République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 115-C
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier l'initiative populaire Casatax
Rapport de majorité de Mme Janine Hagmann (L)
Rapport de minorité de M. Pierre Vanek (AdG)
Initiative: Mémorial 2000, p. 11239.
Rapport de la commission législative: Mémorial 2001, p. 4526.
PL 8708
Projet de loi de Mmes et MM. Michèle Künzler, Claude Marcet, Jean Rémy Roulet, Mark Muller, David Hiler, Stéphanie Ruegsegger, Janine Hagmann, Pierre Froidevaux modifiant la loi sur les droits d'enregistrement (D 3 30) (Contre-projet à l'IN 115)

Suite du débat

Le président. Je salue M. le maire d'Avusy, qui est revenu à la tribune du public... Nous l'avions déjà salué tout à l'heure, en son absence...

Nous poursuivons nos travaux sur le point 135 de notre ordre du jour et plus particulièrement sur le projet de loi 8708, maintenant que l'initiative Casatax a été rejetée. Une note a été distribuée aux chefs de groupe et au Bureau concernant les droits d'enregistrement, je vous en lis la conclusion: «Le PL 8708, suite à son adoption par le Grand Conseil, devra être soumis au référendum obligatoire prévu par l'article 53A de la constitution de la République et canton de Genève.»

Le contre-projet, s'il est adopté ce soir, devra donc être soumis au vote populaire, mais avant d'en débattre, selon notre règlement, nous devons d'abord formellement voter pour savoir si nous acceptons le principe même de présenter un contre-projet. Je rappelle que la commission avait entamé l'examen d'un contre-projet éventuel en même temps qu'elle étudiait l'initiative. Ce soir, formellement, nous devons voter d'abord sur le principe du contre-projet. Si ce principe est adopté, nous débattrons à ce moment-là du contre-projet lui-même. Les rapporteurs souhaitent certainement s'exprimer à ce sujet, je passe la parole à Mme Hagmann...

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Après les deux heures et demie de discussion d'hier soir, il était évident que ce Grand Conseil allait adopter un contre-projet. Il n'y a donc pas à débattre longuement: il faut maintenant que nous puissions vous expliquer en quoi consiste le contre-projet. Autrement dit, sur le principe du contre-projet, je n'ai rien à dire, si ce n'est que je vous demanderai, Monsieur le président, de nous faire voter. Ensuite, il faudra demander la discussion immédiate sur le projet de loi.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, vous avez été très clair dans votre introduction. J'aimerais, pour ma part, en préambule, avant d'entrer dans le débat sur le fond, préciser un point, voire deux.

Le premier concerne les débats d'hier sur l'initiative 115. J'ai effectivement fait un rapport de majorité concluant au rejet de l'initiative 115: j'aimerais que ce point soit bien enregistré, puisqu'il y a eu un peu de confusion dans les interventions préliminaires du président du Grand Conseil hier. Il est clair que Mme Hagmann, qui s'est abstenue sur l'initiative, était dans la minorité en commission et ne pouvait donc pas faire un rapport de majorité sur cette question. De même, hier soir, elle a voté en faveur de l'initiative et elle ne reflétait donc pas l'opinion majoritaire du Grand Conseil, qui en l'occurrence a conclu au rejet de l'initiative. C'est un point de forme, mais je pense utile qu'il soit précisé clairement et qu'il n'engendre aucune contestation ici.

Maintenant, quant au contre-projet, je suis effectivement dans la minorité, comprenant l'Alliance de gauche et les députés du parti socialiste, qui combat ce contre-projet. Je réendosse ainsi en quelque sorte mon rôle de rapporteur de minorité, avec une pointe de surprise de voir en face de moi, comme défenseure du contre-projet, quelqu'un qui, hier, a voté pour l'initiative, quelqu'un dont le groupe argumentait en faveur de l'initiative, poussant le Grand Conseil à l'adopter, ce qui aurait eu pour conséquence d'empêcher le dépôt du contre-projet ! Mais enfin, ce sont là les petites incohérences du groupe libéral, qui a cherché à danser sur plusieurs jambes à la fois... Je ne lui en tiens pas rigueur, mais j'observe avec un certain amusement cette démarche un peu surprenante. Voilà pour le premier point.

Deuxième point: vous avez dit, Monsieur le président, que les chefs de groupe et les membres du Bureau avaient reçu une note indiquant que le contre-projet serait, cas échéant, soumis en votation populaire. C'est la question qui se posait en fin de soirée hier et j'aurais aimé, pour que cela soit clairement établi, sans contestation ultérieure possible, entendre les représentants des initiants sur cette question. J'aimerais les entendre dire qu'ils se rallient à cette interprétation et que nous sommes bien d'accord: il y aura votation populaire sur l'initiative et sur le contre-projet, cas échéant, s'il était adopté.

M. Muller me susurre... (Exclamations.)M. Muller me susurre que les initiants ne seraient pas présents: c'est de nouveau un de ces comportements un peu spéciaux du parti libéral... Je rappelle que M. Muller a été auditionné, dans le cadre des travaux de la commission, comme représentant des initiants ! J'aimerais donc l'entendre sur son adhésion à cette déclaration du Conseil d'Etat - que vous avez, Monsieur le président, citée à juste titre en introduction à nos travaux - ce d'autant que M. Muller n'est pas toujours forcément favorable au fait que les citoyens puissent se prononcer sur tel ou tel objet... J'ai ainsi sous les yeux une interview du journal «24 Heures» du mercredi 4 octobre 2000, que j'ai trouvée, comme beaucoup des documents évoqués hier, sur le site internet de M. Mark Muller. Pour l'anecdote, sachez que M. Mark Muller y est qualifié de Zorro - après Batman et Superman, voici Zorro: tous ces personnages ont la caractéristique d'avancer masqués et c'est vrai que, pour se poser en défenseur des locataires, M. Muller a besoin de masques, de plusieurs masques apparemment...

