cette brigade, je ne l'ai en tous cas toujours pas vue. Des questions ont été posées, Monsieur Unger, lors d'une interpellation urgente de Mme Blanchard-Queloz, qui m'a prié de faire excuser son absence cet après-midi pour raisons professionnelles. Malheureusement, vous n'avez pas pu, semble-t-il, la renseigner lors de la dernière séance.
Je ne demande pas forcément que vous nous renseigniez en détails maintenant, mais je tiens à dire que nous avions beaucoup de doutes quant à la volonté du Conseil d'Etat de constituer ce secteur d'ambulances publiques qui devait remplacer - je le rappelle - le secteur d'ambulances dépendant de la police. Selon M. Segond et certaines autres personnes, ce n'était pas la mission de la police de s'occuper des ambulances publiques. Personnellement, je ne partageais pas cette vision des choses, je trouve qu'il est de bon aloi que la police s'occupe de tâches diverses et pas uniquement de répression. Bref, le peuple en a décidé autrement... Mais il convient alors que les engagements qui ont été pris aussi bien par le Conseil d'Etat que par ce Grand Conseil soient tenus, car il s'agissait bien d'engagements, et non de promesses. D'ailleurs, j'entends encore les rapporteurs qui étaient intervenus à cette occasion au sujet de la création de cette brigade sanitaire publique.
A cet égard, j'estime que le développement des prestations du SIS, soit les sapeurs-pompiers professionnels de la ville de Genève, ne répond en aucun cas à la brigade sanitaire publique qui devait être créée. J'avoue que, personnellement, je n'ai pas beaucoup goûté - mais c'est là un autre débat - que le SIS, qui pendant la campagne se vantait de ses tarifs réduits, ait par la suite fortement augmenté ses tarifs et, semble-t-il, pour d'autres besoins financiers. Mais je ne voudrais pas ici... (L'orateur est interpellé par M. Blanc.)Ecoutez, il faudrait tout de même qu'on ait des renseignements de la part du Conseil d'Etat, pour savoir à quoi sert cette augmentation des tarifs lors des interventions des ambulances du SIS ! Vous me permettrez de dire, Monsieur Blanc - puisque vous aimez intervenir, même si ce n'est pas toujours à propos - qu'en tant que citoyen, je me sens floué dans cette affaire !
Le président. Merci Monsieur le député, je vous rappelle que vous vous adressez au président et pas à un député, même si celui-ci vous interrompt.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Même si le crédit d'investissement touche la centrale 144 et uniquement celle-ci, je me permettrai de répondre en quelques mots au député Grobet, de telle manière que le sentiment d'être floué qu'il ressent ne perdure pas au-delà du vendredi et ne gâche pas son week-end.
En premier lieu, la brigade sanitaire publique a été créée, mais sans le transfert des ambulances de la police, puisque les policiers eux-mêmes avaient le choix - et c'étaient les termes de la loi - entre rejoindre la brigade sanitaire publique ou rester dans la police. On leur a fait croire à juste ou à faux titre - ce sont des ouï-dire, je n'ai aucune preuve - qu'ils seraient maltraités s'ils passaient dans la brigade sanitaire publique. C'est la raison pour laquelle - et je respecte leur choix tout en le déplorant, car il s'agit de professionnels de qualité - ils sont restés dans la police, où leurs qualités peuvent sans doute être mises en valeur d'une autre manière.
Tant et si bien que la brigade sanitaire publique qui figure dans la loi comporte désormais le service de sécurité de l'aéroport, dont l'activité augmente aussi au nom du principe de proximité, le cardiomobile et l'hélicoptère médicalisé. Le reste des courses, celles de la police, au nombre d'environ 3000 à l'époque, a été ventilé selon le principe de proximité sur l'ensemble des autres partenaires, tout simplement parce qu'il n'y a pas eu de transfert. Au demeurant il est vrai, Monsieur le député, que la police nous avait transféré ses véhicules. Deux ont dû être mis à la casse, compte tenu de leur état d'entretien, et le troisième a pu être donné à une oeuvre humanitaire.
La responsabilité de la brigade est désormais assurée par un urgentiste - c'était un des objectifs de la loi. Il est en fonction depuis maintenant six mois, les choses fonctionnent bien, le système se professionnalise et, effectivement, il y a un certain nombre d'interrogations au niveau des tarifs pratiqués. La réponse se trouve tout simplement dans l'harmonisation des tarifs pour une prestation du même ordre dans une ville, respectivement un canton comme le nôtre. Cela se fait dans tous les cantons de Suisse. Cette harmonisation s'est faite par le haut, parce que les prestations du SIS faisaient l'objet d'une subvention massive des contribuables de la Ville, et uniquement de ceux-ci puisque c'est la Ville qui paye le corps des sapeurs-pompiers. J'ai cru comprendre que lorsque nous avions parlé de la cantonalisation du service d'incendie et de secours, cela avait créé quelques remous, et que mon collègue Cramer avait dû faire en partie marche arrière par rapport à cet excellent projet.
Ceci étant dit, nous avançons dans la discussion des tarifs, et le Conseil d'Etat a demandé à l'ensemble des partenaires de baisser l'ensemble des tarifs, non pas au niveau de ceux pratiqués par le SIS - cela demanderait une subvention de l'Etat de plusieurs millions - mais de telle manière que les coûts soient plus supportables. Et pour être tout à fait franc, je me suis fixé comme objectif que le tarif ne dépasse pas la somme remboursée par les caisses maladies, à savoir la somme de 500 F. Nous ne sommes pas toujours en phase les uns et les autres, mais la marge diminue, nous avançons, et j'espère pouvoir d'ici la fin de l'année - pour autant que les partenaires soient d'accord - vous annoncer un tarif satisfaisant, puisqu'il rentrerait dans le cadre de ce qui est remboursé par l'assurance-maladie. Il faut en outre préciser que ce tarif est déjà remboursé par l'assurance-accident.
Ce projet est renvoyé à la commission des finances.
Préconsultation
M. Sami Kanaan (S). Je crois qu'il n'est pas nécessaire de s'étendre longtemps sur le fait que, dans le domaine de la petite enfance, il y a de nombreux besoins non couverts. Actuellement, en ville de Genève, près de 60% des demandes de prise en charge, en crèche ou à domicile, ne peuvent être satisfaites - et ce chiffre tient évidemment compte des doubles ou triples demandes ! Il est vrai que ces dernières années, la Ville de Genève a développé de nombreuses nouvelles places de crèches, mais cette augmentation a tout juste réussi à combler l'augmentation des demandes, de sorte qu'on continue à avoir des taux de satisfaction largement insuffisants. Parallèlement, il y a une prise de conscience de l'importance de ce besoin, aussi en termes de politique familiale et de politique économique.
Avec la fin du modèle familial traditionnel comme modèle dominant - que cela plaise ou non, ce modèle existe encore mais n'est plus majoritaire - nous avons de plus en plus de familles où les deux parents travaillent, ou alors - ce qui est de plus en plus fréquent - de familles monoparentales. Dans ces situations, il devient impératif et urgent pour la famille de pouvoir disposer d'une place en crèche ou en famille d'accueil, avec des garanties de qualité, d'encadrement et d'organisation.
L'offre augmente mais ne suffit pas, c'est pourquoi nous, socialistes, avons souhaité accélérer les efforts dans ce domaine, d'où le dépôt de ce projet de loi. Pour être très clairs, nous ne remettons pas en question la compétence communale dans ce domaine. Fondamentalement, la petite enfance relève de la compétence communale - c'est logique et cohérent dans le système suisse - et elle le restera dans cette loi. Nous ouvrons simplement la possibilité d'une aide cantonale à la génération de nouvelles crèches ou au fonctionnement des crèches existantes, afin d'encourager les communes - toutes communes confondues d'ailleurs - à faire un effort dans ce domaine.
Même le Parlement fédéral a pris conscience de la nécessité d'agir dans ce domaine, puisque récemment les Chambres fédérales ont accepté à une nette majorité de libérer un crédit de 200 millions sur quatre ans, pour soutenir la mise à disposition de nouvelles places pour la petite enfance. Ceci dit, le crédit fédéral est plus large, puisqu'il vise aussi des structures de type parascolaire. Même si 200 millions peuvent paraître beaucoup, c'est en fait relativement peu à l'échelle suisse. Il n'y a pas de critères fixes sur la répartition par canton de cette somme, et la politique qui prévaut apparemment pour l'instant est celle du «premier demandeur, premier servi». Or, nous avons calculé que si l'on appliquait un critère de quota de population, le canton de Genève aurait éventuellement droit à trois millions par an, ce qui serait insignifiant par rapport aux besoins réels, d'où notre souhait d'impliquer aussi le canton. D'ailleurs, à l'époque du débat fédéral, il a été clairement démontré que même si la compétence était communale, il était tout à fait légitime, du point de vue de la politique familiale au niveau constitutionnel, d'impliquer les échelons supérieurs - soit cantons et confédération - dans cette responsabilité.
