République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 septembre 2002 à 14h
55e législature - 1re année - 11e session - 59e séance
PL 8563-A
Premier débat
M. Christian Brunier (S), rapporteur de majorité ad interim. Très rapidement, puisque je remplace en dernière minute Dominique Hausser et que je n'ai pas suivi les travaux de commission. J'ai lu avec attention, pendant la pause, le rapport de mon collègue Hausser, mais aussi le rapport de minorité. Je constate que le rapporteur de minorité se pose des questions, ce qui est plutôt sain en politique. M. Weiss nous pose une question, à nous tous : «L'Etat peut-il, financièrement, subventionner - je pense qu'il parle de l'association en question - quitte à priver de moyens l'école publique ?» Je me suis dis qu'il s'agissait d'une bonne question. Par rapport à un budget de plus d'un milliard, celui du DIP, j'ai regardé la somme évoquée dans ce projet de loi. J'ai vu qu'il s'agissait de 25 000 F. Sur un budget de ce montant, je pense que ce n'est pas la principale question à se poser, d'autant plus lorsqu'on appartient à un parti qui n'a pas hésité à couper linéairement, y compris dans le budget du DIP. Ce n'est donc pas vraiment une question à propos.
La deuxième question que M. Weiss se pose est aussi à côté de la plaque, comme l'on dit, puisqu'il nous explique que subventionner une école privée - il considère qu'il s'agit d'une école privée - sans qu'il y ait de débat général sur le subventionnement des écoles privées, n'est pas sain. Je rappellerai juste à M. Weiss que ce n'est pas ce que l'on peut considérer comme une école privée, puisque l'on a affaire à Accademia d'Archi, qui est une association sans but lucratif. On n'est donc vraiment pas dans ce cas de figure. Cette association mérite bien d'être soutenue modestement par l'Etat, comme beaucoup d'associations. Il y a une unanimité dans ce Grand Conseil pour soutenir vraiment l'enseignement de la musique. On sait que l'enseignement de la musique manque de moyens sous bien des aspects. La moindre des choses est de voter en faveur de ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Je remercie M. Hausser d'avoir pris le soin de lire le rapport pendant la pause...
Le président. Ce n'est pas M. Hausser, mais ce n'est pas grave!
M. Pierre Weiss. ...M. Brunier d'avoir pris le soin de lire le rapport de M. Hausser, et même d'avoir lu celui que j'ai rédigé. Malheureusement, le temps de la pause ne lui a probablement pas permis d'entrer dans les subtilités de ma pensée. (Rires.)Je me permettrai par conséquent de compléter, pour son édification et celle de ce parlement, non seulement les deux points qu'il vient de mettre en évidence, mais quelques autres faits nouveaux qui ont été portés à ma connaissance et dont, apparemment, il n'a pas eu, lui, connaissance.
D'abord, en ce qui concerne la subvention, il est fort vrai qu'il s'agit là d'une subvention qui n'est que de 25 000 F. Mais s'il avait parcouru mon rapport jusqu'à sa troisième page, il aurait vu qu'il s'agit en réalité, pour l'ensemble de la masse salariale versée par les écoles privées genevoises, de 80 millions de francs. La question qui se pose est celle de savoir si nous entendons, en favorisant une école - à laquelle je suis plus particulièrement attaché qu'une autre, puisque le frère de mon filleul y prend des leçons - de défavoriser toutes les autres qui ne recevront pas de subvention. Je pense à d'autres écoles associatives de même niveau, je pense à des écoles communales, je pense à des écoles qui n'enseignent pas la musique, mais la danse, je pense à des écoles qui enseignent les langues, qui enseignent peut-être même la lecture, enfin... à d'autres secteurs éducatifs genevois, qui ne relèvent pas du domaine de l'Etat, mais en complément de l'offre éducative publique. Bref, à d'autres écoles pour lesquelles se pose la question, toute aussi légitime que pour l'Accademia d'Archi, d'une subvention.