Pour revenir à des choses sérieuses, dans cette interview, je cite, textuellement, une réponse de M. Mark Muller: «On parvient à trouver des solutions par la négociation, mais dès que la parole est donnée au peuple ces magnifiques compromis volent en éclats. On devrait donc modifier la loi de telle sorte que le peuple ne puisse plus se prononcer sur certains projets.» Ce sont là des choses qui ont été dites, ou du moins reproduites sur le site de M. Mark Muller. Je vous l'accorde, j'ai raccourci la citation et, dans ce document, M. Mark Muller dit beaucoup d'autres choses intéressantes, mais évidemment notre propos n'est pas de discuter de toutes les choses intéressantes qu'au cours de sa carrière il a pu dire... (Exclamations.)S'agissant de l'initiative, M. Mark Muller - je lui rends volontiers cet hommage - a essayé assidûment d'obtenir des compromis; il a pleuré de chaudes larmes, ou presque, lorsque le parti socialiste ne s'est pas rallié au compromis qu'il proposait; il propose ce soir un amendement qui pousse le compromis encore un peu plus loin. Donc, quand je lis, dans cette interview, qu'il est d'avis de faire des compromis pour éviter le vote populaire, j'aimerais, Mesdames et Messieurs, l'entendre sur son ralliement sans réserve à la déclaration du Conseil d'Etat, selon laquelle les citoyennes et les citoyens de ce canton auront le dernier mot sur cette question.

Le président. Je rappelle qu'il ne s'agit pas seulement d'une déclaration du Conseil d'Etat, mais d'un avis de droit du service juridique du département des finances. Par ailleurs, si M. Muller ne souhaite pas prendre la parole, il ne la prendra pas... Par contre, Mme le rapporteur de majorité souhaite intervenir: c'est à vous, Madame !

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, j'aimerais que figure au Mémorial le fait que j'ai été choisie démocratiquement par la commission comme rapporteur pour les travaux que nous avons faits et que je suis à cette table le rapporteur désigné par la commission - tous les P.-V. le précisent, Monsieur Vanek. Je suis intervenue à cette table en ma qualité de rapporteur et ma conclusion hier - je l'ai notée - était: «La commission dans sa majorité a décidé, en examinant les effets positifs et négatifs de l'IN 115, de lui préférer un contre-projet.» Vous ne pouvez donc pas dire, Monsieur Vanek, que j'ai adopté une attitude libérale: j'ai été la représentante de la commission à cette table ! (Applaudissements.)

Le président. Sur le principe du contre-projet, la parole est à M. Grobet...

M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, je n'entends pas en l'état me prononcer sur le principe: je demande simplement qu'il soit donné lecture de la déclaration du Conseil d'Etat. En effet, vous avez fait tout à l'heure une excellente intervention à ce propos, mais je constate que, dans cette enceinte, il règne tout de même une incertitude - pour autant, il est vrai, qu'on puisse interpréter certains haussements d'épaule et certains sourires... (Commentaires.)Monsieur Blanc, cette question est importante et il ne faudrait pas qu'après les débats de notre assemblée certains, notamment le comité d'initiative - dont l'un des membres éminents ne veut pas s'exprimer, semble-t-il - fasse des déclarations inattendues...

Il est important que la déclaration du Conseil d'Etat soit entendue par notre Conseil dans sa totalité. C'est moi qui ai demandé que notre Conseil soit éclairé et je pense que ce document ne doit pas être vu par les seuls chefs de groupe. Deuxièmement, la lecture de ce document permettra qu'il figure intégralement dans le Mémorial du Grand Conseil: c'est important, s'agissant d'une question juridique controversée.

Le président. Monsieur le député, je vous propose que cet avis de droit de quatre pages figure au Mémorial, que ceux qui le souhaitent, autres que les membres du Bureau ou les chefs de groupe, puissent se le procurer, mais qu'on n'inflige pas à ce Grand Conseil la lecture de ce document. Etant entendu qu'il sera publié au Mémorial, comme vous le demandez.

Note du département des finances

M. Jean Spielmann (AdG). Il est assez rare qu'on ait un débat d'une telle importance, sur un sujet aussi grave... Je le dis eu égard aux séances précédentes où on a vu les bancs d'en face, et malheureusement aussi la présidence du Grand Conseil, utiliser tous les moyens possibles et imaginables pour empêcher les gens de s'exprimer, voter des clauses d'urgence sur des sujets qui n'avaient aucune urgence, prendre des mesures que je n'avais jamais vues dans ce parlement jusqu'à ce jour, pour empêcher le peuple de se prononcer. Aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où les textes législatifs ne sont pas clairs. L'article 53A de la constitution précisait au départ qu'il s'agissait d'impôts et de taxes, on a supprimé la référence aux taxes dans cet article et, aujourd'hui, on se demande si le contre-projet sera soumis à l'article 53A.