Nous ne sommes pas du tout au point zéro dans le canton de Genève. Il y a eu une motion votée par ce Grand Conseil en décembre 2000 - si je ne m'abuse - qui demandait au Conseil d'Etat d'évaluer la possibilité d'une intervention du canton dans ce domaine; il y a eu les assises de la petite enfance au printemps 2001, organisées sous l'égide de la délégation à la famille du Conseil d'Etat, qui ont d'ailleurs abouti à des recommandations que nous soutenons entièrement, et qui abordaient la question dans son ensemble, aussi bien sous l'angle des besoins en places, des besoins en financement, des conditions d'accueil, des conditions de gestion de ces crèches, des conditions du personnel, de l'organisation d'une année préscolaire, etc. Evidemment, lorsqu'on aborde la question de manière aussi globale, cela prend du temps avant de pouvoir appliquer une solution. Nous savons qu'un groupe de travail interdépartemental planche sur ce sujet, il associe d'ailleurs tous les milieux concernés: les communes, les crèches existantes, le personnel et ainsi de suite. Ce groupe de travail avance, mais cela prendra du temps. Des expériences dans d'autres cantons ont montré que, ma foi, régler la question de manière globale prenait quelques années. Or, la demande urge. Même sur le plan économique, je vous rappelle que plusieurs entreprises récemment installées à Genève ont relevé qu'elles avaient besoin d'une offre suffisante en crèches. Evidemment, les multinationales peuvent à la limite assumer elles-mêmes cet effort, mais ce n'est pas le cas des petites et moyennes entreprises - or, je rappelle que notre tissu économique est composé essentiellement de PME.
J'aimerais également citer une étude faite par la ville de Zurich, qui a démontré que pour chaque franc investi dans la petite enfance, on avait trois à quatre francs de retour sur investissement, directement ou indirectement, sur le plan fiscal et sur le plan économique. Cela offre aussi la possibilité à des personnes d'aller sur le marché du travail, de sorte que l'économie aussi y gagne, même si cette étude ne peut être prise telle quelle et devrait être refaite de manière spécifique pour Genève.
Nous avons donc transformé la loi actuelle, qui se contentait de définir des normes de base, en une loi de subventionnement. Nous avons maintenu - j'insiste là-dessus - la compétence communale de prendre l'initiative de générer des places de crèches, soit municipales soit associatives. Nous avons également laissé ouverte la possibilité...
Le président. Votre temps de parole est écoulé, Monsieur Kanaan, concluez.
M. Sami Kanaan. Je conclus. Nous avons donc laissé ouverte la possibilité de proposer d'autres formules, telles que les familles d'accueil, et de soutenir ces structures-là. Je crois que c'est un projet de loi qui est raisonnable, et nous vous invitons à lui réserver un accueil favorable.
Le président. Je vous rappelle qu'en préconsultation nous avons droit à cinq minutes par groupe, et qu'il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'épuiser ce temps de parole.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). La place des femmes dans le monde du travail a considérablement changé ces vingt dernières années. Plus de 50% des femmes mères d'un petit enfant travaillent, répondant non seulement à un désir d'émancipation, mais également à une nécessité économique. Ces modifications auraient dû s'accompagner de réflexions permettant de concilier vie familiale et vie professionnelle, pourtant la société suisse n'a pas intégré cette évolution.
De plus, les femmes assurent encore pratiquement entièrement les tâches ménagères, évaluées à environ trente-quatre heures par semaine. Les femmes s'épuisent dans leurs différentes charges. Si nous voulons une vraie répartition des tâches au sein du couple, il faudra à l'avenir encourager et valoriser le travail à temps partiel, aussi bien pour les femmes que pour les hommes, sans distinction de fonctions. Les entreprises devront également accepter une plus grande souplesse dans les horaires de travail pour leurs employés et employées assumant une charge de famille.
La structure familiale subit également des mutations importantes: les divorces touchent un couple sur deux à Genève. Si la plupart des petits enfants de zéro à cinq ans vivent dans un environnement familial classique, relevons tout de même que près de 10% des moins de cinq ans sont élevés par un seul parent. Pour ces familles, l'accès à une place d'accueil est primordial, c'est tout simplement une question de survie économique. Malgré cela, pour ces enfants comme pour les autres, la pénurie de places d'accueil est à déplorer. Il manquerait environ 4000 places plein-temps dans notre canton. Si la Ville de Genève s'est considérablement investie dans la création de crèches et jardins d'enfants, les communes n'ont pas pu ou voulu suivre le même chemin, souvent pour des raisons financières. Il faut que toutes les communes prennent conscience du problème de la petite enfance et soient aidées pour créer des lieux d'accueil supplémentaires. Il n'est pas normal que la ville de Genève continue à couvrir 40% des demandes provenant d'habitants d'autres communes.
Autre inquiétude: la très grande difficulté à trouver des familles d'accueil, alors que la demande pour ce mode de garde explose. Et que dire des nombreuses clandestines qui travaillent au noir comme gardes d'enfants ? Pour elles aussi, une solution doit être trouvée, afin que cessent l'hypocrisie et la précarité.
Les Verts soutiennent ce projet de loi, tout en y apportant un bémol. En effet, une unique réponse institutionnelle via un coup de pouce financier en faveur des communes ne sera pas suffisante. Nous devons avoir un regard plus global pour les réponses à apporter aux familles. Si nous sommes d'accord avec le constat d'urgence qu'il y a à augmenter l'offre de places d'accueil, nous pensons qu'il est tout aussi important de prendre en compte d'autres formes de soutien visant directement les familles. Il est grand temps de réfléchir à une vraie politique familiale digne de ce nom. Les Verts se réjouissent d'étudier ce projet de loi et vous encouragent à le renvoyer à la commission des finances.
Mme Janine Hagmann (L). Il est évident que ce projet de loi va être renvoyé en commission pour être étudié à fond. C'est un projet de loi qui, comme mes préopinants l'ont dit, touche un sujet porteur, qui concerne tout le monde et qui, en quelque sorte, est à la mode.
Ce qui m'amuse un peu, c'est qu'on continue à répéter les mêmes arguments, comme si rien n'avait été fait. M. Kanaan l'a dit, en l'an 2000, une motion qui avait été votée à l'unanimité de ce Grand Conseil développait exactement les mêmes arguments que ceux que vous venez de développer, Madame Wisard. Cette motion a été envoyée au Conseil d'Etat. Croyez-vous que le Conseil d'Etat est resté sans réaction ? Absolument pas ! Si vous voulez que quelque chose marche, il faut de la concertation ! A partir du moment où il a reçu la motion, le département concerné a fait une étude et prévu un projet de loi mis au point par tous les gens concernés dont, en l'occurrence, les communes.
Monsieur Kanaan, vous dites qu'on va laisser leur autonomie aux communes. Mais si vous voulez que le projet de loi aboutisse à quelque chose de réel, il faut que les communes soient consultées, or vous ne l'avez pas fait, contrairement au DIP qui depuis plus d'une année travaille avec elles. Le projet de loi en question arrive à bout touchant. On verra bien, en commission de l'enseignement, si on arrive à démontrer qu'un seul des deux projets est suffisant... Le projet de loi dans lequel l'ACG est impliquée va même beaucoup plus loin que le vôtre, puisqu'il a déjà cherché un financement. Grâce à des concertations entre le comité de l'ACG et Mme Calmy-Rey, le fond d'équipement communal pour l'année prochaine et la suivante a prévu un budget pour mettre en place des crèches.
A part ça, j'aimerais faire une autre réflexion: il y a une chose qu'on ne peut pas avoir, c'est la pensée unique. La pensée unique, c'est un peu ce qui ressort de ce projet de loi, qui dit que la seule solution possible, ce sont les crèches. Non ! Il y a beaucoup de parents qui ont envie d'élever leurs enfants jusqu'à l'âge de la scolarité obligatoire, ceux qui le peuvent le font. Il existe d'autres possibilités. Les associations telles que les mamans de jour ont un énorme succès, et il y a beaucoup de communes, Madame Wisard, qui développent leurs propres projets. Une commune des «Trois Chêne», par exemple, a récemment fait une grande propagande pour avoir beaucoup plus de mamans de jour, et elle a réussi à en trouver un très grand nombre, ce qui est aussi important.