Nous sommes aujourd'hui saisis d'une demande de subvention pour cette institution et pour elle seule. Je craindrais, en entrant en matière sur cette demande, de procéder à une inégalité de traitement. Qui plus est, c'est un fait nouveau que je porte à votre connaissance, je crois qu'il s'agit de respecter en la matière le principe de subsidiarité. J'ai reçu des animateurs de cette école une statistique sur le recrutement géographique des élèves. Il se trouve qu'ils viennent, à la dernière rentrée, pour 36% d'entre eux, des Trois-Chêne, pour 25% de Vessy, Veyrier, Carouge, donc d'une région fort proche. En d'autres termes, nous n'avons pas affaire ici à une école qui prodigue son enseignement urbi et orbi, mais essentiellement pour une région proche. Par conséquent, l'on peut se poser, du point de vue de la subsidiarité, la question de savoir jusqu'à quel point les municipalités les plus directement concernées sont prêtes à entrer en matière. Elles l'ont été à un titre relativement modeste pour l'exercice écoulé, où deux des Trois-Chêne ont versé chacune 1000 F. Mais, à mon grand étonnement, j'ai appris qu'aucune demande de subvention n'avait été présentée par l'Accademia d'Archi pour l'exercice 2002-2003. Je trouve pour le moins surprenant, je ne dirais pas malencontreux, mais surprenant, que cette école, que cette association d'enseignants qui a besoin de subventions, ne demande même pas à l'échelon le plus proche d'elle, à savoir celui de la commune, et je ne parle pas d'une commune aussi pauvre que celle de Soral, mais d'une commune dont les finances sont gérées avec tout autant de rigueur, et davantage de recettes, à savoir celle de Chêne-Bougeries. Je trouve qu'il aurait été normal que les responsables de cette institution y demandent un soutien pour l'exercice qui va débuter.
J'ajoute, troisième élément nouveau, que l'effectif des étudiants de cette école est en augmentation. Alors, de deux choses l'une. Soit les tarifs actuellement pratiqués sont dissuasifs, ce qui n'est manifestement pas le cas, soit les tarifs pratiqués sont trop faibles, de façon à ne pas empêcher une augmentation des effectifs. Si je dis cela, c'est parce qu'il y a ici un raisonnement spécieux qui est fait par les responsables de l'école en question. Pourquoi, sur un document qu'ils m'ont donné, demandent-ils une subvention ? Ils la demandent, parce qu'elle est destinée, selon eux, à participer à la couverture des frais de logistique grandissants eu égard à l'évolution du nombre d'élèves. Or, s'il n'y a pas évolution du nombre d'élèves, il n'y a pas de justification supplémentaire à l'augmentation de la subvention. Le nombre d'élèves qui existait lorsque l'école a commencé à exercer ses activités, qui était de trente, soit trois fois moins qu'aujourd'hui, ne nécessitait alors pas la subvention. Etonnamment, ce n'est pas une école qui connaît la notion d'économie d'échelle. Plus il y a d'élèves et plus la subvention est nécessaire. C'est quelque chose qui, du point de vue, de la logique du fonctionnement administratif de ladite école, est surprenant. M. Brunier, qui connaît fort bien une institution publique de notre canton rigoureusement gérée, devrait être sensible à mon raisonnement sur ce point.
Si bien qu'en réalité, et pour conclure, Monsieur le président, j'ai l'impression qu'il y aurait intérêt, sur la demande de subvention présentée par cette école, où l'on pratique l'enseignement des cordes frottées, à ne pas ouvrir ce que j'ai appelé une boîte de Pandore. Parce que sinon nous tomberions dans une boîte de mandores.
Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas donner suite au rapport de majorité.
M. Claude Blanc (PDC). J'étais de ceux, à la commission des finances, qui se sont vigoureusement opposés à ce projet de loi, non pas pour cette somme de 25 000 F, qui est ridicule et beaucoup peuvent penser qu'il est ridicule d'avoir un débat, un rapport de majorité et un rapport de minorité pour un projet aussi minime, mais pour une question de principe.
