République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 juin 2002 à 20h15
55e législature - 1re année - 9e session - 46e séance
M 1465
Débat
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je ne voudrais évidemment pas vous priver d'un débat, mais la question qui est posée est importante. Nous sommes le 15 juin et, s'il faut débloquer une somme supplémentaire, il faut le savoir vite. Ma collègue Martine Brunschwig Graf m'a dit qu'elle n'avait pas pu obtenir tous les renseignements souhaités. C'est la raison pour laquelle, sans vouloir, je le répète, vous priver d'un débat, je vous propose de nous adresser directement cette motion, de manière à ce que le crédit puisse être débloqué, dès que nous aurons pu vérifier la pertinence de ce que vous nous dites.
M. Pierre Weiss (L). J'ai fort bien compris ce que nous a dit le chef du DASS, qui remplace ce soir Mme la conseillère d'Etat Martine Brunschwig Graf, néanmoins cette proposition de motion traite d'un problème sérieux, même si des indications manquent effectivement. Je m'étonne, d'ailleurs, qu'il n'y ait pas davantage de nos collègues qui soient désireux de s'exprimer sur la question fondamentale posée par les motionnaires et, à ce propos, j'aurai quelques remarques à faire.
Je crois qu'il aurait été bon de se limiter à la première invite, parce que la deuxième pose un certain nombre de problèmes, et je voudrais en illustrer quelques-uns. D'abord, on nous dit que le Conseil d'Etat est invité à verser une subvention complémentaire. Pour un député membre de la commission des finances, la question du montant du complément se pose immédiatement. Alors que, dans la première invite, l'on nous parle d'un montant de 100 000 F, on ne nous renseigne nullement dans la deuxième sur le supplément qui sera nécessaire. De cette façon-là, il serait, je crois, hasardeux de s'engager sur une voie dont nous ne connaissons pas exactement ni la largeur, ni la longueur, ni le terme.
Deuxièmement, dans cette deuxième invite, il est également demandé de verser une subvention aux «associations susceptibles d'organiser des camps de vacances supplémentaires». Cette définition me semble particulièrement large. Elle est même extensible ad libitum. Qu'est-ce que sont ces «associations susceptibles d'organiser des camps de vacances supplémentaires» ? Je crois qu'il serait bon que les motionnaires nous précisent leurs intentions sur ce point, pour que nous puissions prendre en considération la motion.
Il y a un troisième point, qui n'est peut-être pas le plus grave, mais qui me semble être mis ici par analogie avec une situation qui existe sur le marché du logement, à savoir la pénurie. On nous parle de «listes d'attente». Or, nous savons fort bien que les listes d'attente ne sont pas en soi un critère qui garantit l'exactitude d'un besoin. On peut être inscrit sur plusieurs listes d'attente. Je serais heureux que les motionnaires nous indiquent également de quelle façon ils entendent discriminer les listes d'attente, procéder à une analyse soignée de ces listes, pour précisément pouvoir nous indiquer les besoins qu'il s'agira de combler et les associations auxquelles il s'agira de répondre.
C'est sur ces trois questions, à la fois l'imprécision des chiffres, le caractère extensible de la définition et, finalement, le caractère arbitraire des listes d'attente, que je souhaiterais des précisions de la part des motionnaires.
M. Thierry Apothéloz (S). Peut-être ne vais-je pas pouvoir répondre à toutes vos interrogations, Monsieur Weiss; je souhaiterais néanmoins apporter quelques éclaircissements quant à la deuxième invite de cette motion, puisqu'elle semble troubler certaines et certains d'entre vous. En effet, 2500 enfants partent généralement en vacances durant les périodes de vacances scolaires, et force est de constater que les listes d'attente sont de plus en plus longues dans les différents organismes qui proposent des camps de vacances. Pourquoi ? A la demande du département de l'instruction publique, ces organismes de vacances ont été amenés à organiser des camps plus courts et avec un nombre de participants moindre. Souvenez-vous des grandes colonies de vacances de notre enfance, réunissant soixante gamins à la montagne. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas : on demande aux organismes tels que le CPV, Caritas, Vacances nouvelles et autres, d'organiser des camps courts, d'une à deux semaines au maximum, avec un minimum d'enfants, afin de garantir, il est vrai, une certaine sécurité. Par ailleurs, la structure même de ces associations a évolué: le service des loisirs, via le département de l'instruction publique, demande un encadrement renforcé, autant par le nombre de moniteurs que par leur formation. Bien évidemment, tout ceci a un coût. Or, nous ne pouvons effectivement pas connaître le montant exact de ces besoins, c'est pourquoi j'appuie la proposition du président Unger concernant le déblocage de ces 100 000 F et une étude plus précise.