D'autre part, vous oubliez une chose: certaines communes - que je connais spécialement bien - ont dans l'idée de créer une crèche depuis deux ou trois ans, mais n'ont pas un seul mètre carré à disposition ! Que faut-il faire dans ce cas ? Il faut instaurer des communautés de communes, qui permettent de faire des choses ensemble, puisqu'une crèche ne peut être réalisée que s'il y a un bassin suffisant d'enfants. Ce serait ridicule de faire des crèches dans toutes les communes.
Comme je vous l'ai dit, le premier projet arrive à bout touchant: Mme Brunschwig Graf l'a présenté déjà deux fois à l'association des communes, c'est pourquoi celui que vous présentez ce soir servira peut-être de contre-projet. Nous sommes d'accord de le renvoyer en commission, mais il me paraît un peu tomber comme un cheveu sur la soupe.
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, ce projet de loi part d'une bonne intention. Il vise à couvrir des besoins clairement identifiés et à répondre à la demande des petites et moyennes entreprises, d'après ce qui nous a été exposé par certains députés, notamment les auteurs du projet de loi. Celui-ci part du constat suivant: une place de crèche revient à 143 F par jour. Le rapport annuel de la Ville de Genève fait état à ce niveau-là d'un coût de 150 F par jour pour les places occupées, et d'un coût de 120 F par jour pour les places inoccupées. Selon ce même rapport, 60% des besoins ne sont pas couverts en ville de Genève, et davantage encore dans les communes périphériques.
Ce qui dérange le groupe UDC au niveau de ce projet de loi, c'est qu'on vise à une sorte d'étatisation de la garde des enfants, ce qui - à notre avis - n'est pas forcément souhaitable. Par rapport aux chiffres que je viens d'articuler et que vous avez repris dans votre projet de loi, j'aimerais tout de même vous signaler que si je prends le cas d'une famille avec deux enfants en bas âge, c'est un coût qui représente 3000 F net par mois. On peut raisonnablement se demander ce qui est meilleur marché pour l'Etat et ce qui va dans l'intérêt de la famille: est-ce payer 3000 F de subvention nette - ce qui représente un revenu brut de 4000 F par mois - pour garder des enfants que les parents devront amener le matin à la crèche et récupérer le soir, ou ne vaut-il pas mieux donner cela sous forme d'allocation à la mère, qui pourra rester à la maison, s'occuper de ses enfants et les éduquer ? (Brouhaha et protestations. Le président agite la cloche.)On doit laisser le libre choix ! Si on laisse le choix à la mère au foyer ou au père au foyer soit de placer les enfants en crèche, soit de les garder à la maison, il est fort probable que le pourcentage exposé dans les considérants de ce projet de loi ne sera plus de 60%, mais peut-être de 20%.
Concernant les besoins des entreprises, je suis étonné qu'un parti socialiste, qui soi-disant défend les travailleurs, veuille d'une manière indirecte subventionner des entreprises. On pourrait très bien imaginer que les entreprises se regroupent et décident aussi de participer au financement de ces crèches, puisqu'elles en ont le besoin. D'autres solutions sont donc imaginables, indépendamment de ce projet de loi. Je pense qu'il s'agit de développer ce débat, d'imaginer d'autres solutions dans le cadre de ce qui a été exposé par ma collègue du parti libéral, en commission, dans un esprit d'ouverture, afin de sortir de cette vision «tunnel» qui consiste à étatiser systématiquement, à créer de nouvelles subventions sans s'assurer que les finances permettront de les couvrir.
Mme Marie-Françoise De Tassigny (R). Je ne peux que louer, et tout spécialement au nom du parti radical, le fait que le canton se penche sur le berceau de la petite enfance. Certaines communes genevoises font en effet de grands efforts pour offrir à la population non pas une solution unique, mais des solutions diversifiées pour la réalisation de modes de garde.
Le développement important de crèches, tel qu'exécuté à la ville de Genève, ne suffit pas à la demande croissante des jeunes parents. A Genève, en effet, 70% des femmes travaillent à plein temps ou à temps partiel. Certaines suivent des cours, d'autres souhaitent un relais éducatif. Mais je ne peux que me louer que ce parlement continue à se préoccuper de ce dossier, plus sérieusement en matière financière, que le Conseil d'Etat prépare également un projet de loi que nous attendons incessamment, même si vous savez sans doute que le groupe qui a été constitué a eu beaucoup de peine à accoucher d'un projet.
La petite enfance est un fleuron de la politique familiale, qui permet aux femmes de conjuguer vie familiale et vie professionnelle. Il est certain que la prise en charge des jeunes enfants coûte, mais une étude de l'institut Mayerhofer démontre que l'accueil de jeunes enfants constitue un retour sur investissement. L'enfant n'est pas un coût, mais un investissement. A chacun de nous d'y réfléchir et de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). L'essentiel a déjà été dit et, comme vous le savez tous, le parti démocrate-chrétien est particulièrement attaché à la mission de la petite enfance. A ses yeux, la petite enfance et les espaces de vie enfantine, que ce soit dans les communes ou en ville de Genève, sont aussi importants que l'université. On ne peut donc que se réjouir que l'Etat ait déjà fait un travail tout à fait sérieux et que ses conclusions arrivent bientôt.
Bien sûr, ce projet de loi renforce l'importance du thème, et nous ne pouvons que travailler avec plaisir sur ce qui est annoncé ici. Le parti démocrate-chrétien vous propose donc de renvoyer ce projet de loi à la commission de l'enseignement, afin d'y mener un travail de coordination. L'Etat doit donner un signe, et les communes doivent le relayer.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est curieux, mais je me souviens effectivement du débat qui a eu lieu en 2000 dans cette même salle. Il n'était pas très différent de celui d'aujourd'hui quant aux observations qui étaient faites sur les besoins des institutions, mais aussi quant aux préoccupations de certains groupes sur l'équilibre à maintenir entre les différents modes de garde, les différents modes de vie et les différents désirs de fonctionnement familial.
Je crois qu'il est très important de rappeler ici ce qui a été exprimé alors, car je trouverais regrettable que, dans un débat de ce type-là, on se divise entre deux visions d'une société, alors qu'il y a un consensus possible sur le fait que certains besoins doivent être reconnus. Je trouve très important que ceci se passe sous les auspices de la commission de l'enseignement et non de la commission des finances. Je vous annonce d'ores et déjà que le projet de loi qui a été travaillé dans le groupe mentionné tout à l'heure est terminé et qu'il va être mis en consultation dans les communes jusqu'à la mi-janvier, puisque ces dernières sont les principales intéressées.
Je vous proposerai donc de traiter simultanément les deux projets de lois, pour éviter des doublons et pouvoir intégrer toutes vos réflexions. C'est donc la commission de l'éducation et de la culture qui me paraît la plus appropriée à cet exercice, si vous êtes d'accord.
Ce projet est renvoyé à la commission de l'enseignement et de l'éducation.
Préconsultation
M. Souhail Mouhanna (AdG). Naturellement, ce projet de loi devra être renvoyé à la commission de l'enseignement supérieur, et l'Alliance de gauche votera le renvoi.
Je voudrais simplement faire quelques remarques, puisque nous sommes en procédure de préconsultation et que le débat va se dérouler à la commission de l'enseignement supérieur avant de revenir en plénière. En lisant ce projet de loi, j'ai pensé à ce que nous venions de voter dans ce Grand Conseil au sujet de l'université. Combien de fois n'avons-nous pas entendu que les Hautes écoles spécialisées étaient les universités des métiers, qu'il fallait les considérer comme étant à l'égal des universités, etc., etc. ? Quand je lis ce projet de loi, je ne puis m'empêcher de penser qu'il a été rédigé avec un certain mépris envers les gens qui travaillent dans ces Hautes écoles spécialisées. Il suffit de comparer, pour s'en rendre compte, un certain nombre d'articles proposés avec ceux de la loi sur l'université. Je voudrais vous donner un ou deux exemples: lorsqu'on avait discuté de la loi sur l'université, il y avait eu un long débat pour savoir si l'on allait permettre au recteur d'être présent ou non dans le conseil de l'université. Finalement, on a imaginé que le recteur devrait être présent mais à titre consultatif. Dans le projet de loi sur l'enseignement professionnel supérieur, je lis que le conseil de la haute école spécialisée est formé d'un certain nombre de personnes, qui sont toutes des directeurs de ceci ou de cela ! Et ce conseil est même présidé par le directeur général ou le directeur général adjoint. Cela est absolument incroyable !