Il y a, dans ce canton, plusieurs grandes écoles de musique à vocation cantonale, qui sont très largement et presque exclusivement financées par l'Etat, par l'intermédiaire du département de l'instruction publique. C'est tout à fait normal. Il n'y a pas que celles-là, Mesdames et Messieurs les députés, mais une multitude d'autres, qui ont une vocation régionale, voire communale. Celles-là sont à la charge des communes. J'ai été responsable d'une grande commune. Nous avions une école de musique - elle existe d'ailleurs toujours - qui nous coûtait beaucoup plus cher que ces 25 000 F. A l'époque, c'était déjà de l'ordre de 100 000F par année. Mais nous n'aurions jamais eu l'idée d'aller demander l'aide de l'Etat. Il nous a toujours semblé que c'était notre devoir d'encourager ce genre d'activité dans nos communes. On pourrait imaginer que certaines communes trop pauvres pour le faire recourent à l'aide de l'Etat. Mais cela m'étonnerait que l'on se trouve dans cette situation aux Trois-Chêne !
Je dis ainsi que ces 25 000 F sont sans importance. Mais si nous les acceptons, nous allons, et j'ai déjà fait la démarche dans ma commune, susciter des vocations. Si nous subventionnons celle-là, nous n'aurons aucun argument à opposer aux autres et les communes se déchargeront sur l'Etat de charges qui, de toute évidence, leur reviennent. Au niveau où l'on en est, par rapport aux finances de l'Etat et aux finances des communes, je crois que ce n'est pas le moment, Mesdames et Messieurs les députés, de se charger de tâches communales. Ce serait plutôt le contraire qu'il faudrait envisager dans certains cas. Voilà pourquoi, bien que cela soit minime et que cela n'en vaille pas la peine, nous voulons en faire une question de principe et refuser de mettre le doigt dans cet engrenage-là !
M. Pierre Kunz (R). Le groupe radical ne votera pas le projet de loi 8602...
M. Claude Blanc. C'est le projet de loi 8563 !
M. Pierre Kunz. C'est juste ! 8563, c'est pour le Mémorial ! Le groupe radical ne votera donc pas ce projet de loi. D'abord pour les excellentes raisons invoquées dans le rapport de minorité, ensuite pour les excellentes raisons mentionnées par M. Blanc, et, enfin et surtout, parce qu'il y a lieu, selon nous, préalablement à toute action, à tout mouvement dans le domaine du subventionnement des écoles de musique, de repenser, de réformer complètement la politique, les montants, les modes et les critères de subventionnement de ces écoles. Nous nous fondons aussi en cela sur un excellent rapport, rédigé voici quelque temps par la CEPP, que vous connaissez tous, la commission externe d'évaluation des politiques publiques, qui est proprement renversant. Cette étude s'avère tellement intéressante qu'elle a été reprise par une commission ad hoc mise sur pied par Mme la présidente, dont il est indispensable d'attendre le retour. C'est en tout cas ce que nous avons décidé à la commission de contrôle de gestion. Je vous recommande, au nom du parti radical, de faire la même chose.
M. Robert Iselin (UDC). Je crois que presque tout a été dit, de sorte que je n'allongerai guère. La députation UDC votera contre ce crédit, même si les activités musicales méritent d'être encouragées. Mais elles doivent être encouragées de manière différente.
D'autre part, comme citoyen de la commune de Chêne-Bougeries, je suis un peu honteux de la radinerie de cette commune, qui est assez riche et qui pourrait facilement donner 25 000 F pour soutenir l'Accademia d'Archi.
Mme Jeannine De Haller (AdG). Je voulais répondre à M. Weiss, qui disait que les frais augmentaient avec le nombre d'élèves. C'est une simple logique, ces 25 000 F ne servent pas à payer les enseignants. Vous pouvez bien vous en rendre compte, Monsieur Weiss. C'est uniquement pour aider le secrétariat, afin que celui-ci ne se fasse plus bénévolement, mais bénéficie d'une petite rétribution. Car plus il y a d'élèves, plus il y a de paperasse ! Il est donc parfaitement logique que l'on ait besoin d'un peu plus d'argent, vu qu'il y a plus d'élèves. Voilà pour M. Weiss.