Les listes d'attente, Mesdames et Messieurs les députés, nous interpellent car il y a lieu, en effet, de se demander pourquoi les parents ont besoin de mettre leurs enfants dans des camps de vacances. Pour certains, il s'agit d'un plus dans la vie d'un enfant ou d'un adolescent: c'est vivre une aventure avec des pairs, avec tout ce que cela peut comporter d'avantages socio-culturels et socio-éducatifs. Mais il existe aussi un certain nombre de parents qui ne peuvent pas partir en vacances et qui choisissent donc d'envoyer leurs enfants en camps de vacances, parce qu'ils n'ont pas d'autre alternative. Il y a par ailleurs une différence énorme entre les moniteurs: à la FASe (Fondation pour l'animation socio-culturelle) ou au service des loisirs, l'indemnité pour les moniteurs est d'environ 90 F par jour, alors qu'au CPV ou à Vacances nouvelles, pour ne citer qu'eux, elle est de 25 à 35 F par jour. Dès lors, il est difficile pour ces derniers de trouver des moniteurs qui soient d'accord de s'engager vingt-quatre heures sur vingt-quatre pendant une semaine, voire quinze jours, auprès d'enfants et d'adolescents.
La deuxième invite, Mesdames et Messieurs, propose au Conseil d'Etat de réfléchir à tous les aspects des problèmes que je viens de soulever et d'y apporter une solution par une subvention supplémentaire, que la présidente du département de l'instruction publique pourra évaluer, en concertation avec les divers organismes et le GLAJ (Groupement de liaison des activités de jeunesse). Pour ces différentes raisons, je pense que nous devons voter la motion avec ses deux invites.
Le président. Mesdames et Messieurs, il reste six intervenants: je vous propose de clore la liste et je vous signale qu'à 23 h la séance sera levée.
Mme Anne-Marie Von Arx-Vernon (PDC). Cette motion retient bien évidemment toute l'attention du PDC, car les camps de vacances remplissent un rôle essentiel auprès des enfants et de leurs familles. Si l'on ne comprend pas pourquoi le solde, à hauteur de 100 000 F, n'a pas été débloqué, on comprend l'inquiétude des organisateurs et surtout l'incertitude des familles, qui peuvent craindre que leurs enfants ne trouveront pas de place dans les camps. Toutefois, si la première invite est cohérente avec le besoin immédiat, la deuxième n'est pas acceptable en l'état pour le parti démocrate-chrétien. Nous vous proposons donc un amendement supprimant la deuxième invite et la remplaçant par: «...à étudier l'opportunité d'augmenter la subvention, après analyse des prestations offertes et évaluation des besoins». En conclusion, le parti démocrate-chrétien vous recommande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.
M. Jacques Jeannerat (R). Je remercie M. Apothéloz de toutes les indications techniques et pédagogiques qu'il a apportées tout à l'heure, mais je suis impressionné par le fait que ce problème arrive au Grand Conseil. En réalité, j'ai questionné cet après-midi, après avoir reçu le texte, et Mme Brunschwig Graf et Mme Calmy-Rey, pour savoir ce qui s'était passé, car il se trouve que la subvention votée dans le cadre du budget n'a pas été entièrement allouée. La question tient donc avant tout de l'action de l'exécutif. Je tiens à préciser qu'il y a une erreur dans la première invite. Je suis allé voir les comptes et les budgets des trois dernières années, pour essayer d'y voir un peu plus clair. En réalité, le budget de l'année 2001 propose une somme de 1,1 million, tandis que, selon les comptes de l'année 2001, seul 1 million a été versé. Je ne comprends donc pas pourquoi l'exécutif n'a pas appliqué la décision du Grand Conseil via le vote du budget. C'est la première chose. Il est donc hors de question d'empêcher ces deux organismes de vacances de mener leur action auprès des enfants cette année; le Conseil d'Etat doit impérativement s'exécuter et verser les 100 000 F nécessaires au déroulement de ces camps.