Un avis de droit a été rédigé à ce sujet, fort bien: je trouve que la moindre des choses, c'est qu'il soit distribué aux membres du parlement ! Il est quand même spécieux qu'un document de quatre pages d'une telle importance ne soit pas distribué, alors que la plupart du temps, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on fait des distributions pour moins que cela !

En l'état, le problème est important et je trouve que les bancs d'en face devraient pour le moins se prononcer et dire clairement s'ils souhaitent que le peuple se prononce sur le contre-projet. En effet, aux termes des lois et règlements en vigueur, il reste possible que le comité d'initiative et les bancs qui nous font face trouvent des mesures dilatoires pour que le peuple ne se prononce pas. C'est une chose qu'il n'y ait pas de référendum obligatoire; c'est une autre chose que d'empêcher les citoyens de ce canton de se prononcer éventuellement par voie référendaire sur une loi que nous votons aujourd'hui. La situation est suffisamment extraordinaire pour que les gens prennent des positions claires.

En l'occurrence, je constate une fois de plus que, du côté du parti libéral, on a plutôt peur des droits démocratiques, des droits populaires. On essaie de trouver toutes les manoeuvres possibles et imaginables pour que le peuple ne se prononce pas et je trouve cela inacceptable sur le plan démocratique, inacceptable sur le plan des droits populaires !

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Je trouve surprenant que le représentant qualifié des initiants, qui était qualifié pour les représenter et défendre cette initiative devant la commission fiscale du Grand Conseil, ne le soit pas pour accéder à la demande qui lui est faite, c'est-à-dire de se prononcer clairement et de dire qu'il accepte les règles du jeu telles qu'elles sont définies dans ce document ici. Ce serait vite fait, cela lèverait toute ambiguïté, cela répondrait aux interrogations de mes collègues... En l'occurrence, son silence me surprend.

Maintenant, sur le fond de la question, à savoir: devons-nous ou non élaborer un contre-projet à cette initiative? C'est une question évidemment très formelle, puisqu'une large majorité de la commission s'est prononcée non seulement pour le principe d'un contre-projet, mais encore sur un contre-projet rédigé et inclus dans le rapport qui nous a été transmis. J'aimerais, à ce sujet, réitérer ce que j'ai dit hier soir: ce contre-projet n'en est pas un. Il se borne à accommoder les idées des initiants pour les rendre éventuellement applicables, il se borne à mettre en musique ces mêmes idées, une commission du Grand Conseil ayant, au demeurant, fait le travail que les initiants n'ont pas daigné faire eux-mêmes avant de solliciter les signatures de 10 000 citoyennes et citoyens !

Je m'abstiendrai donc sur la question de l'opportunité ou non de présenter un contre-projet. Pour moi, contre-projet ou initiative sortent du même tonneau, remplissent la même mission, sont défendus avec les mêmes arguments, ont sensiblement la même incidence - quoiqu'on pourra préciser ce détail encore - en termes de cadeaux faits aux bénéficiaires de ces mesures. Voilà, Monsieur le président, pour répondre à votre invite initiale, ma position sur le vote qui va suivre. Il est entendu, par contre, que je combattrai au nom de l'Alliance de gauche le projet de loi 8708 servant de contre-projet, tel qu'il est issu des travaux de notre commission.

Le président. Je signale que j'ai demandé au service du Grand Conseil de distribuer l'avis de droit, ainsi tout le monde l'aura...

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Contrairement à mon préopinant, j'aime bien cibler mes réponses... On nous a posé une question précise: désirez-vous, oui ou non, que ce projet de loi 8708 soit soumis au peuple? Alors, deux réponses, Monsieur le président, que j'adresse par votre intermédiaire à M. Spielmann. Un, la commission n'a travaillé que dans ce but. Deux, le parti libéral souhaite ardemment que ce projet soit soumis au peuple.

A ce sujet, vous avez la mémoire un peu courte. Hier soir, au moment où nous avons clos cette séance, à 23h, j'ai fait une des dernières interventions, dans laquelle j'ai souhaité que Mme la présidente Calmy-Rey se prononce le soir même, car j'étais sûre que, s'agissant d'une modification de l'assiette fiscale, nous serions obligés d'aller devant le peuple - ce que nous appelons de tous nos voeux. Est-ce clair, est-ce suffisant? Oui, nous voulons que le projet aille devant le peuple !

M. Claude Blanc (PDC). Ce débat d'arrière-garde a manifestement toutes les allures d'une manoeuvre dilatoire pour retarder les débats jusqu'à 3h du matin, de façon à éviter peut-être qu'il y ait un contre-projet...

Hier, nous avons déjà discuté de l'opportunité du contre-projet et de l'obligation de le soumettre au peuple, si le Grand Conseil l'acceptait. Je répète ici que l'article premier de la loi sur les droits d'enregistrement dit bien que les droits d'enregistrement sont un impôt. La demande du Grand Conseil était, à mon avis, superfétatoire, mais enfin Mme Calmy-Rey s'y est prêtée: ses services ont livré un avis de droit vraiment très fouillé, très circonstancié, qui ne laisse aucun doute. Par conséquent, toutes les questions qui se posent sur l'éventualité de soumettre ou non au peuple le projet de loi 8708 s'il est voté, sont absolument superfétatoires et dénotent la volonté de ceux qui continuent ce débat de le retarder le plus possible. Je pense que Mme Calmy-Rey va dire à peu près la même chose en des termes plus choisis: je la laisse le faire !