Pour M. Kunz, le rapport de la CEPP est un ramassis de choses qui ne nous conviennent absolument pas. Ce n'est pas un bon rapport, contrairement à ce qui vient d'être dit. C'est justement un rapport qui se positionne uniquement d'un point de vue économique. Nous sommes dans le monde des arts, de la musique, de la culture. On veut que nos enfants, même avec une, deux ou trois années d'études musicales s'ouvrent l'esprit, aient envie d'aller aux concerts plus tard, aient envie de se cultiver. (L'oratrice est interpellée.)Je bats la mesure d'enthousiasme, car tout ce qui relève du monde musical me tient beaucoup à coeur et je trouve que ce rapport ne répond justement pas du tout aux besoins de notre Cité, qui a à coeur, elle aussi, de former de jeunes musiciens, qu'ils soient professionnels ou non, peu importe.
M. David Hiler (Ve). J'aimerais revenir sur le rapport de la commission externe d'évaluation des politiques publiques, qui est au centre de cette réflexion, quelle que soit la manière avec laquelle on se positionne dans ce débat.
Que dit ce rapport ? Il explique que nous avons trois grandes écoles, nos conservatoires, avec des conditions qui sont celles de la fonction publique, qui offrent des cours de haute qualité, ce que personne ne discute, et qui ont un coût par élève important. D'autre part, et c'est sur ce point qu'il faut être attentif, le même rapport nous précise qu'il n'y a pas assez d'offres de la part de ces trois écoles pour satisfaire la demande. Il y a donc une série de structures, d'un côté les professeurs privés, de l'autre les écoles associatives, qui suppléent actuellement à l'insuffisance d'offres au point de vue de la formation musicale.
Il nous paraît qu'une politique d'expansion continuelle des conservatoires ne serait pas la bonne et qu'il nous faut nous appuyer sur les structures existantes, ce qui implique dans certains cas d'en abaisser quelque peu le coût en reprenant une partie des frais. Cela permet aussi de mettre un peu d'ordre dans la structure, en appuyant des écoles qui, qualitativement, peuvent se prévaloir d'une aide de l'Etat. C'est la raison pour laquelle, Monsieur Weiss, certaines structures bénéficient déjà de subventions. A ma connaissance, il y en a au moins trois.
Faut-il attendre d'avoir une stratégie générale ou faut-il commencer maintenant, école par école, à fixer une aide en fonction d'un contrat que le département de l'instruction publique passera avec chacune de ces écoles ? C'est la voie qui a été choisie dans les faits jusqu'à présent. Nous n'ouvrons pas un précédent aujourd'hui. Ce n'est pas une affaire de commune que l'école musicale d'après nos institutions. C'est un problème sur lequel j'aimerais attirer votre attention. Manifestement, les fanfares sont traditionnellement dévolues aux communes. L'immense majorité des élèves qui suivent des cours dans les écoles de musique le font, s'agissant de certains instruments, dans le cadre des écoles du canton de Genève et pas du tout dans des écoles communales. A l'évidence, cette école-là est plutôt une école qui ressemble à l'enseignement que l'on pourrait trouver au Conservatoire de Genève plutôt que celui que l'on trouverait dans une fanfare. Vous me l'accorderez au moins. On peut bien sûr se dire, s'agissant de ce type d'école, que la commune paie lorsqu'elle est riche et que l'Etat se substitue à elle lorsque celle-ci est pauvre. Ce n'est pas, aujourd'hui, l'esprit des institutions. L'enseignement de la musique est fondamentalement et financièrement, lourdement d'ailleurs, une tâche cantonale.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, Mesdames et Messieurs les députés, de continuer à ouvrir un certain nombre de voies de subventionnement à des écoles qui offrent manifestement des prestations de qualité et qui répondent à une demande. En réalité au nom de deux principes. Le premier, c'est de rester dans des limites raisonnables quant aux coûts des écoles de musique. Le deuxième, c'est d'avoir à la fois des écolages qui soient accessibles à la majorité au moins de la population et d'autre part des rémunérations qui ne soient pas proches du bénévolat pour des enseignants dont on demande une assez haute qualification.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que je crois que les arguments opposés jusqu'à présent sont superficiels. Ils sont convaincants et percutants à première vue. Ils le sont beaucoup moins si l'on veut se rappeler que les écoles de musique relèvent bel et bien d'une tâche cantonale, ceci de par la loi. Qu'il faille par la suite, lorsque la fameuse commission ad hoc est apparue à la suite du rapport de la commission externe d'évaluation des politiques publiques, dont on trouve à l'origine la commission des finances et le département de l'instruction publique, qu'il faille donc, à un moment donné, rediscuter les normes exactes de ce subventionnement, peut-être. Mais refuser aujourd'hui cette école, alors que trois autres bénéficient déjà de subventions, c'est, que vous le vouliez ou non, lui refuser un label de qualité ou un label de besoin, ce que je trouve, pour cette école et par rapport à la modicité de la somme demandée, fondamentalement injuste.