On avait voté, pour l'université, un conseil formé aux deux tiers de personnes de l'intérieur et pour un tiers de personnes de l'extérieur, alors qu'ici je lis qu'il y aurait deux étudiants, deux enseignants et deux membres du personnel administratif et technique. Je trouve qu'on considère vraiment les enseignants, le personnel et les étudiants des écoles professionnelles comme des gens immatures. Je suis révolté ! En tout cas, la discussion aura lieu en commission de l'enseignement supérieur, et je compte sur la clairvoyance de Mme Brunschwig Graf, qui a beaucoup d'influence sur la commission de l'enseignement supérieur, pour améliorer ce projet de loi.
M. Sami Kanaan (S). J'aimerais dire très brièvement que le groupe socialiste se réjouit de l'arrivée de ce projet de loi, car la commission de l'enseignement supérieur a consacré beaucoup de temps et d'énergie - à juste titre - pour l'université ces dernières années, et qu'il est temps de nous occuper de l'autre volet de l'enseignement supérieur, tout aussi important, d'autant plus que le chantier complexe ouvert il y a des années est loin d'être terminé.
Nous attendions avec impatience ce projet de loi. Il nous permettra peut-être de tirer leçon des expériences de ces dernières années, où nous avons débattu de toutes sortes de structures. Je crois aussi qu'il faut se souvenir de l'essentiel: il s'agit des gens qui forment ces écoles et de leurs conditions d'activité. Nous nous réjouissons de faire un examen attentif des nouvelles exigences auxquelles ces gens doivent répondre, aussi bien du côté des ingénieurs que de la santé sociale. A ce stade nous n'avons pas relevé le mépris dont parle notre collègue Mouhanna, mais nous y serons évidemment très attentifs en commission.
M. Claude Aubert (L). Le parti libéral étudiera avec beaucoup d'intérêt ces projets. On pourrait peut-être simplement ajouter une chose, c'est qu'actuellement, quand on parle d'enseignement sur la scène genevoise, il faut absolument tenir compte, en arrière-fond, de la scène helvétique. La Confédération a ses propres exigences, parfois contradictoires, et il est difficile de comprendre comment s'établissent un certain nombre de structures et d'institutions, sans avoir une référence extrêmement solide sur ce qui se passe du côté de Berne.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Ce sera très bref. J'aimerais juste vous remercier, Mesdames et Messieurs les députés, de l'intérêt que vous allez porter à ces trois projets. Je rappelle qu'ils donnent strictement la base légale à la mise en place de la haute école spécialisée santé-social et aux écoles genevoises qui vont assumer cette formation. Nous sommes dans une période transitoire, et je serais reconnaissante aux députés de prendre le temps nécessaire pour ces projets, mais pas trop de temps non plus, car il est important que nous puissions, dans un délai assez bref, faire fonctionner en termes légaux ce qui l'est déjà en termes effectifs depuis la rentrée 2002.
J'ajouterai un message personnel à l'un de vos députés, Monsieur le président, pour dire que, s'agissant de la HES-SO, nous n'avons fait que reproduire à cette occasion les dispositions qui existaient déjà dans la loi sur l'enseignement supérieur votée par ce Grand Conseil, et donc que le mépris n'était pas de mise alors, pas plus qu'il ne l'est aujourd'hui. Pour le reste, vous en débattrez en commission, mais sachez que nous avons pour habitude de concerter largement, et vous noterez que le nombre de représentants du corps enseignant, du corps intermédiaire, d'étudiantes et étudiants est à mon avis suffisamment important dans les deux structures pour vous satisfaire, en tout cas dans un premier temps.
Ces projets sont renvoyés à la commission de l'enseignement supérieur.
Débat
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. J'aimerais ajouter quelques précisions à ce rapport. D'abord, j'aimerais souligner que la commission a été très sensible au malaise des enseignants, notamment au phénomène de burn-out, et que ce malaise a été jugé par l'ensemble de la commission comme étant très réel et pas du tout inventé ou exagéré.
La commission a également été sensible à un certain manque de sensibilité - en tout cas apparent - de la part de la direction du DIP et surtout de la direction de certains établissements, par rapport à ce problème. C'est là un sentiment, je ne dis pas que c'est la vérité, mais nous avons eu parfois cette impression.
La commission a aussi été sensible au fait que le monde politique en général et ce Grand Conseil en particulier étaient au fond assez indifférents aux questions de la formation, aux questions de l'enseignement - qu'il soit primaire ou secondaire - et que cette indifférence était aussi un inconvénient. On avait l'impression que le monde politique s'ennuyait à considérer les aspects de la formation aujourd'hui.
En revanche, nous avons également reconnu que la direction de l'instruction publique et les responsables d'établissement sont en train de faire des efforts conséquents pour remettre un peu d'ordre dans ce que j'ai appelé «la confusion pédagogique», qui règne dans passablement d'écoles et établissements. Ces efforts méritent d'être poursuivis et développés.
La commission a aussi reconnu les efforts faits dans le cadre du programme «Respect» pour lutter contre les violences et les incivilités verbales qui ont cours à l'école, et dont les enseignants, notamment, sont les victimes.
En conclusion, vu ce qui précède et pour marquer notre solidarité à l'égard du métier difficile qu'est celui de l'enseignement, la commission vous recommande de voter à l'unanimité le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jacques Follonier (R). Cette motion, déposée en 1998, est quatre ans plus tard d'une brûlante actualité. Lorsque l'on écoute ce que dit M. De Marcellus et lorsqu'on lit son rapport, intitulé «De l'autre côté du miroir», on s'aperçoit que les élèves sont en général prêts à souscrire à plus de discipline, mais à certaines conditions, d'ailleurs très bien décrites dans ce rapport: tout d'abord, les enseignants doivent respecter leur enseignement et être très crédibles vis-à-vis des élèves; deuxièmement, les enseignants doivent respecter ces élèves et, par exemple, ne jamais intervenir par le biais de punitions collectives. Lorsque cette prise de conscience aura été faite de la part des enseignants, je pense qu'une grande partie des problèmes - des problèmes simples en tout cas - pourront se résoudre d'eux-mêmes. Mais il est clair que pour les problèmes plus graves, il y aura lieu de faire plus. L'organe de médiation qui a été proposé est peut-être une bonne solution, mais je ne suis pas certain que cela suffise. Le groupe radical compte donc sur le Conseil d'Etat pour étudier au plus vite des solutions concrètes et mettre sur pied une stratégie efficace pour résoudre ce problème dans les meilleurs délais.
M. Robert Iselin (UDC). Je voudrais en premier lieu féliciter les deux auteurs de la motion pour leur démarche. Je me suis déjà prononcé dans cette enceinte sur les problèmes d'éducation et je crois que ces problèmes sont, à Genève comme dans d'autres cantons suisses d'ailleurs, d'une gravité considérable.
Je voudrais également féliciter M. Mettan pour son excellent rapport, que je ne peux que vous conseiller de lire attentivement. Il est très bien fait. J'en ai retiré qu'une opposition grave semble exister entre la hiérarchie et les parents d'un côté, et les professeurs de l'autre. On constate ce que M. Mettan appelle du mobbing - je ne sais pas exactement ce que cela veut dire dans le cadre de l'éducation - ainsi qu'une discipline contestée et une autorité sapée. On constate également une diminution très nette de la transmission de la culture. On apprend avec un étonnement énorme que des parents n'hésitent pas à prendre des avocats pour défendre des enfants qui méritent d'être corrigés.
Le problème est très profond, et au risque de m'attirer les foudres de Mme la conseillère d'Etat en charge du DIP - ce que je regretterais vivement, mais on est bien obligé parfois de dire ce qu'on pense - j'estime que ces problèmes interpellent le Conseil d'Etat in corpore. L'éducation des nouvelles générations est un problème si grave qu'il est urgent, et même urgentissime, que le gouvernement s'en saisisse, afin que joue ce qu'un conseiller aux Etats appelle le système collégial positif.