J'étais très mal à l'aise par rapport à la deuxième invite et je me rallie tout à fait à l'amendement proposé par Mme von Arx. Je connais assez bien ces organismes de vacances pour avoir présidé le GLAJ il y a une dizaine d'années. Or, il y a dix ans déjà, ces deux organismes de vacances avaient des problèmes financiers. Je crois qu'il est important d'analyser leurs besoins, parce que je suis persuadé qu'ils sont mal gérés. Au fond, je suis satisfait de l'amendement de Mme von Arx et j'espère que le Conseil d'Etat pourra rapidement nous faire un rapport à ce sujet.
M. Gilbert Catelain (UDC). Ce thème nous tient effectivement à coeur. J'ai moi-même bénéficié de ces camps de vacances quand j'étais plus jeune, mes filles n'en profiteront pas cette année, car nous avons fait d'autres choix.
Il n'empêche qu'à l'UDC nous sommes relativement d'accord avec les avis exprimés sur la première invite, notamment par M. le conseiller d'Etat Unger. Nous soutiendrons donc le renvoi de la motion au Conseil d'Etat. Concernant la deuxième invite, je suis un peu surpris qu'on découvre au mois de juin qu'il y a effectivement un nombre important d'enfants qui ne bénéficient pas des camps de vacances. Je pense que cet état de fait devait être connu au préalable. Cela étant, il est vrai qu'on travaille sur la base d'un budget et qu'on ne pourra par conséquent jamais satisfaire tout le monde, on l'a vu hier dans le débat sur la fiscalité. Nous soutiendrons donc, concernant la deuxième invite, la position prise à la fois par le PDC et le parti radical.
M. Dominique Hausser (S). M. Catelain a dit qu'il n'enverrait pas ses filles dans ces camps, c'est son choix. Il a la chance de pouvoir choisir, alors qu'un certain nombre de familles ne peuvent pas le faire et sont obligées d'envoyer leurs enfants dans les camps, pour que ceux-ci puissent bénéficier de vacances plutôt que de devoir rester à la maison. Je n'allongerai pas sur cette argumentation, qui me semble particulièrement faible.
Quant au problème du budget, tout le monde dans cette enceinte sait que le budget a été voté dans des conditions relativement difficiles et que tous les points que nous prenions habituellement en considération sont un peu passés sous le tapis. On se rend bien compte aujourd'hui que la situation est réellement délicate. Cela fait pas mal d'années, Mesdames et Messieurs les députés, que les colonies de vacances, pour reprendre le terme de mes parents, bénéficient d'une subvention cantonale stable, alors que la population augmente de manière régulière dans ce canton. Nous sommes 420 000 habitants aujourd'hui, alors que nous étions 250 000 lorsque j'étais enfant. Certains me trouvent peut-être vieux, mais je n'ai que 47 ans: la population a donc doublé sur ce territoire en moins de cinquante ans, ce qui nécessite des réadaptations de structures, des réadaptations de vision.
J'entends le PDC et les radicaux dire : «Oui, c'est intéressant, libérons les 100 000 F nécessaires» sans arguments absolument fondamentaux et, dans le même temps, ils refusent d'entrer en matière sur les subventions complémentaires, alors qu'on sait qu'il y a des listes d'attente dans un certain nombre d'organisations, qu'il y a des gamins qui attendent de partir en vacances. Cela me semble absolument insupportable. Mesdames et Messieurs, je vous recommande de voter cette motion telle qu'elle a été présentée par les motionnaires et de ne pas entrer en matière sur les amendements fallacieux qui ont été présentés par les radicaux et les démocrates-chrétiens, qui soi-disant défendent la famille.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Bureau vous propose de clore ici la liste des intervenants: il en reste cinq.
Mise aux voix, cette proposition est adoptée.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Si nous allongeons un peu le débat en ce moment, c'est simplement pour dire l'urgence qu'il y a, aujourd'hui 14 juin, à prendre les mesures nécessaires pour que les demandes des jeunes qui attendent de partir en vacances puissent être satisfaites. Nous apprécions la proposition de M. Unger et l'acceptons bien volontiers. En ce qui concerne la deuxième invite, elle visait à mettre en évidence le fait qu'un certain nombre de demandes ne sont aujourd'hui pas satisfaites et qu'il conviendrait d'adapter l'offre à la demande. C'est pourquoi nous nous rallions à l'amendement de Mme von Arx.