M. Dominique Hausser (S), rapporteur de majorité. M. Hiler a très largement rappelé les raisons pour lesquelles ce projet de loi a été déposé. J'aimerais quand même lourdement insister sur le fait que c'est bel et bien la commission des finances, suite à l'examen du budget 1998, qui, face à l'importance des subventions, souhaitait avoir une meilleure compréhension et une meilleure visibilité de ce qui se passait dans les structures subventionnées par l'Etat. Très rapidement, nous nous sommes rendu compte dans les discussions que nous ne serions pas à même, si nous prenions l'ensemble des champs et des structures subventionnées, d'obtenir des éléments précis. Nous avons donc retenu le secteur de la musique en termes de formation bien sûr, mais aussi en termes de sensibilisation et en termes de culture générale, pour essayer de comprendre comment les choses se passaient. Si nous avons fait ce choix, ce n'était pas non plus par hasard. Il s'est trouvé à un moment donné, en particulier sur le budget 1997 et encore un peu sur le budget 1998, que la plupart des structures de formation musicale avait vu leurs subventions coupées linéairement de 10%, ce que nous estimions contraire à une tâche importante dans le domaine public. Voilà les raisons du choix.
A partir du moment où la commission externe d'évaluation des politiques publiques a rendu son rapport, la commission des finances, c'était fin 1999 ou début 2000, a demandé au Conseil d'Etat de réfléchir à un certain nombre de questions précises. Cela fait plus de deux ans que nous attendons des réponses du Conseil d'Etat. Entre-temps, nous avons réalisé qu'un certain nombre d'associations, de fondations, d'institutions musicales qui offraient des prestations de qualité à un nombre plus ou moins important de jeunes de ce canton ne recevaient aucun soutien. Si cette subvention arrive aujourd'hui, ce n'est pas la première. C'est au moins la troisième ou la quatrième. J'estime qu'il est indispensable de poursuivre dans cette voie-là tant que le Conseil d'Etat ne nous aura pas donné réponse aux questions que nous avons posées. Nous continuerons à le faire de façon parcimonieuse, réfléchie et pas simplement pour des raisons que vous pourriez considérer comme purement électoralistes.
Ceci étant, j'aimerais juste encore relever que le rapporteur de minorité regrette de ne pas attribuer cette subvention et je ne comprends pas pourquoi, avec ce regret, il ne change pas d'avis. Les postulats et les préambules qu'il avance, en disant que cela ouvre la boîte de Pandore, cela a déjà été dit, sont faux et archifaux. Alors, votez ce projet de loi ! Ensuite, insistons auprès du Conseil d'Etat pour qu'il nous donne les réponses aux questions que nous avons posées et que l'on aborde peut-être la discussion plus large qui tourne autour de la culture ! Vous nous aviez promis un projet pour le début de cette année, puis pour le mois de mars, pour l'été, pour le mois de septembre... Alors, quand allez-vous nous le présenter, Madame Brunschwig Graf ?