Mme Micheline Calmy-Rey, présidente du Conseil d'Etat. Effectivement, une fois n'est pas coutume: je vais dire à peu près la même chose que M. Blanc ! Je vais même répéter ce que j'ai dit hier soir, à savoir que les droits d'enregistrement sont des impôts, ce que confirme très clairement l'avis de droit de l'administration fiscale cantonale, que vous allez tous recevoir - je suis désolée que vous ne l'ayez pas encore reçu. Deuxièmement, le projet de loi qui vous est proposé prévoit une baisse d'impôt et doit être soumis au peuple en vertu de l'article 53A de la constitution cantonale. Cela ne souffre pas de contestation.

Enfin, pour ce qui concerne le contre-projet, il est meilleur que l'initiative à la fois sur la forme et sur le fond. Sur la forme, l'initiative présentait des difficultés d'exécution que ne connaît pas le contre-projet. Sur le fond, ce dernier plafonne les diminutions d'impôts et prévoit même des diminutions plus grandes si les actes de vente sont moins élevés. Il est donc fondamentalement plus attractif que l'initiative, je l'ai déjà dit. Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter le principe d'un contre-projet, puis de voter la discussion immédiate sur le projet 8708. (Applaudissements.)

Le président. Je mets aux voix le principe du contre-projet. Le vote électronique va débuter...

Mis aux voix, le principe de présenter un contre-projet est adopté par 55 oui contre 24 non et 2 abstentions.

Le président. Nous allons donc pouvoir débattre du projet de loi 8708. Je rends la présidence à M. le président du Grand Conseil...

Présidence de M. Bernard Annen, président

Le président. Nous sommes donc en débat de préconsultation en ce qui concerne le projet de loi 8708. Je passe la parole à Mme Hagmann...

Préconsultation

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Monsieur le président, je demande la discussion immédiate...

Mise aux voix, la proposition de discussion immédiate est adoptée.

Premier débat

M. Albert Rodrik (S). Quand on parle logement, nous, les socialistes, entendons d'abord protection des locataires et loyers équitables, constructions de HBM et encouragement aux coopératives d'habitation... Dans le débat qui se déroule maintenant, nous ne retrouvons pas nos aspirations en matière de logement. Qu'elle soit vice ou vertu, ce n'est probablement pas dans l'accession à la propriété du logement que se pose le problème social du logement, en tout cas pas pour nous. Ce que nous constatons ce soir, entre l'initiative et le contre-projet, c'est que nous allons distribuer des cadeaux Bonux - prélevés sur une hotte qui est toujours celle des finances genevoises, c'est-à-dire des contribuables - à des citoyens qui n'ont probablement pas besoin de la mansuétude du législateur. C'est de cela qu'il s'agit. A partir de là, si vous voulez vous préoccuper de cet aspect-là de la politique du logement, libre à vous, mais il ne nous concerne pas de très près !

M. Pierre Schifferli (UDC). Nous avons été quelque peu surpris de cette espèce de guerre de religion qui a eu lieu hier soir au sujet du droit de propriété, droit qui est inscrit dans notre Constitution, qui n'est certes pas de droit divin et qui connaît aussi des restrictions dans l'intérêt de la collectivité. Mais enfin, nous sommes attachés à la propriété et, sans dire que tous les Genevois rêvent de devenir propriétaires - certains préfèrent rester locataires, c'est tout à fait leur droit - nous savons qu'il y a une catégorie de la population, une bonne partie de la classe moyenne qui souhaite acquérir son logement, devenir propriétaire d'un appartement ou d'une villa.

Le contre-projet à l'initiative - je rejoins en cela la conseillère d'Etat Calmy-Rey - est certainement mieux ficelé, mieux pensé que l'initiative elle-même. Il s'agit en l'occurrence d'une très légère, d'une modeste réduction - car enfin on se bat pendant des heures pour une réduction de 15 000 F - des droits d'enregistrement, avec un plafonnement. Je ne pense pas que cette légère incitation puisse déboucher, à elle seule, sur une solution à la crise du logement que nous connaissons, c'est vrai, mais dans une situation de crise il faut peut-être adopter une série de mesures qui, ensemble, peuvent contribuer à résoudre le problème. Nous devons aller dans cette direction et c'est à mon avis une démarche parfaitement raisonnable que de réduire les droits d'enregistrement dans cette très modeste mesure. Cela permettra peut-être aussi de libérer un certain nombre de logements sur un marché aujourd'hui asséché. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose donc, au nom du groupe UDC, d'accepter le contre-projet à l'initiative 115.

M. David Hiler (Ve). Le contre-projet présente, Mme Calmy-Rey l'a dit, une nette amélioration par rapport à l'initiative. C'est cette nette amélioration qui nous fait le soutenir. Cependant, il a, à nos yeux - nous y reviendrons ultérieurement - un défaut, à savoir que le plafonnement retenu finalement par la majorité de la commission reste un peu élevé, s'il est question de démocratiser l'accès à la propriété. En effet, lors de l'achat d'un objet immobilier à 2 millions, la question de la démocratisation de l'accès à la propriété n'est pas vraiment posée: on est là manifestement au-delà de l'habituelle maison individuelle, familiale, qui pourrait être invoquée... Nous serons heureux que ce débat soit public et que le peuple puisse se prononcer - ce qui n'a jamais fait aucun doute, à nos yeux du moins - mais nous pensons qu'il serait raisonnable que la majorité de ce parlement se rallie à un montant plus bas que celui des 2 millions prévu par cette loi.

