République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 14 juin 2002 à 14h
55e législature - 1re année - 9e session - 44e séance
PL 8619-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Nous nous trouvons dans une situation un peu particulière, parce que deux commissions, sans le savoir, ont traité pratiquement du même objet et sont arrivées à des conclusions différentes.
Je résume : le 9 janvier 2002, la commission des finances a étudié le projet de loi 8619 qui vise à apporter une nouvelle dérogation à la loi sur les droits d'enregistrement. Il s'agit d'une dérogation que nous votons chaque année. La loi en vigueur - sans tenir compte des dérogations - prévoit que le tiers des droits d'enregistrement est versé au fonds d'équipement communal. Or, dans les années de crise, le Grand Conseil, sur proposition du Conseil d'Etat, avait diminué cette part versée au fonds d'équipement communal au profit de la caisse de l'Etat. On était arrivé au quart et on avait plafonné la part versée à 11 ou 15 millions. Cette fois-ci, le Conseil d'Etat, dans sa grande magnificence, acceptait de plafonner à 18 millions. A la commission des finances, la discussion a porté sur la question de savoir si nous allions continuer à plafonner la somme versée au fonds d'équipement communal. Nous sommes tombés d'accord, mais un peu par gain de paix, en sachant que 18 millions c'était déjà pas mal et que, ma foi, le fonds d'équipement n'avait peut-être pas besoin d'autant d'argent cette année. Il y a pourtant eu une discussion à la commission des finances pour savoir si on allait par principe supprimer la notion de quart pour revenir à la notion de tiers tout en plafonnant à 18 millions. De discussion en discussion, la commission s'est arrêtée sur l'idée de maintenir la mention d'un quart de la recette des droits d'enregistrement, du moment que le plafond était fixé à 18 millions. J'avais l'intention aujourd'hui, avant d'avoir connaissance du rapport de M. Barrillier, de revenir avec un amendement pour que le Grand Conseil revienne au tiers tout en maintenant le plafonnement. Mais la commission des affaires communales, qui a siégé le 16 avril, a pris une décision beaucoup plus radicale. Elle a décidé qu'il convenait de revenir à la loi sur les droits d'enregistrement sans aucune dérogation. Je pense que nous pouvons sans autre nous rallier à ce point de vue et dans un sens nous pouvons nous féliciter d'avoir pris du retard en sorte que mon rapport, déposé le 22 février, peut être traité en même temps que celui de M. Barrillier. Bref, il me semble que dans ces conditions le Conseil d'Etat, dans sa grande sagesse, devrait commencer par retirer le projet de loi 8619, ce qui nous éviterait de le refuser. Ensuite, eh bien, nous accepterons le rapport 418-A.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Monsieur le président, nous nous trouvons effectivement dans une situation ubuesque, la main gauche ne sachant pas ce que fait la main droite. Je crois que la solution proposée par mon collègue Blanc a le mérite de la sagesse et je pense qu'effectivement il faudrait que le Conseil d'Etat retire son projet de loi. J'insiste sur le fait que c'est à l'unanimité et avec beaucoup d'enthousiasme que la commission des affaires communales a voté le rapport sur l'exercice 2000 avec une recommandation claire et nette. Je vous rappelle que dans cette commission siège le président des maires de notre canton. Je pense donc que cela a un certain poids.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, si vous voulez aller vite, plutôt que de demander au Conseil d'Etat de retirer ce projet de loi, mieux vaut l'envoyer dans une commission - si possible pas dans deux pour éviter les contradictions - et l'amender dans le sens que vous souhaitez.
Je relève tout de même que la recommandation du rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales, ne prévoit aucun plafond. Cela peut aboutir à un certain gaspillage s'il y a thésaurisation, situation que personne ne souhaite, ni le Conseil d'Etat, ni votre Conseil. Il me semble donc que ces deux questions devraient pouvoir être étudiées ensemble, mais si nous retirons notre projet de loi, nous devrons en déposer un nouveau et nous perdrons trois ou quatre mois. Je vous suggère donc plutôt de renvoyer les deux objets à une seule commission. Le mieux serait, je pense, que ces objets soient envoyés à la commission des finances.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je veux bien renvoyer ces objets en commission, mais cela me paraît superfétatoire. En effet, la commission des affaires communales s'est prononcée clairement et je m'incline devant cette décision prise à l'unanimité. Cela signifie qu'il n'y a plus de dérogation à la loi sur les droits d'enregistrement. Si nous n'avons plus de dérogation à cette loi, vous pouvez retirer le projet de loi 8619, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous pouvons aussi bien le refuser. Cette loi introduit une dérogation: si nous la refusons, c'est le régime ordinaire qui sera en vigueur, c'est-à-dire que le tiers du produit des droits d'enregistrement sera versé au fonds d'équipement communal. Alors, si vous ne voulez pas retirer ce projet de loi, Monsieur le conseiller d'Etat, je demanderai au Grand Conseil de refuser l'entrée en matière.