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de minorité. Au fond, à entendre M. Hiler et M. Hausser, je me rends compte que je suis très proche des positions qu'ils ont exprimées. Mais j'en tire des conclusions qui sont différentes. Je pense effectivement que la musique est, de par la loi, une tâche qu'il convient d'encourager de par son appartenance à notre culture. Cette association Accademia d'Archi participe au développement de la culture musicale de façon excellente. Et je le sais concrètement. Néanmoins, il s'agit pour nous de savoir si nous voulons être généreux à son égard, même si la somme est très petite, et incohérents en même temps, ou bien généreux et cohérents. Nous serions généreux et incohérents en même temps, et je m'étonne que M. Hiler ne s'en soit pas rendu compte, si nous approuvions aujourd'hui cette demande de projet de loi. J'ai sous les yeux une liste de 36 écoles de musique. Je ne sais pas, Monsieur le président, si je vais... Non, je ne vais pas vous en donner une lecture intégrale...
Le président. On vous croit sur parole !
M. Pierre Weiss. Néanmoins, l'Académie de musique de Genève, le Centre d'exploration musicale, le Centre de pédagogie musicale, les cours de piano Jean Soler, Drums and Percussion Center, l'école Varadi, le Studio Kodály, Music Arts, etc. Voilà quelques-unes de ces 36 écoles de musique. Et ce que j'appelle de mes voeux, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que ces écoles de musique, ces associations, ces fondations, selon les statuts qu'elles ont les unes ou les autres, s'unissent en une réelle association genevoise d'écoles et d'instituts de musique privée et, dans ce cadre-là, arrivent avec une demande globale, nous priant d'entrer en matière sur un crédit qui aurait une visibilité globale nous permettant de prendre nos responsabilités. Qui plus est s'il fallait introduire ici ou là, parce que cela serait nécessaire, une ou deux touches... comment pourrais-je les appeler... susceptibles d'éveiller l'ire des uns ou des autres.
Nous pourrions néanmoins entrer en matière si l'on imaginait qu'il y ait déduction fiscale des montants payés pour ces écoles privées de musique et pour les écoles privées en général. On pourrait encore imaginer qu'il y ait une entrée en matière de notre part si, dans le même temps, nous imaginions, à concurrence du montant voté pour cette nouvelle demande justifiée, qu'il y ait suppression d'une subvention donnée à une institution... je n'oserais dire obsolète, mais en tout cas plus ancienne, pour laquelle la justification des montants versés ne se ferait pas avec autant d'évidence. N'ayant pas fait en commission des finances, autant que d'autres commissaires, ce travail attentif, cet examen critique, n'ayant pas proposé une réduction des dépenses, mais n'ayant pas non plus entendu de la part de ceux qui se font aujourd'hui les défenseurs de cet enseignement privé, je m'en réjouis, la proposition de déduction fiscale, qui aurait peut-être ennuyé Mme le chef du département des finances dans ces conditions, je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que nous ne pouvons pas entrer en matière aujourd'hui. Mais je me réjouirai demain, pour celle-ci et toutes les autres, d'entrer en matière lorsque nous en saurons les conséquences financières réelles pour le budget de l'Etat et pour la culture de notre canton, deux intérêts à pondérer justement.
Le président. Le Bureau vous propose, Mesdames et Messieurs, de stopper le débat à ce stade.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Le président. La liste des orateurs comprend encore M. Claude Blanc et M. David Hiler.
Des voix. Il faut les deux tiers !
Le président. Non, il n'y a pas de règle des deux tiers. Donc, M. Blanc et M. Hiler. Mme Brunschwig Graf conclura
M. Claude Blanc. Pour simplifier le débat, je crois que je vais renoncer à mon tour de parole.
M. David Hiler (Ve). Je suis content d'entendre que M. Weiss admette pleinement que l'enseignement de la musique est prioritairement une tâche cantonale. Je suis aussi content d'entendre qu'il est ouvert à une diversification des institutions qui seraient susceptibles de donner cet enseignement et, pour cela, de recevoir une aide.