Cela dit, nous ne pensons pas que, dans une politique de démocratisation de l'accès à la propriété, on puisse tenir pour négligeables les réductions de 10 000, 12 000 ou 15 000 F selon les cas, qui pourraient être accordées, loin de là. En effet, pour un objet confortable, un appartement de 100 m2 PPE valant 400 000 F aujourd'hui - je ne parle pas d'un objet neuf, je parle du prix moyen des transactions pour un 4, 4,5 ou 5 pièces - ce qui compte pour l'acheteur ce sont les fonds propres. Or, vous savez comment cela fonctionne: les frais d'enregistrement doivent être ajoutés aux fonds propres, ils ne peuvent pas être pris en charge par la partie crédit. J'aimerais donc, après le grand débat idéologique d'hier, vous rappeler ce que cela représente en termes de chiffres. Pour un 5 pièces raisonnable à 400 000 F, si l'acquéreur est capable, soit par le deuxième pilier, soit par des avances familiales - ce qui arrive souvent pour les jeunes couples - de mettre 25% de fonds propres, ce qui me paraît raisonnable pour partir dans une telle opération, il reste 300 000 F à couvrir. Au taux d'intérêt actuel, avec le pourcent qu'on ajoute toujours pour les frais et les charges, le loyer de cet appartement en tant que tel, le loyer de l'argent, est de 1250 F par mois, auquel s'ajoute, dans le cadre d'un amortissement à 2%, une épargne - car c'est une épargne, une somme qui reste à la personne - de 500 F par mois. A ce tarif-là, un certain nombre de personnes - et j'en ai connues - doivent se poser la question entre acheter un appartement ancien de 100 m2 ou louer un HLM neuf, parce qu'au fond cela va leur coûter la même chose. Aussi, on ne peut pas dire, sans autre forme de procès, que soutenir ce projet, c'est s'éloigner à l'évidence d'une politique sociale du logement. Il y a 30 ou 40% de la population qui n'arrivera jamais à réunir les fonds propres et il ne faut surtout pas pousser cette catégorie à s'engager dans ce genre d'aventure. M. Ferrazino l'a dit en commission et je suis parfaitement d'accord: on ne doit jamais pousser, on doit faciliter. Mais parmi les 70% de la population genevoise ayant, par ses revenus, accès aux logements sociaux selon les barèmes actuels, une partie non négligeable hésite effectivement entre acheter un logement sur la médiane des coûts des transactions et louer un HLM.

Je ne vois donc pas pourquoi on compliquerait la vie des gens s'agissant d'un impôt qui n'a pas de base sociale très évidente, pas d'objectif de redistribution de richesse, et dont le seul «mérite», si c'en est un, est de renchérir constamment les coûts des logements, soit pour la location, soit pour l'accès à la propriété. Nous pensons que ce petit geste, contrairement aux invites de l'initiative «Un toit pour soi», est une première mesure qui peut être prise en faveur de l'accès à la propriété dans notre canton, dans un processus de démocratisation tel que le connaît l'Europe entière, pour des raisons souvent non idéologiques à vrai dire. En effet, la difficulté extrême à trouver des investisseurs qui acceptent aujourd'hui d'investir à raison des besoins est un véritable problème, notamment pour tous les pays du Nord les plus prospères. C'est une petite partie du problème, nous devons l'affronter, étant entendu que, pour nous, l'essentiel est toujours que des constructeurs d'utilité publique assurent les 30 ou 33% de logements sans but lucratif, nécessaires pour répondre à la demande sociale la plus urgente. Nous nous battons pour cela depuis longtemps. Mais nous nous battons aussi aujourd'hui pour l'accès à la propriété, qui est une autre branche d'une bonne politique du logement.

Nous soutiendrons donc le projet de loi qui, par le rabais d'impôt qu'il prévoit, favorise essentiellement les gens qui achètent des logements de valeur modeste. C'est pour cette raison que nous trouvons ce contre-projet bon. Dans ce sens, nous réinterviendrons lourdement pour essayer de convaincre ceux qui ne le sont pas encore que ce projet est plus intéressant avec un plafonnement à 1 million, toute autre approche enlevant beaucoup de crédibilité à cette démarche de démocratisation de l'accès à la propriété.

Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse de majorité. Comme on l'a déjà dit, le débat idéologique a eu lieu hier soir pendant deux heures et demie: ce soir, on peut donc se contenter d'être factuel ! M. David Hiler, qui a présidé la commission de main de maître, m'a coupé l'herbe sous les pieds, en développant un argumentaire qui nous convient bien. Cela dit, nous avons actuellement une divergence sur la limitation de la réduction. A ce sujet, je rappelle que cette limitation a été adoptée par la majorité de la commission, composée de l'Entente et des Verts, majorité à laquelle nous aurions bien voulu voir se joindre les socialistes, puisque Mme Calmy-Rey, participant aux séances de commission, nous a même donné des arguments pour le contre-projet, a proposé des simulations chiffrées, en disant que cela lui convenait. C'est pour cela que nous vous avons présenté le projet de loi tel quel, parce que nous avions l'accord de la cheffe du département et que toute la commission avait un seul terme à la bouche, celui d'incitatif. Il ne faut absolument pas oublier cet adjectif, qui explique le consensus auquel la commission est arrivée.