M. Patrice Plojoux (L). Je crois que la solution est simple. Nous avons vu en commission l'importance du fonds d'équipement et elle n'est plus à démontrer. Il est beaucoup plus simple de refuser ce projet de loi. Pourquoi le renvoyer encore une fois en commission alors qu'il a déjà été examiné par la commission des finances ? Si nous sommes d'accord sur le fait que ce fonds d'équipement a une importance, le mieux est de refuser le projet de loi 8619. On reviendra par la force des choses à la dotation initiale de ce fonds d'équipement.
Mme Martine Brunschwig Graf, conseillère d'Etat. C'est au titre de suppléante de Mme Calmy-Rey que j'interviens dans ce débat. La procédure qui a été évoquée par M. Plojoux est la bonne. Le Conseil d'Etat avait la volonté de plafonner la part versée au fonds d'équipement. Il s'agissait de pouvoir fixer les limites de ce que nous souhaitons dépenser. Vous l'entendez différemment, Mesdames et Messieurs les députés. Il est donc parfaitement légitime que vous preniez votre propre décision, mais il faut que vous preniez aussi vos responsabilités en refusant le projet de loi du Conseil d'Etat. Cela supprime toute dérogation, mais la décision viendra de vous, ce qui me paraît correct.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Très brièvement, j'aimerais dire à cette assemblée que la commission des finances a un peu agi par habitude. En effet, comme l'a expliqué M. Blanc, c'est dans le cadre de difficultés budgétaires que l'Etat de Genève avait pris l'habitude de voter une loi spécifique limitant la dotation du fonds d'équipement communal. La commission des affaires communales, elle, a eu un débat de fond et elle a souhaité recapitaliser le fonds d'équipement communal. En effet, nous pensons, au sein des communes, que le but de ce fonds a été un peu détourné au cours des années. Même s'il n'y a plus de limites de dotation et même si des millions devaient s'accumuler ces prochaines années dans la caisse du fonds, ce serait une excellente chose pour permettre la gestion spécifique de problèmes typiquement communaux. Un problème me vient à l'esprit aujourd'hui, c'est celui du téléréseau. Vous savez que notre canton n'est pas entièrement équipé de téléréseau et que bien des communes se posent la question du financement de ces équipements parce qu'elles ne trouvent plus de relais auprès d'équipementiers privés. Dans ce domaine-là, les communes devront donc certainement investir passablement d'argent, ceci d'autant plus que désormais les chaînes suisse-alémanique et italienne ne sont plus retransmises par voie hertzienne. Bon nombre de nos communiers s'inquiètent de cette situation. C'est un exemple, il y en aurait d'autres : on peut penser aux traversées de localités. Si certaines communes peuvent se le permettre, d'autres ne le peuvent pas. Par le biais du fonds d'équipement communal - en tout cas dans l'esprit de certains magistrats - nous pourrions jouer le jeu de la solidarité intercommunale. Je vous encourage donc vivement, puisque le Conseil d'Etat ne veut pas retirer son projet de loi, à refuser l'entrée en matière sur le rapport de la commission des finances et, évidemment, à appuyer le rapport de la commission des affaires communales.
M. Dominique Hausser (S). Ce projet de loi devait être voté, normalement, avant le vote du budget 2002, puisqu'il est directement lié au budget. Ce dernier a été accepté avec le montant de 18 millions et je crois qu'il n'est pas incompatible, d'une part, d'accepter avec six mois de retard ce projet de loi qui ne s'applique que pour l'année 2002 et, d'autre part, de renvoyer au Conseil d'Etat le rapport examiné par la commission des affaires communales. Cela signifie qu'à partir de 2003 on n'appliquera plus de dérogation. Je crois que c'est la solution la plus sage et celle qui permettra de résoudre l'ensemble des problèmes.