Maintenant, il est vrai, et en cela je n'ai personnellement rien à reprocher à la vitesse des travaux en commission, que la question est complexe, parce qu'elle est liée à la réorganisation du Conservatoire au niveau professionnel. Raison pour laquelle il y aura encore, j'imagine, un peu de temps qui va s'écouler avant que nous ne prenions une décision.
Vous aimez évidemment les déductions fiscales comme aide. Je vous rappelle quand même que le but premier d'une subvention en faveur de ces écoles est d'ouvrir ce type d'enseignement à des gens qui n'en ont pas les moyens. Dans ce cas-là, la déduction fiscale ne serait d'aucun secours. Par conséquent, elle ne viserait pas une démocratisation nécessaire de l'enseignement de la musique. A ce propos, j'aimerais quand même rappeler que lorsque vous avez la chance de voir votre enfant entrer au Conservatoire, vous pouvez bénéficier d'un tarif calculé en fonction du revenu des parents, un tarif beaucoup plus bas que le tarif ordinaire. Ce qui n'est pas le cas pour des structures de ce type. C'est la raison pour laquelle il convient à mon avis d'en abaisser le coût lorsque c'est nécessaire.
Il est aussi vrai que le système de subventionnement est complexe parce que la charge que représentent les locaux joue très souvent un rôle assez déterminant dans le coût de la structure. Dans certains cas, des locaux sont mis gracieusement à disposition. Dans d'autres, ils sont payés cher à cause de la croissance de l'école. Cela arrive très souvent, Monsieur Weiss, parce qu'il faut chercher des locaux plus grands et ce n'est pas toujours facile. Raison pour laquelle de petites aides, telles que celle que nous avons accordée voici deux ans à Espace musical, nous paraissent bonnes et nécessaires. Elles entrouvent, Monsieur Weiss, la boîte de Pandore, car il aura fallu deux ans, après celle accordée à l'Espace musical, pour que nous rediscutions d'une subvention. Mais ces demandes permettent une étude dossier par dossier, dans la perspective d'une réflexion sur la mise en place d'un système plus global, plus important, avec des ressources qui sont à fixer, mais un système dont vous devez admettre qu'il est légèrement conditionné aux décisions qui sont prises en partie concernant le Conservatoire de niveau professionnel.
C'est pour cette raison, Monsieur Weiss, que nous ne tirons pas les mêmes conclusions d'un début d'analyse identique. Je suis d'ailleurs surpris qu'un théoricien du déséquilibre comme vous ne comprenne pas qu'il faille, dans ce cas, des aiguillons pour avancer vers un système plus cohérent. Je vous invite donc, pour les raisons qui ont été évoquées jusqu'à présent et compte tenu aussi de la modicité du système et d'une volonté assez générale d'aller vers un mode de subventionnement bien réfléchi de ces écoles, à donner un coup de pouce en faveur de cette école.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. Je ne veux pas me substituer à ma collègue, mais je pense qu'elle vous dirait comme moi que le budget de l'Etat est rempli de coups de pouce, de ces coups de pouce qui ont été octroyés année après année et avec des arguments qui étaient tous pertinents, tous bien reconnus, souvent d'ailleurs à l'unanimité de ce Grand Conseil. J'ai été moi-même députée et je me souviens parfaitement d'avoir, comme d'autres, été sensible à certains arguments, notamment au fait que 25 000 F ou 50 000 F par rapport à une tâche de l'Etat était une chose, si on la comparait au budget, tout à fait infime. Il se trouve aujourd'hui que c'est la raison pour laquelle, dans un certain nombre de domaines, nous avons à débattre de la redéfinition de nos politiques de financement. C'est la raison pour laquelle aussi ces coups de pouce que vous additionnez dans l'intervalle, aussi sympathiques soient-ils, ne permettent pas véritablement de faciliter la tâche. Car vous causez à chaque fois un précédent, d'une manière ou d'une autre. Cette fois, c'est un précédent qui lie quand même l'école à son environnement local. Une autre fois, ce sera un précédent qui nous liera à d'autres centres, parce qu'il n'existe pas ceci ou cela dans le canton.