M. Renaud Gautier (L). D'abord, que mille grâces soient rendues à M. Unger qui traite autant des problèmes de santé que de ceux des colonies de vacances, ce qui prouve que les petits jeunes du Conseil d'Etat, ma foi, ne sont pas si mauvais.
Je voudrais revenir deux secondes sur l'ensemble de cette motion. Il n'y a bien évidemment pas lieu pour notre Conseil de juger aujourd'hui de la nécessité ou non des camps de vacances, des «colonies de vacances», comme les appelaient les parents de notre excellent collègue Hausser, mais il y a lieu de s'étonner en effet que cette urgence arrive maintenant et des deux questions, somme toute un peu contradictoires, qui nous sont posées. La première concerne le solde du paiement d'une subvention: on ne peut nous expliquer ici la raison qui aurait pu entraîner le département concerné à ne pas verser ce solde. Je crois ce département suffisamment sensible à la condition des enfants, on en a d'ailleurs eu la démonstration lors d'une intervention ce soir, pour imaginer qu'il ne puisse s'agir que d'un retard.
Quant à la deuxième invite, elle pose en effet une question de fond : faut-il que ce Conseil décide sur le siège de changer une politique établie depuis de nombreuses années, tel que l'expliquait l'excellent député Hausser, par une augmentation de subvention au profit d'enfants potentiellement en liste d'attente ? J'ai peine à croire, dans un premier temps, que l'année 2002 soit si particulière que ces listes d'attente soient très différentes de celles des autres années... Cela fait dix ans que ça dure, ajoute l'excellent, le parfait député Hausser une fois de plus... (Brouhaha.)Mais faut-il pour autant décider là que nous allons donner une subvention dont nous ne connaissons somme toute ni le montant, ni la répartition?
Je pourrais imaginer que certains crient tout à coup au scandale, parce qu'ils auraient mis en place certains camps de vacances mais ne seraient pas sur la liste des heureux récipiendaires. C'est pourquoi, si je peux comprendre la nécessité qu'il y a de pouvoir proposer ces camps de vacances, je crois qu'un minimum de raison devrait rejoindre cette séance, malgré la chaleur ambiante et les oiseaux qui la traversent... La proposition faite par M. Unger, qui sera dorénavant connu comme l'expert ès colonies de vacances, de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat m'a effectivement l'air la plus sage et celle qui, à terme, pourra le plus profiter à ceux qui en ont réellement besoin, à savoir les enfants.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je voudrais dans un premier temps répondre à M. Hausser qui m'a un peu mis en cause, peut-être par mauvaise compréhension. Je n'ai effectivement rien contre les camps de vacances, au contraire. Je l'ai dit, le choix que j'ai fait est un choix différent, parce que je n'ai pas forcément la possibilité, pour mes trois enfants, de financer les inscriptions. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle je suis très favorable à ce que la deuxième invite soit étudiée. En effet, vous avez certainement raison de dire que, si le budget des camps de vacances n'a pas été réévalué ces dernières années, c'est qu'il y a un problème qui mériterait d'être discuté au sein de la commission des finances. Cela dit, je rappellerai néanmoins que gouverner, c'est prévoir, que le budget est notamment fait par une conseillère d'Etat socialiste et que le parti socialiste a adopté ce budget en toute connaissance de cause. Il appartient donc aux motionnaires d'évaluer le besoin financier à prévoir dans le cadre de cette deuxième invite et il n'appartient pas, à mon avis, au Conseil d'Etat de faire le travail des motionnaires.
M. Jacques Jeannerat (R). Je ne peux pas accepter les propos mensongers de M. Hausser. J'aimerais juste vous donner les chiffres exacts des subventions accordées aux organismes de vacances ces dernières années. Si la subvention qui aurait dû être versée était de 1 100 000 F pour l'année 2001, elle n'était que de 750 000 F en l'an 2000. Il y a donc eu une augmentation de 350 000 F. Il ne faut pas raconter n'importe quoi, je suis allé regarder les comptes tout à l'heure ! Il ne faut pas raconter n'importe quoi, Monsieur Hausser.
Le président. La parole n'est plus demandée. Nous sommes saisis d'un amendement que vous avez certainement sous les yeux, qui consiste à supprimer la deuxième invite et à la remplacer par : «...à étudier l'opportunité d'augmenter la subvention après analyse des prestations offertes et évaluation des besoins».
Mis aux voix, cet amendement est adopté.
Mise aux voix, la motion 1465 ainsi amendée est adoptée.