Au surplus, je voudrais mentionner - je l'ai déjà fait tout à l'heure - que ces problèmes ne sont pas réservés à Genève. Il est intéressant d'apprendre - sauf erreur, je l'ai entendu ce matin à la radio ou lu hier dans un journal - que, dans le canton de Berne, on a donné aux enseignants le droit de renvoyer les élèves chez eux. Nous savons qu'il n'y a pas que des têtes échauffées à Genève, il y en a aussi à Berne, même si les Bernois ont toujours l'air tranquille.
Qu'ont fait les parents bernois ? Ils ont dit que si les enfants étaient renvoyés, le canton de Berne devait s'en occuper lorsqu'ils n'étaient pas à l'école. Le canton a refusé, en disant que c'était aux parents de s'occuper de leurs moutards. Ils sont allés jusqu'au Tribunal fédéral, lequel a donné raison au canton de Berne, en précisant que c'était aux parents d'éduquer leurs enfants...
Madame la conseillère d'Etat, nous avons entendu - et je n'ai pu que me réjouir de cette initiative, même si j'aimerais qu'il y en ait d'autres - que vous vous étiez adressée aux parents et aux enseignants au début de cet automne, pour demander que la discipline soit rétablie. Je pense que ces efforts doivent être poursuivis, sans relâche et avec sévérité.
Mme Janine Hagmann (L). Je n'avais pas l'intention d'intervenir, car pratiquement tout ce qui a été traité figure dans le rapport de M. Mettan. Je n'habite pas la ville de Genève, je n'ai donc pas la possibilité de donner une voix au candidat Mettan !
Ce sujet, qui est quand même un sujet bateau, a été traité sur une longue période. J'aimerais juste rectifier une toute petite erreur, Monsieur le rapporteur: le renvoi au Conseil d'Etat n'a pas été voté à l'unanimité, puisque le groupe libéral et le groupe de l'UDC se sont abstenus. Je crois que je peux vous expliquer pourquoi le groupe libéral s'est abstenu.
Le sujet était très important et a débordé du cadre pur du soutien qu'on pouvait apporter aux enseignants. Pour la petite histoire, la société pédagogique genevoise a organisé un forum l'année dernière, forum qui attire toujours une très grande participation, et le sujet de son forum était exactement celui de la motion. La SPG, dans ses conclusions, a donné à peu près les mêmes indications que nous donnons et que le département est en train de mettre sur pied, c'est-à-dire qu'il faut apporter un grand soutien aux enseignants. Ce qui se fait... d'où notre abstention !
D'autre part, ne pourrions-nous pas utiliser un autre terme que «burn-out» ? On n'arrête pas de dire, à la commission de l'enseignement, qu'il faut améliorer l'enseignement du français en apportant des notions de bon français aux élèves. Alors ne parlons pas de burn-out des enseignants ! On pourrait peut-être employer le mot lassitude ? Je crois que la lassitude ou le découragement des enseignants se retrouve également chez certains parents, car il y a tout de même bien des parents qui ont de la peine à tenir leurs enfants. Peut-être que ces attitudes se retrouvent aussi en ce moment chez quelques employés de banque ? Je ne suis pas sûre que les enseignants constituent un phénomène complètement à part.
Cela dit, il est évident que le tour de la question que nous avons fait a montré qu'on doit rendre hommage au corps enseignant qui, à part quelques cas qui se plaignent, mène sa barque avec un courage assez extraordinaire. Dans toutes les professions on trouve des épiphénomènes; la grande majorité des enseignants s'en sort rudement bien ! Il n'y a qu'à constater le niveau de nos élèves à Genève, il n'est pas si mal... quoi qu'en dise PISA !
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. J'aimerais d'abord remercier la commission pour le travail soigné et de longue haleine qu'elle a conduit, ainsi que le rapporteur pour son rapport extrêmement fouillé, qui sera utile à chacun.
Vous me permettrez deux ou trois observations, mais d'abord une remarque de principe: bien entendu, lorsque le Grand Conseil a à s'occuper de ce type de problématique, il doit se saisir de ce qui fait problème. Il arrive qu'en mettant ceci en évidence, on en arrive à oublier qu'il y a des arbres qui cachent des forêts. Comme l'a rappelé tout à l'heure Mme Hagmann, si je devais prendre l'exemple des enseignants de ce canton, je dirais qu'il y a une très grande majorité d'enseignants qui se portent bien, qui mènent un travail engagé, même si leurs conditions de travail ne sont pas toujours faciles. Les temps ont changé, cette profession - comme d'autres - s'est transformée, les élèves d'aujourd'hui ne sont pas nécessairement semblables aux élèves d'hier, et les parents aussi ont changé de mode de vie, oubliant parfois au passage quelques responsabilités. Tous ces faits changent les conditions de travail, changent le fonctionnement de l'école et nécessitent quelques réajustements, qui peuvent être du recadrage ou d'autres mesures qui n'étaient même pas envisagées il y a dix ou quinze ans.
Ce débat sur la profession de l'enseignant, sur ses difficultés, sur sa lassitude, est un débat autant international que national. Je rappelle que la conférence des directeurs de l'instruction publique a déjà mis en place une enquête dont nous voyons aujourd'hui les premiers résultats. De son côté, le département de l'instruction publique genevois, sur la base des démarches suisses et surtout en accord avec les associations professionnelles de ce canton, est en train de piloter une enquête complémentaire qui doit nous permettre de déterminer un certain nombre de mesures à prendre.
Cela me peine un peu de constater que si vous êtes préoccupés par le burn-out, cela n'est qu'assez superficiellement pour certains d'entre vous, compte tenu du brouhaha, Monsieur le président, qui règne dans cette salle. (Le président agite la cloche.)Merci.
J'aimerais dire ensuite une chose et faire une citation: vous auriez tort de penser qu'il y a un énorme fossé entre les enseignants d'un côté et l'institution de l'autre. Il peut y avoir des difficultés, des incompréhensions ou même, parfois, des dérapages. Je vous lirai simplement cette phrase, reproduite dans le rapport, du représentant de la FAMCO qui disait: «Contrairement aux idées reçues, le soutien de la hiérarchie existe, mais est probablement mal connu.» Et cela en dit long sur le fait que lorsqu'on est sur le terrain, on n'a pas toujours conscience de ce qui se fait et de ce qui peut se faire pour soutenir les enseignants. Je crois qu'il y a là des leçons à tirer dans le futur, y compris pour nous, en tant qu'institution, quant à la communication avec nos enseignants.
Nous l'avons dit à la commission, le DIP a un certain nombre d'actions en cours. Je ne vais pas les énumérer. Dans le fond, ce qui facilite le travail des enseignants, c'est le consensus politique sur un certain nombre de questions, et c'est pourquoi j'attache beaucoup d'importance aux discussions qui ont lieu à la commission de l'enseignement, à celles qu'il y aura encore sur les réformes ou sur d'autres mises en route. Ce qui fait du bien à l'institution, c'est l'unanimité et le soutien de la population.
Pour terminer, je répondrai ceci à M. le député Iselin: après des années pendant lesquelles on a pensé d'abord aux droits avant de penser aux devoirs, dans la société peut-être encore plus qu'à l'école, la remise en route d'une valeur telle que le respect est un travail de longue haleine, qui ne peut être le seul fait de l'école, mais doit venir d'une volonté de cette société. Afin d'évoluer vers des règles et des valeurs qui permettent une meilleure vie en commun, le respect est un point central. La lettre que j'ai envoyée aux parents en début d'année scolaire n'est qu'un des points sur lesquels aujourd'hui nous nous engageons. Nous avons également besoin du soutien de ce parlement, de sa compréhension et d'un discours commun. Je ne doute pas que nous le trouverons dans le futur.
Mise aux voix, la motion 1192 est adoptée.
Débat
M. Rémy Pagani (AdG). De manière liminaire, notre groupe s'est étonné du fait que nous obtenions ce rapport, Madame Brunschwig Graf... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Excusez-moi, je demande le calme. Il y a une buvette pour ceux qui en ont assez après deux heures de débat !
M. Rémy Pagani. Nous sommes donc étonnés de trouver sur nos tables ce rapport, alors que nous aurions dû en recevoir quatre, puisqu'il devait y en avoir un par année. Mais je vois que, visiblement, cela n'intéresse pas Mme Brunschwig Graf... Cela fait cinq ans que nous attendons ce rapport ! De ce point de vue là, nous sommes très mécontents. En ce qui concerne la périodicité de ces rapports, nous espérons bien en recevoir un l'année prochaine, puisque les Hautes écoles spécialisées bougent; on prévoit d'ailleurs une augmentation de quasiment 20% par année du nombre d'élèves dans ces HES. Il serait donc intéressant pour nous d'avoir des rapports réguliers.