M. Gabriel Barrillier (R), rapporteur. Je pense que M. Hausser fait de la cosmétique. En refusant ce projet de loi, nous supprimerons l'exception et nous reviendrons à la norme qui est l'article 48 de la loi sur les droits d'enregistrement; les quelques millions de manque à gagner qu'enregistrera l'Etat ne mettront pas en danger le budget de la République. Je recommande donc à cette assemblée de se rallier à la proposition de M. Plojoux.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Je voudrais dire respectueusement au Conseil d'Etat que si je lui demandais de retirer ce projet de loi, c'était par élémentaire courtoisie, pour ne pas avoir à le rejeter. Mais puisque nous devons le refuser, j'invite le Grand Conseil à ne pas entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Janine Hagmann (L). J'ajouterai aux interventions pertinentes de mes deux collègues députés et maires que les idées pour utiliser le fonds d'équipement ne manquent pas. En ma qualité de présidente de la commission de l'enseignement et de l'éducation, je confirme que nous avons des projets de crèches à réaliser et que ce fonds pourrait aussi servir à l'équipement de crèches.
M. Rémy Pagani (AdG). Je soutiens, pour ma part, la position de M. Moutinot, parce que ce que nous proposent les deux rapporteurs, c'est de... (L'orateur est interpellé.)Qu'est-ce qui a été retiré, Madame ?
Le président. Je crois que c'est très clair: actuellement nous sommes en premier débat, un point c'est tout. La demande de renvoi en commission a été retirée.
M. Rémy Pagani. Alors je formule à nouveau une demande de renvoi en commission, parce que nous débattons d'un certain nombre de millions et je vois déjà arriver - d'ailleurs Mme Hagmann vient d'en faire la démonstration - toutes sortes de projets pour les dépenser. Je ne nie pas la nécessité d'ouvrir des crèches dans les communes, mais je trouve un peu curieux que la seule évocation de cette somme ouvre les vannes des projets. On ne sait absolument pas de quel montant notre décision augmentera la dotation du fonds. On nous dit 5 millions, 7 peut-être. Tout d'un coup, on demanderait au Conseil d'Etat d'abandonner cette somme qu'il avait sollicitée. Pour moi, il faut renvoyer ces deux objets en commission pour que les implications, tant du côté des communes que du côté de l'Etat et de son manque à gagner, soient étudiées. Nous n'avons pas de chiffres solides, on nous dit simplement que l'on reviendra à la situation antérieure, ce qui est exact, mais je pense que cette question peut être approfondie. Je demande donc le renvoi de ces deux objets à la commission des affaires communales.
M. Claude Blanc (PDC), rapporteur. Encore une fois, le renvoi en commission me paraît tout à fait inutile. Qu'est-ce que la commission des finances pourra faire d'autre que de constater que la commission des affaires communales a accepté à l'unanimité de mettre un terme à ces dérogations que nous votions chaque année depuis la fin des années 80 ? Je vous signale que les droits d'enregistrement ont rapporté l'an passé, sauf erreur, entre 60 et 65 millions. Le tiers représente donc une somme comprise entre 20 et 23 millions. Nous versons aujourd'hui 18 millions. C'est dire que la différence n'est pas énorme en termes quantitatifs, mais le principe de revenir à la loi en vigueur me paraît important. Il s'agit, je le répète, de supprimer des lois d'exception votées durant une quinzaine d'années. Il est inutile de retourner en commission pour cela, le Grand Conseil est parfaitement capable aujourd'hui de décider de revenir à la loi d'origine.
M. Pierre Weiss (L). Je pense que le contre-argument que M. Pagani a essayé de développer n'en est pas vraiment un. En réalité, même s'il n'y a pas, de la part des communes, de projets de constructions de crèches par exemple, il y a toujours la possibilité d'employer le fonds d'équipement pour réaliser une péréquation intercommunale. Cela permet à des communes comme Onex de ne pas avoir des centimes additionnels encore plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui. C'est une excellente raison de redonner aux communes ce à quoi elles avaient droit selon la loi.
Le président. Je mets aux voix la proposition de renvoi en commission.
Mise aux voix, la proposition de renvoyer le projet de loi 8619-A à la commission des finances est rejetée.
Mis aux voix, ce projet est rejeté en premier débat.
Le Grand Conseil prend acte du rapport 418-A.