En vous écoutant et en prenant connaissance de certains faits, je dirai ceci sur le cas particulier. Cette école, en attendant l'évaluation, devrait pouvoir trouver un appui au sein des communes où elle est active. Car même si la tâche de l'Etat, comme il est dit, est de s'occuper de l'éducation musicale, je vous rappelle quand même que la loi parle des conservatoires, à l'exception de tous les autres. Il y a donc une volonté très claire de la loi de leur donner la prépondérance, la priorité et l'attention des deniers de l'Etat. Quelques écoles de musique sont reconnues comme telles.
J'ajoute que les fanfares, contrairement à ce que vous imaginez, apprennent à leurs élèves certains rudiments que l'on retrouve très largement dans les conservatoires. Vous viendrez avec moi aux promotions de l'Ondine et des Cadets et vous pourrez vous en rendre compte. Cela signifie que nous avons, lorsque nous examinons le tout, à nous demander, comme vous l'avez fort bien rappelé les uns et les autres, quels sont les principes de financement à adopter. Est-ce que cela va durer longtemps ? Cela va durer jusqu'à la fin de l'année lors de la remise du rapport. Nous avons fixé des délais pour cela. Comme l'a rappelé le député Hiler, la transformation des conservatoires professionnels en haute école de musique nous induit évidemment à nous reposer en même temps la question de l'organisation des conservatoires amateurs et donc à considérer un système qui traite du financement, mais aussi de la conception de l'éducation musicale et de son organisation dans le canton.
J'estime que cette école, si elle souhaite faire ses preuves et montrer son intérêt, peut très bien entreprendre une démarche auprès des communes. Les députés proches des communes concernées sont parfaitement à même de soutenir cette démarche, s'ils sont sensibles à cet argument, jusqu'à ce que le rapport soit publié et que le Grand Conseil ait pris des décisions concernant le financement.
Vient en fait le deuxième problème, évoqué par M. le député Hausser, et qui concerne cette fois le financement de la culture dans notre canton et l'existence d'une structure politique. Je mets sur le compte d'une longue journée, Monsieur le député, le fait que vous ayez pu penser que j'aie fait des promesses qui n'ont pas été tenues. J'ai au contraire le souvenir d'avoir, grâce au rapport sur la politique transversale de l'Etat et des communes, reçu l'assentiment de ce Grand Conseil sur le projet qui était proposé. Je crois même qu'un membre de votre parti l'a salué à ce moment-là. J'ai toujours annoncé que les délais étaient fixés à cet automne, qu'un projet de loi serait déposé et que la mise en place de la structure devrait avoir lieu au printemps prochain. J'ai d'ailleurs le plaisir de vous dire que la convention sur laquelle le projet de loi devra se fonder a été approuvée dans son principe et dans son texte, à la fois par la Ville de Genève et déjà par la délégation de l'Association des communes genevoises. Et vous devez quand même admettre que l'Association des communes genevoises, qui a ses propres organes de décision, doit aussi pouvoir se prononcer sur le sujet. Il reviendra ensuite au Grand Conseil d'en discuter. Comme je l'ai proposé, un groupe de travail Etat-Ville se penchera sur la question et déterminera dans quelle mesure cette convention pourrait recueillir l'assentiment total de ce Grand Conseil. Le timing est ici respecté, tout comme il l'est s'agissant du rapport dont nous parlions tout à l'heure.
Aussi, je suis désolée de vous décevoir. Je partage les mêmes analyses que vous, mais je vous dirais, comme le rapporteur de minorité, que ce n'est pas le moment de voter la énième subvention, qui a tout son bien-fondé en soi, mais qui ne fait que compliquer la question lorsqu'il s'agit d'analyser la politique de l'éducation musicale et son financement dans ce canton.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
(Résultat du vote électronique en premier débat: 35 oui contre 41 non.)