Ceci étant, comme le président ne m'a pas donné la parole alors que nous discutions des projets de lois 8853, 8854 et 8856 de notre ordre du jour, j'en profite pour revenir sur quelques éléments que j'aurais voulu dénoncer alors, notamment la pléthore des cadres. Concernant la composition et le fonctionnement de ces HES, je lis dans ces projets de lois que nous avons par exemple un comité stratégique, principalement en charge du développement stratégique de l'institution, un comité directeur, principalement dévolu à la préparation et à l'exécution des décisions du comité stratégique, un secrétariat général, chargé de la gestion courante, et la commission spéciale des admissions. Nous avions dénoncé en son temps la pléthore de cadres que cette structure mettrait en place. Visiblement, nous avons affaire là à quelque chose d'assez ubuesque.
En ce qui concerne la filière de formation des travailleurs sociaux en HES à Genève, il y a deux points sur lesquels nous aimerions insister pour le futur: nous avons aujourd'hui, au niveau social, une bonne structure qui fonctionne correctement et qui permet à des personnes non formées, munies d'un simple CFC par exemple, d'accéder à l'institut d'études sociales. Demain, avec la mise en place des HES, ils n'auront peut-être pas - je dis bien «peut-être» - la possibilité d'accéder aussi facilement à ces HES. Nous en avons pour preuve le fait que, aujourd'hui déjà, le département essaie de mettre sur pied un CFC qui serait une sous-catégorie de travailleurs sociaux. Cela est déjà pratiqué en France et donne sur le terrain des choses assez bizarres: vous avez un assistant social ou un éducateur, et une sous-catégorie de travailleurs sociaux, munis uniquement d'un CFC. Cependant, ces derniers font le même travail que les premiers. Cette situation est d'ailleurs dénoncée par pas mal de structures en France. Or cela ne peut pas fonctionner dans notre pays, d'autant plus que la structure qui existe actuellement permet à chacun d'accéder à cette formation en cours d'emploi. C'est une formation utile, qui permet une plus grande efficacité dans le travail.
Le deuxième point que j'aimerais soulever concerne Bon Secours. Cela fait plusieurs années que nous interpellons le Conseil d'Etat sur cette question, et notamment sur le peu de personnes formées dans la profession d'infirmière et d'infirmier. On a toujours une seule volée, alors que la demande est grande, puisqu'on va chercher ces infirmiers et infirmières au Canada et même en Europe de l'Est maintenant. Il faudrait donc profiter de la mise en place de cette HES pour augmenter la capacité de formation de l'école du Bon Secours. Nous attendons aussi des explications du département sur cette question.
Pour revenir à la question de base, nous prenons acte de ce rapport, mais aimerions avoir un rapport annuel qui nous permette de suivre le développement de ces HES de manière générale, ce d'autant plus qu'il est fait référence à une commission interparlementaire qui suit le développement de ces HES au niveau romand. Ceci dit, cette commission n'a aucun pouvoir, c'est-à-dire aucune réelle possibilité d'intervenir en termes législatifs sur le développement des HES, elle n'a qu'un pouvoir de contrôle qui, à notre avis, n'est pas suffisant. Nous insistons donc sur le fait de recevoir annuellement ces rapports, comme il est prévu légalement.
M. Albert Rodrik (S). On l'appellera le rapport Agrippa, né difficilement. N'insistons pas plus longtemps. Je ne voudrais pas dire ici s'il est à la hauteur de cinq années d'attente, et s'il contient bien tout ce qu'on pouvait espérer au terme de cette gestation. Effectivement, comme M. Pagani l'a dit, on peut maintenant en prendre acte, mais lorsque nous travaillerons sur le projet de loi que nous venons d'envoyer en commission, il faudra que l'on réfléchisse à la périodicité. Peut-on chaque année rendre compte de cette affaire intelligemment et avec des conclusions utiles ? Je préférerais qu'on ait un rapport tous les deux ans, mais qui ait de la substance, plutôt qu'il nous soit amené pieusement toutes les années, et qu'on ne puisse pas en tirer de conclusions ni d'éléments suffisants, ou bien qu'on fasse semblant de l'oublier pour revenir cinq ans après.
Cette évaluation, on la fera en réalité en traitant le projet de loi. Deuxièmement, je voudrais dire qu'il m'avait semblé, pendant les trois années et demie de travail sur l'université, que celle-ci était une structure compliquée... De ma préparation de cette séance et de ma préparation à mon futur rôle pour conduire les travaux de la commission de l'enseignement supérieur, je puis vous dire que je commence à avoir un peu peur, parce que la complexité de ces HES me fait presque considérer que l'université est une entité simple dans cette République - ce qu'elle n'est certainement pas.
Au bénéfice de ces explications, Mesdames et Messieurs, je ne serai pas plus royaliste que M. Pagani et dirai qu'on peut en prendre acte.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je ne vais pas répondre à toutes les questions posées par M. Pagani, puisqu'elles concernaient un objet traité précédemment dans notre ordre du jour. Je lui dirai simplement qu'il pourrait avoir grand intérêt à assister aux séances de cette commission. Il y apprendrait notamment, en ce qui concerne le Bon Secours, que ce n'est pas parce que nous refusons des inscriptions qu'il y a une stabilité du nombre d'étudiants et d'étudiantes; nous avons même pu constater que, parfois, le quota d'étudiants n'était pas atteint. Le problème n'est donc pas de savoir si l'on doit faire deux volées au lieu d'une ! Mais je ne veux pas entamer une discussion avec M. Pagani en séance, je suis bien élevée, il l'est aussi. D'autre part, comme je vous l'ai dit, je pense qu'il pourra venir en commission, et qu'à ce moment-là il prendra connaissance d'un certain nombre d'informations qui l'intéresseront certainement.
Vous voudrez bien, Mesdames et Messieurs les députés, accepter simplement ce que j'appellerai des excuses justifiées, dans le sens où c'est vrai que vous attendiez ce rapport depuis longtemps, mais nous dépendions pour ce rapport de la HES-SO qui devait mettre en place son système de financement. Ce système est maintenant en place. La HES-SO est prête à livrer elle-même son rapport global sur l'ensemble de la Suisse occidentale, et nous sommes donc parfaitement en mesure d'assumer un rythme annuel ou bisannuel, si vous le souhaitiez. Je crois qu'il faut souligner, comme l'a fait M. Rodrik, que la rédaction de ce rapport a demandé du temps. Mais les instruments sont maintenant en place et cela ne nous posera pas de problème de respecter un rythme annuel.
Je souligne encore que la brochure jointe au rapport est de meilleure qualité et plus intéressante que le rapport lui-même. Malheureusement, compte tenu du format propre au Mémorial, nous ne pouvons pas, à l'heure actuelle, annexer certains documents aux rapports. Cela, Mesdames et Messieurs les députés, nous pose problème dans certaines circonstances. L'université a d'ailleurs le même problème. Ces rapports doivent être à la fois lisibles, complets et présentables. Ceci peut être une source de réflexions futures pour les députés...
Je terminerai en rappelant quelques éléments concernant la commission interparlementaire et le contrôle parlementaire qui a été mis en place. Je ne peux pas accepter, Monsieur le député, que l'on méprise par trop cette commission interparlementaire. Elle a été voulue par ce parlement. Elle fait partie des promesses qui ont été faites à la population lorsque l'initiative était opposée au contre-projet du Conseil d'Etat. Cette commission interparlementaire - j'ose l'espérer - va se mettre en place au début de l'an prochain. Je vais signer lundi une lettre qui demandera aux différents Bureaux des Grands Conseils de déléguer, pour les Hautes écoles spécialisées santé-social et pour les Hautes écoles spécialisées de la Suisse occidentale ingénieur-économie, les parlementaires qui pourront enfin siéger. Et je vous propose déjà de réfléchir dans ce parlement à ne former qu'une seule délégation qui s'occupe des deux objets. Vous allez donc être sollicités, et nous espérons vivement que ce travail pourra commencer au début de l'an prochain.