Dans les faits, la commission a donc décidé que l'accession à la propriété serait facilitée par la limitation des droits d'enregistrement lors de l'acquisition d'un bien immobilier destiné à son usage propre. Le rabais d'impôt de 15 000 F a été décidé à la majorité de la commission, après bien des marchandages et différentes simulations.

S'agissant des transactions qui ne dépassent pas 2 millions de francs, je voudrais apporter une petite précision pour qu'elle figure dans le Mémorial. Il faut bien comprendre que c'est le prix de vente du logement lui-même qui ne doit pas dépasser 2 millions. Il ne faut pas tenir compte d'autres éléments parfois visés dans les actes de vente, comme les indemnités versées par l'acquéreur pour reprendre des cédules hypothécaires, ou pour obtenir la libération des lieux. Il faut aussi savoir que, dans ces 2 millions, il n'y a pas de prise en charge ou de remboursement de frais d'étude, ni le coût d'aménagement au gré du preneur. En l'occurrence, il nous semble tout de même que nous avons mis des filets de protection autour de ce rabais d'impôt, en prévoyant des vérifications quant au fait que ce soit le propriétaire lui-même qui habite le logement, en précisant qu'il doit y rester trois ans au minimum et que le Conseil d'Etat fixera un règlement sur les modalités de ces vérifications. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose en conséquence de suivre la position de la majorité de la commission et d'adopter le projet de loi sortant des travaux de commission.

M. Pierre Vanek (AdG), rapporteur de minorité. Quelques observations, d'abord par rapport à l'intervention de M. Schifferli de l'UDC, qui s'est dit surpris par la longueur des débats, alors qu'il ne s'agirait, selon lui, que d'une modeste réduction des droits, d'une légère incitation, qui ne résoudrait pas grand-chose, mais qui irait tout de même dans le bon sens... Rappelons quand même qu'il s'agit de 25 millions de francs... (L'orateur est interpellé.)Oui, Mme Hagmann veut me faire préciser qu'il s'agit de 24 588 578 F: j'avais arrondi au million supérieur pour gagner du temps, mais si l'on veut être précis, c'est de cette somme-là qu'il s'agit ! En l'occurrence, c'est une somme qu'on prélève sur l'argent du ménage de notre collectivité et qui pourrait être attribuée à autre chose qu'à la catégorie de personnes qui vont bénéficier de ces réductions, c'est-à-dire des gens qui, comme Mme Hagmann vient de le préciser, peuvent se permettre d'acheter des logements jusqu'à 2 millions de francs...

Pour en venir à l'intervention de M. Hiler, il a développé une démonstration intéressante autour d'un 5 pièces «raisonnable» à 400 000 F, avec 25% de fonds propres; il a fait le calcul de la charge qu'un tel achat représentait et des questions que pouvaient se poser certains sur cette option-là. Mais je rappelle que la somme de 400 000 F qu'il évoque représente un cas limite et qu'en l'état le contre-projet nous propose un montant cinq fois supérieur, parce que 2 millions, c'est cinq fois 400 000 F... (Exclamations et applaudissements.)C'est donc une démonstration qui est à la marge du présent projet de loi et qui ne répond pas au problème du plafond à 2 millions.

Mme Hagmann, à l'instant, applaudissait les propos de notre collègue Hiler, en disant que tout cela était bel et bien. Mais je rappelle que, même dans son rapport de majorité sur le contre-projet, censé défendre ce contre-projet, on lit - et c'est l'oreille du loup, ou de la louve libérale qui pointe - que ce plafond à 2 millions est problématique et qu'il devrait être relevé... (L'orateur est interpellé.)Oui, elle aurait mieux aimé - elle le dit et je le répète à haute voix pour que les mémorialistes l'entendent - elle aurait mieux aimé qu'il n'y ait pas de plafond, c'est ce qu'elle nous dit ! Hier, on a eu de grands débats d'idées, on m'a traité d'idéologue, mais je suis un politicien pragmatique, comme chacun sait, et pour tester cette question du plafond à 2 millions, j'ai proposé en commission un amendement à 1 million: je n'ai pas été suivi bien évidemment par les libéraux, ni par les UDC, ni par les démocrates-chrétiens, ni par les radicaux, ni par les Verts d'ailleurs ! Bon, M. Hiler a un alibi, il était en vacances, et aujourd'hui les Verts viennent nous proposer un amendement à 1 million... Mais tout cela relève du souk, Mesdames et Messieurs, souk que Mme Hagmann présente dans son rapport, en disant que la majorité pensait rallier le parti socialiste avec la concession à 2 millions et qu'elle était déçue de ne pas les voir se rallier... De même, M. Muller, qui défendait hier une initiative sans plafond, propose ce soir un amendement à 1,5 million...

Tout cela ne relève donc pas de grands débats idéologiques, mais de marchandages discutables. A mon sens, il serait plus juste que les uns et les autres, dans ce parlement, nous défendions clairement nos idées et qu'une majorité se dégage sur celles-ci. Quant aux nôtres, elles sont claires: nous disons que nous avons mieux à faire avec ces montants, du point de vue du ménage de la collectivité, en termes de logements, en termes d'autres tâches sociales peut-être, en termes même de remboursement de la dette, voire en termes de subventions: puisqu'on pleurniche sur les locataires qui n'entretiendraient pas leur logement, donnons-leur ces 25 millions ! En l'occurrence, il y a mieux à faire avec ces millions que de les distribuer à des gens qui ont les moyens de se payer des immeubles jusqu'à 2 millions. A notre avis, ce n'est pas la politique que ce canton doit mener et nous nous opposons donc à ces propositions.