Enfin, nous tenons comme vous à mettre en place ces Hautes écoles spécialisées. N'oubliez pas que ces écoles sont encore jeunes: les premières portes se sont ouvertes en 1997, les agréments provisoires ont été donnés en 1998, la loi a été adoptée en 1995 et l'ordonnance en 1996. Nous ne sommes qu'en 2002, date à laquelle nous ouvrons la HES santé-social. Ce sont des écoles nouvelles et nous devons véritablement tous prendre le temps de les comprendre, mais je me fais fort, Monsieur le député, de vous les rendre moins complexes, puisqu'elles occupent une grande partie de mon temps de conseillère d'Etat, et j'aurais donc grand plaisir à répondre à vos questions et à vous donner des explications complémentaires.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Je voudrais tout d'abord souligner que notre groupe est favorable aux séances - et je l'ai dit tout à l'heure au Bureau - du vendredi après-midi, qui visent à accélérer nos débats. L'inconvénient, c'est que, cet après-midi par exemple, seuls deux conseillers d'Etat sur sept étaient présents et que, sur certains objets, nos interventions ne sont pas entendues par le conseiller d'Etat responsable du dossier. Dans le cas particulier, je le regrette d'autant plus que ce projet de loi vise à ce que le chef du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement n'assume plus la fonction de président de la commission d'urbanisme. J'aurais voulu dire - j'aurais pu le faire dans les couloirs, c'est vrai - à M. Moutinot qu'on pourrait aussi bien supprimer la commission d'urbanisme ! Si le conseiller d'Etat chargé de ce département ne veut pas assumer la présidence de cette commission - qui n'est du reste pas une tâche particulièrement lourde, puisqu'il s'agit d'une matinée par mois - alors elle n'en vaut pas la peine...
Ah, voilà M. Moutinot qui arrive ! Je disais, Monsieur Moutinot, qu'on pouvait aussi bien supprimer la commission d'urbanisme, parce que la priver de la présidence du chef du DAEL, c'est à mon avis lui retirer l'essentiel de son intérêt. Le but de cette commission est précisément d'instaurer un dialogue entre le président et ses membres. Je me souviens fort bien, pour avoir présidé cette commission, qu'à l'époque les membres de la commission avaient beaucoup insisté pour que le chef du département préside cette commission, comme cela avait été fait précédemment. Un certain nombre de membres considérait que, si le président n'était pas là, cela ne valait pas la peine d'y siéger. Je pense donc que votre refus est une erreur, je vous le dis. Je peux comprendre que chacun ait ses conceptions et je ne pense pas que vous soyez en porte-à-faux, puisque le seul motif que vous donniez est que vous voulez vous sentir libre de ne pas suivre un préavis de la commission d'urbanisme, et que cela pourrait poser problème si vous présidiez la commission. Moi, je n'y vois aucun problème et voulais simplement dire ici que je trouve éminemment regrettable que cette présidence soit supprimée de manière définitive.
Si vous estimez à titre personnel que ce n'est pas adéquat, vous savez que vous pouvez vous faire remplacer par le vice-président, mais si vous retirez définitivement la présidence au chef du département, je trouve que la commission d'urbanisme va perdre beaucoup de son utilité.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Monsieur le député Grobet, vous avez raison sur le fait qu'il est indispensable qu'il y ait un dialogue entre le chef du département et la commission. De ce point de vue là, le fait que je n'entende pas la présider ne doit pas supprimer ce dialogue. J'en ai d'ailleurs bien entendu discuté avec la commission, qui souhaite - et vous l'avez rappelé - entretenir des liens étroits avec l'administration et notamment avec le chef du département. Je n'ai pas l'intention de changer cela, au contraire, j'ai l'intention de participer à un certain nombre des travaux de la commission.
En revanche, je pense qu'il institutionnellement faux que je m'adresse à moi-même des préavis, d'autant plus dans certaines circonstances où les décisions sont déjà prises. C'est cet élément-là qui me paraît critiquable.
Loin d'ailleurs d'affaiblir la position de la commission d'urbanisme, cela lui donne aussi une certaine autonomie et une certaine assise que de ne pas se sentir obligée de faire ce que je veux. Institutionnellement, je pense donc que nous devons être en contact, je dois en effet participer à un certain nombre de ces travaux, mais la présider formellement me semble être une erreur, et c'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat, qui a partagé ces arguments, vous soumet ce projet de loi.
Ce projet est renvoyé à la commission d'aménagement du canton.
Personne ne demande la parole en préconsultation.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.
Préconsultation
M. Christian Grobet (AdG). Bien entendu, nous ne sommes pas opposés à ce que les mesures de sécurité requises au parking P12 soient exécutées, bien au contraire. Je dirais cependant qu'on se trouve dans le même cas de figure qu'au projet de loi 8785 traité tout à l'heure, où il s'agissait d'une subvention de 200 000 F à l'association «Rien ne va plus». En effet, le coût de ces mesures de sécurité doit incontestablement être pris en charge par le bénéficiaire de ce parking, qui est bien entendu Palexpo. La transparence même des coûts le justifie.
Je sais que le conseiller d'Etat responsable du DAEL va vraisemblablement rétorquer que ce parking est propriété, entre guillemets, de l'Etat de Genève. Mais justement, lorsque Palexpo a été construit et inauguré en 1981 - je m'en souviens bien - l'Etat de Genève a fait un cadeau supplémentaire à Palexpo. Il était initialement prévu - vous pouvez retrouver tout ça dans les archives du département - que Palexpo prenne en charge la construction de ce parking intégré au bâtiment de Palexpo, mais comme l'ardoise était relativement élevée, outre la dotation très importante dont la fondation a bénéficié à cette époque-là, pour diminuer les coûts à la charge de Palexpo, l'Etat a aussi accepté d'assurer la charge financière de ce parking. Je ne me souviens plus s'il s'agissait de 15 ou 30 millions, mais la somme était quoi qu'il en soit considérable. Il est vrai que les loyers perçus, de mémoire de ce parking - je ne sais pas si c'est toujours le cas - devaient servir à amortir et rentabiliser l'investissement de l'Etat. Mais après avoir bénéficié d'un cadeau de cette importance, je pense que la moindre des choses serait que Palexpo paye ce montant, qui est une somme relativement modeste par rapport au prix du parking, qui est somme toute son parking.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. La structure de propriété de Palexpo, entre le terrain et les installations, est - comme vous le savez - un véritable mille-feuilles, avec des droits de superficie, avec des constructions payées par les uns, par les autres, sur le terrain des uns et des autres. Nous entendons vous présenter prochainement une simplification de cette structure, qui permettra en effet d'éviter une situation dont j'admets qu'elle soit peu satisfaisante.
Il est vrai que l'Etat de Genève est propriétaire, non pas entre guillemets mais purement et simplement, et que l'exploitant est Palexpo-Orgexpo. Dans l'immédiat, dans la mesure où nous sommes clairement propriétaires, et dans la mesure où il s'agit de travaux de sécurité - et j'insiste sur ce point - la responsabilité du propriétaire pourrait être engagée. C'est la raison pour laquelle nous avons estimé possible de venir vous demander ce crédit, étant précisé une fois encore qu'à l'avenir il conviendra de clarifier véritablement ces structures. Nous devrions pouvoir vous faire un rapport et des propositions dans le courant du printemps.
Ce projet est renvoyé à la commission des travaux.
Premier débat
M. Hugues Hiltpold (R), rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il est utile de rappeler que ce projet de loi correspond à la construction d'une halte ferroviaire à Sécheron-Nations, qui comprend d'une part un quai inférieur pour la future ligne RER et, d'autre part, un bâtiment supérieur qui forme une rue piétonne suspendue de liaison entre l'avenue de la Paix et la future passerelle de liaison entre la campagne Rigot et le bord du lac.
L'investissement qui vous est proposé s'élève à 9 700 000 F, dont à déduire la participation des CFF de 350 000 F. Je crois qu'il est utile de rappeler que le projet s'insère dans un quartier actuellement en pleine mutation, quartier qui comprend un certain nombre d'organisations internationales telles que l'OMM, l'OMC, le HCR, l'ONU, ainsi que des infrastructures telles que la Maison de la Paix, le futur parking P+R et un certain nombre d'entreprises privées. Tant et si bien, qu'à terme, ce quartier accueillera près de 10 000 emplois
Par rapport au site, le projet s'insère dans un site particulièrement délicat, puisque le bâtiment est implanté entre deux faisceaux de voies CFF. Il est utile également de spécifier l'urgence relative à ce projet, puisque la mise en service de la troisième voie CFF dès fin 2004 exige que la construction de cette halte soit terminée auparavant, sans quoi la construction sera rendue encore plus délicate et, bien entendu, plus onéreuse dès 2005.