Mais je dois dire que ce souk, je le répète, me laisse un arrière-goût désagréable. En fait, on assiste ici à des négociations, chacun faisant de la sous-enchère pour rendre un peu plus acceptable une initiative qui ne l'est probablement pas pour la population. De ces marchandages successifs, de ces tentatives d'aller vers un consensus ou un pseudo-consensus, je crois qu'on doit surtout retenir la conscience profonde qu'ont les initiants, qui sont derrière le contre-projet...

Le président. Il vous reste trente secondes, Monsieur...

M. Pierre Vanek. ...la conscience profonde du fait que ce contre-projet ne répond pas à l'attente de la majorité de la population, et qu'ils courent de gros risques d'échec en votation populaire. J'ai terminé, Monsieur le président, merci !

Le président. Je vous en prie, merci à vous ! Nous devons donner l'exemple à une petite famille, celle de notre collègue Alain Meylan, qui est à la tribune du public: Anne, Quentin et ses deux soeurs ! (Applaudissements.)

M. Mark Muller (L). Le groupe libéral soutiendra le contre-projet issu de la commission fiscale. Nous considérons qu'il présente un certain nombre d'avantages par rapport à l'initiative, en particulier le fait qu'il cible mieux le résultat attendu de la réduction des droits d'enregistrement. Je prendrai quatre exemples, brièvement, pour illustrer cela. Premièrement, toutes les transactions jusqu'à un prix d'acquisition de 500 000 F se verraient en réalité complètement exonérées des droits d'enregistrement. Pour l'acquisition d'un objet à 1 million, la réduction des droits de 15 000 F représente une réduction de moitié, c'est-à-dire que cela correspond exactement à ce que demande l'IN 115 Casatax. Enfin, toute une série de transactions portant sur des objets qu'on peut qualifier de luxueux sont exclues du champ de l'aide qui est là octroyée. Dans cette mesure, le contre-projet est un bon projet et nous le soutiendrons.

Quelques remarques maintenant. Nous contestons absolument l'argument de l'Alliance de gauche - et des socialistes, dont je regrette la position - qui consiste à opposer une politique sociale du logement à une politique visant à favoriser l'accession à la propriété. Nous considérons que favoriser l'accession à la propriété fait partie d'une politique sociale du logement, dans la mesure où une grande partie de la population aspire à devenir propriétaire, voire rêve de devenir propriétaire. Dans cette mesure-là, au sens premier du terme «social», le contre-projet répond donc à certaines aspirations importantes de la société.

Il est vrai que Casatax à elle seule, ou son contre-projet, ne permettra pas à toutes les personnes qui souhaitent devenir propriétaires de réaliser leur rêve, nous en sommes conscients. Mais, si une partie de celles-ci pouvaient devenir propriétaires grâce à ce coup de pouce de 15 000 F, nous en serions heureux et le but serait atteint.

Un mot sur les incidences fiscales de ce contre-projet. En commission, nous sommes partis du principe qu'il fallait essayer, s'agissant de la réduction des recettes fiscales, de respecter une enveloppe de 20 millions. Aujourd'hui, on articule d'autres chiffres; des faits nouveaux sont, semble-t-il, apparus et nous en serions à 24 millions de recettes fiscales en moins. Admettons ! Nous n'avons pas vraiment les moyens de vérifier, mais nous croyons le département des finances sur parole. Cela dit, un élément important manque dans ces estimations: ce sont les retombées favorables pour l'économie, et donc pour les recettes fiscales, d'un abaissement des droits d'enregistrement. Il ne faut pas oublier que le but est d'augmenter le nombre de propriétaires et donc d'augmenter le nombre de transactions. Or, qui dit augmentation du nombre de transactions dit augmentation du volume des droits d'enregistrement perçus. Et de cela, à aucun moment il n'en est tenu compte dans les calculs du département des finances. C'est là une lacune sur laquelle je ne veux pas m'étendre mais qui est réelle.

Autre incidence positive pour l'économie, qui a été montrée dans un certain nombre d'études dont le résumé figure dans le rapport, c'est que le développement de l'accession à la propriété favorise le développement d'un grand nombre d'activités économiques et, partant, des retombées fiscales, notamment en termes de TVA. Il est vrai que c'est une taxe fédérale mais dont, je crois, la collectivité en général profite.

Deux mots enfin sur l'amendement du groupe des Verts, qui proposent de réduire le plafond de 2 à 1 million. Le groupe libéral n'approuvera pas cet amendement, mais en proposera un autre. M. Vanek, qui n'en est pas à un manque d'éthique près, m'a brûlé la politesse, puisqu'il a déjà annoncé la teneur de notre amendement: nous proposons d'abaisser le plafond à 1,5 million. Quelques explications sur cet amendement...

Le président. Il vous reste une minute, Monsieur Muller...

M. Mark Muller. Je ferai vite, Monsieur le président. Tout d'abord, nous souhaitons essayer de rester dans l'enveloppe globale des 20 millions et, en réduisant le plafond à 1,5 million, nous y parvenons. Par ailleurs, nous voulons éviter la pratique des dessous de table. C'est le grand problème, vous en êtes conscients, nous l'avons dit dans le rapport: l'introduction d'un plafond est susceptible de favoriser une pratique détestable qui est celle des dessous de table et, en fixant un plafond trop bas, nous encouragerions ce type de pratique. En fixant le plafond à 1,5 million, nous pensons pouvoir prévenir le développement de ce phénomène.