En guise de conclusion, la nécessité de ce bâtiment n'a pas été remise en cause du fait, d'une part, du développement global du quartier et, d'autre part, du développement de la future ligne CEVA. Enfin, le coût, qui paraissait dans un premier temps légèrement excessif, s'explique par la spécificité du site dans lequel le projet s'insère. Pour toutes ces raisons, la commission vous invite unanimement, moins une abstention, à voter ce projet de loi.
M. Jean-Claude Egger (PDC). J'aimerais ajouter deux mots sur ce projet de loi qui, au premier abord et comme l'a dit M. Hiltpold, est d'un coût assez élevé. Il s'agit non seulement d'une halte ferroviaire, mais également d'une route piétonne suspendue, qui permet différentes dessertes et liaisons dans ce quartier. Si, avec mon collègue PDC, nous étions sceptiques lors de la présentation de ce projet, nous nous sommes laissés convaincre de son utilité et de l'obligation, s'il devait être réalisé, de le mener à terme dans les plus brefs délais, en raison des travaux de la troisième voie CFF.
Le groupe PDC votera oui à cette halte ferroviaire, mais j'aimerais profiter de cette occasion, si vous me le permettez, Monsieur le président, pour manifester un peu l'agacement que mon collègue Barthassat et moi-même avons ressenti lors de la présentation de ce projet, qui revêt à nouveau un caractère d'urgence. Il faut dire que le caractère d'urgence devient habituel au département lors de la présentation de ses projets, qu'il s'agisse de CEVA, des pavillons provisoires des différents cycles d'orientation, de l'école de pharmacie, de l'hôpital des enfants, et j'en passe. Si je peux comprendre la difficulté à agencer tous ces projets, il serait quand même bon de pouvoir les étudier en toute sérénité, pour ne pas être obligés de voter ces crédits dans l'urgence. Comme je l'ai dit précédemment, le groupe PDC votera oui à ce projet, mais les représentants de la commission des travaux espèrent que dorénavant des projets seront présentés avec un délai raisonnable.
M. Antoine Droin (S). Dans ce projet de loi, j'aimerais relever deux éléments qui sont tout de même restés un peu en suspens lors de nos débats. Le premier concerne la question des accords avec la Ville par rapport à l'entretien de la halte ferroviaire, et le deuxième concerne le besoin énergétique, qui pourrait être assuré notamment par des panneaux solaires. Il serait intéressant que la construction puisse aussi bénéficier de ce genre de choses.
Ces points restés en suspens n'ont pas empêché la commission d'aller de l'avant et de voter ce projet de loi à l'unanimité moins une abstention. Nous sommes conscients de l'urgence, car nous ne voulons pas que les usagers des CFF s'arrêtent à une halte inexistante. Il serait contrariant que ce Grand Conseil rate le train ou ne le prenne pas en marche, nonobstant les points évoqués précédemment devant trouver une réponse satisfaisante.
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC soutiendra ce projet d'importance régionale, qui bénéficiera non seulement à la population genevoise, mais aussi à la population vaudoise et aux usagers des organisations internationales. Dans le cadre de futurs projets ayant cette importance régionale, il serait quand même souhaitable que la participation financière en tout cas de la Confédération et éventuellement du canton de Vaud soit aussi examinée.
Par ailleurs, on sait que d'un côté le conseiller d'Etat M. Moutinot se bat avec les CFF pour qu'ils assainissent leurs terrains, notamment sur le site de la Praille, et de l'autre on s'empresse de faire un cadeau royal aux CFF en finançant l'essentiel du projet. Je pense donc qu'à l'avenir, on pourrait imaginer une répartition un peu plus équitable du financement.
Le président. Bien, je vous rappelle que ce projet de loi a été voté à la quasi-unanimité de la commission. Monsieur Jacques Jeannerat, vous avez la parole.
M. Jacques Jeannerat (R). Le groupe radical soutiendra bien sûr ce projet de loi, mais nous sommes toutefois un peu inquiets, parce qu'il ne faudrait pas que ce projet, relativement coûteux tout de même, retarde le démarrage des études pour la Praille-Eaux-Vives. On entend, dans les couloirs de la République, que le programme de réalisation du projet CEVA pourrait prendre du retard, et cela nous inquiète un peu. Il ne faudrait pas que ce genre de projet perturbe la base de la clef de voûte de ce futur RER, qui n'ira pas seulement jusqu'à Coppet avec la troisième voie, mais doit desservir également toute la région genevoise jusqu'à Annemasse.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. J'aimerais vous donner juste une petite précision, Mesdames et Messieurs les députés, quant au financement fédéral. Les normes des CFF prévoient une participation standard pour ce type de gare-là. J'admets que c'est fort insuffisant quand on doit faire une gare à cet endroit précis, qui doit avoir un certain nombre de qualités compte tenu du site qui est une interface entre les différents modes de transports. C'est la raison pour laquelle les modestes 300 000 F des CFF, qui seraient suffisants s'il s'agissait d'une halte en rase campagne, sont parfaitement insuffisants pour un projet de ce genre-là. Quant à un financement vaudois, nous sommes en discussion avec le Conseil d'Etat vaudois sur le financement des investissements d'intérêts régionaux, mais la situation financière vaudoise fait que ces discussions ne vont pas très vite, comme vous pouvez l'imaginer.
Je vous remercie de réserver un bon accueil à ce projet de loi.
La loi 8805 est adoptée en trois débats, par article et dans son ensemble.
Le président. En ce qui concerne le point 75, motion 1328-A, la conférence du Bureau et des chefs de groupe avait décidé de le mettre en extrait hier après-midi. Depuis il semble que certaines difficultés soient survenues, que le débat serait trop long alors que nous pourrons certainement traiter le point suivant. En conséquence, je vais mettre aux voix le renvoi de ce point à notre ordre du jour ordinaire.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Débat
Le président. M. Desbaillets, qui est natif du coin, demande la parole. Je la lui donne.
M. René Desbaillets (L). Merci, Monsieur le président. A la lecture de ce rapport, je m'étonne un peu qu'il ne soit pas fait état des conséquences de ces éboulements pour les propriétaires riverains. En effet, le calcul est rapide à faire: sur 1200 mètres de long, il y a environ 25 centimètres qui chaque année partent au Rhône. Cela veut dire 300 m2 que, chaque année depuis 1938, les riverains propriétaires perdent. Le prix du mètre n'a pas vraiment d'importance, mais quoi qu'il en soit on s'aperçoit en fait que ces éboulements sont en partie dus à la vidange du barrage de Verbois tous les quatre ans et au passage des barges. Je demande donc à notre président Moutinot quels dédommagements sont envisagés pour les riverains qui perdent régulièrement des mètres carrés de terrain, qui peuvent être des vignes ou d'autres terrains, peu importe.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Ce qui convient de faire, c'est évidemment d'éviter que les propriétés de ceux qui ont des terrains là-bas ne disparaissent dans le Rhône, et c'est la réponse qui vous est faite quant aux mesures de protection et de prévention à prendre, mais celles-ci ne sont pas absolues. Tout propriétaire qui se trouve près d'une rivière ou près d'un lac court le risque que le niveau ou les mouvements des eaux modifient sa propriété en positif ou en négatif. Il peut arriver que des alluvions étendent la propriété de quelqu'un ou que malheureusement une érosion la réduise. Le Tribunal fédéral considère que c'est dans le risque ordinaire du propriétaire qui se trouve dans cette situation que son bien subisse des modifications de surface.
Ce que nous devons faire en revanche, c'est évidemment, dans la mesure du possible - et c'est ce qui vous est rapporté là - d'éviter que systématiquement des mètres carrés de surface de parcelle ne disparaissent dans le Rhône. Ce qui vous est indiqué dans ce rapport est que nous entendons prendre des mesures pour l'éviter, mais nous ne pourrons pas totalement éviter que, pour une raison ou pour une autre, le Rhône, dont vous connaissez la force et la majesté, n'emporte à quelques occasions quelques mètres carrés de terrain.
Le Grand Conseil prend acte de ce rapport.
Le président. Je vais lever la séance. Les points 83 et 84, soit les PL 8827 et 8829, devraient être traités pour le budget. Si quelqu'un souhaite qu'ils le soient vraiment, il demandera l'urgence à 17 h pour que ce soit renvoyé en commission, sinon, ils reviendront dans un prochain ordre du jour. La séance reprendra à 17 h 10.
La séance est levée à 16 h 55.