C'est pour ces raisons, pour véritablement démocratiser l'accession à la propriété et cibler les effets du contre-projet sur les acquisitions relativement modestes, que je vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter notre amendement.

M. Carlo Sommaruga (S). J'avoue que je suis surpris d'entendre M. Muller parler de politique sociale du logement dans des termes aussi particuliers: il nous parle en effet de réduction des droits d'enregistrement pour des logements qui coûtent 1,5 million... Cela dit, on peut concevoir, dans une politique sociale du logement, des logements de type différent, voire de statut différent, mais naturellement une politique sociale du logement vise à répondre aux besoins les plus urgents de la population. Je rejoins tout à fait M. Hiler quand il parle d'un taux souhaitable de 30 à 35%, s'agissant des logements détenus par des institutions de droit public, voire d'intérêt public, avec, à côté de cela, une partie de logements qui peuvent être en loyers libres, voire en propriété. Mais, actuellement, on est loin du taux de 30% de logements en mains d'institutions de droit public, voire à but d'utilité publique, même si on y intègre les coopératives. En fait, on assiste aujourd'hui à une érosion du parc des logements subventionnés, qui a passé en vingt ans de 25% à 11% environ. Le processus en cours est celui d'une érosion du parc des logements sociaux.

Il faut aussi rappeler qu'il y a environ onze ans le Grand Conseil avait voté une loi pour un plan d'urgence de 3000 HBM. Le délai qui avait été fixé par le Grand Conseil à l'époque est passé et ce plan d'urgence n'est pas encore réalisé. Dès lors, la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir, dans le cadre d'une politique sociale du logement, où mettre les priorités. Les priorités, à notre sens, doivent aller à la construction de HBM, au logement subventionné, et également au développement des coopératives. En réduisant les droits d'enregistrement, on enlève à l'Etat des moyens importants dans le cadre de la politique du logement social, pour le versement d'allocations logement, pour le versement de subventions à l'exploitation... Je trouve même incroyable que l'on prône la gratuité des droits d'enregistrement pour des aspirants propriétaires, alors que les locataires doivent payer le droit de timbre, même s'il est dérisoire, lors de l'établissement de leur bail !

Lorsqu'on trouve peu compréhensible que les socialistes ne se rallient pas à un accord général sur le contre-projet et qu'on appelle à la rescousse Mme Calmy-Rey, je réponds qu'il faut distinguer deux choses. Le rôle de Mme Calmy-Rey, qui est la grande argentière de cette République, est d'examiner, en tant que responsable de l'exécutif, quelles sont les marges de manoeuvre au niveau de la gestion des finances de ce canton. Le parti socialiste, lui, défend des priorités politiques, notamment vis-à-vis des gens qui ont le moins de ressources dans ce canton. Et, dans ce cadre-là, il soutient entre autres le logement.

Par ailleurs, je ne peux pas laisser sans commentaires le fait que ce contre-projet ne répond pas aux objectifs...

Le président. Un instant, s'il vous plaît... Monsieur Weiss, vous ne pouvez pas rester à la tribune, merci !

M. Carlo Sommaruga. Je disais que ce projet de loi vise théoriquement, selon le voeu des initiants, à démocratiser l'accession à la propriété: en l'occurrence, on ne peut pas parler de démocratisation lorsqu'on parle de plafonds de 2 millions. L'objectif du projet de loi devrait être en principe de favoriser des personnes qui sont aujourd'hui locataires, mais la loi est rédigée de telle manière que le propriétaire d'un appartement valant, par hypothèse, 600 000 ou 700 000 F, bénéficiera également de cette réduction s'il décide d'acheter ultérieurement une villa à 2 millions ! Il faut donc être clair: la loi ne répond pas à l'objectif de démocratiser l'accession à la propriété.

Je tiens aussi à réagir aux propos de M. Mark Muller, qui nous dit que l'accession à la propriété va générer des revenus, un développement du marché du travail, des ressources supplémentaires... En l'occurrence, de deux choses l'une: ou l'on vise à favoriser l'accession à des villas ou des appartements nouveaux, ou l'accession à des villas, voire des appartements existants. Dans le cas d'achat de biens immobiliers existants, il n'y aura pas de travaux particuliers et importants qui vont être générés. Lorsqu'on évoque, dans le rapport, un montant de 400 000 F généré par l'accession à la propriété, on parle de nouveaux objets, et non d'anciens objets.

Par ailleurs, en ce qui concerne les anciens objets, le marché visé est en fait celui où habitent actuellement des locataires. A cet égard, il aurait été opportun de prévoir un droit d'emption des locataires, mais les milieux immobiliers le refusent: pour eux, ce n'est pas au locataire de décider, c'est le propriétaire qui doit décider. En fait, on favorise, à terme, les congés notifiés aux locataires pour la vente des appartements. C'est à nouveau les locataires qui en pâtiront. Dans ce sens, le projet de loi, valant contre-projet tel qu'il se présente, ne répond pas du tout aux préoccupations d'une politique sociale du logement.

Le président. Mesdames et Messieurs, il est temps d'interrompre nos travaux. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants en premier débat, il en reste encore sept...

Mise aux voix, cette proposition est adoptée.